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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 25 - Témoignages du 23 octobre 2012


OTTAWA, le mardi 23 octobre 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30 pour examiner la reconnaissance juridique de l'identité des Métis au Canada et pour faire rapport sur la question.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous mes honorables collègues et au public qui regardent la diffusion de notre réunion sur CPAC ou Internet. Je m'appelle Gerry St. Germain. Je représente la Colombie- Britannique, mais je suis né au Manitoba.

Le mandat de notre comité consiste à examiner les lois et les questions se rapportant aux peuples autochtones du Canada. Aujourd'hui, nous continuons à examiner la reconnaissance juridique et politique de l'identité et des droits des Métis au Canada.

Dans le cadre de notre étude, nous nous sommes rendus récemment au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest pour y tenir des réunions publiques et des séances d'information. Le dossier nous est apparu encore plus complexe pendant ce voyage.

L'engagement manifesté au sein des collectivités métisses nous a beaucoup impressionnés. Nous sommes reconnaissants aux témoins des efforts qu'ils ont déployés pour nous aider à saisir les arcanes de cette question complexe qu'est l'identité des Métis.

Nous remercions également le témoin d'aujourd'hui, M. Tough, qui s'est déplacé de l'Alberta à Ottawa pour nous faire part de ses connaissances spécialisées sur la question.

[Français]

Avant d'entendre notre témoin, j'aimerais vous présenter les membres du comité qui sont avec nous aujourd'hui.

[Traduction]

Je vous présente le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan, qui est vice-présidente du comité, le sénateur Watt du Québec, le sénateur Munson de l'Ontario, le sénateur Greene Raine de la Colombie-Britannique, le sénateur Peterson du Nunavut, le sénateur White de l'Ontario, le sénateur Patrick Brazeau du Québec et le sénateur Jacques Demers du Québec.

Accueillons ensemble Frank Tough, professeur à la Faculté des études autochtones de l'Université de l'Alberta.

Monsieur Tough, nous attendons avec impatience votre déclaration. Je vous demande d'être le plus bref possible pour permettre à mes collègues de vous poser des questions.

Frank Tough, professeur, Faculté des études autochtones, Université de l'Alberta, à titre personnel : Je suis ravi que le comité m'ait invité à comparaître aujourd'hui. Le titre de ma déclaration est : « Introduction au certificat de Métis ». En raison de contraintes de temps, je n'ai pas été en mesure de vous remettre mon exposé dans les deux langues officielles, mais je crois comprendre qu'il sera traduit ultérieurement.

J'ai remis à la greffière toute la documentation se rattachant à mon exposé. Il s'agit surtout de documents historiques. Le document 11 est un livre qui a été publié et qui contient les résultats des recherches que j'ai dirigées pour expliquer le régime de certificats de Métis.

Pour m'assurer de bien faire le tour de la question, je commencerai par vous lire mes conclusions et constatations. Les professeurs d'université ont tendance à s'étendre sur le sujet, mais je veux m'assurer que vous pourrez me poser vos questions.

Voici donc quelles sont les conclusions. Le régime de certificats implique le passage du titre indien collectif aux droits fonciers individuels.

Mon exposé ne cherchera pas à vous décrire exhaustivement les irrégularités du régime de certificats fonciers. Je voudrais plutôt faire valoir qu'il y a suffisamment de documents historiques pour montrer qu'il y a deux poids deux mesures lorsque l'État traite avec les Métis.

On ne pourrait jamais déterminer dans quelle mesure le régime de concession de terre à des Métis en vertu de la Loi de 1970 sur le Manitoba équivaut à créer un territoire collectif. Cependant, le régime de certificats fonciers fait en sorte que les Métis concessionnaires n'avaient pas droit à la protection de leurs droits de propriété individuels comme les autres sujets britanniques au Canada.

Pendant plusieurs années, les Métis de l'Alberta ont cherché à demander réparation par des recours juridiques et politiques. J'estime que c'est ce qui a créé les conditions ayant mené à la création de la commission Ewing et à l'adoption de la loi sur les établissements métis en Alberta.

De tout temps, le régime de certificats est au cœur de la relation entre les Métis et le gouvernement canadien. Il influe sur l'identité et le caractère distinct des Métis.

« Certificat » désigne une attestation ou un document écrit. J'emploie le terme « bon ». Ce certificat fonde le droit du porteur sur une chose. À l'époque, le certificat de Métis était désigné sous le nom de certificat de « Sang-mêlé » que le gouvernement canadien accordait aux Métis. Ces bons autorisaient la cession ou l'achat de terres. Leur objectif consistait à éteindre les droits fonciers des Indiens métis.

Le paragraphe 125(e) de la Loi sur les terres fédérales de 1879 portait sur le titre Indien et les réclamations des Métis. Il était ainsi libellé :

Donner suite à toute réclamation relative à l'extinction du titre Indien, dans le cas d'une réclamation au profit des Sang-mêlé des Territoires du Nord-Ouest à l'extérieur des frontières du Manitoba en date du 15 juillet 1870, en leur accordant les terres d'une superficie, et à des conditions, jugées pratiques.

Une commission a été recommandée par le ministère de l'Intérieur et autorisée par le Conseil privé. Les commissaires emprunteraient les chemins de terre ou les cours d'eau pour se rendre dans les collectivités, missions et postes de traite pour s'occuper des demandes.

Il y avait deux types de certificat auxquels j'ai fait référence pour les Territoires du Nord-Ouest : certificat d'argent et certificat foncier. Le certificat d'argent autorisait l'achat de homesteads ou d'autres terres en vertu de la Loi sur les terres fédérales. Le certificat foncier permettait l'acquisition de terres arpentées susceptibles de devenir un homestead et l'obtention des lettres patentes sur une partie des terres fédérales en fonction de la valeur du certificat.

Le montant du certificat allait de 160 acres/dollars à 240 acres/dollars. Les formulaires de demande permettaient de recueillir beaucoup de données géographiques et généalogiques sur les Métis.

Si la demande était approuvée, le Métis recevait un certificat provisoire qui établissait la validité de la demande, mais qui ne pouvait permettre l'achat des terres demandées. Il était souvent acheté par des tiers. Les certificats provisoires pouvaient être échangés pour des bons sous l'égide de la Direction générale des lettres patentes du ministère de l'Intérieur à Ottawa. Le Métis devait alors se présenter au bureau des terres fédérales, là où il souhaitait obtenir une concession et devait procéder au choix de l'emplacement. C'est ce qu'on appelait la règle du choix de l'emplacement. Ce n'est qu'une fois que le Métis avait fait ce choix que la concession pouvait être accordée.

Je voudrais signaler quelques irrégularités en ce qui concerne cette règle. Pendant plusieurs années, les Métis de l'Alberta se sont opposés au régime de certificats. Ils ont signé une pétition à cet effet et entamé des poursuites. Les irrégularités du régime de certificats, particulièrement en ce qui concerne la règle choix de l'emplacement, ont été signalées au ministère de l'Intérieur et au ministère de la Justice à plusieurs occasions.

C'est notamment ce qui est arrivé vers 1910. Les frères L'Hirondelle ont fait parvenir une pétition au ministère de l'Intérieur pour demander que leurs bons leur soient retournés. Ils faisaient valoir qu'ils n'avaient pas fait ce choix et qu'ils n'avaient cédé leurs droits à personne. Le ministère de l'Intérieur a refusé leur demande. Les frères L'Hirondelle se sont ensuite adressés à la Cour de l'Échiquier pour obtenir satisfaction. La Cour de l'Échiquier a rejeté leur demande. L'avocat des deux frères a interjeté appel devant la Cour suprême du Canada, mais un règlement à l'amiable est intervenu entre-temps.

Les conseillers juridiques du gouvernement avaient été d'avis que, si les pétitionnaires « obtenaient gain de cause devant la Cour suprême du Canada, il s'ensuivrait des centaines, voire des milliers de demandes analogues, étant donné qu'il y avait indubitablement un nombre inimaginable de faux certificats et d'usurpations d'identité ».

Après réception de cet avis, on a envoyé une note au ministre de la Justice pour lui indiquer comment traiter cet appel, indiquant notamment qu'il était admis que les démarches prises subséquemment au sujet des certificats avaient été entachées de fraude.

En 1922, des Métis des Territoires du Nord-Ouest et du nord de l'Alberta ont lancé une requête dont le ministère de l'Intérieur fut saisi. La réponse de ce dernier figure dans les documents fournis en pièces jointes. Le ministère y déclarait notamment ce qui suit :

... les certificats délivrés par le ministère au titulaire l'ont été à titre personnel. Par conséquent, il n'est pas considéré que le ministère peut être tenu responsable des démarches prises subséquemment au chapitre du choix de l'emplacement, et que s'il y avait eu fraude à cet égard, il appartenait aux intéressés d'entreprendre les procédures afférentes auprès de l'instance concernée.

Au cours de cette période, la réponse des fonctionnaires du ministère a essentiellement consisté à signifier qu'une fois le document remis, ils se lavaient les mains de l'affaire, répétant souvent qu'en ce qui concerne l'assignation des terres et le choix de l'emplacement, ils s'étaient montrés extrêmement diligents.

La réponse indiquait en outre que les requérants voulant entreprendre des démarches devraient s'adresser aux tribunaux. Et c'est ce qu'ils ont fait, ne tardant pas à soumettre l'affaire aux tribunaux. Il s'agissait cette fois d'une plainte au sujet du non-respect de la règle sur le choix de l'emplacement. À la suite de cette plainte, des accusations criminelles ont été portées contre un important homme d'affaires d'Edmonton, Richard Secord.

Le 5 avril 1921, une Métisse du nom de Flora Taylor a témoigné dans le cadre de l'enquête préliminaire de M. Secord et affirmé qu'à la demande de ce dernier, elle s'était fait passer pour Elizabeth Hislop au Bureau des terres fédérales d'Edmonton.

Accusé d'avoir enfreint l'article 467 du Code criminel, M. Secord a été cité à procès et a été libéré contre une caution de 5 000 $.

À l'époque, le Code criminel du Canada n'était pas tendre à l'égard de l'usurpation d'identité, de la fabrication de faux documents et du parjure relatifs à la propriété, même si des certificats tenaient lieu de terres. La fraude n'était alors pas prise à la légère et était passible d'une peine de 14 ans d'emprisonnement.

Le troisième volet de mon exposé porte sur la reconnaissance officielle des irrégularités. Peu après la citation à comparaître de M. Secord, on a ajouté au projet de loi 138, Loi modifiant le Code criminel, une disposition pour modifier l'article 1140 du Code criminel — instaurant un délai de prescription pour la fraude relative aux certificats de Métis — avant la troisième lecture au Sénat. Sir James Lougheed avait fourni l'explication suivante à l'époque :

L'intention consiste à rendre irrecevable une poursuite qui ne serait pas intentée dans un délai de trois ans suivant la date de l'infraction. Le code ne prévoit aucune disposition à cet égard actuellement... On ajoute donc une mention à l'article 1140 du code, qui concerne le délai de prescription. Deux causes ont été soumises pour des fraudes qui auraient été commises il y a vingt ans. Évidemment, les preuves à l'appui ont disparu depuis longtemps.

Le 21 juillet 1921, les accusations pesant contre Richard Secord ont été abandonnées.

Or, des élections générales se déroulaient concurremment. Le 24 avril 1922, le député d'Edmonton-Ouest, Donald Kennedy, a déposé à la Chambre des communes un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi 54, Loi modifiant le Code criminel. La mesure visait à éliminer la modification apportée à l'article 1140 l'année précédente.

Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes et soumis au Sénat. Ce dernier l'a rejeté, mais la mesure a suscité des débats intéressants au sein des deux chambres, ce qui nous a permis d'en apprendre davantage sur le régime de certificats.

Le 31 mai 1921, sir James Lougheed a apparemment reçu un mémoire d'un conseiller parlementaire, motivant la modification régionale apportée à l'article 1140 du Code criminel. Il y était notamment indiqué ce qui suit :

L'objet de cette disposition est d'établir une prescription de trois ans pour les infractions relatives au choix de l'emplacement des terres visées par un certificat des Métis. Il semble qu'il y ait beaucoup d'irrégularités constituant de la fraude et de la parjure en lien avec le choix de l'emplacement de ces terres, et que les parties fouillent le passé afin de relever des fraudes dans un but de chantage. Si cette disposition est adoptée, ce type de poursuite deviendra irrecevable, puisque les infractions ont été commises il y a trop longtemps.

Cette justification était remarquablement sans détour et vient contredire les explications officielles selon lesquelles le système de certificat des Métis se fondait sur des instruments juridiques préparés en bonne et due forme. Apparemment, le plus préoccupant, c'est tout le chantage exercé envers les personnes qui auraient commis ces prétendues fraudes et parjures plutôt que les infractions criminelles commises à l'origine. Cet état de fait contraste radicalement avec la déclaration des représentants du ministère de l'Intérieur, comme quoi ils vérifiaient ces cessions avec diligence.

Au cours de la même période, en raison d'une controverse publique, une note juridique a été préparée à l'intention du sous-ministre de la Justice. J'aimerais vous lire une partie de cette note en date du 14 octobre.

Il semble que le certificat a été attribué aux Métis par le représentant du ministère des Affaires indiennes et qu'il a été racheté, contre une petite somme, bien sûr, par des spéculateurs. Cependant, le ministère de l'Intérieur exigeait que le Métis lui-même se présente en personne au bureau de l'agent des terres pour sélectionner sa terre et céder son certificat. Pour surmonter cette difficulté, le spéculateur demandait à un Métis d'usurper l'identité du Métis titulaire du certificat. On semble avoir largement fermé les yeux sur cette pratique pendant un certain temps. Comme elle était tolérée, de toute évidence, les infractions étaient très nombreuses. Ces transactions sont de l'histoire ancienne maintenant, et le ministère considère qu'il serait dans l'intérêt de tous d'adopter cette disposition pour officialiser une amnistie générale.

Cet avis juridique nous permet de constater que les gens du ministère de la Justice connaissaient le régime de certificats et de comprendre l'objectif de l'amendement : un, le coût payé par les spéculateurs pour le certificat était très bas; deux, les titulaires devaient se présenter aux bureaux des terres locaux; trois, on contournait cette exigence par le recours à des usurpateurs; quatre, l'usurpation d'identité était répandue; cinq, l'usurpation d'identité était tolérée; six, l'usurpation d'identité remonte à longtemps; sept, la modification au Code criminel se voulait une amnistie générale; huit, toute accusation jetterait un flou sur la validité du titre.

Pendant cette période, l'honorable sénateur Turriff a pris la parole au Sénat sur cette question. Voici ce qu'il a dit :

À mon avis, la question n'est pas de savoir si cette loi aide ou a aidé M. Secord. Il faut plutôt de déterminer s'il est opportun de mettre au jour ces cas de fraude — et je pense qu'il ne fait aucun doute que, dans bien des cas, il y a eu fraude. L'acquéreur achetait le certificat du Métis et lui versait un certain montant, puis il convenait de lui verser le reste de l'argent quand le titulaire du certificat recevrait l'instruction de se présenter au bureau des terres pour enregistrer sa terre. Dans bien des cas, les Métis vivaient à cinq ou six cents milles du bureau des terres, et il était très coûteux de les faire venir. Pour cette raison, il semble que, dans bien des cas, l'acquéreur du certificat faisait venir un Métis autre que le titulaire du certificat, pour qu'il se rende au bureau afin de signer les papiers et d'autoriser le transfert. Cela lui permettait d'économiser toutes les dépenses qu'il aurait fallu encourir pour faire venir le véritable titulaire du certificat au bureau des terres, de même que le solde qu'il restait à verser selon l'entente. Je le répète, à mon avis, il faut plutôt déterminer s'il est opportun de porter ces affaires devant les tribunaux.

Encore une fois, sa déclaration contredit clairement la position officielle du ministère de l'Intérieur, à savoir que le système de certificats était parfaitement légal. M. Turriff était depuis longtemps résident du Nord-Ouest et leader politique, il avait été sénateur, député et commissaire des terres fédérales, c'était donc une personne raisonnablement bien informée sur ces questions.

Je pense que je peux m'arrêter là.

Le président : J'ai une brève question pour vous, monsieur. Comment établissait-on l'identité des Métis à cette époque? On ne les appelait pas des Métis à l'époque. On les appelait « half-breeds », n'est-ce pas?

M. Tough : En anglais, oui, en général.

Le président : Comment les appelait-on en français? Les Michif?

M. Tough : Peut-être parfois. Probablement les Métis.

Le président : Dans vos recherches, avez-vous réussi à établir comment on déterminait qui était admissible à un certificat?

M. Tough : Oui, et on pourrait pousser les recherches. Il faut prendre la Loi sur le Manitoba, qui dicte simplement que quiconque a du sang de Blanc et du sang d'Indien, qu'il soit pâle ou foncé, est considéré comme un Métis et, par conséquent, a droit aux diverses concessions et aux autres droits accordés aux Métis.

Selon la définition qui s'est dégagée de la mise en œuvre de la Loi sur le Manitoba et de l'établissement des commissions de concession de terres aux Métis du Nord-Ouest, rien n'empêchait l'admissibilité à un certificat si l'on portait l'écharpe ou que l'on affirmait faire partie de la Nation métisse. Il n'y avait pas de critères d'identité culturelle ou politique. C'était l'intérêt envers le titre indien qui créait le droit de propriété. Cette définition était très simple et très pratique, il suffisait qu'une personne ait du sang de Blanc et du sang d'Indien, quelle que soit la couleur de sa peau, pour être considérée Sang- mêlé ou Métis et être admissible à tout cela.

Les demandes présentées aux commissions des Métis du Nord-Ouest devaient être assez détaillées. D'une certaine manière, on demandait aux gens s'ils se considéraient eux-mêmes Métis. Généralement, les demandes contiennent des renseignements sur trois générations. L'information a été saisie dans une base de données, et on la trouve en partie sur un site Web que vous pouvez consulter vous-mêmes.

En règle générale, on demandait aux gens si leurs parents étaient Blancs, Indiens ou Métis, et l'on remontait à trois générations. C'est le genre de renseignements qu'on trouve sur la mère et le père. On trouve aussi de l'information sur le demandeur et ses enfants. Il y a considérablement d'information généalogique dans ces documents et, bien souvent, ils sont attestés par des documents annexes, comme des copies d'avis de baptême.

Le président : Est-ce que c'était seulement pour une région précise?

M. Tough : Oui.

Le président : Quelle était cette région, monsieur?

M. Tough : Elle a changé avec le temps. Selon les référents d'aujourd'hui, on peut dire qu'il s'agit du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, des Territoires du Nord-Ouest, du nord du 60e parallèle et de la région de la rivière de la Paix. La plupart des concessions ont été octroyées avant la création des frontières politiques modernes, qui ont été établies en 1905 et en 1912. Dans l'ancienne province du Manitoba, c'est par la promulgation de la Loi sur le Manitoba et d'une loi spéciale, en 1874, que la concession de 160 $ s'ajoute aux certificats. Ailleurs, c'est par la Loi sur les terres fédérales. Les premières commissions, de 1885 à 1887, se fondaient sur les territoires déterminés par les traités, elles utilisaient donc les Traités nos 1, 2 — un peu —, 4, 5, 6 et 7. En fait, le fonctionnement des commissions est expliqué en pièce jointe. Je l'ai bien décrit.

Après, le territoire coïncide avec celui visé par le traité. Donc, avec l'adhésion au Traité 6, en 1889, non seulement y a-t-il eu adhésion à un traité indien, mais on a commencé à traiter les revendications des Métis, selon leur point de vue. Par la suite, le territoire a toujours changé en même temps que les commissions d'étude des traités. Exception faite du Traité 9, cependant. C'est arrivé pour le Traité 8, le Traité 10, l'adhésion au Traité 5 et le Traité 11.

Le sénateur Dyck : Monsieur Tough, vous avez beaucoup mis l'accent sur les certificats des Métis et vous avez parlé de la demande de certificat. Est-il possible que des communautés ait été laissées de côté parce qu'elles ont choisi de ne pas présenter de demandes? Le savez-vous? Avons-nous une idée de l'exactitude des archives des certificats des Métis, ou savons-nous si, pendant le processus, les gens qui recueillaient l'information sont vraiment allés partout où ils étaient censés aller? Autrement dit, il semble que la base de données dépende en partie de la validité des données historiques sur les certificats des Métis.

M. Tough : C'est vrai, et dans toutes les bases de données, il y a des erreurs. À certains moments, il y a des personnes qui ont été exclues. Pour avoir beaucoup étudié la base de données et les demandes de certificats, je peux vous assurer qu'il semble y en avoir beaucoup d'exemples.

Il y avait de la souplesse dans le régime. Par exemple, supposons qu'une personne avait manqué la commission de 1887. D'abord, elle pouvait présenter une demande par écrit. Jusqu'environ 1892, beaucoup de demandes ont été déposées soit au bureau des terres fédérales local, soit directement à Ottawa. Bien souvent, les acquéreurs de certificats des Métis encourageaient les Métis à présenter des demandes.

Je présume que là où l'ambiguïté est la plus grande, c'est en ce qui concerne ceux qu'on appelait les « Métis nés sur le territoire britannique », qui avaient ensuite élu résidence aux États-Unis. Il y a eu de la controverse un moment donné parce que les demandes semblaient totalement motivées par la spéculation. En fait, les commissions des certificats des Métis ont reçu des demandes de Métis canadiens résidant aux États-Unis dans des endroits comme Lethbridge. Il faut étudier chaque cas un à un pour voir si le lieu de résidence a eu une incidence sur l'aboutissement de la demande à un moment ou un autre, mais quoi qu'il en soit, nous avons la demande.

Je pense que l'accessibilité n'était pas trop mal. Une erreur possible à laquelle les commissaires étaient sûrement attentifs, à mon avis, c'est que des gens sans la moindre trace de sang blanc, c'est-à-dire des Indiens à part entière, étaient tentés de demander un certificat des Métis à cause de la valeur de ces certificats. Il y a eu une controverse dans le nord de l'Alberta concernant des demandeurs de certificats qui n'étaient vraiment pas métis. La controverse a éclaté, et il a fallu corriger le système.

Je ne pense pas qu'il y a eu beaucoup de personnes exclues. En fait, il y a beaucoup de personnes qui ont même présenté deux demandes.

Le sénateur Dyck : Comme vous le savez peut-être, notre comité a fait une tournée de deux semaines dans l'Ouest canadien et les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons entendu des gens de quelques collectivités nous dire qu'ils avaient l'impression d'avoir été laissés pour compte dans le processus d'identification des Métis. Si ma mémoire est bonne, il s'agit entre autres de collectivités établies dans le nord de ce qu'on appelle aujourd'hui, les Prairies ou les Territoires du Nord-Ouest, dans des postes de traite des fourrures, et certaines ne faisaient pas partie de la Baie d'Hudson, elles relevaient de la Compagnie du Nord-Ouest. Il semble qu'on ait eu tendance à les exclure du régime de certificats des Métis ou des autres systèmes en place.

Est-ce possible? En fait, nous avons reçu un exemplaire du livre, en Colombie-Britannique, qui parle des collectivités qui ont été laissées de côté. Je n'ai toutefois pas encore eu la chance de le lire.

M. Tough : Je ne connais pas très bien la situation en Colombie-Britannique. Nous savons que la commission de concession des terres issues de traités s'est rendue dans la région de la rivière de la Paix, mais je n'ai pas réussi à trouver de demandes de personnes qui résidaient près de la rivière de la Paix. Je ne sais pas à quel point la nature des droits a déterminé les endroits où les commissaires ont décidé d'accorder des certificats.

Quoi qu'il en soit, dans la région de la rivière de la Paix, les terres étaient des terres fédérales.

Le sénateur Dyck : Vous avez dit dans votre exposé que vous aviez une carte. Est-ce qu'elle montre ce qu'on peut considérer comme le foyer national des Métis?

M. Tough : J'ai réfléchi à ce qui pourrait être considéré comme la terre ancestrale des Métis, en ne me fondant pas tant sur les demandes de certificats que sur d'autres facteurs. Je montre parfois une carte en format PowerPoint, mais je ne l'ai pas ici. En fait, j'ai bien de la difficulté, à titre d'enseignant, à parler sans document PowerPoint. Cela me démonte complètement.

Quoi qu'il en soit, j'essaie de travailler à la géographie historique de la nation métisse, en commençant par le commerce des fourrures et le postulat selon lequel les forêts-parcs ont joué un rôle central dans la terre des Métis. Il y avait une importante concentration près de la rivière Rouge, lieu que je considère comme une métropole de la nation métisse, mais pas la seule terre métisse. Contrairement à d'autres, qui versent parfois dans l'erreur, je ne crois pas que tous les Métis doivent avoir un lien avec cet endroit. La rivière Rouge représente simplement la métropole de la nation métisse, haut lieu du commerce des fourrures.

À l'autre extrémité de la piste Carleton, qui traverse les forêts-parcs, se trouve la région de Fort Edmonton, Lac Ste. Anne et St. Albert, où réside là aussi de nombreux Métis. Ce réseau constitue le noyau d'où part un entrelacs de pistes charretières.

Le commerce des fourrures englobait trois zones environnementales : les prairies, les forêts-parcs et les boisés dans le Nord, unifiés par le réseau de transport et de commerce des fourrures. Les Métis ont joué un rôle important dans ce domaine. Les brigades voyageaient en barges d'York de la rivière Rouge jusqu'au port, puis poursuivaient leur route jusqu'à York Factory, le cœur du réseau de transport des fourrures. C'était souvent des Métis qui se chargeaient de cette tâche, et c'est ainsi qu'un réseau s'est établi.

Sur terre, ce sont les pistes charretières qui ont formé le réseau, de la manière suivante. Les Métis transportaient le pemmican par charriots des prairies aux forêts-parcs, où la Compagnie de la Baie d'Hudson l'achetait et l'acheminait dans le Nord. S'effectuait alors un transfert net de calories dans le Nord, où la population aurait eu de la difficulté à survivre sans cet approvisionnement. Le commerce des fourrures faisait le lien entre toutes ces activités. Les Métis tenaient des rôles de premier plan.

On trouve également des Métis dans les grands bureaux centraux de district en raison des emplois créés par le commerce des fourrures et le bassin de main-d'œuvre saisonnière spécialisée dans ce domaine. Il existe donc une géographie historique du peuple métis, que je tente d'appréhender tout d'abord en examinant les réseaux qui existaient avant 1870, puis leur correspondance avec les personnes qui s'identifient comme étant métisses.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de cet excellent exposé.

Monsieur Tough, vous avez affirmé d'entrée de jeu que les certificats avaient pour but d'« abolir » le titre d'Indien, selon le terme que vous avez employé, je crois. Pourtant, des Métis s'appuient maintenant sur ces certificats pour prouver leurs ascendances et leurs droits autochtones. Vous savez que dans le cadre de notre étude, nous nous intéressons à la définition de « Métis ».

Pourriez-vous nous indiquer dans quelle mesure votre recherche sur les certificats peut nous aider à définir ce qui constitue un Métis, compte tenu du fait qu'il est reconnu qu'ils ont des droits ancestraux en vertu de la Constitution?

M. Tough : Le gouvernement du Canada n'a pas créé de registre du peuple métis, comme il l'a fait pour les autres peuples autochtones, comme ceux enregistrés en vertu de la Loi sur les Indiens, dont les modalités et les conditions pourraient être contestées. Pour que les droits ancestraux aient des avantages substantiels quelconques, il faut déterminer qui en sont les bénéficiaires. Après avoir consulté une panoplie de documents historiques, je crois qu'il existe des renseignements objectifs et vérifiables pour attester la généalogie de ceux dont les descendants peuvent établir leur arbre généalogique.

Il y a notamment le système de certificats des Métis du Nord-Ouest, ainsi que les affidavits conservés au Manitoba concernant les subventions pour les enfants et les certificats pour les adultes, que nous appelons les affidavits du Manitoba. Rien de tout cela n'est parfait, puisqu'on ne pensait pas à nos besoins il y a 120 ans. L'organisation des renseignements de l'époque constitue un vrai casse-tête pour un spécialiste des sciences sociales d'aujourd'hui.

Le recensement de 1901 constitue également un document clé, qu'on pourrait qualifier de recensement racial. Tout le monde s'est vu attribuer un J, un R, un B ou un N, selon qu'ils étaient de couleur jaune, rouge, blanche ou noire. Et c'était des catégories raciales qu'il s'agissait, et non de couleurs de la peau. On a donc un dénombrement racial de la population au Canada. Les recenseurs devaient également porter une attention particulière au mélange de sang indien et blanc. Les recenseurs indiquaient si les gens étaient de race française — c'était le terme technique utilisé, tout choquant qu'il soit — ou des Métis écossais-cris. Il fallait consigner ces renseignements.

Les recenseurs n'étaient pas tous compétents et ne suivaient pas toujours les instructions. Le recensement de 1901 nous donne toutefois un aperçu de noms de personnes métisses. L'information contient des détails sur la personne concernée, la famille et la région géographique.

Ce qui est intéressant, selon ce que je comprends, c'est que le gouvernement du Canada et le système judiciaire croient que depuis 1870, il a toujours existé une distinction claire entre les Indiens des Premières nations, qui sont des Autochtones, et les Métis, qui ne sont pas des Indiens. Or, cette distinction n'existe pas dans le recensement de 1901, où ceux qui appartenaient aux Premières nations et aux Métis se voyaient tous attribuer le code de couleur R. Dans ce cas précis, aucune distinction n'a été faite entre les deux.

Pour ce qui est de réussir à déterminer qui sont les bénéficiaires des droits, beaucoup de travail a été accompli. La tâche n'est pas impossible, et ces dossiers peuvent nous aider. Les gens peuvent dresser des arbres généalogiques vérifiés, objectifs et bien documentés pour remonter de l'époque du recensement de 1901 jusqu'au processus de droits fonciers et aux dossiers relatifs au commerce des fourrures. Il existe dans l'Ouest un nombre considérable de dossiers sur le commerce des fourrures témoignant de la naissance d'un peuple, à une époque où le métissage était une condition nécessaire, mais insuffisante. Une condition nécessaire concerne les facteurs sociaux, politiques et économiques qui contribuent à la genèse d'un nouveau peuple. À mon avis, selon ce qu'indique ma recherche, le commerce des fourrures joue un rôle important.

Le sénateur Patterson : Vous affirmez qu'en effectuant des recherches documentaires, on peut réunir beaucoup de preuves. À l'évidence, vous avez vous-même effectué moult recherches dans ce domaine. Conviendrait-il d'entreprendre des travaux de recherches dans les renseignements historiques sur le commerce des fourrures et les réseaux, pour reprendre vos termes, afin de pouvoir résoudre l'épineuse question dont notre comité est saisi?

M. Tough : Je recommanderais effectivement de réaliser des travaux empiriques sur les documents historiques.

Le sénateur Patterson : C'est fascinant que vous entendre relater ces histoires au sujet de l'abus du système de certificats, dont nous avons certainement eu vent au cours de nos travaux. Je sais que vous résidez en Alberta, laquelle est, il me semble, la seule province du Canada à avoir accordé des terres aux Métis. Pourriez-vous formuler des commentaires à ce sujet? Selon vous, le gouvernement a-t-il agi de la sorte en réaction aux injustices qui ont été découvertes?

M. Tough : Oui, je crois que c'est le cas. Il y a d'abord eu l'affaire L'Hirondelle. Les frères se sont adressés aux tribunaux et ont été déboutés, mais nous avons eu la preuve de la manière dont le système de certificats fonctionnait vraiment.

Nous avons une pétition envoyée au premier ministre Meighen le 11 novembre, laquelle a été acheminée du ministère de l'Intérieur. Nous avons en outre une note de service interne de cinq pages et la réponse de deux pages expédiée à MM. Atkinson et Lafferty. Mais certaines personnes en poste à Ottawa savaient déjà que le système des certificats de terre était entaché de graves problèmes pouvant aller jusqu'au parjure, à l'usurpation d'identité et à la fraude, sans toutefois l'admettre dans leur réponse à MM. Lafferty et Atkinson. À la fin du document, elles leur indiquent que s'ils ont une cause à défendre, ils n'ont qu'à la soumette aux tribunaux en invoquant la fraude.

La firme McDougall & Secord a joué un rôle important dans l'achat de certificats d'argent et de certificats fonciers. Une plainte a été déposée pour fraude de certificat foncier, et la victime était Elizabeth Hislop. Flora Taylor livre d'ailleurs un long témoignage à ce sujet. L'affaire était si sérieuse, qu'il y a eu une poursuite. On propose ensuite de modifier l'article 1140 du Code criminel, proposition qui est débattue au Sénat. Mais, était-ce la fin de l'histoire de Richard Secord? Était-ce seulement une coïncidence? M. Lougheed laisse croire que ce n'est qu'une question administrative. Le problème avec cet argument, c'est que l'article 1140 ne dresse pas une longue liste de restrictions en matière de poursuite. Ils n'ont certainement pas tenté d'imposer cette restriction aux autres tenures concédées par l'Acte des terres fédérales, pas plus qu'ils n'ont imposé, à l'époque, une limite de trois ans pour intenter une poursuite en cas de fraude concernant un homestead, une concession houillère ou une concession d'élevage. Cette limite de trois ans a finalement été imposée, parce que presque tous les certificats fonciers avaient été trouvés. Cela mettait donc fin à toute possibilité de poursuite pour fraude.

L'autre point qui me tracasse dans cette histoire, c'est que le ministère de l'Intérieur ne semblait pas s'intéresser au fait que des biens de la Couronne étaient obtenus dans des circonstances nébuleuses. Oui, la question des droits des Métis était un problème, mais l'intérêt de la Couronne pour des terres obtenues d'étrange façon l'était également.

Vient ensuite la fraude des certificats. S'ensuivent des débats pour tenter d'établir si cette pratique existait depuis le début du programme. Nous vous avons fourni des échantillons de ces débats en annexe. Une de mes recommandations serait que l'on publie en ligne les Journaux et les Débats de l'époque, et ce pour les deux chambres. J'ai tenté d'obtenir de meilleures copies de ces délibérations, mais elles ne sont pas disponibles en version électronique, ce qui est stupéfiant. Toutefois, les originaux sont bien indexés, ce qui facilite les recherches.

La nouvelle des fraudes de certificats sème la controverse en Alberta. En 1921, le gouvernement unioniste n'est pas réélu. Tous les sièges sont remportés par le Parti progressiste, la United Farmers of Alberta et le Parti travailliste. Aucun conservateur n'est élu — et vous voudrez certainement le vérifier vous-même. Le dossier des fraudes de certificats était devenu un enjeu électoral auquel Meighen attribua la défaite de son parti. La United Farmers of Alberta, désormais au pouvoir, avait eu vent de ces fraudes. Cela revient à ce que vous disiez : y avait-il un lien? Ce dossier a été un enjeu électoral jusqu'à la fin des années 1920.

Les fraudes de certificats ont été un des facteurs contributifs, un des éléments qui ont poussé les Métis en Alberta à s'organiser et à se faire des alliés. En 1930, la UFA, encore au pouvoir, a créé une commission des certificats de Métis. Mais, la commission ne s'appuie pas explicitement sur des droits, des titres ou des conflits précédents pour délivrer les certificats fonciers. Vous ne trouverez rien de tel dans les documents. Tout réside dans le lien entre l'organisation des Métis sur le plan politique et un gouvernement, celui de l'UFA, qui connaît le problème et qui est favorable à la cause. En 1930, le Parti Crédit Social du Canada dépose un projet de loi pour régler la question.

À mon avis, ces événements ont permis aux Métis de l'Alberta d'obtenir une grande assise territoriale.

Le sénateur Raine : C'est un sujet de recherche fascinant, que la plupart des Canadiens ignorent.

Ma question porte sur les commissions des certificats des Métis qui se sont déplacés pour recenser les Sang-Mêlé, comme vous les appelez, en fonction de leur mélange de sang, peu importe la proportion de ce mélange.

Le but de ce recensement était de délivrer un document à des gens qui ne savaient probablement pas lire. Selon vos recherches, étaient-ils conscients de ce qu'était ce bout de papier, de ce qu'il signifiait? Le certificat devait avoir une certaine valeur, puisque peu de temps après l'avoir obtenu, on voulait le leur acheter.

Selon vous, la plupart des détenteurs de certificats qui les ont vendus ont-ils agi de la sorte parce qu'ils ne voulaient pas, pour une raison quelconque, posséder de terre?

M. Tough : Vous me posez deux questions. D'abord, les gens concernés comprenaient-ils le processus. La réponse est non. Nous le savons, car la plupart des demandes de certificat étaient signées d'un « X ». Je crois qu'ils ne savaient pas non plus qu'en présentant une demande de certificat, ils renonçaient au titre indien. À mon avis, cela ne leur avait pas été clairement expliqué. La plupart des formulaires de demande ne posaient pas de questions précises. Je m'arrache les cheveux à essayer de compiler une base de données, car même si les formulaires étaient normalisés, les consentements que l'on y retrouve diffèrent d'une commission à l'autre. Il n'y avait rien d'aussi précis que : « En présentant cette demande, j'accepte de renoncer au titre indien » ou « J'accepte de renoncer à tous mes droits ancestraux. » On ne retrouve rien de tel.

Je crois que le terme « bon » est plus approprié dans ce dossier, car il s'agissait d'un bout de papier dont la valeur était plus importante aux yeux des non-détenteurs qu'aux yeux des détenteurs.

Le sénateur Raine : Je crois que les commissions cherchaient les gens admissibles à ces certificats afin de pouvoir refuser leurs demandes et ainsi limiter le nombre de personnes sous la responsabilité du gouvernement.

Croyez-vous que l'objectif était de donner un certificat ayant une valeur pécuniaire à des gens qui ne voulaient pas de terrain ou qui ne souhaitaient pas devenir agriculteurs? Ces gens n'étaient pas des agriculteurs.

M. Tough : Bon nombre ne l'étaient pas. Ils étaient nombreux à gagner leur vie en faisant du jardinage à Red River.

Le sénateur Raine : Ils avaient déjà un terrain à cultiver; ils avaient des jardins.

M. Tough : Oui. Jusqu'à une certaine époque, le ministère de l'Intérieur arpentait les terres situées à l'extérieur de Red River où s'étaient établies des communautés. Cela s'est fait aussi à Prince Albert, quoique le système d'arpentage y fut extrêmement bureaucratique.

Il y a une contradiction entre le processus de traités et la façon dont le dossier des Métis a été traité dans le sud des Prairies. Au Manitoba, ce n'est qu'en 1876, avec le Traité no 6, que la question a été réglée. À la suite des commissions de 1885, 1886 et 1887 — et je crois que c'est à cela que vous faisiez référence —, les gens ont commencé à renier le traité. Ceux qui désiraient présenter une demande de certificat devaient renier le traité et renoncer au titre indien. Vingt-neuf pour cent des demandeurs ayant reçu un certificat ont fait ce choix. Certains ont ensuite adhéré de nouveau au traité.

Selon William Pearce, un arpenteur de carrière ayant travaillé pour le ministère de l'Intérieur, les certificats étaient une façon de réduire le nombre d'adhérents au traité et ainsi, comme vous le dites, le nombre de personnes sous la responsabilité du gouvernement. Les certificats pouvaient être utilisés à cette fin.

Il ne faut surtout pas oublier que, si beaucoup de membres d'une réserve présentaient une demande de certificat, les réserves touchées se faisaient presser de céder une partie de leurs terres, comme elles avaient moins besoin de territoire avec moins de membres. C'est un dossier plutôt complexe.

Le président : Monsieur Tough, travaillez-vous avec le Ralliement national des Métis?

M. Tough : Nous collaborons sur le plan de la recherche. Je connais très bien M. Chartier, le président de l'organisme. À la suite du jugement rendu dans l'affaire Powley, des contrats de recherche ont été signés avec l'Université de l'Alberta. J'ai donc fait des recherches pour le ralliement en vertu de ces contrats, et non à titre d'expert- conseil. C'est grâce à ces recherches que nous avons obtenu toutes ces informations qui nous ont ensuite permis de créer une base de données historiques en ligne où l'on peut trouver des synthèses des différents documents. Il y a des liens périmés, mais on y trouve aussi les documents originaux.

Les Métis peuvent également y créer leur arbre généalogique. Cette fonction est administrée par l'Université de l'Alberta. La base de données, accessible au public, analyse tous les résultats possibles. C'est très bien fait. La principale plainte des utilisateurs, c'est qu'il faudrait plus de données.

Le président : Dans le cadre de vos recherches, avez-vous tenté de déterminer quel était le processus de réflexion ayant mené, en 1982, à l'ajout des Métis à l'article 35 de la Constitution?

M. Tough : Non, mais des particuliers ont participé à ce processus. J'ai suivi une partie des travaux à la télévision.

Aux yeux des non-Autochtones, il semblait évident qu'un peuple autochtone ayant des droits acquis devait être inclus dans la Constitution. Certains s'opposaient à la façon dont tout cela s'est fait, prétextant que c'était de l'opportunisme politique. Je ne crois pas que cet ajout ait été un geste politique du gouvernement, pas plus que ne l'était la Magna Carta pour le roi.

Aux yeux des non-Autochtones, c'était une décision logique. J'irais même plus loin en disant que, dans le libellé de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, on pourrait facilement remplacer « Indiens » et « réserves indiennes » par « Autochtones » et « réserves autochtones ».

Le président : Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant poursuivre la réunion à huis clos. J'aimerais remercier M. Tough pour ses connaissances sur le sujet et son professionnalisme.

Les documents d'appui, dont certains documents historiques, ne sont pas tous traduits. D'ailleurs, bon nombre ne le sont pas. Si un membre voulait présenter une motion proposant la traduction de ces documents, avec le consentement unanime du comité, nous pourrions les envoyer à la traduction. Ils seraient ensuite mis à notre disposition.

Si un membre voulait proposer une motion demandant que les documents d'appui soient traduits, je serais prêt à la recevoir.

Le sénateur Dyck : Je la propose.

Le président : Les membres sont-ils d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : La motion est adoptée à l'unanimité. Une fois traduits, les documents seront mis à la disposition des membres du comité.

Encore une fois, merci, monsieur Tough.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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