Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 15 décembre 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 12, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour tout le monde. Je devrais peut-être dire bon après-midi. Bienvenue à cette séance ordinaire du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude du secteur de l'énergie dans le but de formuler une politique-cadre stratégique pour doter le Canada d'un système d'énergie plus durable, plus efficient, plus propre et plus écologique.
Nous avons entamé cette étude il y a près de trois ans et venons tout juste de tenir deux semaines d'audiences dans l'ouest du pays afin de poursuivre notre dialogue avec les Canadiens sur ces questions d'énergie, d'environnement et d'économie, qui sont inextricablement reliées. Nous revenons ici après avoir récolté toutes sortes de nouvelles informations et données merveilleuses en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba au cours des deux dernières semaines.
Ce matin, nous aborderons la question du changement climatique d'un point de vue légèrement différent. Comme vous le savez, nous avons tous entendu beaucoup de choses sur l'incidence du changement climatique sur la production et l'utilisation de l'énergie. Bien des gens nous ont dit qu'il est grand temps de fixer un prix au carbone, mais quelques voix solitaires dans les provinces de l'Ouest ont pris position contre la tarification du carbone. Ce matin, nous avons invité quatre professeurs de renom spécialisés dans les questions de climat, de géologie et de paléontologie. J'espère que vous avez tous reçu leurs biographies. Je les ai toutes lues hier soir.
Plutôt que de lire vos biographies maintenant, je vais considérer que mes collègues les ont lues avant de venir. Peut- être voudrez-vous donner quelques précisions sur vos antécédents avant de commencer vos exposés ou pendant les discussions.
Comme nous sommes des sénateurs, nous ne savons évidemment jamais si nous pourrons rentrer chez nous pour Noël ou devrons rester ici pour apporter du charbon à Justin Trudeau ou à ses collègues. Quoi qu'il en soit, nous vous invitons à limiter vos exposés à 10 minutes chacun, de façon à nous permettre d'engager ensuite une discussion avec vous. J'ai par ailleurs l'intention de réserver une quinzaine de minutes à la fin de cette séance pour discuter à huis clos avec mes collègues de notre voyage et de nos travaux futurs.
Sans autre forme de procès, je m'appelle David Angus et je suis sénateur du Québec. Je préside le comité. Nous avons avec nous le sénateur Grant Mitchell, vice-président du comité, de l'Alberta; Marc LeBlanc et Sam Banks, de la Bibliothèque parlementaire; le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique; le sénateur Dennis Patterson, l'un de nos invités, qui est un grand gourou de nos régions nordiques et qui s'intéresse vivement à nos travaux; le sénateur Bert Brown, de l'Alberta, le seul sénateur élu du Canada pour le moment; notre greffière, Lynne Gordon; mon prédécesseur, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta; le sénateur Rob Peterson, de la Saskatchewan; le bouledogue de Whitehorse, au Yukon, le sénateur Daniel Lang, qui est aussi un invité chaleureusement accueilli de notre comité; et l'athlète féminine canadienne du XXe siècle, le sénateur Greene Raine, de la Colombie-Britannique. Elle a contribué à l'élaboration du programme de ce matin, chers collègues. Elle a suivi nos délibérations et nos travaux avec beaucoup d'intérêt, et je peux vous dire qu'elle et moi avons eu maintes discussions sur ces questions jusqu'aux petites heures du matin. Elle nous a dit qu'il serait bon que le comité entende les deux points de vue, et c'est ce que nous allons faire. Finalement, nous avons aussi avec nous le sénateur John Wallace, du Nouveau-Brunswick, le dernier de la liste, mais pas le moindre.
J'ai cru comprendre, messieurs, que vous allez prendre la parole à tour de rôle.
Ross McKitrick, professeur, Département de science économique, Université de Guelph, à titre personnel : Je m'appelle Ross McKitrick. Je suis professeur titulaire d'économie à l'Université de Guelph, et je suis spécialisé en économie de l'environnement. J'ai publié des études à la fois sur l'économie du changement climatique et sur l'analyse statistique de la climatologie. J'ai été l'un des examinateurs experts pour le Quatrième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat et, en 2006, l'un des 12 experts internationaux invités à témoigner devant un comité de la National Academy of Sciences des États-Unis au sujet de la méthodologie de reconstruction du paléoclimat.
On entend souvent dire que la question du réchauffement planétaire est désormais réglée du point de vue scientifique, que la situation est urgente et que les mesures à prendre sont évidentes. En réalité, il y a de profonds désaccords sur les questions scientifiques sous-jacentes et il est permis de croire qu'on a exagéré la gravité du problème, et que la plupart des propositions avancées ne résistent pas à des analyses objectives de rentabilité. Il me semble cependant que deux choses ressortent très clairement des divergences et controverses des dernières années.
Premièrement, l'économie du changement climatique ne justifie pas qu'on prenne des engagements de type Kyoto. Avec les technologies actuelles et prévisibles, les politiques relatives aux gaz à effet de serre que nous avons les moyens de mettre en œuvre auraient une incidence tellement minime sur le climat qu'elles n'auraient aucun sens. Avec le même genre de modèles que ceux employés pour prévoir le réchauffement climatique, on peut prédire que, si tous les signataires du Protocole de Kyoto respectaient leurs engagements, le niveau de dioxyde de carbone dans l'atmosphère qu'on observerait en 2100 aurait plutôt été atteint en 2105, ce qui est une différence triviale. Kyoto était un objectif trop coûteux pour que les pays puissent l'atteindre. Quand on propose une politique qui coûte trop cher à mettre en œuvre et qui produit des résultats trop minimes pour être mesurés, on peut s'attendre à ce que des personnes raisonnables considèrent que c'est une mauvaise idée. Or, ce qu'on a constaté, c'est un consensus dogmatique des élites en faveur de Kyoto. À mon avis, cela n'a jamais validé Kyoto, mais a plutôt simplement discrédité le consensus des élites, ce qui me fait penser que le milieu politique international chargé du dossier climatique est indûment sujet à la pensée unique.
À la différence de polluants atmosphériques comme le dioxyde de soufre et les matières particulaires, que le Canada est parvenu à réduire avec beaucoup de succès, le CO2 n'est pas facile à capturer. Une fois qu'il est capturé, il n'y a pas de méthode évidente pour s'en débarrasser. Il ne semble exister aucune méthode pour réduire les émissions de CO2 à grande échelle sans réduire la consommation d'énergie et nuire à l'activité économique.
Malgré l'enthousiasme avec lequel ils ont adopté leurs cibles, les décideurs publics du monde entier n'ont pas réussi à réduire les émissions de CO2 tout en préservant la croissance économique. En d'autres mots, pour ce qui est de la plupart des politiques climatiques, le remède est pire que la maladie.
Deuxièmement, le processus officiel d'évaluation des données techniques et scientifiques sur le changement climatique, dans le but d'informer les décideurs publics, a perdu toute crédibilité à cause des préjugés et du sectarisme. En qualité de membre de l'équipe d'examinateurs experts du dernier rapport du GIEC, j'ai vu des choses totalement contraires aux principes établis depuis longtemps en matière d'examen par les pairs.
J'en ai documenté certaines dans diverses publications depuis 2007, mais je dois dire qu'elles n'ont jamais reçu beaucoup d'attention avant l'automne de 2009, quand des milliers de courriels de scientifiques de haut niveau du GIEC ont été divulgués par l'Internet. Ces courriels de ce qu'on a appelé le Climategate ont confirmé la réalité des préjugés et du copinage dans le processus du GIEC. Vous ne le savez peut-être pas, mais 5 000 autres courriels ont été divulgués en novembre. Ces fuites du mois dernier ont confirmé que certains climatologues expriment entre eux et en privé plus de doutes et de désaccords sur la science du climat que ne l'indiquent les rapports du GIEC.
Plus tôt cette année, la Global Warming Policy Foundation, de Londres, m'a demandé d'analyser les procédures du GIEC et de formuler des recommandations pour les réformer. Mon rapport, publié le mois dernier, contient un avant- propos de John Howard, l'ex-premier ministre de l'Australie. J'en ai joint un exemplaire à mon mémoire. Dans ce rapport, j'examine essentiellement comment le GIEC a réagi aux problèmes que j'ai pu constater de premièrement main en qualité de participant aux études scientifiques examinées par des pairs sur ce sujet, ainsi que le texte du GIEC sur lequel j'ai travaillé directement en qualité d'examinateur expert.
Le GIEC n'est pas un observateur neutre du processus scientifique. Il a plutôt une ligne de parti. Il est contrôlé par un bureau relativement petit à Genève, composé d'un petit groupe entouré d'un réseau d'universitaires et d'agents gouvernementaux inféodés. L'organisme de supervision, appelé le comité plénier du GIEC, est passif, inattentif et excessivement soumis au bureau. En réalité, il n'y a pas de supervision.
Le bureau choisit des auteurs principaux qui partagent son point de vue. On les invite régulièrement à examiner leur propre travail et celui de leurs critiques, et ils sont libres de porter des jugements en leur propre faveur. Les principaux auteurs sont également libres de rejeter les commentaires des examinateurs, d'imposer leurs décisions aux éditeurs, et même de modifier les textes après la clôture du processus d'examen par les pairs. La conjonction du contrôle exercé par le bureau sur la sélection des principaux auteurs et d'un processus d'examen par les pairs dénué de pouvoir signifie qu'il est absolument certain que les évaluations du GIEC ne feront que répéter et renforcer un ensemble de conclusions préétablies qui constituent la ligne du parti.
Je mentionne dans mon rapport des cas troublants où le GIEC a enfreint les pratiques établies d'examen par les pairs. Il s'agit par exemple de la manipulation de graphiques de premier plan afin de dissimuler des failles connues de la base statistique de reconstruction du paléoclimat et d'exagérer les données montrant que le changement climatique contemporain est historiquement exceptionnel —ce qu'on a appelé le scandale de la « dissimulation du déclin »; de la fabrication d'un résultat de test statistique pour justifier le rejet de données publiées montrant la contamination reliée à l'urbanisation des températures de surface sur lesquelles reposaient certaines conclusions clés du GIEC; du fait qu'on a attendu la clôture de l'examen par les pairs pour retirer du texte qui mettait initialement et correctement en garde les lecteurs sur le fait que la méthode du GIEC de calcul des tendances au réchauffement surestimait probablement leur importance, en le remplaçant par du texte non validé affirmant le contraire.
Ces incidents et d'autres documentés dans mon rapport suffisent à mon avis à discréditer la prétention du GIEC à la rigueur intellectuelle et à l'objectivité, et font ressortir la nécessité de réformer ses procédures. En 2010, le InterAcademy Council a analysé les procédures du GIEC et a attiré l'attention sur bon nombre des mêmes problèmes. Hélas, le processus de réforme interne du GIEC n'a rien donné. Vous trouverez des précisions à ce sujet dans la partie 4 de mon rapport.
Au point où nous en sommes, nous pourrions simplement continuer à nous dépatouiller pendant 20 années de plus en mettant en œuvre des mesures de plus en plus coûteuses et inutiles fondées sur les informations de plus en plus tendancieuses et indignes de foi du milieu international des politiques relatives au changement climatique. Ce serait évidemment la solution de facilité, mais elle ne rendrait aucun service au public. La solution plus difficile consisterait à entreprendre le travail ardu d'amélioration du processus de décision lui-même, en commençant par une réforme du GIEC.
Les recherches que j'ai publiées me portent à croire que le GIEC a exagéré le problème du réchauffement planétaire. J'ai démontré que la tendance spatiale des phénomènes de réchauffement des températures de surface est fortement corrélée à la tendance spatiale à l'industrialisation, même si cette tendance n'est pas prédite par les modèles climatiques comme réponse aux gaz à effet de serre. Cela indique que les données climatiques standard sont probablement biaisées en faveur du réchauffement de par leur incapacité à redresser les perturbations de la surface terrestre causées par l'urbanisation, l'agriculture, et cetera.
J'ai aussi démontré que les modèles climatiques prédisent sensiblement plus de réchauffement au cours des 30 dernières années dans la troposphère tropicale que ce que l'on a pu observer au moyen de satellites ou de ballons- sondes météorologiques. Or, il s'agit là d'une région cruciale pour mesurer les rétroactions de la vapeur d'eau qui contrôle l'ampleur du réchauffement par les gaz à effet de serre. Bien que ce soit la région qui, selon les modèles, devrait être celle qui se réchauffe le plus rapidement en réaction aux gaz à effet de serre, les données des ballons-sondes sur 50 ans ne révèlent en réalité aucune tendance positive une fois que l'effet des changements de la circulation océanique de la fin des années 1970 est retiré des chiffres. L'un des courriels les plus révélateurs du Climategate 2.0 divulgués le mois dernier est celui d'un expert du GIEC disant à un collègue que leurs efforts pour contourner ce problème au moyen d'une analyse trompeuse des tendances sont un « paradis de sots ».
Vous avez aujourd'hui l'occasion d'entendre plusieurs scientifiques canadiens sérieux vous expliquer pourquoi leur travail et celui de leurs collègues remet aussi en question divers aspects de la ligne de parti du GIEC. Le fait que vous ayez jusqu'à présent peu entendu parler de ce qu'ils vont vous dire n'indique pas que la recherche était déficiente. Au contraire, il indique qu'il y a des déficiences dans le processus qui était censé porter ces informations à votre attention il y a déjà bien longtemps.
Le président : Professeur, je vous remercie de votre franchise. Vous avez très bien exposé votre point de vue, sans retenir vos coups. Avant de donner la parole aux témoins suivants, j'aimerais vous poser une question. Vous avez beaucoup parlé de fuites de courriels, et nous en entendons constamment parler dans la presse. Je préside le conseil d'administration d'un grand hôpital de Montréal et, chaque matin, je peux lire dans les journaux ce qui s'y serait dit la veille. On dit alors : « Ce n'est rien, c'était une fuite. » Qui sont les auteurs des fuites? En avez-vous une idée?
M. McKitrick : Durant l'automne de 2009, j'ai été interrogé par la police britannique parce que j'habitais alors au Royaume-Uni. À l'époque, j'avais pensé que c'était une divulgation accidentelle par l'université d'une archive qui avait été préparée en réponse à une demande d'accès à l'information. Depuis lors, on a appris qu'il y a au Royaume-Uni un individu anonyme qui est à l'origine de la deuxième fuite et qui a aussi divulgué une archive de ce qui semble être au moins 20 000 autres courriels, mais ils sont codés. Cet individu a dit qu'il n'est pas prêt à divulguer le code. Il semble qu'il s'agisse d'une seule personne ayant accès à un serveur de l'Université d'East Anglia. Les courriels couvrent une période allant de la fin des années 1990 jusqu'à l'automne de 2009. Cette personne comprend manifestement les questions en jeu, car elle a choisi les courriels en fonction de thèmes précis qui concernent la recherche sur le climat.
Hier encore, la police britannique a effectué des raids chez quelques blogueurs et a aussi adressé des ordonnances de rétention à plusieurs fournisseurs américains de services Internet. Elle essaye d'identifier la personne en question.
Le président : Nous sommes foncièrement cyniques, ici. Quand des gens veulent rester anonymes, nous doutons de leur crédibilité. Je tenais simplement à le dire, car nous savons qu'il y a Royaume-Uni un auteur de fuites internationales bien connues qui attend d'être extradé en Suède. Je parle de M. Assange.
M. McKitrick : Julian Assange. Dans ce cas, les courriels ne sont pas anonymes et ont été validés par les personnes concernées.
Le président : Viennent-ils tous de la même source de l'Université d'East Anglia?
M. McKitrick : Oui.
Le président : Le témoin suivant est le professeur Ian D. Clark, du Département des sciences de la Terre de l'Université d'Ottawa.
Ian D. Clark, professeur, Département des sciences de la Terre, Université d'Ottawa, à titre personnel : Bonjour, sénateurs. Je vous remercie beaucoup de nous donner cette occasion de vous parler de la science du réchauffement planétaire. C'est la première fois que je vais essayer de donner mon cours sur le paléoclimat en 10 minutes. Je ferai mon possible.
Je vais vous parler aujourd'hui de la température planétaire et du CO2, selon les données géologiques. Nous allons remonter dans le temps en commençant par les 150 dernières années. Cette période est caractérisée par un coup de froid que nous appelons le Petit âge glaciaire. Elle s'est terminée vers 1900. C'est une période durant laquelle les glaciers ont avancé dans le monde entier. L'agriculture a connu de nombreux échecs. Les colonies du Groenland ont échoué. Toutefois, cette période s'est terminée vers 1900 et a laissé la place à ce que nous appelons la tendance au réchauffement du XXe siècle.
Nous venons de connaître environ un siècle de réchauffement. Cette période de réchauffement est assez bimodale. Il y a eu un réchauffement jusqu'aux années 1940, puis un refroidissement dans les années 1950, 1960 et le milieu des années 1970, et enfin une deuxième période de réchauffement dans les années 1980 et 1990.
En ce qui concerne le CO2 durant cette période, il se situait à un niveau stable d'environ 280 ppm dans l'atmosphère. Durant cette période de réchauffement, il a augmenté pour atteindre les 380 ppm d'aujourd'hui. La période de réchauffement qui nous préoccupe est en réalité cette toute dernière période, car le CO2 durant la première partie du XXe siècle était trop minime, et le GIEC et la plupart des scientifiques conviennent que ce que je vous montre ici représente en totalité une tendance naturelle au réchauffement, alors que ceci est potentiellement la tendance anthropique.
Vous voyez ici l'anomalie du CO2 planétaire. Pour remettre les choses dans leur contexte, nous avons une hausse de 35 p. 100 environ du CO2, calculée à partir de carottes glaciaires mises en concordance avec des mesures atmosphériques ayant débuté dans les années 1950 à Hawaï.
Si l'on prend les 55 dernières années, on voit que les températures des années 1970 étaient très basses durant ce coup de froid, et qu'elles ont ensuite commencé à monter dans les années 1980 et 1990, jusqu'à la fin de la dernière décennie. L'examen de la dernière décennie montre que les températures se sont en réalité stabilisées, et nous n'avons pas constaté de réchauffement planétaire pendant les 10 dernières années, certains disent depuis El Niño de 1998. Il y a donc un contraste marqué avec la prévision du GIEC d'une hausse de quelque 0,2 degré par décennie qui aurait dû se produire durant cette période. Ce qui s'est passé à ce moment-là est très controversé.
Ce réchauffement du XXe siècle est-il exceptionnel? Si l'on retourne mille ans en arrière, on constate une période de réchauffement, que nous appelons la Période chaude médiévale, qui a duré environ 200 ans. Elle est bien documentée par les données agricoles. Les Vikings se sont établis au Groenland et sont venus au Canada. Il y a beaucoup de documentation et de relevés de substitution sur la Période chaude médiévale, suivie du Petit âge glaciaire, puis du réchauffement du XXe siècle.
Durant cette période, nous ne voyons aucun effet du CO2. La concentration de CO2 était stable à ce moment-là, et il n'y a aucune corrélation avec ce gaz à effet de serre.
Remontons plus loin dans le temps. Au cours des 10 000 dernières années, vous voyez ici la période interglaciaire de l'Holocène, suivie de la période glaciaire passée durant laquelle les glaciers recouvraient le Canada. Ici, le réchauffement du XXe siècle s'inscrit dans une série d'optimums climatiques. Vous voyez ici la Période chaude médiévale, l'optimum climatique romain à l'époque du Christ, puis nous remontons plus loin dans l'Holocène et nous voyons divers optimums, des périodes chaudes d'intensité et de durée variables. Le réchauffement climatique actuel du XXe siècle n'est qu'un épisode d'une série de réchauffements, et il n'a rien d'exceptionnel.
En outre, durant cette période, le CO2 était relativement stable, à 280 ppm. Le CO2 n'avait rien à voir avec ces périodes de réchauffement.
Nous allons remonter encore plus loin dans le temps, au moyen de données provenant de carottes glaciaires de l'Antarctique. Il s'agit là de données très fiables sur le climat. Je pars de la période actuelle et je remonte 450 000 ans en arrière — nous avons aujourd'hui des données remontant jusqu'à près de 1 million d'années — pour examiner les périodes interglaciaires. Vous voyez ici la période interglaciaire de l'Holocène. Il y a là la dernière période glaciaire, lorsque les glaciers recouvraient le Canada et une bonne partie de l'Europe. Nous avons ces séries de données. Il est clair que le climat a changé de manière spectaculaire durant cette période.
Quand on analyse le CO2, on voit une très forte corrélation. Le CO2 augmente durant les périodes interglaciaires, diminue durant la période glaciaire maximale, jusqu'à 180 ppm, puis augmente à nouveau pendant cette dernière période interglaciaire pour revenir à 280 à 300 ppm. Le CO2 était apparemment fortement corrélé au climat.
Examinons donc cette corrélation d'un peu plus près. C'est ici que la science devient trouble, en particulier parce qu'elle est troublée par Al Gore et d'autres voulant faire croire que le CO2 est un agent déterminant. Vous voyez ici une interface détaillée entre une période glaciaire de 245 000 à 240 000 ans, et une période interglaciaire. Le réchauffement est indiqué en rouge et il se produit environ 800 ans avant l'augmentation du CO2. Il y a un décalage de 800 ans environ entre l'augmentation du CO2 et l'augmentation de la température.
Cela a été démontré par toutes ces interfaces glaciaires et interglaciaires au cours des temps. On constate toujours un décalage. Le CO2 n'est pas le moteur du climat. Le CO2 n'agit pas comme gaz à effet de serre durant cette période très importante de grand changement climatique.
Remontons maintenant aux 500 derniers millions d'années de l'histoire de la Terre. Je vous présente ici les recherches de Jan Veizer, mon collègue ici présent. Ce relevé montre un découplage du CO2 et du climat durant ce que nous appelons le Phanérozoïque. Le professeur Veizer a montré que, durant le Phanérozoïque, nous avons eu une série d'igloos et de serres. Nous avons eu des périodes glaciaires et des périodes brûlantes, ou des périodes chaudes, à des intervalles relativement cycliques durant cette période de 500 millions d'années. Toutefois, quand on examine la corrélation avec le CO2, on voit une concentration élevée de CO2, et vous voyez ici les différents modèles de concentration du CO2 dans l'atmosphère. Ceci est une échelle logarithmique. Au chiffre 1, on voit 10 fois plus de CO2 qu'aujourd'hui.
Durant notre glaciation ordovicienne, nous avions une très forte concentration de CO2. Ensuite, elle a diminué. C'est la période durant laquelle nous avons créé tous ces bancs de houille en Amérique du Nord, et où le CO2 a été séquestré. Ici, c'est une autre période glaciaire du Jurassique, et la concentration de CO2 est cinq à dix fois plus élevée qu'aujourd'hui. Même durant cette longue période, on ne voit pas de corrélation avec le CO2. Nous ne considérons pas le CO2 comme un moteur du climat.
Par contre, nous le voyons dans les projections des modèles de l'avenir. Je vous montre ici les projections du modèle du GIEC de 2000 pour les 100 prochaines années. Il y a toujours une augmentation de l'ordre de 2, 3 ou 4 degrés Celsius, ce qui est important pour des températures.
Comment le GIEC modélise-t-il l'effet de serre pour atteindre ces températures? Le CO2 est un gaz à effet de serre très mineur. C'est un composant très mineur de l'atmosphère. C'est loin d'être un gaz à effet de serre puissant. Le plus puissant, et de loin, c'est la vapeur d'eau. La vapeur d'eau est utilisée dans ses modèles pour impulser le réchauffement climatique. Le concept ou le modèle est fondé sur un peu de réchauffement par le CO2, qui serait insignifiant, amplifié par la vapeur d'eau, une rétroaction de vapeur d'eau qui est deux à quatre fois plus puissante, et cet effet de rétroaction n'a jamais été documenté ou constaté dans les relevés géologiques, ce qui veut dire que ça reste une hypothèse sur laquelle reposent toutes nos prédictions, et c'est la seule raison pour laquelle nous prédisons un réchauffement climatique.
Les modèles sont-ils fiables?
Le président : Permettez-moi de vous interrompre. Comme vous le savez, nous sommes télédiffusés sur le réseau de CPAC et sur la Toile. Les diapositives auxquelles vous faites référence presque continuellement ne sont malheureusement pas présentées sur les réseaux parce qu'elles ne sont pas bilingues. C'est l'une de nos règles inviolables au Sénat.
M. Clark : Je comprends.
Le président : Je pense que vos explications sont quand même compréhensibles.
M. Clark : J'ai aussi préparé un mémoire qui devrait être publié en même temps.
Le président : Nous ne sommes malheureusement pas tous des scientifiques, ici. Il y en a qu'un parmi nous, et ce n'est pas moi. Vous ne cessez de parler de gaz à effet de serre, vous dites que le CO2 est un gaz à effet de serre, et qu'il y a ensuite le facteur H2O. Il y a une expression qui est aujourd'hui tombée dans l'usage courant, les gaz à effet de serre. Je crois cependant que personne ne sait vraiment de quoi il s'agit. Pourriez-vous nous en donner une définition?
M. Clark : C'était dans les diapositives que j'ai retirées de mon exposé. La planète, sans ce que nous appelons les gaz à effet de serre, avec juste une atmosphère transparente d'azote et d'oxygène, serait d'environ 32 degrés plus froide qu'aujourd'hui. Elle serait invivable. Elle serait gelée.
Grâce à un gaz à effet de serre, la vapeur d'eau, notre planète a environ 32 degrés de plus. Ce que fait la vapeur d'eau dans l'atmosphère, c'est qu'elle absorbe les rayonnements renvoyés par la Terre. Quand la planète se réchauffe grâce au rayonnement solaire durant la journée, elle émet ces rayonnements durant la journée et durant la nuit, et elle se refroidit. Si ces rayonnements renvoyés sont piégés, ce que nous appelons les « rayonnements de grande longueur d'onde » ou « rayonnements infrarouges », comme ceux que vous voyez sur les plaques chauffantes des cuisinières, la chaleur est conservée dans l'atmosphère et réchauffe la surface terrestre. Nous avons ainsi une planète qui est maintenant à 14 degrés au-dessus de zéro, ce qui la rend habitable.
Le CO2 représente quelques pour cent de cet effet de gaz à effet de serre. C'est un gaz à effet de serre très mineur. C'est l'eau qui fait tout le travail.
Quand on parle de l'accumulation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère et qu'on se concentre sur le CO2, c'est trompeur parce que le CO2 ne peut produire le réchauffement qui a été projeté. Pour projeter le réchauffement, si nous pensons devoir rendre compte du réchauffement du siècle passé et le projeter dans l'avenir avec le CO2, nous sommes obligés de l'amplifier avec la vapeur d'eau. Mon graphique avec la petite flèche de CO2 fait fonctionner le cycle de la vapeur d'eau. C'est grotesque. Le CO2 est un gaz à effet de serre très mineur, et nous lui attribuons toute la puissance au monde pour faire fonctionner le cycle de la vapeur d'eau. Grotesque.
Les modèles prédisent, comme l'a dit M. McKitrick, un point chaud. C'est la réaction classique de notre planète, comme il se doit, à un phénomène renforcé d'effet de serre où nous avons entre les latitudes de 30º nord et 30º sud, environ 12 km dans la troposphère, une empreinte de réchauffement. C'est notre empreinte de réchauffement à effet de serre, selon les modèles numériques qu'on nous demande de croire. Par contre, si l'on examine les mesures des radiosondes, les températures mesurées par les ballons-sondes, il n'y a pas de point chaud. En fait, il y a un refroidissement. Nous pourrions en conclure que les modèles sont incorrects. Il faudrait demander ce qu'en pensent les gens qui les produisent.
Voici ce qu'ils disent, selon les fameux courriels diffusés, qui nous donnent une indication de ce que pensent les gens qui nous annoncent un réchauffement planétaire catastrophique. Thorne, de la Climate Research Unit du Met Office, dit ceci : « Les observations ne montrent pas de hausse des températures dans la troposphère tropicale... C'est absolument dangereux. Nous devons communiquer l'incertitude et être francs. Phil, j'espère que nous trouverons un moment pour en discuter... » Phil Jones est celui qui tient les relevés de températures.
Phil Jones répond : « Le problème de fond est que tous les modèles ont tort —il n'y a pas assez de nuages aux niveaux intermédiaires et bas ». Autrement dit, ils ne peuvent pas modéliser la vapeur d'eau et la formation des nuages.
Il ajoute ensuite : « Que se passera-t-il si le changement climatique semble n'être au fond qu'une fluctuation naturelle sur plusieurs décennies? On nous coupera la tête, probablement. »
Ces gens sont très incertains de leur travail, mais on ne le constate pas quand ils le présentent dans les documents du GIEC.
Quel est le moteur du réchauffement planétaire? Eh bien, il faut regarder le soleil, et l'on constate alors, à la différence du CO2, qu'il y a de très bonnes corrélations entre les diverses mesures de l'activité solaire et la température. Ici encore, dans l'Arctique, les températures de l'Arctique — et il y a toutes ces fontes de glace dans l'Arctique —sont en corrélation avec l'activité solaire, mais pas avec le CO2.
Je vais vous présenter un dernier élément d'une recherche exécutée par Solanski et publiée dans Nature où il montre que, durant les dernières décennies, l'activité du soleil a été plus grande que durant les 11 000 dernières années. Voici son graphique montrant un succédané de l'activité solaire sur 11 000 ans, et l'on voit un pic d'activité durant le XXe siècle, au moment où on a vu le réchauffement du XXe siècle. Allons un peu plus dans les détails. Voici une représentation du dernier millénaire, et voici un relevé validé de carottes glaciaires du Groenland, avec un relevé de températures très solide en bleu, et l'on constate une très bonne corrélation avec notre activité solaire. Voilà donc une raison du réchauffement de notre climat, et ce n'est pas le CO2.
Si vous me permettez de résumer, nous constatons qu'il n'y a aucune preuve géologique que le CO2 a joué dans le passé un rôle moteur important. Le CO2 reste aujourd'hui dans la fourchette la plus basse par rapport à celles observées dans le temps géologique. J'aimerais ajouter que c'est plus qu'un gaz bénin. C'est un nutriment essentiel à la vie, qui n'a que des effets bénéfiques. Nos efforts pour limiter l'utilisation de l'énergie fossile basée sur le carbone n'ont résolu aucun problème environnemental. Par contre, ils en ont créé beaucoup d'autres, comme la production accélérée d'éthanol et la transformation de la forêt pluviale tropicale en plantations de palmiers pour l'huile de palme tropicale. Il est grand temps que nous nous intéressions attentivement aux vrais problèmes environnementaux, aux problèmes tangibles.
Le président : C'était encore là un exposé très franc de votre position. Je donne maintenant la parole au professeur Jan Veizer, professeur émérite au Département des sciences de la Terre, de l'Université d'Ottawa.
Jan Veizer, professeur émérite, Département des sciences de la Terre, Université d'Ottawa, à titre personnel : Avant de prendre ma retraite, il y a 15 ou 20 ans, j'enseignais en Allemagne et à l'Université d'Ottawa. J'ai aussi occupé pendant 20 ans le poste de directeur du Earth System Evolution Program de l'Institut canadien de recherches avancées. Je suis censé être à la retraite depuis 1974. Mon attitude à l'égard de la retraite est que c'est le début de la mort. Comme disait Woody Allen, je n'ai pas peur de mourir, mais je ne veux pas être là quand ça arrivera.
Monsieur le président, membres du comité, bien des gens pensent qu'on a trouvé toutes les réponses à la science du changement climatique, mais c'est faux. La question n'est pas de savoir s'il y a eu un réchauffement au siècle dernier, il y en a eu un. Toutefois, il n'a pas été uniforme et on n'en a pas constaté pendant la dernière décennie. Les relevés géologiques nous donnent une abondance de données confirmant la variabilité naturelle et perpétuelle du climat, de calottes glaciaires atteignant l'équateur, mais aussi de rien du tout, même aux pôles.
En réalité, le débat sur le climat ne concerne pas le dioxyde de carbone, mais environ 1,6 watt par mètre carré — un écart de ce type d'incertitude — dans l'équilibre mal connu de l'énergie planétaire. C'est le phénomène absolument fondamental par lequel on doit commencer.
Permettez-moi de m'expliquer. Sans notre atmosphère, la planète serait une boule de glace. Le réchauffement naturel par effet de serre réchauffe notre planète jusqu'à 33 degrés Celsius. Les deux tiers de ce réchauffement, ou même plus puisque cela va peut-être jusqu'à 95 p. 100, sont dus à la vapeur d'eau, pas au CO2. La vapeur d'eau, pas le dioxyde de carbone, est de loin le gaz de serre le plus important, mais les modèles traitent le cycle de l'eau comme s'il n'existait pas, en en faisant un agent passif du système climatique. L'énergie qui est nécessaire pour faire fonctionner le cycle de l'eau doit donc venir de quelque part : le soleil propulse le cycle de l'eau, le cycle de l'eau engendre le climat, et le climat détermine combien nous aurons de jungle, de toundra, et cetera, et c'est donc le moteur du cycle du carbone.
Ce modèle serait le modèle de haut en bas, c'est-à-dire un modèle où le soleil est le moteur, mais ce n'est pas ce que dit le GIEC. Il nous dit, non, le modèle fonctionne de bas en haut, c'est-à-dire que c'est le cycle du carbone qui met de l'énergie dans le cycle de l'eau. Il y génère alors plus d'activité, toujours plus d de 'activité. C'est comme si l'on disait que Porto Rico est le moteur de l'économie mondiale par rétroaction positive des États-Unis parce que, quand Porto Rico augmente son PIB de 10 p. 100, une partie de l'augmentation va aux États-Unis, ce qui y génère plus d'activité économique, plus de finances, plus d'activité économique, plus de finances, plus d'activité économique, jusqu'à ce qu'on ait un boom économique et une économie mondiale prospère.
La réalité est que Porto Rico est à la remorque des États-Unis. Porto Rico est subventionné par les États-Unis, ce n'est pas le moteur économique des États-Unis. Par conséquent, on a un cycle de haut en bas, pas de bas en haut.
L'énergie requise pour propulser le cycle de l'eau doit donc venir soit d'ici, soit d'une combinaison possible des phénomènes ci-dessus. Notez que, du fait de l'importance écrasante de la vapeur d'eau dans l'effet de serre, les modèles climatiques existants ne portent pas de diagnostic. Pour le cycle de l'eau, l'énergie n'est que cela, de l'énergie, quelle que soit son origine. Le cycle de l'eau ne sait pas d'où vient l'énergie, et ça lui importe peu.
Les témoins précédents ont montré que les relevés climatiques du passé ressemblent effectivement à la tendance de la production solaire. Toutefois, comme trois décennies de données satellitaires ne montrent qu'une activité solaire limitée, la production solaire devrait être relativement amplifiée pour expliquer l'ampleur du réchauffement séculaire. Le GIEC prétend que, comme on ne connaît aucun amplificateur, ce qui est une assertion invalide, ce sont les gaz à effet de serre produits par l'homme qui doivent être à l'origine de la majeure partie du déséquilibre d'énergie. Autrement dit, il soutient que le soleil est plus une constante. Par conséquent, ça doit fonctionner de bas en haut. C'est ce qu'il dit.
Il s'agit cependant là d'un postulat, d'une explication par défaut. On n'a aucune preuve empirique ou expérimentale que le dioxyde de carbone est un moteur, mais ça n'empêche pas d'affirmer, dans tous les étalonnages complexes des modèles climatiques, que c'est un fait. C'est ce qu'on appelle l'étalonnage.
S'il existe un amplificateur de la production solaire, et les observations empiriques exposées en détail dans l'article que j'ai présenté ici concluent à son existence, la nécessité d'attribuer l'énergie aux gaz à effet de serre diminue en conséquence. Le postulat de base du modèle, qui est que le minuscule cycle du carbone contrôlé biologiquement est le moteur du climat, par le truchement d'un énorme cycle de l'eau répondant passivement, est-il vraiment réaliste? Est-il réaliste d'affirmer que Porto Rico est le moteur de l'économie mondiale de par son effet sur l'économie américaine?
La nature nous dit que les choses se passent en fait dans l'autre sens. L'éclosion des plantes au printemps est bien certainement le résultat, pas la cause, du réchauffement solaire et de l'abondance des pluies. Notre atmosphère contient environ 730 milliards de tonnes de carbone. Chaque année, environ 120 milliards de tonnes sont recyclées par les plantes sur Terre, et environ 90 milliards, par les océans. C'est le facteur absolument dominant. Les émissions humaines représentent moins de 5 p. 100 du cycle annuel du carbone.
Le président : Moins de combien?
M. Veizer : Moins de 5 p. 100. Du point de vue de l'interaction des cycles de l'eau et du carbone, cependant, il importe de réaliser que nous sommes censés planter des arbres pour réduire le CO2, alors que chaque molécule de CO2 qu'une plante capture doit transpirer dans l'eau de l'atmosphère à partir du sol, des racines, avec un millier de molécules d'eau par molécule de CO2.
Il faut une quantité d'énergie énorme pour envoyer l'eau de la canopée dans l'atmosphère. La vraie réaction est une molécule de CO2 pour une molécule d'eau pour produire de la transpiration, ou de la photosynthèse. Toute cette énergie n'est pas nécessaire pour la photosynthèse. Elle est nécessaire pour envoyer l'eau dans l'atmosphère et faire fonctionner le tapis roulant de l'eau. Pourquoi? Parce que c'est ce qui produit vos aliments. C'est le tapis roulant qui vous nourrit. Pas d'aliments, pas de vie, pas de cycle du carbone.
En d'autres mots, l'énorme source d'énergie qui est nécessaire est le soleil. L'énergie solaire fait fonctionner le cycle de l'eau, produit de l'air chaud et un climat plus humide, ce qui nourrit le cycle du carbone biologique. Le soleil réchauffe aussi les océans qui émettent du CO2 dans l'atmosphère. Le CO2 atmosphérique est donc le produit, pas la cause, du climat, comme le démontrent les relevés passés où les changements de température précèdent toujours les changements de CO2 atmosphérique. Avec les carottes glaciaires, comme l'a montré M. Clark, la même chose s'est produite après l'éruption du mont Pinatubo, qui a déclenché des changements des flux du CO2. Ça se passe aussi tous les printemps. Le soleil brille avant que les fleurs éclosent.
Quelle pourrait être la source d'énergie complémentaire responsable de l'écart de 1,6 watt en litige? Les nuages. Les nuages sont le miroir qui renvoie les rayonnements solaires dans l'espace. La quantité d'énergie solaire reflétée par la terre est de 77 watts environ, et la différence entre un ciel nuageux et un ciel sans nuage est de près de 30 watts. Un changement de quelques pour cent de l'ennuagement peut facilement expliquer la différence de 1,6 watt qui fait litige.
Les nuages font partie intégrante du cycle de l'eau, mais la formation de gouttelettes d'eau exige un ensemencement. C'est pourquoi on a dû tirer au canon dans les nuages à Beijing. Les résultats empiriques et expérimentaux permettent de penser que les rayons cosmiques produisent peut-être cet ensemencement initial quand ils atteignent l'atmosphère. Bien que le mécanisme réel fasse encore l'objet de débats, les corrélations entre l'ennuagement et les rayons cosmiques ont été publiées. Elles ont été mesurées.
Le lien amplificateur avec le soleil émane probablement de son enveloppe électromagnétique, appelée l'héliosphère, et d'une enveloppe similaire entourant la Terre, appelée la magnétosphère. Ces enveloppes jouent le rôle de boucliers empêchant les rayons cosmiques d'atteindre notre planète. Un soleil moins actif n'est pas seulement plus froid, son bouclier héliosphèrique se rétrécit et plus de rayons cosmiques réussissent à passer, ensemencent plus de nuages et produisent aussi des nucléides cosmogéniques, le béryllium 10 et le carbone 14, que nous pouvons alors mesurer dans les arbres, les roches, et cetera. C'est une mesure de l'activité du soleil. Lorsque le soleil est moins actif, nous avons plus de ces nucléides cosmogéniques.
Si vous examinez des données pour les 10 000 dernières années, et c'est ce que vous voyez ici, le bleu est un relevé du climat au cours des 10 000 dernières années, et ceci est un relevé du carbone 14. Vous voyez ici les nucléides cosmogéniques dont je parlais qui sont dus aux rayons cosmiques reflétant l'activité du soleil.
Sur la diapositive suivante, vous voyez que la concentration de CO2 a été stable pendant toute la période — et ceci représente le climat — à environ 280 parties par million, soit exactement le niveau dit préindustriel.
La science du changement climatique continue d'évoluer et, quel que soit l'aboutissement du débat sur le climat, les données des observations portent à croire que nous aurions peut-être plus intérêt à fonder nos politiques climatiques sur des études scientifiques et économiques de vaste portée que sur les scénarios concoctés par le GIEC. Ceci est un scénario, mais il y a plus là-dedans que le seul GIEC. Nos objectifs en matière de pollution et de diversification des sources d'énergie pourront alors être formulées et probablement mises en œuvre avec moins de douleur.
Le président : Je vous félicite, vous êtes exactement à 10 minutes. C'était scientifique et très bien présenté. Merci beaucoup.
Notre quatrième témoin est Timothy Patterson, professeur de géologie au Département des sciences de la Terre de l'Université Carleton. Vous avez la parole, monsieur.
Timothy Patterson, professeur de géologie, Département des sciences de la Terre, Université Carleton, à titre personnel : Monsieur le président, membres du comité, merci de m'avoir invité à témoigner ce matin.
J'ai commencé à m'intéresser au débat sur le changement climatique en 1998 quand j'ai obtenu une bourse de projet stratégique du CRSNG, puis un budget de recherche important de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère, afin de déterminer s'il y a des cycles réguliers de productivité du poisson sur la côte Ouest du Canada. Bien que l'on s'attendait à ce que le climat joue un rôle important dans la productivité du poisson, on n'avait enregistré de données exactes sur les stocks de poissons et les températures dans cette région que depuis 70 ans environ, et l'on avait donc besoin d'indicateurs de productivité sur des milliers d'années pour voir quels pouvaient être les cycles, les populations ou les phénomènes qui pourraient être à l'origine des variations.
Mon équipe de recherche a recueilli et analysé des carottes d'échantillons des profondeurs des fjords côtiers de la Colombie-Britannique, et nous avons ainsi obtenu des échantillons sur 5 000 ans des sédiments déposés annuellement dans ces bassins, ce qui nous a donné l'une des meilleures bases de données au monde sur l'évolution du climat. Nos études ont confirmé que les causes naturelles des variations climatiques peuvent être tout à fait spectaculaires.
Par exemple, au milieu d'une tranche de 62 ans de données remontant à environ 4 400 ans, nous avons constaté une variation du climat en quelques saisons seulement, des conditions très chaudes, sèches et ensoleillées laissant la place à des conditions essentiellement froides et pluvieuses, et ce changement a persisté pendant plusieurs décennies. On peut imaginer l'effet que cela a pu avoir sur les populations amérindiennes dépendant du poisson pour s'alimenter. Le changement a complètement modifié leur mode de vie.
Dans ces données, nous avons découvert des cycles répétés de productivité marine témoignant d'une excellente corrélation avec les cycles d'ensoleillement, et nous n'avons pas été les seuls à le constater. Des centaines d'autres études ont montré exactement la même chose, c'est-à-dire que le soleil semble être le moteur le plus important du changement climatique, et non pas les variations du dioxyde de carbone, le gaz qui est le plus ciblé par les campagnes nationales sur le changement climatique au Canada.
Les scientifiques étudiant les cycles solaires prédisent que le soleil entamera plus tard cette décennie son cycle d'activité le plus faible des deux derniers siècles, ce qui produira probablement un climat exceptionnellement froid sur la Terre, peut-être pendant des décennies. La première réaction des gouvernements devrait être de se préparer à s'adapter à cette période de climat froid. C'est le refroidissement, pas le réchauffement, qui est la principale menace climatique pour notre planète. Et cela vaut particulièrement pour le Canada, pays qui se trouve à une très haute latitude, juste au bord de la zone de l'agriculture.
Grâce à une autre subvention de projet stratégique du CRSNG, l'équipe de recherche que je dirige étudie actuellement la variabilité du climat dans le Nord canadien afin de conseiller le gouvernement et l'industrie sur la viabilité à long terme de la route de glace stratégiquement importante qui relie Tibbitt à Contwoyto. Cette route saisonnière est cruciale pour l'économie de la région étant donné que c'est la seule route terrestre desservant les mines de diamants et les camps de prospection du centre des Territoires du Nord-Ouest et du sud du Nunavut.
Cette route de glace de réputation mondiale, dont le point de départ se trouve à 70 kilomètres au nord de Yellowknife et que vous avez peut-être vue dans la série télévisée Ice Road Truckers, fait 600 kilomètres de long et est aménagée à 88 p. 100 sur des lacs glacés, avec très peu de portages entre les lacs.
Le président : Sénateur Patterson, c'est un territoire que vous devez très bien connaître.
Le sénateur Patterson : C'est une route que j'ai souvent empruntée.
Le président : Elle existe vraiment?
Le sénateur Patterson : Je l'ai empruntée pour aller chasser le caribou.
M. Patterson : Durant les 70 jours que dure la saison, plus de 500 millions de dollars de matériel et de fournitures sont transportés vers les camps, et l'activité économique associée à l'exploitation de cette route de glace représente une contribution annuelle de plus de 1 milliard de dollars à l'économie des Territoires du Nord-Ouest. Dans les collectivités éloignées du Nord canadien, les routes de glace de ce genre sont des voies d'approvisionnement cruciales.
Chaque année, vers la fin du mois de mars, lorsque l'activité commence à diminuer le long de cette route de glace et que nous avons accès aux camps qu'elle relie, nous prélevons des carottes d'échantillons dans les lacs en question. En comparant les sédiments des lacs sur les 3 500 dernières années, nous pouvons identifier les cycles et les tendances influant sur le changement climatique et, à partir de cela, prédire les tendances futures concernant la glaciation de surface et des choses telles que les risques d'incendie. Nous pouvons cerner les périodes durant lesquelles le climat a été plus chaud, plus sec, et cetera.
C'est une tâche particulièrement difficile dans cette région, car les relevés de températures ne remontent qu'à 1950 environ, et que les relevés pour le centre des Territoires du Nord-Ouest ne proviennent que de quatre stations météorologiques très espacées.
Les résultats préliminaires de nos recherches indiquent une variabilité climatique considérable au cours des derniers millénaires, avec un découplage fréquent des températures d'hiver et d'été. Un phénomène climatique pluri décennal appelé l'oscillation décennale du Pacifique, qui est un énorme moteur climatique très semblable au phénomène plus court, mais mieux connu appelé El Niño, mais qui n'a été découvert qu'en 1996, ce qui montre combien la recherche sur le climat a changé au cours des 20 dernières années, semble avoir contribué à des variations de température alternatives, avec des phases positives et négatives.
Il y a aussi une correspondance entre les cycles solaires et la variabilité saisonnière du climat durant les phases négatives d'oscillation décennale du Pacifique, les creux des cycles solaires correspondant à des hivers plus froids.
Comme nous sommes sur le point d'entrer dans une série de cycles solaires très faibles qui dureront plusieurs décennies, et comme l'oscillation décennale du Pacifique vient juste de devenir négative, nous prévoyons que les conditions climatiques permettront un usage intensif de la route de glace pendant plusieurs décennies.
Comme nos témoignages d'aujourd'hui vous l'ont certainement montré, la science du climat est un domaine de recherche vaste qui évolue rapidement. Bien des choses que nous pensions savoir au sujet des systèmes climatiques il y a quelques années à peine se révèlent aujourd'hui très incertaines ou tout à fait erronées. Je peux affirmer sans risque d'exagérer qu'il y a eu une révolution de la science du climat depuis l'adoption du Protocole de Kyoto. Si nous avions su au milieu des années 1990 ce que nous savons aujourd'hui des changements climatiques, il n'y aurait pas eu de Protocole de Kyoto parce qu'on l'aurait jugé inutile.
S'il est vrai que la science est effectivement établie dans certains domaines, ce n'est pas le cas de la science du changement climatique, qui en est encore à ses balbutiements et pour laquelle des milliers de rapports sont encore publiés chaque année.
Merci de votre attention, monsieur le président, membres du comité. Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.
Le président : Merci. Tout cela est fascinant.
Chers collègues, chacun de ces témoins nous a remis des documents que nous avons envoyés à la traduction. Quand ils seront prêts, nous les publierons sur le site Web du comité avec le compte rendu de la séance d'aujourd'hui.
Le sénateur Lang : Merci de votre présence. Vos thèses sont très intéressantes. Ce ne sont pas des thèses dont nous avons beaucoup entendu parler, étant donné la manière dont le changement climatique a été politisé au cours des dernières décennies.
Je voudrais poser une question à M. McKitrick du fait de sa vaste expérience et de son rôle auprès du GIEC.
Je crois qu'une des choses qui devraient préoccuper le monde entier, tout comme les Canadiens, est qu'on a délibérément voulu ne présenter qu'un seul message scientifique et politique au monde. Si je comprends bien, on s'interroge aujourd'hui sérieusement sur la validité de ce message. Je sais que, dans beaucoup des publications scientifiques jugées de qualité, les informations fournies par le truchement des Nations Unies sont parfois acceptées comme parole d'évangile et comme ayant été examinées par des pairs, alors que ce n'est pas nécessairement le cas. Que doit-on faire pour remédier à cette situation afin d'assurer un débat public légitime, fondé sur des informations valides, de façon à permettre aux citoyens du monde de comprendre ce qui se passe?
M. McKitrick : Je vous renvoie au rapport que j'ai présenté, qui comprend une liste de recommandations pour réformer le processus du GIEC. Nous avons besoin d'un organisme comme que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat pour réunir les informations scientifiques énormes de ce domaine et les présenter sous une forme utile aux décideurs publics. Le danger, quand on crée un tel organisme et qu'il s'arroge le droit de parler au nom d'une très vaste communauté scientifique sans qu'on ait la chance d'examiner ses procédures, est que cela lui donne énormément de pouvoir sans redevabilité. Les réformes que j'ai proposées amèneraient le GIEC à fonctionner plus comme les gens pensent qu'il fonctionne, ce qui est très loin d'être la manière dont il fonctionne en réalité.
La difficulté est que le GIEC est contrôlé par une assemblée plénière représentant 195 pays. L'examen des comptes rendus de ses dernières réunions montre que la plupart des délégués ne semblent même pas lire les documents qui leur sont fournis, exprimer de commentaires ou participer activement aux travaux. La plupart des pays n'ont fourni aucun commentaire au sujet du dernier rapport d'évaluation. Parmi les commentaires reçus, la moitié provenait de deux pays seulement, les États-Unis et l'Australie, qui sont aussi les deux pays qui ont refusé de ratifier le Protocole de Kyoto.
Le GIEC est un organisme qui a besoin de supervision, et le Canada y est représenté. Le Canada y envoie des délégués. Durant le dernier processus de réforme, le Canada est l'un des rares pays qui ont tenté de resserrer les procédures du GIEC. Je ne pense pas que ses efforts ont abouti, tout simplement parce qu'ils n'ont suscité aucun intérêt de la part des autres pays.
Je commencerais donc par voir qui est le point focal du Canada pour le GIEC, et j'essaierais d'intéresser un groupe de pays à entamer le processus de réforme. S'il y avait au sein de l'assemblée plénière un groupe de pays prêts à discuter de la situation et voulant vraiment que le GIEC fonctionne correctement, je pense qu'il pourrait faire des propositions de réforme à l'ensemble du groupe. À mon avis, si cet effort échouait, je pense que le Canada et quelques autre pays devraient simplement mettre sur pied leur propre processus consultatif et laisser tomber le GIEC.
Le sénateur Raine : Vous avez dit qu'il y a 100 délégués de 100 pays différents. Je suppose que ce sont des scientifiques qui ont été nommés là parce que ce sont des experts de la science du climat.
M. McKitrick : Non, ce sont des bureaucrates. Certains ont peut-être une formation scientifique. Ce sont des délégués bureaucratiques qui composent l'assemblée plénière. Il y a 195 pays membres. Les scientifiques qui rédigent les rapports constituent un groupe différent. Ce sont des groupes de travail. Ce sont les auteurs principaux dont j'ai parlé. Ils sont sélectionnés par le bureau de Genève. L'une des critiques les plus importantes que j'ai formulées dans mon rapport, et qui l'a aussi été par le InterAcademy Council, est qu'il n'existe aucune procédure officielle pour sélectionner les auteurs principaux. De temps en temps, le GIEC publie simplement une nouvelle liste. Personne ne sait vraiment comment elle a été composée. Le GIEC annonce simplement qui seront les principaux auteurs du prochain rapport. Il détient un contrôle absolu sur le choix des auteurs. Pour autant que je sache, même si le Canada peut faire des suggestions, comme n'importe quel autre pays, il ne peut intervenir directement dans cette décision. Les auteurs principaux sont réunis dans ce qu'on appelle des groupes de travail. Le groupe plénier, qui est censé être le groupe de supervision, n'est pas composé de scientifiques.
Le sénateur Lang : Monsieur Patterson, vous avez parlé de la situation de territoires du Nord-Ouest. Contrairement à ce qu'on a essayé de nous faire croire, c'est-à-dire que nous entrons dans une période infinie de réchauffement climatique à cause des émissions de CO2 et des gaz à effet de serre produits par l'homme, vous avez dit que nous entrons plutôt dans une longue période de refroidissement. Si tel est le cas, ça devrait être très préoccupant pour le Canada, et nous devrions nous organiser en conséquence. Pourriez-vous poursuivre un peu votre réflexion à ce sujet et peut-être, nous donner une idée de ce que nous devrions faire pour nous préparer à un tel phénomène, si nous acceptons cette prémisse?
M. Patterson : Certainement. Essentiellement, mes recherches dans les Territoires du Nord-Ouest sont financées par le CRSNG, en partenariat avec la route d'hiver de Tibbitt à Contwoyto, l'Alliance métisse North Slave et divers autres groupes ayant un intérêt à assurer la viabilité à long terme, ce qui veut dire que nous n'avons aucun préjugé en la matière. Nous faisons nos recherches d'un point de vue de science appliquée, pour essayer de comprendre la nature du climat, en particulier avec les mines de diamants qui ont besoin de services de transport dans le Nord. On parle en ce moment d'autres mines qui voudraient transporter des quantités massives de sulfures sur cette route de glace. Construire une route permanente dans cette région coûterait très cher, et c'est pourquoi nous effectuons ce genre de recherches.
Nous avons pu recueillir des échantillons et les analyser au niveau de résolution le plus élevé jamais obtenu. Grâce à une nouvelle technologie récente, nous pouvons examiner les changements annuels de résolution du changement climatique dans les Territoires du Nord-Ouest comme cela n'avait encore jamais pu être fait. On n'a encore fait que très peu de recherches à ce sujet. Nous faisons essentiellement œuvre de pionniers à cet égard.
Nous avons pu constater qu'il y a eu une variabilité énorme du climat dans cette région au cours des derniers millénaires. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles notre projet ne porte que sur les 3 500 dernières années. Si nous remontons plus loin dans le temps, les températures étaient considérablement plus élevées qu'aujourd'hui, et ce ne serait pas très utile puisque notre objectif est d'essayer d'analyser la situation climatique actuelle pour aller plus loin dans le temps.
Nos projections reposent sur notre interprétation des cycles. Ce que nous savons aujourd'hui, grâce aux recherches pionnières effectuées par M. Veizer et d'autres ces dernières années, a vraiment changé notre compréhension de la dynamique entre la force solaire, le dioxyde de carbone, la vapeur d'eau et d'autres facteurs, pour essayer de comprendre ce qui se passera à l'avenir.
En ce qui concerne ce qui pourrait arriver, c'est particulièrement important pour le Canada. On ne cesse de parler de réchauffement mais, comme nous nous trouvons à l'extrémité nord de l'agriculture au Canada, on ne cultive pas beaucoup de blé dans les Territoires du Nord-Ouest à l'heure actuelle. Si les températures commencent à baisser, cela risque de menacer la production agricole de l'Ouest canadien, par exemple. Si cela se produit au Canada, cela se produira aussi dans les pays d'Europe de l'Est, ce qui sera encore plus grave, car c'est la planète entière qui se refroidira.
Nous devons donc vraiment penser à diverses sortes de stratégies d'adaptation, pas seulement en fonction du réchauffement. Nous devons penser à ce qui pourrait arriver si les températures se mettaient à baisser, du point de vue des troubles sociaux, par exemple, et de tout ce qui pourrait aller avec. Nous sommes un vaste pays et nous pourrions probablement nous adapter à beaucoup de changements. Nos agriculteurs sont efficients et peuvent s'adapter en un tournemain. Si la planète se réchauffe, ils peuvent probablement adapter très rapidement leur agriculture mais, si elle se refroidit, ils ne pourront tout simplement plus rien cultiver parce que les saisons seront trop courtes.
Tout ce que nous demandons, c'est que les gens commencent à réfléchir aux diverses possibilités. Mes rapports au sujet de la route de glace sont fondés sur ce que nous projetons pour les prochaines décennies, c'est-à-dire que les conditions resteront probablement très bonnes pour continuer à utiliser cette route.
Le président : La semaine dernière, certains membres du comité ont tenu des audiences publiques à Regina, en Saskatchewan. Il y faisait -28 avec le refroidissement éolien. Cela me réchauffe.
M. Patterson : Il faisait -36 quand j'étais à Yellowknife, il y a quelques semaines.
Le président : Le sénateur Brown se trémousse d'aise depuis quelques instants. C'est lui qui a la parole, notre sceptique maison.
Le sénateur Brown : Pendant longtemps, c'était presque une insulte d'être qualifié de sceptique. Ce matin, j'en suis fort aise.
J'ai lu beaucoup de choses différentes sur le changement climatique depuis mon arrivée au Sénat. J'ai notamment lu l'ouvrage d'un géologue disant qu'il y a du changement climatique depuis 18 000 ans, et il n'est pas remonté plus loin simplement parce que nous n'avons pas d'échantillons allant plus loin dans le passé. Je suppose qu'il y avait aussi du changement climatique à l'époque des dinosaures.
J'ai toujours pensé que le soleil était le moteur le plus important de tout ce qui se passe dans le monde. J'ai lu quelque part qu'il y a une sorte d'orbite elliptique des planètes tournant autour du soleil. De temps en temps, elles se trouvent un peu plus près du soleil, et c'est sans doute ce qui cause les différents changements de température sur Terre, parce qu'il s'agit d'une orbite elliptique plutôt que parfaitement circulaire. Y a-t-il des données scientifiques à ce sujet, ou pensez-vous que ce n'est tout simplement pas possible?
M. Clark : Absolument, on possède beaucoup de données scientifiques à ce sujet. C'est ce qu'on appelle les cycles de Milankovitch. Milutin Milankovitch les a calculés mathématiquement en étudiant les paramètres géométriques de tout notre système solaire, les orbites planétaires autour du soleil et leur incidence sur l'attraction gravitationnelle concernant la Terre et le système Terre-soleil. Il y a trois effets. Vous avez parfaitement raison de dire que notre orbite autour du soleil passe d'une ellipse à une orbite plus circulaire. En outre, nous sommes dans une situation telle que notre pôle, qui pointe actuellement vers le nord, l'étoile polaire d'aujourd'hui, ne le faisait pas il y a 11 000 ans. Il était décalé par rapport à l'axe du pôle Nord.
Quel effet cela peut-il avoir? Le fait que nous pointions vers le soleil, quand nous sommes dans une orbite elliptique, ce qui veut dire que nous sommes plus ou moins éloignés ou proches du soleil, définit la quantité d'énergie que nous recevons selon les saisons. Il s'agit là de processus très importants. Tout tourne autour du soleil. Tout tourne autour du degré d'ensoleillement que nous recevons, degré qui varie selon la latitude. À certains moments, nous sommes proches du soleil, et c'est ce qu'on appelle le périhélie, et nous avons des étés chauds dans l'hémisphère nord, et des hivers froids, ce qui changera au bout de 11 000 ans lorsque nous aurons des étés doux et des hivers doux. Ces phénomènes ont une incidence considérable, et nous constatons de très bonnes corrélations. Ce sont les effets qui définissent en réalité les périodes glaciaires. C'est le rayonnement solaire, mais c'est la variabilité ou l'évolution du rayonnement solaire par rapport à la latitude.
Ces phénomènes ont été très bien documentés et nous voyons apparaître ces cycles dans beaucoup de relevés terrestres. C'est relié à la quantité de rayonnement solaire que nous recevons aux différentes latitudes et à différentes périodes de l'année. Vous avez absolument raison. Les données scientifiques à ce sujet sont très solides.
Le sénateur Brown : J'avais oublié de mentionner le décalage de l'axe polaire, qui fait que le pôle Nord est plus chaud à un certain moment, et le pôle Sud, plus froid. Cela peut s'inverser quand l'axe se redresse.
M. Clark : Il y a en réalité trois cycles. Vous venez de mentionner celui que j'avais négligé, qui est l'inclinaison, ou l'obliquité. L'axe de notre Terre, son axe de rotation, en plus de son oscillation, se déplace plus dans un sens ou dans l'autre, ce qui veut dire que nous sommes à certains moments en situation plus oblique et que le pôle est plus proche et plus directement pointé vers le soleil. Il s'agit là d'un cycle de 41 000 ans. Il y a trois processus agissant de conserve, et c'est ce qui rend la chose très compliquée. Le graphique que je vous ai montré des températures des carottes glaciaires est assez erratique à cause de l'action simultanée de tous ces cycles.
Le sénateur Brown : Je vous remercie tous les quatre. J'apprécie beaucoup vos témoignages.
Le président : Nous devrons bientôt vous appeler le sénateur de Milankovitch.
Le sénateur Massicotte : Merci de votre présence devant le comité. Évidemment, notre intérêt particulier, en qualité de parlementaires du Canada, serait de croire que ce que vous dites est exact. Toutefois, je suis sûr que vous comprenez qu'il s'agit là de questions très techniques et que nous sommes bien mal placés pour dire si vous avez tort ou raison. Ce qui est très bon et très sain, c'est ce débat. Les scientifiques devraient débattre et se contester constamment, car c'est ce qui permet de découvrir la vérité. La science est une question de probabilités. Espérons que vous vous ferez entendre et que le débat continuera. Comme vous le savez, nous ne sommes pas des experts et nous devons donc nous fier à la prépondérance des données probantes et à l'opinion des scientifiques. Tout ce que nous pouvons faire, c'est encourager le débat et voir ce qui arrive quand vos idées sont contestées par d'autres scientifiques.
Cela dit, je suis sûr que vous conviendrez que la grande majorité des scientifiques ne partage pas vos conclusions. Beaucoup apprécient probablement certaines de vos données, mais ils ne sont pas du même avis que vous. C'est la seule chose que nous pouvons dire parce que nous n'avons pas la compétence voulue pour déchiffrer tout ça.
Quelles ont été les réactions à vos conclusions? Vous avez publié vos idées. Comment y a-t-on réagi? Faites-vous des progrès? Comment se fait-il que vous n'ayez pas encore convaincu la grande majorité des autres scientifiques? Quel est le processus, et êtes-vous satisfaits de ce processus? Je ne sais pas qui veut répondre à ces questions.
M. McKitrick : Nous vous avons parlé ce matin, entre autres choses, de l'effet de rétroaction de la vapeur d'eau. Cet effet, dans les modèles, est concentré dans la troposphère au-dessus des tropiques. Il n'y a pas encore eu beaucoup d'articles à ce sujet dans les revues scientifiques, mais il y a deux groupes identifiables qui ont contesté cet effet.
Une étude dont je suis le coauteur et qui a été publiée l'an dernier reposait sur des méthodes statistiques valides pour analyser les séries de données et les modèles climatiques. Elle a été publiée dans une bonne revue de science atmosphérique. Nous avons pu montrer que la divergence entre les modèles et les observations est réelle, et que les modèles surestiment notablement le réchauffement dans leurs prévisions.
Ce qui est intéressant, dans la nouvelle série de courriels divulgués sur la science du climat, c'est qu'on a pu lire que certains membres de l'autre équipe qui, même s'ils ne veulent pas l'affirmer en public, reconnaissent en privé que c'est un problème pour eux et qu'il n'y a pas de réchauffement. L'un d'entre eux a même signalé que, s'il se passe quelque chose, c'est un phénomène de refroidissement. Comme je l'ai dit, l'un d'entre eux a dit que c'était comme vivre dans un paradis de sots. Ils ont dit qu'il « est dangereux » d'essayer de perpétuer cette impression.
Je peux parfaitement comprendre votre position comme décideur public. Que pouvez-vous faire quand vous avez d'un côté une institution comme le GIEC et ses diverses organismes satellites qui vous disent une chose et, de l'autre côté, des rumeurs indiquant qu'il y a d'autres points de vue?
C'est pour cette raison que j'aimerais orienter un peu plus la discussion vers ce que fait vraiment le GIEC, pour que les gens comprennent mieux de quoi il s'agit. Je ne pense pas qu'il soit aussi représentatif de l'opinion scientifique qu'on a essayé de le faire croire. En outre, pour ce qui est de savoir qui écouter, ce qui compte en dernière analyse, ce n'est pas l'opinion d'un scientifique ou de qui que ce soit, c'est ce que disent les données. Que veut-on mesurer? Si nous parlions d'inflation ou de taux d'intérêt, nous pourrions bien vous dire n'importe quoi, vous savez que vous pourriez aller vérifier les chiffres vous-mêmes. Je pense que c'est une question que vous pouvez poser aux scientifiques que vous rencontrez : que prédisez-vous? Comment faites-vous vos mesures, et que montrent vos mesures? C'est ça qui est le plus important en fin de compte.
Le sénateur Massicotte : J'entends bien. Même pour l'inflation, il y a toujours un débat sur ce qu'il faut mettre dans le panier. Rien n'est jamais certain, comme vous le savez.
Nous serions ravis de partager votre opinion. La nature humaine étant ce qu'elle est, certains d'entre nous exprimerons rapidement leur accord parce que c'est ce qu'ils veulent entendre. La plupart des pays, le nôtre compris, dépensent beaucoup d'argent à cause de la prépondérance des données qui ont été présentées. Notre propre ministre de l'Environnement a récemment déclaré que les scientifiques de notre propre gouvernement conviennent que le changement climatique est causé par l'homme et que c'est un problème critique. Toutefois, vous semblez dire qu'il existe à cet égard un préjugé élitiste et une tendance à la pensée unique. Cependant, je crois que bien des gens ont le préjugé contraire. Ils seraient très heureux d'être d'accord avec vous et de pouvoir dire que vous avez raison, car cela nous ferait économiser des milliards de dollars. Comment se fait-il que même le bureaucrate qui n'a pas de préjugé en la matière ne déclare pas publiquement : « Nous sommes d'accord avec vous, tout cela est faux »?
M. McKitrick : Je ne saurais parler au nom des bureaucrates mais, entre la communauté académique et la communauté scientifique du gouvernement, les scientifiques du gouvernement ont beaucoup moins de liberté de parole. Je n'accorde pas beaucoup de valeur à quelqu'un qui affirme que tous les experts partagent un certain point de vue alors que, foncièrement, la personne qui signe son chèque de paye est celle qui dit cette chose-là. Dans quelle mesure sont-ils libres de dire vraiment ce qu'ils pensent?
Je connais mieux le monde universitaire, où les gens ont beaucoup plus de liberté pour exprimer leur opinion. Je peux vous dire ainsi qu'il y a parmi mes collègues des débats très animés, avec tout un éventail d'opinions. Même à l'intérieur de chaque spécialité, on se pose toujours beaucoup de questions sur ce qui se passe.
Le sénateur Massicotte : C'est bien difficile, j'en conviens. Il y a beaucoup d'avis divergents. En fait, je pense que les esprits les plus éclairés diront : « Vous avez raison, nous ne sommes pas sûrs à 100 p. 100 de ce qui se passe ». Personne ne peut être sûr à 100 p. 100. Toutefois, dans notre vie quotidienne, nous devons prendre beaucoup de décisions en fonction des probabilités. Quand je traverse la rue, je regarde des deux côtés et je conclus que je ne vais pas me faire écraser. Peut-être devrais-je regarder trois ou quatre fois? Rien n'est jamais certain.
L'opinion de bien des gens, et c'est celle qui résume le mieux la mienne, est que les économistes affirment que nous ne sommes pas certains à 100 p. 100 qu'il y a un changement climatique, mais que ça nous coûtera 1,7 p. 100 de notre PIB si nous prenons les mesures. Si nous ne les prenons pas, ça nous coûtera probablement 5 à 10 p. 100. Nous allons peut-être gaspiller 1,7 ou 1,9 p. 100, mais c'est un peu comme une police d'assurance. Les gens semblent convenir qu'il y a de l'incertitude, mais ils pensent que c'est de l'argent bien dépensé. Qu'arriverait-il si nous nous trompions? Les conséquences seraient énormes. Que pensez-vous de ce raisonnement?
M. Veizer : Qu'arrivera-t-il si nous nous trompons dans l'autre sens? Combien cela nous coûtera-t-il?
Le sénateur Massicotte : Ça nous coûtera 1,7 p. 100.
M. McKitrick : Mais ce 1,7 pour cent n'est pas 1,7 p. 100 du PIB pour éliminer la menace du changement climatique. C'est 1,7 p. 100 du PIB pour atteindre l'objectif de Kyoto. Qu'aurez-vous acheté à ce prix? Si les modèles ont raison, ça ne fera que ralentir le processus de 5 p. 100. Si vous voulez prendre votre décision en fonction d'une analyse de rentabilité, vous devez bien veiller à comparer des choses comparables, c'est-à-dire à bien cerner ce que vous achetez effectivement avec votre police d'assurance.
Le sénateur Lang : En parlant de certitude, il me semble qu'il y a une chose qui est certaine : quand nous nous réveillons le matin, nous regardons le thermomètre pour voir s'il fait froid ou s'il fait chaud. Nous pouvons enregistrer les températures 365 jours par an et, à la fin de l'année, nous pouvons certainement dire si le monde se refroidit ou non.
M. Clark : C'est un problème très difficile. Je pense que M. McKitrick est le mieux placé pour en parler. C'est une mesure très difficile à faire. Quelle est la mesure de la température mondiale?
M. McKitrick : Il existe plusieurs bases de données différentes à ce sujet. L'une d'entre elles enregistre les températures de la surface terrestre, et c'est celle qui pose le plus de problèmes de qualité, bien que ce soit celle qui est le plus souvent mentionnée. On a des données de meilleure qualité grâce aux satellites météorologiques. Les ballons- sondes sont une autre source d'information. Le Canada a aussi été un vif partisan d'une chose qui s'appelait le réseau Argo, un réseau de 3 000 flotteurs robotisés qui sillonnent aujourd'hui les océans de la planète et relèvent constamment les températures depuis la surface jusqu'à une profondeur d'environ 900 mètres. C'est une base de données de meilleure qualité sur la température des océans, mais elle n'existe que depuis 2003.
J'ai surtout travaillé avec les données des satellites parce que je pense que ce sont les meilleures que nous ayons à notre disposition. Elles mesurent la température dans la région de l'atmosphère où se mélangent les gaz à effet de serre et où les effets devraient être le plus évidents.
La grande controverse concerne le fait qu'il semble y avoir plus de réchauffement à la surface que dans les données issues des satellites météorologiques, et que les modèles ne prédisent pas l'existence de cette divergence.
En ce qui concerne ce que nous surveillons, nous prêtons plus attention aux données des satellites météorologiques, qui sont mises à jour tous les mois. C'est cela qui commence à nous faire penser que, s'il y a vraiment un réchauffement, il ne semble pas avoir l'ampleur que prédisaient les modèles.
Le sénateur Banks : Comme l'a montré l'échange entre le sénateur Massicotte et le professeur McKitrick, nous ne sommes pas des experts. Nous avons le privilège d'écouter les experts, et c'est ce que nous faisons depuis deux ans et demi, et même plus longtemps pour certains d'entre nous.
En revanche, il nous incombera de prendre une décision, d'une manière ou d'une autre. Notre souci est de prendre nos décisions en fonction des données probantes que nous auront communiquées les experts, les gens qui savent ou qui prétendent savoir, selon que nous les jugeons convaincantes ou non.
L'une des choses sur lesquelles je pense que nous pouvons tous nous entendre, et vous l'avez démontré, c'est qu'il y a un changement climatique. La question, en ce qui concerne M. Gore et d'autres personnes comme lui, se résume à déterminer dans quelle mesure nous y contribuons, et à quel degré. Certains des témoignages que nous avons recueillis indiquent qu'il y a une différence exponentielle entre ce que nous faisons et ce que nous émettons depuis environ 100 ou 150 ans, et que cela a dans une certaine mesure faussé la question de savoir quel est notre impact à ce sujet.
Nous avons appris que toutes les prévisions sont erronées. Tous les modèles sont faux. Le plus petit écart par rapport aux modèles au début devient un très gros écart à la fin parce qu'on parle parfois de semaines, parfois de décennies, et parfois de siècles.
Personnellement, je crois au principe de précaution auquel faisait allusion le sénateur Massicotte. Si je vois un train débouler vers moi à 90 milles à l'heure, et même si personne ne peut prouver qu'il va m'écraser, je vais probablement quand même essayer de m'écarter de son chemin, même s'il n'y a aucune preuve qu'il va me toucher.
Il y a quatre scénarios essentiels, aux extrêmes, qui peuvent nous aider à décider. Le premier est de ne rien faire — je parle d'extrêmes — en matière d'atténuation. Dans ce contexte, rien ne se passe, tout va bien, il n'y a aucun effet négatif du changement climatique, ou en tout cas aucun effet que nous pourrions modifier. Si c'est ce sur quoi nous avons parié, nous sommes grands gagnants. Nous ramassons toutes les billes.
Le deuxième scénario est que nous ne faisons rien et que le pire arrive, ce qui nous oblige à vivre dans un monde invivable. Nous mettons nos petits-enfants dans une situation qui sera beaucoup moins confortable que la nôtre, c'est le moins qu'on puisse dire, et où ils connaîtront certaines difficultés. C'est un gros pari perdant.
La troisième possibilité est que nous faisons tout ce qui est possible. Nous nous ruinons pour essayer d'atténuer — rappelez-vous que nous parlons ici d'extrêmes —, mais rien ne se passe. Nous dépensons tout notre argent, mais c'est en pure perte parce que nous n'avions en réalité rien à faire dès le début puisque rien n'allait se passer. C'est également un gros pari perdant.
Le quatrième scénario est que nous nous ruinons pour essayer d'atténuer et que, de ce fait, nous sauvons le monde de ce qui aurait été sinon une terrible catastrophe. C'est un gros pari gagnant.
Nous avons le chaos économique à un extrême, parce que nous avons dépensé tout notre argent, mais nous avons réussi à sauver le monde. Il y a de bons paris à faire. Ou nous ne faisons rien et rien de mauvais ne se passe. C'est un bon pari. L'autre est que nous faisons tout, nous dépensons comme des fous et nous ruinons notre économie mais, grâce à cela, nous sauvons le monde pour nos petits-enfants et les générations futures en leur évitant une catastrophe écologique.
Quel pari devrions-nous faire?
M. McKitrick : Vous venez de montrer ce qui rend cette décision vraiment impossible. Je comprends parfaitement que vous leviez les bras au ciel en disant qu'aucune de ces solutions ne vous plaît. Ce que j'ai proposé, d'un point de vue économique, et c'est peut-être simplement une expérience théorique, mais vous pourriez vraiment le faire, serait de mettre en place une petite taxe sur le carbone dont la valeur serait directement reliée aux mesures de la température atmosphérique provenant des satellites météorologiques. Les gens devront alors commencer à essayer de prévoir l'évolution de cette taxe. S'ils croient ce que vous avez entendu aujourd'hui, ils diront que la taxe n'augmentera pas, et même qu'elle risque de diminuer, et qu'ils n'ont pas à s'inquiéter. S'ils croient par contre ce que dit l'autre groupe de scientifiques, ils se diront que la taxe augmentera considérablement dans les prochaines années et qu'ils feraient donc mieux de commencer à revoir leurs projets d'investissement.
En fait, avec cette solution, vous pousseriez les gens à choisir la thèse la plus crédible et à l'intégrer à leur prise de décision, mais sans avoir à vous engager dans un sens ou dans l'autre en disant lequel des deux groupes a raison. Au fond, vous feriez un choix tel que vous auriez toujours raison en bout de ligne, quel que soit le résultat ultime. Si au bout de 20 ans la taxe n'a pas augmenté, vous pourrez dire que vous n'avez pas gaspillé d'argent pour résoudre un faux problème. Par contre, si elle a augmenté et que les gens ont été obligés de réduire leur consommation d'énergie, vous pourrez dire : « Eh bien, nous avons eu raison, n'est-ce pas? »
Le sénateur Banks : Avoir raison quel que soit le résultat, c'est le nirvana pour un politicien.
M. Patterson : Et s'il fait plus froid? C'est un autre scénario que nous devons envisager.
Le sénateur Banks : Nous avons fait très attention à parler de changement climatique, pas de réchauffement de la planète.
M. Patterson : D'après mes recherches, le changement climatique peut intervenir très rapidement. Le climat peut se réchauffer ou se refroidir très vite. Nous devrions envisager d'élaborer de solides stratégies d'adaptation pour faire face à tout ce que Mère Nature pourrait nous réserver, comme des périodes de sécheresse.
Par exemple, l'oscillation décennale du Pacifique n'a été découverte qu'en 1996. Elle est étroitement reliée à quelque chose qu'on appelle l'Indice de sévérité de sécheresse de Palmer, qui concerne l'agriculture dans l'Ouest. Il y a des intervalles plus secs ou plus humides. Nous devons adapter nos politiques pour faire face à toutes ces situations, quelles qu'elles soient. Nous devons réfléchir aux divers changements qui pourraient se produire, qu'il s'agisse de réchauffement ou de refroidissement, parce que le climat change. Il peut changer vite, si l'on en croit les relevés géologiques.
Le président : C'étaient quatre paris intéressants, sénateur Banks.
Le sénateur Neufeld : Je suis dans le même camp que le sénateur Massicotte. En Alberta, nous avons entendu des scientifiques qui avaient tous les diplômes voulus à leur actif. C'est très simple, ça se passe. Nous passons d'un extrême à l'autre, d'un bord à l'autre.
Je ne suis absolument pas un scientifique. Je dépends de gens comme vous qui êtes allés à l'université et qui avez fait ce qu'il faut pour faire ce que vous faites dans votre vie. Je dois vous dire tout de suite que je ne suis encore ni dans un camp ni dans l'autre. Je m'interroge toujours. Je me suis pas mal occupé de ces questions pendant la dernière décennie. Si je me mets à la place de monsieur tout-le-monde, je suppose qu'il ne passe pas beaucoup de temps à s'interroger sur toutes ces questions, dans sa vie très mouvementée, parce qu'elles sont très controversées.
J'aimerais savoir combien de scientifiques comme vous sont sur la même longueur d'onde dans vos processus de pensée. Je ne conteste pas vos processus de pensée. Je me demande simplement si vous êtes nombreux dans votre camp. Les autres sont-ils muets? Pourquoi ne disent-ils jamais rien? S'ils sont muets, pourquoi diable le sont-ils? Ceux d'en face parlent très fort.
Je ne parle pas d'Al Gore, qui n'est pour moi qu'un politicien de plus qui sillonne la planète dans toutes sortes de véhicules consommant des quantités énormes de combustibles fossiles en disant à tout le monde que c'est très mal de faire ça. Je ne parle pas d'Al Gore, je parle des scientifiques. Je parle des gens qui ont autant de diplômes que vous.
Le président : Veuillez m'excuser, sénateur Neufeld. Le sénateur Massicotte et le sénateur Neufeld disent essentiellement que nous entendons beaucoup plus l'autre point de vue que celui que vous exprimez, messieurs. Pourquoi cela?
M. Veizer : Je ne peux vous répondre qu'en fonction de mon expérience personnelle. Tout d'abord, j'ai lu un jour que, lorsque le camion commence à dévaler la pente, on n'a que deux solutions : monter dans la benne ou se faire ratatiner sur la route. Le camion est en mouvement. Je suis né en Tchécoslovaquie, sous un régime communiste, et je sais que, quand les choses vont comme ça, on n'a pas d'autre choix que de monter dans la benne.
Dans le cas qui nous occupe, j'ai été un scientifique de très haut niveau recevant beaucoup d'appui en Europe et ici. Je n'ai pas à me plaindre. J'y croyais aussi, dans le passé, et je me suis intéressé à toutes ces questions parce que je voulais trouver le fameux chaînon manquant du dioxyde de carbone, parce que le Canada en recevrait le crédit. J'ai dû finalement faire volte-face, après plusieurs années, parce que j'ai vu beaucoup de publications sur les choses dont je vous ai parlé, comme les nucléides cosmogéniques et le rôle du soleil. Si vous voyez ce que dit le GIEC, il liquide toute la question en deux phrases et fait comme si elle n'existait pas.
Ce que nous vous avons montré, ce sont des données. Pas des modèles, des données. Sommes-nous dans un domaine scientifique où les bonnes corrélations ne signifient rien et où l'absence de corrélation est une preuve de CO2? Nous avons montré les corrélations. Elles sont connues. Ces études, comme la mienne, ont été publiées dans Nature. Pas un mot. En fait, il y a même eu des menaces personnelles et des attaques et des actions en diffamation contre des gens qui ont parlé du soleil. Ça commence à changer. Lentement, mais ça change.
La science n'est pas une démocratie. Si les données ne concordent pas avec ce que disent les modèles, ce ne sont pas les données qu'il faut changer mais les modèles.
M. Clark : Permettez-moi d'ajouter aussi que le réchauffement climatique est devenu une très grosse industrie, pas seulement dans le domaine politique, mais aussi dans le domaine scientifique. Je me trouvais il y a une semaine à Calgary où j'ai eu un débat public avec quelqu'un qui occupe une chaire de recherche sur le changement climatique. Son budget de recherche vient du fait que nous réchauffons la planète de manière catastrophique. Nous avons longuement discuté de la question en privé et il m'a dit que les scientifiques ne disent pas nécessairement la même chose en public et en privé. Il m'a dit qu'il acceptait les données scientifiques et, durant le débat, qu'il partageait bon nombre de mes opinions. En fait, il a accepté toutes mes opinions, mais cela ne l'a pas empêché de dire en fin de compte : « Mais nous rejetons du CO2 dans l'atmosphère; c'est un gaz à effet de serre; ça doit avoir un effet. »
Ce que les gens disent publiquement et ce que pensent les scientifiques n'est pas nécessairement la même chose. Nous devons être très prudents lorsque nous sommes confrontés aux conclusions de scientifiques qui sont totalement financés à un niveau beaucoup plus élevé que la communauté des sceptiques, si je peux dire. Dans une certaine mesure, ils suivront la ligne du parti.
Le sénateur Neufeld : En ce qui concerne le réchauffement, j'habite dans le nord de la Colombie-Britannique et j'ai donc passé une bonne partie de ma vie dans l'industrie du pétrole et du gaz naturel du Nord. J'ai passé beaucoup de temps dehors. C'est pourquoi je n'aime plus le froid. Je ne suis pas très vieux, à l'échelle géologique, mais là où j'habite, ça se réchauffe. Ça ne fait absolument aucun doute à mes yeux. Je sais qu'il fait beaucoup plus chaud, qu'il n'y a pas autant de neige qu'autrefois, et que les gens ne peuvent aller travailler dehors que beaucoup plus tard, parce que le sol est beaucoup plus mou. Tout le monde sait que le climat se réchauffe. C'est une chose que je comprends bien. C'est une chose que je constate dans ma propre vie.
J'ai entendu beaucoup de choses au sujet du Nord de la part des scientifiques, à la fois de ceux qui pensent peut-être qu'il n'y a pas de réchauffement et de ceux qui pensent le contraire, en parlant généralement du Nord, des glaciers et du Grand Nord. Je n'ai jamais entendu de gens parler du pôle Sud. En fait, à moins que cela m'ait échappé, je n'ai entendu aucun d'entre vous ce matin nous parler du pôle Sud. Que se passe-t-il au pôle Sud par rapport au pôle Nord? Pourquoi ne parle-t-on que du pôle Nord? Pouvez-vous m'expliquer ça?
M. Veizer : Premièrement, personne ne conteste qu'il y a une tendance au réchauffement. Nous sommes tous d'accord à ce sujet. Ce n'est pas contesté. La question qui se pose est d'en trouver la cause. Il y a du réchauffement, quelle que soit l'origine de l'énergie.
Deuxièmement, en ce qui concerne le pôle Sud, ce dont vous entendez parler dans les médias et ailleurs ne concerne en fait que ce qu'on appelle la péninsule, c'est-à-dire une très petite portion de l'Antarctique, environ 3 p. 100. C'est là qu'il y a du réchauffement, c'est vrai, mais, dans les 97 p. 100 restants de l'Antarctique, s'il s'y passe quelque chose, c'est une stabilisation, voire un accroissement, de la calotte glaciaire.
M. Clark : J'interviens au sujet de l'Arctique parce que j'y travaille. En fait, l'un de mes principaux domaines de recherche là-bas est l'incidence du réchauffement. Nous avons eu une centaine d'années de réchauffement et les températures du pergélisol sont donc plus élevées, et il y a des événements déclencheurs. Nous étudions les éboulements de roches et de glaces, qui sont des phénomènes très impressionnants. Nous y voyons la preuve du réchauffement dans cette région. Il faut cependant replacer ce phénomène dans un contexte de 100 années de réchauffement dont la majeure partie, même le GIEC en convient, semble avoir été un phénomène naturel.
Des recherches récentes montrent que les tendances actuelles au réchauffement observées dans l'Arctique ne sont pas dues aux gaz à effet de serre ou à l'effet de serre, mais plutôt à des changements dans la circulation de l'air et des océans et aux tendances dont parlait M. Patterson, comme l'oscillation décennale du Pacifique et l'Atlantique Nord. Ce sont là des mécanismes de réchauffement de l'Arctique que ne prédisent pas les modèles du réchauffement planétaire. Ce sont des phénomènes totalement différents. Donc, oui, il y a ce réchauffement, mais il n'a rien à voir avec les gaz à effet de serre.
Le sénateur Neufeld : Je vais maintenant plus faire une déclaration que poser une question. J'ai lu récemment qu'il faut je ne sais combien de milliards d'années-lumière pour que la lumière traverse la Voie lactée d'un bout à l'autre. Je me suis dit alors que nous ne sommes qu'un minuscule grain de poussière sur cette Terre et que nous pensons pouvoir faire quelque chose pour changer ce qui se passe dans tout cet univers absolument incroyable qui nous entoure. C'est juste un constat.
Le sénateur Wallace : Merci, messieurs. Tout ce débat vise en fin de compte à trouver des solutions, et c'est bien cela qui provoque des désaccords, c'est-à-dire savoir quelles solutions mettre en œuvre. Je suppose que les solutions dépendront du problème. Y a-t-il vraiment un problème de changement climatique?
En vous écoutant, je vous ai entendu parler de changement de température sur des milliers d'années, et nous voyons des tendances au réchauffement et au refroidissement. La Terre évolue toujours, elle n'est pas statique, et ça continue aujourd'hui.
La question que je veux poser à chacun d'entre vous, avant de parler de solutions, est celle-ci : croyez-vous qu'il y a un problème de changement climatique que nous devrions même essayer de résoudre, ou est-ce un problème qui dépasse de toute façon totalement le pouvoir d'action de l'homme?
M. Patterson : J'ai dispensé pendant de nombreuses années à l'Université Carleton un cours sur le changement climatique qui avait fini par attirer environ 800 étudiants, à mon grand désarroi, avant que je réussisse à m'en échapper pendant un petit moment. L'une des choses que j'essayais de faire comprendre à mes étudiants était que la seule constante du climat est le changement. Nous en avons déjà parlé aujourd'hui. Le changement climatique est perpétuel et, comme l'ont montré toutes nos recherches, il peut parfois être tout à fait spectaculaire.
La question n'est pas de savoir s'il y a ou non un changement climatique. Il y a toujours une sécheresse ou un réchauffement quelque part dans le monde. Les choses importantes auxquelles nous devons réfléchir sont de savoir comment nous y adapter et transférer des ressources d'une partie du pays ou du monde aux parties qui ont un problème.
La chose à laquelle nous devrions vraiment penser est de savoir comment nous nous adapterons aux changements climatiques qui se produiront, nous le savons très bien, et qui risquent de se produire très vite dans certains cas. Voilà ma position.
Le sénateur Wallace : Votre conclusion est donc que l'homme ne peut modifier le changement climatique, qu'il ne peut en réalité qu'essayer de s'y adapter, et que c'est à cela que nous devrions consacrer nos ressources? Est-ce bien là votre opinion?
M. Patterson : Mon opinion, et c'est la même pour d'autres questions, comme la pollution, dont les gens ne cessent de parler, est que, si ça se passe, faisons face. Mettons au point des technologies plus propres pour faire face aux vrais problèmes, au NOx et au SOx qui polluent l'atmosphère. C'est à cela que nous devrions consacrer notre argent.
Nous vivons ici dans une grande ville, Ottawa, par exemple. C'est un endroit merveilleux, très propre. Je suis allé en Chine et à Jakarta et je peux vous dire que je ne voudrais jamais y vivre, mais alors jamais, tellement l'air y est pollué. Essayons donc de résoudre ces vrais problèmes de pollution atmosphérique, le changement climatique n'est pas une chose que nous pourrons changer.
Je ne cesse de lire des articles sur ces 2 degrés Celsius magiques. Qu'est-ce qu'ils ont de si magique, ces 2 degrés Celsius? Il y a eu beaucoup plus de variabilité, même pendant les 10 000 dernières années, que 2 degrés Celsius.
Notre devoir est de nous adapter à tout ce qui peut arriver.
M. Veizer : Je crois personnellement qu'il y a les deux. Il y a le soleil, et il y a une certaine contribution du CO2. Elle est là, mais on ne peut pas dire que 90 p. 100 du CO2 est causé par l'homme, et que le soleil est pratiquement inexistant. En fait, s'il y a quelque chose, c'est probablement le contraire.
S'il y a un impact quelconque, c'est de la pollution. Vous pouvez aussi dire que, quand nous brûlons, nous polluons. Ça peut être utilisé comme mesure de l'activité pour calibrer notre pollution, mais pas en prétendant deux degrés, quatre degrés ou six degrés, parce que les modèles ne le permettent tout simplement pas.
Le sénateur Wallace : Votre conclusion est que les principaux facteurs du changement climatique sont la vapeur d'eau, ainsi que ce que vous avez appelé les enveloppes électromagnétiques autour du soleil et de la Terre, n'est-ce pas?
M. Veizer : Non, c'est l'un des facteurs. Le principal problème, ce sont les nuages. Personne ne sait comment faire des nuages. Il faut les ensemencer. Vous avez probablement entendu parler de cette grande expérience qu'on vient de faire à Genève, l'expérience dite du CLOUD. Elle confirme ce que d'autres disent depuis des années, comme Svensmark et moi-même, c'est-à-dire qu'on produit des petites particules qui peuvent servir de nucléides pour ces nuages. Il y avait des données montrant l'existence de corrélations, mais le problème est de savoir comment transformer ces particules minuscules en gros aérosols pouvant servir à la formation de gouttelettes. On dit qu'à cause de cela, ça n'a aucune valeur. Pourtant, ça concorde parfaitement avec la situation, avec le modèle du soleil.
Ce problème, faire des nuages, est exactement le même problème qu'il y a dans le CO2. Ils ne savent pas comment faire des nuages. Pourquoi, dans un cas, rejette-t-on toute la théorie alors que, dans l'autre, ce n'est pas un problème? C'est exactement le même problème. Je vous ai dit que la différence entre un ciel nuageux et un ciel sans nuage est de 30 watts. Nous nous déchirons au sujet de 1,6 watt.
Vous le savez vous-même. Quand le soleil brille, il fait chaud. Quand il y a des nuages, il fait froid. C'est comme ça. Si vous savez faire des nuages, et aucune théorie ne dit comment les faire, et que les nuages sont mis dans le modèle comme plus 0,6 watt ou quelque chose comme ça, la variation est pourtant de 30 watts. Comment pouvez-vous faire ça? Ce chiffre de 1,6 watt est un chiffre provenant de chiffres énormes, positifs et négatifs, qui ont en soi une marge d'erreur plus grande que 1,6, ou au moins égale. C'est tout le problème. On fait beaucoup d'expériences en ce moment, mais pourquoi une théorie est-elle rejetée et l'autre, acceptée?
Le président : Nous allons manquer de temps et je tiens à donner la parole au sénateur Mitchell. J'ai encore le sénateur Patterson et le sénateur Peterson.
Le sénateur Patterson : J'aimerais poser une question d'ordre économique au professeur McKitrick. Vous nous avez dit que le carbone est un très petit facteur du changement climatique, le facteur important étant le soleil et la vapeur d'eau. Vous avez parlé du danger que nous avons de nous dépatouiller là-dedans pendant encore 20 ans.
J'aimerais vous poser une question précise. Le gouvernement du Canada s'est engagé à réduire les émissions totales de gaz à effet de serre de 17 p. 100 entre 2005 et 2020, en y allant secteur par secteur. Je pense que cela vise le dioxyde de carbone. Considérant ce que nous avons entendu aujourd'hui, que je trouve très convaincant, diriez-vous que cette démarche était erronée et que ce sera une autre forme de dépatouillage pendant encore 20 ans?
M. McKitrick : En fait, même si l'on adopte la thèse du GIEC sur l'effet des gaz à effet de serre, ce qu'a proposé le gouvernement du Canada aurait un effet extrêmement minime, même si nos principaux partenaires commerciaux adoptaient le même objectif.
C'était ce que je voulais dire au sujet du Protocole de Kyoto tout à l'heure : nous avons eu d'énormes difficultés à essayer d'atteindre cet objectif, alors que les mêmes modèles qui disaient que nous avons un problème disent que nous avons besoin de quelque chose comme 30 fois Kyoto ne serait-ce que pour commencer à freiner le processus.
Il y a là un problème d'échelle. Si l'on décide d'agir, que ce soit secteur par secteur, ou par une taxe sur le carbone, ou par quelque chose comme ça, vous avez toujours le droit de demander ce que sera exactement l'effet sur le problème de fond. Si vous posez cette question, je pense qu'on vous répondra que ça ne changera en réalité rien du tout à cette histoire de réchauffement planétaire, pratiquement quel que soit votre point de vue sur les deux thèses scientifiques en lice.
Cela étant, j'affirme que la technologie actuelle fait qu'il serait très difficile de savoir quoi faire du CO2. Ce n'est pas comme le soufre, qu'on peut capter, qui devient solide et dont on peut se débarrasser. Si vous captez du CO2, ça restera toujours un gaz que vous devrez mettre quelque part. Ce n'est pas efficient, comparé aux matières particulaires du soufre.
Avec notre technologie actuelle, je doute considérablement que nous puissions même atteindre une réduction de 17 p. 100 sans avoir à imposer des coûts considérables à de grands secteurs. Si vous demandez ce que cela va nous acheter, quelle que soit l'opinion de qui que ce soit sur les données scientifiques, ça ne nous achètera rien. J'aimerais que cet objectif fasse l'objet d'un débat beaucoup plus vigoureux que jusqu'à présent.
Le sénateur Patterson : Les efforts que vous avez mentionnés au sujet des matières particulaires et du dioxyde de soufre, qui semblent avoir été efficaces au Canada, avez-vous dit, produisent-ils des bienfaits économiques à votre avis?
M. McKitrick : Oui. Au début des années 1970, la concentration de particules dans l'atmosphère de Toronto était de plus de 100 microgrammes par mètre cube. Aujourd'hui, c'est environ 30 microgrammes les mauvais jours. Pour le dioxyde de soufre, c'était environ 140 parties par milliard. Aujourd'hui, dans pratiquement toutes les villes de l'Ontario, c'est entre une et cinq parties par milliard. Dans la plupart des collectivités, ce n'est même plus mesuré parce que c'est disparu. Dans ces deux cas, il y avait des technologies relativement peu dispendieuses qui ont permis d'extraire ces particules des cheminées, et les convertisseurs catalytiques des automobiles nous ont débarrassés d'environ 97 p. 100 de ce qu'émettaient les automobiles des années 1960. Il avait donc dans les deux cas des technologies bon marché qui ont produit des résultats énormes.
Avec le CO2, nous faisons face à la situation inverse. Vous avez des solutions qui coûtent cher et qui produisent peu de résultats. Je le répète, quelle que soit votre opinion des données scientifiques, d'un point de vue purement économique les chiffres ne cessent d'être défavorables en ce qui concerne ces efforts de type Kyoto ou plus récents pour imposer des cibles. Les chiffres ne sont tout simplement pas bons.
Le sénateur Peterson : On ne cesse de nous dire que nous avançons rapidement vers un point de rupture après lequel la situation sera irréversible. J'aimerais savoir ce que vous en pensez car, si nous sommes encore en train d'étudier la question à ce moment-là, il sera trop tard pour nous adapter.
M. Clark : Ces points de rupture sont fondés sur des rétroactions hypothétiques indiquant que la Terre se comportera de manière prévisible et mesurable. Ce que nous avons montré aujourd'hui, je l'espère, c'est que la Terre est très imprévisible et que le système climatique englobe beaucoup de mécanismes. Il est incroyablement compliqué. Il est même presque chaotique, bien que nous découvrons qu'il existe des cycles et des événements dans le temps géologique, et il y en a eu pendant les dernières décennies. Ces phénomènes peuvent servir à faire des projections dans l'avenir avec une certaine certitude. Ce dont parlait M. Patterson au sujet de choses telles que les routes de glace et l'oscillation décennale du Pacifique montre qu'on peut faire certaines prédictions.
On nous dit constamment que la situation est « catastrophique ». Des déclarations alarmistes selon lesquelles le seul endroit habitable sur Terre dans 100 ans sera l'Antarctique émanent du conseiller scientifique du gouvernement britannique. Ce ne sont là que des affirmations alarmistes. La notion de points de rupture et l'idée que nous allons entrer dans un cycle climatique irréversible et que la planète deviendra inhabitable parce qu'elle sera trop chaude ne sont que des hypothèses fantasques formulées à partir de ce que les scientifiques ont pu dire et de ce que des politiciens et des militants ont pu en déduire. C'est totalement grotesque. Ça ne correspond absolument pas aux relevés géologiques qui nous montrent plutôt un système qui retrouve son équilibre au bout d'une centaine ou d'une vingtaine d'années.
Bon nombres de ces études scientifiques ont été documentées dans un excellent ouvrage que vous pourriez facilement vous procurer, Climate Change Reconsidered, publié par deux groupes, CO2 Science et le Science & Environmental Policy Project. J'en ai apporté un exemplaire avec moi. Les données scientifiques que nous avons essayé de vous présenter aujourd'hui sont très bien documentées dans les revues scientifiques.
Le sénateur Mitchell : Je tiens à dire pour commencer que je ne doute aucunement de la sincérité des témoins. Je pense que leur sincérité est d'autant plus évidente qu'ils maintiennent leur position et leurs conclusions face à des milliers et des milliers de scientifiques et d'économistes indépendants dont les travaux sont diffusés dans une foule d'institutions académiques ou autres du monde entier et qui répondent de manière écrasante aux arguments qui ont été présentés aujourd'hui, avec un consensus dévastateur et une fréquence dévastatrice. Donc, je ne doute pas de votre sincérité.
Ce n'est pas seulement du GIEC qu'il s'agit, qu'on a essayé de nous présenter sous forme d'épouvantail. Les scientifiques qui s'opposent aux thèses des témoins ne sont pas seulement les scientifiques du GIEC. Ce sont des scientifiques indépendants qu'on trouve littéralement dans le monde entier. Dans un sens, croire ces arguments reviendrait à croire à l'existence d'une sorte d'étrange conspiration mondiale englobant tous les scientifiques indépendants dont nous devrions remettre en question l'intégrité et la motivation. Il s'agirait d'une conspiration mondiale d'une ampleur quasiment incompréhensible. Leur sérieux scientifique devrait être remis en cause jour après jour.
Puisque je parle de conspiration, j'ai entendu aujourd'hui une déclaration qui met clairement cette notion en relief. Quelqu'un a dit que le gouvernement Harper imposerait une sorte de bâillon aux scientifiques du gouvernement pour imposer le consensus des élites sur le changement climatique.
Croyez-vous vraiment que le gouvernement Harper obligerait ses scientifiques à appuyer l'idée qu'il y a un changement climatique qui est causé par l'homme? Il est évident que ce serait le dernier gouvernement au monde à forcer ses scientifiques à faire cela. En fait, si vous lisez les documents produits par le ministère de l'Environnement, parce qu'il y en a qui réussissent à voir le jour, ils soulignent tous l'urgence du changement climatique et confirment qu'il existe.
Vous me faites penser à cette dame qui disait un jour, en regardant son fils marcher dans un défilé militaire : « Il n'y en a aucun qui marche au pas, sauf mon petit Johnny. » À part vous, personne ne marche au pas. Des milliers et des milliers et des milliers de scientifiques, 99 p. 100 des scientifiques de la planète, ne marchent pas au pas.
Le problème, bien sûr, est qu'il existe des tonnes d'études scientifiques réfutant point par point de manière dévastatrice et écrasante ce que vous avez dit aujourd'hui. Nous devrions peut-être convoquer d'autres témoins mais, en fait, je ne pense pas que ce soit nécessaire, car ce que je vais dire maintenant réglera la question.
David Keith est un chef de file de réputation mondiale dans ce domaine, et un physicien extrêmement respecté. L'une des choses qui m'ont fait sourire en réponse aux témoignages que nous avons entendus est cette idée que nous ne savons pas dans quelle mesure l'homme a un impact sur le CO2. David Keith a dit ceci :
Voyons donc! Nous avons de très nombreuses méthodes complètement indépendantes pour le mesurer. Cette question est réglée. Prétendre le contraire me fait penser à un problème que nous avons dans notre société de méfiance instinctive envers les institutions scientifiques et le rationalisme. C'est le même genre d'attitude qui s'exprime quand on dit que les vaccins sont dangereux et que nous ne devons donc pas vacciner nos enfants, ou que les téléphones cellulaires causent le cancer, ou que le darwinisme est une idée fausse [...]
Je vais conclure en disant que le professeur Veizer a clairement déclaré en réponse aux questions que personne ne conteste la tendance au réchauffement. Il a ensuite ajouté, et c'est le sens de son témoignage, que, même si réchauffement il y a, il n'est pas causé par l'homme.
Comme nous allons manquer de temps, je ne poserai pas de questions. Je conclus en disant que, si ce phénomène n'est pas causé par l'homme, il est alors grand temps pour nous tous d'avoir vraiment très peur car, si nous n'en sommes pas la cause, ça veut dire que nous ne pourrons rien y faire. Je n'ai vu aucune preuve ni aucune indication dans la littérature scientifique que j'ai reçue que, si le phénomène est spontané, il s'arrêtera de lui-même à un certain niveau acceptable qui ne sera ni beaucoup trop chaud ni beaucoup trop froid.
Je suis heureux que nous ayons invité ces témoins pour entendre l'autre point de vue dans tout ce débat. Nous en tiendrons compte comme il se doit quand nous préparerons notre rapport.
Le sénateur Lang : J'aimerais faire une remarque. Je sais que le sénateur Mitchell et moi-même sommes d'un avis différent sur ces questions, mais je tiens à vous dire, messieurs, que je ne considère pas vos témoignages comme une « conspiration » parce qu'ils ne concordent pas avec ce qu'on raconte au public du monde entier. J'apprécie sincèrement le fait que vous introduisiez dans le débat des faits concrets et scientifiquement valides pour expliquer ce qui s'est produit dans le passé.
L'une des choses qui me déplaisent, en tant que Canadien, est la dérive politique qu'on a imprimée au changement climatique à cause des émissions de CO2. Je pense que la réalité d'aujourd'hui, plus qu'auparavant, est que le changement climatique se produit quotidiennement, et pas nécessairement à cause de l'homme.
Je voudrais simplement conclure en vous lançant un défi, messieurs, ainsi qu'à quiconque a un autre point de vue sur la question : veuillez faire tout votre possible pour intervenir dans ce débat public, car je pense que vos voix ont jusqu'à présent été étouffées. J'estime que les gouvernements vous ont délibérément et indirectement placés dans une situation telle que certaines personnes ont effectivement fini par y voir une sorte de conspiration. Je pense que le débat sur cette question devrait être vigoureux, d'autant plus que, comme le montrent les recherches de M. Patterson, c'est peut-être à une longue période de refroidissement que nous devrions plutôt nous préparer. Si tel est le cas, nous ferions mieux de réfléchir sérieusement à ce que nous faisons.
Le président : Cela me rappelle l'époque où je plaidais devant les tribunaux. Les avocats des deux parties ont maintenant terminé leurs plaidoyers respectifs, qui seront dûment pris en considération par Sa Seigneurie.
Le sénateur Raine : Plutôt que de poser une question, j'aimerais entendre les conclusions finales des témoins.
M. Patterson : Permettez-moi de faire une dernière remarque. Dans la communauté des sciences de la Terre que nous représentons, notre point de vue n'est pas tellement différent de ce qui se dit généralement. Si le sénateur Mitchell assistait à l'une de ces très grandes conférences auxquelles nous participons, et auxquelles participent des milliers de personnes, il constaterait que notre point de vue est partagé par un très grand nombre de chercheurs.
Il y a parfois des problèmes avec les publications dans lesquelles nous essayons de nous exprimer. Par exemple, Nature Geoscience a publié il y a quelques semaines un article prévoyant une réduction de 17 p. 100 de la capacité des routes de glace d'ici à 2050. Or, si vous examinez les données sous-jacentes, vous constaterez que cette recherche repose sur cinq années de données seulement, mais que cela ne l'a pas empêchée d'être publiée dans l'une des premières revues scientifiques au monde. Aujourd'hui, nous vous avons présenté des constatations reposant sur 5 000 années de données, pas cinq. Il faut donc tenir compte de la qualité des données sur lesquelles reposent certaines projections.
Par exemple, le professeur McKitrick a mis en relief certains problèmes inhérents au GIEC, qui dissimule vraiment certaines recherches. Si vous examinez toutes les publications savantes qui existent dans ce domaine, et elles sont très nombreuses, vous verrez que notre point de vue n'est pas si déphasé que cela. On le présente différemment. Je pense que c'est le principal constat que nous voulions exposer.
M. McKitrick : Je n'ai que deux remarques à formuler. Premièrement, sénateur Mitchell, je n'ai pas dit que le gouvernement Harper, comme gouvernement Harper, bâillonne ses scientifiques. Ce que j'ai dit, c'est que les scientifiques du gouvernement ne sont pas aussi libres d'exprimer leur opinion personnelle que ceux du monde universitaire, et cela quel que soit le parti au pouvoir.
Le sénateur Mitchell : S'ils l'étaient, ils n'appuieraient pas votre position.
M. McKitrick : Ma deuxième remarque est que j'ai participé l'été dernier à un débat de la American Statistical Association, qui avait mis sur pied un comité chargé d'examiner des applications de l'analyse statistique à ces questions de climat. Les mêmes questions de fond revenaient constamment sur le tapis. L'écart entre ce que projettent les modèles et ce que montrent les données est là, dans les données, et il est entendu qu'il est dans les données.
Si vous entendez quelqu'un comme David Keith, que je connais et qui est très respecté dans son domaine, ne tenez pas pour acquis qu'il s'exprime au nom d'un très vaste groupe ou qu'il exprime un consensus, mais demandez-lui plutôt : comment expliquez-vous ces écarts? Il a peut-être une réponse à laquelle personne n'a encore pensé. Quoi qu'il en soit, ces écarts existent et je pense qu'on doit en tenir compte.
Le sénateur Brown : Je voudrais dire que les vrais sceptiques dans toute cette affaire sont ceux qui ont commencé avec le film d'Al Gore et qui ont commencé par dire que le vrai problème était le réchauffement planétaire, mais qui, moins de deux ans après, se sont mis à parler plutôt de changement climatique. Il ne s'agissait pas de changement climatique au départ, il s'agissait de réchauffement planétaire. J'ai aussi lu quelque part un article de gens de la NASA disant qu'il y a eu jusqu'à présent un réchauffement de quatre dixièmes de degré Fahrenheit.
M. Veizer : Sénateur Mitchell, me serait-il possible de dire quelque chose qui ne sera pas enregistré?
Le président : Vous pourrez discuter en privé avec le sénateur Mitchell, si vous le voulez. Pour le moment, tout ce qui se dit ici est enregistré. Voulez-vous dire quelque chose que ne voudriez pas dire en public?
M. Veizer : Le problème est que beaucoup de gens disent simplement que l'affaire est entendue, c'est à cause du CO2. Je vous pose une question. Je pousse peut-être le bouchon un peu loin, mais combien d'entre vous réalisez qu'il n'y a pas de CO2 dans les modèles climatiques de toutes ces prédictions? Il y a du CO2 prescrit. On appelle ça du « CO2 prescrit ». C'est l'énergie. Ce n'est pas parce qu'on appelle ça du « CO2 prescrit » que c'est du CO2.
Le président : Au nom du Sénat et de ce Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, je vous remercie tous d'être venus témoigner. Cette audience a été organisée à très court préavis, mais cela ne vous a pas empêchés de faire des exposés très réfléchis et, je crois, de présenter une réaction équilibrée à nos différents points de vue. Votre contribution nous sera très utile. Vous nous avez fait mieux comprendre ce que vous pensez, et c'est utile.
Il se peut fort bien que nous reprenions contact avec vous. Le sénateur Mitchell et moi-même, ou le sénateur Neufeld, ou le comité directeur. Nous verrons bien. L'étude que nous avons entreprise porte sur l'énergie dans son ensemble, et le soleil en est un facteur très important. Merci beaucoup, messieurs.
(La séance est levée.)