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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 31 - Témoignages du 12 février 2013


OTTAWA, le mardi 12 février 2013

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière, se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et aux gens qui regardent la séance d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.

Je m'appelle Vern White, je viens de l'Ontario et je préside ce comité. Nous avons essentiellement pour mandat d'étudier les projets de loi et les autres questions concernant les peuples autochtones du Canada.

Aujourd'hui, nous entreprenons l'étude du projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières nations en matière financière.

Ce matin, nous entendrons le chef et le directeur général de la Première nation Sawridge, mais avant de donner la parole aux témoins, j'aimerais que les membres du comité se présentent.

La sénatrice Dyck : Bonjour et bienvenue. Je suis la sénatrice Lillian Dyck, je viens de la Saskatchewan, je suis la vice- présidente du comité et la critique du projet de loi.

Le sénateur Munson : Je suis le sénateur Munson, je viens de l'Ontario.

Le sénateur Meredith : Je suis le sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le président : Chers membres du comité, souhaitons maintenant la bienvenue à nos témoins de la Première nation Sawridge, le chef, Roland Twinn, et le directeur général, Michael McKinney. Nous sommes impatients d'écouter votre exposé, qui sera suivi de questions de la part des sénateurs. Vous avez la parole.

Roland Twinn, chef, Première nation Sawridge : Bonjour, honorables sénateurs, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité. À mon avis, la Première nation Sawridge est bien placée pour contribuer de façon importante à vos délibérations, compte tenu de son vécu. J'ai un exposé de 20 minutes, mais conformément à votre directive, je serai plus bref. Je vais vous donner le reste de mon exposé, afin qu'il puisse être traduit en français et remis aux membres du comité.

Nous nous opposons à l'adoption du projet de loi parce qu'à notre avis, il aura un effet contraire à celui que vous recherchez, soit une meilleure reddition de comptes et une transparence accrue au sein de la gouvernance des Premières nations.

Si le projet de loi devait être adopté, nous suggérons des amendements qui pourraient l'améliorer. Nous conseillons au Parlement d'encourager le gouvernement à prendre une autre voie pour améliorer la gouvernance.

La Première nation Sawridge fait partie du Traité no 8. En plus d'être le chef élu de cette nation, je suis également le grand chef des Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta, qui inclut toute la partie nord de l'Alberta. Ayant obtenu l'autonomie gouvernementale, la Première nation Sawridge est régie par sa propre Constitution, qui a été adoptée après plusieurs années de travail acharné de la part des membres. Au cours d'un référendum auquel 65 p. 100 des adultes ont participé, plus de 90 p. 100 des votants se sont prononcés en faveur de l'adoption.

Sur le plan législatif, nous sommes régis par une assemblée générale dont font partie tous les membres adultes de la nation.

Nous avons envoyé au comité une copie des dossiers dont l'assemblée a été saisie au cours des derniers mois, de sorte que vous serez à même de voir comment nous assurons une saine gouvernance. Notre exécutif est composé du chef et du conseil. Il est responsable devant l'assemblée et répond aux questions posées par les membres.

En vertu de notre Constitution, un comité élu est chargé de la vérification et de la rémunération. Il fait des recommandations à l'assemblée sur des questions touchant la rémunération et les avantages de chaque fonctionnaire et membre du personnel de la Première nation, dont les montants sont fixés par l'assemblée.

La Constitution exige également que nous ayons une loi sur la gestion financière. Celle-ci a été adoptée après avoir été lue trois fois par l'assemblée. Le conseil est tenu de déposer un budget pour approbation. Nous publions également des rapports financiers. N'importe quel membre peut examiner tous les documents financiers.

Nous avons une loi sur la gouvernance qui contient des dispositions sur les conflits d'intérêts. Pour vous montrer à quel point celles-ci sont sévères, je vous signale que les cadeaux qui peuvent être donnés au chef et aux membres du conseil ne doivent pas dépasser 200 $. J'ai dû révéler à l'assemblée qu'une entreprise m'avait offert deux billets pour assister à une partie de hockey des Oilers d'Edmonton. Après que j'eus divulgué le fait et présenté les billets, l'assemblée a voté une résolution m'autorisant à accepter le cadeau et me souhaitant d'avoir bien du plaisir.

Les membres de la Première nation Sawridge se sont donné des normes de reddition de comptes et de transparence qui dépassent de loin celles qui s'appliquent aux Canadiens. Il est ironique que des représentants du peuple canadien veuillent nous imposer des exigences en matière de bonne gouvernance.

Notre chef, notre conseil et nos fonctionnaires sont payés à même les fonds de la Première nation. Nous ne recevons aucun supposé argent des contribuables pour nous gouverner. Je dis « supposé argent des contribuables » parce que nos entreprises procurent en recettes fiscales aux gouvernements fédéral et provincial bien plus que ce que nous recevons d'eux.

Même si nous sommes très fiers de nos réalisations, nous n'avons rien fait que n'importe quelle Première nation ne pourrait pas faire. Le potentiel est là. Sa réalisation relève de la véritable responsabilité de rendre des comptes que nous avons envers notre peuple en tant que dirigeants. Le gouvernement peut nous y aider, non pas en exigeant davantage de divulgation, mais en redressant les torts qu'il nous a causés au fil des décennies, en nous encourageant, en récompensant nos initiatives et en favorisant les pratiques exemplaires. La formule préconisée dans le projet de loi C-27 ne fait que renforcer le syndrome paternaliste des Blancs qui pensent en savoir plus que nous au lieu d'aider notre peuple à réaliser son potentiel. Le projet de loi va causer beaucoup de ressentiment au lieu de bâtir des relations. Pis encore, il nous désavantagera sérieusement sur le plan de la concurrence. Il rendra légale une chose que les tribunaux ont jugé illégale. Le projet de loi dont vous êtes saisis n'est pas un pas vers la reddition de comptes et la transparence, mais plutôt un regrettable pas en arrière en matière de bonne gouvernance chez les Premières nations.

Sur quel postulat de base repose le projet de loi C-27? Sur l'idée selon laquelle si les membres des Premières nations ont des renseignements, ils pourront en faire quelque chose. Toutefois, s'ils sont incapables d'avoir un gouvernement qui leur rend des comptes, que pourront-ils faire, même s'ils disposent de renseignements? L'information n'est pas la reddition de comptes. La reddition de comptes suppose qu'on puisse rendre un gouvernement comptable de ce qu'il fait. On suppose en outre que si les Canadiens obtiennent l'information exigée par le projet de loi et trouvent la rémunération excessive, ils agiront. Que peuvent-ils faire? Rien, sauf adopter des lois encore plus contraignantes et se plaindre de la paresse des Indiens.

L'orientation du projet de loi conduira à la répression, aux conflits et aux accusations de racisme et, en fin de compte, fera perdre aux membres des Premières nations la motivation voulue pour se doter d'un gouvernement responsable. C'est une voie dangereuse. La divulgation de renseignements aux membres n'est qu'une partie d'une saine gouvernance. S'occuper d'un seul aspect de la gouvernance, c'est ôter aux peuples la possibilité de faire la seule chose à faire : se doter d'une saine gouvernance.

On demande de l'information et on ne l'obtient pas. On demande alors une ordonnance d'un tribunal et on l'obtient. Et après? Le problème n'est pas réglé pour autant. Tout ce que les gens obtiennent, c'est de l'information. Que se passe-t-il ensuite? Je le répète, l'obtention de renseignements ne conduit pas à une saine gouvernance. Si les renseignements voulus ne sont pas fournis, tout ce que peut faire le projet de loi, c'est imposer des sanctions et des peines draconiennes qui n'amélioreront en rien la gouvernance. Qu'est-ce qu'on fait alors? La seule façon d'éviter cette situation inacceptable, c'est de ne pas s'engager dans cette voie.

La source du problème est la Loi sur les Indiens, que le Parlement, en tant que maître colonial, a imposée en 1876 pour « la meilleure civilisation des Indiens ». L'héritage ainsi légué est laid, dévastateur et impossible à gérer. Le comité peut éviter de serrer davantage la vis en espérant rendre la loi encore plus efficace et en s'en désintéressant ensuite, pensant avoir réglé le problème. Il peut à tout le moins exhorter le gouvernement à adopter une attitude positive et constructive pour inciter les Premières nations à se doter d'une saine gouvernance soustraite à la Loi sur les Indiens et relevant des membres de chaque nation. Ce n'est pas en recourant au bâton de préférence à la carotte qu'on y parviendra.

Nous recommandons l'ajout à l'article 13 d'un paragraphe qui dirait à peu près ceci :

Lorsque au moins 33 p. 100 des membres d'une Première nation manifestent le désir d'obtenir de l'aide pour améliorer la gouvernance de la Première nation afin d'accroître la reddition de comptes et la transparence, le ministre doit fournir le soutien financier voulu.

Ce n'est pas normal d'obliger les Premières nations à divulguer leurs états financiers. Nous ne voyons pas d'inconvénient à consolider nos états financiers. Cela signifie que l'information financière concernant toutes les sociétés, tous les partenariats et toutes les autres entreprises sur lesquels une Première nation exerce un contrôle doit être incluse dans les états financiers de celle-ci. C'est parfait, mais s'il faut, en plus, que nous rendions cette information publique, nous pourrions révéler des renseignements dont pourraient se servir nos concurrents, qui, eux, ne sont tenus de révéler de tels renseignements ni à nous, ni à personne d'autre. Le projet de loi C-27 placerait la Première nation dans une position désavantageuse sur le plan des affaires.

La Première nation Sawridge n'a rien contre la transparence et la reddition de comptes en ce qui concerne les deniers publics qu'elle reçoit. Elle a toujours présenté au gouvernement des rapports de vérification à cet égard. Elle n'a rien contre la divulgation de ses renseignements financiers à ses membres à titre confidentiel. C'est d'ailleurs une politique qui a été établie lors de l'adoption de la Constitution, à laquelle les membres ont travaillé pendant des années. La Première nation Sawridge estime qu'il est bon que ses membres soient au courant de sa situation financière et puissent en discuter à titre confidentiel entre eux et avec des conseillers. Elle ne juge pas souhaitable, par contre, de permettre au monde entier d'avoir accès à ses renseignements financiers. Il n'y a aucun avantage pour elle à ce que cette information soit rendue publique.

Je laisse à M. McKinney le soin de parler des aspects juridiques de la question.

Michael R. McKinney, directeur général, Première nation Sawridge : Je vais présenter un bref historique des batailles juridiques de Sawridge dans ce domaine.

En 1986, un journaliste du Calgary Herald a demandé au gouvernement du Canada, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, des renseignements financiers sur sept Premières nations de l'Alberta, dont celle de Sawride. Il en a résulté sept poursuites devant la Cour fédérale, qui ont abouti devant la Cour d'appel fédérale. Les motifs ont été exposés par écrit dans la décision rendue dans l'arrêt Bande de Montana, laquelle confirme que les états financiers et les rapports de vérification des Premières nations sont des renseignements confidentiels et sont, par conséquent, soustraits à la divulgation en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le projet de loi C-27 obligerait les Premières nations à divulguer ces renseignements confidentiels, ce qui les soumettrait à une double norme. Le paragraphe 20.(1) de la Loi sur l'accès à l'information stipule ce qui suit :

Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers.

Il prévoit également la protection des renseignements dont la divulgation « risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité ».

Nous pensons que le projet de loi l'emportera sur cette disposition et placera les Premières nations dans une situation désavantageuse. Il a été déterminé que l'information financière des Premières nations était protégée par cette interdiction de divulgation. Alors que les autres particuliers et organismes canadiens sont toujours protégés par cette mesure, les Premières nations ne le seraient plus en vertu du projet de loi C-27.

Pendant les années où l'affaire de l'accès à l'information était en instance devant les tribunaux, Sawridge a cessé de fournir ses renseignements financiers au gouvernement. Elle a présenté les rapports de vérification relatifs aux deniers publics, aux fonds d'immobilisation et aux recettes, qui sont détenus par le ministère — ce sont des rapports de vérification spéciaux remis au gouvernement. Elle a respecté son obligation de fournir des rapports de vérification. Elle a permis aux fonctionnaires du ministère d'examiner ses états financiers vérifiés au complet, de manière confidentielle, ce qui a été facilité par notre vérificateur, puis par moi-même. Les fonctionnaires ont examiné les états financiers pour s'assurer que tout était en ordre et que les autorités s'étaient acquittées de leurs responsabilités. Ils n'ont pas conservé de copie des documents ni pris de notes, afin de respecter la nature confidentielle des rapports.

Après la décision rendue en 1989, la Première nation Sawridge a accepté de remettre de nouveau au gouvernement ses rapports de vérification complets en vertu d'une entente écrite précisant que le gouvernement devait tenir les états financiers confidentiels, les conserver dans un endroit sûr au bureau régional et s'abstenir de divulguer l'information. En 2003, Sawride a officialisé la politique officieuse qu'elle avait en matière de divulgation de renseignements financiers. La politique écrite permettait à ses membres d'avoir accès aux états financiers sur une base confidentielle.

La même année, un membre de la Première nation qui ne voulait pas adhérer au principe de la confidentialité des documents financiers a demandé au gouvernement à voir ces états financiers en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. La Section de première instance de la Cour fédérale a reconnu que les états financiers de la Première nation étaient confidentiels et déclaré qu'ils ne seraient pas communiqués au membre si leur caractère confidentiel n'était pas respecté, mais la Cour d'appel fédérale a décidé que le ministère pouvait publier l'information sans condition.

Après que le ministère eut indiqué son intention de publier sans condition les renseignements relatifs à la Première nation de Sawbridge, celle-ci a cessé de lui fournir son information, se contentant de nouveau de lui remettre des rapports de vérification spéciaux sur les deniers publics et les recettes d'immobilisations montrant que l'argent reçu du gouvernement du Canada avait été dépensé conformément aux conditions établies. La Première nation n'a pas permis au ministère d'examiner ses états financiers à titre confidentiel aux mêmes conditions qu'auparavant.

En 2009, les membres de la Première nation Sawridge ont adopté une Constitution par voie référendaire. Celle-ci renfermait les principes de la politique relative à la divulgation de l'information financière et, comme on l'a dit plus tôt, elle a été ratifiée par tous les membres dans le cadre d'un référendum.

Nous ne comprenons pas ce qui justifie le projet de loi C-27, qui nous semble une incroyable intrusion dans nos affaires et nous apparaît comme une mesure on ne peut plus paternaliste et colonialiste. Nous pensons qu'il repose sur des idées fausses.

La première idée fausse, c'est que l'argent des Premières nations vient entièrement des contribuables. En fait, il peut venir de plusieurs sources : de subventions, de la vente de ressources se trouvant sur nos terres, de nos entreprises, des impôts que nous prélevons et des autres droits et frais que nous exigeons. Nous reconnaissons, certes, que toute la comptabilité relative à la dépense des deniers publics peut et doit être rendue publique, mais nous estimons que rien ne justifie la divulgation des états financiers consolidés des Premières nations dans leur intégralité.

La deuxième idée fausse, c'est que la divulgation des documents financiers des Premières nations est un moyen efficace de renseigner leurs membres sur la question. Les membres de la Première nation Sawridge ont prévu dans leur Constitution un système permettant de révéler des renseignements financiers aux membres tout en préservant leur caractère confidentiel. En fait, le budget et le rapport de vérification sont présentés aux membres de l'assemblée de la Première nation Sawridge au cours d'une réunion publique où ils peuvent poser des questions et donner leur avis à leur gouvernement.

La troisième idée fausse, c'est qu'il n'y a rien de mal à divulguer ce genre de renseignements. C'est oublier que les concurrents et ceux qui font affaire avec une Première nation peuvent se servir de cette information à leur avantage et au détriment de la Première nation. On n'oblige pas les autres entreprises et organismes privés à révéler des choses au public au sujet de leurs finances. Pourquoi l'exiger des Premières nations?

On a aussi entendu dire, pour justifier le projet de loi, que le ministère recevait des demandes d'information de la part des Premières nations. Nous croyons comprendre qu'il s'agit d'environ 250 demandes par année. Ce n'est vraiment pas énorme. Nous pensons que la plupart des Premières nations sont en mesure de fournir l'information à leurs membres et de leur rendre des comptes.

Nous avons plusieurs amendements à suggérer. En premier lieu, nous ne pensons pas que le projet de loi soit nécessaire. Nous croyons qu'il existe des règlements permettant d'atteindre les objectifs visés par celui-ci, mais si le Parlement tient à l'adopter, nous aimerions proposer certains amendements. Le premier se rapporte à l'article 2 et à la définition de « Première nation ». Nous sommes d'avis que les dispositions du projet de loi ne devraient pas s'appliquer à une Première nation qui a déjà approuvé un mécanisme concernant la divulgation des renseignements financiers. Nous recommandons l'ajout de ce qui suit à la fin de la définition de Première nation :

[...] ou si une majorité de ses membres se sont dits satisfaits des mécanismes mis en place pour assurer la transparence et la reddition de comptes.

Seraient ainsi soustraits à l'application de la loi les membres des Premières nations qui ont déjà adopté un mécanisme.

Nous insérerions une nouvelle définition du mot « public » :

« public » Membres d'une Première nation.

Nous sommes fermement convaincus que c'est à leurs membres que les Premières nations doivent rendre des comptes.

On pourrait aussi ajouter, à la fin de la définition de « rémunération », que la divulgation des renseignements qui s'y rapportent n'est obligatoire que si les fonds proviennent du gouvernement du Canada. Autrement dit, si c'est l'argent des contribuables qui sert à verser leur rémunération aux membres des Premières nations, alors il faut faire connaître le montant de celle-ci au public. Autrement, non.

À l'article 3, nous estimons que le mot public doit être supprimé de la version anglaise et que les mots « à leurs membres respectifs » doivent être ajoutés après le mot « divulgation » et ceux qui le suivent. C'est aux membres, et non pas nécessairement au grand public, que les dirigeants doivent être tenus de fournir des renseignements.

Selon nous, l'article 5 va trop loin. Les exigences qu'il contient devraient faire partie d'un accord de contribution énonçant les conditions dans lesquelles la contribution doit être faite. Nous estimons que l'article devrait être entièrement supprimé.

L'article 6 pourrait simplement énoncer ce qui suit :

La Première nation doit, sur demande, fournir à un membre, à titre confidentiel, des renseignements concernant la rémunération versée par elle ou par une entité qu'elle contrôle, selon le cas, à son chef et à chacun de ses conseillers, que ce soit en qualité de chef ou de conseiller, en toute autre qualité ou à titre personnel.

L'article 7 présente deux problèmes. Il va à l'encontre du principe de l'autonomie gouvernementale et du droit à celle-ci et ne prévoit pas que l'information sera divulguée uniquement au sein de la Première nation concernée. Pour corriger cette lacune, il faudrait énoncer comme suit le paragraphe 7.(1) :

La première nation doit, à la demande de l'un de ses membres, rendre possible l'examen de l'un ou l'autre des documents suivants.

Vient ensuite une liste.

À notre avis, les articles 8 et 9 pourraient être entièrement supprimés.

Les articles 10, 11 et 12 confèrent aux tribunaux des pouvoirs qui devraient revenir aux membres des Premières nations et leur permettraient de s'assurer un bon gouvernement. La divulgation des renseignements aux membres ne constitue qu'une partie d'une saine gouvernance. S'occuper uniquement de cet aspect de la gouvernance, c'est ôter au peuple la possibilité de faire la seule chose à faire : se doter d'une saine gouvernance.

Ces paragraphes sont inadéquats. Une demande d'ordonnance est présentée, et une ordonnance est accordée. Et après? Le problème n'est pas réglé pour autant. Tout ce qui est obtenu, c'est l'information, pas la saine gouvernance.

Si nous nous engageons dans cette voie dans le but d'apporter un changement positif, tout ce que nous pouvons faire, c'est imposer des peines et des sanctions draconiennes, qui n'amélioreront en rien la gouvernance. La seule façon d'éviter cette situation inacceptable, c'est de ne pas s'engager dans cette voie.

M. Twinn : Nous croyons que nous avons le droit de nous autogouverner et que ce droit est protégé par la Constitution. Nous pensons exercer ce droit de manière très responsable et sans chercher la confrontation. Nous estimons que le projet de loi dont vous êtes saisis va à l'encontre de la Constitution parce qu'il porte atteinte à notre droit de nous autogouverner. Nous savons que nous ne pouvons pas empêcher le Parlement d'adopter un projet de loi qui va à l'encontre de la Constitution et qui, par conséquent, est invalide en vertu de l'article 52 de la Constitution. Cette situation nous oblige à intenter des poursuites, ce qui coûte cher et occasionne des pertes de temps.

Le paragraphe 52.(1) de la Constitution du Canada stipule que la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada et qu'elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

Nous pensons qu'adopter cette approche n'est pas le bon moyen de défendre l'honneur de la Couronne. Sauf votre respect, cet honorable comité ne devrait pas décider de renvoyer un projet de loi au Sénat pour la troisième lecture tant qu'un conseiller juridique auprès du Sénat n'aura pas donné au comité la certitude que la loi qui sera adoptée ne va pas à l'encontre de la Constitution.

Nous entendons beaucoup parler de consultation ces jours-ci. Nous sommes d'accord avec ce que dit la Cour suprême de ce mot — consultation — dans les arrêts Nation haïda et Sparrow. Ce mot ne figure jamais seul; il fait plutôt partie d'une phrase. En tant que voisins, si l'un d'entre nous prévoit faire quoi que ce soit qui risque d'empiéter sur les droits de l'autre, nous sommes tenus de consulter dans le but de comprendre ce que nous pouvons faire pour tenir compte des besoins de l'autre et pour atténuer les répercussions.

Selon la Cour suprême, tenir compte des besoins des Premières nations vise à réconcilier leur souveraineté, puisqu'elles étaient les premières à occuper le territoire, avec la souveraineté présumée de la Couronne. Il s'agit donc de consulter pour tenir compte des besoins et, ainsi, assurer la réconciliation.

La Cour suprême indique que le Canada est tenu de participer à ce processus en vertu de la Constitution. Si ce processus avait été respecté dans le cadre du projet de loi C-27, on aurait peut-être tenu compte des amendements que nous proposons, ce qui nous aurait menés à la réconciliation. Malheureusement, cela ne s'est pas produit et c'est pourquoi je suis ici au nom de la Première nation Sawridge et des Premières nations signataires de traités de l'Alberta.

La consultation simplement pour le principe est futile.

Le président : Merci beaucoup, M. Twinn. Merci, M. McKinney. Nous allons passer aux questions.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie de l'exposé détaillé que vous avez présenté ce matin. Je dois reconnaître qu'il est déroutant d'entendre les divers points de vue sur les aspects qui touchent à la confidentialité. Je pense que vos explications sont claires. J'aimerais toutefois revenir sur ce sujet parce que je crois que vous avez dit que l'une de vos principales préoccupations au sujet de ce projet de loi est qu'il enfreindrait la Loi sur la protection des renseignements personnels. Vous avez ajouté que votre propre Première nation avait une grande expérience en matière de poursuites liées à cette loi et vous avez expliqué de quelle façon vous divulguez des renseignements aux membres de votre bande.

Les dispositions de ce projet de loi se divisent probablement en deux grandes catégories. La première comprend les dispositions qui concernent la divulgation du salaire du chef et des membres du conseil aux membres des bandes. Je pense que la plupart des gens conviendront que les membres des bandes doivent avoir accès à ces renseignements. Est- ce que la Loi sur la protection des renseignements personnels porte atteinte à ce droit?

La deuxième grande catégorie comprend les provisions visant les renseignements financiers relatifs aux entités détenues par les bandes. Je crois comprendre que ces renseignements devraient probablement être confidentiels et qu'ils seraient protégés. Est-ce exact? Sinon, pouvez-vous en dire davantage à ce sujet?

M. McKinney : Ce projet de loi porterait atteinte aux droits à la vie privée des Premières nations. Dans votre premier exemple sur la rémunération du chef et du conseil de bande, les renseignements ne seraient pas seulement divulgués aux membres de la bande, mais à tous les Canadiens, à toute la population, au monde entier. Rien dans le projet de loi n'indique que la divulgation serait limitée aux membres de la bande. Nous ne voyons aucune raison de divulguer ces renseignements à l'extérieur de la bande, à moins bien entendu que les salaires ne soient entièrement payés à même les fonds publics. Si une portion seulement du salaire est payée à même les fonds publics, cette portion présente assurément un intérêt pour les contribuables. Sinon, cela constitue une atteinte aux droits à la vie privée des Premières nations.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Première nation Sawridge fournit déjà toute cette information à ses membres. Il y a également un comité de vérification et de compensation qui fait des recommandations à l'assemblée, formée de tous les membres adultes de la Première nation. L'assemblée approuve par la suite le salaire attribué au chef et au conseil de bande. Elle va donc bien au-delà de la divulgation.

En ce qui a trait à l'autre portion du salaire, qui contient de l'information concurrentielle sur les entreprises des Premières nations, ce projet de loi obligerait les Premières nations à consolider tous leurs états financiers, ce qui inclurait toutes les entreprises qu'elles dirigent. Ce projet de loi rendrait tous ces renseignements disponibles à tout concurrent intéressé à la chercher sur Internet.

La sénatrice Dyck : Je crois que vous avez dit que ce projet de loi rendrait légales des pratiques qui sont actuellement illégales. Pouvez-vous expliquer cela de nouveau?

M. McKinney : Dans l'arrêt Montana, la cour a conclu que le gouvernement ne pouvait pas légalement communiquer au public, ou au Calgary Herald dans ce cas précis, les renseignements financiers des Premières nations. Il est à noter que sept Premières nations étaient parties à cette cause. Ce projet de loi dit le contraire et, en plus de rendre les renseignements publics, ils doivent être affichés sur Internet pendant 10 ans. Le projet de loi oblige donc les Premières nations à divulguer des renseignements qui, à l'heure actuelle, sont considérés confidentiels par la loi canadienne et que le gouvernement du Canada ne peut pas divulguer.

La sénatrice Dyck : N'y a-t-il aucun principe juridique qui nous empêche d'adopter un projet de loi qui enfreint une autre loi? Peut-il être adopté aussi facilement?

M. McKinney : Ce projet de loi contreviendrait à la loi en vertu de laquelle les Premières nations peuvent exercer leur autonomie gouvernementale — comme Sawridge, qui possède ses propres lois — et nous pensons qu'il enfreint la Constitution. Nous estimons que ce projet de loi invalide la Constitution.

La sénatrice Dyck : Je crois que vous avez dit aussi — je n'ai pas tout entendu — que le ministère se sert de règlements qui existent déjà et qui permettent essentiellement d'en arriver au même résultat que le projet de loi. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet?

M. McKinney : Bien sûr. Le Règlement sur les revenus des bandes d'Indiens exige que les Premières nations affichent leurs informations financières dans la réserve, ce qui revient à les remettre à leurs membres. De plus, les Premières nations sont tenues de fournir la liste de la rémunération versée à leur chef et à leur conseil de bande. Les membres des Premières nations ont déjà accès à ces renseignements dans le cadre de la réglementation actuelle.

La sénatrice Raine : J'aimerais en savoir plus sur votre expérience à l'égard de l'autonomie gouvernementale. Je voudrais aussi savoir si vous pensez que ce projet de loi nuirait aux Premières nations qui veulent accéder à l'autonomie gouvernementale ou les aiderait. Je sais que la Première nation Sawridge est bien avancée dans cette voie. J'aimerais savoir de quelle façon, selon vous, d'autres Premières nations peuvent progresser dans cette direction.

M. Twinn : Selon notre expérience, la route est longue et ardue, mais il faut que cela se fasse. Cela prend beaucoup de courage. En fait, le processus englobe la guérison dans une certaine mesure et il permet au peuple de se faire entendre.

En ce qui nous concerne, le point de départ a simplement été une assemblée générale de tous les membres au cours de laquelle nous leur avons demandé s'ils voulaient prendre le contrôle de leur destin et ce qu'ils en pensaient. Nous sommes assujettis à l'article 35, qui concerne les droits inhérents. Par définition, un droit inhérent est un droit dont jouit un peuple sans que personne ne le lui ait accordé. Nous avons examiné la possibilité et, de 1985 à 1991 environ, nous avons participé à des négociations et à des discussions sur l'autonomie gouvernementale. Nous avons négocié une structure qui a été adoptée. Nous avons négocié un accord de principe qui a été adopté par la Chambre des communes ainsi que par la Première nation, au moyen d'un référendum. Cependant, le gouvernement n'a pas franchi l'étape suivante, qui consistait à adopter une mesure législative mettant en œuvre l'accord de principe. Nous avons donc décidé d'aller de l'avant. D'après l'article 35, nous avions le droit de le faire, alors nous l'avons fait. Ce sont les membres de la nation qui ont rédigé la Constitution, pas le chef ni le conseil de bande. Nous avons rédigé des ébauches que nous avons présentées aux membres, et ceux-ci ont apporté les amendements qu'ils souhaitaient. C'est pourquoi tout dépend des membres dans notre Constitution et dans notre loi sur la gestion financière. Ce sont eux qui fixent mon salaire.

D'autres Premières nations peuvent certainement emprunter la même voie. Ce sera peut-être un peu plus difficile. Il faudra peut-être un peu plus d'organisation pour les nations beaucoup plus grandes, mais cela n'est pas impossible. En 1995, la Première nation de Kapawe'no, qui est située en face de la nôtre de l'autre côté du lac, a entrepris son propre processus de renforcement de la gouvernance. Elle a participé à un projet pilote sur la responsabilité financière lancé, à l'époque, par le ministre Nault. La nation a accepté le projet et a proposé ses 11 codes de gouvernance.

D'autres nations ont élaboré leur constitution et leurs lois. Ces dernières n'ont pas été reconnues par le gouvernement du Canada, mais parallèlement, nous devons nous plier à nos lois avant que qui que ce soit d'autre ne les reconnaisse.

Nous sommes loin d'avoir terminé. Notre gouvernance n'aura jamais de fin. Nous devrons modifier les lois au fil du temps. Nous devons fonder nos institutions. Nous devons bâtir nos tribunaux et notre système de justice. Nous savons cela. Nous devons aussi créer notre système d'éducation. Toutefois, parallèlement, si davantage de nations se lancent dans cette voie, il se peut que nous puissions travailler ensemble et bâtir ces institutions pour toutes les nations. Je pense que ce que nous avons accompli est à la portée de n'importe quelle Première nation. Cela peut être un peu plus compliqué, mais c'est tout à fait possible. C'est dans l'intérêt de tous.

La sénatrice Raine : La Première nation Sawridge a la chance d'avoir des sources de revenus externes. Pensez-vous qu'il est possible qu'une Première nation puisse faire comme vous si elle dépend totalement du financement public?

M. Twinn : Oui, c'est possible, mais il faut considérer le financement public comme un investissement. Il en coûtera peut-être un peu plus cher au départ, mais à la longue, cela sera beaucoup plus rentable.

À mesure que les Premières nations prendront leur gouvernance en charge, les nations deviendront plus stables et confiantes, ce qui attirera les investissements. Si la gouvernance et la responsabilisation des Premières nations sont solides, les grandes sociétés intéressées à exploiter les ressources naturelles se trouvant sur nos territoires seront plus disposées à investir, avec la communauté, dans de nouveaux projets qui favoriseront le développement économique. Nous devons bâtir nos économies locales pour qu'elles profitent aux Premières nations. Nous développons l'économie depuis 25 ans et cela n'a pas donné grand-chose. On ne reconnaît pas la contribution des Premières nations aux économies locales qui les entourent. Le financement que le gouvernement accorde aux Premières nations ne reste pas dans les réserves. Nous n'avons pas d'épicerie chez nous. Nous n'avons pas de banques. Tout cela va à l'extérieur de la réserve. Si, grâce à la gouvernance, nous arrivons à assurer la stabilité et à attirer des investissements pour bâtir ces économies locales, les Premières nations dépendront de moins en moins des fonds publics.

En Alberta, on a beaucoup parlé du partage des recettes de l'exploitation des ressources. Si on obtient une partie des recettes provenant des ressources avant qu'elles ne soient versées aux fonds généraux, il ne s'agit plus de fonds publics. Les deniers publics peuvent donc servir à financer les projets que les contribuables considèrent importants, comme les routes et les infrastructures des collectivités qui nous entourent.

Le président : Je tiens à mentionner que la sénatrice Ataullahjan et la sénatrice Seth, qui représentent l'Ontario, et le sénateur Sibbeston, qui représente les Territoires du Nord-Ouest, se sont joints à nous.

Le sénateur Munson : Merci d'être ici. Au début de votre présentation, vous avez parlé en termes forts du syndrome des Pères blancs qui savent tout. Selon vous, c'est une situation regrettable qui marque un recul.

Vous avez parlé d'amendements, qui sont d'ailleurs intéressants. D'après vous, combien de Premières nations sont dans la même catégorie que la vôtre au Canada? Je parle de Premières nations qui, selon vous, rendent des comptes comme vous prétendez le faire, ce que semble d'ailleurs confirmer votre site web et c'est une bonne chose. Je suis curieux de savoir jusqu'où irait cette exemption.

M. Twinn : J'aime toujours à croire que nous sommes uniques, mais je pense que plusieurs Premières nations mettent déjà en pratique des mesures de reddition de comptes chez elles, comme la Première nation de Kapawe'no. Grâce à ses codes, cette nation suit un processus semblable. En effet, les budgets sont présentés à la fin d'un exercice financier pour l'exercice financier suivant, puis des états vérifiés sont présentés lorsqu'ils sont terminés, généralement autour du mois de mai parce que l'exercice financier prend fin le 31 mars.

J'ai parlé à plusieurs chefs et conseils de bande d'autres nations de tout le pays qui ont mis en place des pratiques semblables. Je ne peux pas vous donner un nombre exact, mais de nombreuses Premières nations s'intéressent aux démarches que nous avons entreprises. Plusieurs chefs ou conseillers m'ont demandé si je pouvais préparer un exposé pour eux. Comme on l'a déjà dit, à l'heure actuelle, le plus grand obstacle d'une telle initiative est son aspect financier, mais aucune Première nation ne semble s'opposer à s'engager sur cette voie. Je pense qu'il y en a beaucoup d'autres qui ont mis en place ce genre de pratiques et qui veulent prendre cette direction.

Le sénateur Munson : Le gouvernement a affirmé que cette mesure législative donnerait aux membres des Premières nations les outils dont ils ont besoin pour assurer leur développement économique et une bonne gouvernance, ce qui favoriserait la création d'emplois et la croissance économique, en plus d'améliorer la qualité de vie globale des membres des communautés.

Vous présentez en quelque sorte une mise en garde quand vous parlez de la confidentialité des renseignements et des rapports avec les concurrents. Pouvez-vous nous expliquer plus particulièrement quelle serait l'incidence sur les contrats si des concurrents des Premières nations avaient accès à certains renseignements? Qu'est-ce qui pourrait se produire?

M. Twinn : À titre d'exemple, nous avons créé une entreprise nommée Sawridge Resource Development Corporation, qui s'occupe de la gestion de la végétation pour des sociétés de services publics, c'est-à-dire de nettoyage de l'emprise. Nos concurrents sont des entreprises multinationales. Certaines d'entre elles, comme Asplundh et Davey Tree, sont énormes. Si elles peuvent consulter les renseignements financiers de nos sociétés, elles pourraient être en mesure de comprendre que notre position n'est peut-être pas aussi solide qu'elle le semble. Si nous pouvons présenter des soumissions de plus en plus basses, nous finirons par les écarter. Le secteur des services publics fonctionne selon un processus d'approvisionnement concurrentiel. Les contrats ne sont pas accordés automatiquement parce que nous avons le droit de consulter. Nous devons quand même soumissionner pour des projets et demander un prix approprié. Voilà l'un des exemples que je peux vous donner aujourd'hui.

Le sénateur Munson : Nous sommes censés être la Chambre de second examen objectif. À certains égards, nous sommes devenus la Chambre du dernier recours. Les amendements qui nous sont présentés aujourd'hui sont intéressants, mais dans la situation actuelle, je ne pense pas qu'ils iront bien loin compte tenu du climat qui règne et de l'appui que les sénateurs du gouvernement accordent au projet de loi. Nous avons des interrogations relativement à ce projet de loi. Nous arrivons à la fin de la course. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. C'est intéressant de présenter les amendements, mais les chances qu'ils soient adoptés sont presque nulles.

M. Twinn : C'est ce que nous pensons aussi. Il semble que nous nous trouvions au forum du dernier recours. Nous avons été invités à témoigner devant le comité permanent de la Chambre des communes pour le même projet de loi. Cependant, à cause des événements, la table qui était destinée à Sawridge était occupée par trois autres témoins. On nous a écoutés à la hâte et nous n'avons rien pu faire. Nous avons encore l'impression que ce projet de loi nous sera tout simplement imposé, comme toujours, sans qu'aucune consultation n'ait lieu. C'est dommage. Par conséquent, le fossé qui sépare les Premières nations du gouvernement du Canada se creusera davantage.

En examinant la Loi sur les Indiens qui a été rédigée et adoptée en 1876, on constate que nous étions considérés alors comme des pupilles du gouvernement, des enfants, des êtres non civilisés. Ce n'est qu'en 1956 que nous avons acquis le statut d'adultes. Nous sommes en 2013 et on aurait pu croire que ce genre d'approche paternaliste se serait atténué.

Il est tout de même curieux de constater que les gens sont très prompts à nous dépeindre tous de la même façon, nous, les membres des Premières nations. C'est une pratique que le gouvernement affectionne lui aussi. C'est comme si nous étions une minorité. On finit par s'y habituer, mais cela ne signifie pas pour autant que c'est justifié. Nous sommes d'avis que nous avons exercé nos droits d'une manière très réfléchie dans ce cas. Nous ne tentons pas d'affronter qui que ce soit. Nous suivons notre constitution et nos lois.

Je ne vois aucun problème à divulguer mon salaire. La communauté a décidé de m'accorder une augmentation. Mon salaire est donc passé de 60 000 $ par année à 84 000 $ par année. Je ne crois pas que c'est exagéré. Tout est compris dans ce montant. Je n'ai pas un gros compte de dépenses de voyage déjà bien pourvu. Je présente des reçus et on me rembourse. C'est comme ça que notre nation fonctionne.

Lorsque je suis devenu chef, il y a 10 ans, je gagnais le même salaire que mon père gagnait avant moi. Je crois que beaucoup d'autres chefs sont aussi dans la même situation, en ce sens que leur Première nation est aussi chère à leur cœur, et il est triste qu'on nous dépeigne tous de la même façon parce que quelques chefs exagèrent. Un tel point de vue n'est toléré qu'à propos des Indiens dans ce pays; jamais on accepterait qu'une autre race soit perçue de cette façon.

Le moment est maintenant venu d'aller au-delà de tout cela et de tenir compte de ce que les membres veulent, et non de ce que le chef et le conseil veulent. Ce n'est pas ma constitution que nous avons adoptée, mais bien la constitution de notre peuple. Elle a été rédigée par le peuple, qui m'en a confié la responsabilité et m'a fait jurer de la protéger. S'il le faut, nous aurons recours aux tribunaux. Si c'est ce que nous devons faire, nous le ferons.

Le sénateur Meredith : Merci, chef Twinn et monsieur McKinney, d'avoir témoigné ici aujourd'hui. La question que le sénateur Munson a soulevée était ma première question.

Vous avez parlé de compétitivité et du fait que vous êtes désavantagé. Je suis un entrepreneur, et mon entreprise prépare des états financiers, non seulement pour les présenter à l'Agence du revenu du Canada, mais aussi parce qu'elle doit dévoiler certains renseignements pour les contrats, entre autres. Nous avons ces données. Pouvez-vous expliquer en quoi ce projet de loi ferait en sorte que vous seriez désavantagés par rapport à vos concurrents? Vous avez abordé cet aspect brièvement, mais j'aimerais que vous nous précisiez pour quelles raisons vous seriez nettement désavantagés. Je ne vois vraiment pas comment cela pourrait être possible si, par exemple, vous étiez une entreprise publique, même si je sais que vous n'en êtes pas une. Pour ce qui est de la divulgation, qu'est-ce qui nuirait à votre compétitivité dans le cadre de vos activités?

M. McKinney : La Première nation Sawridge n'est pas une entreprise publique et donc, à l'heure actuelle, ses états financiers ne sont pas d'ordre public. Ses revenus et ses dépenses ne sont pas rendus publics. Ce qu'elle dépense dans un domaine en particulier n'est pas rendu public. La Première nation Sawridge serait désavantagée par rapport à ses concurrentes — puisque bon nombre d'entre elles sont des entreprises privées — si celles-ci pouvaient savoir quels sont ses revenus dans un domaine en particulier, car Sawridge prend part à plusieurs secteurs d'activités. Elles pourraient voir dans les états financiers la ventilation des revenus et des dépenses, par secteur d'activités.

Sawridge serait aussi désavantagée lorsque viendrait le moment de traiter avec des fournisseurs, car ces derniers pourraient examiner les états financiers, qui contiennent aussi le budget, et dire : « Puisque ce sont là les sommes dont vous disposez, nous allons soumissionner en conséquence », au lieu de présenter une soumission concurrentielle.

Dans plusieurs situations, le fait de fournir ces renseignements à d'autres personnes leur donnerait un avantage qu'elles n'auraient pas autrement.

Le sénateur Meredith : Les chiffres qui sont divulgués tiennent généralement sur une ligne. Il ne s'agit pas de chiffres détaillés et il n'y a aucune ventilation des coûts de chaque élément, comme les pièces. C'est dans ce contexte que je pourrais vous voir augmenter le prix d'une pièce d'équipement donnée que vous achetez, par exemple. Normalement, cela s'applique aux achats, comme l'équipement, et peut comprendre autant les pièces que l'entretien. Tout ce qui est indiqué, c'est « Équipement », sur une ligne; je ne vois pas en quoi cela vous place dans une situation désavantageuse.

On compte environ 3 200 représentants élus au pays. M. Twinn, vous avez mentionné que certains d'entre eux ont exagéré. Que pouvons-nous faire pour obliger ces gens à rendre des comptes aux contribuables canadiens qui, au fond, paient leur salaire? Vous avez dit que votre bande se trouve dans une situation unique du point de vue du développement économique, et je vous en félicite, tout comme je tiens à souligner les efforts que vous déployez pour veiller à ce que les jeunes puissent occuper un emploi au lieu de dépendre de l'argent du gouvernement. De toute évidence, vous avez encore ce souci de la transparence et de la reddition de comptes qui, selon les contribuables canadiens, doit être le propre des Premières nations qui reçoivent du financement. Pouvez-vous me fournir des explications à cet égard?

M. Twinn : Tout d'abord, je n'ai pas dit que nous nous trouvons dans une situation unique du point de vue de la reddition de comptes ou du salaire qui est versé aux chefs. Je voulais dire que nous sommes dans une situation unique du fait que nous sommes une petite entreprise et que nous avons nos propres sources de revenu, ce qui nous permet de faire ce que nous avons fait.

Pour ce qui est des quelques chefs qui reçoivent peut-être des salaires exorbitants, le projet de loi C-27 ne prévoit aucune mesure corrective. Il y est seulement question d'information. Or, il faut donner aux gens le pouvoir d'aborder cette situation. Comment peuvent-ils procéder? Dans notre cas, une disposition de révocation a été incorporée à notre constitution et à notre structure de gouvernance, et nous avons établi une commission formée d'aînés élus. Si le chef et les membres du conseil se versaient des salaires exorbitants — en se livrant à des jeux politiques, comme il en était question dans les anciennes résolutions du conseil de bande —, cela serait mis en évidence dans le cadre d'une vérification ou d'un budget. La commission formée d'aînés élus pourrait alors convoquer une assemblée, et à l'issue d'un vote remporté par 50 p. 100 des membres plus un, le chef et le conseil pourraient être révoqués. C'est la solution dans un tel cas.

Or, le projet de loi C-27, dont il est question aujourd'hui, ne prévoit pas de telles solutions. Comme cela a été mentionné pendant la présentation, on peut dire au public qu'ils gagnent 400 000 $ par année, plus que le premier ministre, ce qui est scandaleux. Que peut-on faire dans un tel cas? Attendre les prochaines élections.

La meilleure façon de faire, c'est de permettre aux Premières nations de se doter des outils nécessaires pour être en mesure de dire : « Non, nous n'appuierons pas de telles pratiques ». C'est ça, la réponse. Si le public paie le salaire de quelqu'un, il a le droit de savoir ce qu'il en est. Cependant, dans notre situation, ce n'est pas le gouvernement qui paie mon salaire.

Le sénateur Patterson : Monsieur le président, je crois que le sénateur Meredith l'a mentionné, mais je crois savoir que des préoccupations ont été exprimées au comité de la Chambre des communes, plus précisément en ce qui concerne l'aspect que vous avez mentionné. La divulgation de renseignements détaillés sur les entreprises privées et les revenus autonomes pourrait faire en sorte que les entreprises qui appartiennent aux Premières nations ne soient pas concurrentielles. Cela dit, un amendement exigeant que les rapports exposent des données d'ensemble n'a-t-il pas été proposé, justement afin d'aborder cette question? C'est ce que le sénateur Meredith disait. L'aspect qui vous préoccupe n'a-t-il pas été abordé dans le cadre d'un amendement qui a été proposé, je crois, par l'un des chefs qui a comparu devant le comité de la Chambre des communes? N'a-t-on pas examiné cet aspect?

M. McKinney : En général, les états financiers résument les renseignements de nature financière, mais ceux-ci doivent être ventilés dans une certaine mesure. On ne peut pas se contenter de dire que les revenus totalisent X $. Il faut fournir des détails quant à la source de ces revenus afin d'indiquer s'ils proviennent de la location de terres ou d'entreprises données. Pour être utiles aux lecteurs, les renseignements qui figurent dans un état financier doivent fournir certains détails. En outre, puisque des notes doivent être ajoutées aux états financiers, conformément aux principes comptables généralement reconnus, les renseignements ajoutés peuvent être utilisés par certaines personnes.

Par exemple, les gens pourraient voir combien vous devez pour une pièce d'équipement en particulier, car ce renseignement figurerait dans une note. Ils pourraient aussi voir le taux d'intérêt, car c'est le genre de détail qui figure dans les états financiers. On ne peut pas contrôler ce qui, selon les comptables, doit figurer dans les états financiers, et au fil du temps, on a tendance à resserrer ces exigences, et non à les assouplir, car les gens veulent connaître ces renseignements afin de pouvoir utiliser ces états financiers. Oui, il est possible d'édulcorer un état financier au point où il n'a plus aucune signification, mais pourquoi alors faudrait-il présenter des états financiers? Malheureusement, les états financiers fourniront certains renseignements qui pourraient être utilisés par les concurrents.

Le sénateur Sibbeston : Il ne fait aucun doute que j'ai été influencé par ce que les témoins nous ont dit aujourd'hui. En fait, lorsque nous avons reçu pour la première fois des renseignements du Ministère, j'ai été préoccupé par cet aspect. J'ai pensé qu'il serait juste de divulguer les fonds reçus du gouvernement, mais je suis d'avis que les sommes que les bandes gagnent dans le cadre de leurs propres initiatives ne devraient pas être rendues publiques. J'en suis convaincu.

Monsieur le président, je suis convaincu que les témoins qui se sont présentés ici aujourd'hui voulaient que leur point de vue soit pris en compte. S'ils avaient su que le processus ferait en sorte que leurs propos ne permettraient pas d'apporter des changements ou des amendements, j'ai l'impression qu'ils ne seraient pas venus.

Dans cet esprit, monsieur le président, je présente une motion tendant, d'une part, à ce que nous reportions l'étude du projet de loi C-27 dans le but d'obtenir des conseils juridiques, comme ils l'ont proposé, quant à la constitutionnalité de la mesure législative et, d'autre part, à ce que nous examinions les amendements proposés pour déterminer s'ils sont raisonnables et pourraient aussi être adoptés.

Le président : Nous allons commencer le débat sur cette motion.

Le sénateur Patterson : Nous apprécions les recommandations des témoins et leurs observations sur les questions juridiques; j'imagine que personne ici aujourd'hui n'a les compétences requises pour analyser de telles questions. Je ne pense pas que la motion est utile et je recommanderai que le comité vote contre la motion, non pas parce que je ne pense pas que c'est une bonne idée d'obtenir des conseils juridiques, mais bien parce que nous avons la capacité, en tant que comité, d'obtenir des conseils juridiques.

Lorsque j'ai entendu quelqu'un mentionner que le projet de loi est inconstitutionnel pour les Premières nations autonomes, j'ai immédiatement pensé qu'il serait intéressant de savoir ce que les avocats du ministère de la Justice ont à dire à ce sujet. Il ne fait aucun doute qu'ils pourraient fournir des conseils au comité à ce sujet, et je serais heureux d'accueillir l'un d'entre eux comme témoin au comité pour peut-être obtenir un autre point de vue à ce sujet. Cependant, le fait d'arrêter les délibérations alors que des témoins attendent pour comparaître, des témoins qui pourraient nous communiquer des renseignements utiles, comme ces témoins l'ont fait aujourd'hui, ne permet pas aux comités sénatoriaux d'accomplir le travail qui est attendu d'eux.

Malgré tout le respect que je dois à mon collègue, je ne recommanderai pas qu'on appuie la motion.

La sénatrice Dyck : C'est une motion très intéressante.

J'ai lu un article dans le journal, mais je ne l'ai pas avec moi aujourd'hui. Je l'ai conservé, mais je ne l'ai pas encore mis sur mon iPad. Étrangement, cet article disait que le ministère n'informe pas les parlementaires — il était surtout question des députés, mais cela incluait probablement aussi les sénateurs — du fait qu'un projet de loi va à l'encontre des droits constitutionnels de certaines personnes.

La proposition de mon collègue arrive vraiment à point, car la plupart des projets de loi dont nous sommes saisis nous viennent généralement de la Chambre des communes. S'ils sont inconstitutionnels, les gens n'en sont pas avisés. On pourrait penser qu'on fait les choses à l'envers.

Je comprends les observations en ce qui a trait à la procédure du comité. Aujourd'hui, nos témoins nous ont communiqué des renseignements très intéressants et utiles. Pourquoi devrions-nous les obliger à s'adresser aux tribunaux afin de prendre ces décisions?

Je suis ouverte aux observations des autres.

Le sénateur Meredith : J'ai aussi pris note du fait que M. Twinn a mentionné que cela allait à l'encontre de la Constitution. Cela m'a mis la puce à l'oreille. Je suis membre de ce comité depuis quelques années, et je suis au fait des différentes questions qu'il a étudiées. J'ai entendu parler des interminables batailles avec les provinces, entre autres, et je crois que cela impose d'importantes contraintes financières aux membres des Premières nations, et plus particulièrement aux jeunes. Une fois de plus, je ne pense pas seulement au fait qu'ils représentent l'avenir de notre pays; je pense aussi aux défis qu'ils doivent surmonter.

Lorsque le témoin a déclaré que le projet de loi pourrait aller à l'encontre de la Constitution, je me suis dit que des avocats se rempliraient les poches. Or, ce sont des fonds qui pourraient plutôt être affectés à des programmes destinés aux Premières nations. Cela me préoccupe.

Mon collègue a proposé une motion. Monsieur le président, je pense que certains renseignements pourraient être utiles au comité. Les rédacteurs de ce projet de loi pourraient nous aider à déterminer s'il va à l'encontre de la Constitution ou non. J'aimerais bien le savoir, compte tenu des contraintes économiques et des déboursés qu'il faudrait prévoir en cas de contestation devant les tribunaux. De plus, les règlements éventuels pourraient se faire attendre longtemps.

Je suis d'accord pour que nous envisagions d'inviter ces témoins. Il se peut que leur comparution devant le comité soit déjà prévue. Je ne connais pas la liste des témoins qui viendront nous expliquer si le projet de loi va à l'encontre de la Constitution ou non. J'espère que ce n'est pas le cas, mais, je le répète, je n'en sais rien. C'est pourquoi je suis d'accord avec la proposition voulant que nous entendions d'autres témoins.

Le président : Honorables sénateurs, nous entendrons des représentants de l'Association du Barreau canadien et de l'Assemblée des Premières Nations. Je m'attends à ce qu'ils soulèvent à tout le moins des questions juridiques, si ce n'est des arguments, en ce qui concerne le projet de loi.

La sénatrice Seth : Permettez-moi de faire un commentaire. La motion devrait-elle être présentée aux membres du comité dans les deux langues officielles? Nous n'avons pas encore reçu la motion dont nous débattons en ce moment.

Le président : En fait, il n'est pas nécessaire que la motion soit proposée par écrit. Il n'est pas nécessaire non plus qu'elle soit présentée dans les deux langues officielles.

La sénatrice Seth : J'aimerais maintenant parler d'un autre sujet.

Le projet de loi C 27 prévoit simplement que les Premières nations rendent des comptes et qu'elles fassent preuve de transparence. Le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités ne sont-ils pas déjà assujettis à des lois qui les obligent à divulguer la rémunération et les dépenses de leurs dirigeants? Par conséquent, les membres des Premières nations ont droit aux mêmes normes en matière de responsabilité financière de la part de leurs gouvernements. Qu'y a-t-il de mal à cela?

Voici ma réponse. L'adoption de ce projet de loi présente de nombreux avantages, car il favorisera la reddition de comptes et la transparence.

Le président : Sénatrice Seth, permettez-moi de préciser, par souci de clarté, que, pour le moment, nous ne débattons que du contenu de la motion.

La sénatrice Seth : Très bien. Je vous remercie.

Le sénateur Munson : J'appuie la motion.

Le président : Cela m'étonne.

Le sénateur Patterson : Monsieur le président, je me dois de réagir à une déclaration faite au sein de ce comité et qui laisse entendre que le gouvernement actuel — ou tout autre gouvernement responsable — puisse présenter un projet de loi qu'il sait pertinemment contraire à la Constitution. Je trouve cela absolument incroyable et, qui plus est, on n'a pas précisé qui était à l'origine de ce point de vue.

Possédant de l'expérience en tant que législateur, je sais qu'il existe un processus rigoureux d'examen des projets de loi par rapport à la Charte des droits et libertés. On appelle cette pratique la vérification de la conformité à la Charte. Je tiens à faire savoir que je m'élève contre l'affirmation selon laquelle le gouvernement a présenté un projet de loi qu'il sait pertinemment contraire à la Constitution.

La sénatrice Dyck : Je vais vous apporter l'article en question.

Le président : Je ne suis pas prêt à dire qu'un article de journal constitue une preuve concluante.

La sénatrice Dyck : Non, mais c'est à cela que je faisais allusion.

Le président : Y a-t-il d'autres interventions?

Le sénateur Sibbeston : Monsieur le président, je pense que nous devrions examiner sérieusement la motion, plutôt que de simplement la rejeter. Je demande que nous prenions le temps d'examiner la situation. Aujourd'hui, on nous a communiqué des renseignements judicieux. Ils m'ont certainement convaincu. Jusqu'à maintenant, je croyais que l'objectif principal du projet de loi était de faire en sorte que les membres puissent avoir accès aux renseignements. C'est pourquoi je croyais que le projet de loi était extrêmement pertinent et j'étais donc prêt à l'appuyer. Toutefois, j'éprouvais encore des inquiétudes au sujet des renseignements, c'est-à-dire des torts que pourrait causer la divulgation de rapports financiers. Cette situation m'inquiétait depuis le début et, de nouveau, on m'a convaincu de son importance.

Il vaut la peine d'examiner les amendements proposés par les témoins. Inutile toutefois que cela dure des mois et des mois. Comme nous avons pratiquement terminé nos travaux pour la journée, il serait utile de reporter le projet de loi, le temps que le conseiller juridique du Sénat puisse examiner son contenu. Qu'est-ce que cela coûterait? Qu'est-ce que cela pourrait représenter? Il n'y a aucun mal à demander à l'avocat du Sénat d'examiner le projet de loi et de nous faire part de ses conclusions. S'il dit que c'est acceptable, je n'en demanderai pas plus. Il lui suffirait d'une journée ou deux pour faire ce travail.

Chose plus importante encore, s'est-il produit un changement? Observe-t-on un esprit d'ouverture? Compte tenu des activités du mouvement Idle No More, fera-t-on preuve de bonne volonté afin de répondre aux besoins des Autochtones? Cet esprit est-il palpable? Avons-nous été influencés d'une manière ou d'une autre par les activités menées par les Premières nations au cours des derniers mois? J'essaie de voir si les activités de ce mouvement ont entraîné le moindre changement.

À l'avenir, les Premières nations seront beaucoup mieux consultées, et il régnera une nouvelle attitude au pays. Si nous parvenons à atteindre ces objectifs, nous allons améliorer les choses considérablement et nous pourrons persuader les Premières nations canadiennes que, au moins, le Sénat est une Chambre de second examen objectif. Voilà ce que nous pouvons faire. Nous pouvons aussi les rassurer en leur montrant qu'un nouveau vent de changement souffle sur le pays et que nous sommes disposés à prendre le temps qu'il faut à cet égard. C'est tout ce qu'il faut faire. Nous pourrions reporter le projet de loi de quelques semaines, le temps de procéder à cet examen. C'est tout ce que je demande.

Le président : Sénateur Sibbeston, je vous remercie de vos commentaires. Nous allons entendre des témoins au cours des deux prochaines semaines. Je ne présume pas de l'issue du vote sur la motion, mais, par souci d'équité, je précise que nous avons entendu un groupe de témoins autres que le ministre et son personnel. Il est important pour nous d'entendre ces témoins et leurs arguments qui confirment ou qui contestent le bien-fondé de ce projet de loi. Je pense qu'il serait inutile de reporter le projet de loi, car nous devons entendre ces témoins. C'est important de le faire.

Si vous le permettez, je vais soumettre la motion au vote.

Le sénateur Sibbeston : Je dirai en réponse que nous avons prévu des réunions avec des témoins. Nous nous entendons tous pour dire qu'il s'agit d'un enjeu fondamental. Nous allons avoir une réunion demain, après le souper. Il est acceptable de reporter ces réunions afin de disposer d'un peu plus de temps pour mener des consultations qui sont cruciales.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Patterson : Pour faire suite aux commentaires du sénateur Sibbeston, je dirai que je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'examiner la constitutionnalité du projet de loi. Souvenez-vous que des témoins ont proposé un autre amendement qui permettrait de régler le problème. Il s'agit de prévoir une exemption pour les nations autonomes. On pourrait ainsi régler la question de la constitutionnalité du projet de loi sans qu'il soit nécessaire d'intenter des poursuites judiciaires coûteuses. Par conséquent, nous devrions examiner aussi cette proposition d'amendement. Je tiens à dire que je suis ouvert aux suggestions de ce genre.

Cependant, il ne servirait à rien d'interrompre notre examen du projet de loi. Nous pouvons nous pencher sur ces questions sans être obligés de reporter le débat sur le projet de loi. Nous devrions convoquer des témoins qui pourront nous aider à examiner ces questions. En tant que parrain du projet de loi, je suis prêt à examiner soigneusement ces suggestions. À titre de législateurs, il nous incombe d'examiner attentivement les projets de loi importants. Il serait donc irresponsable de notre part de remettre à plus tard notre examen du projet de loi et la convocation de témoins dont le point de vue pourrait nous être utile.

La sénatrice Dyck : Permettez-moi de lire l'extrait suivant d'un article publié dans le The Globe and Mail le 16 janvier 2013 :

L'opacité qui règne au ministère de la Justice a été exposée au grand jour devant les tribunaux cette semaine lorsqu'Edgard Schmdit, un éminent avocat de 60 ans, a déclaré que ses collègues et lui recevaient depuis des années des instructions « illégales » de la part de leurs supérieurs.

On fait ici allusion aux droits garantis par la Charte. Les sénateurs peuvent prendre connaissance de l'article signé par le journaliste Bill Curry.

Le président : Comme personne d'autre ne souhaite intervenir, nous allons voter sur la motion. Je vous annonce tout de suite que je vais voter contre celle-ci.

Le sénateur Sibbeston : Vous n'êtes pas obligé de le faire.

Le président : C'est ce que j'ai décidé de faire. Je vous remercie, sénateur Sibbeston.

Le sénateur Sibbeston : Nous connaissons votre position et savons quelles sont vos instructions.

Le président : Tous ceux en faveur de la motion? Tous ceux qui s'y opposent?

Le président : Aucune abstention. La motion est rejetée. Nous allons maintenant poursuivre la période des questions destinées aux témoins.

Le sénateur Patterson : Je remarque que les témoins sont exceptionnels, en ce sens que, premièrement, ils sont autonomes et que, deuxièmement, ils ont mis en place une structure de gouvernance assortie d'un processus visant à fixer la rémunération et à gérer les conflits qui est à la fois exemplaire et démocratique. Ils affirment que toutes les bandes peuvent en faire autant.

J'aimerais vous poser une question au sujet d'une hypothèse qui, selon vous, est erronée. Vous dites que le fait de communiquer les renseignements pertinents aux membres n'est pas assimilable à la reddition de comptes. Vous demandez ce que les membres peuvent faire s'ils disposent des renseignements nécessaires. Eh bien, à l'instar des électeurs des administrations municipales et des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral du Canada, ils peuvent apporter des changements au moyen du processus démocratique. Ce n'est pas une suggestion frivole. Par exemple, les révélations de la Commission Gomery ont probablement contribué au changement de gouvernement à l'échelle nationale. Il se peut que ces révélations aient joué un rôle lors des dernières élections provinciales au Québec, et elles exerceront une influence sur le résultat des élections municipales dans cette province.

Le savoir n'est-il pas synonyme de pouvoir? La communication de renseignements aux membres d'une bande sur la façon dont les ressources financières sont dépensées dans leur communauté ne constitue-t-elle pas la meilleure façon de rendre des comptes, ce qui permettra de changer les choses? Ne croyez-vous pas au processus électoral?

M. Twinn : Évidemment, je crois au processus électoral. Cependant, il s'agit parfois d'un long processus. Disons que le chef et les membres du conseil d'une Première nation ont un mandat de trois ans. Les membres apprennent que ceux-ci se sont octroyé une hausse de salaire de 400 p. 100. Attendre trois ans avant de pouvoir remédier à la situation, c'est très long. Une fois cette période écoulée, le mal est déjà fait. S'ils ont puisé un demi-million de dollars dans les revenus de la Première nation, cette somme n'aurait-elle pas été suffisante pour envoyer de 10 à 15 enfants à l'école? N'aurait-on pas pu construire deux maisons avec cet argent? C'est pourquoi je ne pense pas qu'il s'agit de la meilleure réponse possible. C'est pourquoi, dans notre nation, nous avons une disposition de révocation. La Loi sur les Indiens ne contient pas de disposition de révocation. Or, la plupart des Premières nations qui disposent de leur propre loi électorale coutumière sont assujetties à la Loi sur les Indiens.

Je ne crois pas qu'il s'agit de la meilleure solution. C'est mieux que rien, mais je suis persuadé que les Premières nations méritent la meilleure structure de gouvernance possible. Toutefois, cette structure ne doit pas leur être imposée par un fonctionnaire à Ottawa, qui estime que c'est la meilleure solution pour elles. Les Premières nations savent ce qui constitue pour elles la meilleure solution.

J'aimerais maintenant revenir sur votre commentaire selon lequel le ministère de la Justice vérifie la conformité à la Charte de toutes les mesures législatives qui sont adoptées. Je ne prétends pas que le projet de loi C-27 est contraire à la Charte. Je crois plutôt qu'il viole l'article 35 de la Charte, qui garantit les droits inhérents des Premières nations canadiennes en matière d'autonomie gouvernementale. Je crois que le ministère de la Justice n'en a rien à cirer. Je ne pense pas qu'il ait même passé en revue le projet de loi dans ce contexte.

Le sénateur Patterson : J'aimerais dire ce que je pense des allégations voulant que ce projet de loi soit paternaliste et qu'il relève d'une vision orwellienne des choses. Le chef semble affirmer que le projet de loi devrait prescrire des solutions en cas d'abus de pouvoir, comme l'imposition de dispositions de révocation, d'un processus indépendant permettant de fixer la rémunération ou de dispositions relatives au règlement des conflits, comme votre bande l'a fait. À mon avis, cette approche relève d'une vision paternaliste et orwellienne des choses. Au lieu de cela, le projet de loi mettrait l'accent sur la divulgation des renseignements financiers et accorderait aux bandes — comme les membres de votre bande l'ont fait — le pouvoir de prendre les choses en mains et d'adopter les mesures qu'elles jugent appropriées.

Si je comprends bien, vous trouvez le projet de loi inutile, mais advenant son adoption, vous aimeriez qu'on y ajoute une disposition ordonnant au ministre de verser une aide financière à une bande si une proportion donnée de ses membres manifestent le désir d'avoir une saine gestion. Je conviens que les bandes problématiques sont l'exception. Nous ne voulons pas nous attarder sur ces dernières puisque de nombreuses bandes sont bien plus progressistes. Mais si jamais une bande abuse de son pouvoir, vous nous recommandez de gaspiller de l'argent dans ce cas à problème et de demander au ministre de verser plus de fonds.

Comment les membres d'une bande sauront-ils qu'ils ont besoin d'une saine gestion si le conseil ne divulgue rien, puisqu'il ne sera pas tenu de le faire publiquement si nous n'adoptons pas le projet de loi?

M. Twinn : Pour commencer, je ne propose pas d'amender le projet de loi en y ajoutant des solutions, car celles-ci doivent provenir de ceux qui ont créé le système de gouvernance. Les Premières nations ne voient pas la justice du même œil que le reste du Canada. Notre système juridique ne favorise pas les arrestations et la détention, mais plutôt la réconciliation. C'est ce qui devrait être privilégié, car il n'est peut-être pas nécessaire de destituer le chef et le conseil de bande. Ils ont peut-être simplement besoin d'être remis à leur place par les membres de la communauté ou les anciens, comme le veut la tradition.

Lorsque je parle de verser de l'argent, je ne vous dis pas d'envoyer un chèque en blanc. Des conditions y seront rattachées comme c'est le cas pour toute entente. Les fonds peuvent servir à la gouvernance ou à la responsabilité financière, par exemple, et peuvent être remis non pas au chef ou au conseil de bande, mais plutôt à un comité de membres qui devra enclencher le processus et adopter des principes fondamentaux entourant la création d'un mécanisme de reddition de comptes.

Il n'existe aucune solution unique; il faut permettre au peuple de s'exprimer du fond du cœur pour trouver ce dont il a besoin et pour l'appliquer, et de penser librement afin de sortir des sentiers battus. Il est parfois préférable d'user d'imagination. Nous ne pouvons pas toujours vivre en vase clos comme c'est le cas dans les réserves. Nous devons pouvoir laisser notre culture se développer et grandir, comme tous les autres citoyens canadiens.

Le sénateur Meredith : Vous avez parlé de la Loi sur les Indiens. Sur le plan de l'orientation, comment les Premières nations pourraient-elles outrepasser cette loi en matière de reddition de comptes et de transparence, selon vous? Vous avez laissé entendre que certaines bandes ont des problèmes de transparence, de reddition de comptes et de capacité. Elles ont fait appel à vous, mais vous avez dit en début d'exposé que vous n'aviez pas suffisamment de ressources pour échanger vos meilleures pratiques avec elles.

En dehors de la Loi sur les Indiens, comment peut-on améliorer la transparence et la reddition de comptes des bandes, comme le demandent les Canadiens qui soutiennent certaines d'entre elles?

M. Twinn : Je ne peux pas vous répondre brièvement. À vrai dire, ce sont les jeunes qui constituent la solution. Un grand nombre de jeunes instruits viendront prendre le taureau par les cornes.

On ne peut pas imposer un système de gouvernance aux Premières nations. Il faut les laisser évoluer à leur propre rythme. D'ailleurs, le projet de loi S-212 est intéressant puisqu'il permet de participer lorsqu'on est prêt. Il faut arrêter de forcer tout le monde. Si des conseils de bande dépensent l'argent à mauvais escient, laissons la loi s'appliquer dans toute sa rigueur, mais parallèlement, laissons les membres de cette Première nation se donner les moyens de rendre des comptes comme elle l'entend. Ils doivent simplement savoir que c'est possible.

Pour nous des Premières nations du Traité no 8, disons qu'après 112 ans de Loi sur les Indiens, c'est plutôt difficile de se débarrasser des vieux réflexes. Les gens sont désespérés. Voilà pourquoi le mouvement Idle No More existe. Le peuple est en train de se réveiller. Les gens voient ce qui arrive autour d'eux. Nous ne demandons rien d'autre qu'un peu d'espoir à quoi nous raccrocher. Ne nous étouffez pas avec des projets de loi comme le C-27 et toutes ces autres mesures boiteuses. Prenons le projet de loi S-8, sur l'eau potable. Tout le monde veut avoir accès à de l'eau potable, mais le gouvernement fédéral veut imposer aux chefs et aux conseils le fardeau d'assurer l'approvisionnement dans leur communauté, alors qu'ils n'ont pas les fonds nécessaires. En quoi ça nous avance, je vous le demande?

Il faut que les autorités prennent un peu de recul et se posent la question suivante : les Premières nations sont-elles aussi arriérées qu'on le pense? Selon moi, non. Notre Première nation est là qui montre l'exemple aux autres, et ces dernières commencent à emboîter le pas. Les responsables de la bande de Wesley m'ont demandé de m'adresser à leur conseil. Ils veulent eux aussi suivre la voie de l'autonomie gouvernementale. Or, je crois tellement à cette cause que je vais payer de ma poche s'il le faut.

J'ai aussi fait une présentation à la Première nation de Swan River. La réponse va venir des Premières nations, et je tiens à en faire partie. Je ne veux pas faire obstacle à qui que ce soit. Un jeune homme a déjà dit ceci, en parlant de ses chefs : « Faites quelque chose, ou ôtez-vous du chemin. » Je ne m'ôterai pas du chemin. Je serai là pour les jeunes comme lui. C'est la seule réponse que je puisse vous donner.

La sénatrice Ataullahjan : Je m'excuse de mon retard, mais nous étions à la merci de la compagnie aérienne. Vous avez déjà répondu à bon nombre de mes questions.

Chef Twinn, vous avez sûrement dû, en votre qualité de grand chef des Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta, aborder la question avec les autres Premières nations qui en font partie. Sentez-vous qu'elles sont toutes sur la même longueur d'onde?

M. Twinn : Absolument. Nous sommes à élaborer un plan stratégique afin que notre organisation puisse faciliter les démarches de ceux qui voudront adopter ces pratiques et gérer adéquatement la destinée de leur peuple. J'ai reçu de nombreux commentaires. Je pense entre autres au chef Joe Whitehead Junior, de la bande des Cris des bois, et au chef Arthur Noskey, qui m'ont demandé : « J'ai vu votre constitution, et elle me plaît; puis-je remplacer ``Sawridge'' par le nom de ma Première nation? » Voici ce que je lui ai répondu : « Je n'en sais rien. Qu'en pensez-vous? Ce n'est pas à moi de décider, chef, c'est à ton peuple. »

Les droits qui découlent de l'article 35 ne sont aucunement la prérogative du chef ou du conseil au sens de la Loi sur les Indiens. Ces derniers se font déléguer leurs pouvoirs par le ministre. Or, ils doivent se tourner vers leur peuple et leur demander la permission. Si le peuple dit oui, le chef ou le conseil peuvent adopter notre constitution, avec les changements qui s'imposent, évidemment, parce que chaque Première nation est unique. Pour les grandes tribus, comme celle des Blood, le processus pourrait être plutôt lourd, car tous les adultes membres de la tribu ont le droit de participer à l'assemblée. Elles devraient alors plutôt s'en servir comme d'un point de départ pour créer leurs propres normes de saine gouvernance.

Selon moi, la majorité des Premières nations du Traité no 8 de l'Alberta seraient partantes, mais l'argent n'est pas là. Voilà pourquoi nous demandons qu'un amendement soit apporté afin que les Premières nations dont la majorité des membres se seront prononcés en faveur d'un tel projet reçoivent les ressources pour le mener à bien, au lieu d'être obligées de piger dans les fonds destinés à envoyer les enfants à l'école, à les loger et à voir aux infrastructures locales. Je crois que c'est la meilleure réponse que je puisse vous donner.

La sénatrice Dyck : Quelle belle discussion; je vous en remercie. J'aimerais revenir sur ce que disait le sénateur Patterson.

Nous savons que les pratiques de certaines Premières nations ne sont pas toujours exemplaires et que ces dernières ne veulent pas dévoiler à leurs membres certains renseignements financiers liés aux salaires ou aux entreprises détenues par la bande. C'est une réalité, et nous devons l'accepter. Selon la lecture que je fais du projet de loi, celui-ci vise à obliger ces bandes à divulguer les renseignements en question.

Selon ce que j'ai compris de votre exposé, il y a déjà des politiques, des procédures et des règlements pour obliger ces bandes récalcitrantes à rendre ces renseignements publics, ce qu'elles ne font pas. Pourquoi ce projet de loi réussirait-il à leur forcer la main? Contient-il quelque chose qui va les convaincre de suivre la réglementation en vigueur, ou est-ce que ce sont les règlements eux-mêmes qui seront différents? Qu'y a-t-il dans ce projet de loi qui va faire que ces bandes récalcitrantes vont rentrer dans le rang?

M. Twinn : Je l'ignore. Et c'est bien ça, le problème : nous l'ignorons.

La sénatrice Dyck : J'avais cru comprendre que vous disiez qu'il existait des politiques et des règlements. Je croyais que vous aviez fait allusion au Règlement sur les revenus des bandes d'Indiens, qui précise que les bandes sont tenues d'afficher — je ne sais trop où — les renseignements sur les salaires et les entreprises qu'elles détiennent. Est-ce que je me trompe?

M. McKinney : Pas du tout. Le règlement comme le manuel de comptabilité des Premières nations prévoient que les renseignements en question doivent être non seulement affichés, mais aussi transmis au ministre ou à son ministère. À l'heure actuelle, si une bande refuse d'obtempérer, le gouvernement va refuser de lui verser des fonds. J'ignore ce qui rend ce projet de loi si différent, si ce n'est que la terre entière va désormais pouvoir consulter les renseignements demandés et que l'on pourra aussi se tourner vers les tribunaux, mais c'était déjà tout à fait possible aux termes de la réglementation actuellement en vigueur. En effet, si vous ne vous conformez pas à tel ou tel règlement, le gouvernement peut très bien s'adresser aux tribunaux pour obtenir une ordonnance vous obligeant à faire ce qui vous est demandé, qu'il s'agisse d'une ordonnance de mandamus ou d'un autre type d'injonction. Je ne vois pas ce que le projet de loi va régler. Quand une personne ne veut pas se conformer à la loi, elle va faire à sa tête, point final.

La sénatrice Dyck : Il n'y a aucune différence sur le plan de la conformité, donc. Les recours vont demeurer les mêmes. Les membres des bandes pourront toujours demander une ordonnance de la cour et le ministère pourra imposer les sanctions qui figurent dans la loi. Exact?

M. McKinney : Oui. Je ne vois pas en quoi le projet de loi va changer quoi que ce soit aux recours actuellement disponibles.

La sénatrice Raine : Si je comprends bien, vous en avez surtout contre le fait que le projet de loi va vous obliger à divulguer des documents financiers privés au grand public, ce qui veut dire que tout le monde pourra les consulter et plus seulement les membres de la Première nation visée. Il s'agit de deux choses distinctes, en fait. Si vous aviez obtenu l'autonomie gouvernementale, vous auriez pu décider vous-même de la marche à suivre en adoptant vos propres lois, et tout aurait été dit. Or, comme vous le faites vous-même remarquer, tout le monde n'est pas prêt en même temps pour l'autonomie gouvernementale. Selon vous, les amendements que vous proposez feraient-ils en sorte que la loi puisse faciliter l'évolution, si j'ose dire, des Premières nations qui ne sont pas prêtes pour l'autonomie gouvernementale?

M. Twinn : J'imagine que ça ne pourrait pas nuire. Mais je continue de croire malgré tout que les solutions et les recours doivent venir du peuple. Il faut laisser aux gens la possibilité de se prendre en main, et ce projet de loi fait exactement le contraire. Il va entretenir leurs soupçons quant aux véritables motifs du gouvernement à l'égard des Premières nations et des traités que nous avons signés.

Nous avons rencontré le premier ministre en janvier pour discuter de la mise en œuvre du traité. Et qu'est-ce que c'est, un traité? C'est un accord entre deux nations souveraines. Seules les nations peuvent être parties à un traité. Nous étions des nations souveraines avant l'arrivée des Européens, et nous demandons seulement qu'on nous revienne à cette notion, qu'on nous laisse vivre en tant que peuple et qu'on nous permette de gérer la destinée de nos gens comme nous l'entendons.

À mon avis, le droit de consulter les états financiers de notre Première Nation n'est pas celui de tous les Canadiens. Or, cette mesure législative nous obligerait à les afficher durant 10 ans sur un site web public. Il y a des coûts associés à une démarche semblable. Et tout ça alors que nous devons déjà rendre des comptes à nos membres. Selon moi, l'autonomie gouvernementale est la solution.

Les choses vont-elles se passer comme ça? Peut-être bien. Nous avons pourtant obtenu l'autonomie gouvernementale, mais le gouvernement du Canada ne nous reconnaît pas officiellement comme une Première Nation autonome. Il devra y avoir des négociations, et il faudra sans doute que la Chambre des communes adopte une loi pour officialiser notre statut autonome et notre constitution, et c'est plutôt triste quand on se rappelle ce que dit l'article 35. Si nous avons le droit de nous gouverner nous-mêmes, pourquoi devons-nous souffrir qu'Ottawa nous dicte les pratiques sur lesquelles doivent reposer nos gouvernements? Il s'agit de droits fondamentaux, et nous sommes souverains. Nous devrions avoir le droit d'aller de l'avant. Le Canada affirme sa souveraineté haut et fort. Il n'a pas à demander à la reine d'Angleterre comment il doit s'y prendre pour adopter ses lois ni quelles lois il doit adopter. Nous demandons à être traités de la même façon.

La sénatrice Raine : Le sénateur St. Germain a présenté le projet de loi S-212 la dernière journée avant son départ à la retraite. Voici ce que dit le paragraphe 5(4), qui porte sur la responsabilité financière :

(4) Le projet de constitution prévoit les exigences suivantes :

a) la première nation tient ses comptes et établit annuellement ses états financiers consolidés conformément aux principes comptables généralement reconnus;

b) les états financiers :

(i) sont vérifiés, conformément aux principes comptables généralement reconnus, par un vérificateur comptable indépendant qui est un membre en règle d'une société, d'un institut ou d'une association de vérificateurs comptables constituée en personne morale en vertu des lois d'une province,

(ii) comportent un état de la rémunération et des dépenses payées à chaque membre de l'organe dirigeant,

(iii) sont mis à la disposition des citoyens de la première nation dans les six mois suivant la fin de l'exercice, et une copie en est remise à toute personne qui en fait la demande sur paiement d'un droit raisonnable.

Si je ne m'abuse, cette disposition permet à quiconque de consulter les états financiers d'une organisation, moyennant le paiement d'un droit raisonnable, comme s'il s'agissait d'une entreprise privée. Connaissiez-vous cette disposition? Qu'en pensez-vous?

M. Twinn : J'imagine que ça laisse place à l'interprétation. Si on parlait d'un membre de notre Première Nation, je vous répondrais : pas de problème. En fait, je crois que nous ne demanderions même pas d'argent. Mais s'il s'agissait d'un quidam? J'ai des doutes, mais ce n'est pas moi qui ai rédigé le texte du projet de loi. Ce n'est pas moi non plus qui vais l'adopter. Tout ce que je dis, c'est qu'il s'agit d'un instrument permettant aux Premières nations d'avancer. C'est la lumière au bout du tunnel, un message qui nous dit que nous ne serons pas toujours opprimés et que, si on adopte des normes de saine gouvernance, on nous laissera vivre notre vie, comme nous le promettaient les traités que nous avons signés.

Le sénateur Meredith : Il y a un point que j'aimerais éclaircir auprès de messieurs Twinn et McKinney. Les Premières nations autonomes n'ont pas à divulguer ces renseignements, exact?

M. Twinn : Celles qui sont officiellement autonomes.

Le sénateur Meredith : C'est-à-dire?

M. Twinn : C'est-à-dire les nations qui ont conclu une entente globale d'autonomie gouvernementale avec le Canada.

Le sénateur Meredith : Avez-vous l'intention d'un négocier une?

M. Twinn : Je ne demande pas mieux, et nous sommes déjà passés par là. Le Canada n'a jamais donné suite à l'entente conclue, et il ne semble pas vouloir reprendre les discussions. Mais il va sans dire que, si jamais l'occasion se présentait de nouveau, j'accourrais.

Le sénateur Meredith : Si on pousse la réflexion un peu plus loin, en ce qui concerne les Premières nations qui sont officiellement autonomes et qui n'ont pas à se conformer à ces exigences — et les autres —, à qui les Premières nations doivent-elles rendre compte de leur gestion financière, et que doivent-elles divulguer précisément? À qui vous rapportez-vous?

M. McKinney : C'est à leurs membres que les Premières nations rendent d'abord des comptes. Chose certaine, c'est à ses citoyens que le conseil de Sawridge se rapporte. Mais il rend aussi compte au Canada de la manière dont il utilise les fonds publics. S'il reçoit de l'argent du gouvernement, il doit justifier l'usage qu'il en fait. Même chose s'il reçoit des fonds d'autres sources : il doit aussi rendre compte de l'usage qu'il en fait. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il doive tout divulguer ses états financiers à tout ce beau monde.

Le sénateur Meredith : Je crois que nous touchons au nœud du problème. Vous acceptez de rendre compte de l'usage que vous faites de l'argent des contribuables, mais vous estimez ne pas avoir à divulguer les revenus générés par les entreprises qui appartiennent à votre bande.

M. McKinney : C'est exact.

M. Twinn : Pas au grand public.

M. McKinney : Justement. C'est ainsi que notre Première nation a toujours fonctionné. Elle a toujours justifié l'utilisation qu'elle faisait des deniers publics. Si nous recevons de l'argent du gouvernement, nous fournissons les pièces pour justifier nos dépenses. Nous n'avons cependant pas à rendre compte de la manière dont nous avons dépensé l'argent provenant d'autres sources.

J'aimerais revenir un instant sur la question de l'autonomie gouvernementale globale. Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne parle pas d'accord global, mais il faut néanmoins que le Parlement adopte une loi. L'autonomie gouvernementale d'une Première nation doit être approuvée par une loi du Parlement avant que la Première nation en question puisse se soustraire aux exigences prévues dans le projet de loi.

Le sénateur Patterson : Je crois que le débat d'aujourd'hui aura été porteur, et je suis ravi que nous ne nous soyons pas arrêtés. J'aimerais parler de la divulgation au public. Sauf erreur de ma part, votre constitution prévoit qu'aucun renseignement ne sera transmis à quiconque ne fait pas partie de votre bande. J'aimais que vous répondiez à deux questions. La première : pourquoi une telle mesure? La seconde : si vous pouviez voir les choses du point de vue du Parlement du Canada, c'est-à-dire du législateur, ne pourriez-vous pas concevoir que les contribuables, qui travaillent dur pour leur argent, veuillent savoir où, dans l'appareil gouvernemental, va leur argent, à quoi les ministères le dépensent et ce qu'il advient des sommes qui sont remises aux gouvernements des Premières nations par les différents ministères, dont celui des Affaires autochtones? Que répondriez-vous aux contribuables qui veulent savoir si l'argent qu'ils ont durement gagné est utilisé judicieusement et à bon escient?

M. Twinn : Je tiens d'abord à rappeler que nous rendons compte de l'usage que nous faisons des deniers publics. Il ne s'agit après tout que d'une petite proportion de nos revenus globaux, donc de notre budget. Et nous en rendons, des comptes. Nous remettons au ministère tous les documents financiers justifiant l'usage que nous avons fait des fonds publics. Et nous ne nous opposons pas à ce que le public ait accès à ces documents. Il s'agit après tout de l'argent des contribuables.

J'aimerais cependant savoir en quoi le grand public pourrait exiger de consulter nos états financiers privés et connaître l'utilisation que l'on fait des fonds qui nous proviennent d'autres sources que le gouvernement fédéral? Nous n'avons rien contre. En fait, ce n'est pas nous; ce sont les membres des Premières nations qui gardent ces renseignements confidentiels. Nous tenons à notre vie privée, et nous y avons toujours tenu. Ce n'est pas pour rien que, depuis la nuit des temps, nous sommes demeurés une toute petite nation. C'est notre façon de faire.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie.

J'aimerais revenir sur la question posée par la sénatrice Dyck. Je crois que vous convenez vous aussi que le grand public puisse vouloir savoir à tout le moins à quoi sert l'argent que le gouvernement remet aux Premières nations. Mais n'est-ce pas ce que fait le projet de loi C-27? Ne vient-il pas, en précisant que ces renseignements doivent être affichés en ligne, simplifier les démarches de ceux qui voudraient les consulter? Ne s'agit-il pas d'un meilleur mécanisme que celui qui a cours actuellement, qui exige que ces renseignements soient affichés dans les réserves?

M. McKinney : La loi dit que l'on doit afficher les états financiers, mais en réalité, les gens doivent obtenir une copie papier. Dans la décision Montana, rendue dans les années 1980, le tribunal a reconnu que, dans les faits, personne ne sort pour afficher ces documents sur un arbre dans la réserve. La bande les dépose au bureau de poste, où les gens peuvent venir les consulter. Il y a un mécanisme, mais ce projet de loi ne se contente pas d'exiger que les renseignements demandés soient fournis aux membres de la bande dont ils font partie; il va beaucoup plus loin. Le grand public — et la terre entière — pourrait les consulter. C'est un peu comme le Canada.

Les finances du Canada sont relativement publiques, mais les Américains, les Britanniques ou les Français les examinent-ils et respectons-nous leur opinion à leur égard? Ça ne les concerne pas. Ils peuvent les consulter. Nous pourrions percevoir cela comme de l'espionnage, entre autres. Ils n'ont pas voix au chapitre en ce qui concerne ce que nous, les Canadiens, faisons de notre argent. Il en va de même pour les Premières nations. Le grand public n'a pas à avoir voix au chapitre quant à la façon dont une Première nation utilise son argent. Il a voix au chapitre sur l'utilisation des deniers publics, l'argent des contribuables. Or, ce n'est pas de cet argent qu'il est question ici. Il est question des propres fonds des Premières nations.

Le sénateur Meredith : Je suis toujours curieux de connaître la réaction des membres des bandes à l'égard de la législation fédérale. Quel est le sentiment général à l'égard du projet de loi compte tenu de toute l'actualité entourant Attawapiskat? Les membres croient-ils que le gouvernement devrait aller dans cette direction? Je sais que certains s'y opposent, à en juger par la position adoptée par le chef, mais que disent les membres du fait que ceux qui demandent l'information ne la reçoivent pas?

M. Twinn : Je ne suis pas au courant de ce qui se dit dans les autres Premières nations.

Le sénateur Meredith : Quel est le sentiment général? Vous êtes sur place. Vous entendez ce qui se dit. Quelle est la réaction?

M. Twinn : La réaction n'est pas la même pour tous. Plusieurs membres se demandent « Pourquoi tout cela? Je n'ai pas de problème avec mon chef et mon conseil. Nous nous occupons de nos propres affaires. »

Il y aura toujours des mécontents. Ils ont parfois de très bonnes raisons de l'être et parfois non. Les peuples des Premières nations ont subi bien des traumatismes au fil des siècles. C'est intergénérationnel. Certaines personnes souffrent et attaquent à la première occasion. Nous avons deux membres qui se présentent à l'assemblée et se mettent en colère à chaque fois. Alors, si deux membres expriment vivement leur opposition, est-ce une raison pour tout arrêter? Non. Nous devons poursuivre le progrès.

Le sénateur Meredith : Quelle est leur critique à l'égard des demandes d'information? Déplorent-ils des dépenses qui se font au détriment de l'injection de fonds dans la communauté? Les salaires exorbitants versés aux chefs et aux dirigeants des bandes? Est-ce là ce contre quoi ils s'élèvent et le projet de loi apporte-t-il une solution au problème qui les préoccupe?

M. Twinn : Je n'ai rien entendu dans le territoire du Traité no 8. Je crois n'avoir entendu parler d'aucun membre des tribus visées par le Traité no 8 se plaindre ainsi de sommes particulièrement exorbitantes versées à des chefs et à des conseils. Je crois que bien peu de Premières nations sont suffisamment en moyen pour verser des suppléments. Les chiffres exorbitants que j'ai entendus concernent peut-être plutôt l'Est du pays.

Je ne sais pas si vous comprenez ce que font les chefs, mais je n'ai vraiment pas le temps de visiter chaque région pour écouter les gens. J'ai autre chose à faire. J'ai une réunion demain. Après cette séance je dois quitter en vitesse, prendre l'avion et rencontrer une entreprise pétrolière qui veut me consulter à propos d'une proposition. Je fais plusieurs choses. Je suis administrateur. Je préside une entreprise. Il m'est impossible de parler personnellement à chacun des deux millions d'Autochtones au Canada. Il m'est donc plutôt difficile de répondre à cette question.

Le sénateur Meredith : Je ne prétends pas que vous sachiez exactement ce que pense chaque membre, mais pour le bénéfice des membres du présent comité, j'aimerais connaître le sentiment général à l'égard du projet de loi. Merci beaucoup.

La sénatrice Seth : Chef Twinn, je répète toujours la même chose : la transparence et la reddition de comptes en matière de finances sont très importantes. La transparence accroît la confiance des membres des Premières nations, des autres gouvernements, des investisseurs, et j'en passe. Elle permettrait, à l'avenir, de renforcer la relation et créerait chez les Premières nations un environnement plus propice au développement et à l'investissement.

C'est de cela qu'il est question ici, encore et encore. C'est toujours la même chose. Comment les membres des Premières nations peuvent-ils avoir accès à l'information si le chef et le conseil ne la fournissent pas? Comment fait-on pour y accéder si elle n'est ni vérifiée annuellement, ni publiée sur le web, ni divulguée autrement? Comment faire pour avoir accès à cette information?

M. Twinn : Nous ne proposons pas d'éliminer les vérifications et de ne pas s'y conformer. Les vérifications doivent faire partie de la gouvernance. Toutefois, l'accès à l'information devrait être déterminé par les peuples des Premières nations. C'est à eux qu'il appartient de décider de la manière dont l'information est accessible et quelles sont leurs exigences. La simple publication sur un site web n'est pas la solution. Si vous veniez visiter le Nord de l'Alberta, vous constateriez que bien des réserves n'ont pas accès à Internet. C'est donc complètement inutile.

L'accès à l'information peut se faire sur demande, comme le prévoit notre Loi sur la gestion financière et notre Constitution. Vous faites une demande, et dès lors, le conseil a l'obligation de fournir l'information et de la divulguer. Notre Constitution permet même aux membres de faire appel à des comptables ou à des avocats pour examiner les chiffres, car nous reconnaissons que les états financiers ne sont pas toujours faciles à comprendre.

C'est la nation qui devrait décider et non quelqu'un à Ottawa qui dit : « Voilà comment vous devez rendre vos comptes. » Nous ne sommes plus des enfants. Nous ne sommes pas sous la tutelle du gouvernement. La Loi sur les Indiens doit être abolie, mais son abolition ne doit pas créer de vide juridique. D'où l'importance de l'autonomie gouvernementale et des négociations.

Le président : je vous remercie beaucoup, monsieur McKinney et chef Twinn. Je vous suis très reconnaissant d'être venus ici aujourd'hui et de nous avoir renseignés. De toute évidence, il y a matière à un grand débat, probablement le meilleur que j'aie jamais vu. Je vous remercie énormément tous les deux d'être venus parmi nous aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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