Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 23 - Témoignages du 26 septembre 2012
SASKATOON, le mercredi 26 septembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 14 afin d'examiner, pour en faire rapport, la reconnaissance juridique et politique de l'identité des Métis au Canada.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public qui assistent à cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, que ce soit sur place, sur CPAC ou peut-être sur le web.
Je m'appelle Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, président du comité. Je suis né et j'ai grandi en Colombie-Britannique, et je me trouve maintenant en Terre promise.
C'est avec grand plaisir que nous entamons une série de séances qui, dans notre recherche des faits, nous mène hors d'Ottawa pour rencontrer des Canadiens du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest. Nous voyageons dans le cadre d'une étude sur l'identité des Métis. Nous sommes fort impressionnés par la participation de la communauté métisse, et nous vous remercions des efforts que vous avez déployés pour témoigner devant nous aujourd'hui.
Notre mandat consiste à examiner les lois et les questions qui touchent les peuples autochtones du Canada de façon générale. Aujourd'hui, nous continuerons d'examiner les questions relatives aux Métis, particulièrement celles ayant un lien avec l'évolution de la reconnaissance juridique et politique de leur identité collective et de leurs droits au Canada.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont présents aujourd'hui.
À ma droite, la vice-présidente, qui vient de la Saskatchewan, sénateur Lillian Dyck. Tout juste à côté, de la province de la Colombie-Britannique, sénateur Nancy Greene Raine. À ma gauche, le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.
[Traduction]
Avant de poursuivre, nous devons régler une question de procédure. Une motion doit être proposée pour autoriser les journalistes à filmer une vidéo dans la pièce.
Le sénateur Dyck : Je propose la motion.
Le président : Le sénateur Dyck propose la motion, avec l'appui du sénateur Sibbeston.
Tous ceux qui sont pour? Est-ce que quelqu'un est contre? Personne.
La motion est adoptée à l'unanimité.
Mesdames et messieurs, notre premier groupe de témoins nous vient de Métis Nation Saskatchewan. Nous accueillons Robert Doucette, président, qui est accompagné de Gerald Morin, vice-président, et de Louis Gardiner, trésorier.
Messieurs, nous sommes impatients d'entendre votre exposé, qui sera certainement suivi de plusieurs questions des sénateurs. J'espère que vous êtes prêts à y répondre de bonne grâce.
Robert Doucette, président, Métis Nation Saskatchewan : Bonjour, Mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous permettre de témoigner ce matin dans le cadre de cette très importante étude.
Avant de commencer, j'aimerais remercier, comme je le fais chaque jour, ma conjointe et ma famille de m'avoir soutenu toutes ces années dans nos démarches. Sans elles, vous savez, la vie est un peu plus difficile à vivre.
J'aimerais également rendre grâce au Créateur de nous avoir donné cette magnifique journée et cette occasion d'exposer notre point de vue dans le cadre d'une discussion saine et positive, dans l'espoir de vous communiquer de nouveaux renseignements qui vous aideront à résoudre les questions qui touchent actuellement les Métis à l'échelle du Canada.
Pour rester bref, je précise également que nos témoignages font suite aux échanges que nous avons eus à Batoche. Je crois avoir parlé longuement à Batoche et j'en ai déjà beaucoup dit.
Je veux donner à mes frères récemment élus et réélus la chance de prendre la parole. À ma gauche se trouve Gerald Morin, vice-président, que vous êtes nombreux à connaître. Il s'occupe depuis longtemps des questions relatives aux Métis et est, depuis de nombreuses années, un excellent chef pour le peuple métis.
J'ai à ma droite Louis Gardiner, trésorier, qui vient d'être réélu.
Louis Gardiner, trésorier, Métis Nation Saskatchewan : Eh bien, j'assurais l'intérim.
M. Doucette : D'accord, par intérim.
Nous allons chacun prendre la parole pour parler de certaines de nos préoccupations et ensuite nous répondrons à vos questions.
À l'heure actuelle, le peuple métis est confronté à de nombreuses difficultés au Canada. La toute première, c'est que nous sommes un peuple sans terre. Bien que nous soyons reconnus en vertu de l'article 35 de la Constitution canadienne, il n'existe aucune disposition fédérale qui permet de régler ce problème.
Aucun processus n'est prévu pour traiter des questions spécifiques ou générales touchant aux terres des Métis. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de terres qui ont été réservées au peuple métis. Dans les années 1940, le gouvernement de l'Alberta a réservé des établissements à l'usage exclusif du peuple métis, et si je ne m'abuse, huit établissements métis existent toujours. À la même époque, la Saskatchewan avait mis de côté des terres en vertu d'un décret pour l'usage exclusif du peuple métis.
À titre d'exemple, à l'est de Prince Albert, il y avait un établissement de Métis appelé Glen Mary qui leur avait été réservé exclusivement. Des familles métisses comme les Umperville, les Dechambeau et les Carrier y vivaient et avaient signé des baux de 99 années. C'était en 1944.
À l'ouest de Saskatoon, à quelque 60 ou 70 kilomètres d'ici, il y a Willowfield, Île-à-la-Crosse, Cumberland House, les fermes métisses de Lebret et Mortlach. Le défunt président de votre comité est né à Mortlach. Je ne me souviens pas de son nom, mais il a participé à l'organisation des Olympiques en 2010 avant qu'il ne décède.
Le sénateur Raine : Jack Poole.
M. Doucette : Oui, il est né à Mortlach, en Saskatchewan. Il y a également Green Lake. Ainsi, de 1940 à 1944, la province de la Saskatchewan avait réservé une douzaine de cantons à l'usage exclusif des Métis. Le décret n'a jamais été abrogé et on peut toujours le consulter. Et pourtant, les baux de 99 ans signés par le peuple métis ne sont pas respectés de nos jours. Il faut régler le problème, car sans terre, comment peut-on créer de la richesse?
Le problème découle essentiellement du processus de certificats de concessions pour les Métis : on a offert au peuple métis de l'argent ou des terres. Ma famille, mes ancêtres n'ont pas profité des avantages liés aux certificats donnés aux Métis. Lorsqu'ils ont signé les certificats et les déclarations sous serment en 1906, ils sont devenus un peuple autochtone sans titre ni droits.
Bon nombre des problèmes connus aujourd'hui découlent de ce processus, par opposition aux traités prévoyant que des terres seraient réservées à l'usage collectif des Premières nations. Il n'y a pas eu de disposition semblable pour le peuple métis. Par conséquent, nous sommes réellement un peuple sans terre, sans droits, ou bien des droits qui ne sont pas reconnus par les deux niveaux de gouvernement lorsqu'il s'agit de certains enjeux, notamment les terres. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas aujourd'hui des lois et des accords qui pourraient nous aider à régler bon nombre de ces problèmes.
Parmi les textes que je vous ai remis aujourd'hui, vous trouverez la Loi sur les Métis de 2001. C'est une loi provinciale. Elle prévoit une démarche pour la nation métisse de la Saskatchewan et la province de la Saskatchewan. Cette loi est unique au Canada. Nous avons hâte de rencontrer les représentants de la province de la Saskatchewan, le premier ministre et les ministres, afin de parler de l'application de cette loi et des façons de la faire respecter.
Cette loi pourrait vraiment aider le peuple métis de la Saskatchewan. Comme je l'ai dit lors d'une audience sénatoriale, il est peut-être temps de faire adopter une loi fédérale sur les Métis. Il est peut-être temps d'élaborer un processus sérieux qui établit les rôles et les responsabilités de chacun.
M. Morin, notre vice-président, vous parlera du protocole bilatéral signé par le Ralliement national des Métis et le ministre de... eh bien, ce ne sont plus les Affaires indiennes.
Le sénateur Dyck : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada.
M. Doucette : Oui. À l'époque, c'était Chuck Strahl.
Affaires autochtones? Pour moi, c'est le AINC, Affaires indiennes et du Nord Canada.
L'opportunité se présente maintenant. Il y a des dirigeants métis qui sont prêts à s'asseoir à la table et à travailler sur les accords et les processus qui bénéficieront à tous les Métis et Canadiens de toutes les provinces de notre beau pays.
Je vous ai également remis une copie de The Beaver, datée de 1944. On y fait référence à une lettre écrite par James Sutherland à la Compagnie de la Baie d'Hudson. Cette lettre atteste le statut de nation du peuple métis. Il décrit la présentation du drapeau des Métis en septembre 1815 à Fort Qu'Appelle. C'est un drapeau rouge.
Je cite :
L'autre compagnie était constituée de Bois-Brûlés [Métis] dirigés par Cuthbert Grant, un Bois-Brûlé qui avait régulièrement fréquenté des écoles au Canada, qui avait occupé le poste de clerc pendant plusieurs années et continue de le faire à la Compagnie du Nord-Ouest. Cette tribu avait un autre drapeau qui représentait je ne sais quelle nation. Le drapeau est rouge avec un huit couché en plein milieu et on dit que c'est un cadeau de la Compagnie du Nord-Ouest.
Le croyez-vous?
Le drapeau canadien n'a pas vu le jour avant 1867. En 2015, le drapeau de la nation métisse, le drapeau du peuple métis, fêtera son 200e anniversaire. C'est l'un des plus vieux drapeaux du Canada, voire du continent. Je crois qu'un seul drapeau existe depuis plus longtemps, et c'est le drapeau américain qui remonte à 1776. Je ne crois pas qu'il y ait un autre drapeau qui soit propre au continent. Vous avez bien sûr la fleur de lis de la France et le Union Jack britannique, mais ce sont des drapeaux européens.
Là où je veux en venir, c'est que le peuple métis constitue une nation depuis plus de 200 ans et se reconnaît entièrement comme tel. Je crois que nous avons maintenant la possibilité d'aborder nos problèmes d'une façon saine et positive. C'est la raison pour laquelle nous remercions le Sénat de tenir ces audiences à divers endroits au Canada pour écouter le peuple métis. J'espère que vous nous poserez de nombreuses questions sur nos droits, sur les questions liées aux terres, et sur bien d'autres sujets que j'ai déjà abordés à Batoche avec vous.
Sur ce, je céderai la parole à notre vice-président, M. Morin.
Gerald Morin, vice-président, Métis Nation Saskatchewan : Mesdames et messieurs, je vous remercie d'être venus à Saskatoon et de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour parler de l'identité métisse et de questions qui concernent les Métis. J'ai déjà rencontré certains des sénateurs ici présents lorsque j'œuvrais sur la scène politique métisse. Je ne sais pas si c'est la quatrième, la cinquième ou même la sixième fois que je vous vois, mais nous avons eu d'excellentes discussions au fil des ans, et je vous remercie d'être venus. Je ne sais pas trop par où commencer vu le peu de temps dont nous disposons.
Nous avons bien discuté avec certains des sénateurs dans le restaurant ce matin, et je vous en remercie. Pour ma part, en tout cas, les discussions m'ont réveillé et ont aiguisé ma pensée.
Ce que j'aimerais vous dire, c'est que malgré tout ce qui a été dit au fil des ans et tout ce qui est arrivé en ce qui concerne les Métis et leur engagement vis-à-vis du gouvernement fédéral pour faire reconnaître notre statut de peuple distinct et nos droits, la situation actuelle de la nation métisse est malheureusement triste et accablante.
Je me suis retiré de la scène politique pendant 10 ans et j'ai eu amplement le temps de réfléchir. Bien franchement, notre situation actuelle, si j'arrive à la décrire dans le peu de temps qui m'est alloué, c'est la situation d'un peuple qui, à mon avis, connaît le plus de discrimination au Canada, et qui se range parmi les peuples les plus brimés du monde en raison de la discrimination endémique et historique dont il a fait l'objet.
Aujourd'hui, alors que nous sommes réunis ici à Saskatoon, la nation métisse est un peuple sans terre. Nous ne pouvons même pas nous prévaloir d'un processus de négociation. Nous n'avons aucune place à la table. Le gouvernement du Canada, de par ses politiques, ses lois, ses actions ou l'absence de celles-ci, a historiquement nié l'existence de notre peuple et, par conséquent, n'a pas négocié de bonne foi sur la question du respect de nos droits. Voilà notre situation actuelle. Nous sommes un peuple sans terre qui vit dans la pauvreté. Nous ne disposons même pas d'un processus de revendication territoriale pour négocier afin de rétablir nos droits sur les terres et les ressources au Canada.
Le seul recours dont nous disposons, c'est malheureusement les tribunaux, recours dont s'est prévalu notre peuple de temps en temps. Nous ne sommes pas en mesure de négocier des accords d'autonomie pour nos collectivités. Sur les milliards et milliards de dollars dont disposent les programmes et services fédéraux pour les peuples autochtones, nous n'avons que des miettes.
Cette discrimination historique et endémique de la part du gouvernement du Canada doit s'arrêter.
L'interprétation traditionnelle de l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867, laquelle décrit la responsabilité et le rôle du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux Indiens et aux terres qui leur sont réservées, indique que le gouvernement a une responsabilité et peut traiter avec les Indiens inscrits, surtout ceux des réserves. Les Métis ont été bafoués. Le gouvernement a tourné le dos aux Indiens non inscrits, des gens qui sont des Indiens à tous les égards sauf un mais qui ne sont pas reconnus comme tels par le gouvernement fédéral.
Voilà notre situation actuelle. On constate toujours que le gouvernement du Canada et les provinces nient l'existence de notre peuple et, par conséquent, refusent de négocier l'application de nos droits.
Les recours en justice, notamment la décision de la Cour suprême du Canada sur l'affaire Powley, ont permis de faire reconnaître notre peuple. Les juges devancent les décideurs politiques : ils ont reconnu nos droits et dans cette affaire, ils ont confirmé nos droits de chasse dans la région de Sault Ste. Marie. La Manitoba Metis Federation a plaidé sa cause devant la Cour suprême du Canada et nous attendons maintenant la décision.
Le Congrès des Peuples Autochtones a porté l'affaire Daniels, feu Harry Daniels — un très bon ami à moi, probablement un ami à vous aussi —, devant la Cour fédérale du Canada, où il a plaidé que le gouvernement fédéral est responsable des Métis et des Indiens non inscrits en vertu de l'article 91.24. C'est ce qu'il a plaidé, et nous attendons la décision.
Nous avons lancé une affaire type au nom de la nation métisse dans le nord-ouest de la Saskatchewan, l'affaire Morin contre le gouvernement du Canada et la Saskatchewan. Malheureusement, elle n'a pas encore été portée devant le tribunal, mais nous espérons faire des progrès sur ce plan dans l'avenir.
Pour conclure, j'aimerais dire qu'en tant que chef métis nouvellement réélu de la Métis Nation Saskatchewan, dans l'Ouest canadien, j'espère certainement que les excuses présentées il y a quelques années par le premier ministre et le gouvernement fédéral à tous les peuples autochtones du Canada, y compris les Métis, et leur désir de réconciliation étaient sincères. Je félicite le gouvernement du Canada d'avoir enfin adopté et ratifié la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Ces deux initiatives, ainsi que les sentiments et les déclarations qui les entourent, me donnent espoir que, malgré notre situation lamentable, que je viens de vous décrire, le gouvernement du Canada continuera à aller de l'avant; qu'il se préoccupera de notre nation; qu'il reconnaîtra que nous sommes un peuple, une nation, et que nous avons des droits; et qu'il mettra en place les processus nécessaires pour que nous négociions de bonne foi l'établissement de nos droits, que ce soit par rapport aux terres, à l'autonomie gouvernementale ou à quoi que ce soit.
Merci beaucoup du temps que vous m'avez accordé.
Le président : Merci, monsieur Morin.
Je donne maintenant la parole à M. Gardiner.
M. Gardiner : Bonjour à tous. J'aimerais accueillir le comité sénatorial en Saskatchewan dans ma langue, le michif.
[M. Morin s'exprime en michif.]
Je viens de souhaiter la bienvenue à tous au nom des Métis de la Saskatchewan et d'expliquer que vous êtes ici aujourd'hui pour échanger avec nous. Je ne vais pas répéter ce que mes collègues viennent de dire, mais en ma qualité de trésorier, je vais vous parler un peu de l'aspect financier.
Par rapport à notre gouvernance, les élections à la Métis Nation Saskatchewan — MNS — se sont terminées il y a deux semaines. Voici notre structure : 4 dirigeants sont élus à l'échelle provinciale et un directeur régional est élu dans chacune des 12 régions de la province. Les collectivités métisses comptent quelque 120 associations locales.
Nous estimons qu'il y a environ 80 000 Métis en Saskatchewan.
L'article 35 reconnaît nos droits autochtones — les Premières nations, les Inuits et les Métis. Toutefois, notre plus grand défi aujourd'hui touche la capacité de gouvernance. Nous recevons seulement du financement de base pour les quatre postes de dirigeants. À mon avis, si nous voulons diriger notre nation de façon à ce que nous sentions que nous sommes une nation, le gouvernement doit se pencher sur la capacité de gouvernance.
Selon moi, pour faire avancer la nation et pour qu'elle touche du financement équitable et équivalent à celui de nos collègues — les Premières nations et les Inuits —, nous devons absolument examiner la capacité de gouvernance.
J'aimerais aussi ajouter — détail très important — que les Métis sont des contribuables.
Je pense que vous vous rendez à l'Île-à-la-Crosse demain. C'est mon village natal, une collectivité métisse fière fondée en 1776; Cumberland House est le plus vieux village de l'Ouest canadien.
Les parents de Louis Riel sont nés à l'Île-à-la-Crosse et sa sœur est enterrée là. L'histoire de la collectivité touche toute la Saskatchewan, et nous en sommes très fiers.
Certains membres affiliés de MNS s'adresseront à vous : MFCJS — j'utilise l'acronyme — et le Gabriel Dumont Institute.
En ce qui concerne la capacité de gouvernance, je tiens à répéter que le gouvernement du Canada doit se pencher sur le financement de base dont nous avons besoin. Nous recevons aussi du financement de projets, mais c'est pour des projets.
En gros, quatre personnes ne suffisent pas pour diriger une province de 80 000 Métis. C'est impossible. Nous ne pouvons pas y arriver.
Je vais conclure là-dessus. Merci.
Le président : Merci, messieurs, de vos déclarations.
Monsieur Doucette, vous avez parlé de divers établissements et de baux de 99 ans qui ont été passés et signés par des Métis. Où en êtes-vous dans ce dossier? Contestez-vous? Essayez-vous de réamorcer les discussions? Est-ce que des Métis habitent toujours les terres touchées par les baux de 99 ans? Les terres appartiennent-elles à la Couronne ou ont- elles été vendues à des non-Autochtones?
M. Doucette : Merci de la question, sénateur St. Germain. À titre d'exemple, les fermes métisses de Cumberland House et d'Île-à-la-Crosse ont été rendues aux municipalités. À Glen Mary, le décret a été révoqué en 1974; on a donc enlevé les terres aux Métis. Par la suite, ils ont été dispersés principalement à Cumberland House et à Prince Albert.
Le président : Avec compensation?
M. Doucette : Sans compensation.
La ferme métisse Lebret existe toujours, mais à cause d'une de nos difficultés, la capacité, elle est maintenant endettée. Nous devons régler ce problème. Le décret de Mortlach a été révoqué.
Pour les villages d'Île-à-la-Crosse et de Green Lake, une poursuite en justice a été initiée il y a quelque temps. La collectivité est toujours principalement métisse.
Le décret passé en 1944, je crois, n'a jamais été révoqué. À notre connaissance, les baux de 99 ans signés par ma famille et la famille du vice-président Morin sont toujours en vigueur.
Permettez-moi de vous donner d'autres exemples de difficultés que les Métis connaissent en matière de territoire. Le champ de bombardement de Primrose Lake a été créé en 1950 au moyen d'une entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement provincial. Les terres ont été consacrées à la pratique du bombardement et du mitraillage. Ma famille, les McKay, les Cumming et nombre d'autres familles ont été expulsées du champ de bombardement et n'ont jamais reçu de compensation.
Les Premières nations ont reçu une compensation. Les Premières nations de Canoe Lake et de Waterhen, je crois, et même des non-Autochtones ont été dédommagés. Or, ma famille et surtout les McKay n'ont jamais rien reçu.
Ces gens faisaient du piégeage, de la chasse et de la cueillette le long de la rivière McCusker, qui fait maintenant partie du champ de bombardement; ils ont été chassés du champ de bombardement et placés sur le territoire de piégeage d'autres. Imaginez les dures épreuves ainsi causées, non seulement pour les McKay, mais aussi pour les gens qui exploitaient déjà les territoires de piégeage. Ce problème persiste. Je sais que le champ de bombardement de Primrose Lake a donné lieu à de nombreuses affaires judiciaires.
Une entente a même été conclue avec le gouvernement fédéral pour un règlement axé sur le développement économique qui s'élevait à 19 millions de dollars, je crois. La question de la compensation des Métis qui ont été chassés du champ de bombardement n'a toujours pas été réglée.
En fait, nous travaillons avec le gouvernement provincial, pour vous donner un exemple, dans le cadre des négociations visant la cueillette, pour identifier les collectivités métisses de toute la province. Notre position, c'est que l'ensemble de la Saskatchewan est un territoire métis. En effet, il y a des Métis dans tous les coins de la province; nous sommes ici depuis que le pays a été ouvert au développement.
Je vous ai donné un exemple ce matin de la reconnaissance de notre nation : le drapeau métis rouge, adopté en 1815. Il y a beaucoup de conflits liés au territoire. On a tenté d'en résoudre quelques-uns, mais parce que les terres relevaient des provinces, les assemblées législatives pouvaient passer des décrets et expulser les gens. La seule province qui a réservé des terres aux Métis, c'est l'Alberta. En fait, la loi provinciale sur les Métis de 2001 contient une disposition qui oblige la Saskatchewan à discuter tout de suite avec Métis Nation - Saskatchewan de la question du territoire.
Une autre mesure législative fédérale qui a eu d'énormes répercussions sur les Métis et qui a contribué à nous enlever nos terres, c'est la Convention sur le transfert des ressources naturelles de 1930. Elle a redonné la compétence en matière de terres et de ressources à la province. Je sais que c'est aussi un dossier très important pour les Premières nations. J'ai fait des recherches à ce sujet; j'ai examiné les déclarations faites dans le cadre des consultations comme celles-ci menées à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Les Métis et les Premières nations n'ont pas été consultés.
Aujourd'hui, en 2012, nous nous retrouvons dans une situation semblable avec le projet de loi C-38, je pense, le projet de loi omnibus qui vient d'être présenté au Parlement. L'ARAP contrôle 60 pâturages communautaires. Au cours des cinq prochaines années, elle va céder plus d'un million d'acres de terres du centre et du sud de la Saskatchewan. Notre position, c'est que le gouvernement est obligé de mener des consultations et qu'il devrait discuter avec Métis Nation Saskatchewan et les Métis de la Saskatchewan de la façon dont il compte diviser les terres et répondre à nos besoins pour que les Métis deviennent des propriétaires fonciers.
Pour vous donner un exemple de la raison pour laquelle je crois que cela devrait nous appartenir, à environ 40 km au sud de Saskatoon se trouve un vieil établissement métis appelé Round Prairie. Cet établissement a été fondé dans les années 1840. En fait, beaucoup d'explorateurs qui se sont perdus dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'Ouest canadien sont tombés sur cet endroit. Selon la tradition métisse, nous les avons aidés. Nous les avons nourris, nous les avons vêtus, nous leur avons fourni des guides et nous les avons remis sur leur chemin. Le vieil établissement se trouve toujours sur le lot de l'ARAP. C'est un cimetière, mais c'est plus que cela. C'est un symbole, un point d'intérêt pour les Métis. Les routes empruntées par les charrettes de la rivière Rouge traversent toute la Saskatchewan; il y a des vieux établissements et des cimetières métis dans les pâturages communautaires.
Je vous demande aujourd'hui, mesdames et messieurs les sénateurs, de parler à vos collègues à Ottawa. Nous avons eu une rencontre au sujet de Round Prairie avec les représentants du ministère de la Justice et de l'ARAP. Nous leur avons demandé de redonner l'établissement métis de Round Prairie à la nation métisse de la Saskatchewan pour qu'elle le conserve et le protège au nom des Métis qui habitent maintenant Saskatoon, les Caron, les Trottier, les Ouelette, les Dumont. Ils sont tous parents avec des gens qui sont liés à ce territoire.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demande de parler à vos collègues d'Ottawa pour leur rappeler qu'ils ont l'obligation de consulter les personnes touchées par ces questions.
Il y a un risque que l'histoire de la Convention sur le transfert des ressources naturelles de 1930 se répète si vous ne menez pas de consultations sur le dessaisissement de plus d'un million d'acres de terres dans le centre et le sud de la Saskatchewan.
Le sénateur Dyck : Je vous remercie de vos exposés de ce matin, messieurs. C'était très bien. Mes questions portent sur l'importance de la terre.
Monsieur Doucette, vous avez dit que les terres étaient nécessaires pour créer de la richesse. Vous avez aussi raconté comment vos terres vous ont été prises, vous avez dit qu'on devrait vous les redonner, à tout le moins en partie, et qu'il n'y avait pas de processus de consultation. Quelle forme ces consultations devraient-elles prendre selon vous? Si on vous donnait ces terres — vous avez dit que les Premières nations possédaient des terres collectivement... Supposons que ces terres soient remises à la nation métisse, le titre de propriété serait-il collectif, familial ou individuel? Comment voyez-vous la chose?
M. Doucette : Puis-je demander à mes collègues de s'exprimer à ce sujet eux aussi?
Le sénateur Dyck : Bien sûr.
M. Doucette : Nous pourrions tous dire quelques mots. Je vais céder la parole à M. Morin, vice-président, et à M. Gardiner, trésorier.
Le président : Monsieur Doucette, j'aimerais qu'on vous pose d'autres questions.
M. Doucette : Nous serons brefs.
M. Morin : La nation métisse, si je puis dire, n'a pas vraiment de moyen d'utiliser les terres en ce moment, nous ne possédons pas de terres. Nous aimerions participer à des négociations avec le gouvernement fédéral et les provinces concernées de l'Ouest du Canada, afin de créer un mécanisme de revendications territoriales exclusivement pour les Métis. Par des négociations de bonne foi, nous pourrions déterminer quelles terres nous voulons. Je crois que cela nous permettrait de négocier un accord qui comprendrait des terres réservées aux Métis.
Il y a des terres auxquelles nous n'aurions pas accès parce qu'elles ont été utilisées depuis. Il y aurait aussi des mesures d'indemnisation pour les terres perdues. Cette façon de faire nous permettrait de récupérer des terres. Nous aurions aussi de l'argent pour acquérir d'autres terres si nous le voulions ou pour investir dans le développement économique.
J'aimerais souligner, parce que notre président, M. Doucette, en a parlé dans sa déclaration préliminaire, qu'en 2008, le Ralliement national des Métis, dont nous faisons partie, Métis Nation - Saskatchewan et les cinq organisations métisses des provinces de l'Ouest ont signé un protocole d'entente avec le gouvernement du Canada. Je pense que c'était Chuck Strahl qui était là à l'époque. Ce protocole d'entente dresse une longue liste de sujets dont nous aimerions parler à la table de négociation, mais il y est aussi question de discussions sur les terres et les droits d'exploitation des ressources.
On y envisage aussi un processus multilatéral qui permettrait, par exemple, au gouvernement du Canada et aux cinq gouvernements provinciaux de l'Ouest de négocier des droits avec la nation métisse, notamment pour les terres. C'est ce que nous aimerions voir se réaliser à l'avenir, je dirais.
M. Doucette : Nous posséderions les terres collectivement. Je vous donne un exemple d'excellente démarche dans les établissements métis : j'ai vécu dans l'établissement métis de Kikino, où les terres appartiennent collectivement au conseil d'établissement et sont protégées par la loi provinciale. Les personnes qui vivent sur ces terres en sont quasiment propriétaires, si l'on veut.
Leurs familles peuvent y vivre. Ils peuvent la transmettre à leurs descendants et ils peuvent y prospérer. Je vais vous dire juste une chose : l'affaire qui était devant les tribunaux de l'Alberta a été entendue pendant que je vivais là. Après mon départ, ils ont signé un règlement hors cour pour 300 millions de dollars et 1,25 million d'hectares de terre, si je ne me trompe pas.
Les gens vivaient dans la pauvreté quand j'étais là. Puis ils ont reçu toutes ces ressources supplémentaires. Maintenant, dans ces établissements, il y a des entreprises, des carrières de gravier, des troupeaux de bisons, du bois d'œuvre. La nation se développe.
Comme M. Morin, je pense qu'il y a deux possibilités : les terres ou une indemnisation en remplacement des terres, comme dans le processus de revendications territoriales par traité. La propriété des terres doit être définitive, parce que dès qu'on concède l'aliénation de terres à titre de propriété libre, on n'a plus de terres du tout. C'est ce qui arrive au peuple métis en ce moment. Nous n'avons pas de terres, pas d'immeubles, pas de reconnaissance.
Le sénateur Raine : J'aimerais changer de sujet et parler du système établi en Saskatchewan pour déterminer qui est Métis et pour s'inscrire au registre. Comment gérez-vous la situation? Êtes-vous d'accord avec la création d'un registre national pour les Métis ou devrait-il plutôt y avoir des registres différents dans différentes parties du Canada?
M. Gardiner : Depuis quelques années, nous recevons du financement fédéral par application de la décision Powley. Jusqu'à maintenant, je suppose qu'on peut dire qu'il y a un registre central, alors qu'avant, chaque association locale de Métis remettait des cartes à ses membres. Le mécanisme en place maintenant ressemble à celui des Premières nations. Chaque personne présente une demande, puis on consulte les statistiques de l'état civil, et les généalogistes font leurs recherches pour vérifier que chaque personne est bien d'origine autochtone. Je suppose qu'on peut dire que nous nous adaptons à ce processus.
Il y a un registre central dans notre province, et chaque personne doit présenter une demande au même endroit, au même bureau, alors qu'avant, il y avait 120 associations locales des Métis qui remettaient des cartes. Il n'y avait tout simplement pas de véritable reddition de comptes.
Depuis que nous avons reçu ces fonds (je pense que c'était en 2007), il y a environ 6 000 Métis qui ont demandé une carte. En fait, je pense que 2 200 Métis l'ont déjà reçue et qu'environ 4 000 ont présenté une demande qui est en traitement.
Il reste encore beaucoup à faire, mais je pense que nous commençons à nous rattraper. Je pense que les gens commencent à véritablement présenter des demandes pour obtenir leur carte de Métis.
Le président : Quand vous établissez l'identité des gens, les descendants doivent-ils venir du foyer national métis, qui englobe l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et certaines parties de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest? Est-ce que c'est de cette façon que l'identification doit se faire à votre avis ou est-ce plus ouvert?
M. Doucette : Je pense que c'est en 2001 que les administrations métisses ont adopté la définition selon laquelle il faut défendre son identité : il faut avoir un lien avec une communauté métisse reconnue historiquement, être accepté par l'une d'elles et ne pas faire partie d'une autre nation autochtone, inuite ou d'une Première nation. Comme nous le savons tous, ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera peut-être pas demain. Par exemple, le foyer national métis est actuellement — comment dire — reconnu par nous seuls. Il comprend les provinces que vous avez nommées, mais non les Territoires du Nord-Ouest, en fait, parce qu'ils ne correspondent pas au territoire défini par le Ralliement national des Métis. Il ne comprend que des parties des Territoires du Nord-Ouest et une partie des États-Unis.
Quand on examine l'histoire des peuples métis du Canada, comment peut-on nier l'existence de Métis au Québec ou même dans les deux Dakotas ou au Minnesota? Je sais que nous ne sommes pas là pour nous exprimer au nom des Métis des États-Unis, mais il y a des documents historiques qui prouvent qu'il y a eu des Métis jusqu'au Missouri. En fait, la personne qui dirigeait l'expédition Louis et Clark en 1804-1805 était Baptist Charbonneau, un Métis marié à Sacagawea. Le couple avait même un fils du nom de Pompey, imaginez-vous. Je ne sais pas pourquoi ils lui ont donné un nom pareil, mais c'est comme ça. Je vous raconte tout cela pour dire que l'identité est fondamentale, surtout quand on veut s'inscrire à des registres.
Autre fait historique, nous avons un livre au centre d'archives généalogiques de la nation métisse, un livre français qui porte sur l'établissement de communautés métisses le long de la Voie maritime du St-Laurent. Saviez-vous qu'ils appelaient la Voie maritime du St-Laurent « La Grand River de Metis »? Pourquoi le nom a-t-il changé, je ne le sais pas. Probablement pour la même raison qu'après la guerre, on a changé le nom de tous les lacs pour leur donner des noms de soldats revenus de la guerre. On voulait simplement reconnaître leur contribution. C'est ce que font les pays, je suppose.
Pour tout accord futur dont nous parlons ici concernant les programmes et les services liés à l'exploitation des ressources, il est absolument essentiel que les deux ordres de gouvernement sachent avec certitude qui ils représentent et avec qui ils négocient. Ces registres sont donc d'une importance fondamentale pour l'avenir du peuple métis dans le pays qu'on appelle le Canada et la province de la Saskatchewan. Devrait-il y avoir un registre national? Nous avons actuellement des discussions à l'interne sur la façon de tenir un registre national. Est-ce que c'est nécessaire d'en avoir un? Nous apprécions les ressources que nous recevons du gouvernement fédéral en ce moment dans le cadre des accords découlant du jugement Powley. Elles créent un partenariat et un processus qui seront à l'avantage de tous. M. Morin a parlé ce matin de l'affaire de la MMF et de l'affaire Daniels. Si les décisions rendues devaient être favorables aux Métis, elles changeraient tout ce qui entoure les relations avec les Métis au Canada, et il faudrait négocier de nouveaux accords pour en tenir compte.
Je ne sais pas si cela répond à vos questions, sénateur Raine.
Le sénateur Raine : Oui, je vous remercie.
Le sénateur Sibbeston : J'aimerais vous demander comment vous voyez l'avenir des Métis. Cela va nous aider à formuler des recommandations au gouvernement. Les tribunaux du Canada définissent et interprètent les droits autochtones mentionnés dans la Constitution. C'est l'une des façons pour les Premières nations et les Métis d'apprendre quels sont leurs droits.
Dans un sens, c'est déplorable, parce que c'est le gouvernement qui devrait prendre ces décisions. Mais comme il ne les prend pas, les Autochtones doivent s'adresser aux tribunaux et demander aux juges de décider en quoi consistent les droits autochtones. Manifestement, c'est une façon de faire très coûteuse et très lente. Est-ce que vous constatez des progrès pour que les Métis soient un jour reconnus à titre de peuple autochtone tout comme les Premières nations et les Inuits, de manière à ce que le paragraphe 91(24) qui porte sur les Indiens et les terres réservées aux Indiens inclue un jour les Métis et à ce que vous puissiez jouir des mêmes avantages et des mêmes soins, si l'on peut dire, que les autres Autochtones du pays? Est-ce l'objectif à la base de vos efforts?
M. Morin : C'est une question toute simple, mais qui n'en est pas moins complexe.
Pour répondre à votre question, oui, nous aspirons à quelque chose de semblable en ce qui a trait à la reconnaissance de notre « statut de peuple ». Ce sont les Premières nations, les Métis et les Inuits qui forment la population autochtone au Canada. Pour ce qui est du droit international et, par exemple, d'une déclaration sur les droits des peuples autochtones, il est question des terres, des territoires, des langues, de la culture et du caractère distinctif de nos peuples.
Je dirais que nous tendons effectivement vers les mêmes objectifs pour ce qui est de l'obtention d'une assise territoriale, de la reconnaissance de notre « statut de peuple », de la reconnaissance de nos droits — incluant une assise territoriale et financière —, et d'un processus de négociation qui nous permettrait de négocier et de mettre en œuvre des ententes d'autonomie gouvernementale à l'échelle du territoire métis. Nous voulons aussi pouvoir accéder aux programmes et aux services fédéraux pour remédier aux problèmes avec lesquels nous sommes aux prises, qu'on parle de la santé, de nos enfants, du développement économique ou de quoi que ce soit d'autre. Alors oui, c'est vrai à certains égards, mais je crois qu'il est important de reconnaître que la nation métisse forme un peuple distinct. Elle a sa propre histoire, ses propres institutions politiques et son propre statut juridique au Canada.
Il y a certains rapprochements à faire au point de vue des processus, de la dynamique et des politiques; les résultats finaux seront semblables. Il est très important selon moi que le gouvernement fédéral adopte un processus propre à la nation métisse pour la négociation du territoire, de l'autonomie gouvernementale ou de l'accès aux programmes et aux services. Il est par ailleurs primordial qu'à l'avenir le caractère unique de notre peuple et de notre histoire demeure au centre de tout processus de négociation.
M. Gardiner : Comme je l'indiquais plus tôt, étant issus d'une collectivité historique comme Île-à-la-Crosse, fondée en 1776, nous considérons que le peuple métis était là avant même que le Canada ne devienne un pays. Nous sommes fiers aujourd'hui d'avoir des droits de chasse et de pêche dans cette région. La langue est très vivante là-bas. Voilà quelques-unes des choses que nous ont léguées nos ancêtres et que nous aimerions perpétuer à notre tour. C'est l'héritage que nous voulons laisser à nos enfants et à nos petits-enfants. C'est très important à mon avis.
Nous, les leaders d'aujourd'hui, devons formuler des revendications auprès de nos gouvernements. Nous avons une riche histoire, comme en témoigne notamment Cumberland House (1774). Il s'agit de revenir à cela et de voir comment le système de certificat des Métis a vu le jour. À l'Île-à-la-Crosse, nous ne formions qu'un seul peuple. Il n'était pas question de Premières nations ou de Métis, mais d'un seul et même peuple; c'est ainsi que nous vivions.
M. Doucette : Je veux vous féliciter, sénateur Sibbeston, pour votre question et votre analyse. Il est très malheureux que nous ayons à passer par les tribunaux pour avoir une interprétation de ce qui constitue ou non un droit, alors que je sais ce que m'a légué mon mushum et ma kokum, mon père et ma mère. Je pense que si les gouvernements fédéral et provinciaux y mettent du leur, il est possible de régler ces questions. On a d'ailleurs vu la proclamation de la Metis Act en 2001. Notre peuple est confronté quotidiennement à de nombreuses difficultés, dont l'itinérance.
Ma grand-mère est décédée à l'âge de 88 ans à Buffalo Narrows. Cela me peine de dire qu'elle est morte dans une maison infestée de moisissures, se demandant constamment si elle allait pouvoir payer son loyer ou s'acheter des médicaments et de la nourriture, tout cela parce que le gouvernement du Canada ne reconnaît toujours pas les droits et le caractère distinctif de l'ethnicité autochtone.
Prenons par exemple la DGSPNI, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Il faudrait plutôt que ce soit la DGSPNIM; il manque un « M ». Ce devrait être la Direction générale de la santé des Premières nations, des Inuits et des Métis, car les Métis de la Saskatchewan — et cela a été prouvé — affichent le plus haut taux de maladies chroniques parmi tous les groupes autochtones du Canada. Pourquoi laissons-nous ces gens à eux-mêmes?
Depuis ma plus tendre enfance, en tant que Canadien et citoyen de cette province, on me répète qu'il faut toujours aider les plus démunis. Il s'agit de reconnaître qu'il y a un problème et d'y remédier de bonne façon. C'est pourquoi je garde espoir. Comme le vice-président Morin et le trésorier Gardiner l'ont indiqué, nous avons entamé et entretenu un très bon dialogue avec la province de la Saskatchewan, et dans une certaine mesure avec le gouvernement fédéral, en ce qui a trait à des enjeux propres aux Métis, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
La tradition orale étant ancrée dans notre peuple, nous ne voyons pas ce qu'il y a de mal à s'asseoir et à discuter de nos problèmes pour en venir à une entente. À long terme, ce sera bien moins coûteux que de laisser traîner le dossier devant les tribunaux pendant une dizaine d'années, à dépenser des millions de dollars en frais d'avocat, de recherche et tout le reste. Au bout du compte, nous ne sommes pas plus avancés, surtout si on pense qu'on aurait pu investir ces dizaines ou ces centaines de millions de dollars dans des mesures visant à remédier aux piètres conditions de logement, aux problèmes de santé, à la faible participation au marché du travail, et aux taux de chômage et de scolarisation, entre autres choses. Nous pourrions améliorer tout cela.
Nous aspirons en fait au même niveau de vie que l'ensemble des Canadiens. Pourquoi devrions-nous nous contenter de moins?
Le sénateur Sibbeston : La société canadienne est organisée de telle façon que les gouvernements fédéral et provinciaux fournissent les services de base comme l'éducation, les services sociaux, l'infrastructure, les autoroutes et les villes, et ainsi de suite. Pour les Premières nations et les Inuits en particulier, le gouvernement fournit aussi le logement. Ces populations ont accès aux études secondaires. Elles ont des terres. Les Premières nations ont des réserves. Pour ce qui est des services sociaux, beaucoup de gens bénéficient de l'aide sociale dans bien des collectivités.
Quand vous dites que vous souhaitez avoir les mêmes droits et les mêmes avantages que les Premières nations, je suis persuadé que vous devrez réfléchir à la façon de gérer ces services. D'une certaine façon, et c'est surtout le cas dans les réserves éloignées où les ressources se font rares, il se développe une culture d'apathie où les gens sont convaincus que le gouvernement leur doit tout cela. L'aide sociale n'est plus vue comme une aide à la pauvreté, mais plutôt comme une redevance pour l'utilisation des terres, ou je ne sais trop. C'est une attitude d'ayant droit.
Bien des problèmes auxquels les Premières nations sont aux prises découlent de ce sentiment que le gouvernement leur doit quelque chose et du fait que les gens refusent de travailler. Tout le monde doit travailler pour gagner sa vie, et c'est partout pareil. Quand on obtient quelque chose sans effort, on ne l'apprécie pas autant.
Si les Métis obtiennent la même reconnaissance et les mêmes droits que les Premières nations et les Inuits, qu'allez- vous faire pour éviter de tomber dans ce piège? C'est un piège et il incite à la passivité. C'est une situation qu'on retrouve dans bien des collectivités des Premières nations. Comment allez-vous gérer les choses pour que cela ne se transforme pas en expérience négative, mais bien en une initiative fructueuse et une meilleure vie pour vous et votre peuple?
M. Gardiner : Vous allez visiter l'Île-à-la-Crosse demain; c'est une collectivité métisse. Vous pourrez juger par vous- même de la bonne administration de la collectivité. La collectivité métisse d'Île-à-la-Crosse est financée par le gouvernement provincial. Il s'agit d'une structure municipale. Bien des gens se demandent encore comment recourir à un établissement métis, plus ou moins le modèle de l'Alberta, pour cerner les besoins?
Vous verrez que c'est une collectivité métisse qui a su garder ses impôts en règle et administrer les choses de main de maître, sans parler du bon entretien de l'infrastructure, entre autres choses. Je crois que c'est un bon exemple. C'est donc une bonne idée que vous vous rendiez à l'Île-à-la-Crosse. Vous trouverez réponse à vos questions dans cette collectivité métisse.
L'autre défi qui se pose, selon moi, c'est la question du territoire de compétence. Le peuple métis est mentionné dans la Constitution, mais nous ne savons même pas si nous relevons du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. On nous trimballe d'un côté et de l'autre. Nous ne savons toujours pas aujourd'hui pourquoi nous faisons partie de la Constitution si nous ne relevons pas du gouvernement fédéral. Si c'est le cas, nous devrions bénéficier du même financement que nos collègues des Premières nations et de la population inuite. Ce sont des faits à retenir.
Je voulais simplement ajouter que demain, quand vous vous rendrez à l'Île-à-la-Crosse, vous aurez l'occasion de voir une collectivité métisse qui fait très bien les choses et de connaître ses plans d'avenir.
M. Doucette : Sénateur Sibbeston, permettez-moi de vous dire ceci : d'après ce que je sais de l'histoire, ce que je lis et ce que j'entends des aînés, cela a toujours été un dialogue de nation à nation, en quelque sorte, entre les Métis et le gouvernement fédéral. Bien que les choses soient différentes en 2012, personne ne peut nier le fait que sans l'aide des Métis dans les années 1800, le Canada ne serait peut-être pas le pays qu'on connaît aujourd'hui.
Quand je parle aux gens des collectivités, voici ce qu'ils me disent, et je ne pourrais pas résumer davantage leurs désirs, sénateur : ils veulent que les deux ordres de gouvernement et le gouvernement métis s'attaquent aux problèmes fondamentaux de leur collectivité. Ils veulent que leurs pratiques traditionnelles soient reconnues, et que leurs langues et leurs traditions soient affirmées et protégées.
Jamais au grand jamais je n'ai entendu un Métis ou de nos aînés dire qu'on leur devait toutes ces choses, pas plus que je n'ai perçu cette attitude chez les Premières nations. Je ne les ai jamais entendus dire cela.
Nous formons un peuple travaillant. Nous aimons nos familles. Nous voulons que tous les ordres de gouvernement, de même que nos propres dirigeants, travaillent ensemble pour trouver une solution à nos problèmes. Je suis certain qu'on vous en a parlé aux quatre coins du pays, et j'ai peut-être moi-même fait allusion à certains d'eux aujourd'hui. À quoi cela pourrait-il ressembler? Je ne le sais pas.
Je peux par contre vous dire ceci : commençons par franchir ce premier pas et discutons-en. Laissez-nous ensuite demander aux gens de nos collectivités à quoi pourrait ressembler un modèle positif de gouvernance selon eux, la gouvernance d'une nation au sein d'une nation, pour ainsi dire. Bien des modèles ont déjà fait leurs preuves, alors nous n'avons pas à nous perdre dans des discussions interminables avant de décider de la voie à suivre.
Comme le trésorier Gardiner a dit, nous avons des collectivités métisses qui sont tout à fait viables aujourd'hui en Saskatchewan, y compris au sud de la province.
Je discutais avec un aîné métis, et il me parlait de la guerre de 1885 en disant « la guerre nationale ». Tout cela pour dire que même aujourd'hui, en 2012, ils voient toujours la guerre de 1885 comme la guerre nationale entre le Canada et les Métis. Alors, à quoi cela pourrait-il ressembler? Pour le moment, je l'ignore, parce que nous n'en sommes pas encore là. Il faut d'abord se rendre à un point où nous pouvons discuter de la façon dont pourront s'effectuer les transferts de paiements.
De combien parle-t-on? Le budget d'AADNC est de 9 milliards de dollars par année, n'est-ce pas? Je ne sais pas combien il en coûte maintenant pour administrer ce ministère, peut-être 9, 10 ou 12 milliards de dollars, mais je sais que les Métis reçoivent très peu de cet argent — très peu. Les gens des collectivités métisses me disent qu'ils veulent du respect et du soutien pour le territoire; ils veulent qu'on trouve des solutions à leurs problèmes fondamentaux.
Je vais me servir de moi comme exemple. Je suis allé à l'université, j'ai reçu un prêt étudiant et le temps est venu un moment donné de le rembourser. Je ne suis pas un mauvais payeur, croyez-moi, mais je sais que les Premières nations et les Inuits ont droit à quatre années de financement pour obtenir un diplôme, puis encore douze mois pour aller chercher une maîtrise. Je me suis demandé pourquoi, moi, je devais rembourser cet argent. Le résultat en est que nous sommes des travailleurs pauvres, des travailleurs à revenu moyen devenus pauvres.
Pour faire une histoire courte, j'ai répondu au Programme canadien de prêt aux étudiants que je n'avais pas à rembourser ce prêt, puisque j'ai le statut d'Autochtone en vertu de l'article 35 de la Constitution canadienne. Selon la Charte canadienne des droits et libertés, vous faites preuve de discrimination à mon endroit. Je crois que c'est à l'article 15 ou 17, je n'en suis pas certain. C'est une querelle qui a duré 17 ans. J'avais un prêt de 15 000 $. J'ai remboursé 21 000 $. Le gouvernement fédéral voulait que je lui donne 23 000 $ de plus, pour un prêt de 15 000 $.
Comme citoyen canadien, je ne comprends pas que des pays aident les banques à se sortir du pétrin. Nous n'avons pas droit au même traitement que les autres peuples autochtones du Canada. Les Métis veulent être traités avec respect et ils veulent qu'on trouve des solutions à leurs problèmes. Nous avons un taux de maladies chroniques plus élevé qu'ailleurs; pas d'accès à des terres; de piètres conditions de logement, quand on a en fait accès à du logement, ce qui est vraiment très difficile. Bien qu'on observe une augmentation des ressources allouées à l'emploi et à la formation, les besoins en main-d'œuvre augmentent eux aussi. Il faut donc investir davantage dans notre collectivité pour remédier à ces problèmes.
Au bout du compte, tout le monde y gagnera quand les Métis pourront mettre la main à la pâte et que vous les aiderez à régler leurs problèmes, parce que moins de ressources seront alors nécessaires pour s'attaquer à la situation.
Je suis désolé si je m'éternise un peu, messieurs les sénateurs St. Germain et Sibbeston. Essentiellement, les Métis veulent simplement être traités avec respect et avoir le même niveau de vie que tous les Canadiens.
Le président : Merci pour cette précision. Merci également pour votre exposé et votre présence ici ce matin.
M. Morin : Puis-je ajouter quelque chose très rapidement, je vous prie?
Le président : Vous avez quelque chose à dire?
M. Morin : Oui, très brièvement.
Mon collègue, le président Doucette, parlait du nouveau ministère des Affaires autochtones, dont l'acronyme est AADNC, je crois. Soit dit en passant, j'ajouterais que j'encourage fortement le ministère à ne pas céder à la nervosité et à accepter la participation de notre nation, de façon à ce que nous puissions faire respecter nos droits et remédier à nos problèmes.
Le président : Vous voulez donc que le ministère n'hésite pas à s'occuper des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada.
Encore une fois, je vous remercie. Au nom des trois sénateurs présents, je tiens à vous dire que nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage et de vos réponses franches et directes. Certaines d'entre elles nous aideront à rédiger un rapport que le gouvernement ne pourra pas ignorer, si tout va bien.
Le sénateur Dyck : Monsieur le président, dans une question adressée au premier groupe de témoins où les Premières nations étaient comparées aux Métis, le sénateur Sibbeston a laissé entendre que les Premières nations ont l'impression que tout leur est dû. En tant que membre des Premières nations vivant en Saskatchewan, la terre des traités, je me sens obligée d'intervenir afin de rectifier le tir.
Même si certains membres de Premières nations... Les traités confèrent des droits à toutes les Premières nations. Ce n'est pas parce que les Autochtones ont le sentiment que tout leur est dû qu'ils dépendent de l'aide sociale, mais plutôt parce que le gouvernement fédéral a manqué à ses obligations découlant des traités; c'est donc légitime. C'est de là que provient la conception d'État providence sur les réserves autochtones. Ils ont droit à l'aide sociale parce que, dans bien des cas, le gouvernement fédéral n'a pas respecté leurs droits issus de traités.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président : Votre message est on ne peut plus clair, et je suis d'accord. Je crois que le président Doucette avait bien clarifié la situation en disant ne pas estimer que les Métis et les Premières nations croient que tout leur est dû.
Le sénateur Dyck : C'est exact.
Le président : Chers collègues, nous accueillons maintenant notre deuxième groupe d'experts. Nous recevons Lisa Wilson, directrice du Gabriel Dumont Institute of Native Studies and Applied Research.
Lisa Wilson, directrice, Gabriel Dumont Institute of Native Studies and Applied Research Inc. : Au total, nous sommes cinq directeurs.
Le président : Nous accueillons aussi les représentantes de l'organisation Metis Family and Community Justice Services Saskatchewan Inc. : la première dirigeante Lynn LaRose, et la sénatrice métisse Nora Cummings. Dites donc, la salle est envahie de sénateurs!
Je vous remercie d'être venus. Nous sommes honorés de vous recevoir et avons hâte d'entendre vos exposés. Veuillez demeurer le plus concis et précis possible afin que les sénateurs aient le temps de vous poser des questions.
Nous allons commencer sans plus tarder par Mme Wilson.
Mme Wilson : Bonjour. Je suis ravie de m'adresser à vous au nom du Gabriel Dumont Institute. Pour commencer, j'aimerais préciser que nous nous trouvons sur le territoire visé par le Traité no 6 traditionnellement occupé par les Cris, les Saulteaux, les Assiniboins et les Dakotas. J'aimerais aussi souligner que le territoire de Saskatoon appartenait à une colonie métisse de South Branch, connue sous le nom de Bois de flèche.
Je m'appelle Lisa Wilson, et je suis directrice du Gabriel Dumont Institute, à Saskatoon. Je suis une Métisse, et j'ai passé la plus grande partie de ma vie à Saskatoon, bien que ma famille soit originaire de la région des lacs Qu'Appelle et de Touchwood Hills, dans le sud de la province. Je suis heureuse d'avoir la chance de vous parler de l'identité métisse d'un point de vue à la fois professionnel, à titre de gestionnaire de l'institut, et personnel, en tant qu'écrivaine et artiste. D'ailleurs, je publierai au printemps un ouvrage de fiction qui porte sur la question identitaire, et plus particulièrement sur l'identité métisse. Je suis toujours ravie de pouvoir approfondir ce sujet.
Le Gabriel Dumont Institute est le seul établissement d'enseignement de la Saskatchewan qui accueille uniquement des Métis; c'est aussi le plus grand au Canada, et celui qui a vu le jour en premier. L'institut a été constitué en société en 1980 à la suite de fortes pressions des Métis, à une époque où la gestion de l'éducation autochtone par la communauté elle-même ne faisait pas l'unanimité. Depuis, l'institut a décerné plus de 1 000 baccalauréats en éducation, et elle a délivré des certificats et des diplômes de formation à des milliers de Métis de partout en Saskatchewan.
L'institut dirige un service d'édition afin de produire du matériel d'apprentissage axé sur l'histoire et la culture métisse. Il offre également des programmes de cycles supérieurs pour les étudiants métis diplômés, un fonds fiduciaire de bourses d'études pour les Métis, de même que des services de formation et d'emploi afin d'aider les Métis à amorcer leur carrière. Vous pouvez donc constater que le mandat de l'institut est très large.
Le Gabriel Dumont Institute détient des contrats avec les gouvernements provincial et fédéral. De son côté, la province finance la formation des enseignants dans le cadre du Saskatchewan Urban Native Teacher Education Program, ou SUNTEP, les programmes menant à un certificat ou à un diplôme offerts par le Dumont Technical Institute, des bibliothèques axées sur les Métis et certaines activités d'édition. Le gouvernement fédéral, quant à lui, a conclu des contrats entourant bien des activités liées à l'édition et à la culture. Il a aussi scellé l'entente des Métis de la Saskatchewan dans le cadre de la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones, ou SFCEA, en vertu de laquelle il verse chaque année 10 à 12 millions de dollars aux services de formation et d'emploi des Métis. La majeure partie du financement de l'institut cible les Métis. Nous sommes une société affiliée sans lien de dépendance qui appartient à la Métis Nation Saskatchewan, ou MNS.
L'identité métisse est une des questions auxquelles nous devons réfléchir puisque nous rendons des comptes non seulement aux organismes de financement, mais aussi à la communauté métisse.
La définition d'une personne métisse que propose la Métis Nation Saskatchewan comporte quatre volets :
Un Métis est une personne qui se désigne comme Métis, qui se distingue des autres Autochtones, qui descend de Métis de souche et qui est acceptée par la nation métisse.
Pour recevoir la carte provinciale de la MNS, un métis doit remplir les quatre critères de cette définition constitutionnelle.
À l'institut, nous adaptons parfois notre conception de l'identité métisse en fonction des ententes de financement. Dans le cadre de l'entente fédérale de la SFCEA, par exemple, il suffit de se désigner comme Métis pour avoir accès aux services d'emploi ou de formation. Ainsi, quiconque affirme être un Métis peut profiter des services. En revanche, c'est le Conseil des gouverneurs de l'institut qui définit les critères auxquels les candidats des programmes financés par la province doivent répondre afin de prouver leur identité métisse et de participer au programme.
Dans le cadre du programme SUNTEP, par exemple, le conseil a décidé que les candidats devraient présenter une lettre ou une carte de l'association locale des Métis ou du registre provincial de la MNS, qui compte de plus en plus de membres. C'est ainsi que les candidats peuvent prouver leur appartenance à la communauté métisse. Les deux formules sont différentes. De leur côté, les programmes financés par le gouvernement fédéral sont beaucoup plus ouverts et reposent moins sur l'approbation de la communauté. Toutefois, le système fondé sur la simple auto-identification est probablement trop ouvert et aurait intérêt à être mieux réglementé. En tant que société affiliée à la MNS, nous croyons qu'il serait préférable que les critères d'admission des programmes fédéraux à l'endroit des Métis incluent l'approbation de la communauté locale ou de la MNS, une formule que le Conseil des gouverneurs privilégie.
J'aimerais prendre un instant pour différencier l'application de certains termes dans le secteur de l'éducation en particulier.
L'identité est un concept individuel bien souvent essentiel à la réussite scolaire des Métis. En fait, l'identité métisse n'a rien à voir avec la définition d'une personne métisse. Lorsque nous évaluons les facteurs essentiels à la réussite des programmes d'enseignement pour les Métis, la question identitaire revient toujours. Pour garder les jeunes métis sur les bancs d'école, il ne suffit pas de cibler la théorie ou les formules mathématiques; il faut plutôt reconnaître l'identité métisse, l'affirmer, la renforcer et la mettre en application. La réussite scolaire passe par une identité forte et positive. Cette dimension culturelle est tellement importante; c'est un élément majeur de la vie des gens faisant partie de leur quotidien. Il s'agit d'une réalité concrète et immédiate qui n'a pas grand-chose à voir avec la définition juridique ou politique.
Il me semble que ce sont surtout les politiciens et les gouvernements qui cherchent à préciser la définition d'une personne métisse. C'est la classe politique qui insiste pour définir ce concept. S'acharner à cataloguer, à étiqueter et à trier les gens en fonction d'un ensemble de critères stricts m'apparaît digne de l'époque coloniale.
Je comprends que vous aimeriez parler de définitions juridiques et politiques, mais je veux plutôt vous dire que la question identitaire fait partie de la solution à l'égard des Autochtones en matière d'éducation et d'emploi — c'est ce qui empêche les Métis de participer pleinement à l'économie et de récolter le fruit de leurs efforts. Dès que nous aurons trouvé une façon de résoudre la crise identitaire des Métis à l'école, au secondaire et à l'âge adulte — c'est-à-dire d'affirmer leur identité avec conviction, de la renforcer et d'en prouver la justesse —, vous constaterez que bien d'autres problèmes se résorberont d'eux-mêmes. Nous aurons alors une population métisse en bonne santé, qui travaille, qui est épanouie et qui s'intéresse à sa culture.
Toutefois, une telle situation ne sera pas possible avant des dizaines d'années, et seulement si nous mettons la main à la pâte dès maintenant. Il faut trouver une façon de laisser tomber ce débat sur la définition et l'identité métisse, et de plutôt s'engager à réduire les inégalités que subissent les Métis sur les plans scolaire, économique et social. Merci.
Le président : Merci, madame Wilson.
Madame LaRose, la parole est à vous.
Lynn LaRose, première dirigeante, Métis Family and Community Justice Services Saskatchewan Inc. : Merci. Je suis moi aussi d'origine métisse. J'habite à Saskatoon, mais je viens de Battleford, aussi connue sous le nom de Pole Town; c'est différent de North Battleford. C'est là que je suis née. Je vais vous donner un peu d'information sur notre organisation, après quoi je vous présenterai la définition que nous utilisons, puis je terminerai avec quelques renseignements statistiques.
La Métis Family and Community Justice Services Saskatchewan Inc., que nous appelons affectueusement la MFCJS, a été constituée en société affiliée à la Métis Nation Saskatchewan en 1992. En fait, on a pris conscience qu'il fallait donner à la communauté métisse des moyens de favoriser le bien-être social et culturel des individus, des familles et des collectivités métisses de la Saskatchewan. La MFCJS s'occupe de planifier et de coordonner les programmes juridiques et sociaux offerts aux Métis de la province. Tout comme la MNS, qui souhaite la création d'un gouvernement métis pour gérer les affaires du peuple, la MFCJS veut que les Métis aient le pouvoir de concevoir, de développer, de mettre en place et de gérer les services sociaux et juridiques de la communauté elle-même.
La société a pour mission de promouvoir, de renforcer et de reconstruire la nation métisse au sein des collectivités en tenant compte de ses besoins culturels et spirituels et en donnant plus de moyens aux programmes sociaux et juridiques axés sur la famille. Elle est aussi responsable de surveiller et de coordonner l'orientation et le développement des services sociaux et juridiques offerts aux Métis. La MFCJS a pour mandat de simplifier, de coordonner et d'appuyer la conception, le développement, la mise en place, la gestion et la surveillance des programmes locaux sur les plans juridique et social. À l'occasion, la société pourrait gérer elle-même les programmes en attendant que des structures communautaires puissent prendre le relais.
En ce qui concerne la définition d'une personne métisse, le Ralliement national des Métis a adopté en septembre 2002 une définition qui correspond à la volonté de la nation :
IL EST DONC RÉSOLU que la nation métisse adopte les termes définis ci-dessous dans sa définition nationale des Métis;
« Métis de souche » désigne les Autochtones connus à l'époque comme étant des Métis qui vivaient dans la patrie historique de la nation métisse;
« Patrie historique de la nation métisse » désigne les terres du centre-ouest de l'Amérique du Nord utilisées et occupées comme territoire traditionnel des Métis ainsi reconnus à l'époque;
« Nation métisse » désigne les Autochtones descendants de Métis de souche qui comprend maintenant tous les membres de la nation métisse et qui est un des « peuples autochtones du Canada », conformément à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
« Distinct des autres peuples autochtones » signifie distinct à des fins culturelles et par rapport au statut de nation.
C'est tiré des pages 6 et 7 du document Snapshot of a Nation 2002 du Ralliement national des Métis.
Voici quelques statistiques. En Saskatchewan, environ 5 000 enfants autochtones sont placés. Ces chiffres proviennent des statistiques sur les services à l'enfance et à la famille que le ministère des Services sociaux de la Saskatchewan a publiées en décembre 2009. D'après le ministère et le Bureau du protecteur des enfants, 80 p. 100 des enfants placés seraient d'origine autochtone. La MFCJS croit qu'il s'agit plutôt de 85 p. 100 étant donné tout le mal qu'on a à identifier les enfants d'origine métisse dans la province.
Cet écart met en évidence le besoin de tenir un registre des citoyens métis en Saskatchewan qui soit efficace et à jour.
Statistique Canada estime que d'ici 2026, 36 p. 100 des enfants et des jeunes de la Saskatchewan seront d'origine autochtone.
Même s'il est difficile d'obtenir des données sur les Métis en raison de leur problème d'identification, les indicateurs révèlent que cette tendance pourrait s'observer dans l'ensemble de la nation métisse au Canada, contrairement aux enfants des Premières nations.
Lors du recensement de 2006, 389 000 personnes se sont désignées comme Métis. Depuis 1996, le taux de croissance de la population métisse a presque doublé, et sa taille a augmenté de 91 p. 100. Cette croissance au cours de la dernière décennie est attribuable à une hausse du taux de natalité et à une propension plus forte à se désigner comme Métis lors du recensement.
Les Métis représentent plus du tiers de la population autochtone totale, une proportion qui n'atteignait qu'un quart en 1996. Plus de deux tiers des Métis vivent en milieu urbain. De plus, un quart des enfants métis sont âgés de moins de 15 ans. De ce nombre, plus du tiers vivent avec un seul parent.
Toutefois, ces chiffres seraient plus importants si les métis pouvaient s'auto-identifier dans tous les formulaires gouvernementaux. Ils sont tirés du rapport provisoire et préliminaire que la MFCJS a déposé en juin 2010 au ministère des Services sociaux, et qui s'intitule Metis Children and Families : Directions for the Future.
Voici les problèmes qui se posent — et la liste n'est pas exhaustive. Nous n'arrivons pas à obtenir des statistiques sur le nombre d'enfants métis qui sont placés, ni sur le nombre de familles métisses qui bénéficient de services. Des enfants métis sont perdus dans le système parce que leurs parents ne se sont pas désignés comme Métis. De plus, des enfants perdent leur identité culturelle en raison du système de placement en famille d'accueil, et ces mêmes enfants aboutissent dans le système juridique. Enfin, il est difficile de recevoir des subventions pour les Métis parce que la Saskatchewan ne tient pas de registre des membres de la nation. Merci.
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, madame la sénatrice Cummings?
Nora Cummings, sénatrice métisse, Métis Family and Community Justice Services Saskatchewan Inc. : J'aimerais donner suite aux propos de ma collègue. Je viens moi aussi de Saskatoon, et je vous souhaite la bienvenue dans notre ville. C'est chez moi ici. Je suis une Métisse de réserve routière. En fait, j'ai habité toute ma vie sur une réserve routière d'ici. Il y a 40 familles dans le sud-est du Nutana. Aujourd'hui, je suis fière de dire que c'est chez moi, que c'est ma communauté. Je vous souhaite donc la bienvenue.
Le président : Merci.
Mme Cummings : Je tiens à poursuivre dans la même veine que Mme LaRose sur les enfants placés, puis à établir un lien avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Je travaille beaucoup avec le système de justice — dans les cercles de détermination de la peine — et, d'après moi, la collaboration entre les deux est importante. J'ai l'impression que c'est dans ce système que nos enfants aboutissent. L'évolution vers la construction de plus en plus de prisons et d'établissements pour eux est une bien triste chose.
Il existe d'autres solutions. Je pense que le gouvernement fédéral aurait dû solliciter de nous, les Métis, des idées sur la Loi sur les jeunes contrevenants, ce qui nous aurait permis de participer à son élaboration. Je dis toujours que si nous faisons partie du problème, nous devons également faire partie des solutions. D'après moi, c'était tellement injuste, nous sommes souvent les perdants dans ces histoires. Je dis sans cesse de nos jeunes qui se trouvent dans le système de justice, puis qui passent par les établissements de détention, puis de correction pour finalement aboutir dans les pénitenciers, qu'on ne peut plus les récupérer. Ça me dérange de voir de très jeunes enfants dans ce système.
À propos, je suis mère de 10 enfants, j'ai 28 petits-enfants et 37 arrière-petits-enfants. Je suis encore active. Je travaille depuis 25 ans, depuis que j'ai élevé mes enfants. Je travaille avec des jeunes. Je sais de source sûre que l'argent des contribuables va dans ces établissements, mais qu'il n'est pas consacré aux jeunes.
À Regina, nous avons un centre de désintoxication. On les y envoie pendant trois ou quatre jours, puis on les retourne d'où ils viennent et on les laisse dans le froid. On les abandonne encore à la rue. La vie y est tellement difficile. Et vous les harcelez constamment. On ne fait que gaspiller l'argent des contribuables. Servons-nous-en pour fournir des services à nos jeunes, à nos jeunes enfants.
Les établissements ne font pas ça pour nos jeunes.
Nous avons besoin d'un centre culturel pour nos enfants. Par une démarche holiste, il s'attaquera au mal par ses racines. Nous avons besoin de l'apport des familles. Beaucoup de familles sont prêtes à se mettre au travail. Je le sais, parce que j'ai travaillé avec beaucoup d'entre elles. Beaucoup de jeunes se ramassent devant les tribunaux. Les mères et les grands-mères sont là aussi, mais elles ne comprennent pas le système et ne savent pas comment les aider. Je sens bien que nous devons réagir. Nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas voir tout ce gaspillage de la jeunesse. Nous devons réparer les pots cassés. Ça me rappelle à quel point on traite nos jeunes en citoyens de seconde zone.
Je participe à des cercles de détermination de la peine pour ces jeunes. Les juges ou les procureurs me demandent de leur parler. Je me présente en ma qualité d'aînée, et je m'assure toujours de leur dire qu'ils ont un droit, celui de refuser mes services. S'ils le font, très bien! Je me retirerai. Mais cela n'est jamais arrivé.
Voilà ce qui se passe. C'est une conséquence de ce qui est survenu à notre loi sur la protection de l'enfance.
Je m'arrête ici. S'il y a des questions, je m'assurerai de leur donner une réponse complète. Merci.
Le président : Merci, madame Cummings.
Le sénateur Dyck : Madame Wilson, je regrette de ne pas avoir pu entendre tout votre exposé. Vous parliez des critères différents qu'utilisent le Gabriel Dumont Institute, le programme SUNTEP et les programmes fédéraux pour ranger quelqu'un, le cataloguer, comme vous disiez, parmi les Métis. Vous avez dit que le programme fédéral était plus accessible et qu'il fallait qu'il fasse coïncider davantage ses critères avec ceux que préconise le conseil d'administration de la MMF.
D'après vous, est-ce que la définition que donne de Métis le programme fédéral et qui diffère de celle de la MMF crée des problèmes en permettant à de prétendus Métis de profiter d'un programme ou de ses avantages en n'y ayant pas droit?
Mme Wilson : Je suis désolée, mais, par MMF, voulez-vous dire MNS?
Le sénateur Dyck : Oui.
Mme Wilson : Ah! Ces sigles!
Le sénateur Dyck : Oui, il m'a fallu mettre mon casque, parce que j'entendais mal.
Mme Wilson : Je suis désolée.
Bon! Je pense que la différence avec les programmes financés par l'État fédéral, c'est qu'ils se fondent uniquement sur la question d'auto-identification. À l'éventuel client prétendument Métis qui se présente à nous et qui demande de recevoir un service, nous sommes tenus de le fournir, en vertu de ce contrat. La différence, bien sûr, vient du fait que nous nous servons à la fois de l'auto-identification et de la validation de la communauté dans nos autres programmes. C'est ainsi que fonctionne le conseil d'administration de l'institut. Bien sûr, comme le conseil d'administration est affilié à la MNS, il assure une représentation politique. On revient donc forcément à la définition et aux préférences de la MNS, sur ce point.
Je pense que vous posez la question de ceux qui reçoivent des services qu'ils ont réclamés en se prétendant Métis.
Le sénateur Dyck : Oui.
Mme Wilson : Je pense que vous avez été en mesure de vérifier objectivement le taux d'erreur dans ces programmes. J'aurais franchement tendance à croire — je n'ai pas les chiffres — que le taux de resquille, c'est-à-dire de demandes de prestations auxquelles on n'a pas droit, que vous avez découvert ne dépasserait pas celui des autres programmes; par exemple, de l'assurance-emploi. D'après mon expérience, j'aurais bien franchement tendance à croire que notre taux d'erreur n'est pas élevé.
Le sénateur Dyck : S'il y avait davantage de programmes propres aux Métis, est-ce que ce taux d'erreur augmenterait?
Mme Wilson : Je pense qu'il n'augmenterait pas en proportion de l'augmentation des services offerts. D'après mon expérience, il n'est pas très important ni élevé.
Le sénateur Dyck : D'accord.
Le président : Dans votre exposé, vous avez dit que les définitions de la notion de Métis ont davantage à voir avec les politiciens et les gouvernements. Eh bien, le fait est que je suis moi-même Métis. Je suis au gouvernement depuis 30 ans. Nous avons réalisé cette étude à cause de l'ampleur de la controverse entourant les droits des Métis.
J'utilise souvent une analogie, peut-être boiteuse, mais le gouvernement d'un pays comme la France ou la Pologne, quand il met sur pied des programmes pour une clientèle, française ou polonaise, peu importe, il doit pouvoir la définir, par la langue ou la région d'où elle vient.
Il y a tant de controverse. À un certain moment, au Labrador, certains se disaient Métis. Puis, tout d'un coup, ils ont décidé qu'ils ne l'étaient plus; qu'ils revenaient à leur désignation antérieure. Cette versatilité empêche les Métis canadiens d'obtenir ce qui leur revient de droit. C'est mon impression personnelle. Je ne parle pas pour les autres membres du comité.
Madame Wilson, vous semblez penser que les politiciens ne devraient pas se mêler de cette question. David Chartrand, le président de la MMF, affirme que c'est les Métis eux-mêmes qui devraient décider de leur citoyenneté. Je ne crois pas que personne ne s'y oppose, mais comment, collectivement, nous, les Métis, pouvons-nous appliquer avec succès cette solution partout au pays? C'est vraiment ce que le comité cherche à déterminer, je pense, en partie du moins.
Mme Wilson : J'ai quelques idées. Avec mon bagage de pédagogue et mon expérience de la prestation de programmes et de services, j'essaie de dire que j'aurais des craintes, mais je ne sais même pas comment faire.
Je pense que la question de l'identité est essentielle à un peuple qui cherche à être instruit sur la façon, vous savez, de s'affranchir économiquement, de trouver de l'emploi et de participer à la vie sociale et économique.
Le Gabriel Dumont Institute existe en Saskatchewan depuis 32 ans et l'un des dons, l'une des réalisations les plus importantes de ses fondateurs a été de comprendre le lien absolument essentiel qui existe entre la culture et l'éducation. C'est pourquoi on a donné à l'institut une vocation éducative et culturelle. Au fil des ans, nos programmes nous ont permis de constater le caractère absolument indispensable de l'identité. Au primaire comme au secondaire, l'éducation souffre de lacunes, et les élèves essaient de découvrir leur identité.
Lynn a parlé des élèves métis, les jeunes Métis qui sont vraiment déconnectés de leur identité, déculturés, coupés de leurs communautés, sans que ce soit la faute des leurs. Ils ont été placés, ce genre de chose. Maintenant qu'ils fréquentent l'école, nous devons, de manière bien pratique, trouver une façon d'y remédier. L'institut a découvert que l'identité métisse était le remède pour aider les jeunes à découvrir qui ils sont et à réussir à l'école. Il existe un lien entre les deux.
Le président : Il existe un lien clair et net entre la culture et l'éducation chez les Premières nations également. Le comité a étudié de façon exhaustive l'éducation, et le sénateur Sibbeston a dirigé une étude sur le développement économique.
Le sénateur Raine : Madame Wilson, je suis bien sensible aux réalisations de l'institut Dumont, parce que c'est vraiment un point de repère pour la culture du peuple métis. On peut le constater. L'été dernier, nous étions à Batoche, et son importance était flagrante, particulièrement pour les enfants déculturés. La capacité d'y remédier est une facette, mais cela exige, de nombreuses manières, une éducation plus poussée. Cependant, comme vous formez les enseignants, l'effet est descendant, parce qu'ils enseignent au premier échelon.
Pouvez-vous faire pour nous le point sur l'éducation des jeunes enfants métis, particulièrement en ce qui concerne la culture métisse? Existe-t-il de bons programmes d'aide à la scolarisation, applicables dès cet âge? J'ai l'impression que les enfants d'âge préscolaire peuvent assimiler des acquis et les prendre à cœur pour toujours. Toutes les trois, vous pourriez peut-être décrire la situation de l'éducation et de la culture chez les jeunes enfants.
Mme Wilson : L'institut n'a pas de mandat pour l'éducation des jeunes enfants. Cependant, nous avons cherché à savoir ce qui se passe dans ce domaine et nous préparons un rapport sur la question.
Actuellement, un groupe de travail mixte sur l'éducation dans les Premières nations et chez les Métis fait le tour de la province. Il est constitué de Rita Bouvier, de Gary Merasty et d'un troisième individu dont, malheureusement, j'oublie le nom.
Le sénateur Dyck : George LaFond?
Mme Wilson : Non, quelqu'un des conseils scolaires.
Le président : Don Hoium?
Mme Wilson : Oui, Don Hoium.
Le sénateur Raine : Est-ce qu'il concentre ses travaux sur l'éducation des jeunes enfants?
Mme Wilson : Il s'attache à quatre périodes de l'éducation permanente : la petite enfance, de la maternelle à la douzième année, l'éducation postsecondaire et la vie active.
En ce qui concerne la petite enfance, certains problèmes éprouvés par les Métis viennent de l'absence de programmes d'aide à la scolarisation bénéficiant d'un financement fédéral et ciblés pour eux. Les Métis n'ont pas réussi à leur trouver de solutions. Dans les faits, la province, avec l'argent qui lui est confié, met sur pied des programmes utiles aux Métis, d'après elle. Personne ne rend de comptes sur le nombre et la proportion de Métis qui en profitent ni sur la qualité du service, et cetera. Voilà, d'après moi des lacunes dans l'aide à la petite enfance.
L'autre élément concernant la petite enfance touche notre accord sur la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones (SFCEA) qui est l'accord fédéral sur le marché du travail. Dans ces accords pour les Premières nations, des clauses diffèrent de celles qui s'appliquent aux Métis, et d'autres clauses visent l'aide à l'enfance et les ressources pour l'apprentissage au début de la vie. Ces ressources sont explicitement refusées aux Métis. Voilà une lacune et une source d'inquiétude aussi pour les Métis.
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter mesdames?
Mme LaRose : Bien sûr. Nous avons participé à l'examen des services d'aide sociale pour l'enfance en 2010 et nous avons décelé une lacune qui paraît importante, l'absence de développement du jeune enfant dans les communautés métisses. Cependant, nous savons qu'il existe des programmes d'action communautaire pour les enfants, des PACE, mais qui ne sont pas nécessairement personnalisés pour les Métis, à moins qu'ils ne se donnent principalement dans une communauté métisse, parce que je crois qu'il y en a un, en Saskatchewan, à Beauval. Donc le développement du jeune enfant dans ces PACE n'est pas spécifiquement adapté aux Métis. Pour cette tranche d'âge, on ne tient pas compte des facteurs culturels.
Le président : Je pense qu'il est juste d'affirmer que s'il existe un sujet auquel le comité s'est bien intéressé, particulièrement les sénateurs ici présents, c'est l'éducation. Tous les sénateurs du comité y tenaient. On ne pourrait pas dire, même au prix d'un grand effort d'imagination, que je parlais seulement de moi-même.
Sénateur Cummings, si nous relevions le niveau d'éducation chez nos jeunes Métis, je pense que votre problème se résorberait considérablement. Une collectivité bien instruite, d'après moi, prend ses responsabilités et tire fierté de ses réalisations. Ses membres trouvent du travail et ils n'échouent pas dans des établissements correctionnels comme ceux que vous avez mentionnés.
Avez-vous quelque chose à ajouter avant que nous n'accueillions le prochain groupe de témoins?
Mme Cummings : Je voudrais simplement dire que le système d'éducation est fantastique, mais il faut se rappeler qu'il y a beaucoup de pertes, beaucoup de problèmes auxquels il faut s'attaquer. Je suis la dernière survivante du combat mené pour mon jeune peuple dans le système de justice. Il faut que le gouvernement fédéral trouve une façon d'inclure notre peuple, pour que nous puissions nous attaquer de concert avec lui à ces problèmes, et ce n'est pas la peine de seulement compter sur un projet de loi pour régler cela.
Je pense qu'il est important qu'en tant que Métis, nous ayons le droit d'aborder certaines de ces questions et que nous établissions un partenariat avec le gouvernement fédéral, en vue de créer de meilleures conditions de vie pour nos jeunes. J'appuie fermement cela.
Le système scolaire est très limité lorsqu'il s'agit de notre culture dans les écoles. J'ai rencontré certains membres des conseils scolaires et j'ai parlé avec des enseignants. Les choses s'améliorent, mais à mon avis, il reste du travail à accomplir. Merci.
Le président : Je suis très fier que vous partagiez, en tant qu'aînée, vos connaissances et votre expérience avec nous. Je vous en remercie.
Honorables sénateurs, les deux témoins de notre troisième groupe viennent de l'Université de la Saskatchewan. Nous accueillons Marilyn Poitras, professeure adjointe, et Valerie Arnault-Pelletier, coordonnatrice des Autochtones, College of Medecine, Université de la Saskatchewan.
Bienvenue, mesdames.
Marilyn Poitras, professeure adjointe, Université de la Saskatchewan, à titre personnel : Merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous. Je suis heureuse de vous parler. Je suis professeure de droit à l'Université de la Saskatchewan.
Ces 15 dernières années, j'ai beaucoup travaillé sur les questions électorales qui touchent les Métis de la Saskatchewan, et j'enseigne le droit autochtone. J'ai aussi examiné certaines questions constitutionnelles concernant le peuple métis.
En tant que Métisse, je comprends bien la question que vous posez et le problème avec lequel vous êtes aux prises. En tant que chercheuse et avocate, je comprends aussi la profondeur et la complexité du sujet à l'étude en ce moment.
Après avoir examiné la question et avoir vécu ces choses dans ma famille, je veux que ce soit très clair : il n'y a pas de solution miracle. Je pense que vous allez tous arriver à cette conclusion. La façon dont on comprend l'identité du peuple métis, au Canada, est fondée sur les relations de notre peuple avec le reste de la population. Je comprends que nous devons déterminer qui sont les Métis pour toutes les raisons qui ont été invoquées ce matin, c'est-à-dire notre identité culturelle — qui nous sommes —, notre contribution, notre rôle dans l'histoire et dans la société contemporaine du Canada relativement à notre contribution à la création du pays, l'accès à l'éducation et à l'emploi, le fait que nous sommes reconnus au sens de l'article 35 et ce que cela signifie en réalité.
Notre histoire est unique et se fonde sur deux races, et c'est ce qui rend la question tellement complexe. Nous avons des liens avec les Premières nations de notre pays, et nous avons aussi des liens extérieurs avec les Européens. Je veux que vous sachiez que je trouve cette question extrêmement importante.
Lorsque nous commençons à nous demander qui sont les Métis et à aborder la question de l'identité, la réponse dépendra de la personne qui a posé la question et des raisons pour lesquelles elle l'a posée.
Il y a la question généalogique à caractère culturel : « Quelle est votre généalogie? » Il n'est pas très difficile de trouver des Métis qui remontent aux signataires de traités, et des chefs qui ont insisté pour dire que leurs filles, leurs enfants et leurs maris étaient signataires. Nous avons donc des gens dont l'existence est fondée sur deux races qui ont participé aux traités. Nous avons aussi des Métis qui ont vécu dans des réserves et qui n'ont jamais participé aux traités. Au Canada, nous avons pris l'habitude d'inclure les personnes sans statut dans la catégorie des Métis. Des gens bien connus ont été inscrits sur la liste pour ensuite en être exclus. On a aussi inscrit des gens à qui l'on avait déjà refusé le statut pour plusieurs raisons à caractère sexiste. C'était un fourre-tout pendant quelque temps; on était Métis si on n'entrait dans aucune catégorie des Premières nations. Lorsque vous étudiez notre histoire, vous pouvez constater que cela se produit encore de nos jours.
Ces 25 dernières années, les tribunaux ont rendu des décisions qui indiquent que des gens sont passés d'une catégorie à l'autre, ce qui soulève des questions. Par exemple, qu'arrive-t-il si vous êtes visés par l'article 6.1 ou 6.2 de la Loi sur les Indiens et que vous perdez votre statut? Allez-vous revenir dans la famille des Métis? Si c'est le cas, quelles seront les répercussions? Il existe une hiérarchie. Je pense que ce serait faire l'autruche de ne pas tenir compte du fait qu'un grand nombre de Métis reconnus tentent de s'inscrire dans un registre des Premières nations, étant donné qu'on leur a refusé cela au cours de l'histoire. Ils pensent que c'est une façon beaucoup plus fiable de prouver leur identité. J'en parle seulement pour démontrer à quel point la question est complexe.
J'aimerais parler de mon expérience personnelle en ce qui a trait à la question de la généalogie. J'ai été mariée deux fois. Mon premier mari était de descendance suisse et française, et nous avons eu trois enfants. Pour utiliser un mot qui, à mon avis, s'utilise dans la société moderne, mon premier mari était un Blanc, et mes trois enfants issus de ce mariage sont Métis. Ils sont inscrits. Mes enfants s'identifient en tant que Métis. Nous avons des liens familiaux très forts. Ils ont été élevés avec leurs grands-parents, c'est-à-dire mes parents, qui ont eu une très grande influence sur eux. Mes enfants sont maintenant des adultes.
J'ai ensuite épousé un homme de la Première nation Sweetgrass, ici en Saskatchewan, et nous avons un fils. Mon fils est inscrit comme membre de la Première nation Sweetgrass. En raison de la façon dont la Métis Nation - Saskatchewan et le Ralliement national des Métis ont tranché la question de l'identité, le bébé que j'ai porté pendant neuf mois et à qui j'ai donné naissance, tout comme mes trois premiers enfants, ne sera jamais Métis. On lui refuse le droit d'être Métis, car il est inscrit au registre des Indiens. Je ne pense pas que lorsque les Allemands et les Irlandais se marient, ils demandent ensuite à leur partenaire de choisir à quelle famille leur enfant appartiendra. Sur les plans généalogique et biologique, nous n'imposons pas cela aux gens, à moins qu'ils soient Métis, et nous nions ensuite que cela se fait. J'ai exercé des pressions sur nos dirigeants politiques pour qu'ils se penchent sur la question.
Lorsque la Métis Nation - Saskatchewan et la Métis Nation of Alberta ont mis sur pied leur système de registres — et j'ai étudié ces systèmes — j'ai interrogé ces gens. J'ai fouillé dans la base de données et j'ai découvert qu'on demandait aux gens s'ils étaient membres des Premières nations ou Inuits. On envoie ensuite le formulaire de demande au gouvernement fédéral, où on sort la liste d'Indiens inscrits en se disant, par exemple : « Marilyn Poitras veut s'inscrire en tant que Métis. Est-elle Métis? » On vérifie la liste. On se demande ensuite : « Est-elle membre des Premières nations? » On vérifie la liste des Premières nations et on conclut : « Non, elle n'est pas sur la liste; elle peut donc s'inscrire comme Métis. » On retourne alors la demande et les documents d'où ils viennent. Eh bien, il y a plusieurs choses qui se passent dans un tel cas. On ne peut pas affirmer qu'on est Inuit non plus, mais nous n'avons aucune façon d'inscrire les Inuits pour vérifier la liste. Le gouvernement fédéral ne dispose d'aucune liste magique d'Inuits qu'il peut consulter.
Certains de nos dirigeants diront qu'ils n'ont pas de problème à ce que les gens soient Métis et Inuit en même temps. Ils diront que ce n'est pas le vrai problème, car le vrai problème, c'est si vous êtes Métis et membre d'une Première nation en même temps. Et qu'est-ce que cela signifie? Ils nous répondent que nous pourrions profiter des deux situations. Si on leur demande encore ce que cela signifie, ils nous répondent que nous pourrions essayer d'obtenir du financement pour l'éducation en tant que membre des Premières nations, et aussi en tant que Métis. Eh bien, je pense qu'à l'ère de l'informatique, nous pouvons facilement vérifier si une personne a fait deux demandes et reçoit deux chèques. Je ne comprends pas vraiment ce critère, et il devient de plus en plus problématique; la double citoyenneté ne semble donc pas être une option pour les Métis.
On vous a sûrement demandé plusieurs fois si vous apparteniez à la patrie métisse, invoquant ainsi la géographie comme l'un des fondements de l'identité. Nous savons qu'il y a des gens aux Territoires du Nord-Ouest et dans les provinces de l'Est — et j'ai travaillé avec quelques-unes de ces personnes... Il y a des organismes métis et des Métis inscrits dans toutes ces régions. Il y a des gens, au Yukon, qui se considèrent Métis, et qui reçoivent du financement du gouvernement fédéral pour l'éducation et les soins de santé, alors que ce financement n'est pas offert aux Métis du Sud.
Nous arrivons enfin à la définition de Métis, tant sur le plan national que provincial. Si on n'appartient pas à la patrie métisse, on n'est pas Métis, ce qui donne lieu à une guerre interne pour savoir si l'on est vraiment Métis ou non. On nous demande si nous venons de l'Ontario, du Québec ou de l'une des provinces de l'Est ou si nous venons d'un territoire non reconnu. C'est vraiment un problème.
Il est très important de reconnaître et de comprendre qu'on s'est déjà battu au sujet de cette question, et que les Métis ont eu des difficultés avec la structure foncière et gouvernementale, et qu'ils veulent fièrement affirmer qu'ils se sont battus pour ces droits. On entend donc un appel patriotique politique très fort en ce qui concerne les liens avec la patrie.
Toutefois, le problème avec la définition qui exige d'appartenir à la patrie, c'est qu'elle nie qui nous sommes. Elle nie que nous étions un peuple très nomade, que nous avons été les principaux partisans de la traite des fourrures au pays, et que les autoroutes du pays suivent les chemins tracés par les charrettes de la rivière Rouge des Métis. Notre héritage couvre tout le territoire de l'Amérique du Nord, et maintenant, on refuse de le reconnaître et on commence à parler d'une patrie. Je pense que nous devons être honnêtes au sujet de notre passé.
La définition politique entre aussi en ligne de compte lorsqu'on cherche à savoir qui sont les Métis. Avec le dernier groupe de témoins, vous vous êtes demandé qui accordait le statut de Métis et si la tâche devait incomber à nos politiciens. J'ai travaillé sur les questions électorales en Saskatchewan. J'ai fait deux fois le tour de la province pour demander aux gens comment ils sont inscrits sur la liste et en sont ensuite exclus, s'ils peuvent voter et d'où viennent leurs droits.
L'ancien système dans lequel les habitants ou les plus petites unités de gouvernance en Saskatchewan décidaient qui était sur la liste ou non est devenu très politique. Il y a même eu des guerres intestines ou familiales. Les gens pouvaient facilement être ajoutés à la liste ou en être exclus.
Un autre problème qui a été soulevé, c'est que la population envoyait des longues listes de noms aux organismes provinciaux, qui inscrivaient ces noms et renvoyaient une liste maîtresse, et la liste était à nouveau modifiée. On ne pouvait pas savoir avec certitude si un nom allait être légitimement inscrit sur la liste ou non.
Lorsqu'un organisme politique comme le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial vous demande qui vous êtes en tant qu'Autochtone, cela donne lieu à des décisions comme celle qui a été rendue dans l'affaire re Eskimos. Pour prendre une décision, on cherche à déterminer qui est responsable de la personne sur le plan financier. C'est ce qu'on cherche à savoir. Est-ce le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial? Ensuite, on demande à la personne si elle est un Indien en vertu de l'article 91.24, car si c'est le cas, le gouvernement fédéral en est responsable sur le plan financier. Dans le cas contraire, la personne se retrouve dans une zone d'incertitude, et on cherche à savoir si elle relève de la province ou non. Cela devient très compliqué.
Nous nous retrouvons aussi avec des choses comme l'article 6 de la Loi sur les Indiens. On lui donne quelques titres que j'aimerais partager avec vous; il y en a un qui est très amusant, bien sûr, et on l'entend au cours de presque toutes les réunions des Premières nations sur la gouvernance. On l'appelle l'article « marie-ton-cousin », car si vous n'épousez pas votre cousin, vous allez perdre votre statut; nous devons donc préserver ces lignées sanguines. Je l'appelle plutôt la « loi pour diminuer les Indiens », car nous créons un système dans lequel il y aura de moins en moins de membres des Premières nations dans un registre.
Nous parlons d'établir une liste fédérale de Métis, ce qui serait facile, car les organisations métisses envoient, en ce moment, des listes de noms au gouvernement fédéral. Je suis certaine qu'on est en train de créer cette liste. Toutefois, est-ce la meilleure façon de savoir qui sont les Métis? Ce type de registre a posé tellement de problèmes aux membres des Premières nations. Personnellement, ce genre de chose me rend très nerveuse.
La question politique de savoir si nous avons des droits, si nous avons des droits autochtones lorsque nous sommes Métis, est très actuelle. J'ai participé aux négociations sur les droits de récolte en Saskatchewan. Dans le Nord de la Saskatchewan, il y a des gens qui, grâce aux tribunaux, ont obtenu des droits de récolte parce qu'ils sont Métis. Toutefois, dans le Sud de la province, ces droits ne sont pas reconnus. Nous essayons de comprendre si la définition fondée sur l'arrêt Powley fonctionne. Nous avons maintenant recours à une interprétation judiciaire pour déterminer qui sont les Métis. C'est très compliqué, car nous voulons avoir une identité fondée sur la collectivité, et la chasse est seulement permise dans un certain périmètre autour de la collectivité. Je comprends qu'on veuille avoir le lien avec la collectivité, car elle établit l'identité, mais limiter les Métis sur le plan géographique, c'est nier complètement ce qu'ils ont été au cours de l'histoire. Ils n'étaient pas limités sur le plan géographique. En fait, ils ont été les instigateurs principaux de la traite des fourrures.
Cela contrevient aussi à la liberté de circulation et d'établissement de l'article 6. Personne ne parle du reste de la Constitution. Parfois, on est tellement concentré sur l'article 35 qu'on oublie de se demander pourquoi on limite les droits des Métis de cette façon. On ne le fait pas dans le cas des droits de récolte des Premières nations; pourquoi le fait- on lorsqu'il s'agit des Métis?
L'aspect judiciaire est tellement important dans cette histoire, que je suis triste de voir que nous nous sommes résignés à laisser le système judiciaire décider qui sont les Métis. Je pense que si les Autochtones avaient une forme d'autonomie gouvernementale ou de souveraineté, l'élément fondamental sur lequel on pourrait exercer sa souveraineté serait l'identité de son peuple. Nous devons donc pouvoir compter sur nos dirigeants politiques pour qu'ils élaborent ces définitions.
Au cours de l'histoire, lorsqu'on a tenté de déterminer qui étaient les Autochtones, c'était pour les envoyer dans les pensionnats indiens, leur enlever leurs enfants, les empêcher de se déplacer dans la province, leur refuser l'accès à l'emploi et les envoyer en prison. De nos jours, ce n'est pas une mauvaise chose d'être Autochtone. En fait, on devrait en être fier. Toutefois, cela ne s'applique pas aux Métis. Ce que je trouve intéressant, c'est que nous ne pouvons pas dire que nous avons le droit de récolte dans notre pays étant donné que nous sommes Métis et qu'il s'agit d'un droit historique, parce que c'est à ce moment-là que le gouvernement s'interpose et qu'il veut vérifier si nous sommes vraiment Métis.
Nos pénitenciers comptent beaucoup d'Autochtones, dont bon nombre de Métis. Croyez-vous que la magistrature a déployé autant d'efforts à analyser chaque dossier pour déterminer s'il s'agissait de Métis avant de les incarcérer qu'elle ne l'a fait avant de leur octroyer leurs droits de récolte? J'en doute beaucoup. Alors, qui décidera? Je souhaite que ce soit les dirigeants politiques. Je veux pouvoir leur faire confiance.
J'aimerais que cette responsabilité revienne à nos dirigeants politiques, car traditionnellement, la nation métisse reposait sur une forme de gouvernance populaire, c'est-à-dire que les citoyens prenaient les décisions et les dirigeants s'exécutaient, et non le contraire.
Je crois que cette forme de gouvernance constitue la meilleure solution. Je rêve peut-être en couleurs, mais je suis prête à l'admettre. Merci.
Valerie Arnault-Pelletier, coordonnatrice des Autochtones, College of Medicine, Université de la Saskatchewan : Je tiens à vous remercier pour cette occasion qui m'est offerte aujourd'hui. Ma déclaration portera sur le College of Medicine de l'Université de la Saskatchewan et son processus d'admission.
Permettez-moi d'abord de me présenter. Mon nom est Val Arnault-Pelletier. Mon conjoint est issu d'une famille métisse très traditionnelle. Je suis membre de la bande Beardy's et Okemasis et ma mère était membre de la bande de Waterhen, alors j'ai des liens étroits avec la Saskatchewan. Lorsque Marilyn parle de mariage entre cousins, c'est un peu préoccupant.
Je viens vous parler aujourd'hui de l'identité autochtone, plus particulièrement de l'identité métisse, et du processus d'admission du College of Medicine de l'Université de la Saskatchewan. Actuellement, la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan autorise l'établissement à réserver dix places à des candidats métis, inuits ou issus des Premières nations. Ceux-ci doivent satisfaire aux mêmes conditions d'admission que les candidats non autochtones, sauf qu'ils se font concurrence entre eux pour les places réservées. Il nous incombe de nous assurer que les candidats retenus ont des origines métisses ou inuites vérifiables ou qu'ils ont une ascendance autochtone.
Je travaille à l'université depuis près de 20 ans et, à ce jour, nous n'avons eu, à ma connaissance, aucun candidat inuit déclaré. Et je ne parle ici que du College of Medicine. Les candidats des Premières nations déclarés et détenteurs d'un certificat de statut d'Indien n'ont eu aucune difficulté jusqu'à maintenant à obtenir des places réservées. Cette tendance est claire, quoique certains pourraient en débattre. Les candidats qui nous inquiètent dernièrement, ce sont les Métis déclarés.
Le College of Medicine n'a jamais établi de paramètres d'admission pour les Métis, ni imposé de restrictions quant aux preuves d'ascendance métisse requises. Nous avons accepté des cartes de groupes locaux et de la Métis Nation de la Saskatchewan, ainsi que des lettres, des arbres généalogiques et des cartes de membre du peuple métis de partout au pays. Lors du dernier cycle d'admission, quelques demandes ont retenu l'attention du comité d'étude des demandes d'admission, composé du directeur, du coordonnateur des admissions et de moi.
Des candidats ont fourni des cartes de membre ou de membre affilié délivrées par des organisations autorisées. Toute personne voulant appartenir à ces organisations pouvait se procurer une de ces cartes, moyennant une certaine somme, sans pour autant être Autochtone.
Une de ces organisations se distinguait des autres par le libellé de son site web, soit qu'elle pouvait délivrer des certificats de statut d'Indien. J'ignore ce que c'est, mais il semble que ce soit un certificat officiel. Les détenteurs sont identifiés comme étant membres d'une bande métisse. On utilise notamment les mots « plume », « peints » et « tribu ».
Jusqu'à présent, je n'ai pas réussi à confirmer qu'il s'agit d'une vraie bande ou collectivité métisse. Je m'inquiète beaucoup de voir que des gens pourraient utiliser nos places réservées pour favoriser leurs propres intérêts, sans manifester la moindre intention de dédommager la collectivité autochtone ou de donner au suivant, comme le dit si bien notre directeur des admissions.
Je crois que, dans les provinces de l'Ouest et ailleurs au pays, les collectivités autochtones s'intéressent beaucoup à l'identité autochtone, aux liens familiaux et aux origines familiales.
Après avoir remarqué ces demandes d'admission de Métis, le comité a analysé de plus près les certificats délivrés par ces organisations non représentées par le Ralliement national des Métis ou ses équivalents provinciaux ou locaux. Je le répète, ces organisations étaient autorisées à délivrer des certificats et n'importe qui voulant appartenir à ces organisations métisses pouvait en obtenir un. Les détenteurs peuvent ensuite les utiliser pour s'inscrire à des études postsecondaires ou à des cours et pour obtenir des bourses d'études et des crédits pour frais de scolarité.
Puisque notre établissement accepte des étudiants métis des autres provinces, cela nous pose problème, car nous n'avons aucun moyen de vérifier leurs antécédents et leur généalogie, notamment dans le cas des deux candidats que j'ai évoqués. L'un d'eux a indiqué qu'une de ses arrière-grands-mères était membre d'une tribu venant du nord-est des États-Unis et qu'un de ses parents était un professionnel de la santé et originaire d'un autre pays. J'ignore encore comment cela lui a permis d'obtenir ce certificat.
Dans le cadre de notre processus de consultation, nous avons communiqué avec le centre pour étudiants autochtones, le registraire de l'Université de la Saskatchewan, la Métis Nation de la Saskatchewan, le Ralliement national des Métis, la Commission des droits de la personne, le conseiller pédagogique et en équité de la province, les services d'inscription des étudiants et l'avocat de l'Université de la Saskatchewan. À la suite de bon nombre de réunions, d'appels téléphoniques, de courriels et de discussions, nous avons rédigé une nouvelle politique que nous avons publiée sur notre site web. Elle dit ceci :
Les candidats devront déclarer leur appartenance à un groupe autochtone sur leur demande d'admission afin d'être admissibles au Programme des places réservées aux Autochtones.
Les preuves généalogiques acceptables sont : un certificat de statut d'Indien, un certificat de statut de Métis, une carte de la Fiducie du Nunavut ou un numéro d'enregistrement inuit. Le College of Medicine de l'Université de la Saskatchewan reconnaîtra UNIQUEMENT les certificats de statut de Métis reconnus délivrés par les organismes provinciaux représentés par le Ralliement national des Métis.
Les candidats pourraient devoir prouver leur ascendance, et les décisions rendues par Comité d'étude des demandes d'admission sont finales.
Le président : Bravo!
Mme Arnault-Pelletier : Cette politique a été approuvée par la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan qui approuve nos places réservées.
Nous espérons que ce processus plus rigoureux nous permettra de décerner nos places réservées à de vrais Métis et d'assurer l'intégrité du programme. Il est inexcusable que des candidats puissent profiter des places réservées pour favoriser leurs propres intérêts.
Nous devons collaborer afin de nous assurer que le processus d'admission de notre programme de places réservées demeure neutre de façon à ce que les Métis aient un accès équitable à l'éducation et au marché du travail. Nous avons une responsabilité envers nos collectivités, nos familles et nos aînés.
En février 2011, le ministre des Affaires indiennes a tenté de prendre les devants afin de définir le statut de Métis. Dans le cadre de mes recherches sur la question, j'ai découvert un article qui démontrait clairement que les leaders métis étaient outrés de cette initiative du gouvernement. En lisant l'article, je me suis posé les questions suivantes : qui surveille le site web du gouvernement du Canada, celui qui reconnaît la validité des particuliers ou des groupes qui délivrent les certificats du statut de Métis? Cette responsabilité ne devrait-elle pas revenir au Ralliement national des Métis, un organisme reconnu au pays? Les gens responsables ne réalisent-ils pas l'importance de la généalogie et de la lignée des Métis, des terres métisses historiques et du caractère distinct des Métis? La responsabilité de définir le statut de Métis ne devrait-elle pas revenir au peuple métis?
J'aimerais mentionner une dernière chose. Le College of Medicine étudie la possibilité de mettre sur pied un groupe d'experts formé de membres de la collectivité autochtone qui aurait pour mandat de discuter avec les candidats autochtones afin de connaître leur lien avec la collectivité, leurs préférences et leur opinion sur la culture et l'histoire des peuples autochtones de la Saskatchewan et du reste du pays. Ce projet est en cours. Nous n'avons pas réponse à tout, mais nous voulons un processus équitable pour les candidats à nos places réservées. Nous vous remercions, la collectivité métisse et nous, pour votre contribution dans ce dossier.
Merci.
Le président : Chers collègues, bon nombre de personnes se demandent pourquoi nous menons cette étude. Voilà une bonne raison. Cela vient confirmer le besoin d'agir dans ce dossier.
Le sénateur Sibbeston : J'aurais une question fondamentale à poser et je vais l'adresser à Marilyn Poitras : À quel point est-ce important que les Métis figurent à la liste des peuples autochtones dans la Constitution? Est-ce simplement une question de temps avant que les tribunaux n'obligent le gouvernement fédéral à reconnaître les Métis en vertu de l'article 91.24?
Mme Poitras : Les tribunaux hésitent beaucoup à prendre cette décision. Je serais surprise qu'ils agissent ainsi. Il est clair que l'idée germe au sein de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Les Métis ont toujours été considérés entre Indien et Blanc. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de notre propre identité et devons être reconnus. Je crois que la modification de l'article 35, ainsi que les accords conclus à l'époque entre les Inuits, les Premières nations et les Métis constituent des étapes importantes pour les Autochtones du pays, car nous ne formons pas un groupe homogène. Mais dans des situations comme celle-ci, nous devons être considérés comme un seul groupe. Je crois que la modification de l'article 35 a été la meilleure chose qui puisse arriver.
Sur le plan politique, au sein de nos collectivités, certains se disent Métis et non-Indiens. Cette forme de racisme est très présente et ça me désole. Il est très important que les Métis soient inclus dans le libellé de l'article 35.
Il s'agit, selon moi, de la reconnaissance de notre contribution à l'histoire et à l'avenir du pays.
J'ai écouté la déclaration de Lisa Wilson ce matin. Je me suis dit : « Ce Gabriel Dumont Institute est un établissement d'enseignement autochtone essentiel qui jouit d'un passé riche et qui possède un très bel avenir pour aider les Autochtones à progresser. Pourquoi n'en parlons-nous pas? Nous ne célébrons pas ce genre de réussite. »
Je suis enseignante dans le Programme de droit des Autochtones, à l'Université de la Saskatchewan, auquel participent les Autochtones qui désirent faire carrière dans le droit. Cet été, la moitié des quelque 40 étudiants ont dit vouloir devenir politiciens. Ils veulent défendre les intérêts des Autochtones. On pourra toujours citer l'article 35 pour montrer que nous sommes reconnus. Si les tribunaux s'en vont dans cette direction, les politiciens devront suivre, mais je ne parierais pas là-dessus.
Le sénateur Sibbeston : La reconnaissance des Métis en vertu de l'article 91.24 ne leur confèrerait pas nécessairement les mêmes privilèges que les Premières nations, notamment en matière de réserves. C'est un peu comme les Inuits dans l'Arctique : ils sont reconnus en vertu de l'article 91.24, mais ils n'ont pas de réserve et leur histoire est totalement différente.
À mes yeux, il s'agit du peuple autochtone le plus chanceux au pays, car avec la création du Nunavut, ils ont obtenu ce que souhaitent tous les groupes autochtones ou indigènes du monde : l'autonomie gouvernementale et l'autodétermination.
Le Canada est un pays merveilleux. C'est extraordinaire que le Nunavut ait été créé sans qu'il y ait de conflit entre les Dénés et les Inuits du Nord. Maintenant que les droits des Métis sont de plus en plus reconnus et que le gouvernement est tenu d'assumer ses responsabilités face à ce peuple, les Métis devraient pouvoir obtenir ce qu'ils demandent, notamment des terres, pas en tant que réserves, mais bien en tant que ressources financières, les retombées de la mise en valeur des ressources et des possibilités en matière d'éducation. Je crois que c'est possible.
Selon moi, c'est ce sur quoi nous devrions nous concentrer, car les Métis sont différents. Ils sont indépendants. Si on leur en donnait la possibilité, ils s'épanouiraient, car ils ont ce qu'il faut. Ce peuple indépendant a la culture, la fierté et la détermination nécessaires pour réussir dans la société canadienne d'aujourd'hui.
C'est mon opinion. À un certain moment, quelqu'un au sein du gouvernement fédéral — je ne crois pas que cela soit possible au niveau provincial — devra assumer cette responsabilité et donner aux Métis les ressources et les possibilités nécessaires pour s'épanouir. Je crois que c'est ce que nous attendons avec intérêt et ce qu'attendent avec impatience les Métis du Canada. Auriez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
Mme Poitras : Je crois que l'on pourrait faire en sorte pour que l'article 91.24 reconnaisse qu'il existe des différences entre les peuples autochtones. Prenons, par exemple, les Inuits : on les retrouve partout dans le Nord du pays, mais ils sont tous différents. Cependant, ils peuvent maintenant définir les caractéristiques de leur peuple et régler leurs problèmes à leur façon.
Dans mes déplacements à l'étranger, j'utilise le Nunavut à titre d'exemple d'un peuple autochtone qui jouit de l'autonomie gouvernementale.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cette possibilité existe et ce serait merveilleux si cela pouvait se réaliser.
Le sénateur Dyck : Nous avons beaucoup entendu parler dernièrement de l'éducation et de l'emploi, et de l'importance de ces deux éléments pour l'avenir des peuples autochtones, notamment les Métis.
Mme Arnault-Pelletier a parlé des droits de la personne et de l'équité. Au fur et à mesure que ce dossier progressera, la question de l'équité, de l'identité métisse et des places réservées deviendra de plus en plus importante.
Votre exposé porte exclusivement sur le College of Medicine. Qu'en est-il du reste de l'université? D'autres collèges, comme le College of Law, ont-ils une représentation équitable? Avez-vous une définition? Qu'en est-il du College of Arts and Sciences, de l'université en général et des universités et des collèges partout au Canada? Quelqu'un s'est-il penché sur la question. Je suis sûre que oui.
Mme Arnault-Pelletier : En fait, j'en ai parlé à la direction de l'université et au registrariat. Nous espérons que d'autres collèges vont accepter la nouvelle politique que nous élaborons présentement. Nous allons les mettre au défi d'examiner leur méthode d'acceptation des étudiants autochtones pour obtenir une représentation équitable.
Par ailleurs, je n'ai pas souligné que le site Internet du gouvernement du Canada reconnaît le groupe qui délivre des cartes de membre affilié.
Le sénateur Raine : Pouvez-vous nous dire quel est ce groupe?
Mme Arnault-Pelletier : C'est l'Ontario Métis Family Records Centre. Si je ne me trompe pas, son site Internet précise qu'une équipe formée d'un mari et de sa femme délivre les cartes de membre.
Le président : Êtes-vous surprise que le gouvernement fédéral puisse commettre une erreur?
Mme Arnault-Pelletier : Je suis très surprise que le groupe soit reconnu.
Le président : Pardon?
Mme Arnault-Pelletier : Je ne sais pas si ce sera contesté devant les tribunaux, parce que...
Le sénateur Dyck : Vous nous recommandez d'examiner la question, je présume?
Mme Arnault-Pelletier : En effet.
Le sénateur Dyck : Oui.
Mme Arnault-Pelletier : C'est pourquoi j'ai demandé qui surveillait le site Internet du gouvernement du Canada.
Le sénateur Dyck : Nous le ferons.
Mme Arnault-Pelletier : Qui reconnaît les établissements et les organisations?
Le président : Le sénateur Dyck est comme un petit pitbull. Elle va vider la question et n'en démordra pas.
Mme Arnault-Pelletier : Ça cause beaucoup de problèmes aux établissements d'enseignement, surtout parce que peu de gens sont au courant, à mon avis.
Mme Poitras : C'est aussi ce qui se passe au College of Law. Je siège à son comité d'admission depuis un an. Bon nombre de personnes qui se disent Autochtones ont présenté une demande. Les membres du comité m'ont demandé comment on pouvait savoir s'ils étaient Autochtones. J'ai répondu qu'il fallait demander à ces personnes de nous envoyer un document qui porte sur leurs ancêtres. Nous voulons comprendre de quelles communautés ils proviennent. Quelqu'un de leurs communautés peut-il nous répondre par écrit? On m'a demandé s'il fallait bel et bien exiger toutes ces preuves. L'université fonctionne pas mal en vase clos. Nous avons tous nos méthodes indépendantes d'évaluation des demandes et nous avons de la difficulté à collaborer et à partager les pouvoirs à ce chapitre. C'est clair qu'il faut renforcer la collaboration.
Le problème est plus important qu'il n'y paraît, car l'Université de Saskatchewan demande aux étudiants métis d'avoir une carte qui prouve leur identité. Si on vient de la Saskatchewan, on doit posséder une carte de Métis pour entrer au College of Medicine. Étant donné que la Métis Nation of Saskatchewan n'a plus d'argent à l'heure actuelle, elle ne s'occupe plus de l'enregistrement. Ceux qui n'ont pas de carte sont laissés pour compte. C'est déjà arrivé à de nombreuses reprises.
Cela entraîne bien des problèmes. Une personne d'une autre province qui présente une demande en tant qu'Autochtone sans être enregistrée pourrait avoir un meilleur accès que les Métis de la Saskatchewan, parce que nous n'avons pas assez d'argent pour les enregistrer. C'est un problème complexe.
Mme Arnault-Pelletier : En Saskatchewan, nous sommes heureusement nombreux à nous connaître et nous comprenons les liens de parenté. Au moins, nous comprenons ces relations. En général, la communauté peut fournir un document qui authentifie la généalogie.
Le sénateur Raine : Merci beaucoup à vous deux. Nous sommes très reconnaissants de ce que vous apportez à notre étude.
Madame Arnault-Pelletier, pouvez-vous nous envoyer votre documentation sur l'élaboration de la nouvelle politique? Ce serait très utile pour nous. Je pense que vous pouvez définir la représentation équitable mieux que nous. Pouvez-vous nous fournir vos documents?
Mme Arnault-Pelletier : Oui, nous pouvons faire ça. La politique est déjà élaborée, et nous avons déjà l'appui de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan. La politique figure déjà sur notre site Internet.
Le sénateur Raine : Vous voulez maintenant faire connaître cette politique à d'autres organisations?
Mme Arnault-Pelletier : Oui.
Le sénateur Raine : Vos documents nous aideraient.
Mme Arnault-Pelletier : Je vais participer à une réunion nationale à Vancouver avec d'autres coordonnateurs autochtones issus des écoles de médecine de partout au Canada. J'ai bien l'intention de discuter en détail de cette politique avec eux.
Le sénateur Raine : Très bien, merci.
Le président : J'ai une autre question. Vous avez dit que la région était plus vaste. Mais la chronologie des événements liés à Cuthbert Grant et à Seven Oaks en 1816, à Louis Riel en 1869-1870 et à la guerre de 1884 à Batoche indique que la communauté et la langue étaient distinctes.
Par analogie, si on vient de France, en Europe, et qu'on parle français, on est Français peu importe où l'on va. Les Métis pourraient se trouver un peu partout.
Ne pensez-vous pas que la région où Louis Riel, Grant et divers autres chefs ont lancé le mouvement métis et formé un gouvernement en vertu de la Loi de 1870 sur le Manitoba définit la région actuelle d'où viennent les Métis?
Mme Poitras : Cette question me tourmente beaucoup, parce que personnellement, je n'ai pas de mal à trouver mes ancêtres enterrés au cimetière de Batoche. Je ne me demande pas si je suis Métis. Ce qui me préoccupe, c'est les gens qui n'avaient pas de lien, qui venaient d'ailleurs au Canada et qui ont souffert comme nous en Saskatchewan, mais qui n'étaient pas en mesure de s'organiser sur le plan politique. Donc, puis-je être la personne de ma génération qui établit qu'une autre n'est pas Métis en raison de son éloignement? Qu'en est-il des gens qui ont déménagé pour des raisons familiales, qui vivent maintenant à St-Louis, au Missouri, et dont les ancêtres sont plus faciles à retracer, parce que la mère a toujours vécu au Québec?
Je pense que la question est très chargée. En tant qu'Autochtones, nous voulons tellement trouver une définition claire de qui nous sommes et qui évite d'assimiler les gens à notre culture et à notre vie.
Le président : Mme Arnault-Pelletier a parlé d'assimilation. On ne peut pas assimiler beaucoup de gens sans établir des balises. Il faut trouver une définition.
Mme Poitras : Oui, je suis d'accord.
Le président : Il faut établir une définition, sinon c'est comme un monstre à deux têtes. J'aimerais que vous y songiez.
Si vous pouvez nous envoyer des documents ou que vous avez d'autres commentaires qui vont nous aider dans cette étude, veuillez prendre contact avec la greffière, Marcy Zlotnick. Vous pourriez témoigner de nouveau à Ottawa sur les Métis au Canada si ça nous permettait selon vous de soumettre un meilleur rapport.
Mme Poitras : Merci de votre temps.
Le président : Merci beaucoup de votre exposé et de vos réponses.
(La séance est levée.)