Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 37 - Témoignages du 11 juin 2013
OTTAWA, le mardi 11 juin 2013
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été saisi du projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations et des textes connexes, se réunit aujourd'hui, à 11 heures, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Ce matin, nous commençons l'étude du projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations et des textes connexes.
Aujourd'hui, nous accueillons l'honorable Ted Menzies, C.P., député, ministre d'État (Finances). Il est accompagné de représentants du ministère des Finances. Nous accueillons donc Ted Cook, chef principal, Législation, et Ed Short, chef principal, Revenu d'entreprises, de biens et impôt sur le revenu des particuliers. Par vidéoconférence, d'Edmonton, nous accueillons également Grant Nash, agent principal, Politique de l'impôt, Division de l'impôt des entreprises.
Pouvez-vous nous entendre, monsieur Nash?
Grant Nash, agent principal, Politique de l'impôt, Division de l'impôt des entreprises, ministère des Finances Canada : Oui, monsieur le président. Bonjour.
Le président : Très bien. Monsieur le ministre, vous avez la parole.
L'honorable Ted Menzies, C.P., député, ministre d'État (Finances) : Je vous remercie de votre accueil chaleureux. Je constate qu'il fait plus beau à Edmonton qu'à Ottawa, mais que puis-je dire? C'est comme cela en Alberta.
Je suis toujours heureux d'être assis entre deux Edward. Lors de ma dernière comparution, il y avait trois Edward l'un à côté de l'autre. Cela n'arrive pas souvent, mais nous ferons de notre mieux pour répondre à vos questions.
Monsieur le président, j'aimerais vous remercier et j'aimerais également remercier tous les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce d'entreprendre une étude sur le projet de loi C-48, un projet de loi technique à caractère fiscal. Je vais livrer un bref exposé afin de donner aux sénateurs assez de temps pour me poser des questions et pour poser autant de questions que possible à nos représentants du ministère des Finances au sujet du projet de loi.
La loi de 2012 apportant des modifications techniques concernant l'impôt et les taxes, ou le projet de loi technique à caractère fiscal, comme le titre l'évoque de façon moins subtile, est un texte législatif extrêmement technique. Il est tout de même très important pour les contribuables, car il entraîne des répercussions importantes pour les particuliers et les entreprises. En fait, le projet de loi C-48 vise à éliminer l'arriéré lié à diverses modifications à caractère fiscal qui paralysent de vastes secteurs du système fiscal canadien depuis plus d'une décennie. Je suis certain que les témoins qui comparaîtront vous communiqueront ces préoccupations que nous entendons depuis un certain temps.
C'est un arriéré qui, malheureusement, a augmenté et s'est aggravé avec le temps, car depuis 2001, on n'a pas réussi à faire adopter, pour diverses raisons, les projets de loi techniques à caractère fiscal nécessaires au cours des législatures consécutives. En effet, l'accumulation de mesures législatives techniques à caractère fiscal est devenue tellement importante que même la vérificatrice générale du Canada a été forcée de publier un rapport détaillé sur la situation et d'encourager fortement le Parlement à corriger cette situation. Je cite le rapport de la vérificatrice générale, publié en 2009 :
Par contre, les contribuables ne peuvent respecter leurs obligations que s'ils comprennent comment les règles de l'impôt s'appliquent à leur situation. [...] De plus, les doutes sur l'application correcte de la loi peuvent occasionner des délais et augmenter les coûts tant en ce qui touche l'administration fiscale que dans le contexte des vérifications fiscales.
Je tiens à rassurer tous les membres du comité et tous les Canadiens : notre gouvernement est parfaitement d'accord avec les impressions de la vérificatrice générale et il a immédiatement étudié le rapport. En effet, au cours des dernières années, notre gouvernement a préparé ce projet de loi ambitieux et s'est efforcé d'éliminer cet arriéré de 10 ans. De 2009 à 2011, nous l'avons élaboré par l'entremise d'un grand nombre de consultations publiques et ouvertes au sujet de ces amendements. Ce processus a permis aux Canadiens de donner leur avis à l'avance, afin de veiller à ce que nous puissions tenir compte de leurs questions et de leurs préoccupations dans la rédaction du projet de loi avant de le présenter officiellement.
Comme un représentant de la firme Ernst & Young l'a dit au Comité des finances de la Chambre des communes pendant l'étude du projet de loi C-48 :
[...] nous tenons à féliciter le ministère des Finances pour ses efforts incessants en vue de consulter de manière constructive les contribuables et les organisations professionnelles et commerciales qui s'intéressent à ces questions.
Lorsque cette consultation étendue et sans précédent a été terminée, les représentants du ministère ont tenu compte des réponses qu'ils avaient reçues et ont entamé l'étape suivante du processus extrêmement long qui a mené au projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui.
Étant donné que nous avons vu tous les partis politiques collaborer dans le cadre du projet de loi et l'appuyer à la Chambre des communes, je crois sincèrement que tous les parlementaires reconnaissent l'urgence de collaborer pour terminer rapidement cette étude, afin que nous puissions finalement éliminer cet arriéré. À cet égard, j'aimerais confier aux membres du comité ce que nous avons entendu de la part d'organismes indépendants et apolitiques sur la nécessité de faire progresser le projet de loi lors de leur comparution devant le Comité des finances de la Chambre des communes.
L'Institut Canadien des Comptables Agréés a dit :
Nous appuyons le projet de loi C-48. L'ICCA comprend l'importance, pour les contribuables, d'avoir une plus grande certitude et une compréhension plus claire du régime fédéral canadien de l'impôt sur le revenu... Le projet de loi C-48 accroît la clarté et la certitude et atténue les effets négatifs de l'incertitude mentionnée par la vérificatrice générale.
De plus, l'Association des comptables généraux accrédités du Canada a dit au comité :
[...] nous appuyons le dépôt du projet de loi et [...] nous vous encourageons à agir rapidement pour faire adopter cette loi importante. Le projet de loi porte sur une énorme quantité de mesures fiscales qui ont été proposées, mais qui n'ont pas encore été inscrites dans la loi. Son adoption permettra, selon nous, de rendre le système fiscal plus clair et de renforcer l'intégrité de nos lois.
Enfin, la Fondation canadienne de fiscalité, un organisme indépendant de recherche fiscale, a déclaré :
Le projet de loi C-48 [...] représente 10 ans de réparation et d'entretien pour actualiser la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d'accise. Son adoption est importante pour tous les Canadiens [...] Les retards dans l'adoption de lois fiscales placent les contribuables et leurs conseillers en terrain incertain.
Avec ce contexte à l'esprit, permettez-moi de vous fournir un aperçu rapide du projet de loi.
La partie 1 du projet de loi propose des modifications aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu régissant l'imposition des fiducies non-résidentes en vue de les simplifier. J'aimerais souligner que cette partie du projet de loi tient compte des nombreux commentaires recueillis pendant les consultations menées par notre gouvernement.
Les parties 2 et 3 visent à créer un régime canadien de fiscalité internationale plus équitable en apportant des modifications liées à l'imposition des sociétés multinationales canadiennes ayant des sociétés étrangères affiliées.
La partie 4, une partie extrêmement technique, vise simplement à veiller à ce que les règles fiscales soient harmonisées dans le droit civil et la common law.
La partie 5 vise à éliminer une série d'échappatoires fiscales, afin que tous les Canadiens paient leur juste part. Par exemple, nous prenons des mesures pour éliminer les échappatoires fiscales liées aux biens de location déterminés, faire obstacle aux générateurs de crédits pour impôt étranger, mettre en place un régime de déclaration des opérations d'évitement fiscal plus rigoureux, et cetera. Je suis sûr que tous les sénateurs et sénatrices conviendront que la lutte aux échappatoires fiscales est essentielle au maintien de l'intégrité du système fiscal et à la protection des Canadiens respectueux de la loi, afin qu'ils n'aient pas à payer pour ceux qui se livrent à des fraudes fiscales.
J'aimerais souligner qu'un grand nombre de gouvernements provinciaux examinent ce projet de loi pour les aider à orienter leurs efforts dans leur lutte contre les échappatoires fiscales. En effet, le budget 2013 de l'Ontario mentionne précisément le projet de loi C-48. Je vais lire un extrait de la page 266 du document budgétaire de l'Ontario :
[...] le gouvernement proposera des mesures législatives prévoyant de nouvelles règles sur la déclaration des opérations d'évitement fiscal abusives similaires à celles présentées par le gouvernement fédéral en novembre 2012 dans le cadre du projet de loi C-48. Ces mesures exigeraient que les contribuables déclarent les opérations d'évitement fiscal abusives visant à échapper au fisc ontarien.
Avant de continuer, j'aimerais souligner que la partie 5 met aussi en œuvre une modification mineure, mais très importante, liée à la Loi sur l'équité pour les travailleurs indépendants en octroyant un crédit d'impôt sur les cotisations d'assurance-emploi payées par les travailleurs indépendants.
La partie 6 met en œuvre des modifications techniques concernant la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée, notamment l'exemption de ces taxes pour la perception et la distribution de la redevance sur les supports vierges imposée en vertu de la Loi sur le droit d'auteur.
La partie 7 apporte des modifications techniques à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et à la Loi sur la taxe sur les produits et services des Premières Nations, afin de rendre les accords d'application plus souples.
Enfin, la partie 8 contient simplement des dispositions de coordination qui veillent à ce que les modifications techniques à caractère fiscal contenues dans le projet de loi C-48 n'entrent pas en conflit avec d'autres lois.
J'ai indiqué au début que j'allais tenter de faire un bref exposé, et je m'arrêterai donc ici. Les représentants du ministère et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions.
Toutefois, même si je conviens qu'il s'agit d'un long projet de loi, permettez-moi encore une fois de souligner pourquoi il est si important de l'adopter. Pour parler simplement, le projet de loi offre une certitude aux contribuables, il permet de se conformer plus facilement à la loi et il améliore l'équité fiscale pour tous les Canadiens.
J'aimerais terminer en reprenant un passage d'une lettre d'opinion écrite par Tim Wach, conseiller fiscal reconnu de la firme Gowling Lafleur Henderson :
La confiance des contribuables dans le régime s'effrite lorsque leurs obligations sont ambiguës.
[...] les parlementaires peuvent accroître le degré de certitude de nos lois fiscales en les adoptant rapidement, de façon non partisane et non politisée, afin d'appliquer les changements en suspens. Souhaitons qu'ils le fassent.
Merci, monsieur le président.
Le président : Merci de votre exposé, monsieur le ministre. J'aimerais commencer par deux questions.
D'après ce que vous avez dit, il s'agit manifestement d'un projet de loi très technique qui vise à régler des situations en suspens. Puis-je présumer, dans ce cas, que cela n'entraîne pas nécessairement le réexamen de la politique fiscale?
M. Menzies : Non. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il s'agit de clarifier des choses qui remontent à longtemps — avant que notre gouvernement soit au pouvoir —, c'est-à-dire à des choses qui n'ont jamais été codifiées dans la loi, et c'est donc ce que nous faisons. Comme je l'ai dit, aucun parti ou gouvernement n'est à blâmer. Il s'agit d'une accumulation à laquelle on aurait dû s'attaquer il y a longtemps.
Toutefois, cela ne change pas. Nous avons d'autres choses. Nous avons dû apporter certains changements au budget qui a été adopté à la Chambre des communes, en passant, hier : nous étions contents de voir cela. La partie 1 du projet de loi d'exécution du budget a été adoptée à la Chambre des communes hier après-midi. Il y a des changements, mais cela clarifie des choses qui ont été faites il y a quelque temps.
Le président : Vous avez mentionné dans votre exposé que vous régliez des choses qui remontent jusqu'à 2001. Le projet de loi a environ 955 pages, mais est-il efficace? A-t-il tout réglé, ou faut-il attendre le prochain projet de loi pour régler le reste? A-t-il réussi à tout régler ou seulement une partie?
M. Menzies : Il date d'avant que je sois élu à la Chambre des communes, et j'espère donc qu'il réglera tout. J'aimerais que l'un de nos représentants vous rassure, si c'est possible.
Ted Cook, chef principal, Législation, ministère des Finances : En ce qui concerne les modifications législatives en suspens, je vous renverrais au rapport de la vérificatrice générale de 2009. À l'époque, la division pour laquelle je travaillais au ministère des Finances avait été assujettie à une vérification et la vérificatrice générale a constaté qu'il y avait, selon les calculs, environ 400 modifications techniques en suspens et environ 250 lettres d'intention, en particulier, qui devaient être encodées dans la loi.
Je pense que les lettres d'intention en suspens sont probablement une bonne mesure, car elles représentent une mesure des engagements pris par le ministère des Finances envers les contribuables en vue de formuler une recommandation au ministre des Finances pour qu'une modification technique particulière soit apportée.
Comme je l'ai dit, la vérificatrice générale a trouvé environ 250 lettres d'intention en suspens. Avec ce document technique, en plus d'une ébauche plus courte publiée en décembre 2012 aux fins de consultation du public, nous devons tenir compte de 20 à 25 lettres d'intention parmi ces 250 lettres. Nous avons aussi certainement tenu compte, de manière substantielle, des lettres d'intention signalées par la vérificatrice générale qui étaient en suspens en 2009.
C'est un processus continu; il est évident que de nouvelles lettres d'intention sont envoyées chaque année. Nous espérons que nous n'arriverons jamais à ce point, mais il y aura certainement d'autres modifications techniques qui devront être apportées.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Cook.
Je vais d'abord donner la parole à la vice-présidente du comité.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Une chose me préoccupe grandement et je n'ai pas trouvé de réponse à mon questionnement dans les 900 pages du document.
On apprend que des citoyens canadiens, d'origine américaine, se voient dans l'obligation après des décennies de rendre des comptes aux autorités américaines sur le plan fiscal. Un Américain né au Canada qui retourne aux États- Unis se retrouve-t-il avec le même problème? Ce sujet n'est probablement pas traité dans le projet de loi. Toutefois, généralement il y a des mesures — et on le voit dans plusieurs articles — qui nous permettent de décider où le revenu a été gagné et où il est imposable.
Comment le gouvernement va-t-il traiter ce citoyen canadien qui se voit imposer des obligations absolument incroyables concernant le fisc américain?
[Traduction]
M. Menzies : Si je peux répondre en premier, nous débattions justement, hier, un projet de loi à la Chambre des communes qui visait les conventions ou les traités de double imposition conclus avec d'autres pays. Nous avons déjà conclu quelques traités de ce type — corrigez-moi si je me trompe, mais je crois qu'il y a au moins 60 différents traités de double imposition — pour veiller à ce que si vous payez des impôts dans un pays, vous ne payez pas les mêmes impôts dans un autre.
Vous faites référence aux DCBE; c'est l'acronyme utilisé. Le ministre Flaherty a collaboré avec ses homologues aux États-Unis. Les représentants du ministère peuvent me corriger si j'ai tort, mais c'est le droit des États-Unis. Les citoyens américains devraient savoir qu'ils doivent au moins déclarer ces impôts, même s'ils ne sont pas payables. Cela peut être un vrai défi.
Des électeurs m'ont dit qu'ils étaient renversés par la somme exigée sur leur facture fiscale. Ils soutiennent qu'ils n'étaient pas au courant.
En ce qui concerne la situation inverse, je ne sais pas. Je demanderais à l'un des représentants de vous répondre. Votre question portait surtout sur la situation inverse, mais je ne peux pas vous répondre.
La sénatrice Hervieux-Payette : Oui, comment traitons-nous la question ici au Canada?
M. Cook : Je peux faire quelques brefs commentaires généraux sur la façon dont le système fiscal canadien fonctionne comparativement au système fiscal américain.
En ce qui concerne votre question, à ma connaissance, il n'y a rien dans le projet de loi qui vise précisément le traitement fiscal des résidents canadiens ou des citoyens américains aux États-Unis.
Toutefois, en général, l'impôt du Canada, comme celui de la plupart des pays, est fondé sur la résidence. La résidence est le critère lié au lieu de séjour habituel, c'est-à-dire où vous vivez et où vous menez vos activités. Nous imposons le revenu mondial de ces gens. En ce qui concerne les personnes qui ne sont pas résidentes du Canada, nous imposons seulement leur revenu obtenu au Canada.
La question de la citoyenneté ne joue pas un rôle direct dans la façon dont le Canada fait valoir son droit d'imposition. Les États-Unis, par contre — et contrairement à presque tous les autres grands pays —, ont décidé de continuer à tenter d'exercer leur droit d'imposer le revenu de leurs citoyens. Cela a créé plusieurs problèmes épineux. En fait, une série de règlements dans la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis visent les différents problèmes soulevés lorsqu'un citoyen américain réside au Canada. La réponse courte ne se retrouve pas exactement dans le projet de loi; c'est seulement que les États-Unis ont des critères d'imposition différents des nôtres.
La sénatrice Hervieux-Payette : J'aurais été tentée d'ajouter un article dans le projet de loi pour négocier avec les États-Unis, car nos citoyens sont pénalisés, et si nous avions obtenu quelque chose en échange... je pense que cela n'aurait pas été une mauvaise chose.
Que faisons-nous? Y a-t-il un article qui vise Tim Hortons ou Starbucks ou toutes ces entreprises multinationales? Paient-elles toutes des impôts au Canada? Contrôlons-nous cela? Y a-t-il un article à cet égard, afin qu'on ne facture pas à un endroit et qu'on ne déclare pas des revenus dans un autre? Avons-nous réussi à corriger la situation qui s'est produite en Angleterre et peut-être dans d'autres pays?
M. Menzies : Je viens juste d'assister aux réunions annuelles de l'OCDE. L'OCDE se penche sur ce qu'on appelle « l'érosion de base » et le « déplacement des profits », ce qui revient exactement à ce dont vous parliez. Tous les pays de l'OCDE sont aux prises avec cela et sont très préoccupés. Toutefois, il s'agit de notre pays qui donne des crédits d'impôt. Ces crédits sont-ils réalistes ou permettent-ils seulement à une entreprise de déplacer ses profits? Tout le monde est très inquiet à ce sujet.
Les pays du G8 ont demandé à l'OCDE d'effectuer une analyse à cet égard, ce qu'elle fera plus tard cette année. Je crois que l'organisme fera un rapport au G8, car c'est certainement un problème, et les médias en ont parlé récemment.
Ce n'est donc pas seulement le Canada qui est préoccupé à cet égard; les autres pays le sont aussi.
La sénatrice Hervieux-Payette : Non, mais nous avons 900 pages. Je pensais que nous aurions réglé cette question avant les autres. Je suis d'accord que les autres pays doivent prendre leurs propres décisions, mais cela dépend de nous. Nous importons de la main-d'œuvre et nous exportons des profits. Cela me pose un problème.
M. Cook : Pour faire suite aux commentaires du ministre, à un niveau général, vous parliez des prix de transfert et de la répartition des profits entre différents pays. C'est l'un des éléments qui entrent en jeu lorsque des contribuables cherchent à tirer profit des avantages en utilisant le système fiscal de manière créative.
En ce qui concerne le contenu du projet de loi, il contient plusieurs mesures d'intégrité conçues pour protéger l'assiette fiscale du Canada et, dans certains cas, pour s'attaquer directement à la planification fiscale internationale.
Pour vous donner un exemple, la mise en œuvre d'une mesure qui a d'abord été annoncée dans le budget de 2010 visait ce que nous appelons les « générateurs de crédits d'impôt étrangers ». Il s'agit d'une planification fiscale qui a été utilisée par des contribuables canadiens, surtout des institutions financières, pour tenter d'établir une série d'arrangements dans un autre pays pour créer artificiellement un revenu et une imposition dans le pays étranger, ce qui engendrait des crédits d'impôt étrangers au Canada. Dans un sens, c'est le même genre de problème, car on essaie de tirer profit des différences entre le système fiscal canadien et les générateurs de crédits fiscaux étrangers que nous avons vus, c'est-à-dire le système fiscal des États-Unis.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez mentionné dans les parties 2 et 3, monsieur le ministre, que nous souhaitions mettre sur pied un système fiscal équitable envers les multinationales et leurs actifs étrangers et la façon dont ils sont traités. Est-ce qu'on vise à confirmer des lois fiscales en vigueur que les multinationales n'auraient pas comprises ou s'agit-il d'un nouvel impôt?
M. Menzies : D'après ce que je comprends, ces mesures fiscales existent déjà; nous ne les modifions pas. Les modifications concernant les sociétés étrangères affiliées, qui sont dans la partie 3, visent à rendre ces mesures plus rigoureuses. Je laisse aux représentants le soin de vous donner plus de détails. Toutefois, nous avons pris plusieurs mesures dans le budget de 2013. Nous avons présenté 75 améliorations différentes pour éliminer les échappatoires fiscales, dont certaines sont au Canada.
Le sénateur Tkachuk : Elles n'évitaient pas de payer des impôts.
M. Menzies : On appelle cela de la « planification fiscale progressive ».
Le sénateur Tkachuk : Nos lois ne sont pas assez claires. À mon avis, si le gouvernement ne le demande pas, vous ne devriez pas avoir à le payer. Vous pourriez peut-être m'aider avec ceci, monsieur Menzies, mais il me semble que ce sont de nouvelles mesures fiscales.
M. Cook : Je caractériserais les modifications dans les parties 2 et 3 comme étant plutôt une réponse technique à la planification fiscale qui a été entreprise par des contribuables dans le contexte des sociétés étrangères affiliées. Notre système de sociétés étrangères affiliées cherche à gérer l'imposition du revenu des résidents du Canada — dans ce cas-ci plus particulièrement des sociétés résidentes au Canada — qui génèrent un revenu par l'entremise de filiales étrangères.
Comme je l'ai mentionné, nous imposons le revenu mondial de nos résidents, et nous imposons le revenu généré au Canada des non-résidents. Cela incite les contribuables canadiens, notamment les entreprises, à créer des sociétés étrangères qui ne sont pas résidentes du Canada afin de générer un revenu à l'étranger.
Notre régime est particulier, car lorsqu'un revenu généré par ces filiales étrangères est rapatrié au Canada sous forme de dividendes, ces dividendes sont ce que nous appelons un « surplus imposable » et ils sont ajoutés au revenu imposable, ou ils peuvent être payés en tant que surplus exonérés de la filiale étrangère et ne pas être assujettis à l'impôt du Canada. Les surplus exonérés sont créés lorsque la filiale étrangère exerce des activités réelles et commerciales dans un pays étranger, et génère un revenu d'entreprise; nous aurons conclu un traité d'impôt, ou un AERF, avec le pays étranger en question.
Nous avons constaté que des entreprises se livraient à une planification fiscale en vue d'éviter de payer l'impôt applicable aux dividendes qui reviennent au Canada. Par exemple, au lieu de payer un dividende, la filiale étrangère pourrait simplement prêter l'argent. Si la filiale avait payé un dividende, celui-ci aurait été imposé.
Le sénateur Tkachuk : Ces entreprises ne contrevenaient pas à la loi, n'est-ce pas?
M. Cook : Non, elles ne contrevenaient à aucune loi.
Le sénateur Tkachuk : Il s'agit d'une façon d'imposer le revenu d'une personne qui avait trouvé une façon légale, et non illégale, d'éviter de payer de l'impôt.
Le sénateur Massicotte : C'est le marché.
M. Cook : De plusieurs façons, c'est la différence entre la fraude fiscale et l'évitement fiscal. C'est de la planification fiscale. Lorsque cela reste conforme à la politique, nous réagirons à la planification fiscale pour veiller à obtenir ce qui, à notre avis, est un résultat de politique approprié.
Le sénateur Tkachuk : Je m'inquiète toujours lorsque les responsables de l'impôt parlent d'équité fiscale et d'échappatoires fiscales. Tout ce que je comprends, c'est qu'on paiera plus d'impôt.
M. Menzies : Puis-je faire un commentaire? C'est seulement offert aux grandes entreprises multinationales.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends cela.
M. Menzies : Je pense plutôt aux particuliers qui reçoivent un chèque de paie de leur employeur deux fois par mois. L'impôt est déduit, et ils n'ont aucun moyen efficace d'éviter de payer de l'impôt. Ce sont eux qui me préoccupent davantage, sénateur.
Le sénateur Tkachuk : Ils font appel à des comptables ou ils essaient de profiter de tous les crédits d'impôt ou de toutes les déductions fiscales. Nous devrions aider les particuliers pour veiller à ce qu'ils ne paient pas trop d'impôt et qu'ils profitent de chaque occasion offerte par la loi.
Je ne dis pas que nous avons des lois différentes, je dis seulement que tout le monde devrait être traité sur le même pied.
Vous avez parlé d'échappatoires fiscales. Cela signifie-t-il seulement que les gens évitent légalement de payer de l'impôt? Ils ne contreviennent à aucune loi. Ils évitent de payer un impôt qui n'est pas exigé par le gouvernement. Il ne faut pas les blâmer. Le blâme nous revient, n'est-ce pas? Je ne les blâme pas. Ils jouent selon les règles. Il ne s'agit pas d'une échappatoire fiscale. C'est tout simplement qu'on n'a pas demandé l'argent en question.
M. Menzies : Au cours de certaines des discussions que nous avons eues au ministère des Finances, cela ressemblait certainement à des échappatoires fiscales si on évaluait leur ampleur. Tous les gouvernements successifs ont tenté de rendre l'impôt aussi équitable que possible.
Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord avec vous.
M. Menzies : Cela devrait être la priorité — et je pense que c'est le cas — de tous les gouvernements qui ont géré notre pays. Toutefois, il y a des comptables très intelligents. Je n'essaie pas de discréditer les comptables. C'est leur travail. Toutefois, ils ont trouvé des façons de permettre à certains clients d'adopter une approche agressive à l'égard du système fiscal.
Le sénateur Tkachuk : Je fais partie du Comité des banques de façon intermittente depuis 2006 et les deux gouvernements ont tenu compte de ces lettres d'intention de temps en temps lors de l'adoption d'une modification ou d'une mesure législative particulière. Ces lettres servaient à éclaircir des points qui portaient à confusion pour nous permettre de nous occuper du budget. Évidemment, on nous envoie ces lettres d'intention.
Le président : Sénateur Tkachuk, veuillez poser votre question.
Le sénateur Tkachuk : J'ai besoin d'un peu de contexte. Existe-t-il une façon de prendre un règlement qui obligerait le ministère des Finances, lorsqu'une lettre d'intention est envoyée, à l'inclure dans la Loi de l'impôt sur le revenu pendant l'année budgétaire suivante à des fins d'éclaircissement, afin que nous ne soyons plus confrontés à cette situation? Les lettres d'intention mènent tout simplement à la confusion.
M. Menzies : Si je peux faire un bref commentaire, vous avez utilisé le pronom « nous ». Je n'ai jamais reçu de lettre d'intention, et je ne sais donc pas exactement à quoi cela ressemble.
Le sénateur Tkachuk : Nous en avons reçu. Peut-être que je suis ici depuis plus longtemps.
M. Menzies : C'est peut-être le cas. Je n'ai jamais demandé une telle lettre non plus.
Le sénateur Tkachuk : Je sais que nous en avons tous reçu.
M. Menzies : Nous planifions certainement nous tenir à jour. C'est de l'incertitude pour ces personnes.
S'il y a un changement de gouvernement, est-ce que ma lettre d'intention est toujours valide? C'est une préoccupation des contribuables. Certainement, nous allons tenter de tenir cela à jour. Mais je ne sais pas si nous pouvons l'inclure dans la prochaine Loi d'exécution du budget.
La sénatrice Ringuette : Pourriez-vous clarifier, s'il vous plaît, la question des fiducies non-résidentes visées par le projet de loi? Comment cela fonctionnera-t-il, sur le plan pratique?
M. Menzies : Je vais demander à un représentant du ministère de vous l'expliquer.
M. Cook : Cela dépend en partie de ce que vous entendez par comment cela fonctionnera-t-il sur le plan pratique, car étant donné qu'il s'agit d'une ébauche de mesure législative qui a été publiée par le ministère des Finances, nous encourageons l'ARC et les contribuables à se conformer aux dispositions contenues dans cette ébauche. Son adoption est donc manifestement très importante, mais la plupart des éléments du projet de loi ont déjà été intégrés au système fiscal.
En ce qui a trait à la mesure concernant les fiducies non-résidentes, c'est la raison pour laquelle nous avons invité M. Nash, d'Edmonton. Je pourrais lui donner la parole.
En réponse à cela, les mesures concernant les fiducies non-résidentes contenues dans le projet de loi étaient dans le projet de loi C-10, dont le comité a été saisi en 2007-2008. À l'époque, les membres du comité avaient exprimé plusieurs préoccupations en lien avec cette version d'un règlement visant les fiducies non-résidentes. En réponse aux préoccupations soulevées à l'époque par votre comité, je crois, on a mis beaucoup plus d'effort dans ces mesures.
La sénatrice Ringuette : Vous nous écoutez.
M. Cook : Absolument. Les préoccupations soulevées à l'égard de la partie 1 du projet de loi C-10 ont été en grande partie réglées dans ce projet de loi. Elles ont été publiées à nouveau pour consultations dans le budget 2010. On a aussi proposé un processus de consultation distinct. Nous avons invité un groupe de juristes-experts et nous leur avons demandé d'examiner la mesure législative. Une ébauche a ensuite été publiée en août 2010. On l'a modifié de façon substantielle depuis ce temps-là.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
La sénatrice Ringuette : M. Nash aimerait peut-être ajouter quelque chose.
M. Nash : Mesdames et messieurs les sénateurs, aimeriez-vous comprendre un peu mieux les circonstances dans lesquelles ce règlement s'applique à une fiducie non-résidente?
La sénatrice Ringuette : Oui. Je crois que cela pourrait nous être utile si vous pouviez nous donner quelques exemples.
M. Nash : Il y a actuellement un régime législatif dans la Loi de l'impôt sur le revenu qui vise l'utilisation, par les Canadiens, des fiducies non-résidentes dans les circonstances où il y a un risque qu'on évite de payer l'impôt sur le revenu de l'année en cours. Ces règlements ont été assujettis à certains types de planification fiscale dont le comité a entendu parler aujourd'hui, c'est-à-dire que les gens affirment qu'ils tentaient de respecter le règlement, alors qu'ils en étiraient peut-être le sens, ce qui a des répercussions sur l'efficacité du régime en vigueur.
Ces propositions tentent d'améliorer le régime actuel, en se concentrant sur la question de savoir si l'argent qui a été investi dans la fiducie l'a été par un résident canadien. Dans ces circonstances, ces règlements peuvent s'appliquer.
La mesure de l'impact des règlements dans ces circonstances dépendra des modalités de la fiducie. Les résultats diffèrent, selon qu'il s'agit d'une fiducie commerciale ou non.
La sénatrice Ringuette : L'ARC aura beaucoup de travail à faire pour superviser toutes ces choses et pour veiller à ce qu'elles soient mises en vigueur et respectées.
Il y a quelques mois, pendant mes recherches sur un autre projet de loi, j'ai fait une chose incroyable : j'ai lu les ententes fiscales entre le Canada et les provinces. Ce qui m'est apparu comme une révélation, c'est que les changements concernant l'impôt sur le revenu que nous apportons ici et qui ont des conséquences sur les provinces exigent aussi, comme vous l'avez dit plus tôt, monsieur le ministre, que les provinces mettent en œuvre la mesure législative en question, afin qu'on utilise les mêmes normes ou les mêmes définitions lorsqu'il est question d'impôt. C'est un projet de loi assez substantiel. Il vise des questions liées à la TPS, à l'impôt sur le revenu des sociétés et aux fiducies.
Les provinces appuient-elles les modifications? Sauf erreur, d'après ce que j'ai lu, les provinces n'ont pas vraiment un délai précis pour adopter des mesures législatives semblables.
Premièrement, les provinces appuient-elles le contenu du projet de loi? Deuxièmement, y a-t-il une limite de temps de sorte que tout est mis en œuvre pour que les mêmes règles soient appliquées partout?
M. Menzies : C'est une bonne question. En raison de ce qu'a dit l'Ontario, je suis au courant de cela, mais M. Cook peut en dire davantage à ce sujet.
La sénatrice Ringuette : Je me suis souvenue d'avoir lu cette entente entre les provinces.
M. Cook : Nous avons une autre collaboratrice. Il s'agit de notre directrice des services intergouvernementaux. Vouliez-vous intervenir?
Kei Moray, directrice, Politique fiscale intergouvernementale, évaluation et recherche, ministères des Finances Canada : Parlez-vous de l'accord de perception fiscale?
La sénatrice Ringuette : Oui.
Mme Moray : Les provinces qui ont signé un accord de perception fiscale — et il s'agit de toutes les provinces et de tous les territoires, sauf le Québec, et l'Alberta pour l'impôt sur les sociétés — doivent imposer la même assiette fiscale que le gouvernement fédéral. Lorsque nous apportons des changements à notre assiette fiscale, ils sont obligés de modifier leurs dispositions législatives. Le gouvernement fédéral les informe des modifications qu'ils doivent faire, et ils les apportent.
La sénatrice Ringuette : C'est ce que j'ai compris. Toutefois, on précise que si les provinces n'approuvent pas les modifications, elles peuvent renvoyer la décision fiscale à leur cour supérieure. Dans le cas du document dont nous sommes saisis — qui contient quelque 900 pages —, serait-il possible que certaines provinces aient déjà indiqué qu'elles n'acceptent pas les modifications et qu'elles renverront la décision à leur cour supérieure?
Mme Moray : Aucune province et aucun territoire n'ont fait de commentaire négatif au sujet du projet de loi. En cas de conflit, les accords de perception fiscale contiennent une disposition pour les différends qui doivent se régler devant les tribunaux. Toutefois, on n'a jamais eu recours à ce mécanisme de règlement des différends.
Le sénateur Oliver : Ma question s'adresse au ministre Menzies.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence. Vos exposés sont toujours clairs et vous nous aidez toujours beaucoup.
J'aimerais revenir sur certaines questions relatives au processus que le président a soulevées au début de la séance. Dans votre exposé, vous avez mentionné que la VG a dit ceci : « nous voudrions que le Parlement règle le problème ». Vous avez parlé du retard accumulé depuis 2001, et vous avez dit que c'est très grave, que tous les problèmes actuels ne sont probablement même pas couverts dans ce projet de loi volumineux et que ce n'est pas terminé.
Au Sénat, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas présenter un projet de loi comme celui-là, et je me demande donc ce que cela signifie lorsque des organismes, des groupes et des gens disent qu'ils aimeraient que le Parlement règle le problème du retard. Si nous ne pouvons pas déposer de projet de loi, quelle mesure faut-il prendre?
Vous avez également dit plus tard que vous aviez consulté un certain nombre de parties intéressées et que vous leur aviez demandé leur point de vue avant de déposer le projet de loi au Parlement. Voici mon autre question : pourquoi les parlementaires ne peuvent-ils pas être inclus comme parties intéressées, recevoir des conseils et être informés beaucoup plus tôt? Lorsqu'on reçoit un projet de loi aussi volumineux que celui-ci à la dernière minute et qu'il faut l'adopter à toute vitesse, cela rend le travail plus difficile. Je me demande si faire participer des parlementaires à l'avance, comme on le fait pour les firmes de comptables agréés et d'autres parties intéressées, pourrait être l'une des façons de régler le problème lié au processus.
Enfin, pour ce qui est des FPI, j'ai remarqué que cela a été fait parce que la partie 5 des modifications techniques inclut de nombreuses propositions relativement aux FPI. Ces modifications découlent de discussions et de consultations approfondies et constructives qui ont eu lieu entre le gouvernement et le secteur des FPI, de même que des fiscalistes et d'autres Canadiens, mais pas de parlementaires.
Peut-être qu'une partie des bons résultats que vous avez obtenus pour les FPI auraient pu être améliorés dans d'autres parties si les parlementaires avaient participé plus tôt dans le processus.
M. Menzies : Sénateur, nous n'avons pas voulu vous manquer de respect, je vous prie de me croire. Je m'en remets à mes collaborateurs, qui vous donneront une idée concernant les gens que nous avons consultés. Pour revenir à ce que disait Mme Moray, à moins que je me trompe, nos fonctionnaires consultent leurs homologues provinciaux régulièrement. Ils le font pour d'autres questions, alors je suppose qu'il en est de même lorsqu'il s'agit des questions fiscales.
Les mesures législatives vous indiquent que nous voulons consulter beaucoup de gens. Je m'en remets à mes collaborateurs, qui vous donneront une meilleure description du processus de consultation.
M. Cook : En ce qui concerne le projet de loi, les consultations qui ont eu lieu étaient différentes, selon chaque mesure prise. Comme je l'ai dit au sujet des fiducies non-résidentes et des entités de placement étrangères, il y a eu en quelque sorte un vaste processus de consultation pour la grande majorité des mesures. On les a souvent publiées aux fins de commentaires.
Vous avez parlé des FPI. Elles ont fait l'objet d'autres consultations.
En ce qui concerne le projet de loi, en fait, les fonctionnaires du ministère des Finances ont fourni un certain nombre de mémoires à l'extérieur du cadre habituel des comparutions devant le comité. Je suppose donc que nous avons fait preuve d'ouverture dans le cadre du projet de loi et, compte tenu de son volume et de sa portée, nous avons fait de notre mieux pour fournir des mémoires aux parlementaires et à d'autres fonctionnaires, au besoin.
Le sénateur Oliver : Le vérificateur général dit qu'il aimerait que le Parlement règle le problème. Comment interprétez-vous ses propos? Il s'agit vraiment de l'exécutif plutôt que du Parlement.
M. Cook : Dans le cadre de son rapport de 2009, la vérificatrice générale a fait deux recommandations. L'une consiste à établir une base de données pour mieux assurer le suivi des modifications techniques non encore apportées, de leur attribuer un ordre de priorité et de les apporter. La vérificatrice générale a reconnu qu'au bout du compte, la décision d'adopter des mesures législatives, de ne pas le faire, ou même de présenter des mesures législatives dépasse le domaine de compétence des fonctionnaires. La vérificatrice générale a recommandé que de plus petits ensembles d'avant-projets de loi soient publiés à intervalles réguliers à des fins de consultation.
Le ministère des Finances a vraiment suivi cette voie. En fait, nous avons publié un ensemble de projets de modifications techniques en novembre 2010. Nous en avons publié un en novembre 2011. Les deux ensembles sont contenus dans le projet de loi. Nous en avons publié un autre le 21 décembre 2012, et nous continuons de travailler à la publication de projets de modifications techniques.
Au bout du compte, il ne nous appartient pas d'adopter les mesures, mais le ministère a vraiment pris en considération les recommandations de la vérificatrice générale et y donne suite depuis 2010.
Le sénateur Moore : Le projet de loi contient 955 pages. Monsieur le ministre, vous avez dit qu'on prend les choses en considération depuis 2001. Toutefois, je crois que M. Cook a dit que le rapport de 2009 de la vérificatrice générale a vraiment mené à une intervention. Quelle proportion du projet de loi découle du rapport de 2009?
M. Menzies : Vous voulez savoir quelle est la proportion? Je ne sais pas si je peux répondre à cette question.
Le sénateur Moore : Le projet de loi contient presque mille pages. Est-ce que la moitié ou les trois quarts correspondent aux recommandations contenues dans le rapport? Quelle proportion remonte à un certain temps ou à très longtemps?
M. Menzies : Je dirais que, en général, on lui a accordé toute l'attention voulue. Nous, parlementaires et fonctionnaires, sommes amenés à nous concentrer sur ces rapports, et celui-là nous indiquait que nous devions procéder de cette façon. Je ne sais pas si M. Cook peut intervenir.
Je ne sais pas si vous pouvez dire quelle est la proportion en réponse à cette question. Tout est là.
M. Cook : En ce qui concerne les éléments du projet de loi, nous avons parlé brièvement de la partie 1, qui porte sur les fiducies non-résidentes et les entités de placement étrangères. Elle faisait partie du projet de loi C-10, mais elle a été revue en profondeur. Les parties 2 et 3, qui portent sur les sociétés étrangères, sont de nouvelles mesures que le projet de loi C-10 ne contenait pas.
Pour répondre à votre question, je pense que la partie 5 — qui comprend environ 300 pages, ce qui représente un tiers du projet de loi — présente des projets de modifications dont avait été saisi le comité dans le cadre du projet de loi C-10 en 2008. Les 100 ou 200 autres pages contiennent de nouvelles mesures qui avaient été annoncées dans le budget de 2010 ou qui faisaient partie de notre ensemble de modifications techniques. Si vous voulez avoir une idée de cet ensemble, probablement entre 50 et 80 pages du projet de loi contiennent de nouvelles dispositions. Il est difficile de déterminer quelle proportion découle du rapport en ce sens que la vérificatrice générale proposait qu'on fasse un grand ménage.
Le sénateur Moore : Je comprends cela. Quelle proportion remonte à vraiment longtemps?
M. Cook : Il s'agirait des 300 pages de la partie 5 qui sont presque identiques à celles qui avaient été présentées au comité en 2008.
Le sénateur Moore : Comme vous l'avez dit, on élimine l'incertitude fiscale, l'ARC rend des décisions anticipées pour des contribuables et tente de le faire dans les 60 jours. En 2004-2005, c'était 62 jours; et en 2011-2012, c'était 106 jours. L'ARC a-t-elle le personnel et le budget qu'il faut pour se conformer à ce qui viendra probablement ici sous la forme de demandes de décisions et pour éliminer le retard? Aucun représentant de l'ARC ne figure sur la liste de témoins. Pourriez-vous nous en parler?
M. Cook : Je dirais que les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu diffèrent des lettres d'intention et de ce dont il est question dans le projet de loi. Je suppose qu'il n'y a pas de représentant de l'ARC parce que nous parlons de modifications législatives. Les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu sont des interprétations, si l'on veut, que l'ARC fait pour un contribuable relativement à des circonstances particulières, et c'est habituellement pour faciliter des opérations précises. De ce point de vue, les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu ne sont pas liées à des modifications législatives; ce ne sont que des interprétations de la loi en vigueur.
De notre côté, si l'ARC n'est pas en mesure d'en arriver à une interprétation dans une décision anticipée, le contribuable peut communiquer avec le ministère des Finances et dire que ce qu'il entend faire s'inscrit clairement dans la portée de la politique et il lui demandera s'il peut obtenir une lettre d'intention.
Le sénateur Moore : Dans votre ministère, c'est une lettre d'intention.
M. Cook : C'est exact.
Le sénateur Moore : Pour ce qui est des retards apparents et de ce qui résultera du projet de loi, a-t-on pensé à l'ARC et lui a-t-on fourni les ressources qu'il faut pour éliminer le retard?
M. Cook : Oui, on consulte l'ARC sur l'élaboration des modifications techniques. L'adoption du projet de loi donnera une plus grande certitude à l'ARC quant à l'application de Loi de l'impôt sur le revenu et aux demandes des contribuables.
Le sénateur Massicotte : Monsieur le ministre, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre présence. C'est de toute évidence une étape importante. J'ai lu le projet de loi hier, ses 955 pages, avant d'aller dormir. C'était une bonne lecture.
Monsieur le ministre, puisque j'ai manqué le début de votre très important exposé, il se peut que je répète des choses inutilement. Je suppose que la modification vise tout simplement à corriger certaines lacunes pour rendre les dispositions conformes à ce qu'était l'intention de la loi à l'origine. Je déteste le mot « échappatoire », car il appartient à chacun de réduire ses impôts au minimum.
Pour en revenir à l'intention, certains articles font l'objet de discussions et de différends avec des contribuables depuis plusieurs années. Une partie des dispositions, l'article 95, remonte à cinq ans, je suppose, car elle fait l'objet de débats depuis cinq ans. Les parties intéressées sont-elles toutes satisfaites des modifications? Y a-t-il des questions en suspens? Est-ce que quelqu'un nous dira aujourd'hui ou demain que ce n'est pas là l'intention et qu'on est en train de lui passer un sapin? Quel est le différend? Quelle question cruciale devrait nous préoccuper en essayant d'interpréter l'objet des modifications?
M. Menzies : Je suis d'accord avec vous, sénateur. Monsieur le président, je dirais que tout le monde veut payer le moins d'impôt possible. Nous partons du principe qu'il faut s'assurer que tout le monde paie sa juste part. Qu'on parle d'une échappatoire ou de planification fiscale sophistiquée, on laisse la place pour l'interprétation. Les modifications que nous avons proposées visent simplement à rendre le processus plus équitable pour tout le monde.
Est-ce que tout le monde sera content? Non, car les gens qui ont trouvé une façon de réduire leurs impôts ou de transférer leur argent dans un pays dont les impôts sont moins élevés ne seront pas contents. Le contribuable moyen sera content, celui dont l'impôt est déduit de son salaire toutes les deux semaines, mais qui paie tout de même sa juste part.
Je comprends tout à fait le mécontentement des contribuables lorsqu'une multinationale transfère ses impôts dans un pays dont les impôts sont moins élevés et qu'elle ne paie pas sa juste part dans notre pays. Je tends à accorder plus d'importance à savoir si ces gens et leur conseiller fiscal se sentent à l'aise devant cela. De très vastes consultations ont eu lieu tout au long du processus.
Le sénateur Massicotte : Tout le monde a le droit de réduire ses impôts au minimum, mais je ne crois pas que quiconque s'oppose à ce que le ministère précise les règles pour faire en sorte qu'elles soient équitables et conformes à l'intention des lois fiscales. Toutefois, est-ce que tout s'arrête là, ou ces 955 pages contiennent-elles des exagérations qui pourraient amener quelqu'un à dire que le projet de loi va au-delà de ce qui est équitable et comparable à d'autres pays?
M. Menzies : Non, il n'y a rien dans le projet de loi que je pourrais qualifier d'« exagération ».
Le sénateur Massicotte : Qu'en est-il de la résidence des fiducies, de la situation où dans le cas d'un bénéficiaire, on dépasse 10 p. 100 et qu'il y a un prorata? C'est un sujet qui a fait l'objet de nombreux débats au cours des dernières années. Avons-nous réglé la question de façon satisfaisante? Avons-nous trouvé une bonne solution pour les contribuables à cet égard?
M. Cook : Je vais répondre à votre question, mais je crois que vous vous demandiez ce qui est essentiel de savoir au sujet du projet de loi. Dans la mesure où l'on peut attribuer un sentiment à l'ensemble du milieu de la fiscalité, la réaction aux modifications en est une de soulagement que le contenu flou des centaines de pages que compte la Loi de l'impôt sur le revenu qui représente des projets de modifications sera enfin clair et sera en vigueur, de sorte que les contribuables et l'ARC sauront à quoi s'en tenir. Cela pose problème pour les sociétés qui font leur déclaration en fonction de l'avant-projet de loi, mais qui ne peuvent pas l'utiliser dans la préparation de leurs états financiers.
Le sénateur Massicotte : Vous dites que tous les témoins qui comparaîtront dans les prochains jours feront des commentaires élogieux sur les modifications.
M. Cook : Je l'espère. Le comité de la Chambre des communes a tenu un certain nombre de séances à ce sujet. Il restera toujours des questions, mais en général, la réaction correspond à ce que j'ai expliqué.
En ce qui concerne votre question technique sur les entités de placement étrangères, au Sénat, on a soulevé qu'il était trop compliqué pour les gens de s'y conformer. En fait, nous avons laissé tomber cet élément du projet de loi. Pour ce qui est des règles sur les entités de placement étrangères, le projet de loi contient quelques petites améliorations aux règles actuelles.
Le sénateur Massicotte : On n'y reviendra pas par une mesure précédente. Cela fera-t-il l'objet d'une étude ultérieure ou serons-nous saisis d'un autre projet de loi d'ici six mois?
M. Cook : Nous pourrions envisager cette possibilité un jour. Rien n'est en cours à cet égard au ministère des Finances.
Le président : Monsieur le ministre, de même que vos collaborateurs, au nom de tous les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui.
(La séance est levée.)