Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 23 - Témoignages du 21 juin 2012
OTTAWA, le jeudi 21 juin 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, se réunit aujourd'hui à 16 heures afin de faire l'étude du projet de loi.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs, cet après-midi, le Sénat a renvoyé le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, à notre comité pour qu'il en fasse l'étude.
Pour amorcer cette étude, nous avons le plaisir d'accueillir deux ministres responsables de cette mesure législative, les honorables Christian Paradis, ministre de l'Industrie, et James Moore, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles. Ils sont accompagnés de fonctionnaires qui répondront avec eux à nos questions.
Nous accueillons deux représentants d'Industrie Canada : Anne-Marie Monteith, directrice, Direction de la politique du droit d'auteur et des marques de commerce, et Paul Halucha, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché.
Nous accueillons également Lara Taylor, directrice par intérim, Politiques et législation, Politique du droit d'auteur et du commerce international, Patrimoine canadien.
En raison du vote, nous allons siéger exactement 42 minutes, soit jusqu'à 16 h 42, heure à laquelle nous nous arrêterons pour monter et aller voter, le plus vite possible; les ministres ont dit pouvoir rester avec nous jusqu'à 17 h 15. Plus vite nous redescendrons, plus vite nous pourrons reprendre nos discussions.
Sur ce, messieurs les ministres, la parole est à vous.
[Français]
L'honorable Christian Paradis, C.P., député, ministre de l'Industrie : Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être ici avec mon collègue, le ministre du Patrimoine canadien, pour vous parler du projet de loi C-11, Loi sur la modernisation du droit d'auteur.
Afin de remplir un engagement pris dans le discours du Trône 2011, notre gouvernement souhaite l'adoption rapide du projet de loi, plus particulièrement dans le but de moderniser la Loi canadienne sur le droit d'auteur en équilibrant les besoins des créateurs et ceux des utilisateurs. Je pense que la notion d'équilibre ici est la clé.
C'est ce que fait le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui. Le projet de loi C-11 est un élément essentiel de la stratégie sur l'économie numérique au Canada. Il fera en sorte que le Canada ait un régime de droit d'auteur moderne qui protège les emplois et contribue à leur création.
Il favorisera l'innovation, puis attirera de nouveaux investissements au Canada. Il accroîtra notre capacité de soutenir la concurrence dans l'économie numérique mondiale. Le projet de loi contient des règles plus claires qui permettront à tous les Canadiens de participer à part entière à l'économie numérique, maintenant, mais aussi dans l'avenir.
Le projet de loi C-11 contient des dispositions qui appuient l'innovation en matière de logiciels et le déploiement de nouveaux produits et de services numériques. Par exemple, il ouvrira la voie à l'adoption accrue de l'informatique en nuage et aux services d'enregistreurs personnels de vidéo en réseau.
Notre gouvernement reconnaît le rôle important des intermédiaires dans l'environnement numérique. C'est pourquoi le projet de loi contient aussi des dispositions relatives à l'exonération des responsabilités, et qu'il précise aussi les obligations des fournisseurs de services Internet pour combattre le piratage en ligne.
[Traduction]
Le projet de loi C-11 est une mesure législative axée sur l'avenir, qui répond à un monde numérique dynamique en constante mutation, et il permettra au Canada d'harmoniser sa loi avec les normes internationales.
Monsieur le président, j'aimerais saisir cette occasion pour parler brièvement des vastes consultations qui ont contribué à la formulation du projet de loi C-11.
En 2009, de vastes consultations sur la réforme du droit d'auteur ont été lancées. La réponse à ces consultations a été remarquable. Plus de 8 000 mémoires ont été reçus, et des centaines de personnes et d'organisations ont participé à des rencontres qui se sont tenues à l'échelle nationale. Notre gouvernement a tenu compte de tout ce que les Canadiens avaient à dire, et nous avons répondu en présentant le projet de loi sur la modernisation du droit d'auteur, d'abord avec le projet de loi C-32, au cours de la dernière législature, puis avec le projet de loi C-11, au cours de la législature actuelle.
Nous avons continué d'écouter les points de vue des Canadiens. Le comité législatif qui a étudié le projet de loi C-32 a entendu plus de 100 témoins. Le dernier comité législatif à étudier le projet de loi C-11 a repris la tâche là où le comité précédent s'était interrompu. Le comité a examiné soigneusement toutes les suggestions antérieures. Il a aussi entendu les points de vue de quelque 40 témoins. Il a également entrepris une étude article par article du projet de loi et apporté des modifications qui en clarifiaient certaines dispositions.
Nous sommes maintenant sur le point d'offrir aux Canadiens une mesure législative sur le droit d'auteur qui est moderne, souple et équitable. Cette mesure établit un équilibre entre les intérêts de tous les groupes que nous avons entendus.
[Français]
Je cède maintenant la parole à mon collègue, le ministre du Patrimoine canadien, que je tiens à remercier pour son travail remarquable, ainsi qu'à mon prédécesseur, le président du Conseil du Trésor, qui ont travaillé sur ce projet de loi sous l'ancienne législature. Le ministre du Patrimoine canadien a agi comme mémoire institutionnelle pour avoir participé, dès le début, aux projets de loi C-32 et C-11. Je tiens donc à profiter de ce forum pour le remercier publiquement.
L'honorable James Moore, C.P., député, ministre du Patrimoine canadien et des langues officielles : Merci beaucoup, monsieur Paradis.
[Traduction]
J'aimerais profiter de cette occasion pour vous parler du projet de loi C-11.
[Français]
J'aimerais prendre quelques minutes pour vous expliquer pourquoi notre gouvernement a donné la priorité à la modernisation du régime canadien de droit d'auteur.
[Traduction]
Aujourd'hui, les Canadiens saisissent pleinement les possibilités qui s'offrent à eux, dans ce pays, de créer et d'innover, et de le faire au moyen de la meilleure et toute dernière technologie. Toutefois, la façon dont le contenu protégé par le droit d'auteur est régi est complètement dépassée depuis un certain temps déjà.
Comme mon collègue vient de le mentionner, les Canadiens ont fait connaître leurs points de vue durant les consultations que nous avons menées dans l'ensemble du pays, et nous les avons écoutés.
[Français]
Le résultat — le projet de loi C-11 qui est devant nous aujourd'hui — est le fruit du plus vaste effort que nous ayons déployé dans la dernière décennie afin de moderniser nos lois sur le droit d'auteur.
Ce projet de loi est souple, équilibré et conforme aux normes internationales. Il représente la meilleure approche pour créer des emplois et promouvoir les technologies de demain.
[Traduction]
Le projet de loi actuel est équilibré et réfléchi. Il répond directement aux besoins des artistes et des consommateurs. Il profitera à tous les Canadiens.
Ce projet de loi nous rendra plus compétitifs dans l'économie numérique mondiale. Il permettra de protéger les emplois et d'en créer de nouveaux, de promouvoir l'innovation et d'attirer de nouveaux investissements au Canada.
Il ne faut pas sous-estimer l'apport de l'économie numérique à l'économie du Canada. En fait, dans l'ensemble, elle représente 5 p. 100 de notre produit intérieur brut. Les retombées économiques directes pour les industries canadiennes s'élèvent à près de 50 milliards de dollars et à un million d'emplois au pays. Nous nous devons de protéger ces emplois et ces industries, qui jouent un rôle essentiel dans l'essor de l'économie canadienne.
[Français]
Les technologies numériques sont le moteur de l'économie canadienne et elles permettent de créer des emplois. Par exemple, l'industrie des logiciels de divertissement : chaque année, cette industrie contribue pour plus de 1,7 milliard de dollars à l'économie canadienne. Plus de 350 entreprises de création de jeux vidéo emploient 16 000 personnes partout au Canada.
[Traduction]
L'industrie canadienne du film et de la télévision, elle, génère quelque 5,5 milliards de dollars et crée plus de 128 000 emplois d'un océan à l'autre. Ces emplois sont importants. Notre gouvernement s'est engagé à faire en sorte que nos créateurs bénéficient des mesures de protection et des lois dont ils ont besoin pour prospérer.
Le projet de loi comporte un élément important. Tous les cinq ans, le Parlement devra revoir la Loi sur le droit d'auteur. Nous avons inclus cette mesure pour nous assurer que les prochains gouvernements n'oublient pas qu'un régime de droit d'auteur moderne et récent joue un rôle important dans notre économie. La technologie évolue rapidement. On crée sans cesse de nouveaux produits et appareils, et il est essentiel que notre régime de droit d'auteur soit adapté à cet environnement numérique changeant.
Notre gouvernement y a pensé. Selon nous, avec ce projet de loi, nous pourrons faire face aux enjeux à venir. Soyons clairs : c'est le plus vaste effort déployé dans la dernière décennie pour moderniser nos lois sur le droit d'auteur. Les créateurs, les consommateurs et les gens d'affaires qui stimulent l'économie canadienne sont nombreux à appuyer notre démarche.
[Français]
Les Canadiens méritent un régime de droit d'auteur solide, qui protège les industries utilisant les technologies numériques. De tels régimes ont déjà été adoptés aux États-Unis et en Europe.
[Traduction]
Le projet de loi C-11 est une affaire de simple bon sens. Il donnera une perspective d'avenir et de la souplesse à notre régime de droit d'auteur. Notre gouvernement a la volonté de prendre les mesures nécessaires pour créer des emplois et soutenir les technologies de demain.
Nous avons travaillé longtemps pour nous rendre à cette étape, pour en arriver à ce projet de loi. Je tiens à remercier tous les fonctionnaires, les députés et les membres du Sénat qui ont participé aux discussions sur cette question, ainsi que les milliers de Canadiens qui ont pris part à nos consultations. Je me réjouis de leur participation.
Le processus que nous avons utilisé pour en arriver à ce projet de loi, décrit par le ministre Paradis, qui est en fait un équilibre entre les intérêts de tous les intervenants, a été dans l'ensemble très bien reçu par les Canadiens et les organisations du pays. Je vais vous donner un exemple du soutien que ce projet de loi a reçu.
L'Alliance internationale des employés de scène a déclaré :
Nous nous réjouissons de voir le gouvernement aller de l'avant avec le projet de loi C-11. Ce projet de loi protégera les emplois de plus de 16 000 personnes qui travaillent dans l'industrie du divertissement au Canada. Le piratage prive nos travailleurs d'une partie de leurs revenus. Le Canada a besoin d'une loi sur le droit d'auteur qui protégera les emplois et en créera de nouveaux, stimulera l'économie et attirera de nouveaux investissements.
On ne parle pas uniquement de ceux qui travaillent dans ces industries directes, mais aussi de ceux qui s'occupent tous les jours de contenu protégé par le droit d'auteur. Le Conseil des ministres de l'Éducation, composé des ministres de l'Éducation de tous les gouvernements provinciaux, sauf celui du Québec, appuie cette mesure législative. Il dit : « Le projet de loi fournit la clarté souhaitée ».
Les organisations étudiantes appuient également ce projet de loi. L'Alliance canadienne des associations étudiantes a déclaré que le gouvernement a démontré son engagement à l'égard du milieu étudiant canadien. Elle a aussi affirmé que les étudiants de partout au Canada sont très encouragés par ce projet de loi.
C'est une question d'équilibre. Beaucoup d'organisations le comprennent et reconnaissent que le compromis auquel nous sommes arrivés avec le projet de loi C-11 représente ce qui est dans l'intérêt du Canada.
Sur ce, mesdames et messieurs, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Je vous remercie de vos déclarations préliminaires. Je demanderais aux sénateurs de limiter leurs interventions à cinq minutes chacun.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est un projet de loi technique et assez compliqué, c'est ce qui explique pourquoi cela fait deux ans qu'on en discute sur la Colline du Parlement.
On reçoit des lettres et des commentaires de plusieurs personnes. Pour certains, ce n'est pas clair. Y a-t-il des changements dans le projet de loi devant nous par rapport à la loi existante quant aux redevances envers les artistes du point de vue de la radiodiffusion ou d'autres secteurs, car il est question d'une vingtaine de millions de dollars de moins? Qu'en est-il exactement?
M. Moore : Il n'y a aucun changement dans ce projet de loi par rapport au régime déjà en vigueur. Nous avons aussi reçu beaucoup de commentaires lors de nos consultations.
Le sénateur Massicotte : Les artistes reçoivent-ils les mêmes montants d'argent qu'ils auraient reçus avec l'ancienne loi?
M. Moore : Il n'y a aucun changement.
Le sénateur Massicotte : Nous avons des ententes avec des organismes internationaux et à cet effet des obligations envers les pays qui les composent. Pour ce qui est des brevets proposés, on utilise probablement des formats standards. Toutes les obligations internationales sont-elles conformes à celles qu'on voit aux États-Unis, en Angleterre, en Australie ou ailleurs?
M. Paradis : Absolument, il y a le traité signé selon l'entente avec l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Suite à l'adoption de ce projet de loi, le Canada sera conforme au traité.
Le sénateur Massicotte : Il n'y a pas de différences importantes entre l'Angleterre ou l'Australie, par exemple, au plan de notre approche?
M. Paradis : Le projet de loi épouse le moule des standards internationaux de l'OMPI.
M. Moore : Il existe des différences dans notre approche comparativement à celle des Américains, par exemple. Les États-Unis ont une approche différente à cause de leur système, de leurs politiques et de leur conception des besoins des consommateurs et de l'industrie. Le Canada a signé les traités Internet de l'OMPI il y a plusieurs années. Ce projet de loi, s'il est adopté, nous donnera la possibilité d'imposer réellement les traités Internet de l'OMPI.
Le sénateur Massicotte : Avec un iPad de la compagnie Apple, par exemple, on peut télécharger de la musique, des films et bien d'autres choses. L'artiste reçoit-il sa redevance de Apple lors du téléchargement de sa création?
M. Moore : Oui, parce qu'on signe un contrat avec Apple pour pouvoir utiliser iTunes afin de faire le téléchargement. La redevance vient d'une entente entre l'artiste et la compagnie, entente qu'il peut négocier.
Le sénateur Massicotte : Il n'y a pas de problème. Ils sont payés en conséquence?
M. Moore : C'est à l'artiste et à Apple de négocier, selon cet exemple, quelle redevance il recevra.
M. Paradis : C'est la nouvelle réalité. On veut rendre le projet de loi conforme aux avancées technologiques. On prévoit qu'avec ces outils tout sera en place afin que les droits d'auteur soient respectés, mais effectivement, une négociation a lieu entre l'auteur et Apple.
M. Moore : Ce qui affecte le plus durement nos artistes n'est pas la question des redevances — c'est un point important sans doute —, mais le piratage. Ce projet de loi rendra le piratage illégal au Canada.
Le sénateur Massicotte : Les artistes sont-ils satisfaits avec le projet de loi?
M. Moore : Il y en a plusieurs. Il faut avoir un projet de loi équilibré. Il y a différentes perceptions. Il y a huit ou neuf grands sujets consacrés à la propriété intellectuelle dans le projet de loi. Tout le monde obtient des gains dans ce projet de loi, sûrement que personne n'est satisfait à 100 p. 100, mais il n'y a personne qui ne reçoit rien non plus.
Il y a des gains pour tous dans ce projet de loi, mais il y a certainement des artistes qui veulent avoir d'autres choses. On le comprend. C'est la raison pour laquelle on a un débat et pourquoi la dernière partie de notre projet de loi contient une formule pour l'avenir afin d'assurer que le débat ne se termine pas avec l'adoption du projet de loi C-11, mais que la loi continuera de s'adapter aux nouvelles technologies, aux nouvelles demandes et aux nouvelles perceptions des besoins et des droits sur la propriété intellectuelle.
Il est certain que cela démarre un nouveau régime qui prend en considération les besoins de nos artistes.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : J'ai reçu de nombreux courriels à propos de ce projet de loi, dont bon nombre de la part d'éditeurs du domaine de l'éducation, qui s'inquiètent au sujet de la capacité des écoles ou des universités à faire des copies de textes. Pourriez-vous me dire précisément comment le gouvernement a abordé ce problème et où se situe vraiment la vérité? Je n'en suis pas trop sûr.
M. Moore : Je suis sûr que Mme Taylor vous expliquera les détails techniques qui concernent le contenu et les conditions d'utilisation dans le projet de loi. Durant les consultations, nous avons discuté avec les organisations étudiantes, les éditeurs de livres scolaires, les ministres de l'Éducation et les syndicats représentant les enseignants qui comptent sur ce matériel.
Nous voulions nous assurer que nous adoptions une approche équilibrée. Nous avons une formule précisée dans le projet de loi en ce qui concerne les copies numériques. Rappelez-vous qu'à bien des égards, c'est un marché fermé, en ce sens qu'un nombre limité de personnes achèteront certains livres, comme des manuels scolaires d'un domaine précis. Si quelqu'un crée un livre en format numérique et le distribue à ses condisciples sans que les auteurs du contenu aient reçu une rémunération adéquate, le marché en question, aussi limité soit-il, implose complètement.
Nous avons fait en sorte, dans le projet de loi, que ceux qui créent des textes éducatifs puissent tout de même gagner leur vie de cette façon. Autrement, le marché s'effondre; c'est un marché très fragile. Par conséquent, nous avons mis en place des dispositions afin que ce genre de texte numérique ne puisse être transféré entre étudiants, d'année en année. Nous avons la responsabilité de créer en quelque sorte un marché protégé pour les auteurs de matériel didactique.
Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous répondre à la question de façon à ce que les personnes qui nous regardent à la télévision puissent mieux comprendre? Par exemple, je ne crois pas être illettré sur le plan numérique, mais s'il s'agit d'un texte numérique et que j'enseigne dans une salle de classe, puis-je faire des copies pour mes élèves pour cette année-là? Je parle de l'avenir, mais pour cette année-là. Chaque élève doit-il acheter le texte comme il le ferait normalement s'il s'agissait, disons, d'un cours d'histoire? Si c'est un texte, un volume ou un livre — pas un appareil numérique, mais un livre —, un enseignant peut-il faire des copies pour les élèves pour cette année-là?
M. Moore : En bref, la décision revient à l'auteur du texte.
Le sénateur Massicotte : La réponse est non.
M. Moore : Cela donne du pouvoir à l'auteur. Par exemple, s'il s'agit d'une classe de 20 élèves, on ne voudrait pas qu'une personne passe des heures et des heures, sinon des semaines et des mois, à créer un manuel uniquement pour que quelqu'un paie 30 $ pour en acheter un et qu'il le partage ensuite en format numérique avec tous les autres élèves de sa classe. Le marché s'effondrerait.
Il y a des dispositions qui protègent ce livre, alors on ne peut pas en acheter un et le partager avec tout le monde.
Le sénateur Tkachuk : Peut-on acheter un manuel non numérique, l'imprimer et le distribuer à ses élèves? Peut-on prendre d'importantes sections et les distribuer aux gens de la classe?
M. Moore : Oui, avec le consentement de l'auteur.
Le sénateur Moore : Je vous remercie, messieurs, de votre présence.
D'abord, pourquoi avons-nous ici deux ministres? Et en quoi chacun de vous est-il lié à ce projet de loi?
M. Moore : Parfois, un plus un égale trois.
En vérité, nous avons adopté une approche et tiré des leçons du passé, des deux partis qui ont gouverné. Les gens doivent comprendre que le projet de loi vise à atteindre un équilibre, tant sur le plan de la perception que de la réalité. Si le ministre de la Culture est le seul ministre responsable du projet de loi, les gens se demanderont s'il y a un équilibre entre les intérêts de tous les intervenants. Si le ministre de l'Industrie en est responsable, les groupes culturels seront-ils entendus et compris? Il faut atteindre un équilibre. Ce n'est pas rare.
Le sénateur Moore : Je comprends votre rôle, monsieur, en tant que ministre de la Culture, et j'espère que, tout comme moi, vous défendez les intérêts des créateurs, mais je ne comprends pas le rôle du ministre de l'Industrie.
M. Moore : Le ministre de l'Industrie a la responsabilité législative de la Loi sur le droit d'auteur.
Le sénateur Moore : Toutefois, vous êtes le principal partisan des intérêts des gens qui sont protégés par la loi.
M. Paradis : La Commission du droit d'auteur et d'autres organismes relèvent du ministre de l'Industrie, tout comme les questions relatives aux consommateurs et à l'industrie. Bien sûr, le ministre du Patrimoine est là pour l'aspect culturel, mais il y a aussi les aspects liés à l'industrie et aux consommateurs.
Le sénateur Moore : Le sénateur Massicotte vous a posé une question au sujet de nos obligations internationales. L'opinion de l'Association canadienne des bibliothèques au sujet de ce projet de loi est la suivante :
L'interdiction de contourner les serrures numériques prévue dans le projet de loi C-11 dépasse les obligations du Canada en vertu des traités de l'OMPI sur le droit d'auteur.
Le projet de loi C-11 accorde aux titulaires de droit d'auteur un nouveau droit qui réfute ces dispositions et contrevient directement aux droits individuels de base, entérinés depuis longtemps par la loi canadienne sur le droit d'auteur.
On dit que nous dépassons ce que nous devons faire pour respecter nos obligations. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Moore : Nous ne sommes pas d'accord. On parle de l'importance des verrous numériques, mais encore une fois, la perspective importe. On pense à l'organisation. Elle souhaite qu'il y ait le moins de verrous numériques possible. Les bibliothécaires veulent avoir et faire circuler le plus de contenu possible, comme le veulent tous les membres de l'association. Ils veulent avoir le plus de contenu possible et le faire circuler. Je comprends qu'ils puissent vouloir le moins de verrous numériques possible.
Toutefois, je peux vous dire que les auteurs de livres, les créateurs du contenu qu'ils font circuler souhaitent que nos dispositions sur les verrous numériques soient plus musclées. C'est une question d'équilibre. Je comprends leur point de vue, et nous en avons tenu compte dans la préparation de ce projet de loi, mais nous sommes arrivés, selon nous, à un compromis. Notre conduite n'est pas dictée par les traités de l'OMPI. Nous prenons au sérieux notre obligation de mettre en œuvre les traités de l'OMPI et de les utiliser comme repère, mais la façon dont nous présentons ici nos obligations et cette proposition, dans le projet de loi C-11, de protéger le droit des gens de se protéger au moyen de verrous numériques se veut la solution canadienne.
Le sénateur Moore : Monsieur le ministre, on ne peut pas dire que les bibliothèques sont entièrement libres de copier abondamment ce qu'elles veulent. Elles, aussi, sont tenues de respecter la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCH; une décision qui est très claire.
M. Moore : Certaines souhaiteraient le faire. Regardez, par exemple, l'agressivité de Google pour diffuser librement des livres souvent sans le consentement des auteurs de ces livres. Il est incontestable qu'au Canada les bibliothèques fonctionnent de bonne foi, mais en l'absence de protections, ce ne sont pas les bibliothèques qui nous préoccupent.
Le sénateur Moore : Je suis contre le piratage des droits de propriété intellectuelle. Je suis sûr que toutes les personnes ici présentes le sont également, mais les serrures numériques sont l'élément essentiel du projet de loi. Elles l'emportent sur tout le reste. Il est indéniable, quand on lit et qu'on analyse tout cela, qu'elles en sont l'élément fondamental.
Vous avez mentionné Google. Connaissez-vous l'étude faite l'an dernier par les universités de Rice et Duke?
M. Moore : Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire?
Le président : Je vais vous demander de poser la question et je vous inscris pour la deuxième série de questions. Nous sommes presque arrivés au bout des cinq minutes.
Le sénateur Moore : D'accord.
Ils ont fait une étude qui montre que les serrures numériques ne fonctionnent pas comme on le voudrait, mais autrement. Steven Jobs a demandé pourquoi les quatre principales compagnies de disque permettraient à Apple et aux autres de distribuer leur musique sans utiliser la gestion des droits numériques. Il a dit :
La réponse est très simple : c'est parce que ces systèmes ne parviennent pas, et ne parviendront peut-être jamais, à enrayer le piratage.
Qu'en pensez-vous?
M. Moore : De quelle année date cette déclaration de Steve Jobs?
Le sénateur Moore : L'année dernière dans l'étude, 2011.
M. Moore : Je ne pense pas que beaucoup d'artistes diraient que iTunes n'est pas le modèle exact de la façon dont les serrures numériques diffusent le contenu de divertissement.
Le sénateur Moore : C'est ce que Steve Jobs a déclaré dans le contexte de cette étude.
M. Moore : Il remet peut-être en cause quelque chose qui a rapporté énormément de profits à Apple.
Le sénateur Ringuette : Je vous suis vraiment reconnaissante d'être tous les deux ici. J'aimerais savoir combien il y a actuellement d'ententes conclues entre les auteurs et les fournisseurs de services numériques au Canada.
M. Moore : Le nombre total? Des centaines de milliers si l'on songe à chaque chanson et chaque livre.
Le sénateur Ringuette : Est-ce que chaque auteur doit conclure une entente avec le fournisseur de services numériques?
M. Moore : Bien sûr. L'éditeur doit conclure un contrat. Prenons l'exemple d'Apple, si vous voulez que le contenu numérique d'un livre soit disponible dans iTunes, vous et votre éditeur devez conclure une entente contractuelle et établir des paramètres, notamment le degré d'utilisation des serrures numériques, les conditions d'utilisation et ainsi de suite. C'est l'objet du projet de loi.
Soit dit en passant, les serrures numériques sont très strictes. Essentiellement, elles habilitent ceux qui investissent des milliers de dollars dans la création de jeux vidéo, de logiciels, de livres, de magazines, et cetera, et qui y consacrent des milliers d'heures et leur donnent les outils qui les protègent des gens qui voudraient voler des œuvres en utilisant un clavier. Voilà ce dont il s'agit.
Le sénateur Moore : Nous comprenons cela.
Le sénateur Ringuette : Oui. Vous avez dit plus tôt que le projet de loi permettra aux fournisseurs de services de négocier avec les auteurs.
M. Moore : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Et ce ne sera possible que grâce aux serrures numériques dont vous parlez?
M. Moore : Non, ces ententes contractuelles entre l'éditeur et le distributeur existent déjà. Le projet de loi fournit des précisions. En outre, si votre question entre dans le contexte des serrures numériques, le projet de loi offre aux auteurs une protection contre les personnes qui voudraient les voler. Autrement dit, le contournement des serrures numériques est en soi un acte criminel.
Le sénateur Ringuette : Comment savons-nous que Apple et Google négocieront avec les auteurs de livres, d'œuvres musicales, de jeux et de films? Comment pouvons-nous être sûrs que c'est ce qu'ils feront avec les auteurs canadiens?
M. Moore : Les lois du marché les conduiront à le faire.
Le sénateur Ringuette : De quelle façon le marché les conduira à le faire?
M. Moore : Si je veux un livre, je dois bien me le procurer quelque part, n'est-ce pas?
Le sénateur Ringuette : Oui, mais si vous l'obtenez chez Apple et que Apple n'a pas conclu une entente avec l'auteur de ce livre, que ferez-vous?
M. Paradis : Dans ce cas, ils n'auraient pas le livre.
M. Moore : Il y a une relation symbiotique, un intérêt mutuel. J'écris un livre, je veux qu'il se vende. Je sais comment l'écrire, l'éditeur sait comment le publier et Apple sait comment le vendre. Tout le monde sort gagnant et le consommateur entre en jeu.
Le sénateur Ringuette : Je discute avec beaucoup de jeunes et ils semblent être capables de contourner n'importe quelle serrure utilisée pour bloquer les différents fournisseurs de services numériques qui n'ont pas conclu d'ententes. Ma question qui est très simple est la suivante : comment vous assurez-vous que le projet de loi prévoit l'obligation pour tous les fournisseurs de services numériques de conclure des ententes avec les auteurs canadiens?
M. Moore : Je ne crois pas qu'en obligeant les distributeurs à... Je pense que je vois où vous voulez en venir, peut-être d'une autre façon. Quand le projet de loi C-11 sera adopté, la loi sera claire. Nous devrions peut-être nous en tenir là.
Le sénateur Ringuette : Nous verrons.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Ma première question s'adresse à M. Paradis. Combien la Chambre des communes a fait d'amendements au projet de loi qui répondent en particulier aux préoccupations du Québec?
M. Paradis : On a, premièrement, déposé le projet de loi C-11 tel qu'il était lors de la précédente législature sous le projet de loi C-32. Je crois qu'on a déposé par la suite 9 ou 10 amendements.
M. Moore : Il y a 11 amendements.
Le sénateur Hervieux-Payette : On parle du projet de loi C-11?
M. Paradis : Oui, il y a eu 11 amendements d'apportés au projet de loi C-11 à la Chambre des communes.
Le sénateur Hervieux-Payette : Y a-t-il des amendements qui ont été apportés suite aux demandes du gouvernement du Québec en ce qui concerne l'éducation?
M. Paradis : Il n'y a pas eu d'amendements sur l'éducation. Les amendements ont été apportés dans le but de rendre le projet de loi plus pragmatique pour des fins technologiques entre autres. Mais il n'y a pas eu d'amendements de fonds sur l'éducation. Le projet de loi est resté tel qu'il l'était sous le projet de loi C-32.
Le sénateur Hervieux-Payette : Il y a des associations qui représentent plus de 50 000 créateurs du Québec qui seront fortement lésées par l'adoption de ce projet de loi. Je ne les nommerai pas toutes mais je parle, entre autres, d'associations d'auteurs, de professionnels des arts de la scène, l'Association québécoise des auteurs dramatiques.
M. Paradis : Faites-vous toujours référence à l'éducation?
Le sénateur Hervieux-Payette : Oui. En fait, pour l'éducation, c'est l'utilisation qu'on va faire des productions, que ce soit du matériel audiovisuel ou écrit. Aujourd'hui, tous les supports peuvent être technologiques; même si c'est un écrit, cela peut devenir technologique.
Un autre groupe me dit la même chose :
[Traduction]
Si le projet de loi C-11 n'est pas modifié, des citoyens canadiens perdront leurs emplois et les films éducatifs et le contenu canadien seront menacés.
[Français]
Ce sont des gens, des experts qui travaillent dans ce domaine. Vous comprendrez qu'en tant que sénateur, je me dois de prendre au sérieux leurs préoccupations. Ces gens sont là pour protéger les intérêts de leur clientèle. En ce moment, ces gens viennent nous voir pour nous dire que ces questions n'ont pas été réglées à la Chambre des communes et qu'ils croient en nous puisque le Sénat est la Chambre de deuxième réflexion.
Je vous demande pourquoi la demande du gouvernement du Québec, qui n'est pas favorable à l'exception de l'utilisation équitable aux fins d'éducation, parce qu'il n'y a pas de mécanisme de rémunération ferait perdre des revenus aux artistes? On parle de 40 millions de dollars de manque à gagner dont 25 millions pour la présentation d'œuvres cinématographiques par des institutions d'enseignements.
Il y a un mécanisme qui existe au Québec, qui fonctionnait, et par ce projet de loi, ce mécanisme semble ne plus pouvoir gérer toute cette question. Dans une classe, il y a peut-être 25 élèves et un créateur, mais il y a des centaines de classes à travers le Québec. La volonté et l'obligation des maisons d'éducation n'ont pas d'impact sur le budget fédéral; ce sont les provinces qui sont directement touchées.
Alors, pourquoi cette question n'a-t-elle pas été réglée à la satisfaction d'une province pour qui tout ce support, donc la culture, la langue, est une composante essentielle?
M. Paradis : Votre question comporte plusieurs éléments. Lorsque vous parlez des 40 millions de dollars, c'est à l'échelle nationale. Lorsqu'on va au niveau du conseil des ministres de l'Éducation de l'ensemble des provinces et des territoires, tous sont d'accord pour dire que c'est en dessous de cette somme.
À partir de cette prémisse, je me suis assis avec mes homologues du Québec, dont Christine Saint-Pierre. Comme je prends la chose au sérieux, j'ai demandé à mon ministère de comparer les chiffres et l'impact est minime.
Je ne suis pas d'accord avec le montant de 25 millions, ce n'est pas le chiffre que nous avons. Lors de nos discussions avec le Québec, on ne nous a pas démontré qu'il y aurait une si grande différence. Il ne faut pas perdre de vue que dans la clause de l'utilisation équitable, il y a des critères stricts qui ne permettent pas la reproduction d'œuvres dans leur intégralité. Il y a évidemment aussi des critères qui doivent être établis pour dire que cela ne nuit pas au marché.
Bref, les critères ne sont pas aussi larges que la province l'a laissé entendre. Mais je peux vous dire qu'il y a eu des discussions avec le Québec et rien n'empêche l'organisme, qui perçoit des droits au Québec, de prendre le relai à cet effet s'ils sont d'avis qu'il y a des droits de perdus. Mais avant de voir s'il y a des droits de perdus, il faudrait avoir une analyse des chiffres détaillée. Et comme je vous le dit, il y a eu des échanges constants entre moi-même, la ministre Saint-Pierre et mon collègue ici à mes côtés, et jamais on ne nous a démontré l'ampleur de tels chiffres.
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous dites qu'il n'y a pas eu d'étude détaillée ni de votre part ni de la leur?
M. Paradis : Dans mon ministère, il y en a eu. Mais nous ne sommes pas prêts à dire qu'il y aura des impacts considérables. Il y a une entente au sein du conseil des ministres de l'Éducation, sauf le Québec, je le reconnais. C'est pour cette raison que j'ai porté une attention particulière.
Mais dans les échanges que j'ai eus, j'avais des chiffres à faire valoir. On les a comparés, et du côté du Québec, on n'a pas pu me démontrer que les chiffres qu'on avait, qui avaient un impact beaucoup plus minime que ce que vous avancez aujourd'hui, étaient erronés.
À partir de là, je pense qu'on a une clause ici qui protège les créateurs. Il faut la mettre en œuvre. Et de toute façon, comme il y a toujours une révision législative de cinq ans, rien ne nous empêche d'analyser les conséquences. Mais à l'heure où on se parle, après une étude minutieuse et détaillée, on ne nous a pas démontré qu'il y aurait des impacts considérables tel que cela a été avancé.
Le sénateur Hervieux-Payette : Votre collègue nous parlait tantôt d'une application équilibrée du projet de loi entre les utilisateurs et les concepteurs. Québec ne semble pas d'accord avec votre théorie.
Vous avez affirmé tantôt qu'on se conformerait à tous les traités, c'est-à-dire les traités Internet de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et les traités sur le droit d'auteur. Et on nous dit qu'ils sont entrés en vigueur en 2002.
[Traduction]
Le président : Madame le sénateur Hervieux-Payette, puis-je vous demander de poser votre question? Le sénateur Harb attend de prendre la parole après vous.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Le Canada les a signés en 1987 et ne les a pas ratifiés. Est-ce que vous pouvez me dire si ces traités dont on parle ont été ratifiés depuis?
M. Paradis : On deviendra conforme au traité avec l'adoption du projet de loi. Comme je vous le dis, il y a eu des discussions avec le Québec sur la substance même et ils sont d'accord. Ils nous ont dit qu'en ce qui concerne la taxe sur le iPod, par exemple, ils comprennent que ce n'est pas où les Canadiens veulent être. Et lorsqu'on parle d'une approche équilibrée, on parle justement de protéger à la fois les créateurs et les consommateurs avec une approche qui soit conforme aux traités pour lesquels nous nous sommes engagés via l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
M. Moore : C'est vrai que l'ancien gouvernement l'a signé mais on va ratifier.
[Traduction]
Le sénateur Harb : Merci, messieurs les ministres, de comparaître ici. Nous pourrions peut-être passer à l'article 47 du projet de loi C-11 et qui a trait à la définition des mesures techniques de protection et l'information sur le régime des droits.
Ma question porte sur la définition de « contourner » telle qu'on la trouve dans le projet de loi :
a) S'agissant de la mesure technique de protection au sens de l'alinéa a) de la définition de ce terme, éviter, supprimer, désactiver ou entraver la mesure — notamment décoder ou déchiffrer l'œuvre protégée par la mesure — sans l'autorisation du titulaire du droit d'auteur;
Et cela continue à l'alinéa b).
Qui est à l'auteur de cette définition? Jusqu'à quel point peut-on être sûr que lorsqu'on dit d'une personne qu'elle a fait un contournement, cela veut dire qu'il est prouvé qu'elle a effectivement fait un contournement.
M. Moore : Je vais laisser Mme Taylor parler du contournement, mais je parlerai du processus.
Dans nos consultations, nous avons utilisé comme point de départ le projet de loi C-61, la précédente législation sur le droit d'auteur. Nous avons mené des consultations, comme il a été dit. Nous avons entendu des représentants d'organisations de toutes les régions du pays, ainsi que des particuliers canadiens, qui nous ont présenté leur point de vue sur le projet de loi. Nous avons tenu des réunions dans nos ministères. Le ministère de l'Industrie a rédigé le projet de loi en collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien. Nous avons rédigé le projet de loi et, en nous fondant sur des avis juridiques, avons choisi un libellé qui satisfait le mieux aux normes relatives à la protection du public.
Pour expliquer le plus simplement possible, voici ce dont il s'agit essentiellement. Si vous êtes propriétaire d'une entreprise et que cette entreprise est votre propriété intellectuelle et que vous installez une serrure à la porte d'entrée afin d'empêcher que les gens puissent avoir accès, sans votre consentement, aux produits qui se trouvent à l'intérieur de votre magasin, la personne qui casse la serrure de la porte pour entrer dans votre magasin commet un acte illégal.
Le sénateur Harb : Cela sera élaboré quand vous rédigerez la réglementation afin d'énoncer exactement ce que vous venez de dire?
M. Moore : C'est exact.
Le président : Je vais suspendre la séance. Nous reprendrons nos travaux, les ministres ont été assez aimables pour accepter de rester ici jusqu'à 17 h 15.
(Le comité suspend ses travaux.)
——————
(Le comité reprend ses travaux.)
Le président : Merci messieurs les ministres de rester. La parole est au sénateur Maltais.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bienvenue, messieurs les ministres, et merci d'être ici. J'ai une question, mais elle a une importance très stratégique pour tout le Québec, que ce soit pour les auteurs ou pour l'éducation.
Messieurs les ministres, j'aimerais que vous nous expliquiez exactement en quoi le projet de loi C-11 va supposément nuire au monde de l'éducation. On a lu tellement d'articles de journaux et on a reçu plusieurs courriels selon lesquels c'est la catastrophe anticipée. La guerre de 1939-1945 était de la petite bière à côté de cela. Une bonne explication doit être fournie publiquement, et je vous offre l'occasion de le faire aujourd'hui.
M. Paradis : Je vais commencer par expliquer en quoi cela va plutôt aider l'éducation. L'idée du projet de loi est d'atterrir enfin dans le XXIe siècle. Il y a des mots obsolètes qui sont utilisés dans la loi comme « rétroprojecteur ». Ce sont des moyens éducatifs qui étaient utilisés il y a des décennies.
Tout d'abord, il y a le traitement équitable en matière d'éducation dont on a discuté tantôt. Évidemment, le traitement équitable a des critères stricts et rien ne permet à quiconque de reproduire une œuvre, un roman au complet ou autre; ce doit être par petits segments pour des fins purement éducatives. Par exemple, pour un chapitre de livre ou un extrait de poème, les critères sont déjà bien établis par la Cour suprême.
Il y a six critères stricts qui sont : le but de l'utilisation; la nature de l'utilisation; l'ampleur de l'utilisation; les situations de rechange; la nature de l'œuvre et les effets de l'utilisation sur l'œuvre. Donc c'est très circonscrit. Par contre, il y a aussi des exceptions qui sont nommées de façon volontaire pour, encore une fois, arriver au XXIe siècle.
On sait que de la documentation est disponible sur Internet, comme une photographie par exemple. Si un étudiant veut intégrer une photographie dans son travail, il y a des photos qui sont déjà accessibles au public sur Internet. Et sur ce, peut-être pour répondre en partie à une question de la sénatrice Ringuette, les fournisseurs de service Internet auront aussi une responsabilité. C'est un amendement technique qu'on a apporté pour répondre justement à cette question. Il n'y a pas nécessairement de responsabilité pour les fournisseurs de service Internet, par contre, si on voit que, sciemment, il y a de l'information illicite qui est échangée, une responsabilité civile sera établie, qui peut être illimitée si on décide d'intenter un recours. Si, par exemple, il y a eu une diffusion en ligne qui est vraiment grande, au-delà de toute proportion, il y aura possibilité d'intenter un recours en fonction de dommages préétablis. Donc il y a une responsabilité à cet égard.
Parmi les autres exceptions, il y a l'apprentissage en ligne. Par exemple, si on veut donner des cours à des étudiants au Nunavut, les télécommunications sont des moyens technologiques qui existent aujourd'hui et qui doivent être clarifiés par la loi.
Aussi, la distribution numérique du matériel didactique. Rappelez-vous du temps où on allait à l'université, il fallait quasiment arriver avec un chariot pour apporter les polycopies. Là, vous pourrez les acheter en ligne et vous avez le droit d'imprimer une fois. C'est la même chose pour les prêts numériques à la bibliothèque. Cela se fait en support papier; on peut le faire en support électronique.
Évidemment, il y a toujours un contrepoids à cela. Si on a une œuvre numérique, par exemple, à laquelle on accède via un prêt en bibliothèque ou autre, les gens ne peuvent pas garder le fichier de façon illimitée et ils ne peuvent pas le dupliquer non plus. Donc il y a des façons de faire au niveau technologique qui feront en sorte que le fichier sera éliminé au bout de 30 jours ou qu'il ne sera pas copiable.
Bref, c'est une bonne chose pour l'éducation. En fait, c'est d'avoir accès à plus d'informations en fonction des moyens technologiques du XXIe siècle. Encore une fois, je répète que les chiffres qui ont été avancés en frais potentiels, je n'y adhère pas. Au sein de mon ministère, on a fait les études requises, on les a confrontées à ce qui était amené par les différents intervenants et jamais il nous a été démontré que ces chiffres étaient justifiés comparativement aux nôtres qui étaient franchement beaucoup plus justifiés.
Je pense que c'est avec confiance et enthousiasme qu'il faut aller de l'avant avec ce projet de loi. Cela permettra à nos institutions scolaires d'optimiser les outils dont elles disposent présentement en cette ère numérique du XXIe siècle.
[Traduction]
Le président : Voilà qui met fin à la première série de questions. Nous avons trois autres questionneurs, il faudra donc se presser. La parole est au sénateur Massicotte.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Quand on écoute vos explications et qu'on lit le projet de loi, on constate qu'il y a beaucoup de mesures en place et je pense qu'il y a de nombreux bienfaits. On a fait notre part pour essayer de contrôler l'abus ou la duplication non autorisée. Mais en réalité, à quoi vous attendez-vous du projet de loi dans cinq ans? La technologique bouge tellement vite. Beaucoup de gens font présentement des copies illégales. Vous dites qu'on ne peut pas faire une copie, mais monsieur et madame à la maison font quatre, cinq copies. Cela se fait énormément présentement. Pensez-vous vraiment que le projet de loi, même s'il modernise les lois, va changer les habitudes des jeunes d'aujourd'hui qui font des copies non autorisées?
M. Paradis : C'est le défi de ce projet de loi. Il y a du surplace depuis des années. Les dernières modifications remontent à 1997 et elles n'étaient pas de l'ampleur de celles qu'on apporte aujourd'hui.
De plus, quand il y a eu des modifications apportées au cours des années 1980, on était à l'ère des VHS et des technologies de la sorte. Le fait qu'on ait consulté, qu'il y ait eu 8 000 intervenants, qu'on essaie d'arriver avec l'approche la plus équilibrée et le fait d'avoir un cadre de travail qui permette de couvrir large, c'est la bonne approche. C'est pour cela qu'il y a une revue législative obligatoire à tous les cinq ans pour permettre de suivre la cadence.
Sur le plan de la réglementation, il y aura certains pouvoirs. Si on voit qu'il y a des impacts, par exemple, au niveau de la concurrence pour les serrures numériques ou autres, des leviers pourraient toujours être utilisés éventuellement. Cependant, je pense qu'à l'heure où on se parle, on a vraiment le véhicule qui est le mieux équilibré pour plonger et enfin entrer dans l'ère du XXIe siècle avec les contraintes qu'on a.
Il y a des exceptions qui sont là. Oui, il peut y avoir des accès à différents outils qu'on n'avait pas auparavant, mais il y a aussi des contraintes.
Le sénateur Massicotte : Du côté légal, je comprends et je suis relativement satisfait. Cependant, du côté de la réalité, quand on voit que le gouvernement du Québec a fait des annonces pour essayer de sensibiliser les plus jeunes sur les conséquences de leurs publications non autorisées via les artistes, qui sont quand même assez près des jeunes, est-ce qu'il y a eu un impact? Est-ce qu'il y a une moralité accrue à cause de toutes ces mesures? J'ai l'impression que non.
M. Moore : Il y a des conséquences, mais ce qu'on veut faire avec le projet de loi C-11, ce n'est pas de diriger les choix personnels des gens, c'est de donner des règles claires aux consommateurs, et aussi donner les outils aux créateurs pour qu'ils puissent se protéger contre ceux et celles qui veulent voler leurs œuvres. C'est ce qu'on fait avec ce projet de loi. On veut des normes qui encadrent les besoins des consommateurs et les droits des créateurs.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Monsieur le ministre Moore, vous avez dit que l'ACAE appuyait le projet de loi. D'après les représentants de l'ACAE qui sont venus me voir, leur organisme n'appuie pas le projet de loi. Ils sont très préoccupés par les frais d'accès au droit d'auteur qui seront transmis aux universités. Les rapports concernant le soutien des étudiants sont contradictoires. Je ne pense pas que la situation soit aussi claire que vous l'avez dit.
M. Moore : Non, comme je l'ai dit au début, un tel projet de loi soulève de grandes questions et ils voulaient des modifications. Il n'y a pas de doute, ils voulaient des modifications, mais cela ne veut pas dire qu'ils n'étaient pas favorables à certaines parties du projet de loi qui traitaient directement de l'éducation. Mais, ils voulaient que d'autres parties du projet de loi soient modifiées.
Il y a toutes sortes d'organisations. Comme je l'ai dit, ce projet de loi soulève huit ou neuf questions importantes; des questions de haut niveau, comme l'utilisation équitable, les serrures numériques, le traité de l'OMPI et le piratage. Chaque organisation a plusieurs positions au sujet de ces différentes questions. Il n'y a pas de séparation claire entre la gauche et la droite ou entre les partisans de la centralisation et ceux de la décentralisation. Les gens ont toutes sortes de positions différentes sur toutes ces questions.
Je ne pense pas qu'il soit trop indulgent de dire que chaque organisation a deux, trois, quatre ou cinq bons avis au sujet des neuf questions importantes. Aucune de ces organisations n'a neuf bons avis et aucune n'en a zéro. Elles ont toutes essayé d'avoir neuf bons avis et elles ont veillé à ne pas en avoir aucun. Des gens veulent des modifications, mais cela ne signifie pas qu'ils sont forcément insatisfaits de la version finale du projet de loi ou que le projet de loi ne contient pas des éléments qui répondent à leurs préoccupations et à leurs attentes du projet de loi.
Le sénateur Moore : Vous avez dit que vous soutenez les auteurs, et cetera, ce que j'ai plaisir à entendre, mais en vertu de ce projet de loi les droits éphémères disparaissent. Grâce à ces droits, les auteurs d'œuvres musicales ou autres reçoivent actuellement 21 millions de dollars. Ce sont les stations de radio qui les détiennent.
Quand je compare cette somme aux recettes générales de 1,4 milliard de dollars empochées par ce secteur, pourquoi la retirer? Ce n'est pas une somme importante quand on la compare aux profits enregistrés par ce secteur.
M. Moore : Ce n'était pas une décision facile à prendre. C'était l'un des problèmes liés à l'obtention d'un équilibre. Nous avons essayé d'arriver à un équilibre. Pour ce qui est des droits éphémères, je sais que beaucoup d'organisations, particulièrement les éditeurs de musique, Music Canada et d'autres organisations ont été très contrariés par cette partie du projet de loi.
Cependant, des stations de radio locales étaient très satisfaites de recevoir cet argent qui les aidera puisqu'un grand nombre d'entre elles ont du mal à continuer à diffuser sur les ondes. C'était une question d'équilibre.
Encore une fois, comme je le disais à votre collègue au sujet des bibliothèques; tout dépend de votre position et de votre point de vue. Nous estimons que c'est le bon équilibre. D'autre part, nous pensons que ce qui menace le plus les éditeurs de musique et les auteurs canadiens n'est pas le fait d'accorder au non les droits éphémères; c'est le piratage et déterminer si le Canada protégera ou non les auteurs canadiens.
Le sénateur Moore : Donc tout se résume vraiment à l'utilisation de la reproduction.
M. Moore : Par ailleurs, avec tout le respect que je vous dois, vous pourriez inviter l'Association canadienne des radiodiffuseurs ainsi que des représentants de stations de radio locales de petites villes et leur demander ce que représentent pour eux les modifications apportées au projet de loi C-11 et ce que ça signifie au niveau de leur capacité de garder en service leurs stations de radio locales. C'est quelque chose de très important pour eux.
Le sénateur Moore : Comment faites-vous la juste part entre cela et les artistes, monsieur le ministre? On leur retire 20 millions de dollars. Un côté reçoit tout.
M. Moore : Ils ne s'y opposent pas. Je peux vous dire que si vous les invitez à comparaître devant le comité, vous verrez qu'ils ne s'y opposeront pas.
D'autre part, par exemple, Rogers qui est propriétaire de beaucoup de stations de radio au pays, sachez qu'en raison du régime d'avis renfermé dans le projet de loi ces mêmes organisations doivent maintenant faire partie du mécanisme d'exécution. Honnêtement, un bon nombre d'entre elles ne veulent pas de cela. Une fois de plus, c'est donnant donnant.
Vous avez demandé ce que nous faisons pour aider les musiciens et les compositeurs. Il faut alors oublier le projet de loi C-11 et poser la question dans le contexte, c'est-à-dire ce que fait l'ensemble du gouvernement pour aider l'industrie de la musique. Nous avons, par exemple, le Fonds de la musique du Canada qui bénéficie d'un financement sur une période de cinq ans. Parce que le financement était à l'abri de la récession, tout l'argent que nous réservons à la création d'œuvres musicales au Canada est protégé.
Le sénateur Moore : Est-ce que vous transférez les 21 millions de dollars dans un autre secteur?
M. Moore : Non, ce n'est pas aussi simple que cela. Prenons aussi l'exemple du Conseil des Arts du Canada. Nous avons augmenté son budget de 20 p. 100, 181 millions de dollars annuellement. Il faut voir tout ce que nous faisons pour les arts et ne pas se limiter seulement au projet de loi C-11.
Le président : Monsieur le ministre Moore, je dois intervenir pour permettre à la vice-présidente du comité, le sénateur Hervieux-Payette, de poser une dernière question.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je reviens à l'équilibre de qui fait quoi et de qui reçoit quel bénéfice? Un groupe qui s'appelle Audio Ciné Films Inc. ou les Films Criterion nous disent qu'ils représentent 500 entreprises canadiennes et qu'ils ne reçoivent aucune subvention du gouvernement.
Chaque année, ils génèrent entre 30 et 50 millions de dollars. Ils emploient 8000 Canadiens. Ils étaient très satisfaits du système antérieur. Je ne sais pas. Vous avez une expression en anglais qui dit : if it ain't broke don't fix it. Quand quelque chose fonctionne, les gens du domaine de l'éducation nous écrivent que cela aura un effet négatif, en particulier parce que leur produit est surtout dans le domaine de l'enseignement, des petites et des moyennes entreprises de l'industrie. Ce sont des gens qui ne nous demandent rien, juste qu'on les protège. Ils avaient un système en place qui fonctionnait et votre projet de loi change les règles du jeu à l'encontre de leurs intérêts. Je me demande pourquoi.
M. Paradis : Encore une fois, sur l'éducation, madame le sénateur, au risque de me répéter, il y a vraiment eu des discussions de fond avec le Québec, tant au niveau des administrations, que ce soit le ministère de l'Industrie, ministère de la Culture, Patrimoine Canadien, même au niveau politique, puis à chaque fois qu'on nous a fait des démonstrations, on a sorti des chiffres de part et d'autre et c'est vraiment, je vous le dis, à mon humble avis, c'est exagéré. Les pertes dont les différents intervenants mentionnent sont exagérées et j'ai vraiment demandé qu'on s'assoie ensemble. Il y a eu des échanges de lettres entre les différentes administrations.
Encore une fois, on est d'avis que c'est un système qui est viable. Il y a toujours l'organisme du Québec, qui est libre aussi de collecter des redevances pour les artistes concernés, si c'était aussi grave qu'ils le disaient. C'est pour cela qu'il y a une révision législative. Encore une fois, il faut aller de l'avant parce que lorsqu'on regarde l'Association des collèges et des universités, même au Québec, ils le disent de façon très claire qu'ils sont en faveur de cela pour justement optimiser leurs outils actuels, et les moyens technologiques pour enfin arriver au XXIe siècle.
Le sénateur Hervieux-Payette : Celui qui paie à l'heure actuelle — quand cela devient gratuit, je n'en connais pas beaucoup qui diraient qu'on est tellement content de payer que même si on n'a pas besoin de payer on va payer. Monsieur le ministre, il y a des revenus, les commissions scolaires paient.
M. Paradis : Quand je parle des collèges et des universités, qu'on cesse de parler des rétroprojecteurs ou autres et qu'on vienne justement légiférer sur des pratiques qui se font. Lorsque je reviens encore une fois sur les chiffres, je n'adhère pas à cette théorie, compte tenu de ce qu'on m'a démontré du côté du gouvernement fédéral, on a fait les démarches avec le provincial qui n'a pas pu répondre avec des réponses convaincantes. À partir de là, c'est encore une fois un exemple typique de consultation qu'on a fait, partout à travers le pays, c'est une question d'équilibre et la meilleure approche, à notre avis, est d'aller de l'avant dans ce sens.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je parlais du secteur privé. Il faut s'entendre, je ne parle pas du secteur public, les compagnies privées qui utilisent l'Internet, les formats numériques. J'aimerais juste vous dire qu'on ne parle peut-être pas de la même chose. Ce que je vous dis, c'est qu'eux sont des fournisseurs de service. Ils avaient des ententes qui les protégeaient. Les maisons d'enseignement en profitaient parce que c'est à des prix qui défient la concurrence; 50 cents par étudiant par année, on ne peut pas dire qu'on ne rentrera pas dans les tarifs scolaires au Québec, mais à 50 cents, c'est peut-être raisonnable.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup. Les ministres ont été très aimables de nous avoir consacré leur temps.
Voulez-vous répondre rapidement monsieur le ministre?
M. Moore : Ce projet de loi est très vaste et complexe. J'apprécie les efforts entrepris par le Sénat pour étudier ce projet de loi. Il a fallu deux ans pour arriver où nous en sommes. Nous reconnaissons que le droit de la propriété intellectuelle est extrêmement complexe et le sera pour les cinq prochaines années. Nous ne prétendons pas dire ici en juin 2012 que ce projet de loi sera la législation sur la propriété intellectuelle idéale pour la prochaine génération de Canadiens. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi renferme une disposition prévoyant un examen parlementaire obligatoire tous les cinq ans, peu importe qui sont les politiciens et peu importe qui est au gouvernement. Nous devons assurer l'actualisation de notre législation sur la propriété intellectuelle.
Même avec la clause conditionnelle sur l'éducation, je me félicite qu'il y ait un débat avec la province du Québec, et je comprends cela. Cependant, 12 des 13 provinces et territoires ont donné leur accord sur ce point.
Les droits éphémères sont une question importante. Je ne minimise pas l'importance de la question de l'argent pour beaucoup de nos artistes, mais il faut tenir compte de tout ce que nous faisons pour la culture. Music Canada, ceux qui nous critiquent le plus sur le plan des droits éphémères sont aussi, au sein de l'industrie de la musique, les plus fervents partisans du projet loi.
C'est une question d'équilibre. Je comprends bien que beaucoup d'organisations voudraient voir des modifications. C'est un jeu à somme nulle et je pense que l'équilibre auquel nous sommes arrivés fonctionne bien. Dans le cas contraire, d'ici cinq ans, quelle que soit la politique vis-à-vis du projet de loi — c'est une question très importante —, nous reviendrons ici pour en parler de façon permanente étant donné son importance.
Dites oui au projet de loi et dites oui à un nouveau régime qui nous permettrait de ne pas avoir éternellement ces discussions et s'assurer que nous trouverons une solution juste à ces questions techniques.
Le président : Au nom de tous les membres du comité, merci messieurs les ministres pour le temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Merci beaucoup d'être restés pendant que nous sommes allés voter.
(La séance est levée.)