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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 36 - Témoignages du 6 juin 2013


OTTAWA, le jeudi 6 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).

Nous avons entendu hier des représentants de divers organismes. Aujourd'hui, pour la première heure, nous sommes ravis d'accueillir M. Ken Georgetti, président du Congrès du travail du Canada, M. Stephen Ginsberg, directeur exécutif, CAW Legal Services Plan, M. Ralf Hensel, conseiller juridique principal et directeur des politiques, Institut des fonds d'investissement du Canada, et M. Ron Sanderson, directeur général, Rentes et imposition des titulaires de polices, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc.

Comme le veut la tradition au comité, nous entendrons d'abord les déclarations liminaires de tous les témoins, et nous commencerons par vous, M. Georgetti.

Ken Georgetti, président, Congrès du travail du Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui. Le Congrès du travail du Canada, la plus grande organisation démocratique au Canada, représente 3,3 millions de travailleurs provenant de 25 000 sections locales, divisions et loges, fédérations du travail et conseils du travail, et qui occupent tous les métiers possibles d'un océan à l'autre.

Le mémoire que nous vous avons fait parvenir décrit nos principales préoccupations concernant le projet de loi C- 377, mais permettez-moi de vous les résumer. Le projet de loi C-377 est une solution en quête d'un problème. Il enfreint gravement la Constitution du Canada et la Charte canadienne des droits et libertés. Vous avez entendu d'éminents constitutionnalistes dire que le projet de loi C-377 ne relève pas du champ de compétence du Parlement. Il ne concerne pas les autorités fiscales du Parlement fédéral, mais la réglementation des syndicats ou des relations de travail. Il préoccupe la commissaire à la protection de la vie privée du Canada et va à l'encontre des lois provinciales et fédérales en matière de protection de la vie privée. Il confère injustement un avantage aux entrepreneurs en construction non syndiqués et crée des inégalités sur le marché du travail. Le projet de loi fait fi des éléments de base des structures démocratiques des syndicats et des cadres juridiques dans lesquels les syndicats exercent déjà leurs activités. Parmi un vaste éventail d'organisations professionnelles et sans but lucratif qui régissent leurs propres affaires de manière démocratique et appropriée, que ce soit des médecins, des avocats, des ingénieurs ou des comptables, le projet de loi C- 377 prévoit un traitement punitif et coûteux exclusivement aux syndicats. Cela ne fait que servir les basses fins politiques du Parti conservateur et de ses alliés.

Vous, mesdames et messieurs les sénateurs, pouvez mettre un frein à cette mesure législative trompeuse et remplie d'erreurs. Vous pouvez le faire tout en respectant votre important rôle dans notre Constitution canadienne en tant que Chambre de second examen objectif. Vous avez le mandat de protéger la population canadienne d'une erreur politique de la Chambre des communes et des groupes d'intérêts spéciaux ambitieux aux portefeuilles bien garnis.

Malgré ce que les conservateurs radicaux prétendent, le projet de loi n'est rien d'autre qu'une forme de représailles politiques. Il ne répond pas à un réel problème et ne résout pas un quelconque méfait. Il est essentiellement une manœuvre d'intimidation politique. Pour quelle autre raison les rédacteurs du Globe and Mail auraient-ils qualifié en décembre le projet de loi, lors de son adoption par la Chambre des communes, de rien d'autre qu'une « chasse aux sorcières »? Le Globe and Mail n'est guère connu pour ses positions favorables aux syndicalistes, mais il a décrit le projet de loi C-377 exactement tel qu'il est.

La vérité est que le principal partisan du projet de loi, Terrance Oakey, le président de Merit Canada, a rencontré en privé au moins huit fois des hauts fonctionnaires du Cabinet du premier ministre afin de faciliter l'adoption du projet de loi C-377. La vérité est que cette mesure législative peu judicieuse pourrait coûter aux contribuables plus de 60 millions de dollars. La vérité est que l'Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec, la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et certains des plus éminents experts en droit du pays ont tous dit à votre comité que le projet de loi C-377 contrevient à la Constitution, viole la Loi sur la protection des renseignements personnels et enfreint le secret professionnel liant l'avocat à son client.

La vérité est que les tribunaux invalideront le projet de loi. Alors, pourquoi continuer de forcer son adoption? À notre avis, il n'y a qu'une seule raison : l'argent. Certains conservateurs radicaux diabolisent depuis longtemps le mouvement syndical. Ils insistent pour adopter ce programme dans le seul but d'amasser des fonds pour remplir les coffres de guerre du Parti conservateur. Ils vont jusqu'à compromettre leurs propres principes pour atteindre leurs objectifs.

Le projet de loi C-377 a été adopté par un gouvernement qui se félicite de réduire la bureaucratie et la surveillance et qui abolit à tort des dizaines de milliers d'emplois dans les services à la population canadienne. Le projet de loi C-377 ferait exactement le contraire. Comme d'autres témoins vous l'ont expliqué, le projet de loi se traduira par des responsabilités et des coûts accrus pour les ministères fédéraux comme l'Agence du revenu du Canada, plus de formalités administratives, davantage de fonctionnaires et une plus grande surveillance gouvernementale. Et toute cette hypocrisie vise uniquement à s'attaquer injustement aux organisations syndicales.

Le président : Monsieur Georgetti, vous avez deux minutes pour conclure vos remarques, s'il vous plaît.

M. Georgetti : Le Sénat a une merveilleuse occasion. Vous pouvez défendre notre Constitution et notre Charte des droits et libertés, vous pouvez faire épargner 60 millions de dollars aux contribuables canadiens, vous pouvez rejeter une attaque discriminatoire et sans scrupules contre les travailleurs et leurs syndicats dirigés démocratiquement, et vous pouvez démontrer que le rôle du Sénat est réellement essentiel dans notre pays.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Ralf Hensel, conseiller juridique principal et directeur des politiques, Institut des fonds d'investissement du Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis Ralph Hensel, conseiller juridique principal et directeur des politiques à l'Institut des fonds d'investissement du Canada, ou l'IFIC. Au nom de l'institut et de ses membres, je suis ravi d'être ici aujourd'hui pour discuter de nos préoccupations concernant le projet de loi C-377.

L'IFIC est l'association nationale de l'industrie canadienne des fonds d'investissement. Elle compte parmi ses membres des sociétés de fonds communs de placement qui financent et administrent des fonds, ainsi que des sociétés qui distribuent des fonds partout au pays. Au 30 avril de cette année, l'industrie gérait des actifs d'environ 910 milliards de dollars. À peu près 12 millions de Canadiens détiennent des fonds mutuels pour leur épargne-retraite et leurs besoins en investissements. Mes observations iront dans la même veine que l'exposé que M. Sanderson fera sous peu au nom de l'ACCAP. De plus, une lettre dans laquelle nous présentons nos préoccupations a été remise au comité le 19 février 2013.

Nos membres s'inquiètent des conséquences imprévues du projet de loi. Nous croyons que le projet de loi dans sa forme actuelle crée involontairement une exigence de déclaration pour les fonds mutuels en leur imposant un fardeau administratif onéreux et inutile, fardeau qui sera au bout du compte assumé par les millions de Canadiens qui détiennent des fonds mutuels. L'objectif déclaré du projet de loi consiste à exiger des organisations syndicales de divulguer publiquement leurs renseignements financiers. Cette exigence ne visait manifestement pas les fonds mutuels publiquement offerts. Le projet de loi ajoute l'article 149.01 à la Loi de l'impôt sur le revenu, dans lequel on définit la fiducie de syndicat, qui est l'expression clé ici. Je vais vous lire la définition, qui est un peu technique :

[...] Fiducie ou fonds dans lesquels une organisation ouvrière possède un intérêt juridique, bénéficiaire ou financier, ou qui sont constitués et administrés en tout ou en partie au bénéfice d'une organisation ouvrière, de ses membres ou des personnes qu'elle représente.

L'exigence de déclarer les renseignements est imposée à la fiducie de syndicat, qui est passible d'une amende si elle ne s'y conforme pas. La définition de fiducie de syndicat est tellement large que si nous l'interprétons d'une manière juste et raisonnable, elle engloberait l'ensemble des fiducies ou des fonds offerts au public qui ne comptent qu'un seul détenteur de parts ou bénéficiaire membre d'une organisation syndicale. Ce fonds serait alors assujetti aux exigences de divulgation complète prévues dans le projet de loi.

Essentiellement, tous les fonds mutuels qui n'ont qu'un seul investisseur qui est membre d'une organisation syndicale seraient biaisés et, par conséquent, seraient assujettis au projet de loi. Il n'est pas tout à fait clair si le fonds biaisé est tenu de déclarer les investissements personnels des membres d'une organisation syndicale uniquement ou de tous les investisseurs. Toutefois, nous ne croyons pas que l'intention des rédacteurs et des promoteurs du projet de loi était d'exiger que les fonds mutuels publics déclarent les placements personnels et les opérations d'épargne des investisseurs, qu'ils soient membres ou non d'une organisation syndicale.

La production et le dépôt de rapports précis constitueront en soi un fardeau administratif injustifié pour les sociétés de fonds, mais ce fardeau n'est rien si l'on compare aux activités qu'il faudra mener pour établir et entretenir des relations avec les investisseurs, s'il y en a, avec une organisation syndicale — c'est-à-dire avec tous les investisseurs actuels, et n'oubliez pas qu'ils sont 12 millions, et avec tous les nouveaux investisseurs dans tous les fonds administrés par toutes les sociétés existantes, ce qui est énorme. On compte plus de 9 000 séries de fonds. On demande aux sociétés de faire des efforts herculéens. L'affiliation d'une personne à une organisation syndicale n'a rien à voir avec ses décisions en matière d'investissement ni avec les fonds qui pourraient lui convenir. Les conseillers en placement n'exigeraient pas ce genre de renseignements. Ils se concentreraient plutôt sur la tolérance au risque, sur les objectifs en matière d'investissement et sur les moyens financiers — le genre de renseignements qu'ils doivent obtenir pour connaître leur client, ce qu'ils sont tenus de faire.

On n'a jamais demandé aux investisseurs de divulguer l'information concernant leur affiliation à un syndicat; on ne demande pas non plus aux investisseurs éventuels qui envisagent d'acheter des fonds mutuels de fournir ces renseignements. Même une fois qu'elle est recueillie, cette information devrait être examinée régulièrement pour vérifier si les investisseurs du fonds sont devenus affiliés ou ont cessé d'être affiliés à une organisation syndicale depuis qu'ils sont devenus des investisseurs du fonds. Il sera par conséquent très difficile et très coûteux pour le secteur des fonds mutuels de se conformer au projet de loi dans sa forme actuelle, surtout étant donné que cela semble être une conséquence tout à fait non voulue de la portée de la définition de fiducie de syndicat.

Comme nous l'avons recommandé dans notre lettre datée du 19 février, la définition de fiducie de syndicat doit être révisée à tout le moins pour exiger qu'il y ait un lien beaucoup plus substantiel entre un fonds donné et une organisation syndicale. Par souci de précaution, la définition devrait être révisée pour exclure explicitement les fonds mutuels publics et d'autres fiducies et fonds semblables qui ne devaient pas être inclus.

Je crois que l'ACCAP a déjà fourni un libellé détaillé pour ajouter cette exclusion afin de corriger le problème. Nous avons recommandé que les termes « en tout ou en partie » soient retirés de la définition et soient remplacés par le terme « entièrement » pour que seulement les fiducies ou les fonds qui sont exclusivement administrés au bénéfice de l'organisation ouvrière, de ses membres ou des personnes qu'elle représente soient assujettis aux exigences. Je sais que cet amendement ne réglera peut-être pas tous les problèmes soulevés par l'ACCAP — et nous pourrons en discuter —, mais l'IFIC et ses membres seraient ravis d'examiner tous les amendements proposés à la définition ou au projet de loi de façon plus générale pour voir s'ils règlent ces problèmes. Sur ce, je vais conclure mes remarques. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à la fin.

Stephen Ginsberg, directeur exécutif, CAW Legal Services Plan : Je vous remercie de me donner l'occasion de m'entretenir avec vous aujourd'hui. La présidente de notre conseil d'administration, Mary Jane Mossman, est également présente. Un grand nombre d'entre vous la connaissent comme membre du corps professoral de l'Osgoode Hall Law School. Tout au long de son estimée carrière, elle s'est beaucoup occupée de l'accès à la justice. Notre lettre du 11 janvier 2013, que vous avez déjà sous les yeux, explique en détail la structure de notre organisation, CAW Legal Services Plan, qui est un nom générique pour 32 fiducies d'employés qui sont des régimes d'assurance de protection juridique.

Je ne reviendrai pas là-dessus, sinon pour insister sur le fait que notre organisation est indépendante. La moitié des membres du conseil d'administration représentent General Motors, Ford et Chrysler, tandis que l'autre moitié est issue du syndicat des TCA, des Travailleurs canadiens de l'automobile. Nos activités ont débuté en 1985. Nous offrons maintenant des services juridiques à environ 87 000 membres du régime, à leurs conjoints ou conjointes et à leurs personnes à charge. Ce sont des services juridiques aux particuliers. Nous n'offrons pas de services juridiques au syndicat; ils sont destinés uniquement aux membres. Nous vous demandons d'apporter un amendement administratif très simple au projet de loi C-377 : Que les mots « d'un régime collectif de services juridiques » soient ajoutés à la liste des régimes soustraits aux dispositions du projet de loi qui figure à l'alinéa 149.01(6)b). Je suis certain que vous les connaissez, mais je vais vous en fournir quelques exemples pour vous donner une idée. Il pourrait s'agir d'une fiducie de soins de santé au bénéfice des employés, d'un régime d'assurance collective contre la maladie et les accidents, d'un régime d'assurance-vie collective temporaire et d'un régime privé d'assurance-maladie. Ils sont très semblables aux régimes collectifs d'assurance de protection juridique. C'est juste que nous ne sommes pas très bien connus. Peu de Canadiens ont ce genre d'avantages sociaux.

La version initiale du projet de loi, comme vous le savez, ne prévoyait aucune exemption pour les régimes d'avantages au bénéfice des employés. Cependant, et c'est tout à son honneur, l'auteur du projet de loi d'initiative parlementaire, M. Hiebert, est celui qui a recommandé au Comité permanent des finances de la Chambre des communes que le projet de loi soit amendé à cet égard. Malheureusement, comme je l'ai dit, les régimes de services juridiques ne figuraient pas à la liste. Nous croyons que cette omission n'était pas voulue. Nous sommes, pour reprendre les propos de M. Hiebert, une « institution versant des prestations », une autre institution semblable versant des prestations. Je vais citer un passage du témoignage qu'il a fait devant le comité permanent de la Chambre des communes : « [...] la définition de `fiducie de syndicat' pourrait avoir eu comme conséquence imprévue d'inclure à tort certaines institutions versant des prestations [...]. J'inciterais le comité à envisager la modification [...] pour qu'elle indique clairement que les caisses de retraite, les fiducies de santé et d'autres institutions semblables versant des prestations ne sont pas visées par les exigences de déclaration énoncées dans le projet de loi. »

Il a également affirmé que ses amendements avaient été en partie dictés par des préoccupations pour la protection des renseignements personnels. Je cite encore une fois ses propos : « [...] protéger l'identité des personnes qui touchent des prestations [...] et renforcer la notion de secret professionnel. [...] Le projet de loi ne cherche pas à porter atteinte à la vie privée des Canadiens. »

Les propos de M. Hiebert appuient la demande que nous formulons afin que nos services soient ajoutés à la liste des régimes d'avantages au bénéfice des employés qui sont exemptés. Nous avons une liste des 10 meilleures raisons, qui ne sont pas énumérées dans un ordre particulier, pour lesquelles nous devrions être ajoutés à la liste de ceux qui sont exemptés.

Premièrement, notre organisation n'est pas un syndicat. Nous sommes une fiducie d'employés, en vertu de l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu. En fait, comme je l'ai déjà mentionné, nous représentons 32 fiducies d'employés. Il existe une fiducie d'employés pour chaque régime de services juridiques négocié collectivement. Des entreprises comme GM, Ford et Chrysler ont ce régime pour leurs travailleurs, de même que Lear et Magna. Certains des ateliers de Magna, comme vous le savez peut-être, sont représentés par CAW, qui a négocié cet avantage dans les conventions collectives. Ce ne sont là que quelques exemples; c'est le genre de déclaration que nous avons. Tout est énoncé à l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Deuxièmement, nous ne recevons pas d'argent des syndicats ni des cotisations syndicales.

Troisièmement, nous ne recevons pas d'argent, d'avantages ni de subventions spéciales de l'État.

Quatrièmement, nous ne nous livrons à aucune activité politique et nous n'y consacrons pas d'argent.

Cinquièmement, nous recevons nos fonds des primes versées par les sociétés qui nous parrainent. Autrement dit, comme n'importe quel autre régime d'avantages, les entreprises versent une cotisation pour les services, et c'est de cette manière que nous obtenons notre financement.

Sixièmement, les membres de notre régime paient de l'impôt sur le revenu pour les primes versées par les sociétés qui nous parrainent. Toutes ces cotisations, divisées entre les membres, sont déclarées sur le feuillet T4A, ce qui est ajouté à l'assiette fiscale des membres. Nous ne recevons pas d'avantages fiscaux, mais nos membres paient également de l'impôt sur ces avantages. Contrairement aux régimes d'assurance-maladie, les régimes de services juridiques ne sont pas exemptés en tant qu'avantage imposable aux termes de l'article 6 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Septièmement, chacune de nos fiducies de services juridiques fait une déclaration de revenu annuelle, le formulaire T3, conformément à l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Huitièmement, notre organisme est de toute évidence une institution versant des prestations, pour reprendre les propos de M. Hiebert.

Neuvièmement, nous faisons des milliers d'opérations et de débours chaque année. Nous avons ouvert plus de 36 000 dossiers ou demandes de services en 2012. Nous payons les avocats qui font partie de notre groupe d'experts pour ces services. Nous remboursons certains de nos membres qui font appel à des avocats qui ne font pas partie de notre groupe d'experts, ce qui signifie que chacune des 32 fiducies doit fournir d'énormes quantités d'information.

Dixièmement, il est extrêmement important de protéger l'identité des prestataires de services juridiques. Il existe un secret professionnel à protéger pour chacune de nos opérations portant sur des prestations. Comme nous l'avons souligné dans notre lettre, nous avons beaucoup discuté de l'accès à la justice, tant au fédéral qu'au provincial. Il existe un moyen d'accéder à la justice, et nous espérons que vous pourrez ajouter ce petit amendement au projet de loi. Merci.

Ron Sanderson, directeur, Pensions et imposition des titulaires de polices, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes ravis de vous faire part de nos points de vue dans le cadre de votre étude du projet de loi C-377. L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes est une association à adhésion libre dont les membres détiennent plus de 99 p. 100 des affaires d'assurance- vie et d'assurance-santé en vigueur au Canada. Notre industrie fournit à environ 26 millions de Canadiens une large gamme de produits assurant la sécurité financière. Notre principale préoccupation au sujet du projet de loi concerne la protection de la vie privée. Dans sa forme actuelle, le projet de loi pourrait exiger que soient rendues publiques les prestations que nous versons aux Canadiens. Nous déclarons déjà les renseignements personnels exigés aux fins de l'impôt, mais ces derniers sont confidentiels. Selon nous, le projet de loi irait à l'encontre des attentes légitimes des consommateurs quant au respect du caractère privé de leurs renseignements personnels médicaux et financiers. D'autres organismes, dont l'Association du Barreau canadien, ont également soulevé ce problème.

L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. a présenté des mémoires au parrain du projet de loi ainsi qu'au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Nous nous sommes concentrés sur la portée du projet de loi, qui, en englobant la déclaration des cotisations aux régimes d'avantages sociaux des employeurs et des prestations versées par ces régimes, dépassait le but recherché, selon nous. En effet, nous ne pensons pas que le projet de loi visait à rendre publics des renseignements sur le remboursement des coûts des médicaments, des soins orthodontiques d'un enfant ou d'autres paiements similaires découlant d'une relation d'emploi ou d'une assurance. Pourtant, c'est le résultat qu'aurait eu le projet de loi initial.

Comme l'a souligné la commissaire à la protection de la vie privée lors de son témoignage, des modifications apportées par la Chambre des communes règlent en partie ces questions. Ces modifications ne retirent pas nécessairement tous les régimes d'assurance-maladie du champ d'application du projet de loi. D'autres changements ont donné lieu à une ambiguïté, et certaines modifications importantes au libellé s'imposent pour que le projet de loi puisse passer à l'étape suivante. En particulier, le libellé prévoit que les fiducies de syndicat doivent déclarer toute opération faisant intervenir un particulier ou une entité lorsque la valeur totale de cette opération est supérieure à 5 000 $. Permettez-moi d'approfondir la question et de répéter les propos de M. Hensel. Selon le paragraphe 149.01(1) proposé, « fiducie de syndicat » s'entend du « fonds administré en partie au bénéfice d'une organisation ouvrière, de ses membres ». Le terme « fonds » n'est pas défini. Les contrats, comme les polices collectives d'assurance temporaire sur la vie, sont considérés comme étant des fiducies de syndicat, ce qui étonne quelque peu car il n'y a pas de « fonds » expressément lié à de tels contrats. Dans le libellé actuel, le « fonds » n'a pas à être exclusivement réservé ou administré pour les membres d'une organisation ouvrière.

L'Association du Barreau canadien a décrit les répercussions du projet de loi sur les régimes enregistrés d'épargne- retraite collectifs dans son témoignage, mais le problème est plus vaste. Par exemple, si un membre d'un syndicat ouvrier, peu importe ses activités au sein du syndicat, détenait des unités d'un fonds commun de placement dans le cadre d'un REER « de détail », il semble que ce fonds constituerait une fiducie de syndicat aux termes du projet de loi. Le fonds commun serait apparemment compromis, et les transactions financières de tous les autres investisseurs du fonds, même s'ils n'ont aucun lien avec le membre du syndicat en cause et n'en sont pas membres eux-mêmes, passeraient au domaine public, devenant accessibles à n'importe qui, n'importe où dans le monde.

Selon le paragraphe 149.01(5) proposé, les paiements effectués par l'intermédiaire d'un tiers ou d'un entrepreneur devront être déclarés. Faudrait-il rendre publiques les prestations d'assurances maladie et dentaire versées par une société d'assurances, en tant qu'assureur ou en tant qu'intermédiaire d'un employeur? Il est évident qu'un tel résultat serait inacceptable du point de vue de la politique publique et que ce n'est pas le véritable but du projet de loi.

L'alinéa 149.01(6)b) proposé exempte certaines fiducies de syndicat créées pour une fin unique de l'obligation de rendre publiques leurs activités si ces dernières ont trait exclusivement à l'administration, à la gestion ou aux placements, aux termes de certains régimes d'avantages sociaux. Une telle exemption ne serait pas accordée à des arrangements comme les fonds communs de placement de détail, ce qui semble injustifié.

Si le projet de loi est adopté, nous estimons que l'interprétation actuelle de l'expression « fiducie de syndicat » est trop large et qu'elle devait être restreinte. Le projet de loi devrait viser des activités précises, et non l'ensemble des activités d'une fiducie de syndicat dont la définition est trop vaste. Le 31 janvier, nous avons communiqué à votre comité des recommandations de modifications au projet de loi, accompagnées d'explications les sous-tendant. Je me ferai un plaisir de répondre à toute question découlant de ces recommandations ou d'ordre plus général.

Le sénateur Segal : Merci. J'ai deux questions, une pour M. Georgetti et une pour M. Hensel.

Monsieur Georgetti, je suis de ceux qui croient qu'un processus démocratique est plus vigoureux lorsque les membres de syndicats, de fédérations syndicales et d'autres organisations participent activement au processus politique pour appuyer le parti politique qui, d'après eux, représente le mieux leurs intérêts. Nous sommes tous confrontés à des restrictions relatives aux contributions financières aux termes de la loi.

Je veux savoir ce que le projet de loi, s'il est adopté dans sa forme actuelle, changerait à cette dynamique, d'après vous. Comme vous le savez, les dirigeants syndicaux prennent souvent position; le vote des membres ordinaires reflète habituellement ce que pense la population canadienne en général. J'aimerais connaître vos impressions, compte tenu de votre expérience comme dirigeant syndical au pays, quant à la façon dont le projet de loi, s'il est adopté, changerait la dynamique entre les membres syndiqués partout au pays et le processus politique de façon générale.

M. Georgetti : Merci de la question. Permettez-moi d'expliquer rapidement la structure du CTC. Nous comptons environ 3,3 millions de membres. Les syndicats qui représentent environ 1 million de ces membres ont un parti pris politique déclaré et appuient un parti politique. La majorité d'entre eux sont toutefois apolitiques.

Je ne pense pas que le projet de loi à lui seul aura un effet sur la façon dont nous nous comportons et sur ce que nous faisons, mais je pense qu'en raison de ses mécanismes de divulgation, il fournira les arguments et les munitions nécessaires à ceux qui veulent soutenir que les syndicats ne devraient aucunement se mêler des enjeux politiques. L'utilisation des cotisations syndicales devrait, en vertu de la loi, se limiter uniquement aux négociations collectives. Cela irait à l'encontre de la décision que la Cour suprême a rendue à cet égard dans l'affaire Lavigne, où elle a décrété que nous avons non seulement le droit de nous mêler de politique, mais que nous sommes aussi tenus de le faire. Nous prenons cette obligation au sérieux. Nous nous montrons critiques envers les gouvernements lorsqu'ils proposent des mesures législatives qui ont des répercussions négatives sur nous, et nous sommes élogieux à leur égard lorsqu'ils ne présentent pas de telles mesures législatives.

Nous avons examiné nos positions sur ces questions sur une longue période, lorsque les libéraux étaient au pouvoir et maintenant que les conservateurs le sont, et les critiques et les observations à l'égard des projets de loi n'ont pas du tout changé. Nous pensons simplement qu'en réagissant de la sorte, le gouvernement actuel interprète nos critiques comme étant des observations à saveur politique, alors qu'ils devraient les considérer comme étant des critiques constructives.

Le sénateur Segal : Merci. Monsieur Hensel, vous avez parlé des 12 millions de détenteurs de fonds mutuels partout au pays et de l'incidence quant au coût associé à la divulgation. Est-ce que j'exagère si je dis que le projet de loi imposera, peut-être de façon involontaire, une taxe aux 12 millions de Canadiens qui ont investi des fonds de bonne foi et espèrent profiter de ces fonds mutuels avant leur retraite? S'agit-il d'une mesure fiscale imposée aux Canadiens qui ont investi de bonne foi dans des fonds mutuels?

M. Hensel : Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est une mesure fiscale. Ce qui nous inquiète, c'est que le coût associé au respect du projet de loi serait réparti parmi l'ensemble des investisseurs. Comme je l'ai dit, lorsqu'un investisseur est en théorie assujetti au projet de loi, le fonds peut compter 10 000 autres investisseurs.

Le sénateur Segal : Il faut répartir les coûts.

M. Hensel : Tout à fait. Ce n'est pas une mesure fiscale en tant que telle; c'est simplement une hausse des coûts administratifs du fonds.

Le sénateur Segal : Bien entendu, mais d'après ce que je comprends des fonds mutuels, les coûts administratifs sont ce qui est supprimé avant que le détenteur du fonds réalise un profit.

M. Hensel : Oui.

Le sénateur Mercer : Messieurs, merci d'être des nôtres aujourd'hui pour discuter de ce que je qualifie tout simplement de mauvaise mesure législative. Je ne veux pas me lancer dans une discussion philosophique sur les raisons pour lesquelles elle est mauvaise, mais je veux parler de ce que la mise en œuvre du projet de loi, s'il est adopté, vous coûtera — pour ce qui du gouvernement, nous le saurons plus tard.

Par exemple, monsieur Georgetti, vous avez de nombreux syndicats qui sont membres du Congrès du travail du Canada. Ils devront mettre en place une structure où ils devront recueillir et divulguer les données. Avez-vous pu en estimer le coût? J'adresse la même question aux autres témoins, mais j'aimerais d'abord entendre votre réponse, monsieur Georgetti.

M. Georgetti : Nous n'avons pas encore fait d'estimation. Nous avons effectué un calcul à mon organisation, que je vous fournirai dans un instant.

Je tiens à préciser que le Congrès du travail du Canada représente 3,3 millions de travailleurs syndiqués. Il y a un million de travailleurs syndiqués qui ne sont pas affiliés à notre congrès. Nous représentons 25 000 entités qui seraient toutes obligées de divulguer leurs renseignements aux termes de ce projet de loi. C'est 25 000 rapports que les sociétés affiliées au congrès, les conseils du travail et les fédérations du travail seraient tenus de présenter.

Lorsque nous avons vu ce projet de loi, j'ai demandé à notre service de comptabilité de nous fournir un coût. Notre budget s'élève à environ 20 millions de dollars par année, et le coût de la mise sur pied d'une base de données pour recueillir ces renseignements serait de 400 000 $. Nos coûts permanents pour recueillir l'information — pour pouvoir la ventiler et la colliger de manière à ce qu'elle soit présentable — seraient de 400 000 $ par année. Si on l'étend à l'ensemble du système, on parle de dizaines voire de centaines de millions de dollars que notre mouvement syndical aurait à dépenser pour recueillir ces renseignements bureaucratiques.

Le sénateur Mercer : C'est peut-être l'objectif.

M. Hensel : Je dirais que le coût que notre industrie aurait à assumer est double. Il n'y a pas que le coût pour contacter les 12 millions d'investisseurs qui n'ont jamais eu à fournir cette information; il y a un coût additionnel possible. Lorsqu'on lui demande de fournir ces renseignements et que l'investisseur dit, « Ce n'est pas vos affaires », nous pourrions faire valoir que nous sommes maintenant tenus par la loi de les obtenir. L'investisseur dirait alors : « Je vais changer pour un autre produit qui n'est pas visé par le projet de loi et pour lequel je ne serai pas obligé de fournir cette information. » Il y a la possibilité que l'industrie perde un certain nombre d'investisseurs, qui pourraient tout simplement décider de placer l'argent dans un compte bancaire ou d'acheter un certificat de placement garanti, où ils ne seraient pas tenus de fournir l'information.

Nous n'avons pas été en mesure pour l'instant d'estimer ce qu'il en coûterait pour contacter les 12 millions d'investisseurs et mettre en œuvre un processus pour vérifier régulièrement l'information, puisque c'est une obligation permanente. Premièrement, il faut faire en sorte que les fonds soient conformes à la loi, puis il faut s'assurer qu'ils le demeurent. C'est une tâche colossale.

M. Ginsberg : Nous n'avons pas quantifié le coût, mais il serait élevé, de l'ordre de dizaines de milliers de dollars au moins, mais il y également les coûts imprévus, tels que pour ceux qui touchent plus de 5 000 $ de prestations, et ce à quelle fin? Même si ce n'est que pour des services juridiques, on peut se retrouver avec une situation où quelqu'un ne veut pas que personne ne sache qu'il est mêlé à un conflit familial, par exemple. Je ne sais pas ce qu'il en coûterait pour ceux qui se plaignent à nous que quelqu'un a vu leur nom quelque part ni ce que nous pourrions faire.

M. Sanderson : Puisqu'il n'y a pas d'exigences de déclarations détaillées de l'ARC, c'est plutôt difficile à évaluer, mais j'ai fait un calcul approximatif et j'ai examiné la composition de l'institut de M. Hensel. Si nous tenons compte du temps dont on dispose aux États-Unis pour déclarer les renseignements, en gros, je calcule que son industrie devrait ajouter 1 300 personnes par année, seulement pour la déclaration.

Le sénateur Mercer : Ma dernière question s'adresse à M. Georgetti. J'ai rencontré des membres de syndicats de policiers de partout au pays qui ont comparu devant notre comité pour parler du projet de loi il n'y a pas longtemps. Ils sont encore plus inquiets parce qu'ils croient que les mesures proposées comportent des risques pour leur sécurité et celle de leur famille. Par exemple, un policier nous a parlé des problèmes liés au crime organisé qui se posent lorsque des gens découvrent des renseignements personnels sur eux. Un policier de Halifax nous a dit qu'un membre d'une organisation criminelle lui a dit qu'il savait que sa fille prenait des leçons de natation tous les jeudis après-midi, ce qui donnerait froid dans le dos à n'importe quel parent.

Avez-vous discuté avec des policiers syndiqués des problèmes auxquels ils doivent faire face en raison de la nature délicate du travail qu'ils font pour les Canadiens?

M. Georgetti : Oui, et j'en ai aussi discuté avec des travailleurs de l'aide sociale, de l'aide aux victimes et de toutes sortes de programmes de ce type.

L'autre grande préoccupation que nous avons est liée à la déclaration de renseignements financiers des aînés et des gens à la retraite, qui pourraient être victimes de fraudeurs, car ils sauraient combien d'argent ils ont. C'est vraiment une intrusion inutile et c'est la raison pour laquelle la commissaire à la protection de la vie privée s'est dite très préoccupée par le projet de loi. Les gens ont droit à leur vie privée.

Nous ne voyons pas en quoi la déclaration de ce genre de renseignements est utile pour quiconque au pays, mis à part un petit groupe de personnes qui ont déjà comparu devant vous, je crois.

La sénatrice Ringuette : J'examine le projet de loi depuis quelques mois. Je veux vous remercier de porter à notre attention un autre angle du projet de loi, dont je me suis rendu compte dans ma recherche. Cela concerne les fiducies de syndicat et les fiducies de soins de santé. Nous examinons des renseignements personnels d'environ 20 millions de travailleurs canadiens et des membres de leur famille peut-être.

De plus, je suis l'évolution d'un autre projet de loi qui est actuellement à l'étude dans l'autre chambre. Un ancien député conservateur de la Chambre des communes avait parrainé un projet de loi d'initiative parlementaire visant à rendre publics les salaires des sous-ministres et des sous-ministres adjoints qui gagnent 188 000 $ ou plus. Le gouvernement Harper a présenté un amendement visant à faire passer ce montant à 444 000 $.

La sénatrice Ringuette : Le projet de loi que nous sommes en train d'étudier prévoit la divulgation obligatoire des noms des Canadiens qui reçoivent 5 000 $. Toutefois, le gouvernement n'a pas à publier sur un site web public les salaires qui sont financés entièrement par l'argent des contribuables. C'est un bel exemple d'une politique de deux poids, deux mesures. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.

Le président : Posez-vous la question à une personne en particulier?

Le sénateur Moore : À Stephen Harper!

Le président : Qui veut répondre à la question?

La sénatrice Ringuette : Amusez-vous pour une fois, messieurs.

M. Sanderson : Je suis le seul ici qui est assez fou pour répondre à la question.

Tout le monde ici est d'avis que la transparence et la reddition de compte sont de bonnes choses. Nous en tenons compte face aux attentes raisonnables de protection en matière de vie privée. À cet égard, le projet de loi C-377 semble annoncer une chose et le projet de loi dont parle la sénatrice Ringuette semble annoncer son contraire.

La sénatrice Ringuette : Totalement.

M. Sanderson : Je n'arrive pas à croire qu'on puisse considérer une telle série de mesures comme une politique qui sert l'intérêt public.

La sénatrice Ringuette : Merci.

M. Georgetti : Nos membres ont déjà accès à l'information. Cela existe dans nos statuts et dans le cadre de tous les codes du travail au Canada, excepté, par coïncidence, en Alberta.

Nous avons examiné notre système à cet égard. Je crois que parmi les 4,4 millions de membres, quatre plaintes ont dû être soumises à des commissions des relations de travail l'an dernier de la part de membres qui voulaient obtenir de l'information.

Pour ce qui est de la façon dont le gouvernement agit, toutes ses mesures législatives et tous ses budgets contiennent une combine contre nous. En fait, un projet de loi d'initiative parlementaire visant à modifier le Code canadien du travail a été présenté hier. Selon la politique actuelle, la ministre du Travail doit consulter les employeurs et les employés avant de modifier le Code du travail. Dans le projet de loi, on propose de changer la structure du code sans consulter les parties qui prennent part aux négociations collectives, un très bon système qui aboutit à un règlement dans 99,6 p. 100 des cas.

La sénatrice Ringuette : Le gouvernement passe complètement outre au processus démocratique. Monsieur Hensel, avez-vous quelque chose à dire à cet égard? Êtes-vous de cet avis?

M. Hensel : J'étudie les conséquences pour l'industrie et j'ai donc une opinion personnelle. Si l'on tient pour acquis qu'il est pertinent de fournir les renseignements, il me semble qu'il doit exister un meilleur moyen. La définition qui nous pose problème n'est pas très longue, mais elle est très détaillée et beaucoup trop vaste. Je ne peux pas croire que ce soit là l'objectif. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, il y a lieu de se poser des questions lorsque le libellé d'un projet de loi est aussi vague et qu'il a une si vaste portée.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Hensel, vous avez indiqué dans votre mémoire que tous les Canadiens et Canadiennes qui avaient des investissements dans des fonds mutuels seront soumis à cette loi. En êtes-vous certain? Pouvez-vous nous le certifier aujourd'hui?

[Traduction]

M. Sanderson : Nous croyons comprendre que la définition de « fiducie de syndicat » comporte deux volets.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous avez indiqué que tous les Canadiens et Canadiennes qui détiennent des fonds mutuels seront obligés de les dévoiler sur un site Internet. C'est ce que vous nous avez dit. Êtes- vous bien sûr de cette information?

[Traduction]

M. Sanderson : Dans la mesure où chaque fonds commun de placement a au moins un syndicat membre participant, je crois que c'est tout à fait vrai.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous auriez dû dire « les membres syndiqués ». Je suis Canadien, j'ai des fonds mutuels administrés par une grande banque et qui peuvent avoir des intérêts dans des fonds mutuels dont les syndicats sont propriétaires. Je ne serai pas obligé de les dévoiler.

[Traduction]

M. Sanderson : Dans la mesure où le fonds comporte une opération supérieure à 5 000 $, je crois que...

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous ne m'avez pas écouté. Écoutez-moi. J'ai des fonds mutuels dans un REER administré par une société bancaire, que je ne nommerai pas, qui, elle, peut faire des transactions dans des fonds mutuels des syndicats, mais moi je ne serai pas obligé de les déclarer.

[Traduction]

M. Sanderson : Oui, je crois que l'institution financière doit déclarer vos opérations si elles sont supérieures à 5 000 $.

[Français]

Le sénateur Maltais : Non, je regrette. Informez-vous auprès des institutions financières. C'est bien beau de venir ici et de nous dire tout cela, mais informez-vous auprès des institutions financières. Vous êtes un groupe de compagnies d'assurance très sérieux, mais ne venez pas me dire cela ce matin. Votre affaire ne marche pas. Renseignez-vous. Vous avez un groupe d'avocats à côté de vous. Ce sera à l'institution de le faire et non au détenteur, parce que je ne suis pas syndiqué.

[Traduction]

M. Sanderson : Je crois que nous n'interprétons pas le projet de loi de la même façon, ce qui montre peut-être à quel point il est mal rédigé. Nous croyons que notre interprétation est fondée.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je crois que la mienne est fondée également.

[Traduction]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence. Permettez-moi tout d'abord d'intervenir au sujet de ce qu'ont dit MM. Hensel, Ginsberg et Sanderson : vous avez soulevé les problèmes avec justesse. Je pense qu'on pourrait facilement y remédier en apportant des amendements mineurs au projet de loi. Je ne crois pas que ce soit là l'objectif, mais je vous remercie d'avoir soulevé les problèmes.

Je veux également dire quelque chose au sujet de l'argument sur les coûts, dont j'ai abondamment entendu parler. Je dois admettre que j'ai beaucoup de difficulté à le comprendre parce que les versements sont faciles à trouver à l'aide de logiciels par exemple, comme Quicken. On peut facilement trouver l'information en 30 secondes. Je ne reviendrai pas là-dessus, mais je dois dire que l'argument des coûts n'est pas vraiment fondé à mon avis.

La question fondamentale, c'est le bien-fondé de la transparence. Je veux poser ma question à M. Georgetti. Je n'ai pas d'idées arrêtées à ce sujet, mais c'est le problème. Y a-t-il des renseignements qui sont pertinents pour le public ou les syndiqués?

Je crois comprendre que la plupart des codes du travail provinciaux exigent la production d'états financiers vérifiés. En fait, la majeure partie des provinces exigent la communication d'états financiers vérifiés à tous les membres. Bon nombre de témoins nous ont dit que ce n'était pas fait de façon automatique : les membres doivent en faire la demande.

Monsieur Georgetti, pourriez-vous nous décrire la façon de procéder à cet égard? En fait, pourquoi ne pouvons- nous pas trouver les états financiers sur votre site web, sur les sites web? J'ai fait des recherches sur bon nombre d'organisations ouvrières. Pourquoi garder l'information secrète?

Pire encore, pourquoi attendre que des membres demandent l'information pertinente avant de la rendre publique?

M. Georgetti : Tout d'abord, les membres n'ont pas à en faire la demande. Des rapports financiers leur sont fournis. Habituellement, tous les mois, chacun de nos syndicats affiliés tient des réunions auxquelles les membres peuvent assister et obtenir les états financiers selon la structure établie dans leur organisation, par la production de documents ou leur présentation par les secrétaires de séance.

Nous tenons des congrès provinciaux et des congrès annuels au cours desquels le secrétaire ou le trésorier présentent un rapport financier de l'organisation. La délégation élue peut mettre en question ou modifier tout état financier.

Les membres peuvent demander d'autres états financiers vérifiés. S'ils ne sont pas satisfaits des états financiers qu'ils obtiennent, ils peuvent faire appel à la commission des relations de travail de leur province. Comme je l'ai dit, l'an dernier, il y a eu quatre cas où des membres n'étaient pas satisfaits des renseignements obtenus, et l'ont été par la suite après le processus.

Ces organisations appartiennent aux gens qui les financent, c'est-à-dire nos membres. Ils bénéficient d'une déduction d'impôt d'environ 20 p. 100 de leurs cotisations syndicales que le gouvernement soustrait de leur revenu imposable.

Dans l'ensemble, ils les financent avec leur argent. Les choses fonctionnent de cette façon et l'information est fournie aux membres à la satisfaction de la grande majorité d'entre eux, comme vous pouvez le constater.

C'est un très bon système. Il est ouvert. Les gens qui veulent obtenir des rapports financiers peuvent assister aux congrès. Les portes sont toujours ouvertes. Pour différentes raisons, nous ne les publions pas sur notre site web, de sorte que des membres d'organisations comme Merit Canada ne puissent pas obtenir nos renseignements financiers et qu'ils ne soient pas avantagés par rapport aux syndicats de la construction dans le cadre d'un processus d'appel d'offres, par exemple.

Le sénateur Massicotte : En quoi pourraient-ils être avantagés? La seule organisation dont j'ai vu les renseignements, c'est la CSN, qui est basée au Québec. Elle a publié les états financiers sur le site, mais c'était pour trois ans et il y a eu des retards importants. Je ne comprends pas l'argument lié à la concurrence. Si l'on regarde des états financiers, je suis sûr que vous conviendrez que les renseignements qu'ils contiennent sont très généraux. En fait, les états financiers de toutes les sociétés ouvertes au Canada sont accessibles, ce qui représente probablement souvent vos employeurs, alors pourquoi pas?

M. Georgetti : C'est qu'il s'agit d'organisations privées, tout comme les associations médicales et les barreaux. Ce sont des organisations privées qui rendent des comptes aux gens qui les financent : nos membres. La population canadienne ne finance pas les syndicats.

Le sénateur Massicotte : Je comprends.

M. Georgetti : Ce sont nos membres qui le font. C'est à eux que nous devons rendre des comptes, à la satisfaction de la vaste majorité. Le très faible nombre de plaintes montre clairement que nos membres sont très satisfaits des renseignements financiers qu'ils obtiennent de leur syndicat.

Le sénateur Massicotte : Doivent-ils en faire la demande? Est-ce que tous les membres reçoivent les renseignements automatiquement par courrier?

M. Georgetti : Tout dépend des statuts du syndicat. Bon nombre de syndicats envoient les renseignements à tous les membres de façon individuelle. D'autres attendent que les membres en fassent la demande. Comme je l'ai dit, les membres peuvent les obtenir en assistant à n'importe laquelle des réunions de leur section locale.

Le sénateur Massicotte : Donc, lors d'une réunion d'une section locale, les états financiers du trimestre en cours seront remis à chaque personne qui y assiste?

M. Georgetti : Ils sont présentés dans le cadre de la réunion, oui.

Le sénateur Massicotte : Ils n'ont pas à les demander. Hier, le représentant de la Air Line Pilots Association nous a dit qu'ils devaient les demander. Par exemple, dans un syndicat comptant 1 400 membres, si seulement 38 personnes obtiennent les rapports financiers, compte tenu de l'argument selon lequel c'est de la bonne gouvernance et qu'ils nous représentent, pourquoi hésite-t-on à rendre l'information publique?

M. Georgetti : Il est difficile de tenir des réunions de pilotes de ligne régulièrement. Quel est leur point de rencontre? Ce n'est pas évident.

Les sections locales, qui forment la vaste majorité de la structure, tiennent régulièrement des réunions durant lesquelles elles rendent toujours compte de toutes les activités du syndicat. Les renseignements sont accessibles.

Le sénateur Massicotte : Donne-t-on beaucoup de détails? Même les états financiers sont de nature très générale et ne nous apprennent pas grand-chose. Cet état financier contient-il beaucoup de renseignements?

M. Georgetti : Oui.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'ai une question qui s'adresse à qui pourra me répondre. Je voulais savoir, en comparaison à la loi américaine sur la transparence, si les dispositions sont les mêmes aux États-Unis concernant la divulgation d'information de portée financière sur les trust funds et leurs bénéficiaires, par exemple?

[Traduction]

M. Sanderson : Je peux tenter de répondre à votre question en premier. Au cours de vos séances, on a dit beaucoup de choses au sujet des programmes américains de divulgation d'information pour les syndicats.

Nous ne les avons pas étudiés en profondeur parce que nous ne croyons pas que nous sommes visés par le régime américain ou que nous sommes censés l'être. On ne peut donc pas faire de comparaison directe pour les institutions financières canadiennes.

Je crois que votre question porte sur les institutions financières et les fonds de placement, mais je ne sais pas si l'organisation de M. Hensel ou la mienne se penchent sur ce que seraient les exigences en vertu de la loi américaine. Je pense qu'il n'y en a pas, en fait, parce que nous ne sommes pas des organisations ouvrières.

M. Ginsberg : J'ai été président de l'American Prepaid Legal Services Institute, un organisme-cadre affilié à l'American Bar Association. Il s'agit d'un organisme-cadre pour tous les régimes collectifs de services juridiques aux États-Unis et quelques-uns au Canada.

À ce que je sache, aucun régime collectif de services juridiques américain n'a eu à faire quelque chose comme cela. Ils doivent évidemment respecter les lois régissant les fiducies dans le cadre de l'ERISA, mais pas pour ce type de divulgation.

M. Georgetti : Les dispositions législatives aux États-Unis s'appliquent aux organisations ouvrières dont les revenus annuels dépassent 250 000 $ et elles s'appliquent également à tous les groupes d'employeurs et à tout autre groupe aux États-Unis.

Le sénateur Moore : Je remercie les témoins de leur présence.

Monsieur Georgetti, vous avez parlé de Merit, et d'autres organismes qui ont comparu devant nous et qui appuient le projet de loi ont dit que puisque les travailleurs syndiqués déduisent des cotisations syndicales conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu, tous les renseignements personnels devraient être publiés sur le Web. Ils ne pensent pas que parce qu'ils obtiennent un avantage en vertu de la loi — en pouvant déduire leurs cotisations, et cetera — leurs renseignements personnels devraient être divulgués.

À titre d'information, que pensez-vous de la possibilité que dans un contexte de négociation, une seule partie puisse obtenir tous les renseignements et que l'autre partie ne puisse pas obtenir les renseignements personnels des gens de l'autre côté? Quelles seraient les répercussions sur le système de négociation et la libre entreprise, le système de commerce que nous avons au Canada?

M. Georgetti : Ce qui me vient d'abord à l'esprit, ce sont les ateliers ouverts, la FCEI, Infotravail et la Fédération canadienne des contribuables. Ce sont des organisations ouvertement antisyndicales. Si l'on examine leur système, chacune siège au conseil des autres. Il s'agit d'un groupe. Vous n'avez pas entendu le Conseil des chefs d'entreprise ou l'Association des manufacturiers canadiens soutenir le projet de loi parce que je crois qu'ils ne l'appuient probablement pas ou qu'ils veulent garder le silence parce qu'ils en connaissent les répercussions.

Représentez-vous la situation : vous êtes partie à une négociation collective, et l'autre partie connaît les détails de votre fonds de grève et des revenus sur lesquels vous pouvez compter pour passer au travers d'un éventuel arrêt de travail. Habituellement, un règlement survient quand l'une des parties annonce qu'elle perturbera le milieu de travail. Si vous n'avez pas les reins assez solides, vous perdez, il me semble, l'avantage de la négociation quand l'autre côté en sait probablement trop sur vos finances.

Jusqu'ici, ça marchait très bien. Cela a permis de mettre fin à beaucoup de disputes. La possession de ces renseignements, grâce aux modifications proposées, modifiera l'équilibre et le rapport de force dans les négociations collectives.

Le sénateur Tkachuk : Les renseignements financiers que vous communiquez à vos membres ne révèlent-ils pas la valeur de votre trésor, ce qui donnerait une indication de votre capacité de supporter une grève?

M. Georgetti : Absolument.

Le sénateur Tkachuk : Et vous les leur communiquez?

M. Georgetti : Absolument.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, j'aimerais m'entretenir quelques minutes avec le témoin, après la réunion, pour découvrir comment il prévient les fuites de cette information.

M. Georgetti : Nous y parvenons, sénateur.

Le sénateur Tkachuk : Je pense que cela intéresserait notre comité de la régie interne.

M. Georgetti : Il est certain que nous pouvons vous aider.

Le sénateur Tkachuk : Merci, monsieur Georgetti.

Le sénateur Moore : Monsieur Georgetti, je tiens à vous accorder une chance pour répondre à cela.

M. Georgetti : De temps à autre, cela arrive, et cela nous donne des sueurs froides. Nos membres peuvent faire ce qu'ils veulent avec cette information. Je pense qu'ils savent assez bien que s'ils la communiquent à l'employeur, cela les désavantage à la table de négociation. Nos membres sont très loyaux. Nous n'avons aussi qu'une seule cause : essayer d'obtenir le mieux pour nos mandants, et ils comprennent cela. Je pense que c'est l'explication. Bien sûr, de temps à autre, un membre laissera peut-être échapper de l'information sur nos finances à nos employeurs. Ça ne nous plaît pas, mais c'est leur droit.

La sénatrice Ringuette : Dans leur témoignage devant nous, il y a quelques semaines, les fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada ont clairement dit que l'agence ne considérait pas que le projet de loi soit fiscal. Pour elle, il visait la divulgation de renseignements. Ma question vous paraîtra peut-être un peu suspecte, mais comme vous avez dit, Merit Canada est un partisan enthousiaste du projet de loi. En décembre dernier, Merit Canada, qui existe depuis 2008, n'avait pas déclaré ses revenus pour 2010, 2011 et 2012. Quand cela a été révélé au comité de la Chambre, l'organisation a tout à coup produit ses déclarations. Voici ma question à chacun de vous : êtes-vous en règle en ce qui concerne la production de vos déclarations de revenus?

M. Sanderson : Comme mon titre comporte le mot « imposition » je peux absolument affirmer que, personnellement, professionnellement et au mieux de mes connaissances, tous nos membres sont absolument à jour. Les grosses institutions financières ne peuvent pas prendre le risque, pour leur réputation, de ne pas respecter le droit fiscal canadien ni celui des provinces et tout le reste.

M. Ginsberg : Je suis également en mesure d'affirmer que tous nos feuillets T3 ont été produits, que tous nos feuillets T4A ont été distribués et que nos membres ont payé leur dû fiscal.

M. Hensel : Je ne suis pas le dirigeant principal financier de l'institut, mais je peux dire, en toute confiance, que nous sommes à jour dans toutes nos déclarations, y compris celles qui concernent la TPS.

M. Georgetti : Toutes nos organisations ne produisent pas seulement leurs déclarations de revenus, mais elles font régulièrement faire des audits de leurs livres par des firmes canadiennes dignes de confiance et elles s'assurent que nos membres sont convaincus que les audits sont complets.

La sénatrice Ringuette : Merci. Cela confirme que, tous les quatre, vous respectez, en tant que Canadiens, les obligations fiscales de vos organisations.

Au cours de nos réunions, j'ai souvent posé cette question : Est-il possible d'amender le projet de loi de manière à répondre aux exigences de la Constitution, de la Charte et du respect de la vie privée? Jusqu'ici, toutes les réponses ont été négatives. Je pense, monsieur Hensel, que vous proposez un amendement mineur. Dans l'ensemble, que pouvons- nous faire à ce projet de loi pour qu'un Canadien compréhensif soit pour son adoption et la divulgation, au monde entier, de ses renseignements privés?

M. Hensel : D'après moi, l'une des craintes, comme l'a dit M. Sanderson, est que nos membres déclarent des renseignements financiers sur nos détenteurs de parts pour des motifs fiscaux, pour la confiance. Vous savez, tout leur travail de comptabilité, les renseignements sur les régimes d'épargne-retraite, tout cela est très confidentiel. C'est inaccessible dans l'Internet. C'est l'un des aspects à examiner. Est-ce que la divulgation publique complète doit être faite de cette manière? Si ces renseignements sont destinés à un examen particulier, je ne discuterai pas de mon opinion générale sur le projet de loi, mais si on cherche à divulguer des renseignements précis, la divulgation doit-elle être publique? Ne pourrait-elle pas être plus confidentielle? Ce serait beaucoup plus rassurant.

Nos membres continueraient d'être très préoccupés par la nécessité de contacter chacun de nos détenteurs de parts et d'obtenir cette information qui, à notre avis, n'a absolument rien à voir avec la décision d'investir, en premier lieu, ni avec leurs objectifs d'investissement. C'est une démarche un peu désagréable parce que ce renseignement n'est vraiment pas pertinent. Dans un premier temps, je me demande comment ils réagiront et combien diront qu'ils ne sont pas intéressés et quitteront le fonds.

M. Georgetti : Il faut s'interroger sur les motifs du projet de loi. M. Hiebert a témoigné deux fois que son projet de loi ne découle pas d'une plainte qu'il aurait reçue d'un syndiqué. Pourquoi ce projet de loi? Est-ce pour résoudre un problème ou non?

Si ses promoteurs disaient que le bénéficiaire d'un allégement ou d'une déduction fiscale fédérale devait faire ce genre de déclaration, il serait beaucoup plus difficile pour nous de prétendre que le projet de loi est discriminatoire. Cependant, son libellé actuel, comme j'ai dit, ferait voir même à un aveugle qu'il est biaisé et discriminatoire à l'égard d'un groupe dans la société canadienne, c'est-à-dire les syndicats.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Georgetti, vous semblez bien connaître le système américain. Vous avez fait allusion à ses exigences minimales et vous connaissez probablement le formulaire de déclaration LM2. Qu'exigent les États-Unis des gros syndicats et quelle conséquence cela-t-il eue sur votre pouvoir de négociation et vos relations avec les syndiqués?

M. Georgetti : Aux États-Unis, moins de 8 p. 100 des salariés sont syndiqués. Le taux diminue régulièrement. L'organisation syndicale est beaucoup plus difficile dans ce pays. Il est beaucoup plus difficile de conduire une négociation collective. Les syndicats ont beaucoup plus de difficultés avec les employeurs. Ils trouvent la loi dure et coûteuse. Elle les prive d'une partie de l'argent qui permettrait d'organiser de nouveaux syndicats et de financer des campagnes.

Le sénateur Massicotte : Tous ces problèmes proviennent-ils d'une plus grande transparence?

M. Georgetti : Son coût influe sur cela, effectivement.

Le sénateur Massicotte : Qu'en est-il de la transparence? J'ai un peu de difficulté à croire aux coûts, aux conséquences.

M. Georgetti : Je ne vois pas pourquoi, en ce qui concerne les coûts.

Le sénateur Massicotte : Qu'en est-il de la question de la transparence? Aux États-Unis, on divulgue plus de renseignements. Est-ce une conséquence du taux beaucoup plus faible de syndicalisation dans ce pays?

M. Georgetti : Non, absolument pas. Ce qu'on m'a dit, anecdotiquement, c'est que l'accès à l'information est minime, et très peu de gens s'en prévalent. Même les groupes de droite jugent que l'information reste inutile pour la plupart de leurs besoins.

Le sénateur Massicotte : Bref, la transparence accrue n'a pas eu de conséquences importantes, si ce n'est sur les coûts?

M. Georgetti : Elle n'a pas eu de conséquences importantes pour nous?

Le sénateur Massicotte : Oui.

M. Georgetti : Pas seulement sur les coûts, mais un effet considérable sur la négociation collective.

Le sénateur Massicotte : Cela a été le cas aux États-Unis?

M. Georgetti : Oui.

Le sénateur Massicotte : Si ça ne vous dérange pas, décrivez cela.

M. Georgetti : Quand nous nous présentons à la table de négociations, l'employeur connaît désormais notre situation financière et notre capacité de supporter un éventuel arrêt de travail. S'il veut nous forcer à faire la grève ou décréter un lockout, c'est un grand avantage pour lui de savoir que nous ne pouvons pas financer un conflit avec lui parce que notre trésor est presque à sec.

Le sénateur Massicotte : Parlez-vous d'un fonds de grève?

M. Georgetti : Absolument.

Le sénateur Massicotte : À part cela, y a-t-il d'autres conséquences?

M. Georgetti : Cela aurait une conséquence sur l'organisation, effectivement.

Le président : Je remercie le groupe de témoins. Vous avez été d'une grande aide pour nos délibérations. Au nom de tous les membres du comité, je vous suis reconnaissant d'être venus aujourd'hui.

Pour notre dernier groupe de témoins, nous sommes heureux d'accueillir, en personne, l'honorable Frank Corbett, député, ministre du Travail et de l'Enseignement postsecondaire de la Nouvelle-Écosse et, par vidéoconférence, M. Jeff Parr, sous-ministre des Services à la famille et du Travail du Manitoba. Nous sommes reconnaissants de votre participation. Monsieur Corbett, vous pouvez commencer.

L'honorable Frank Corbett, MAL, ministre du Travail et de l'Enseignement postsecondaire, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. La Nouvelle-Écosse chaude et ensoleillée vous salue, avant votre départ pour une fin de semaine pluvieuse.

Je suis très heureux de représenter la Nouvelle-Écosse. Je vais vous divulguer certains de mes partis pris. Faisant partie d'une famille de quinze et fier d'être le fils d'un mineur du charbon qui a été membre des Mineurs unis d'Amérique pendant plus de 47 ans, je suis habitué aux foules. Je tiens donc à m'attaquer au sujet de la réunion, mais, encore une fois, je vous suis reconnaissant de l'occasion que vous m'accordez de témoigner devant vous.

Je suis ici principalement en ma qualité de ministre du Travail et de l'Éducation postsecondaire de la Nouvelle- Écosse et pour exprimer notre opposition au projet de loi C-377. Je sais que vous avez entendu un certain nombre de syndicats, d'associations de juristes et divers spécialistes de partout au pays et qu'on se pose des questions sérieuses et qu'on se fait de graves soucis au sujet de ce projet de loi.

Tout d'abord, le projet de loi C-377 est une attaque discriminatoire contre le mouvement syndical. Il assujettit les syndicats à des obligations plus rigoureuses en matière de déclaration que la plupart des autres organisations. J'observe qu'il n'est pas aussi exigeant pour la National Citizens Coalition ni pour les organisations semblables. Il est autoritaire, il manque de pondération et il est probablement inconstitutionnel. C'est un affront à la contribution du syndicalisme aux politiques publiques positives du Canada, notamment le Régime de pensions du Canada, l'assurance-emploi, les allocations familiales, le programme de soins de santé universels et les congés de maternité. Nous craignons que ce projet de loi ne vise à affaiblir les voix progressistes.

Je pense que l'Association du Barreau canadien, sur la question de la constitutionnalité du projet de loi, s'est dite inquiète d'un empiètement éventuel sur les compétences des provinces en matière de réglementation des syndicats. Je partage ces craintes et celles d'autres organisations concernant la compétence des provinces en matière de relations de travail.

Je partage aussi les craintes de nombreux témoins qui m'ont précédé, sur les droits à la vie privée des syndiqués. La commissaire à la protection de la vie privée du Canada a souligné des motifs graves d'inquiétude pour la protection de la vie privée qui découlaient de ce projet de loi.

Le projet de loi n'aide en rien les syndiqués à contribuer à l'avancement économique de la société ni au bien public. Il ne répond pas aux véritables défis qui guettent les Canadiens comme le développement des compétences. Il vise uniquement à harceler les syndicats et à leur imposer une charge administrative inutile au profit de leurs ennemis.

Je suis député en Nouvelle-Écosse depuis 1998. Avant, j'ai fait partie du mouvement syndical, à la fois comme dirigeant syndical et comme stratège, pendant de nombreuses années. Je suis quotidiennement à l'écoute de mes mandants, et, jamais, personne n'est venu se plaindre à moi de la divulgation des états financiers des syndicats. J'ignore à quels problèmes le projet de loi est censé s'attaquer, mais je sais qu'il ne s'attaque pas à des problèmes importants pour les Néo-Écossais. S'il est adopté, il imposera une charge inutile aux syndicats de ma province et, je dirais aussi, des autres provinces.

Pour faire face à cette charge financière supplémentaire, les syndicats seront obligés de réduire les services fournis à leurs membres ou de majorer les cotisations, sans bonne raison apparente. En fait, en Nouvelle-Écosse, les syndiqués ont déjà droit, gratuitement, à une copie de tous les états financiers de leur syndicat. Une loi à nous leur assure ce droit. Je ne vois pas trop bien l'avantage que le projet de loi procurera à nos syndiqués ni à aucun autre Néo-Écossais.

Dans la province, le climat des relations de travail a été au beau fixe. Nous faisons la promotion de l'équité et de la productivité dans les relations de travail. En fait, nous avons restauré la stabilité qui permet de régler, sans arrêt de travail, 97 p. 100 des conventions collectives. Le gouvernement, l'entreprise privée et les syndicats collaborent énormément pour la négociation équitable et de bonne foi des conventions collectives et la prise en compte des préoccupations de la main-d'œuvre. Il existe un niveau de respect fondé sur l'esprit de partenariat et sur l'équilibre. À mon avis, ces principes ne sont pas seulement absents du projet de loi, mais, au contraire, c'est leurs antithèses qu'on y trouve.

Le projet de loi est susceptible de perturber les négociations collectives à un moment où nous avons besoin d'une coopération plus grande entre les gouvernements, le mouvement syndical et l'entreprise pour résoudre nos difficultés économiques. Nous devrions nous concentrer sur le problème des compétences que devront affronter les Canadiens et non sur une loi inutile qui ne ferait qu'entraver nos efforts et nuire à nos rapports avec les syndicats et les employeurs. Le projet de loi ne contribue pas à nos objectifs collectifs partagés de croissance économique pour notre grand pays. À la place, il détourne les énergies, les ressources et l'argent. À quelles fins? Je me le demande.

Actuellement, nous avons des questions plus importantes à notre programme. Nous devons donc nous associer à nos syndicats et à nos employeurs pour, collectivement, travailler à faire croître notre économie et notre nation. L'adoption du projet de loi C-377 n'aidera personne. Je vous recommande vivement de voter contre et de mettre fin à cette attaque inutile contre nos organisations syndicales.

Jeff Parr, sous-ministre des Services à la famille et du Travail, gouvernement du Manitoba : Pour commencer, permettez-moi de vous remercier de l'occasion que vous m'accordez de vous faire connaître nos inquiétudes au sujet du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières). Comme vous le savez, je suis le sous-ministre des Services à la famille et du Travail et, aujourd'hui, je parle au nom du gouvernement du Manitoba.

Ce projet de loi modifiera la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'exiger que les syndicats déposent auprès de l'ARC une déclaration de renseignements détaillée sur leur état de revenus et de dépenses, ainsi que sur les ressources qu'ils consacrent aux activités politiques, au lobbying, à la formation et à l'information, aux relations de travail, à leurs activités de fonctionnement, et cetera. Ces renseignements seront ensuite publiés par le ministre, notamment sur le site web du ministère.

Le gouvernement du Manitoba continue d'avoir de sérieuses réserves au sujet du projet de loi C-377. Notre première grande réserve concerne la sphère de compétence. Au Canada, les relations de travail et la réglementation des lieux de travail sont des questions qui relèvent des provinces et des territoires dans environ 92 p. 100 des cas. Il n'y a donc qu'un faible pourcentage des travailleurs canadiens, soit environ 8 p. 100, qui travaillent dans des organismes assujettis à la réglementation fédérale. Au Canada, chaque gouvernement établit ses propres priorités législatives et ses propres stratégies en matière de relations de travail et de réglementation. Chacun a donc sa façon bien à lui de réglementer le monde du travail.

On peut néanmoins déceler un courant dominant dans la réglementation. Cela est sans doute attribuable en partie au fait que l'Association canadienne des administrateurs de la législation ouvrière encourage l'échange d'information, la formation professionnelle et la collaboration depuis maintenant 75 ans. Cela est sans doute attribuable aussi au fait que les gouvernements accordent aujourd'hui une place importante à la consultation des syndicats et des employeurs au moment d'élaborer des lois, des politiques et des programmes qui touchent les relations de travail. Les employeurs et les syndicats jouent, en effet, un rôle important dans l'élaboration de la politique du travail au Canada.

Au Manitoba, nous déployons des efforts soutenus depuis plus d'une décennie pour maintenir un bon dialogue social avec nos partenaires syndicaux et patronaux. En collaborant au sein d'organismes de consultation comme le Comité d'étude des relations patronales-syndicales ou le Conseil consultatif sur la sécurité et l'hygiène du travail, nous avons réussi à obtenir un consensus sur plus de 20 projets de loi qui ont ensuite été adoptés à l'unanimité par notre assemblée législative, ce qui a contribué grandement à créer un climat de relations de travail stable dans la province.

Les activités syndicales au Canada et les syndicats eux-mêmes sont régis par les lois adoptées par les gouvernements concernés. Le gouvernement fédéral régit environ 8 p. 100 des travailleurs au pays par l'entremise du Code canadien du travail et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Pour ce qui est des 92 p. 100 restant, ce sont les lois provinciales qui s'appliquent dans leur cas.

La Loi sur les relations de travail au Manitoba vise à promouvoir des négociations collectives harmonieuses. Elle est administrée par la Commission du travail du Manitoba, un tribunal administratif indépendant et spécialisé dans les questions touchant les relations de travail. La Loi sur les relations de travail prévoit qu'un groupe d'employés peut demander à un syndicat de les représenter. Le syndicat doit alors prouver à la commission que la majorité des employés veulent être représentés par lui. Une fois accrédité par la Commission du travail, le syndicat peut entamer des négociations collectives au nom des employés pour conclure une convention collective avec l'employeur. Comme ailleurs au Canada, la Loi sur les relations de travail au Manitoba contient des dispositions qui protègent le droit des employés de se regrouper sans qu'il y ait ingérence de la part de l'employeur. Elle prévoit en outre des dispositions visant à s'assurer que le syndicat représente équitablement les intérêts des employés au sein de l'unité de négociation.

De plus, comme presque partout ailleurs au pays, la loi prévoit que les syndicats qui sont régis par la province doivent fournir gratuitement à tous leurs membres un exemplaire de leurs états financiers. Ces états financiers doivent comprendre une liste détaillée de leurs revenus et dépenses, afin que les membres puissent avoir un portrait précis de la situation financière et des activités de leur organisation. J'aimerais rappeler en outre que les syndicats sont des organisations de membres régies par des statuts, qu'ils ont des dirigeants élus et qu'ils tiennent des congrès de délégués. Les chefs syndicaux sont élus par les membres et peuvent être démis de leurs fonctions en tout temps. Les états financiers sont vérifiés et soumis aux membres élus de l'exécutif, aux sections locales et aux délégués des congrès. Je soumets donc respectueusement que les mécanismes pour réglementer la divulgation des renseignements financiers par les syndicats sont les lois provinciales sur les relations de travail, en non pas la Loi de l'impôt sur le revenu.

Nous avons tous des mécanismes en place pour consulter nos partenaires syndicaux et patronaux afin d'en arriver à un consensus sur les modifications qui doivent être apportées aux lois pour régler les problèmes qui surviennent. Nous avons tous des tribunaux administratifs spécialisés et très expérimentés qui administrent nos lois depuis des décennies. Il semble donc que le projet de loi C-377 empiète considérablement sur un champ de compétence provinciale en exigeant que les syndicats, dont la grande majorité sont régis par les gouvernements provinciaux, divulguent des renseignements financiers.

Notre deuxième grande réserve tient au fait que les syndicats soient les seuls concernés par cette mesure dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Je comprends que les crédits d'impôt consentis pour les cotisations syndicales et professionnelles équivalent à un montant d'environ 795 millions de dollars par année pour le gouvernement fédéral. Toutefois, le projet de loi C-377 ne cible que les syndicats. Il n'impose pas de nouvelles exigences aux associations professionnelles comme celles qui régissent les médecins, les avocats, les ingénieurs, et cetera. Il existe en outre des centaines d'organisations vouées à la défense des intérêts de l'industrie et des employeurs, qui font notamment du lobbying et de la représentation politique, et qui représentent parfois un groupe d'employeurs dans les négociations collectives. Le projet de loi C-377 ne les touche toutefois pas.

En ce qui a trait aux organismes de bienfaisance enregistrés, sur lesquels on s'est basé pour préparer diverses dispositions du projet de loi, si je comprends bien, ce sont des créatures de la Loi de l'impôt sur le revenu, et c'est l'ARC qui en assure la surveillance administrative. Les syndicats sont quant à eux des créatures des lois régissant les relations de travail adoptées par les provinces ou le gouvernement fédéral, et la surveillance est assurée non pas par l'ARC, mais bien par les commissions de relation de travail qui en sont responsables.

Si on s'inquiète vraiment de la transparence des organisations qui bénéficient de crédits d'impôt en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, il serait sans doute préférable pour régler le problème de discuter avec les secteurs ou les organisations touchés pour en arriver à des changements qui s'appliqueront à tous de la même façon. Comme il n'y a pas de véritable stratégie globale pour accroître la transparence dans le cadre de la Loi de l'impôt sur le revenu, il serait opportun de ne pas cibler uniquement les syndicats, d'autant plus que dans 92 p. 100 des cas, les travailleurs, les relations de travail et les règlements les régissant relèvent des provinces. Il existe déjà des lois dans chaque province et territoire et au fédéral qui régissent les relations de travail et les activités des syndicats.

Le sénateur Black : Je vous remercie tous les deux de vos exposés très bien préparés et très réfléchis. Monsieur le ministre, j'ai deux questions à vous poser, si je peux me permettre. Comme nous approchons de la fin de nos audiences, je vais me concentrer sur les points qui sont encore un peu nébuleux, du moins pour moi. Je suis presque convaincu que vous pourrez m'aider ici.

Nous avons reçu des témoins et parfois des groupes qui nous ont dit, en dépit de ce que vous venez de nous dire ce matin, monsieur le ministre, qu'ils ne peuvent obtenir l'information qu'ils désirent auprès de leurs syndicats, et qu'ils n'ont pas l'impression d'avoir leur mot à dire dans les causes sociales ou politiques qu'ils soutiennent et dans les dépenses qu'ils font. Que leur répondriez-vous?

M. Corbett : Je vous dirais qu'il y a des gens qui se plaignent aujourd'hui qu'ils n'obtiennent pas les réponses qu'ils souhaitent de notre gouvernement ou de votre gouvernement. Cela fait partie de la frustration, si on veut, des gens. Ils nous font savoir qu'ils ne sont pas d'accord avec notre façon de gouverner, mais ils paient leurs impôts et continuent leur route. Pour vous répondre, je vais remonter dans le temps à l'époque où je portais un autre chapeau. Il y a 15 ans, j'occupais un poste de dirigeant syndical et j'ai travaillé pendant un peu plus d'un an pour le CTC. J'ai travaillé pour l'ancien STNC et ensuite pour le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Quand on parle des états financiers, il faut voir la question de divers points de vue. Il y a tout d'abord ceux de la section locale. Il y a aussi ceux, probablement, de l'organisation nationale et peut-être aussi de l'organisation internationale. Je dirais que tous ces états financiers sont relativement faciles à obtenir, à moins qu'il y ait des querelles entre les entités. Je parle en connaissance de cause.

Le sénateur Black : Je comprends votre point de vue, mais ce n'est pas l'avis de tous. La question que je vous pose est celle-ci : que leur répondez-vous?

M. Corbett : C'est la même chose lorsque des gens viennent me voir parce qu'ils ont tel problème et qu'ils ne peuvent pas avoir accès à tel service public. Comme je suis leur représentant, ou membre du conseil exécutif, mon travail consiste notamment à leur demander de m'expliquer le problème et à les aider à trouver une solution. Ont-ils posé la bonne question? Leur a-t-on répondu que cela ne les regardait pas et de s'en aller? Ont-ils posé une question très large en souhaitant une réponse très précise? Je ne sais pas. Comme la question ne m'a pas été posée directement, il est difficile pour moi de répondre.

Le sénateur Black : Monsieur le président, j'ai une autre question, si je peux me permettre. C'est une question qui s'adresse aux deux témoins. J'aimerais que vous me disiez, en quelques mots, en quoi ce projet de loi nuira aux négociations collectives.

M. Corbett : Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, ce projet de loi empiète sur un domaine de compétence provinciale, en gros. Comme vous l'avez entendu de la bouche d'un témoin avant moi, il fait pencher la balance d'un côté. L'idée même de la négociation collective repose sur un équilibre des forces. Comme je l'ai mentionné, 97 p. 100 des conventions collectives qui sont conclues en Nouvelle-Écosse le sont sans interruption de travail. Je dirais que ce pourcentage est assez représentatif de la situation à l'échelle nationale. Nous avons un système qui fonctionne bien, et si on trouble l'équilibre, il ne fonctionnera plus aussi bien. C'est ce que ce projet de loi fera. Il troublera l'équilibre en place.

L'ancien sénateur Joe McCarthy, peu importe où il se trouve, doit se réjouir en voyant ce projet de loi. On voit les gens qui se cachent. On voit les communistes. Je ne crois vraiment pas que cela améliorera les négociations collectives, et je pense que cela perturbera l'équilibre en faisant pencher la balance d'un côté pour ce qui est des renseignements.

Le président : Monsieur Parr?

M. Parr : Je suis désolé; voulez-vous que je réponde moi aussi à la question?

Le sénateur Black : Je serai heureux de la répéter.

Le président : S'il vous plaît.

Le sénateur Black : Monsieur Parr, dans votre lettre du 4 avril, vous avez mentionné que ce projet de loi provoquera un déséquilibre et qu'il nuira sérieusement aux relations entre les employeurs et les syndicats. J'aimerais que vous me disiez en quelques mots pourquoi ce projet de loi nuira à leurs relations?

M. Parr : Très bien. Merci beaucoup. Premièrement, je dirais que c'est parce que les gouvernements provinciaux ont la compétence voulue pour régler les questions concernant les relations de travail. Elles le font depuis des décennies. C'est un domaine de compétence provinciale et non fédérale.

Deuxièmement, je vous ai dit que nous consultons nos partenaires syndicaux et patronaux pour en arriver à des consensus sur les changements à apporter aux lois avant de les soumettre aux parlementaires, une façon de procéder qui a produit d'excellents résultats. Comme je l'ai déjà mentionné, l'Assemblée législative a adopté à l'unanimité plus de 20 projets de loi sur les relations de travail. Ce n'est pas le fruit du hasard, mais bien parce que nous discutons avec nos partenaires, nous réglons ensemble les problèmes, puis nous soumettons le tout.

C'est ainsi que l'on procède pour régler les problèmes dans les relations de travail au Canada. Ce projet de loi ne respecte en rien cette façon de procéder. Il n'est pas l'aboutissement d'un dialogue sérieux entre employeurs et syndicats. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire. Je sais qu'il existe différentes façons de procéder pour faire adopter un projet de loi, mais celui-ci n'est pas issu des mécanismes que nous avons mis en place pour entretenir de bonnes relations. Comme le ministre l'a mentionné, cela aura pour effet de provoquer un déséquilibre. J'ai aussi mentionné que ce projet de loi a pour effet de cibler uniquement les syndicats, alors que d'autres organisations qui participent à des activités politiques — à des activités de lobbying — ne le sont pas.

La sénatrice Ringuette : Merci, messieurs, d'être avec nous. J'aimerais préciser, pour le compte rendu, que la Nouvelle-Écosse et le Manitoba ont soulevé les mêmes préoccupations que d'autres témoins, et aussi que nous avons reçu une lettre du Québec et de l'Ontario. Je crois savoir que le Nouveau-Brunswick prépare aussi quelque chose au sujet de ce projet de loi. Nous avons au moins cinq provinces qui nous font part de leurs préoccupations.

J'ai des questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez tous les deux. La première est la suivante : au sein de vos provinces respectives, avez-vous des lois sur la protection des renseignements personnels qui ressemblent à celles du fédéral?

M. Corbett : Oui, nous en avons. Je dirais qu'elles ne sont pas aussi strictes que les lois fédérales, mais nous en avons, oui.

M. Parr : Oui, le Manitoba a la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée. Je ne sais pas trop quelles différences il existe avec les lois fédérales, mais je présume qu'elle leur ressemble. Nous sommes tenus de bien protéger les renseignements personnels qu'on nous transmet.

La sénatrice Ringuette : La commissaire fédérale à la protection de la vie privée a témoigné devant le comité et je lui ai demandé si ce projet de loi répondait aux critères de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Elle a répondu que non. Est-ce que ce projet de loi répondrait aux critères des lois qui ont été adoptées dans vos provinces?

M. Corbett : Non. C'est un mauvais projet de loi. Un vieil ami de la famille disait toujours qu'on ne peut pas faire de la salade de poulet avec de la « bip » de poulet. Je vous laisse deviner le mot. Voilà ce qu'est ce projet de loi. Ce n'est pas autre chose. C'est une intrusion dans la vie privée des citoyens. C'est une intrusion. Il ne tient même pas compte des différentes étapes du processus de négociations collectives. Les sénateurs de la Nouvelle-Écosse comprendront assurément que pour les métiers, il y a deux niveaux de négociations. Il y a le Mainland Building Trades et le Cape Breton Building Trades. Il s'agit de groupes de métiers — tuyauteurs, plombiers, menuisiers, et cetera. C'est une façon tout à fait différente de fonctionner, et ils ont aussi des fonds de pension à multiples employeurs. Que fait-on dans ce cas? Ce projet de loi ne tient pas compte de ces éléments importants, et je suis certain qu'il y a aussi dans les autres provinces des conseils des métiers qui négocient pour un très grand nombre de travailleurs. Je pense que nous avons une bonne idée de la façon dont cela fonctionne.

On conclut une entente de base, puis il y a des ententes auxiliaires. Comment prend-on en considération tout cela? Ce n'est pas ce que fait ce projet de loi. Ce qui s'y trouve me choque, et ce qui ne s'y trouve pas me choque aussi.

La sénatrice Ringuette : Merci.

M. Parr : Je ne suis pas un spécialiste des lois sur la protection des renseignements personnels. Je poserais la question à la commissaire fédérale à la protection de la vie privée. Cela étant dit, je comprends que ce qui est prévu dans ce projet de loi, c'est qu'il faudra aussi divulguer les renseignements touchant les ententes conclues avec des tierces parties, et il nous est interdit de divulguer ces renseignements lorsque nous recevons des demandes d'information. De ce point de vue, le projet de loi entrerait aussi en conflit avec les lois sur la protection des renseignements personnels au Manitoba.

La sénatrice Ringuette : J'ai examiné le code du travail du Nouveau-Brunswick et les exigences qui s'y trouvent. Les exigences en matière de divulgation des renseignements tant aux membres qu'au ministre du Travail sont les mêmes pour les organisations des employés que pour celles des employeurs. Pourriez-vous nous confirmer s'il en va de même dans vos provinces, c'est-à-dire qu'il y a un équilibre entre les exigences de divulgation?

M. Corbett : En Nouvelle-Écosse, dans notre cas, en vertu de la Trade Union Act, le fardeau en matière de divulgation est plus lourd du côté des syndicats que des employeurs. Les employeurs doivent aussi divulguer des renseignements, mais pas autant que les syndicats.

M. Parr : Ce qu'on constate dans notre loi, et c'est probablement le cas pour nombre d'autres lois, c'est que les relations avec les membres sont beaucoup plus régies dans le cas d'un syndicat que dans celui d'une organisation multi- employeurs semblable.

Par exemple, il n'y a rien qui oblige les associations patronales à recevoir une attestation de la Commission du travail du Manitoba. Les employeurs peuvent se rassembler et négocier collectivement au nom d'un certain nombre d'employeurs, alors que le syndicat doit être accrédité selon des critères prédéterminés et doit démontrer qu'il a l'appui de la majorité. Comme je l'ai déjà mentionné, les syndicats doivent également divulguer leurs états financiers à leurs membres, alors que notre législation est muette sur les exigences qui s'appliquent aux organisations patronales.

Cela me ramène à mon argument de départ : nous réglementons déjà les relations de travail et les syndicats. Nous le faisons bien. Ce projet de loi nous met des bâtons dans les roues. C'est notre responsabilité.

Le sénateur Tkachuk : Avant de commencer, j'aimerais demander à la greffière si nous avons reçu d'autres mémoires ou demandes d'autres provinces qui voudraient comparaître devant vous sur cet enjeu.

Keli Hogan, greffière du comité : Nous n'avons pas reçu d'autres mémoires des provinces, outre ceux que nous avons fait parvenir aux membres du comité hier.

Le sénateur Tkachuk : De quelles provinces s'agit-il?

Mme Hogan : Je crois qu'il s'agit du Québec, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Tkachuk : Des deux ici présentes, plus deux autres.

Mme Hogan : Exactement, mais toutes les provinces et tous les territoires ont été invités à comparaître devant le comité.

Le sénateur Tkachuk : Merci. Je tenais à ce que ce soit bien clair.

J'ai quelques questions. Monsieur Corbett, je sais que vous êtes ici en votre qualité de ministre, mais vous êtes également ici en tant que membre d'un parti politique. Vous recevez des dons des syndicats, le NPD de votre province en reçoit, si je ne me trompe pas?

M. Corbett : Non, nous avons modifié la loi.

Le sénateur Tkachuk : Vous n'en recevez plus du tout?

M. Corbett : Non.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que leurs membres vous font des dons à titre personnel?

M. Corbett : Beaucoup de gens d'affaires font des dons à titre personnel. Un membre d'un syndicat peut faire un don. Il y a aussi des entreprises qui font des dons.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais vous poser une question qui revient de temps en temps pendant les audiences du comité. Si je me joins à un organisme à but non lucratif, disons les Chevaliers de Colomb, je dois acheter une carte de membre. Je ne reçois pas de déduction fiscale. Je crois que nous avons cette discussion parce que l'adhésion à des syndicats et à d'autres organisations, comme des sociétés de droit et des associations médicales, d'après ce que nous avons entendu, donne droit à des déductions fiscales ou à des crédits d'impôt. Quelle est la justification politique selon laquelle on peut recevoir une déduction d'impôt pour adhérer à un syndicat? Je ne comprends pas pourquoi un médecin ou un membre d'une association médicale obtiendrait une déduction pour cela. Pourquoi est-ce que je dois payer pour cela?

M. Corbett : Vous ne payez pas pour cela.

Le sénateur Tkachuk : Bien sûr. Je suis un contribuable. Je ne reçois pas de déduction pour me joindre à une association.

M. Corbett : Si vous étiez membre d'un syndicat, vous y auriez droit vous aussi.

Le sénateur Tkachuk : Tout à fait juste, mais la question ne se poserait plus. Vous pourriez alors vraiment être considéré comme une organisation privée. Mon argument, c'est que si vous ne receviez pas de déduction d'impôt, pourquoi nous soucierions-nous de ce que l'organisation fait à l'interne et de ses états financiers? Le but de cette loi semble être d'informer les contribuables canadiens, qui sont concernés parce que les membres ont droit à une déduction d'impôt. Je ne comprends pas pourquoi ils y ont droit. Je ne comprends pas pourquoi l'adhésion à une association donnerait droit à une déduction fiscale. Quel est l'impératif philosophique? Pourquoi cette règle existe-t- elle? Pourquoi les gouvernements font-ils une chose pareille?

M. Corbett : C'est vous qui écrivez le code fédéral, pas moi.

Le sénateur Tkachuk : Je le sais.

M. Corbett : La réalité est telle que l'adhésion à certaines organisations donne droit à ce crédit, n'est-ce pas? Il s'agit d'organisations professionnelles.

Le sénateur Tkachuk : Exactement.

M. Corbett : Croyez-vous qu'un plombier membre de son syndicat local n'est pas aussi professionnel, que son travail a moins de valeur, même s'il fait partie de cette organisation à des fins de négociations collectives? Je pense que tous les emplois...

Le sénateur Tkachuk : Je crois qu'il ne devrait y avoir de déduction fiscale pour l'adhésion à aucune de ces organisations.

M. Corbett : Nous devrions peut-être débattre de votre point de vue politique. Je pense que c'est justifié.

Le sénateur Tkachuk : Quelle en est la justification?

M. Corbett : La justification, c'est qu'il faut payer pour adhérer au groupe. Que ce soit l'ordre des médecins, une association d'électriciens ou la CPA, le groupe travaille pour l'ensemble des membres, ce qui leur donne droit à une déduction. Je suis en faveur de cela.

Si vous continuez ainsi, vous allez dire qu'il faut nous débarrasser de la formule Rand, est-ce le cœur de votre argumentaire?

Le sénateur Tkachuk : Le plombier, lui, n'y a pas droit. La plupart des plombiers ne font pas partie de syndicats. Ils se trouvent donc à payer pour les déductions accordées aux plombiers qui font partie de syndicats, n'est-ce pas? C'est une déduction fiscale.

M. Corbett : Non, je...

Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas drôle. C'est un fait. Je ne comprends pas pourquoi ces gens ont droit à des déductions d'impôt.

M. Corbett : Je regarde dans un télescope pour voir les étoiles, alors que vous regardez le ciel entre les rideaux et que vous ne voyez pas grand-chose. Je pense que c'est très important. Cette formule fonctionne. Je ne la trouve pas choquante du tout, et la plupart des Canadiens ne la trouvent pas choquante, ce n'est que la position du député qui a déposé ce projet de loi.

Le sénateur Tkachuk : Je vous demande votre opinion. Je n'ai pas voulu vous insulter, et vous n'avez pas à m'insulter. Je vous demande simplement votre opinion.

M. Corbett : Je vous l'ai donnée.

Le sénateur Tkachuk : J'ai le droit de m'exprimer.

M. Corbett : Absolument, et j'ai le droit d'être ici à titre de représentant élu de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Tkachuk : Tout à fait. Merci.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous les deux d'être ici avec nous aujourd'hui. Manifestement, nous sommes ici pour délibérer et pour essayer de comprendre l'essence de ce projet de loi et de ses conséquences. Je n'entrerai pas dans le débat sur le partage des compétences. Personne n'aime empiéter sur les compétences des autres. Je vais éviter cette question. Le nœud de la question dont nous discutons aujourd'hui, c'est l'exactitude de l'information transmise aux membres du syndicat, en particulier. Dans vos deux provinces, les lois sur le travail exigent le dépôt d'états financiers vérifiés.

M. Corbett : Oui.

Le sénateur Massicotte : Certaines personnes prétendent que ce n'est pas suffisant, que ce n'est pas adéquat puisque dans la plupart des associations, seules les personnes qui le demandent reçoivent copie de ces documents. Cette démarche peut cependant paraître difficile à certains, parce qu'une personne peut se sentir intimidée ou sentir de la résistance, mais d'autres personnes disent que non. L'autre commentaire que j'entends fréquemment... Je ne sais pas trop combien de documents vérifiés vous avez lus, mais j'en ai lu des milliers, et il se trouve qu'ils ne disent pas grand- chose. Ils sont très sommaires. Ils ne fournissent pas beaucoup de détails. Je suis sûr à 99,9 p. 100 que les membres du syndicat, et probablement même les sénateurs n'auraient aucune idée de ce que les états financiers vérifiés essaient de révéler de toute façon.

C'est le cœur de votre argumentaire : est-ce que ces documents sont adéquats? En quoi sont-ils adéquats quand on sait qu'il y a peu de gens qui les regardent et qu'il y en a peu qui les comprennent? Pourquoi sont-ils adéquats selon les lois de vos provinces?

M. Corbett : Sénateur, la loi n'empêche personne de les voir. Tous ceux qui veulent y jeter un coup d'œil ou les examiner en profondeur y ont accès. Il y a d'innombrables textes législatifs dans nos registres et les registres fédéraux qui touchent la vie quotidienne des gens, mais est-ce que le Canadien moyen cherche à comprendre tous les tenants et aboutissants de chaque loi? Quand une loi a un effet particulier sur une personne, elle peut toutefois creuser un peu pour la comprendre davantage.

J'ai participé à diverses réunions en tant que simple membre et dans le cadre de mes fonctions officielles. J'ai posé des questions sur les bilans et les états financiers vérifiés. J'ai également dû défendre les pratiques de dépense de divers syndicats.

C'est un peu comme si vous me demandiez pourquoi les gens se désintéressent du processus électoral. Tout dépend du désir de chacun de s'impliquer et de l'ampleur de ce que l'on est prêt à faire. Je ne crois pas qu'il y ait des malversations, des fonds cachés ou de la fraude. Je veux simplement poser des questions. Les différents syndicats tiennent leurs assemblées de différentes façons, mais dans la grande majorité des cas, les réunions sont ouvertes aux membres.

M. Parr : Je m'excuse, mais la question de la compétence est tout à fait pertinente ici. S'il y a lieu d'élargir la divulgation d'information aux membres du syndicat, c'est du ressort des provinces. Quelques provinces ont déjà pris des mesures en ce sens. Celles qui ne l'ont pas encore fait doivent le faire.

Ce projet de loi ne porte pas sur la diffusion d'information aux membres, mais sur la diffusion d'information au public. Tout comme il y a des gens qui aimeraient mieux connaître les activités financières des syndicats, je suis certain qu'il y a des gens qui aimeraient en savoir un peu plus sur les activités financières de la Fédération canadienne des contribuables, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et des chambres de commerce, mais ce projet de loi ne les vise pas. Il ne cible que les syndicats, alors qu'il y a déjà un régime en place pour les encadrer par les lois sur les relations de travail. Il y a des lois en vigueur. Lorsque nous modifions nos lois sur les relations de travail, nous menons des consultations, nous ne nous contentons pas de les imposer. C'est la différence.

C'est une structure législative différente, comme je l'ai dit. Les syndicats sont régis par la Loi sur les relations du travail. Nous avons des organismes compétents, des commissions du travail, qui font respecter les exigences.

Le sénateur Massicotte : J'essaie d'éviter la question du partage des compétences. Si nous voulons en débattre, nous ferons mieux de demander à la Cour suprême du Canada de trancher. La question de fond est celle de l'information. Selon la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et peut-être votre propre commission des valeurs mobilières provinciale, quand une organisation a un certain nombre d'actionnaires, elle est réputée publique et doit divulguer considérablement plus d'information que ce que doivent divulguer les syndicats. Elles doivent produire des états financiers vérifiés que tous les actionnaires doivent recevoir par la poste, et le plus souvent, ces organisations diffusent l'information sur leur site web.

Pourquoi ne pas aller aussi loin? De toute évidence, vous n'en sentez pas le besoin. Pourquoi cette vision limitée du relais d'information aux membres des syndicats?

M. Parr : Comme je l'ai dit, on ne peut pas éviter la question du partage des compétences, ici.

M. Corbett : Je suis d'accord avec le sous-ministre. Je ne débattrai pas du partage des compétences. Vous avez nommé les commissions des valeurs mobilières. Elles ont leur rôle à jouer et elles ont leurs règles, tout comme les commissions des relations de travail des diverses provinces. Ce sont elles qui régissent les relations de travail et non les accords financiers conclus avec un investisseur privé ou les règles applicables aux entreprises.

Les multiples responsabilités d'un syndicat sont très différentes de celles que je devrais assumer si je fondais Or Frank Corbett et que je me mettais à ouvrir des mines d'or et à faire de la prospection d'investisseurs. Mon objectif serait alors très circonscrit, il serait d'extraire du minerai du sol et de faire de l'argent, au point de faire faire de l'argent à mes actionnaires, idéalement.

Les objectifs de la Loi sur les syndicats et des commissions des relations de travail ont plusieurs facettes. Elles visent à ce que les conventions collectives soient signées en bonne et due forme. Elles définissent les règles de fonctionnement d'un syndicat de la signature de cartes de membre à l'accréditation. Les mécanismes régulateurs qui s'appliquent aux syndicats sont beaucoup plus nombreux que ceux qui ont été exposés jusqu'ici.

Le sénateur Massicotte : Je ne suis pas certain qu'il y ait plus de mécanismes régulateurs qui s'y appliquent, mais pour qu'ils s'appliquent avec prudence et jugement, il doit y avoir de la transparence. Il faut diffuser l'information adéquate, c'est là où le problème se pose. Vous pouvez toujours dire que ce n'est pas du ressort du gouvernement fédéral. Je serais porté à vous demander pourquoi, alors, vous ne prenez pas de mesures pour régler le problème, mais vous semblez manifestement croire qu'il n'y a pas de problème d'information ici.

M. Corbett : Oui, je suis d'accord avec vous.

[Français]

La sénatrice Bellemare : En fait, j'ai une question pour vous deux. C'est une réaction un peu dans la même veine des questions ou des commentaires formulés auparavant sur la question de la transparence.

De plus en plus, il y a des lois dans le monde qui poussent vers plus de transparence pour les associations syndicales et aussi des associations patronales. En France on en a adoptées. Même au Québec, en 2011, dans le cadre de l'industrie de la construction, des dispositions au Code du travail ont été adoptées à cet effet.

Par rapport à la déduction des cotisations syndicales, la possibilité que les syndiqués ont de déduire cela de leur impôt — c'est l'argument qu'on présente pour défendre le projet de loi C-377, le fait qu'on déduise les cotisations des impôts, est-ce que ce n'est pas là un argument pour une transparence dans l'utilisation des fonds des syndicats?

Comment réagissez-vous à cet argument? Je sais que vous divulguez l'information à vos membres mais pour avoir une divulgation plus large, cela ne veut pas dire d'avoir nécessairement la divulgation de toutes les informations comme dans le projet de loi C-377, mais sur le plan philosophique, si on peut dire, est-ce que ce n'est pas là un argument en faveur de la transparence publique? J'aimerais avoir vos réactions sur ce point.

[Traduction]

M. Corbett : Le sénateur Tkachuk et moi en avons déjà débattu, pour ainsi dire.

Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement aurait besoin de cette information pour le bien du public en 2013. Quelle est la différence entre un syndicat en 1965 et un syndicat en 2013? Comme je l'ai dit dans mon exposé, cela sent le mccarthyisme. C'est une question qui me semble surtout philosophique.

Je suis assez jeune, mais je me rappelle de l'histoire de Hal Banks, entre autres. Y a-t-il de mauvaises personnes dans le mouvement syndical? Je pense qu'il y a de mauvaises personnes dans tous les domaines de la vie.

Il y a de très bonnes lois qui régissent les syndicats et leurs façons de dépenser. Je serais porté à dire que la démocratie est plus saine dans la plupart des syndicats que dans les élections générales.

Le sénateur Massicotte nous interroge sur la participation. Dans toutes les provinces, les membres ont le droit de porter plainte s'ils croient que leur syndicat ne fait pas de son mieux pour les représenter. Les syndicats sont déjà régis selon des règles très strictes. Malgré tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que cela puisse nous renseigner sur la façon dont un syndicat est régi ou devrait fonctionner. Nous nous sommes toujours débrouillés sans cela.

Le président : Monsieur Parr, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Parr : Il est clair que le gouvernement du Manitoba favorise la transparence. Vous avez bien raison de dire que c'est l'orientation que prennent tous nos gouvernements. Le problème de ce projet de loi, c'est qu'il ne vise qu'un secteur en particulier. Il y a beaucoup d'avantages fiscaux qui profitent aux organisations qui participent à des activités politiques ou de lobbying : elles ne sont pas touchées par ce projet de loi.

Si l'on s'attend à ce que la transparence exigée des personnes ou des organismes qui reçoivent des avantages fiscaux soit plus élevée, alors il me semble évident qu'il faudrait en faire une stratégie générale plutôt que de cibler un secteur en particulier. C'est la solution que je recommanderais.

Pour ce qui est de la régie interne des syndicats, je vais répéter qu'elle relève des autorités compétentes.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie tous les deux, particulièrement le ministre Corbett. Je suis toujours heureux de voir l'un de mes concitoyens de la Nouvelle-Écosse ici.

Je crains qu'on doive parfois poser une question à la McCarthy : Est-ce que vous faites partie ou avez-vous déjà fait partie d'un syndicat?

M. Corbett : Oui, j'en fais toujours partie.

Le sénateur Mercer : Je dois moi aussi répondre oui à cette question. Je suis vraiment révolté qu'on cible ainsi les syndicats, dont les représentants font de l'excellent travail au nom des Canadiens. Même ceux qui ne font pas partie de syndicats profitent grandement du bon travail des membres des syndicats.

Ma prochaine question est la suivante : est-ce que l'un de vous a analysé les coûts qui découleront de cette mesure et que devront absorber les syndicats de votre province?

M. Corbett : En un mot : non. Contrairement à ce que certains pourraient être portés à croire, nous ne siégeons pas à toutes les tables de négociation des syndicats. Je faisais partie du public lorsque d'autres présentateurs se sont exprimés, qui en savent beaucoup plus que moi sur l'impact financier de ce projet de loi sur leurs organisations. Il est difficile pour moi de répondre à cette question, parce que je n'ai pas d'information directe.

M. Parr : De la même façon, je dois dire que nous n'avons pas analysé l'ampleur du fardeau fiscal ou des coûts que devront absorber les syndicats touchés par cette mesure.

Le sénateur Mercer : Si ce projet de loi est adopté, et j'espère qu'il ne le sera pas, j'aimerais que ce point figure à l'ordre du jour de l'Association canadienne des administrateurs de la législation ouvrière à sa prochaine réunion. Ce serait un sujet intéressant. J'aimerais bien être une mouche pour pouvoir écouter ce qui va se dire à cette réunion.

Le sénateur Moore : Monsieur Corbett et monsieur Parr, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Monsieur Corbett, vous êtes ministre du Travail. Un peu avant vous, nous avons entendu M. Georgetti nous dire que plus de quatre millions de Canadiens sont membres du Congrès du travail du Canada, mais que le congrès n'a reçu que quatre plaintes l'an dernier de membres qui voulaient avoir plus d'information financière de leurs syndicats. Avez-vous reçu des plaintes de ce type en Nouvelle-Écosse, monsieur?

M. Corbett : Je suis ministre du Travail depuis environ trois mois, donc je n'ai entendu parler d'aucune, mais je vais essayer de trouver la réponse pour vous.

Le sénateur Moore : Je me serais attendu à ce que vous sachiez ce qui se passe puisque vous faites partie du mouvement syndical de votre province depuis longtemps, mais c'est bon. Monsieur Parr, pouvez-vous nous parler de la situation au Manitoba?

M. Parr : Dans nos préparatifs en vue de la comparution d'aujourd'hui, nous avons échangé avec nos collègues de la Commission du travail du Manitoba. Nous n'avons pas reçu de plainte depuis un bon bout de temps, si je ne me trompe pas, en ce qui concerne la divulgation d'information des syndicats à leurs membres. Ce n'est pas une critique qui revient souvent.

La sénatrice Ringuette : J'aurais une question à soulever lorsque ce groupe aura terminé; je m'excuse.

Le sénateur Massicotte : J'ai obtenu réponse à ma question.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais m'adresser à vous en qualité d'ancien représentant syndical. Croyez-vous que quelqu'un qui n'est pas très heureux dans son syndicat et croit qu'il est mal représenté pour diverses raisons, s'il décide de changer de syndicat, est-ce que c'est possible pour lui sans qu'il y ait des répercussions?

[Traduction]

M. Corbett : Oui. Un groupe pourrait souhaiter changer de syndicat. Il pourrait très bien ne pas aimer le syndicat A parce qu'il ne s'y sent pas bien représenté. Il n'est pas rare que des groupes changent d'affiliation. Cela arrive de temps en temps.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais vous donner un exemple bien précis; lorsqu'une affiliation syndicale a adhéré à la période de maraudage et que la majorité a opté pour tel syndicat, il est sûr que, niveau du placement, ces gens-là auront priorité comparativement à l'autre petite partie qui a opté pour un autre syndicat. Est-ce que c'est le cas chez vous?

[Traduction]

M. Corbett : Lorsque les membres peuvent exercer des options au sein de leur syndicat, ceux qui d'emblée veulent s'en désaffilier et se débarrasser de leur syndicat peuvent le faire. La loi prévoit une période au cours de laquelle ils peuvent le faire. Pendant cette période, ils peuvent se joindre à un autre syndicat. Bien souvent, un groupe voudra quitter un syndicat A pour se joindre à un syndicat B ou à un syndicat C. Les règles varient d'une commission des relations de travail à l'autre, mais il peut y avoir un scrutin de ballotage, si l'on veut, pour choisir un syndicat. La majorité l'emporte.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je ne connais pas la loi du travail de la Nouvelle-Écosse, mais vous pouvez certainement m'éclairer. Est-ce que les syndicats font du placement auprès des entreprises lorsqu'il y a de grands travaux, par exemple, un pont? Est-ce que ce sont les syndicats qui distribuent les travailleurs auprès de l'entrepreneur qui a le contrat?

[Traduction]

M. Corbett : Vous parlez d'un groupe d'employés qui voudraient syndicaliser un milieu non syndiqué? Je regarde les sénateurs de la Nouvelle-Écosse, qui savent probablement quel exemple je vais vous donner, celui des Pneus Michelin.

Le président : Je vais vous demander de conclure.

M. Corbett : Il faut investir beaucoup pour mobiliser un groupe et envoyer une horde de travailleurs dans un milieu. Michelin a trois ou quatre usines en Nouvelle-Écosse. C'est une démarche qui coûte cher. Bien souvent, un syndicat va envoyer beaucoup de travailleurs dans une entreprise pour essayer de syndicaliser l'usine.

Le président : Je vais demander au ministre Corbett et à M. Parr de faire preuve d'indulgence à mon égard. La sénatrice Ringuette m'a signalé officiellement qu'elle voulait changer de sujet légèrement.

La sénatrice Ringuette : J'aimerais aborder une opinion émise publiquement hier par l'ancien juge Bastarache. J'ai demandé l'opinion de l'un de nos témoins, M. Bruce Ryder, qui a comparu devant le comité à titre de professeur de droit constitutionnel à Osgoode Hall. Il a fait parvenir son avis au comité, et je crois que tous les membres l'ont reçu.

Le président : Tous les membres du comité vont le recevoir. Nous allons voir à ce que ce soit fait. Personne ne l'a encore lu.

La sénatrice Ringuette : Merci.

Le président : Monsieur Corbett et monsieur Parr, au nom des membres du comité, j'aimerais vous exprimer notre gratitude pour votre présence ici aujourd'hui. Je vous remercie. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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