Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 22 - Témoignages du 21 juin 2012
OTTAWA, le jeudi 21 juin 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi concernant les régimes de pension agréés collectifs et apportant des modifications connexes à certaines lois, se réunit aujourd'hui, à l'étude article par article du projet de loi.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner article par article le projet de loi C-25.
Est-il convenu de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-25, Loi concernant les régimes de pension agréés collectifs et apportant des modifications connexes à certaines lois?
Des voix : D'accord.
Le président : Je crois comprendre que le sénateur Eggleton aimerait d'abord faire quelques observations générales.
Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup. Je témoigne à titre de porte-parole de mon parti concernant le projet de loi dont nous sommes saisis. J'aimerais formuler quelques observations générales à cet égard, en m'appuyant surtout sur les témoignages que nous avons entendus hier.
Notre régime de pension est surchargé. De nombreux Canadiens craignent de ne pas avoir assez d'argent pour prendre leur retraite, ce qui entraînera une baisse de leur niveau de vie. Ainsi, de plus en plus de Canadiens s'enfonceront dans la pauvreté, surtout compte tenu du vieillissement de la population au cours des prochaines années. De plus en plus de personnes basculeront sous le seuil de la pauvreté.
D'après les études, seulement 17 p. 100 des Canadiens estiment qu'ils ont les assises financières nécessaires pour prendre leur retraite, et 83 p. 100 des gens interrogés ne savent pas vraiment combien ils doivent épargner. Cependant, tout laisse croire que le niveau de vie de beaucoup de personnes diminuera. Si c'est le cas, les coûts pour les contribuables seront énormes. À mesure que le nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté augmentera, les programmes d'aide supplémentaires, tant fédéraux que provinciaux, seront de plus en plus surchargés.
Monsieur le président, je crois que nous devons rénover notre système de pension, surtout pour empêcher les gens de se retrouver dans la pauvreté ou de souffrir d'une baisse considérable de leur niveau de vie. Le secteur public offre aux gens un tremplin pour prendre leur retraite, grâce au Régime de pensions du Canada et au Régime des rentes du Québec, mais ce n'est pas suffisant. En effet, les prestations annuelles atteignent environ 4 900 $ pour les femmes et 6 500 $ pour les hommes. Ces chiffres sont bien inférieurs au seuil de la pauvreté et ils sont modestes par rapport aux régimes des pays membres de l'OCDE. Nous ne sommes certainement pas à la hauteur de nombreux autres pays de l'OCDE pour ce qui est du montant des prestations que nous versons.
Les gens peuvent également compter sur des régimes de pension financés par leur employeur. Hélas, comme nous le savons bien, les régimes à prestations déterminées diminuent de façon substantielle. À l'heure actuelle, 23 p. 100 des Canadiens cotisent à ce type de régime de pension, ce qui signifie que 77 p. 100 des Canadiens ne le font pas. Ces derniers doivent donc dépendre de leurs REER, de la valeur nette de leur logement ou d'autres épargnes possibles. Selon Statistique Canada, la valeur médiane des REER se chiffre à 60 000 $. Ce montant suffit pour s'offrir une rente annuelle d'environ 3 000 $. Peut-on vivre avec 3 000 $ par année, même si on y ajoute les 6 500 $? Non, parce que c'est toujours inférieur au seuil de la pauvreté.
Au dire du gouvernement, le projet de loi C-25 propose, pour ainsi dire, un autre outil : les régimes de pension agréés collectifs. Bien entendu, le projet de loi C-25 ne peut s'appliquer qu'aux industries de ressort fédéral. Le gouvernement devra donc compter sur les provinces pour mettre en œuvre ce type de régimes de sorte que la vaste majorité des travailleurs aient l'occasion d'y accéder.
Comme M. Dan Kelly l'a dit hier, ce régime est loin d'être une panacée. D'abord, il permettrait une mise en commun très limitée comparativement au Régime de pensions du Canada ou à tout autre régime, comme le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario ou le régime de pensions d'enseignants. Par conséquent, cela limite beaucoup la capacité d'aider les gens en ce qui concerne leur pension. Il n'y a aucun moyen de compenser les années de vache maigre. Un des problèmes que les gens ont constatés au début de la récession en 2008, c'était que la valeur marchande de leurs placements dans les REER avait, du coup, chuté de façon considérable à cause des conditions du marché à l'époque. Dans bien des cas, les gens ont eu du mal à toucher cet argent à temps pour prendre leur retraite.
Ce régime serait beaucoup plus efficace s'il y avait moyen de compenser les années de vache maigre lorsque l'économie est au ralenti ou de cotiser plus d'argent plus tard pour compenser les pertes. Toutefois, il n'y a aucune disposition à cet égard.
Monsieur Kelly — qui représentait, bien entendu, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante — nous a également dit hier que peut-être le tiers des entreprises membres de la fédération pourraient être disposées à participer à ce régime — « pourraient ». Il n'a pas dit « seraient ». En fait, certaines d'entre elles ont affirmé que, si elles devaient y prendre part, ce serait sur le dos de leurs travailleurs puisqu'il faudrait réduire d'autres avantages ou salaires afin de pouvoir équilibrer, pour des raisons économiques, leur capacité de payer ce genre de régime.
Dans une large mesure, il semble que si les gens participent à ce régime et que leur employeur est disposé à l'adopter, ce serait fort probablement sans que ce dernier cotise grand-chose. Or, l'employé — la personne qui devrait en profiter — se trouve coincé dans le cadre de ce REER. Si le régime n'est pas bien géré, les frais seront trop élevés; les employés n'ont donc pas vraiment de choix.
Pour ma part, je crois que c'est le mauvais choix. Il aurait été beaucoup plus préférable — et j'insiste là-dessus — de proposer un supplément volontaire au titre du Régime de pensions du Canada puisque l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada affiche un bilan remarquable. Le fonds est très solvable. Il n'en a pas toujours été ainsi, mais c'est le cas aujourd'hui. À mon avis, ce serait une bien meilleure solution.
Une autre raison, comme les témoins nous l'ont dit hier, c'est que les grands régimes de pension, que ce soit le Régime de pensions du Canada, le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario ou le fonds des enseignants, fonctionnent avec des frais de 50 à 65 points de base, c'est-à-dire 0,5 p. 100 ou un peu plus, alors qu'on parle ici d'au moins le double : au moins 125 points de base, sinon plus.
Comme l'un des témoins l'a dit, des frais deux fois plus élevés ont un impact à long terme. Le montant des frais peut paraître minime au début ou à tout moment, mais à longue échéance, cela représente beaucoup d'argent.
Selon moi, c'est également ce que nous démontre l'expérience australienne. En effet, l'Australie a fini par apporter beaucoup de modifications à ce régime. J'ose espérer que le gouvernement y a porté attention. Les Australiens ont vu que les gains sont faibles, ce qui influe sur la pension que l'employé pourra toucher au bout du compte. En réalité, c'est l'industrie des services financiers qui est sortie gagnante à cause des frais plus élevés. On y utilise ce régime depuis plus d'une décennie.
L'Ontario est également de cet avis. Comme on l'a dit hier, le Québec a décidé de s'embarquer dans ce projet, contrairement à l'Ontario. En fait, l'Ontario estime que la mise en œuvre d'une innovation en matière de pension devrait être liée à l'amélioration du Régime de pensions du Canada dans le cadre d'une approche globale. La province trouve que le cadre fiduciaire des régimes de pension agréés collectifs n'est pas clair.
Un des témoins l'a également mentionné hier. Les témoins ont aussi dit qu'ils ne savent pas comment on réussira à atteindre l'objectif de maintenir des coûts faibles. C'est très flou. Il n'y a pas assez d'orientation pour garantir des frais peu élevés, comme l'espère le ministre.
Certains diront que c'est mieux que rien ou que c'est un outil supplémentaire. Quant à moi, je pense que cela permet au gouvernement de s'en tirer à bon compte puisqu'il se vantera de prendre une telle mesure, alors que ce n'est pas ce qui s'impose. Nous devrions vraiment procéder autrement puisque les gens ont beaucoup de mal à prendre leur retraite avec la somme d'argent qu'ils ont réussi à épargner.
Le sénateur Tkachuk : Puis-je poser une question? Les libéraux ont-ils appuyé ce projet de loi à la Chambre?
Le sénateur Eggleton : Oui, ils l'ont appuyé.
Le sénateur Tkachuk : C'est tout ce que je voulais savoir.
Le sénateur Eggleton : Oui, mais...
Le sénateur Tkachuk : C'est tout ce que je voulais savoir : oui ou non.
Le sénateur Eggleton : Je n'ai pas terminé ma réponse. Les libéraux ont fait valoir les mêmes arguments que je viens d'évoquer, mais ils ont dit que c'était mieux que rien.
Le président : Sénateur Eggleton, merci. Je pense qu'on a répondu à la question.
Avec votre permission, est-il convenu de regrouper les articles selon les rubriques du projet de loi, au besoin?
Des voix : D'accord.
Le président : L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'étude de l'article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 2 à 9, sous les rubriques « Définitions », « Objet de la présente loi », « Champ d'application » et « Accords », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 10 à 13, sous les rubriques « Attribution du surintendant » et « Agrément », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 14 à 26, sous la rubrique « Gestions des régimes de pension agréés collectifs », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 27 à 33, sous la rubrique « Employeur », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 34 à 38, sous les rubriques « Directives » et « Oppositions et appels », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 39 à 44, sous la rubrique « Obligations générales », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 45 à 51, sous les rubriques « Cotisations », « Immobilisation des cotisations » et « Paiements variables », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 52 à 57, sous les rubriques « Décès du participant », « Divorce, annulation du mariage, séparation ou échec de l'union de fait », « Transferts des fonds et achat des prestations viagères », « Interdiction de la discrimination sexuelle » et « Droits à l'information », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 58 à 62, sous les rubriques « Obligations en matière de renseignements » et « Cessation et liquidation », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 63 à 74, sous la rubrique « Dispositions générales », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 75 à 78, sous les rubriques « Infractions et peines », « Règlements » et « Rapport au Parlement », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 79 à 95, sous les rubriques « Modifications connexes », « Disposition de coordination » et « Entrée en vigueur », sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le comité veut-il annexer des observations au rapport?
Le sénateur Ringuette : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Non.
Le sénateur Oliver : Non.
Le sénateur Ringuette : Oui, nous le voulons.
Le sénateur Harb : Ce serait une bonne idée.
Le sénateur Eggleton : Prenez d'abord connaissance des observations avant de dire non.
Le sénateur Harb : C'est une bonne idée. Ce n'est pas grave.
Le sénateur Tkachuk : Oui, c'est grave. Nous aurions dû en être prévenus.
Le sénateur Hervieux-Payette : Mais pourquoi ne voulez-vous pas entendre les observations? Si vous n'êtes pas d'accord, vous n'aurez qu'à voter contre. Je ne vois pas quel est le motif.
Le sénateur Tkachuk : Nous avons terminé l'étude du projet de loi. Je pensais que nous en avions fait le tour.
Le sénateur Oliver : Le président n'a pas encore posé la question « Puis-je faire rapport du projet de loi sans amendement? »
Le sénateur Tkachuk : Je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement.
Le président : Nous sommes saisis d'une motion.
Le sénateur Stewart Olsen : Un instant.
Le sénateur Oliver : Il y a une autre question à poser : « Puis-je faire rapport du projet de loi non modifié au Sénat? ».
Le sénateur Massicotte : Monsieur le président, il y a un peu de confusion. A-t-on mis aux voix le projet de loi sans amendement?
Le président : Oui.
Le sénateur Eggleton : Les observations sont à part.
Le sénateur Ringuette : Il s'agit d'un élément distinct.
Le président : Sommes-nous ouverts à l'idée de discuter d'amendements? Nous sommes saisis d'une motion pour qu'il n'y ait pas d'observations.
Le sénateur Tkachuk : J'en fais la proposition.
Le sénateur Ringuette : Franchement, les gars. Avant de décider de ne pas procéder à des observations, vous devriez au moins savoir de quoi il s'agit.
Le sénateur Tkachuk : Normalement, nous tenons cette discussion avant l'étude article par article. Nous déterminons alors s'il y aura des observations. Cela fait partie de la procédure. Nous ne sommes jamais pris au dépourvu à la dernière minute.
Le sénateur Hervieux-Payette : Ce n'est pas une question d'être pris au dépourvu. Les observations ne modifient rien.
Le sénateur Tkachuk : Nous avons fait rapport du projet de loi. D'habitude, monsieur le président, il faut beaucoup de temps pour annexer des observations. On pourrait avoir besoin d'une semaine afin de décider de la démarche à prendre. Il s'ensuit toujours des amendements. On apporte des changements, et le comité de direction intervient à plusieurs reprises. C'est tout à fait inhabituel.
Le sénateur Hervieux-Payette : Mais enfin, nous vivons dans une démocratie. Pourquoi ne laissons-nous pas le sénateur expliquer de quoi il s'agit? Vous n'aurez qu'à voter contre.
Le sénateur Tkachuk : Il aura l'occasion de prendre la parole à l'étape de la troisième lecture. Il pourra alors dire ce qu'il veut.
Le sénateur Hervieux-Payette : Ce n'est pas la même chose.
Le sénateur Tkachuk : Nous vivons bel et bien dans une démocratie.
Le sénateur Eggleton : Puis-je parler? Puis-je dire quelques mots sur une suggestion dont vous devriez peut-être tenir compte?
Les deux idées que je propose dans les observations reconnaissent le fait qu'on a adopté le projet de loi; il ne s'agit donc pas d'amendements. Les observations portent plutôt sur des façons d'améliorer le projet de loi. Je l'ai déjà dit dans mes observations générales. Selon moi, ce n'est pas la voie à suivre, mais le comité en a décidé autrement, alors soit.
Ce que je propose ici est utile puisqu'il s'agit d'un supplément. Pourquoi ne vous a-t-on pas remis cette information à l'avance? Le greffier en a des copies. Je peux vous les distribuer. C'est parce qu'il s'agit d'arguments que nous avons entendus tout juste hier. Nous en avons eu vent seulement hier; j'ai donc préparé ces observations en m'appuyant sur les témoignages que nous avons entendus ici hier.
Le président : Sénateur Eggleton, nous avons adopté le projet de loi. Vous aurez l'occasion de nous faire part de vos observations à l'étape de la troisième lecture.
Sur ce, quelqu'un peut-il proposer une motion pour que la séance soit levée?
Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, pourriez-vous m'éclairer sur la procédure?
Le sénateur Tkachuk : Je propose que la séance soit levée.
Le président : Nous sommes saisis d'une motion d'ajournement.
Le sénateur Tkachuk : Il ne peut y avoir de débat.
Le président : Sommes-nous tous en faveur de la motion?
Le sénateur Tkachuk : Oui, nous le sommes tous.
Le président : Adopté.
Le sénateur Ringuette : Eh bien, bravo!
Le président : La séance est levée.
(La séance est levée.)