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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 22 - Témoignages du 10 mai 2012


OTTAWA, le jeudi 10 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 7, pour étudier la teneur des éléments de la Partie 3 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous.

D'emblée, je vous remercie tous de votre présence. Il est merveilleux et impressionnant d'avoir autant de participants alors que le préavis a été extrêmement bref.

Je suis le sénateur David Angus, et je viens de Montréal, au Québec. Je préside le comité. Je vais présenter tout le monde pour que tous puissent se connaître. À ma droite, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, vice-président du comité. À sa droite, Sam Banks et Marc Leblanc, de la Bibliothèque du Parlement. Ils sont des adjoints très compétents qui sont là pour nous aider à faire notre travail. Immédiatement à la droite de Marc se trouve le sénateur George Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador, puis le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan. À sa droite le sénateur Paul Massicotte, qui vient de Montréal, au Québec, en passant par le Manitoba. À ma gauche, vous voyez notre compétente greffière, Lynn Gordon, et, à sa gauche, le sénateur Janis Johnson, du Manitoba. Le sénateur Daniel Lang représente le Yukon, et le sénateur Judith Seidman est de Montréal, au Québec. De Saint John, au Nouveau-Brunswick, nous accueillons le sénateur Johnson Wallace, et le dernier mais non le moindre est le sénateur Bert Brown, de la belle province Alberta.

Mesdames et messieurs, bienvenue à tous, bienvenue non seulement aux sénateurs, aux témoins et à nos merveilleux fonctionnaires, mais aussi à tous ceux qui suivent nos délibérations sur le réseau CPAC et sur le web.

Nous sommes ici ce matin après un avis relativement bref pour faire une étude préalable du projet de loi C-38 et plus particulièrement de sa troisième partie.

Le projet de loi C-38 est la mesure portant exécution du budget de 2012, et il est à l'étude à la Chambre des communes en ce moment même. Nous nous préparons à jouer ce que nous considérons comme notre très important rôle de second examen objectif de ce projet de loi très important.

Le 3 mai, étant donné la longueur du projet de loi C-38, dont nous avons des exemplaires sur papier pour tout le monde, le Sénat a autorisé divers comités sénatoriaux à étudier la teneur du projet de loi, autrement dit, à en faire une étude préalable. Le projet de loi a été présenté à la Chambre le 26 avril 2012.

Notre comité a été autorisé — et cela lui a même été ordonné — de faire l'étude préalable de la partie 3 du projet de loi, qui est décrit dans le sommaire, comme contenant des mesures liées au développement responsable des ressources. Je vous renvoie à cette documentation, qui est une présentation qui résume cette partie consacrée au développement responsable des ressources.

Honorables sénateurs, vous devriez avoir un exemplaire du projet de loi, et vous remarquerez que la partie 3 va des pages 31 à 184. Aujourd'hui, nous aurons droit à une séance d'information technique présentée par des fonctionnaires de divers ministères et organismes qui sont touchés par ces dispositions et doivent s'en occuper.

Comme vous pouvez le voir, nous avons une troupe de milliers de personnes, littéralement. À l'arrière, ce ne sont pas tous des membres de notre personnel. Il y a aussi des fonctionnaires qui sont là pour répondre à nos questions pénétrantes si leurs supérieurs qui prennent place à la table ne peuvent donner une réponse satisfaisante à nos questions.

Le premier à intervenir, et je lui souhaite la bienvenue, est M. Dale Eisler, sous-ministre adjoint, Groupe de travail sur la sécurité énergétique, la prospérité et la durabilité, de Ressources naturelles Canada.

Je crois savoir que vous ferez la déclaration liminaire après quoi vous prendrez congé et laisserez vos collègues se charger du reste.

Votre siège sera donc libre et c'est là que ces autres fonctionnaires pourront prendre place au besoin.

Permettez-moi de présenter sans plus tarder les autres fonctionnaires qui sont autour de la table.

Des Ressources naturelles Canada, nous accueillons M. Jay Khosla, sous-ministre adjoint, Bureau de gestion des grands projets. Nous avons entendu parler de ce bureau. Nous sommes donc heureux de vous accueillir pour que vous nous en appreniez un peu plus à son sujet. Il y a aussi Adam Hendriks, directeur, Opérations Ouest du Canada, au Bureau de gestion des grands projets. De Pêches et Océans Canada, nous accueillons Kevin Stringer, sous-ministre adjoint, Politiques relatives aux programmes. Représentant Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, voici Jean- François Tremblay, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone. De l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, l'ACEE, nous accueillons Mme Helen Cutts, qui est accompagnée de Steve Mongrain, conseiller principal en politiques, Secteur d'élaboration des politiques. Enfin, et ce n'est pas la moindre, nous recevons Coleen Volk, d'Environnement Canada.

C'est une affaire complexe et aussi d'une grande importance, croyons-nous, pour l'exploitation des ressources au Canada et la protection de l'environnement ou au moins pour une exploitation qui ne soit pas préjudiciable à l'environnement.

Enfin, monsieur Eisler, vous avez la parole. Un autre sénateur vient d'arriver, le sénateur Elaine McCoy, de la belle province de l'Alberta. Nous commençons. À vous la parole, monsieur.

Dale Eisler, sous-ministre adjoint, Groupe de travail sur la sécurité énergétique, la prospérité et la durabilité, Ressources naturelles Canada : Merci, et je vous souhaite le bonjour.

[Français]

Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie pour votre invitation. Mon nom est Dale Eisler, je suis sous-ministre adjoint à Ressources naturelles Canada.

Avant de répondre à vos questions concernant le plan pour le développement responsable des ressources, j'ai une courte présentation qui décrira le contexte et les mesures clés de la législation.

[Traduction]

Mes collègues des divers ministères et organismes compétents pourront répondre à vos questions sur divers éléments du projet de loi dont le Parlement est maintenant saisi. Il me semble juste de dire que la représentation d'aujourd'hui, composée de divers éléments du gouvernement, reflète vraiment l'approche pangouvernementale qui sous-tend le projet de loi.

Si vous me suivez sur les diapositives, j'en suis à la deuxième. D'abord, quelques faits pour situer la question dans son contexte.

Le président : Il s'agit donc de ce document, monsieur?

M. Eisler : C'est exact, ce document. La diapositive 2 traite du contexte. Les ressources naturelles ont toujours été une partie importante de l'économie canadienne, et elles le demeurent. On estime que, au cours des 10 prochaines années, il pourrait y avoir plus de 500 projets majeurs, représentant des investissements prévus de quelque 500 milliards de dollars dans les secteurs énergétique et minier au Canada.

[Français]

Pour profiter pleinement de ses investissements et du potentiel économique du Canada, le gouvernement croit que le Canada doit avoir un système qui est efficace et efficient pour la révision des grands projets.

[Traduction]

L'objectif poursuivi par le projet de loi est de donner aux Canadiens les meilleurs débouchés économiques qui soient possibles, mais aussi de maintenir les normes les plus élevées possible quant à la protection de l'environnement, tout en honorant notre obligation de consulter les peuples autochtones.

Diapositive 3 : l'actuel régime de réglementation présente beaucoup de difficultés. D'abord, le gouvernement estime que l'ensemble des lois, règlements et politiques doivent s'appliquer de façon coordonnée.

Deuxièmement, le gouvernement a relevé plusieurs problèmes dans l'exécution des examens. Ils n'ont pas d'échéances fixes, ils sont imprévisibles et ils demandent parfois des années. On examine trop de petits projets courants. La responsabilité est diffuse, et les attributions sont réparties entre de multiples organismes de réglementation. Les processus fédéraux et provinciaux se chevauchent. Il y a des lacunes dans les moyens d'assurer la conformité en matière d'environnement et d'exécution, et les approches de la consultation auprès des Autochtones manquent d'uniformité.

[Français]

Le gouvernement estime que pour régler les problèmes dans l'ensemble du régime, une solution globale est nécessaire en ce qui concerne les lois, les règlements et les politiques.

Diapositive 4 : selon les règles actuelles, divers types de petits projets sont attrapées dans le système réglementaire.

[Traduction]

Souvent, ces petits projets présentent peu ou pas de risques pour l'environnement, et je ne vais citer qu'un exemple pour l'illustrer. Marine Atlantique Canada avait un parc de stationnement à aménager et devait faire une évaluation environnementale du projet, alors qu'il s'agissait simplement d'apporter des améliorations nécessaires à un parc de stationnement du terminal à Argentia, à Terre-Neuve. Ce n'était pas un nouveau parc, mais simplement l'amélioration d'un parc existant. Et il fallait pourtant une évaluation environnementale.

Diapositive 5 : le gouvernement croit également qu'il faut moderniser le régime non seulement à cause de ce qui se passe dans le cas des petits projets, mais aussi parce que les projets majeurs se heurtent à des problèmes également.

Voici l'exemple du projet de pipeline de 2 milliards de dollars d'Enbridge, reliant Hardisty, en Alberta, à Gretna, au Manitoba. Outre l'Office national de l'énergie, plusieurs ministères fédéraux étaient en cause. Que s'est-il passé? Les ministères fédéraux ont fini par prendre leurs décisions pas moins de deux après que l'Office national de l'énergie eut donné son approbation.

[Français]

Voila pourquoi le gouvernement estime que le régime doit être revu et modernisé.

[Traduction]

Diapositive 6 : le plan gouvernemental de développement responsable des ressources s'appuie sur les initiatives qui ont été prises ces dernières années pour améliorer la gestion des grands projets d'exploitation des ressources. Le projet de loi est du même ordre. En 2007, le gouvernement a mis en place le Bureau de gestion des grands projets afin de mieux coordonner les examens fédéraux par une approche englobant tout le système. En 2009, il a apporté des modifications pour accélérer les dépenses en infrastructures dans le cadre du Plan d'action économique du Canada. La même année, il a élaboré un plan d'action pour améliorer le régime de réglementation dans le Nord.

En 2010, le gouvernement a apporté des modifications ciblées à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et il a établi des programmes spéciaux de financement des participants.

[Français]

Dans le cadre du Plan d'action économique du Canada de 2012, le gouvernement a proposé d'affecter 165 millions de dollars sur deux ans pour soutenir le développement responsable des ressources, y compris des fonds pour le bureau de gestion des grands projets.

[Traduction]

Le but ultime de la démarche est de mettre en place un régime dans lequel chaque projet fera l'objet d'un seul examen à réaliser dans une limite de temps définie.

Le plan de développement responsable comprend quatre éléments qui constituent le cadre politique du projet de loi. D'abord, il faut accélérer les examens et les rendre plus prévisibles; deuxièmement, il faut réduire les chevauchements entre les examens de projet; troisièmement, il faut renforcer la protection de l'environnement; enfin, il faut améliorer les consultations auprès des peuples autochtones.

[Français]

Le gouvernement propose plusieurs mesures pour rendre les examens plus prévisibles et plus rapides.

[Traduction]

La responsabilité des évaluations environnementales sera centralisée à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale pour la plupart des projets et à la Commission canadienne de sûreté nucléaire et à l'Office national de l'énergie pour les projets relevant de leurs mandats respectifs. Il est proposé de fixer des délais, du début à la fin, de 24 mois pour les commissions de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, de 18 mois pour les audiences de l'Office national de l'énergie et de 12 mois pour les évaluations environnementales ordinaires. Ces délais ont été établis à la lumière de longues années d'expérience.

Le gouvernement propose également d'accroître les pouvoirs de la présidence de l'Office national de l'énergie pour que celui-ci puisse réaliser des examens plus rapides.

Pour établir plus clairement les responsabilités à l'égard des décisions sur les grands projets de pipeline, le gouvernement propose de conférer au Cabinet le pouvoir de prendre la décision finale sur la réalisation des projets en s'appuyant sur les recommandations de l'Office national de l'énergie.

Le gouvernement propose des mesures pour réduire le chevauchement entre les examens des projets. Le projet de loi prévoit de nouveaux moyens de permettre la substitution d'examens équivalents avec les processus provinciaux, pourvu que soient respectées les exigences de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. L'objectif est d'avoir un seul examen par projet. Les provinces réclament ces changements depuis des années. Il sera donc possible pour une province, l'Office national de l'énergie ou la Commission canadienne de sûreté nucléaire d'accorder des autorisations aux termes de la Loi sur les pêches. Le gouvernement n'aura plus besoin de commissions d'examen conjoint pour les projets pleinement réglementés par l'Office national de l'énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Le gouvernement propose aussi des mesures qu'il croit propres à renforcer la protection de l'environnement. Au niveau fédéral, les efforts porteront surtout sur les grands projets qui peuvent avoir des impacts importants sur l'environnement. Il propose des décisions exécutoires sur les évaluations environnementales pour assurer le respect des mesures d'atténuation visant à protéger l'environnement. Il ajoutera des dispositions sur la conformité et l'exécution pour combler les lacunes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il prévoira des dispositions exécutoires aux termes de la Loi sur les pêches et il proposera des sanctions pécuniaires pour les dérogations à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et à la Loi sur l'Office national de l'énergie. Il propose également d'accorder des fonds pour renforcer la sécurité des pipelines et la sécurité maritime.

Le plan de développement responsable des ressources est également conçu pour mieux intégrer les consultations auprès des Autochtones aux nouveaux processus d'évaluation environnementale et de réglementation. Le budget de 2012 a prévu des fonds pour appuyer les consultations auprès des peuples autochtones.

[Français]

Le gouvernement va aussi établir des ententes et des protocoles de consultation avec les groupes autochtones des gouvernements provinciaux.

[Traduction]

L'objectif est de promouvoir des relations constructives et durables avec les collectivités autochtones pour favoriser la réconciliation et faciliter une plus grande participation des Autochtones aux avantages directs et indirects des nouveaux projets d'exploitation des ressources.

Pour conclure, je signale que plusieurs lois fédérales sont modifiées dans le cadre des efforts de modernisation du régime réglementaire régissant l'examen des projets. Pour résumer, on propose un nouveau régime fédéral d'évaluation environnementale aux termes de la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012, y compris la centralisation des responsabilités à l'égard des évaluations environnementales, des délais exécutoires et de nouveaux moyens d'appuyer la coopération avec d'autres administrations; des modifications de la Loi sur les pêches qui axeront la loi sur la protection du poisson qui fait l'objet d'une pêche commerciale, récréative ou autochtone et permettront de mieux gérer les activités qui sont les plus grandes menaces pour ces pêches; des modifications de la Loi sur l'Office national de l'énergie qui permettront au gouverneur en conseil de prendre la décision finale quant à savoir si les projets majeurs de pipeline sont dans l'intérêt public; l'adoption de nouveaux moyens d'exécution comme des sanctions administratives pécuniaires pour les manquements à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, à la Loi sur l'Office national de l'énergie, à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et à la Loi sur les espèces en péril, y compris de nouveaux pouvoirs permettant d'établir des délais pour le processus d'autorisation.

Voilà qui résume le projet de loi. Nous avons hâte de répondre aux questions. Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Eisler, vous avez fort bien réussi à résumer de façon convaincante cette masse de matière. Tous ces ministères ont dû travailler d'arrache-pied, et pas seulement depuis le jour du budget, mais depuis de longues années.

Le comité a parcouru le Canada pendant trois ans pour étudier le secteur énergétique et ses aspects environnementaux. Et partout, sans exception, nous avons entendu, d'un côté comme de l'autre, une demande insistante de simplification du processus.

Le comité a aussi étudié des éléments d'un autre important projet de loi d'exécution du budget qui portaient sur la Loi sur la protection des eaux navigables. C'est par suite de cela que le Bureau de gestion des grands projets a été mis sur pied.

Nous nous sommes constamment fait dire que c'était nécessaire. Il est étonnant de voir comment vous avez réussi à tout conjuguer, et nous espérons que cette solution marchera bien.

Est-il juste de dire qu'une grande partie de ces mesures sont des dispositions habilitantes qui permettront de prendre des règlements d'application générale? Pouvons-nous nous attendre à une abondante réglementation?

Jay Khosla, sous-ministre adjoint, Bureau de gestion des grands projets, Ressources naturelles Canada : Merci de votre question.

Il viendra certainement des règlements après un projet de loi aussi vaste. Beaucoup de modifications que nous apportons se trouvent en même temps dans les textes législatifs. Je dirais que les délais sont en grande partie établis par voie législative, mais il y a d'autres éléments qui seront précisés dans les règlements après l'adoption du projet de loi.

Notre objectif est de prendre les règlements le plus rapidement possible, mais il doit y avoir des consultations au préalable. En un mot, vous avez raison.

Le président : Les Canadiens qui suivent ces délibérations n'ont pas idée de la complexité de ce projet de loi. Il compte environ 412 pages, mais il ne fait qu'effleurer la surface. De volumineux règlements suivront pour en assurer l'application. Du reste, certains sont déjà en place. Voilà pourquoi il y a autant de fonctionnaires réunis ici. Le projet de loi touche de nombreux secteurs du tissu canadien et de l'économie. Le comité est enchanté que vous soyez tous ici.

Les sénateurs rongent leur frein. Ils ont hâte de poser des questions

M. Khosla : Vous avez souligné l'un des éléments fondamentaux qui sous-tendent ce travail. Il s'est fait beaucoup de travail grâce à cette approche pangouvernementale. Cela était nécessaire pour en arriver là où nous sommes aujourd'hui, et c'est pourquoi vous voyez tous ces fonctionnaires ici aujourd'hui. Un grand nombre de ministères et d'organismes ont travaillé longtemps ensemble pour en arriver à cette synthèse. Merci de l'avoir reconnu.

Le président : Il est entendu que personne n'aime avoir un surcroît de travail, mais nous avons été heureux d'être invités à étudier cette mesure, car nous y voyons la pierre de touche de toute la législation budgétaire. C'est une profonde transformation de la façon de faire des affaires au Canada, et j'espère que cela annonce un plus bel avenir.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le président, c'était un excellent exposé. Il a repris et résumé une abondante matière complexe. Merci beaucoup.

Une question générale pour commencer. Ces dernières années, beaucoup de scientifiques ont été mis à pied par le ministère de l'Environnement.

Certains avancent même que la crédibilité du ministère sur le plan scientifique est menacée. Le programme CSC, qui avait beaucoup d'intérêt, est en train de se disloquer. Plus d'un millier de personnes sont mises à pied au ministère de l'Environnement. Les bureaux d'Urgences environnementales sont pour ainsi dire fermés, retirés de la côte Ouest, où ils seraient rassurants, vu le risque de fuites du pipeline qui part de Kitimat, et regroupés au Québec. Vous avez éliminé la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. Je pourrais poursuivre.

Dans toute cette démarche qui, selon certains, va édulcorer le processus d'examen, y a-t-il quelqu'un qui tient compte de la capacité de la société de conclure le contrat social pour que nos projets se réalisent et que nos marchés s'ouvrent à l'étranger, par exemple pour faire approuver Keystone aux États-Unis? Quel est le message que tout cela envoie?

M. Khosla : Je vais commencer et demander ensuite à ma collègue d'Environnement Canada de poursuivre.

Merci de cette question, qui est très bonne, compte tenu de ce que dit cet ensemble de mesures.

Ce à quoi nous avons vraiment réfléchi, c'est à la capacité d'axer nos examens sur les projets majeurs d'exploitation des ressources. Cet ensemble de mesures cible nos ressources en fonction des projets qui importent le plus à notre pays. Il y a un lien avec l'idée qu'il ne faut pas s'occuper des projets qui, selon nous, ne justifient pas toute l'attention d'une évaluation environnementale. Appliquer le processus d'évaluation environnementale, c'est parfois un peu comme tuer une mouche avec un marteau. En fin de compte, nous ciblons nos ressources avec cette idée en tête.

Cela dit, le budget de 2012 réinjecte des fonds dans ce processus, puisqu'il prévoit environ 165 millions de dollars pour les examens de projets. Dans cet ordre d'idées, vous avez peut-être lu, et en tout cas je suis heureux de le dire, que les fonds de l'initiative du Bureau de gestion des grands projets ont été renouvelés.

Lorsqu'il a été mis sur pied, le Bureau de gestion des grands projets fournissait des fonds aux ministères partenaires pour faire exécuter les examens. Cet argent sert aux travaux scientifiques et techniques, à l'administration et aux consultations auprès des Autochtones. Cela figure dans le train de mesures proposées ici.

Cela dit, il y a d'autres éléments contenus dans le budget qui ne se retrouvent pas ici et qui peuvent avoir un effet sur les examens, mais l'idée, c'est de mieux cibler nos ressources.

Je cède la parole à ma collègue de l'environnement. Beaucoup de choses que vous avez énumérées ne se trouvent pas ici. Je crois que la vraie réponse, c'est qu'il faut s'intéresser au ciblage de nos ressources.

Coleen Volk, sous-ministre adjointe, Direction générale de l'intendance environnementale, Environnement Canada : Si vous n'avez pas d'objection, je voudrais relever une ou deux inexactitudes. Les médias ont été peu aimables et parfois tout à fait inexacts dans leurs reportages sur ce qui se passe à Environnement Canada.

La première chose que je dirai, c'est qu'Environnement Canada, pour cette série de mesures de réduction du déficit, prévoit remercier au plus 200 personnes. On est loin du millier. L'an dernier, les licenciements ont été comparables. Le ministère est toujours beaucoup plus important qu'autrefois, plus important qu'il y a à peine quelques années. Le ministère est toujours dynamique, et il ne craint pas pour sa capacité de s'acquitter de son mandat.

De plus, à propos du programme des urgences sur la côte Ouest, il est vrai que nous avons centralisé nos opérations courantes pour les urgences ou nous sommes en voie de le faire. Toutefois, nous n'avons rien changé à notre capacité d'intervention dans une urgence concrète. Si une vraie situation d'urgence surgissait sur la côte Ouest, nos gens seraient toujours là. Nous aurions exactement les scientifiques qu'il faut et des intervenants. Sur ce plan, notre capacité n'a pas changé.

Quant à la capacité d'accorder à l'industrie une licence sociale, je signalerais le travail que nous avons fait dans le programme de surveillance des sables bitumineux. Nous avons annoncé un programme de 50 millions de dollars par année qui s'accélérera au cours des deux prochaines années. Cet effort est financé surtout par l'industrie; il y a donc très peu d'argent qui vient de l'État. En réalité, il n'y a aucune nouvelle dépense du gouvernement. Il y en a, mais c'est la suite de ce qui a déjà été commencé. Les nouveaux fonds viennent de l'industrie. Cet effort vise expressément à identifier le problème de licence sociale et à essayer d'améliorer la situation de ce côté.

Nous croyons que le projet de loi ne nous enlèvera rien de notre capacité de protéger et de surveiller l'environnement, d'exercer la vigilance que nous devons exercer.

Le sénateur Mitchell : Vous dites que vous ajoutez 165 millions de dollars. Comment cela se compare-t-il au total des montants qui ont été coupés? Est-ce qu'on revient au même niveau? En réalité, peu importe le montant que vous avez coupé, si vous ne l'avez pas remplacé, alors ce que le commissaire à l'environnement a dit dans son rapport de cette semaine se défend, c'est-à-dire que vous n'avez pas les ressources nécessaires pour faire votre travail. Vous n'avez même pas ce qu'il faut pour évaluer le coût du règlement sur les émissions de carbone dont vous dites que vous allez l'appliquer. D'où viendront les ressources nécessaires pour évaluer l'équivalence? Il y a un travail énorme à faire pour que cela marche, pour peu que cela puisse marcher.

Avez-vous rattrapé ce que vous avez perdu? Je crois que le montant est supérieur. Vous avez peut-être perdu 400 millions dans les deux dernières années, mais beaucoup plus, je dirais, dans les quatre ou cinq dernières années.

M. Khosla : Les 165 millions de dollars sont destinés en réalité à l'examen de grands projets d'exploitation de ressources. Certaines des choses que le commissaire à l'environnement et au développement durable a dites ont un lien, mais elles ne sont pas directement attribuables à ce dont nous parlons aujourd'hui.

Au fond, le gouvernement injecte des fonds dans ces types d'examen et veille à ce que nous puissions les exécuter efficacement. Comme on l'a signalé dans la présentation, une grande partie de ce dont nous discutons aujourd'hui s'appuie sur de longues années d'expérience. Nous voulons que nos examens de projet soient plus ciblés, responsables et efficaces.

En fin de compte, ces ressources sont sûrement ciblées de façon que nous ayons les capacités voulues en place pour réaliser ces examens de processus difficiles, vous avez tout à fait raison.

C'est un bon exemple. Les équivalences et substitutions permettraient peut-être de réaliser en aval des gains d'efficacité. Si nous pouvons trouver un moyen de travailler avec les provinces, notamment, et ainsi de mobiliser des ressources, car on reconnaît qu'il y a dans le système des chevauchements et des doubles emplois, ce peut être là, encore une fois, une façon de réaliser des économies et de mieux travailler ensemble sur les plans scientifique, technique et administratif.

Le sénateur Mitchell : Je crois comprendre que vous avez maintenant sept accords bilatéraux avec des provinces. N'avez-vous pas déjà réalisé avec les provinces tous les gains d'efficacité qui sont possibles? En quoi les choses seront- elles différentes de ce à quoi nous sommes arrivés avec sept provinces?

M. Khosla : Nous voulons relever la barre. Il y a des éléments du processus d'évaluation environnementale où il y a double emploi. Nous voulons réduire, ramener au minimum ces doubles emplois dans les domaines où les provinces peuvent respecter les normes fédérales et mener l'évaluation environnementale au nom du gouvernement fédéral. Nous examinerons ces possibilités.

Le processus s'étendra sur le long terme. Au bout du compte, vous avez raison, certaines provinces ont pris de l'avance et pourront peut-être se charger des évaluations plus tôt.

Pour revenir à votre question initiale, j'estime que, dans cet ensemble de mesures, il y a place pour des gains d'efficacité et d'efficience. Je vais demander à ma collègue de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale de poursuivre la réponse.

Helen Cutts, vice-présidente, Secteur de l'élaboration des politiques, Agence canadienne d'évaluation environnementale : Chose certaine, nos accords bilatéraux avec les provinces nous permettent d'être le plus efficaces possible avec les moyens existants. L'un de ces moyens que nous utilisons le plus souvent, c'est l'examen conjoint avec la province. Nos fonctionnaires travaillent de concert avec leurs homologues provinciaux pour réaliser l'évaluation et alléger la tâche des parties en cause, pour qu'elles n'aient pas à fournir deux fois la même information et à traiter avec deux gouvernements. Nous essayons autant que possible d'avoir un guichet unique.

Toutefois, nous ne pouvons rechercher l'efficacité qu'avec ces moyens. Le projet de loi nous donne deux autres moyens : les substitutions et les équivalences. Ce sont les vrais moyens de réduire les doubles emplois. Comme l'environnement est un champ de compétence partagée entre les autorités fédérales et provinciales, il y a beaucoup de ressources lorsque les fonctionnaires fédéraux et provinciaux doivent travailler ensemble à un examen.

Grâce aux substitutions, si le ministre constate que toutes les conditions sont respectées, le travail serait fait par la province, qui produirait un rapport ensuite remis au ministre de l'Environnement pour qu'il prenne une décision.

Le principe d'équivalence nous permet d'aller encore plus loin sur le plan de l'efficience et de la bonne utilisation des ressources, car nous céderions le travail complètement à la province et le projet ne ferait l'objet d'aucune évaluation environnementale fédérale.

M. Khosla : À propos de ces deux moyens, à la lumière de l'expérience, je dirai que les provinces réclament ces moyens pour leur arsenal depuis déjà assez longtemps. Il y a environ deux ans, le discours du Trône, en Colombie- Britannique, disait déjà que nous irions dans cette direction.

Le président : À propos de cette collaboration avec les provinces, le Québec a-t-il été coopératif? Est-ce qu'il participe?

Mme Cutts : Oui, nous avons eu une excellente coopération de la part du Québec. Chacune des provinces a son propre système, bien sûr. Nos fonctionnaires ont en quelque sorte un tableau qui montre comment le système fédéral fonctionne avec chacun des systèmes provinciaux. Ils s'entendent sur un calendrier et sur les meilleures modalités de collaboration. En matière d'évaluation environnementale, la coopération est excellente.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Mitchell : J'ai encore une ou deux questions.

Le président : Ce sera pour le prochain tour.

Le sénateur Lang : Merci. Je dirai d'emblée que je me félicite des initiatives que le gouvernement est en train de prendre pour essayer de rendre beaucoup plus simple et direct un système compliqué. J'espère qu'on s'attaquera aux problèmes à régler, par rapport à la situation actuelle. Je constate qu'on soulève des questions qui relèvent davantage de la politique que du domaine technique, où la question est de savoir si les projets sont défendables du point de vue de l'environnement et peuvent servir nos objectifs économiques. J'espère que cela ira dans la bonne direction et que nous pourrons atteindre les objectifs visés.

J'ai une ou deux questions à poser. D'abord, à propos du projet de loi même et de son adoption. Le président a parlé des règlements qui découleraient des modifications apportées aux diverses lois.

Si tout se passe comme prévu, combien de temps faudra-t-il, d'après vous? Quand est-ce que tout sera en place pour que ces modifications puissent être apportées dans l'ensemble du programme?

Je m'intéresse aussi à la question des délais et à la reconnaissance des provinces au sujet des substitutions et équivalences. D'après ce que je comprends, le projet de loi une fois adopté, le gouvernement fédéral pourra confier la responsabilité à la province, qui pourra faire l'évaluation environnementale et ensuite prendre une décision. Est-ce exact? Ou bien le dossier doit-il revenir à l'échelon fédéral pour la décision finale?

M. Khosla : Je vais répondre à la première question et Mme Cutts pourra poursuivre.

Le sénateur Lang : Très bien.

M. Khosla : Pour ce qui est de l'adoption du projet de loi, nous avons conçu le texte de telle façon que beaucoup des principales mesures pourront entrer en vigueur au moment de la sanction royale ou peu après. Certaines des grandes modifications, par exemple celles qui sont apportées à Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui sont l'un des éléments les plus importants de ce train de mesures, entreront en vigueur le jour même de la sanction royale ou peu après.

Quant aux règlements qui suivront, ils s'échelonneront sur un certain nombre de mois. Nous savons que les délais sont ce qui importe le plus aux yeux de la plupart des gens qui souhaitent la mise en place des règlements prévoyant certains délais. Nous espérons qu'une période de six mois à un an suffira pour que les règlements entrent en vigueur.

Il y a d'autres règlements qui se feront attendre un peu plus longtemps. Mon collègue des Pêches pourra peut-être en parler. Ils nécessitent de plus longues consultations. C'est moins une question de temps que de gestion. Il est important de veiller à ce que les consultations se fassent. Cela peut prendre environ un an.

En somme, toute la famille fédérale reconnaît que cela doit se faire rapidement. Nous nous appuyons sur des années d'expérience; nous nous préparons donc pour l'ensemble du processus. J'espère que cela pourra se faire assez vite, et nous nous préparons en conséquence.

Mme Cutts voudra peut-être parler des substitutions. Elle voudra peut-être dire un mot également des règlements.

Mme Cutts : Les substitutions et les équivalences sont de nouveaux outils. Il est donc important que nous prenions le temps, avec les provinces, de nous assurer qu'elles ont un régime qui marche.

Dans le cas des substitutions, la loi s'applique par projet ou par catégorie de projets. Dans celui des équivalences, elle ne s'applique qu'au cas par cas. La province demanderait soit que son processus soit substitué au nôtre, soit que les dispositions sur l'équivalence s'appliquent. À ce moment-là, nous entamerions notre analyse des critères prévus dans la loi. Ainsi, le ministre doit avoir l'assurance que tous les éléments de l'article 19 de notre loi, c'est-à-dire les éléments de fond, peuvent être pris en charge par la province. Cela comprend l'examen des effets importants, l'examen des effets cumulatifs et l'établissement de mesures d'atténuation.

Il faut également qu'il y ait participation du public. Cela ne devrait pas être difficile, puisque cette participation existe dans les autres provinces. Elles devraient être en mesure d'établir un rapport. Le ministre peut prévoir d'autres conditions qu'il faudra arrêter.

Nous entamons maintenant les consultations auprès des provinces pour voir si elles s'intéressent à ces dispositions, puisque ce sont elles qui décident d'y recourir, pour voir comment les choses se passeront dans la pratique et pour assurer les conditions propres à nous garantir, ainsi qu'aux Canadiens, que l'environnement sera protégé.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être ici ce matin. Beaucoup de témoins nous ont parlé des délais et des conséquences économiques assez importantes qu'ils entraînent. Je respecte les objectifs des amendements apportés aux lois, mais j'aimerais aller plus dans le détail.

Parlant du pipeline d'Enbridge, vous dites dans vos commentaires que le processus fédéral a pris un retard de deux ans après que l'Office national de l'énergie a approuvé le projet. Pourrais-je avoir plus de détails pour savoir ce qui cause ces délais? Quel est le problème, spécifiquement?

Concernant les Autochtones, qu'est-ce qu'on essaie de régler, quel est le problème au départ?

M. Khosla : C'est une vaste question, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. C'est aussi la raison pour laquelle, au moment où on a développé la législation, il était difficile de dire exactement ce qui a causé les délais. Les raisons sont en fait multiples et, à cause de cela, nous avons décidé de réinventer le système. Peut-être que mes collègues Adam et Steve peuvent vous donner des exemples des raisons pour lesquelles il y a eu des délais.

Le sénateur Massicotte : Qui a causé des délais? Quel est le problème, dans le système existant, qui cause des délais aussi longs?

Adam Hendriks, directeur, Opérations Ouest du Canada, Bureau de gestion des grands projets, Ressources naturelles Canada : Par exemple, sur les projets, couramment plusieurs personnes prennent des décisions ou sont responsables des évaluations. Dans le cas du projet d'Enbridge, différents ministères ont pris des décisions et ont mené des évaluations environnementales séparées. Plusieurs évaluations ont eu lieu pour ce projet. Ce qu'on cherche à faire ici, c'est centraliser cette responsabilité.

Le sénateur Massicotte : Je comprends. Parlez-moi d'Enbridge. Vous dites que plusieurs personnes interviennent; qui sont-elles? Le fédéral, les provinces?

M. Hendriks : Plusieurs ministères fédéraux ont eu à prendre des décisions d'évaluations environnementales pour le même projet.

Le sénateur Massicotte : La loi les y obligeait, effectivement, c'est bien ça?

M. Hendriks : Tout le monde doit prendre ses propres décisions. Donc, au lieu d'avoir une responsabilité centralisée, tout le monde a pris des décisions séparément.

Le sénateur Massicotte : Le projet de loi centralise le pouvoir dans trois agences, effectivement, mais en bout de ligne, cependant, on accorde au ministre, dans presque tous les cas, le droit de trancher. Même quand l'Office national de l'énergie décide, il revient au conseil des ministres d'approuver ou de désapprouver la décision. Est-ce que je comprends bien?

M. Hendriks : En effet. Présentement, lorsque l'Office national de l'énergie a un projet qu'il juge d'intérêt, il le présente au Cabinet qui prend la décision. Nous essayons d'assurer une cohérence entre ce processus et tous les autres processus qui nécessitent une décision du Cabinet.

Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, vous donnez l'autorité au conseil des ministres non seulement d'approuver mais aussi de donner des directives, voire de modifier la décision de l'Office national de l'énergie. Est-ce que je comprends bien?

Vous ajoutez des pouvoirs au conseil des ministres pour les directives qu'il donnera à l'Office national de l'énergie pour la promotion des projets. Je crois que vous élargissez ici les pouvoirs du ministre?

M. Hendriks : Nous tentons plutôt d'ajouter des outils à la disposition du ministre pour la gestion du temps dans les projets. C'est le genre de pouvoir que nous ajoutons. Il s'agit bien de gérer le temps. Nous croyons que l'Office national de l'énergie est une organisation qui poursuit très bien ses objectifs. Nous avons aussi ajouté des pouvoirs au président de l'office pour la gestion du temps. Nous avons mis en place un échéancier légiféré dans lequel nous avons suffisamment confiance, en se basant sur notre expérience.

Dans le cas de l'Office national de l'énergie, plusieurs de leurs évaluations se font selon des échéanciers, et nous croyons qu'ils seront en mesure de rencontrer les échéanciers légiférés. Toutefois, nous ajoutons des outils au cas où l'agenda serait serré.

Le sénateur Massicotte : Nous sommes tous défenseurs de la démocratie. Le système démocratique a toutefois des failles et connaît parfois des échecs. Nous élisons des gens qui seront en poste un peu à court terme. Trop souvent, l'intérêt des politiciens est de garder le pouvoir pour quatre ou cinq ans. Par conséquent, ils n'ont pas de vision à long terme.

N'avez-vous pas le souci que les ministres décideront de façon expéditive, avec une vision qui reflète leurs intérêts à court terme plus que l'intérêt des Canadiens à long terme sur le plan environnemental?

M. Hendriks : C'est l'Office national de l'énergie qui est responsable de la sécurité. Cette organisation est responsable de tous les aspects de la sécurité.

[Traduction]

C'est un organisme de réglementation intégré.

[Français]

Il se penche sur différents aspects.

Le sénateur Massicotte : La décision finale appartient au conseil des ministres, si je comprends bien?

M. Hendriks : Oui, en effet, et il en fut toujours ainsi. Avant de procéder, les projets devaient passer par le Cabinet.

Le sénateur Massicotte : Pour ratifier la décision généralement?

M. Hendriks : L'Office national de l'énergie offre toujours des recommandations sur les termes et conditions des projets. L'office sera toujours responsable de tous les aspects de la sécurité et de la santé reliés aux oléoducs.

Le sénateur Massicotte : Les Autochtones effectivement sont des joueurs importants lorsqu'on parle de projets dans le Nord. Les gens ont différentes interprétations des droits respectifs. Ce sont néanmoins des partenaires importants que l'on doit engager. On a l'impression que les amendements comme tels amélioreront cette relation.

Monsieur Tremblay, pourriez-vous nous donner de plus amples détails sur ce point? Ce sont de belles paroles. Toutefois, comment va-t-on changer nos relations pour assurer leur engagement dans le but d'être partenaire et non de s'objecter pour gagner des intérêts.

Jean-François Tremblay, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : L'obligation de consulter et d'accommoder les Autochtones n'est pas législative mais constitutionnelle. Cette obligation vient de la common law. Elle découle de la décision Taku Haida de 2004, qui a établi que la Couronne avait un devoir de consulter les Autochtones et parfois de les accommoder quand les activités de la Couronne pouvaient interférer avec les droits potentiels des Autochtones. Lorsqu'on parle de la Couronne, c'est la Couronne fédérale et la Couronne provinciale. La cour nous a laissé libre choix sur la façon de consulter les Autochtones et d'intégrer ces consultations dans nos activités.

Depuis ce temps, on a développé des plans d'action. On a publié des directives, en 2007 ou 2008 je crois. On a créé de nouvelles directives l'an dernier, et on a fait différentes activités. Les provinces ont aussi été actives. De plus en plus de provinces, y compris le Québec, ont leurs propres directives sur la consultation et l'accommodation.

En consultant les Autochtones, nous avons compris qu'il existe toujours un risque de ce qu'on appelle la « fatigue de la consultation ». La question de la consultation peut être soulevée sur bien des projets. Il existe environ 630 communautés des Premières nations, en plus d'autres communautés autochtones. Il y a donc beaucoup de communautés, mais surtout beaucoup d'endroits où consulter.

Avec ce projet, nous essayons de répondre à ce qu'on a entendu. Comment faire en sorte de développer des relations avant même d'avoir besoin de consulter? On désigne cette pratique en anglais avec les termes upfront consultation et upfront relationship.

Il faut s'assurer d'identifier qui doit être consulté et qui est en charge de cette consultation, afin que les groupes autochtones n'aient pas l'obligation d'essayer de trouver, dans la bureaucratie, qui fait quoi et à qui ils doivent parler pour avoir une consultation. C'est ce que nous faisons avec ce projet.

Comme il a été mentionné, des fonds sont accordés pour la participation des Autochtones dans les processus des évaluations environnementales. On poursuit avec un système d'information que l'on développe et qui donne accès à tous les fonctionnaires fédéraux. Sur un territoire donné au Canada, il est possible de voir les Autochtones qui y sont présents, quels sont les droits réclamés par les Autochtones et quelles sont les discussions qui existent. Les gens peuvent identifier rapidement les groupes avec lesquels on doit commencer à travailler.

On a aussi formé, au cours des dernières années, beaucoup de gens au sein du service public. Plus de 2 000 fonctionnaires ont été formés pour la consultation et l'accommodation.

On veut aussi développer, de plus en plus, des ententes avec les provinces et des ententes avec les Autochtones. On en a déjà quelques-unes en place. L'objectif est de bâtir la relation avant la consultation.

Le sénateur Massicotte : Le projet de loi nous permet de nous rendre à quel point? Je ne comprends pas bien. On va offrir la meilleure information?

M. Tremblay : Oui.

Le sénateur Massicotte : Mais en réalité, on fait quoi? Ce qu'on propose a l'air plutôt mineur. Que va affecter le projet de loi?

M. Tremblay : Le projet de loi comme tel ne dicte pas ce que doit faire la consultation et l'accommodation. Les choses doivent être intégrées. L'approche utilisée ici est de s'assurer qu'on continue d'intégrer, dans nos activités au jour le jour, la capacité de consultation et d'accommodation.

Ce qu'on confirme ici, c'est que dans le cas de projets majeurs et lorsqu'une évaluation environnementale est effectuée, on doit intégrer la consultation des Autochtones, et on fournit des ressources pour s'assurer que ce soit bien fait.

[Traduction]

Le président : Merci, sénateur. Vous avez abordé l'une des questions les plus compliquées que nous devions affronter pour atteindre nos objectifs, et vous avez donné beaucoup de temps à M. Tremblay pour nous expliquer la situation constitutionnelle.

Nous sommes dans la même situation pour tenir ces audiences. Nous voudrions donner aux Autochtones la possibilité d'exprimer leurs opinions sur le projet de loi, mais par où commencer et qui inviter? Vous avez donné un bon exposé sur la façon de gérer cette obligation fiduciaire de mener des consultations sur ces questions. C'est un défi constant. Comme vous l'avez expliqué, voilà où nous en sommes. Merci, sénateur Massicotte.

Le sénateur Seidman : Je tiens à dire moi aussi que j'aime beaucoup l'objectif que le gouvernement propose ici : un seul examen par projet dans des limites de temps clairement établies. Toutefois, je reconnais aussi que, pour en arriver là, comme vous l'avez dit, vous avez adopté une approche pangouvernementale, et il s'agit d'un processus extrêmement complexe.

Je voudrais parler des consultations qui ont précédé la présentation de ces propositions. Nul doute que vous avez mené de vastes consultations à l'extérieur de l'appareil gouvernemental. Quels intéressés, organisations et groupes avez-vous consultés pour élaborer ces propositions?

M. Khosla : Merci de cette question. Comme il est dit dans la présentation, si on considère le temps qui a été nécessaire, il a fallu plusieurs années pour élaborer les mesures dont vous êtes saisis aujourd'hui. C'est le point de départ. Tout a probablement commencé avant la création du Bureau de gestion des grands projets.

Un bon nombre des questions abordées ici ont été discutées avec tous les intéressés : peuples autochtones, industries, provinces et territoires, groupes environnementaux. Bien entendu, les ministères ont mené des consultations de leur côté.

Dans la période qui a précédé la présentation du projet de loi, nous avons aussi recueilli des points de vue, par l'entremise du Bureau de gestion des grands projets et à la faveur de l'approche gouvernementale, sur les solutions qui marchent et celles qui ne marchent pas. Il y a donc un bon point de référence.

Un autre élément marquant au cours de la démarche qui a mené au projet de loi, c'est que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a fait l'objet d'un examen parlementaire. Il y a donc eu, par l'entremise du Parlement, une autre consultation qui a porté directement sur l'un des principaux éléments du projet de loi.

Somme toute, il y a eu de vastes discussions avec divers groupes et pendant des années, et tous les ministères ont mené leur propre démarche de leur côté. Et il y a eu aussi des consultations collectives.

Le sénateur Seidman : C'est impressionnant. La diapositive 10 traite du renforcement de la protection de l'environnement. Je sais pertinemment, et quelqu'un d'autre l'a signalé, du reste, que la presse n'a pas été très tendre dans son traitement de toutes ces questions.

Le président : Observation très fine.

Le sénateur Seidman : Je voudrais voir comment ces mesures vont renforcer la protection de l'environnement. Vous parlez de renforcer les dispositions sur l'exécution et la conformité, et je crois que cela est essentiel. Pourriez-vous maintenant expliquer plus en détail comment cela va se faire?

M. Khosla : Bien sûr. Merci de cette question. C'est en quelque sorte un élément clé de ce que nous essayons de faire. Cela est lié à la politique cadre, et celle-ci préconise une approche très équilibrée. Bien entendu, il ne faut pas servir les intérêts économiques aux dépenses de l'environnement. Finalement, nous avons reconnu avec le temps qu'il était important d'adopter dans certains de nos examens de projet une approche fondée sur l'ensemble du cycle de vie, surtout lorsqu'il s'agit de grands projets d'exploitation des ressources. Certains des mécanismes auxquels vous faites allusion sont de nouveaux outils que nous ajoutons à la panoplie que nous avons pour faire le travail, c'est-à-dire pas seulement approuver le projet au départ, mais aussi veiller à ce que, pendant tout le cycle de vie de l'examen et de la réalisation du projet, nous puissions exercer une surveillance. Nous avons dit que la conformité et l'exécution étaient ces outils essentiels. Un autre outil essentiel, bien entendu, c'est le ciblage des ressources en fonction des projets.

Un troisième moyen très important, c'est l'ajout de ce qu'on qualifie peut-être de sanctions mineures, mais ce sont des sanctions administratives pécuniaires dont pourront se servir l'Office national de l'énergie, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et l'Agence canadienne d'évaluation environnementale pour intervenir si un problème surgit rapidement au sujet de l'examen ou du processus qui le suit. En dehors de cela, des fonds ont été prévus pour assurer la sécurité des pipelines, pour les inspections et pour la sécurité maritime et la sécurité des pétroliers.

Je crois que l'énumération est complète. Il y a également des éléments de la Loi sur les pêches ou des mécanismes prévus dans cette loi pour assurer l'exécution et la conformité. Quand on y pense, c'est un parcours rapide de mesures plutôt complexes, mais cela vous donne une idée des nombreuses dispositions que nous prenons pour faire en sorte que la protection de l'environnement soit une pièce maîtresse de ce train de mesures. J'invite Mme Cutts à parler maintenant de l'exécution et de la conformité, après quoi M. Stringer traitera de la Loi sur les pêches.

Le président : Lorsque ces fonctionnaires feront leurs observations... N'oublions pas notre auditoire. Nous entendons souvent les sigles LCEE et LCPE, dont l'un correspond à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et l'autre à Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ceux d'entre nous qui traitent de ces questions tous les jours saisissent la différence. Ces deux lois ont fait l'objet d'examens parlementaires. Ce comité-ci s'est chargé de la LCPE tandis que le comité des Communes s'est occupé de l'examen de la LCEE. Vous avez fait allusion à ces deux lois. L'un de vous pourrait-il résumer la différence entre les deux? Est-il pertinent de le faire?

M. Khosla : Tout à fait. Merci de ce rappel, monsieur le président. Nous avons parlé à bien des gens et il s'agit ici d'un imposant train de mesures. Nous employons beaucoup d'acronymes. C'est une sorte de jargon. Nous essaierons d'expliquer ce qui se cache derrière ces acronymes.

Le président : Merci.

Steve Mongrain, conseiller principal en politiques, Secteur de l'élaboration des politiques, Agence canadienne d'évaluation environnementale : Je vais essayer de répondre à votre question sur les différences entre la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. J'ai travaillé aux deux. Je vais donc essayer de faire le lien. Je crois même que ma première comparution au Sénat a eu lieu devant ce comité-ci, et c'était pour l'étude de la LCPE. J'avais les cheveux moins blancs ou gris à ce moment-là.

Le président : Ceux du président l'étaient. Ce n'était pas moi, mais le sénateur Banks, et il dit que vous avez été un excellent témoin.

M. Mongrain : La Loi canadienne sur la protection de l'environnement porte principalement sur la gestion des substances toxiques, la prévention de leur déversement dans l'environnement, quelle que soit la source, qu'il s'agisse d'un ouvrage, d'un projet ou d'une activité industrielle. D'autres éléments portent sur l'élimination en mer et la réglementation des carburants. Il s'agit donc de protéger la santé et l'environnement des Canadiens contre certaines substances, plus particulièrement des substances chimiques. Ma collègue de l'Environnement me corrigera si je me suis trompé.

La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale traite de projets : ouvrages, mines, barrages hydroélectriques, construction de routes. Il s'agit d'examiner ces projets avant la construction, de cerner les effets sur l'environnement et d'améliorer la conception du projet pour protéger l'environnement et la santé des Canadiens. Et cela fait parfois économiser de l'argent aux promoteurs.

Le président : Merci. Bonne explication.

Mme Cutts : Je voudrais ajouter quelque chose au sujet de l'exécution.

Le sénateur Seidman : Très bien, merci.

Mme Cutts : Dans sa forme actuelle, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne contient pas à proprement parler de dispositions sur l'exécution. Rien. Nous avons recours aux mécanismes prévus dans d'autres lois.

Pour combler cette lacune, nous avons proposé cette nouvelle version de la loi, qui confie l'exécution au ministre. À la fin de notre évaluation d'un projet, si nous avons trouvé des mesures d'atténuation propres à protéger l'environnement, nous définissons ces mesures et les consignons dans un rapport unique, la déclaration, qui est exécutoire. Les promoteurs sont tenus par la loi d'appliquer ces mesures d'atténuation. Ils doivent aussi appliquer des mesures de suivi. C'est une innovation très importante dans la loi.

Le sénateur Seidman : Peut-être pourrais-je vous donner un exemple précis. Ce serait plus clair pour ceux qui nous écoutent. Dans le cas des opérations pétrolières et gazières en mer, dans des eaux navigables, vous évoquez la possibilité de renvoyer le dossier aux provinces. Ma question porte expressément sur l'exécution et la protection de l'environnement. Si vous vous en remettez à une province au sujet d'un projet donné et constatez qu'il y a des problèmes, exercez-vous une sorte de surveillance? Le gouvernement fédéral a-t-il la possibilité de reprendre le pouvoir qu'il a cédé à un gouvernement provincial ou à un territoire s'il constate qu'il y a des problèmes, notamment dans les eaux?

Mme Cutts : Permettez-moi de donner une réponse générale d'abord. Aux termes des dispositions sur la substitution ou l'équivalence, on procède surtout par projet. Une fois qu'il a été décidé, pour un projet, d'accepter la substitution avec une province, nous ne pouvons pas revenir en arrière à mi-parcours. Ce que nous savons, par contre, c'est que la substitution suppose, à la fin du processus, une décision prise par le ministre fédéral. Nous ne sommes donc pas tout à fait sur la touche. Nous devons éviter les surprises. Nous ne pouvons absolument pas tolérer un rapport médiocre et demander à notre ministre de prendre une décision sur la base de ce rapport médiocre.

Nous devons vérifier auprès des provinces pendant qu'elles font le travail. Même si nous nous sommes déjà assurés qu'elles pouvaient le faire, il faut qu'il y ait un point de contrôle en cours de route pour que nous sachions en gros quel genre de rapport nous pouvons attendre et ayons l'assurance de pouvoir prendre une bonne décision, tout en ayant en fin de compte une évaluation environnementale de qualité.

Le sénateur Seidman : Je devrais probablement m'en remettre au reste de mes collègues. Merci beaucoup. Cela répond vraiment à la question : vous avez un système de freins et de contrepoids. J'ai été heureuse d'entendre parler de la dernière étape.

M. Khosla : Bien sûr. Il s'agit tout à fait de travailler en collaboration avec les provinces, et nous signerons des accords pour veiller au maintien de nos normes environnementales élevées.

Kevin Stringer, sous-ministre adjoint, Politiques relatives aux programmes, Pêches et Océans Canada : J'ai une ou deux choses à dire, de façon générale, sur la question de l'équivalence, mais aussi sous l'angle de la Loi sur les pêches, des modifications proposées dans le projet de loi et de l'exécution. En ce qui concerne l'équivalence, la règle générale veut que, pourvu que la province ait des lois semblables qui sont à la hauteur des lois fédérales ou meilleures, elles peuvent s'appliquer. Au bout du compte, notre ministre garde la responsabilité de veiller à ce que les choses se fassent. Les freins et contrepoids sont donc en place.

Au sujet de l'application de la Loi sur les pêches, M. Khosla a parlé de moyens d'assurer une meilleure protection et une meilleure conformité. L'objectif des modifications apportées à la Loi sur les pêches est semblable à ce qu'on observe pour la LCEE en ce qui concerne le ciblage de nos efforts. Dans le cas de la Loi sur les pêches, nos efforts sont axés sur les pêches commerciale, récréative et autochtone, ce qui demeure un champ très vaste. Et pour ces pêches, il s'agit de mettre l'accent sur les outils propres à assurer une meilleure conformité et une meilleure protection. Ainsi, nous avons dans la Loi sur les pêches de nouvelles dispositions qui correspondent aux dispositions sur les sanctions qu'on trouve dans la Loi sur le contrôle d'application de lois environnementales et établissent une distinction entre les grandes sociétés, les petites entreprises et les particuliers. Il y a toute une gamme de sanctions. C'est fort différent de ce qui existe maintenant dans la Loi sur les pêches. Je signale le fait que les conditions d'autorisation sont exécutoires. Cela veut dire que maintenant, lorsque le ministre accorde une autorisation et permet la réalisation du projet, il assortit souvent cette autorisation de conditions. Il peut s'agir par exemple de contrôler le déroulement du projet, de faire rapport au gouvernement ou de faire diverses choses. Pour l'instant, rien de tout cela n'est exécutoire. Aux termes des modifications proposées, ces conditions seront exécutoires. Il sera possible d'intervenir et d'exiger que les intéressés se conforment.

Le promoteur est tenu de communiquer des avis. S'il y a des dommages sérieux, il est obligatoire aux termes de la loi d'informer le ministre ou le ministère de ce qui se passe.

Le projet de loi prévoit le pouvoir de prendre des règlements sur les espèces aquatiques envahissantes. Lorsque les dispositions sur la protection des pêches de la Loi sur les pêches ont été étudiées, il y a une génération, il n'existait pas de problèmes de cet ordre. Aujourd'hui, il y en a. Nous avons donc là le pouvoir de prendre des règlements sur la possession ou l'importation, notamment, d'espèces aquatiques envahissantes comme la carpe asiatique.

Je signale une disposition, notamment, qui permet au gouverneur en conseil de définir et d'établir des zones écologiquement délicates ou des zones importantes où il est possible d'assurer une protection renforcée. Des moyens supplémentaires sont mis à la disposition du ministre pour qu'il puisse agir dans ces zones.

Comme M. Khosla vient de le dire, l'idée, c'est de cibler les efforts, mais il faut aussi prévoir dans les domaines ciblés des moyens d'assurer une meilleure protection, une meilleure conformité.

Le président : Très bien. Merci, monsieur.

Le sénateur Peterson : Merci de votre exposé. Je n'ai que deux ou trois questions. Ce qu'il y avait d'exaspérant par le passé, c'est qu'un projet soit approuvé et qu'un ministère quelconque intervienne ensuite, disant par exemple : « Nous ne sommes pas d'accord; nous tenons à faire notre propre évaluation. »

Je constate que votre nouvelle initiative règle plus ou moins ce problème. Est-ce le Bureau de gestion des grands projets qui prendrait le contrôle? De quel ministère cela relèverait-il?

M. Khosla : Merci de cette question, qui est excellente. Au fond, nous transformons le système pour confier les examens à trois entités principales. Vous avez tout à fait raison : jusqu'à maintenant, les examens étaient menés par plus de 40 organismes fédéraux. L'un des principaux problèmes à résoudre, avons-nous constaté, était celui du regroupement des responsabilités en matière d'évaluation environnementale dans trois organismes clés : l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, l'Office national de l'énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Il nous semble pouvoir ainsi rompre le cycle des examens tels qu'ils se faisaient par le passé. Le Bureau de gestion des grands projets subsistera, et il a reçu des fonds pour le financement de la capacité pendant encore deux ans; il s'agit notamment de voir comment le processus est mis en place. Nous espérons qu'un grand nombre des mesures que nous proposons régleront les problèmes qui ont été dénoncés par divers groupes intéressés. Vous l'avez vu sur la diapositive portant sur le diagnostic. Le Bureau de gestion des grands projets veillera à la mise en place du processus. Je dirai franchement que, à terme, l'objectif est peut-être de se passer du Bureau de gestion des grands projets, pour peu que le système fonctionne bien. Nous exercerons une surveillance au cours des quelques prochaines années et continuerons d'apporter des améliorations. Nous verrons ensuite comment les choses évoluent.

Le sénateur Peterson : Compte tenu du fait que les délais seront plus limités pour les examens, allez-vous pouvoir accueillir tous les témoins qui voudraient comparaître? Sinon, comment entendez-vous vous y prendre?

M. Khosla : Désolé, mais pouvez-vous...

Le sénateur Peterson : Lorsqu'il s'agit d'un projet majeur, beaucoup de témoins veulent comparaître et faire des exposés. Aurez-vous le temps voulu pour les entendre, pour accueillir tous ceux qui veulent comparaître? Sinon, comment allez-vous gérer la situation?

M. Khosla : Le train de mesures prévoit de nouveaux moyens afin de gérer un peu mieux les processus. Ce que nous essayons de faire à cet égard, c'est de calquer la pratique actuelle des tribunaux administratifs, la pratique judiciaire. Cela veut dire que nous tenons absolument à entendre ceux qui seront touchés par le projet. Bien souvent, comme nous l'avons dit, il s'agit de peuples autochtones. Les experts scientifiques et techniques doivent participer aussi, de même que ceux qui habitent près de l'endroit où les projets doivent être réalisés. Toutefois, au bout du compte, nous ne pourrions pas fonctionner si nous devions entendre à peu près tout le monde à propos d'un dossier donné. Aucune cour, aucun tribunal ne pourrait fonctionner non plus.

Nous mettons en place des moyens très pertinents qui permettront de mieux gérer le processus.

Le sénateur Peterson : Aux termes du projet de loi, arrivera-t-il ou pourra-t-il arriver que ce soit le Cabinet qui décide d'approuver ou de rejeter une proposition?

M. Khosla : Difficile de répondre, puisque la question est technique. La réponse est oui, pour une certaine composante des projets. Ce sont les projets soumis à l'Office national de l'énergie et un sous-ensemble de projets concernant les pipelines qui relèvent de cet office.

Permettez-moi de simplifier dans la mesure du possible. Bien des projets sont déjà soumis au Cabinet. C'est le cas lorsqu'ils ont des effets négatifs importants sur l'environnement. Il y en a eu par le passé qui risquaient d'avoir des effets négatifs importants sur l'environnement et qui n'ont pas été présentés au Cabinet. Nous prenons donc un sous- ensemble des projets de l'Office national de l'énergie, celui des pipelines importants, et nous veillons à ce qu'ils relèvent de l'autorité du Cabinet. À dire vrai, il s'agit simplement d'un ajustement du processus.

Mme Cutts : J'ajouterais que ce qu'on fait dans le cas de l'Office national de l'énergie, c'est reprendre ce qui existe déjà dans la LCEE. En ce moment, si on veut parler de l'ensemble des projets, chaque projet doit être soumis s'il est décidé qu'il risque d'avoir des effets négatifs sur l'environnement. Il appartient au Cabinet de décider si ces effets se justifient dans les circonstances. Dans l'affirmative, il autorise le projet en l'assortissant d'un certain nombre de conditions.

Le président : Merci beaucoup. J'espère que vous pouvez nous donner l'assurance que, en la matière, l'autorisation de la Maison-Blanche ne sera pas nécessaire.

Le sénateur Johnson : Je voudrais discuter un peu plus de la Loi sur les pêches. J'ai siégé à ce comité pendant de longues années, et je m'inquiète de cette nouvelle orientation qui fera que, au lieu de protéger l'habitat du poisson, nous protégerons les pêches commerciale, récréative et autochtone. Je crains que nous ne puissions plus prévenir la modification ou la perturbation de l'habitat du poisson.

Étant donné que le projet de loi n'interdira plus cela, mais préviendra les effets négatifs importants, comme je l'ai dit, sur l'élément des pêches en cause, comment les modifications proposées protégeront-elles le poisson pendant tout le cycle de vie? Pourriez-vous me donner un exemple d'effet qui modifierait de façon négative l'habitat du poisson et ne nuirait pas gravement au poisson?

M. Stringer : Merci de cette question. La notion de dommages sérieux est définie à l'article 2, je crois, et la définition tient compte de l'habitat.

Le sénateur Johnson : D'accord.

M. Stringer : Les dommages sérieux sont définis comme la mort du poisson ou la modification permanente ou la destruction de son habitat. Par conséquent, l'habitat est toujours visé par l'interdiction. Il y a donc une modification par rapport à l'actuel article 35, mais l'habitat est toujours protégé.

Comme je l'ai dit en réponse à une question antérieure, l'objectif, c'est de cibler les efforts, et les efforts portent sur l'habitat et les poissons qui font l'objet d'une pêche commerciale, récréative ou autochtone. L'objectif est donc de mettre l'accent là-dessus et nous avons défini les menaces à ces pêches : la perturbation de l'habitat, la pollution, dont il est question à l'article 36, la destruction du poisson par autre chose que la pêche et les espèces aquatiques envahissantes. Nous nous sommes donné de nouveaux outils pour faire le travail, mais nous nous occupons toujours de l'habitat.

Des Manitobains et d'autres Canadiens nous disent qu'ils craignent que nous n'envisagions à peu près tout, sans égard à l'impact sur les pêches et à l'impact global. Des agriculteurs et des propriétaires font valoir leur point de vue. Notre programme comprend un outil de gestion du risque qui précise ce dont nous tenons compte ou non. Le problème, c'est que la loi dispose que nous devons tout examiner.

Le projet de loi donne au ministre et à son ministère une orientation claire au sujet de ce qu'il importe de prendre en considération et du genre de chose dont il n'y a probablement pas lieu de tenir compte. Quelqu'un a parlé tout à l'heure de l'élaboration de règlements après l'adoption du projet de loi. Le ministre peut identifier des ouvrages mineurs, des choses qu'il ne serait pas nécessaire d'examiner. Il peut dire que nous n'examinerons pas les quais de chalet et ce genre de chose pour peu que certaines conditions soient respectées. Il peut aussi désigner par règlement les plans d'eau mineurs qui ne nécessiteraient pas un examen précis sur place. Il peut s'agir par exemple des canalisations d'irrigation qu'un agriculteur a creusées. Nous pouvons dire que c'est là une chose qui n'a pas à faire l'objet d'un examen si certaines conditions sont respectées.

Voilà des exemples qui nous ont été soumis par les années passées. Le projet de loi arrête une orientation et les règlements nous donneront les outils pour travailler avec les provinces et les groupes intéressés et apporter des précisions. Ce sont donc là deux exemples dont nous entendons parler souvent comme genre de projet ou de plans d'eau dont nous pensons que nous n'avons pas à nous occuper autant.

Le sénateur Johnson : Je me suis occupée de ces questions pendant de longues années au Manitoba, et nous nous heurtons toujours à des problèmes de partage de compétences entre les autorités fédérales et provinciales. Une étude progresse jusqu'à un certain point et, passé un certain seuil, des dispositions fédérales s'appliquent. Puis, nous attendons des années pour obtenir un accord. Le temps de l'obtenir, le problème est trois fois plus grave.

Par exemple, pour un site de décharge de poisson qui est un danger pour l'environnement depuis des années dans la région d'Interlake, au Manitoba, il a fallu deux ans à mon bureau pour en arriver au point où on va intervenir. Toutefois, il n'y a aucun endroit où mettre le reste. La province dit qu'elle ne peut rien faire de plus. Les autorités fédérales prétendent qu'il s'agit d'une compétence provinciale, et la municipalité ne prend aucune décision.

Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi pour accélérer ce genre de décision?

M. Stringer : Oui, il y a un certain nombre de moyens, dont certains ont déjà été abordés. Grâce à l'équivalence, lorsque la province a une règle qui est comparable à la règle fédérale ou meilleure, c'est la règle provinciale qui s'applique. Dans la Loi sur les pêches, nous avons un outil supplémentaire qui n'a pas encore été signalé : il est proposé que le ministre ait la possibilité de déléguer ses responsabilités d'autorisation. Ce serait une disposition semblable à l'équivalence, mais pour le processus de délivrance des permis. Le ministre devrait prendre un règlement qui fixerait les conditions et les dispositions en matière de gouvernance qui régiraient cette délégation.

Nous avons donc ces nouveaux outils. Comme M. Khosla l'a dit plus tôt, les provinces en ont fait la demande. Nous discutons avec elles. Il y a même une réunion Canada-Manitoba aujourd'hui même à Winnipeg, et j'y participerai par téléphone. Les provinces s'intéressent vivement aux nouveaux outils.

L'objectif est de fournir des outils pour éliminer les chevauchements et les doubles emplois de sorte que les diverses administrations puissent entretenir une collaboration plus étroite ou qu'une seule puisse travailler au projet.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Stringer, vous soutenez que la loi empêcherait les dommages sérieux à des poissons exploités pour les pêches commerciale, récréative ou autochtone. Que se passe-t-il si un poisson ne fait pas l'objet d'une de ces pêches? Qu'est-ce qui le protège? Les poissons ne sont-ils protégés que s'ils ont une valeur commerciale? Y a-t-il un moyen de protéger des espèces qui ont simplement une valeur écologique?

M. Stringer : Un certain nombre d'autres lois fédérales et provinciales traitent de ces espèces, dont la Loi sur les pêches. On estime que cette loi doit garantir que nous gérons et protégeons les pêches. Nous estimons que les pêches commerciale, récréative et autochtone sont un domaine plutôt vaste, mais c'est l'orientation qui a été choisie.

Le sénateur Mitchell : Vous ne pêchez pas la pieuvre, n'est-ce pas?

M. Stringer : Je l'ignore, mais je suis sûr que là où il y a des pieuvres, nous pêchons quelque chose.

Le sénateur Mitchell : Elles se trouvent loin des côtes.

M. Stringer : L'objectif, c'est le ciblage des efforts.

Il y a la Loi sur les espèces en péril et la notion de zone écologiquement importante. Nous avons un certain nombre de moyens qui permettent de cerner ces zones.

Nous discuterons avec les provinces, notamment celles de l'intérieur des terres, du fait que les propositions formulées au sujet de la Loi sur les pêches confèrent au ministre le pouvoir de définir clairement les pêches en question. À l'intérieur des terres, ce sont les provinces qui gèrent les pêches. Il y a donc un ensemble de règlements qui dit au fond que toutes les eaux sont visées par un régime de permis. Nous devons discuter avec les provinces des modalités d'application précises. Elles sont les premières responsables de la gestion des pêches. Nous devons veiller à collaborer avec elles pour protéger les pêches comme il se doit.

Le sénateur Lang : Je voudrais poursuivre brièvement à ce propos. Si je comprends bien ce que vous venez de dire, ce sera une bonne nouvelle pour les provinces et ceux qui s'occupent de cette question. Le bon sens l'emportera aussi bien pour la protection des pêches que pour l'autorisation de certains projets.

Si un entrepreneur veut construire un petit pont pour enjamber un filet d'eau dans le nord d'une province, la responsabilité de faire respecter les exigences en matière de pêches serait-elle déléguée à la province de sorte que l'entrepreneur n'ait à traiter qu'avec une seule autorité? Ai-je bien compris?

M. Stringer : Les dispositions rendent cela possible. Il faudrait un accord entre les gouvernements fédéral et provincial. Les entrepreneurs qui bâtissent des ponts nous disent qu'il leur faut obtenir six permis du gouvernement provincial et quatre du gouvernement fédéral. Il serait bien que tout soit regroupé. Nous aurons le même niveau d'expertise et des règles semblables. Il s'agit de surmonter le problème des doubles emplois.

Nous devrions nous assurer que les provinces possèdent les capacités voulues et qu'elles peuvent satisfaire aux exigences fédérales. Bref, le projet de loi rend possible ce type d'accord.

Le sénateur Baker : Je voudrais d'abord apporter une rectification. Il n'existe pas de définition large des qualificatifs « commercial », « récréatif » et « autochtone ». La loi définit clairement ces termes. Ils sont restreints, seulement dans le cas des pêches commerciale et récréative, aux espèces pour lesquels des permis sont délivrés, mais je m'emballe.

Je tiens à remercier les fonctionnaires. Il nous arrive de poser des questions qui ont une légère coloration politique et qui sont un peu axées sur les orientations, mais les fonctionnaires se sont montrés très coopératifs en répondant tout de même à ces questions.

À lire certains articles parus dans les journaux au sujet du projet de loi, le grand public peut conclure que le ministre est très occupé, car il a le pouvoir de tout faire aux termes de la loi, alors que, en réalité, la responsabilité est déléguée aux fonctionnaires. Le ministre n'a pas le dernier mot de façon indéfinie.

Le président : Vous qui avez été ministre devez savoir que la délégation, c'est ce qui pimente la vie.

Le sénateur Baker : C'était il y a bien longtemps, monsieur le président.

Le grand public peut comprendre comme n'importe qui qu'on veuille corriger un système dans lequel il y a des exigences semblables aux termes de lois fédérales et provinciales. Nous connaissons tous des cas. La présidence, grâce à la jurisprudence, est au courant de cas où des promoteurs ont dû tenir des audiences publiques deux fois pour satisfaire aux règlements fédéraux et provinciaux et respecter les mêmes exigences. Le gouvernement fédéral exige ceci, et le gouvernement provincial exige cela. Les tribunaux ont conclu que c'était répétitif, mais telle est la loi. Vous allez maintenant corriger tout cela, et on peut le comprendre.

M. Eisler a répété à l'envi qu'il s'agissait de « renforcer la protection de l'environnement ». Il a souvent repris l'expression. En réalité, comme on le voit dans les modifications apportées aux exigences en matière de pêche, vous vous engagez dans une certaine voie et dites que vous allez protéger les pêches commerciale, récréative et autochtone. Qu'on vérifie ensuite la définition de ces trois termes et on constate, dans le cas des pêches commerciale et récréative, que seules sont protégées les espèces pour lesquelles des permis sont délivrés. C'est l'exigence de la loi, comme la présidence le sait.

On en arrive ainsi à ce que le grand public se dise : « On peut donc tuer tout ce qu'on veut, c'est-à-dire tous les autres poissons, organismes et êtres vivants dont les espèces protégées se nourrissent. » Alors que tout cela est protégé par la Loi sur les pêches actuelle. Je conviens avec vous qu'il s'agit d'une loi très saine, si je puis dire. Ses exigences sont innombrables, mais elles sont le moyen de protéger l'environnement, et le gouvernement fédéral a été considéré par le passé comme le grand protecteur de l'environnement.

Le président : Y aura-t-il une question?

Le sénateur Baker : Oui, la voici : on peut se demander maintenant s'il s'agit bien d'une protection de l'environnement. Dans ce cas-ci, on autorise l'extermination de choses qui sont maintenant protégées par les évaluations environnementales.

Le président : Y a-t-il un point d'interrogation?

Le sénateur Baker : C'est une question.

Est-ce que cette affirmation est juste? Êtes-vous d'accord avec moi?

Le sénateur Johnson : Non.

Le sénateur Baker : Quelqu'un voudrait dire ce qu'il en pense?

M. Khosla : Je vais commencer. La question est vaste, et elle est bonne.

Une bonne partie de ce que nous faisons ici vise à assurer une prise de décisions efficace, et il s'agit d'un autre grand fondement de la politique qui tend à rendre le programme efficient et efficace.

En définitive, si on considère par exemple la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et certains des outils proposés pour assurer l'exécution et la conformité, on peut dire que ces éléments sont là pour atténuer certains des problèmes dont vous parlez.

M. Stringer reviendra sur la question des pêches, mais je voudrais faire valoir un point d'ordre général. Dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, les effets dont il est question ici sont en général identiques, qu'il s'agisse de la nouvelle loi ou de l'ancienne. Au moyen de ce processus, nous considérons un grand nombre, voire la quasi- totalité des mêmes enjeux. Le but n'est pas de s'engager bon gré mal gré dans une certaine direction, si tel est le type de question qui doit venir; il s'agit plutôt d'assurer une meilleure prise de décisions.

En ce qui concerne la Loi sur les pêches, j'invite M. Stringer à intervenir.

M. Stringer : Dans le cas de la Loi sur les pêches, je le répète, nous mettons l'accent sur les pêches commerciale, récréative et autochtone. Ces termes sont définis, comme vous l'avez dit. Dans le cas des pêches commerciale et récréative, il s'agit de pêches avec permis. Si vous considérez les règlements qui existent tant du côté du gouvernement fédéral et pour les zones côtières que du côté des gouvernements provinciaux et des zones situées à l'intérieur des terres, beaucoup de pêches nécessitent la délivrance de permis. Certains règlements provinciaux disent même que tous les plans d'eau sont visés par un régime de permis. Nous devons en discuter avec les provinces. Il demeure que vous avez parfaitement raison; il s'agit de cibler les efforts.

On essaie même, et cela se trouve à l'article 6 de la Loi sur les pêches proposée, de cibler les efforts sur la productivité durable des pêches. L'objectif est de garantir la productivité soutenue des pêches commerciale, récréative et autochtone. Je dois préciser que, à l'heure actuelle, le ministre peut autoriser la destruction de poissons par des moyens autres que la pêche. Ainsi, il peut autoriser la destruction d'habitats, et il arrive qu'il le fasse. Il doit toutefois examiner chaque cas. Les modifications proposées préciseraient où il doit le faire et lui indiqueraient une orientation — ainsi qu'au ministère, qui agit par délégation, comme vous l'avez dit — pour faire en sorte que l'autorisation soit donnée en fonction de la productivité soutenue des pêches. Cet article définit l'orientation à suivre pour les interdictions et la réglementation pour à peu près toutes les dispositions sur la protection des pêches.

Le ministre peut maintenant autoriser ces choses-là. Le projet de loi précise plus clairement où, comment et dans quelles circonstances il pourra le faire à l'avenir. Tel est l'objectif, en plus de la mise en place des moyens voulus pour mieux collaborer avec les provinces et des organismes gouvernementaux afin de simplifier leur intervention.

Le sénateur Baker : Je vais en rester là sur ce sujet et passer à une autre question. Je tiens à signaler néanmoins que les espèces exploitées commercialement aujourd'hui ne l'étaient pas forcément il y a 10 ans.

Le président : Êtes-vous d'accord là-dessus? On dirait que le sénateur souhaite prêter serment comme témoin, mais je résiste à la tentation de le lui permettre. Si vous êtes en désaccord au sujet de son témoignage, n'hésitez pas à le dire.

Continuez à poser votre question.

Le sénateur Baker : Le président aurait dû être un juge de la cour supérieure. Il y a bien des années, je l'ai observé devant la Cour suprême du Canada, au milieu des années 1970. Il brillait de tous ses feux. Il était incroyable.

Un grand nombre d'entre nous qui venons de zones côtières se rappellent l'époque où on ne pêchait ni le homard, ni les poissons plats, et où le mérou était considéré comme un nuisible. Aucun permis n'était exigé pour ces espèces. Il y a beaucoup d'espèces pour lesquelles il n'est pas nécessaire d'avoir un permis. La définition que le projet de loi donne de la pêche commerciale et récréative est très explicite, et elle ne couvre pas un large éventail d'espèces. Celles qui ne sont pas visées ne feront pas l'objet d'une attention particulière dans ces évaluations.

Voici maintenant ma deuxième grande question. On a fait grand cas de ce que les provinces souhaitent. À cela je répondrais : et alors? Les exigences de la loi en matière de gestion environnementale, les exigences en matière d'environnement sont variables et, chose certaine, leurs plans de mesures correctives fondées sur le risque pour les lieux contaminés varient considérablement.

Quand on délègue aux provinces le pouvoir de prendre des décisions et qu'on leur cède le pouvoir de les prendre, conserve-t-on en arrière-plan une norme fédérale applicable pour le gouvernement fédéral puisse dire : « Non, nous n'accepterons pas les mesures correctives provinciales fondées sur le risque »? Cela est un exemple, et je présume que vous savez de quoi je veux parler.

Le président : C'est votre question, n'est-ce pas?

Le sénateur Baker : Effectivement.

Le président : Et elle est bonne, du reste. Qui va répondre?

M. Khosla : Je vais commencer. Il s'agit ici de plusieurs lois différentes. Peut-être pourrions-nous parler surtout de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de la Loi sur les pêches pour répondre à la question.

La réponse simple est oui, nous avons des normes, et elles sont intégrées à ces lois. Mme Cutts voudra peut-être donner de plus amples explications sur l'évaluation environnementale, et M. Stringer pourra parler du poisson.

Mme Cutts : Ce qui nous intéresse, lorsque nous faisons une évaluation environnementale, c'est le niveau des effets nuisibles sur l'environnement.

Nous faisons une distinction entre les effets environnementaux négatifs courants et les effets environnementaux négatifs et importants. Notre norme précise ce que sont les effets environnementaux importants. Cela peut être lié à la complexité ou à la durée de ces effets et à leur réversibilité. Il y a une évaluation minutieuse de tous les effets sous tous les angles.

Lorsque nous discutons avec une province de la possibilité qu'elle fasse une partie du travail à notre place, nous devons nous assurer qu'elle applique les mêmes normes que nous. En ce moment, il y a des différences entre les diverses régions. Dans un monde idéal, si j'avais une baguette magique, je voudrais que ce soit partout la même chose. Si j'en juge d'après mon expérience dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières, il est difficile d'avoir une seule norme dans tout le pays, peu importe le domaine en question, que ce soit le secteur financier ou l'environnement.

À défaut de pouvoir établir exactement les mêmes normes et de contraindre les provinces à modifier leurs règlements et leurs lois, nous pouvons leur dire : « Voici la norme fédérale; si vous voulez vous charger de ce projet-ci et l'évaluer, vous devez être à la hauteur de notre norme. Il est parfois possible que, si elles veulent s'occuper du projet, elles modifient leurs lois ou changent une politique pour un cas particulier.

M. Stringer : Si je peux me permettre, j'ajouterais, à propos des pêches, qu'une autre mesure que nous proposons, dans les modifications législatives, c'est que le ministère puisse établir des normes. La Loi sur les pêches n'autorisait pas cela par le passé. Il est possible d'établir des normes. Le genre de chose qu'on peut envisager, ce sont les approches qu'il est possible d'adopter au sujet de l'eau et des environs, les normes sur le débit d'eau nécessaire. Telles seraient les normes à respecter, comme Mme Cutts l'a dit. Si on recourt à l'idée d'équivalence ou à la délégation, ce serait là les normes nationales à respecter, peu importe qui prend la décision.

Le sénateur Lang : J'ai une question complémentaire à poser pour que tout soit bien clair. Mon bon ami le sénateur Baker a dit que, en dehors des pêches autochtone, récréative et commerciale, tout le reste serait exclu — je crois que c'est le terme qu'il a employé — de la Loi sur les pêches et de son application. D'après ce que vous avez dit, tel n'est pas le cas. La Loi sur les pêches s'appliquera comme par le passé, n'est-ce pas, en dehors du fait que vous déléguerez une partie de ce pouvoir et mettrez des règles en place pour que le bon sens puisse l'emporter. N'est-ce pas exact?

M. Stringer : Oui. La Loi sur les pêches s'applique partout. Toutefois, l'interdiction importante, celle qui vise les impacts sur l'habitat et la destruction du poisson, est limitée aux pêches commerciale, récréative et autochtone. Je le répète, le ministre a le pouvoir de préciser exactement ce que cela veut dire par voie de règlement, mais il s'agit de cibler nos efforts. La Loi sur les pêches est là pour gérer et protéger les pêches, et c'est là-dessus que nous allons mettre l'accent.

Le sénateur Baker : Étant donné qu'il y a eu une objection à ce que j'ai dit, je voudrais lire brièvement ce qui se trouve dans la loi que nous adoptons ici.

Le président : À quelle page?

Le sénateur Baker : Cela se trouve à la page 150. C'est la définition du terme « commerciale ». Voici :

« commerciale » Qualifie la pêche pratiquée sous le régime d'un permis en vue de la vente, de l'échange ou du troc du poisson.

De la même façon, à la même page, un peu plus loin, on explique le sens de « récréative » :

« récréative » Qualifie la pêche pratiquée sous le régime d'un permis à des fins sportives ou personnelles.

Monsieur le président, c'est ce que j'ai déjà dit fort justement. Je ne savais pas à quel point j'avais raison.

Le président : Le fonctionnaire l'a confirmé.

Le sénateur Baker : Ce n'est pas une définition large, comme on dirait en droit.

Le président : Exactement. Vous avez très bien lu ces passages. Quelque chose à dire, monsieur Stringer?

Mme Volk : L'un ou l'autre d'entre nous pourrait ajouter quelque chose, mais il est important de signaler que l'article 36 de la Loi sur les pêches n'est pas limité aux pêches commerciale, récréative et autochtone. Il continue de s'appliquer à toutes les eaux fréquentées par les poissons. L'article 36, ce sont les dispositions de la Loi sur les pêches concernant la pollution, et ces dispositions ont et garderont une application beaucoup plus large.

Le président : La distinction est importante. Êtes-vous d'accord, sénateur?

Le sénateur Baker : Cela ne se rapporte pas à ce dont nous discutions, mais je dois admettre que c'est un facteur à prendre en considération.

Le sénateur Brown : Je me dois de vous poser une question. Je vais m'y prendre de cette façon. Allez-vous continuer de simplifier les lois sur l'environnement? Ce que vous proposez ici, c'est l'une des meilleures choses que j'aie vues depuis un bon moment. Nous avons traversé une période où, dans le cas de cours d'eau intermittents, nous allions jusqu'à nous demander si on pouvait faire flotter un canoë dans quatre pouces d'eau, ou 20 centimètres, ou bien si quelqu'un serait assez intelligent pour descendre de l'embarcation et la porter pour franchir un ponceau. Je crois que vous avez fait ici un bon travail en disant que, lorsqu'il s'agit d'installer des génératrices de secours, de remplacer un ponceau et de refaire le revêtement d'un terrain de stationnement, il est inutile de faire jouer les lois de protection de l'environnement et de dépenser beaucoup d'argent pour décider s'il faut asphalter un terrain de stationnement ou remplacer un ponceau. Il y a assez de bon sens au Canada pour que les gens prennent ce genre de décision. Je vous félicite de cette constatation, du fait que vous aurez plus de temps pour vous occuper d'incidents comme celui de l'Exxon Valdez; nous pourrons avoir des navires à double coque et une meilleure protection contre les explosions lorsque nous ferons des forages dans l'océan Arctique. Ce sont ces choses-là qui renforcent ma thèse. Ces choses-là sont plus importantes que d'autres qui nous occupent depuis des années en matière d'environnement. Merci.

Le président : Vous vouliez seulement exprimer ces opinions? Pas de question?

Le sénateur Brown : Oui. Je demande si ce travail de simplification va se poursuivre. C'est par cela que j'ai commencé mon intervention.

Le président : Désolé. Cela m'a échappé.

M. Khosla : Merci de cette question. En un mot, oui, nous allons continuer. C'est une démarche soutenue. Il s'agit là d'une étape majeure pour la famille fédérale. Nous visons à regrouper les choses, à être plus responsables, efficaces et efficients. Il faut insister sur la recherche d'efficacité. Nous le savons. En fin de compte, les examens doivent être fouillés. Nous poursuivrons la recherche de gains d'efficience au fil du temps dans toutes les lois que nous appliquons. Nous savons que le respect des délais est un élément majeur. Nous avons travaillé en ce sens. Nous savons que c'est là un des éléments qui exigeront un profond changement de culture. En définitive, si nous faisons toutes ces choses-là et mettons en place des processus rapides et réceptifs, l'ensemble du système s'améliorera. C'est catégorique. Merci de cette question.

Le sénateur Brown : Une autre observation. Nous installons beaucoup de pipelines dans le sol. C'est l'un des meilleurs moyens de transporter des produits sans provoquer d'effets catastrophiques. Quelqu'un pourrait-il essayer de savoir combien de valves il est possible d'installer pour que, lorsqu'il y a rupture, le problème ne soit pas énorme? Car ces incidents arrivent inévitablement. Il suffit d'un coup de rétrocaveuse, par exemple. Je voudrais savoir combien il en coûterait d'installer un plus grand nombre de valves, et à quel intervalle, pour éviter de perdre des dizaines de milliers de mètres cubes de pétrole.

M. Khosla : Voilà une question très précise et nous pourrions vous communiquer une réponse qui l'est tout autant. Il y a dans ce train de mesures des éléments qui se rapportent à ce genre de chose. Nos faisons des efforts afin de renforcer la sécurité des pipelines au moyen d'inspections. Les sanctions administratives pécuniaires dont il a été question tout à l'heure seront utiles dans certains des cas que vous évoquez. Elles sont en grande partie conçues pour des problèmes comme ceux- là. Par exemple, si quelqu'un creuse à proximité d'un pipeline et provoque une rupture... Voilà exactement pourquoi ces mesures sont en place, pour que l'Office national de l'énergie puisse intervenir rapidement.

Le président : Sénateur Brown, vous aimeriez que les fonctionnaires nous communiquent une réponse précise par écrit en l'adressant à la greffière?

Le sénateur Brown : Oui.

Le président : Merci beaucoup de bien vouloir le faire.

Le sénateur McCoy : Je comprends la difficulté qui est la nôtre ici, et je sais que vous l'avez déjà signalé, étant donné l'abus du processus que constitue pour nous tous un projet de loi d'ensemble. Nous sommes saisis de modifications législatives qui font 150 pages et touchent six lois. Et nous n'avons que deux heures d'audience avec vous. Si nous voulons entrer dans les détails, nous sommes soumis à de lourdes contraintes, ce qui nous limite dans l'exercice de nos responsabilités. Nous faisons de notre mieux malgré tout.

J'esquisse le contexte pour que vous sachiez à quoi vous en tenir. Pendant 10 ans, j'ai dirigé un institut d'analyse environnementale à l'Université de Calgary. Nous faisions des examens avec des pairs et réalisons diverses études. Nous avons toujours eu l'impression qu'une grande partie de l'exaspération liée à la coexistence de processus fédéraux et provinciaux était attribuable à une mauvaise gestion au niveau fédéral. Évidemment, comme notre travail se faisait au niveau provincial, vous pouvez concevoir qu'il y avait un peu de parti pris, mais ce n'était pas notre impression. Il reste que c'était une opinion sincère, plus particulièrement lorsque nous menions des entrevues auprès des intervenants, y compris les promoteurs. La difficulté, c'est que nous n'arrivions pas à obtenir de décisions du gouvernement fédéral. Ou bien, s'il y avait une décision, elle était ensuive annulée ou modifiée, et les choses traînaient en longueur. À mon sens, l'imposition de délais est une excellente idée, comme l'a été la création du Bureau de gestion des grands projets.

Parmi d'autres considérations nombreuses, ce qui m'inquiète dans le train de mesures que vous proposez, c'est que, une fois de plus, vous optez pour une approche fondée sur des règles et non sur les résultats. Comme Mme Cutts l'a dit tout à l'heure, si seulement nous avions les mêmes règles d'un bout à l'autre du Canada, elle serait plus heureuse. J'ajouterais que, en Alberta, nous avons dit : « Non, nous voulons plutôt avoir les mêmes résultats dans tout le pays. » Il n'y a absolument pas moyen de rédiger des règles assez détaillées pour assurer l'équivalence des résultats. Voilà donc le contexte.

Voici ma question : qu'y a-t-il dans ce projet de loi pour éviter de tomber dans l'imposture? Vous dites que des délais sont arrêtés, mais j'ai remarqué des lacunes en parcourant le texte, des choses qui n'encourageront pas le respect de ces délais ou l'exercice d'un contrôle efficace à ce sujet. Le ministre ou le gouverneur en conseil — essentiellement le Cabinet ou le gouverneur en conseil — peuvent, sans aucune limite, repousser les délais prévus ici. Dans la LCEE, il n'y a aucune disposition sur le choix de la date de départ, par exemple. Il n'y a aucune sanction pour le gouvernement du Canada, son personnel ou le Cabinet si, à un moment donné, ils ne respectent pas un délai.

Qu'y a-t-il dans cette mesure législative qui soit autre chose qu'un effort de bonnes relations publiques? Ce sont de bonnes intentions, assurément, mais ce n'est pas ce que vous prétendez.

M. Khosla : Merci de cette question. Je vous dirai que nous avons réfléchi longuement et sérieusement à cette question, qui est très complexe.

Pour en revenir à la dynamique fédérale-provinciale, si vous voulez rejeter le blâme sur le gouvernement fédéral, et je ne suis pas sûr que nous soyons tout à fait d'accord avec vous à ce sujet, je dirai qu'il y a quelque chose dans ce train de mesures qui concerne cette question : le regroupement des responsabilités dans trois ministères ou organismes au lieu de les laisser éparpillées dans les provinces et dans divers ministères. C'est clairement là un moyen de mieux gérer le processus qu'on peut signaler.

Quant aux délais, vous faites ressortir un bon point. Le texte législatif prévoit des délais très précis et concrets. Nous y avons travaillé pendant un certain temps. Merci de reconnaître la valeur du travail du Bureau de gestion des grands projets. On peut dire à certains égards que le projet de loi consacre toutes les initiatives que nous avons prises au Bureau de gestion des grands projets pour mieux gérer notre pratique. Nous avons maintenant des accords sur les projets entre les ministères fédéraux. Nous publions des normes de service. Nous faisons preuve d'ouverture et de transparence dans la communication de ces délais aux promoteurs, aux groupes environnementaux et ainsi de suite. Nous communiquons rapidement avec les promoteurs pour aider à gérer tous ces délais.

Quant aux dispositions qui permettent de repousser les délais, ce qui est un autre point valable, il s'agit d'une soupape de sûreté. Toutefois, imaginez si vous le voulez qu'un ministère ou organisme fédéral est contraint de soumettre un projet au Cabinet pour obtenir une prolongation. Il faudrait à notre sens une raison extrêmement sérieuse pour en arriver là. Ces dispositions ont un rôle de soupape; elles ne doivent pas permettre d'invoquer des prétextes futiles, si on veut. Nous avons discuté de la question avec les intervenants fédéraux : des pressions extrêmes seront exercées sur les bureaucrates pour qu'ils prouvent pourquoi il faut soumettre la question au Cabinet. Il nous faut tout de même une soupape de sécurité dans certains cas, ce qui est plutôt clair.

J'ai abordé quelques points, mais Mme Cutts voudra peut-être ajouter quelque chose.

Mme Cutts : Je tiens à souligner que, dans le cadre des objectifs de l'ensemble des mesures législatives, nous devons veiller à rendre le processus plus efficient et plus efficace. Nous devons aussi garantir la meilleure protection de l'environnement. D'après l'expérience de l'agence, les projets sont très différents les uns des autres. Certains sont extrêmement compliqués alors que d'autres sont fort simples. Leur examen demande plus ou moins de temps selon le cas. Nous avions la crainte que, si nous avions des délais extrêmement serrés, il ne soit difficile de les respecter dans le cas d'un projet très compliqué. L'évaluation environnementale risquerait alors de ne pas être d'une qualité suffisante. Nous tenons à ce qu'il y ait ce genre de recours pour que, si un projet est particulièrement complexe, nous puissions accomplir le travail supplémentaire qui s'impose.

Nous n'indiquons que deux motifs qu'on peut invoquer pour repousser les délais. L'un d'eux se rapporte expressément à un projet. Quant à l'autre, il s'agit de faciliter l'harmonisation avec les provinces pour que, s'il y a des difficultés à faire correspondre leur démarche et la nôtre, nous en finissions par jeter le bébé avec l'eau du bain, disant : « Nous allons de l'avant et nous ferons notre évaluation dans les temps; la province n'a qu'à faire la sienne et à rendre sa décision quelques mois plus tard. » Ce ne serait bon ni pour le public ni pour le promoteur.

Le sénateur McCoy : Deux questions complémentaires. Je les lance toutes les deux ensemble pendant que je les ai encore à l'esprit.

Voici la première. Quand le projet Northern Gateway a-t-il été confié au BGGP?

Et la deuxième : qu'arrive-t-il si le décideur, que ce soit l'Office national de l'énergie, la Commission de sûreté nucléaire ou l'ACEE, ne respecte pas le délai? Disons que, au bout de 18 mois, c'est-à-dire avec une prolongation obtenue du ministre, l'ONE n'a pas produit ses recommandations? Que se passe-t-il? Le promoteur peut-il aller de l'avant?

M. Khosla : Non. Cela ne veut pas nécessairement dire que nous optons pour l'idée d'une approbation accordée automatiquement.

Le sénateur McCoy : Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Khosla : Une distinction s'impose. C'est du temps du gouvernement qu'il s'agit ici. C'est donc le gouvernement qui doit rendre compte de ses pratiques.

Cela dit, comme pour la plupart des délais que le gouvernement doit respecter, il est clair que le promoteur, ou peut-être d'autres parties, pourrait recourir aux processus administratifs existants à l'égard de ces contraintes et notamment s'adresser aux tribunaux.

Le sénateur McCoy : C'est donc un tigre de papier?

M. Khosla : Je ne dirais pas nécessairement cela. En fin de compte, il est possible d'avoir recours aux tribunaux. Je ne suis pas sûr qu'il soit juste de parler de tigre de papier.

Le sénateur McCoy : Quand le projet Northern Gateway a-t-il été...

M. Khosla : Monsieur Hendriks, auriez-vous l'obligeance de répondre à cette question?

M. Hendricks : Le BGGP a été saisi du projet Northern Gateway en 2008, année où il a été relancé. Il avait été présenté au départ en 2006, mais le promoteur avait dû le reprendre pour faire un complément de travail. C'était avant la création du BGGP. Lorsque le projet est revenu, en 2008, nous l'avons renvoyé à ce bureau. L'initiative était en place, et le projet a été soumis à l'examen pangouvernemental.

Le projet a fait l'objet du processus de l'Office national de l'énergie, c'est-à-dire qu'il a été soumis à une commission d'examen conjoint de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et de l'Office national de l'énergie. Pendant cette période, il a changé de main, passant alternativement du contrôle du gouvernement à celui du promoteur.

Le sénateur Wallace : Monsieur Eisler, vous avez parlé de la modification de l'orientation dans le régime d'évaluation environnementale et dit que, désormais, on mettrait l'accent sur les effets environnementaux importants et plus particulièrement sur les effets négatifs et importants.

De toute évidence, le public veut avoir l'assurance que les intérêts de l'environnement seront correctement pesés par rapport aux intérêts économiques et financiers dont nous souhaitons l'épanouissement chez nous. Que veut dire l'expression « effets environnementaux »? Je comprends qu'il y aura un changement dans le traitement, aux termes du projet de loi, par rapport à ce qui existe aujourd'hui.

M. Khosla : Première partie de la question. On a présenté la politique générale qui permettra de concilier ces intérêts. Les quatre éléments principaux, énoncés dans la présentation, sont la prévisibilité de la durée des examens, la diminution des doubles emplois, le renforcement de la protection de l'environnement et une participation sérieuse des peuples autochtones. Nous adoptons une approche équilibrée.

La notion d'« effets environnementaux » est définie dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. J'invite Mme Cutts à vous l'expliquer plus en détail.

Mme Cutts : L'article 5 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale énumère les effets environnementaux. La première partie de l'article traite des effets qui sont de ressort fédéral. Il est important que nous puissions examiner tous les effets qui relèvent du pouvoir fédéral. Au prix d'un travail juridique considérable, nous avons défini ce qui était vraiment fédéral : le poisson et son habitat, d'autres espèces aquatiques, les oiseaux migrateurs, les questions transfrontalières et les effets environnementaux sur les peuples autochtones.

La deuxième partie de l'article 5, qui décrit les effets environnementaux, met l'accent sur les effets qui sont directement liés à des décisions fédérales. Dans les deux parties de l'article 5, nous mettons l'accent sur les compétences qui sont fédérales soit par les domaines visés, soit par le fait que les autorités fédérales doivent prendre des décisions comme bailleur de fonds, promoteur ou source d'autorisations.

Le sénateur Wallace : Y a-t-il des critères à appliquer pour déterminer le sens à donner à l'« effet environnemental négatif et important », s'il y en a un?

Mme Cutts : Il y a des lignes directrices distinctes de la loi qui permettent à tous les membres de notre personnel expérimenté d'examiner ces effets. Ils tiennent compte de la durée des effets, de leur fréquence et de leur nature. Ils voient aussi combien d'espèces seront touchées, par exemple.

Tous les membres de la famille fédérale collaborent à cette analyse. Nous nous chargeons de confectionner le rapport, mais nous faisons appel aux compétences d'autres ministères en matière scientifique. Nous faisons souvent appel à M. Stringer et à Mme Volk au MPO et à Environnement Canada pour nous aider à éplucher l'information.

Le promoteur lui-même est l'autre source d'information dont nous avons besoin pour examiner les effets environnementaux importants. Nous nous faisons une idée du projet et nous définissons des exigences dont le promoteur doit tenir compte. Il fait ses recherches, puis les scientifiques d'Ottawa examinent le projet de leur côté et produisent un rapport.

Le sénateur Mitchell : Je m'inquiète de la nouvelle définition de ceux qui peuvent comparaître pour ces types d'examen. Ainsi, l'ONE peut actuellement autoriser à présenter des observations toute personne intéressée qu'elle juge bon d'entendre. Aux termes du projet de loi, la possibilité de présenter des observations est expressément limitée à ceux qui ont un intérêt direct à l'égard du projet ou seront directement touchés par lui. Pourquoi ne pas laisser un peu de latitude à l'ONE ou à tout autre organisme chargé d'un examen? Cela semblerait raisonnable.

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit des émissions de gaz à effet de serre, l'extension de l'expression « directement touché » ne serait-elle pas considérable? Tout le monde est directement touché par les changements climatiques.

M. Khosla : Comme je l'ai dit plus tôt à propos de cette modification législative, les termes « directement touché » veulent dire exactement ce qu'ils disent. La modification prévoit un certain nombre d'outils; elle laisse une certaine latitude projet par projet, ce qui est un élément essentiel de la réponse, à ceux qui gèrent ces processus, non seulement à l'ONE, mais également aux commissions d'examen de l'ACEE, pour qu'ils puissent s'assurer d'entendre ceux qui doivent être entendus. Il s'agit ici d'experts scientifiques et techniques, de peuples autochtones, de personnes qui habitent à proximité de l'endroit où le projet doit être réalisé.

Cela s'applique assurément à toutes les parties, il faut le souligner ici, et pas à seulement un ensemble de groupes intéressés. C'est un outil qui fait partie d'une trousse qui doit permettre de mieux gérer la pratique et qui rapproche ces processus des pratiques de la plupart des tribunaux administratifs et cours.

L'idée, c'est qu'il faut entendre le point de vue de tous ceux qui ont un intérêt à l'égard du projet sans que le processus soit submergé parce que tout le monde se présente. C'est sûrement un outil de la panoplie qui servira à gérer le processus.

Vous avez cité des termes extraits du texte de loi. Les expressions « directement touché » et « partie intéressée » sont synonymes.

Le sénateur Lang : Je voudrais fouiller un peu plus cette même question. Il y a eu bien des inquiétudes au sujet des fonds qui affluent au Canada pour financer des organisations qui se présentent devant diverses commissions chargées d'évaluations environnementales.

Peut-être pourriez-vous préciser ce que vous avez dit au sénateur Mitchell. Je crois comprendre que le processus n'empêchera pas forcément qui que ce soit de comparaître, mais qu'il ciblera ceux qui pourraient comparaître devant les commissions ou groupes d'évaluation ou d'examen. S'ils ont des connaissances spécialisées, ils seraient entendus, et l'information ainsi communiquée serait prise en considération dans le processus. Est-ce exact?

M. Khosla : Je le répète, les choix se feront projet par projet. Je crois que c'est l'élément central. Cela dit, il faut donner à ceux qui gèrent ces processus la possibilité de rechercher et de classer par ordre de priorité ceux dont ils veulent obtenir le point de vue, notamment ceux qui ont des connaissances spécialisées.

[Français]

Le sénateur Massicotte : À l'alinéa 5.(1) du projet de loi, on définit quels effets environnementaux vont s'appliquer et à l'alinéa 19.(1), on parle plutôt des éléments à examiner.

Quelle est la différence entre ces deux alinéas? Qu'est-ce qui est exclu?

M. Khosla : Merci de la question. Il y a un lien entre les deux. Helen et Steve peuvent peut-être rapidement décrire la situation. C'est l'interaction entre les deux articles?

Le sénateur Massicotte : Oui.

M. Mongrain : Oui, les deux articles dans les deux lois sont fondamentaux, cela concerne les changements à l'environnement.

[Traduction]

Comme Mme Cutts l'a signalé dans sa description du paragraphe 5(1), il s'agit précisément de lier ces éléments qui se rattachent à une autorité fédérale, dans un champ de compétence fédérale. Nous n'avons pas ce degré de précision dans la loi actuelle, qui parle simplement des changements dans l'environnement.

Si nous apportons cette précision, c'est parce qu'elle nous permet d'imposer ces conditions à un promoteur après l'évaluation environnementale. Le paragraphe 5(2) du projet de loi traite des décisions fédérales, des effets environnementaux ou des changements dans l'environnement qui découlent de décisions fédérales. C'est essentiellement la base de l'actuelle LCEE. Il faut avoir un projet et une décision fédérale. Puis, il y a une évaluation environnementale qui porte sur les changements apportés à l'environnement essentiellement à cause de cette décision. Cet aspect est abordé au paragraphe 5(2).

La différence entre les deux régimes législatifs, c'est que, aux termes de l'actuelle LCEE, nous devons avoir une décision fédérale avant qu'un projet ne soit évalué. Nous avons besoin d'un élément déclencheur, comme le sénateur McCoy l'a fait remarquer. Il se peut qu'il y ait des effets sur les oiseaux migrateurs, mais il n'y a aucune décision fédérale sur le projet, si bien que nous ne pouvons l'évaluer. Dans le régime proposé ici, il peut y avoir des effets sur les oiseaux migrateurs, sur les terres fédérales, sur les peuples autochtones et, en l'absence de toute décision fédérale, nous pouvons examiner les effets précis et, au bout du compte, les évaluer. Il faut un point de scission pour des raisons d'ordre constitutionnel et juridique, pour que le gouvernement fédéral ne se rende pas coupable d'ingérence en faisant respecter des mesures de mise en œuvre et d'atténuation; ce n'est pas un cheval de Troie lancé dans la réglementation provinciale de ces projets.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je comprends, mais concrètement, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce qu'il y a des projets aujourd'hui qui sont assujettis à une révision environnementale qui ne le seront pas à l'avenir avec un impact important pour les Canadiens?

M. Mongrain : C'est un changement dans l'environnement, on examine les impacts et le ministre et les autres autorités responsables prennent une décision.

Le sénateur Massicotte : Est-ce qu'il y a une différence importante entre le projet de loi et la loi existante, du point de vue des études qui seront réalisées?

Mme Cutts : Il y a certainement une différence entre les deux projets de loi. Dans la législation proposée, on met l'accent sur les grands projets où il y a la possibilité d'effets négatifs importants.

[Traduction]

Il y a une possibilité réellement faible d'effets. Ceux-là ne sont pas examinés.

[Français]

Nous mettrons l'accent sur les grands projets et nous avons confiance que notre système va renforcer la protection de l'environnement par la décision de ne pas affecter des ressources financières sur de très petits projets.

[Traduction]

Le sénateur Johnson : Au tout début, Mme Volk a parlé de la couverture médiatique des suppressions d'emploi au ministère de l'Environnement. Selon vous, les médias ont dit qu'un millier d'emplois avaient été supprimés alors qu'il n'y en a eu que 200. Pourriez-vous expliquer davantage où les coupes ont été pratiquées et comment les décisions à cet égard ont été prises?

Mme Volk : Bien sûr. Les coupes qui ont été faites dans ma propre direction générale me sont forcément plus familières.

Le sénateur Johnson : Combien de postes ont été coupés dans votre direction générale?

Mme Volk : Ma direction générale a dû subir presque la majorité des coupes, soit 200 postes, mais pas tout à fait 200.

Pour commencer, nous nous sommes soumis à ce que je décrirais comme un régime d'austérité. Dans bien des cas, nous avons pu faire les mêmes choses avec des ressources moindres grâce à une réorganisation et à une restructuration. En ce qui concerne le programme des Urgences environnementales, nous avons centralisé nos opérations courantes. Jusque-là, nous avions six centres ouverts sept jours sur sept et 24 heures sur 24 auxquels les gens pouvaient signaler des petits déversements. Nous n'avions pas besoin de ces six centres, qui coûtaient très cher. Il y a plusieurs postes de travail, des postes de nuit et des heures supplémentaires. Nous avons centralisé ces activités, ce qui a permis de réaliser de grandes économies. Nous pouvons ainsi économiser près de 4 millions de dollars par an sans que soit diminuée notre capacité réelle de réagir à une véritable urgence. Ce doit être la mesure qui a eu les plus grands effets dans notre direction générale.

Je reviens en arrière. Vous avez demandé comment les décisions se prennent. Je dirais que nous avons opté pour une approche double. Nous avons d'abord cherché ce que nous pouvions faire pour produire les mêmes résultats en ayant moins de personnel; mais cela ne permet d'atteindre que partiellement les objectifs de réduction du déficit. Puis, nous nous sommes interrogés sur nos domaines d'intervention dans lesquels d'autres administrations sont également engagées, aux éléments qui ne sont peut-être pas essentiels à notre mandat, ou encore aux éléments dont d'autres sont déjà tout à fait disposés à s'occuper. Nous avons alors éliminé le travail — recherche ou sondages — dont d'autres se chargent déjà. Par exemple, un élément qui a surgi est le Programme de l'eau. L'EPA américaine a élaboré le programme WaterSense, qui ressemble un peu à notre programme ÉnerGuide, dont le logo, apposé sur un lave-vaisselle, indique qu'il est économe en énergie; le logo de WaterSense se voit parfois sur les robinets. Le programme est né aux États-Unis. Nous l'avons adopté et il est maintenant appliqué et utilisé chez nous. Les provinces et les municipalités sont actives. Le gouvernement fédéral n'a plus besoin de l'être. Nous avons donc éliminé ce groupe.

Nous avons cherché à quels endroits d'autres administrations étaient actives, où le rôle des instances fédérales n'était pas aussi en évidence, où, à notre sens, d'autres comblaient déjà ou pouvaient combler le vide.

Le président : Je remercie tous les représentants des divers ministères et organismes. Je constate que M. Eisler a décidé de rester pour surveiller l'excellent travail de ses ouailles, si je peux me permettre d'employer ce terme.

Je remercie de leur présence ceux qui sont restés à l'arrière et n'ont pas eu l'occasion de prendre place à la table. Notre étude ne prendra pas fin demain et il se peut fort bien que nous devions recourir de nouveau à vos services. Comme vous le savez, certainement, les ministres des Ressources naturelles et de l'Environnement doivent comparaître. Cela veut dire que certains d'entre vous comparaîtront de nouveau. Peut-être le ministre des Pêches et des Océans également.

Tous mes remerciements. Nous avons pris un bon départ. Sénateurs, je vous remercie beaucoup de vous être présentés à l'heure, et aussi bien préparés.

(La séance est levée.)


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