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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 36 - Témoignages du 7 février 2013


OTTAWA, le jeudi 7 février 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour étudier l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président du comité.

Bienvenue à tous mes collègues, au public ici présent ainsi qu'aux téléspectateurs de partout au pays.

Le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, assume avec compétence les fonctions de vice-président du comité. Commençons par les présentations.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Johnson : Janis Johnson, du Manitoba.

Le sénateur Brown : Je suis Bert Brown, de l'Alberta.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Les sénateurs connaissent tous très bien le dossier. La séance sera donc intéressante. Nous avons tous hâte à la période de questions.

Je profite de l'occasion pour présenter notre greffière, Lynn Gordon, qui nous accompagne depuis que j'ai commencé à faire partie du comité, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks.

Le 28 novembre 2012, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une étude sur la sécurité du transport des hydrocarbures au Canada. L'étude consistera en un examen et en une comparaison des régimes réglementaires, des normes et des pratiques exemplaires canadiens et internationaux concernant la sécurité du transport des hydrocarbures par canalisations, navires-citernes et chemin de fer.

La première partie portera sur les éléments de sécurité touchant les pipelines, généralement ceux de gros diamètre, sous forte pression, destinés au transport à grande distance. Elle examinera le rôle des organismes de réglementation et de l'industrie dans les progrès du rendement en matière de sécurité, tout au long de la durée de service des pipelines au Canada.

Jusqu'à maintenant, le comité a tenu quatre réunions sur l'étude. Aujourd'hui, nous accueillons deux groupes de témoins. Pour la première partie de la séance, je suis heureux de vous présenter, tous les trois du Groupe CSA, Mme Laura Pelan, la directrice des normes; M. Kent Carlson, directeur de projet, Systèmes pétroliers et gaziers; M. Doug Morton, directeur des Relations gouvernementales.

Je pense que M. Morton veut commencer par une déclaration, après quoi nous aborderons la période des questions. Nous consacrerons une heure à ce groupe de témoins.

Doug Morton, directeur, Relations gouvernementales, Groupe CSA : Merci, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, je suis très heureux d'être ici et je vous suis reconnaissant de l'occasion que vous m'offrez de témoigner devant vous. Je suis le directeur des Relations gouvernementales du Groupe CSA. Je suis accompagné de Laura Pelan, gestionnaire des normes de la CSA, et de Kent Carlson, gestionnaire de projet, Systèmes pétroliers et gaziers, qui est responsable du Comité technique sur la norme Z662 de la CSA, réseaux d'oléoducs et de gazoducs. Il succède dans ce rôle à Mme Pelan.

Dans les prochaines minutes, je vais vous présenter un bref aperçu de la division des normes du Groupe CSA, particulièrement du programme du Groupe CSA sur les réseaux de l'industrie du pétrole et du gaz naturel auquel s'intéresse le comité.

Je décrirai notre processus accrédité d'élaboration de normes ainsi que l'élaboration de la norme 662 et son maintien depuis sa première publication, en 1994.

J'aborderai enfin la correspondance entre cette norme et les normes américaines et internationales homologues sur les pipelines, ainsi que l'influence du Canada sur le travail international effectué dans ce domaine.

Établie en 1919, la CSA a été le tout premier organisme accrédité de normalisation au Canada et c'est le plus important au pays. Association indépendante, sans but lucratif, constituée de membres qui visent à répondre aux besoins des entreprises, des gouvernements et des consommateurs au Canada, ainsi que de l'ensemble du marché mondial, nous avons publié plus de 3 000 codes et normes. Nos normes portent sur 54 domaines, notamment l'environnement, l'énergie, la gestion de la qualité, les soins de santé, les infrastructures et bien d'autres encore.

Nous possédons également de l'expérience dans des domaines de nature délicate comme la protection de la vie privée et la sûreté nucléaire. Il y a à peine deux semaines, nous avons publié la première norme sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail.

Nos normes sont élaborées par nos 7 500 membres, qui sont experts dans leur domaine respectif et siègent aux divers comités techniques associés à chaque norme. Notre philosophie d'établissement de normes se fonde sur les principes de la représentation équilibrée et du consensus. La CSA a également une présence très marquée sur la scène internationale. Avec l'autorisation du Conseil canadien des normes, nous administrons plusieurs comités et groupes de travail au nom de l'Organisation internationale de normalisation, qu'on appelle communément l'ISO. Nous administrons notamment un comité parallèle sur les réseaux d'oléoducs et de gazoducs, dont je vais vous parler plus en détail dans quelques minutes.

Une grande partie de nos normes a été harmonisée avec des normes internationales. D'autres normes CSA sont dérivées de normes élaborées à l'étranger, mais elles ont été personnalisées en fonction des besoins particuliers du Canada.

Comme je l'ai dit, le processus d'élaboration de normes de la CSA est accrédité par le Conseil canadien des normes, c'est un processus transparent fondé sur la représentation équilibrée et le consensus. Les membres des comités techniques sont sélectionnés parmi les groupes d'intérêt les plus susceptibles d'être touchés par la norme.

La CSA se veut une tierce partie neutre qui fournit une structure et une tribune pour l'élaboration des normes, mais il appartient aux membres des comités techniques de rédiger les normes et de les mettre à jour.

Toutes nos normes sont non exécutoires et ne deviennent obligatoires que si elles sont incorporées à un règlement par le gouvernement ou un organisme de réglementation.

Une fois publiées, les normes ne sont pas figées, elles sont continuellement révisées et mises à jour en fonction des besoins changeants et des technologies émergentes.

Le processus d'élaboration des normes comprend sept étapes distinctes. Je crois que vous avez devant vous la documentation qui vous a été distribuée avant la séance. Ces étapes sont la proposition, la préparation, le comité, l'examen, l'approbation, la publication et la mise à jour. À trois étapes différentes du cycle, des avis publics entrent en jeu.

Au sujet du programme sur les réseaux de l'industrie du pétrole et du gaz naturel, nous répondons aux besoins du secteur pétrolier et gazier depuis plus de 45 ans. Les normes élaborées dans le cadre du programme de la CSA sur l'industrie du pétrole et du gaz naturel répondent à la nécessité, sur le plan technique, de respecter la réglementation, ce qui témoigne de la solidité du processus renommé d'élaboration de normes de la CSA.

Les normes de la CSA servent de point de repère pour la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien des pipelines. Leur élaboration repose sur la participation d'une multitude d'intervenants, ce qui favorise la continuité et accroît le niveau de confiance du public envers le processus.

Chaque norme concernant l'industrie du pétrole et du gaz naturel fait l'objet d'un renvoi dans les règlements provinciaux et fédéraux.

La CSA élabore également des normes en matière de durabilité. Récemment, nous avons publié la première norme au monde sur le stockage géologique du dioxyde de carbone. De plus, nos normes favorisent la sécurité publique. Par exemple, la CSA a publié la norme sur la Gestion de la sûreté des installations liées à l'industrie du pétrole et du gaz naturel, la première en son genre en Amérique du Nord.

Dans le cadre du programme de la CSA sur les réseaux de l'industrie du pétrole et du gaz naturel, chaque nouvelle édition de la norme 662 obéit à un processus bien établi. La CSA commence par faire paraître sur son site Web un avis public signalant son intention d'entreprendre un projet de norme. Son personnel, de concert avec les membres du comité compétent, détermine les ressources nécessaires à l'élaboration d'une première ébauche, dont la documentation ainsi que les normes et pratiques internationales pertinentes à consulter, et fixe l'échéancier du projet. Le comité technique et ses 10 sous-comités techniques, tous animés par le personnel de la CSA, rédigent une première ébauche. Le projet de norme est affiché pendant 60 jours afin de recueillir les commentaires du public. Tous les commentaires reçus sont examinés, appliqués ou rejetés par les sous-comités et le comité technique principal. Le projet de norme est ensuite soumis à un examen interne effectué par le personnel de la CSA, comme l'exigent nos procédures opérationnelles internes. Le comité technique approuve ensuite le contenu technique du projet de norme. Toute opinion contraire exprimée à l'étape du vote est alors réglée. Nous procédons enfin à une révision finale, puis, elle est soumise au Conseil canadien des normes afin d'être agréée comme Norme nationale du Canada.

La norme évolue constamment. Elle est donc régulièrement mise à jour pour en assurer l'actualité et la validité technique, ce qui peut comprendre la publication de rectificatifs ou d'interprétations de temps en temps. Le travail du comité n'est jamais terminé, parce que dès qu'une norme est publiée, il commence à réfléchir à la suivante, et nous publions une nouvelle édition de la norme tous les quatre ans.

Il importe de signaler que le degré élevé de transparence et de prévisibilité de ce processus est perçu par les intervenants comme un véritable atout du cadre d'élaboration des normes de la CSA.

En plus de notre processus établi, la qualité des membres de nos comités est une autre force importante de la CSA. Comme je l'ai mentionné, nous travaillons avec divers comités d'intervenants composés de représentants de l'industrie, du gouvernement et de groupes d'intérêt général afin d'élaborer la norme. Pour la norme 662, quelque 250 experts siègent à plus de 30 comités afin d'élaborer et de mettre à jour la norme 662.

La version actuelle de cette norme est parue en anglais en juin 2011, puis a été suivie par la version française en janvier 2012. Elle a obtenu le titre de Norme nationale du Canada en septembre 2012.

Elle décrit tout ce qui se rapporte à la conception, à la construction, à l'exploitation et à l'entretien de réseaux d'oléoducs et de gazoducs qui distribuent les produits suivants : les hydrocarbures liquides, y compris le pétrole brut, les fluides polyphasiques, les condensats et produits pétroliers liquides; le gaz naturel liquide et le gaz pétrolier liquéfié; l'eau et la vapeur des champs pétroliers; le dioxyde de carbone utilisé dans les projets de récupération assistée des champs pétroliers; le gaz.

En plus d'élaborer et de publier des normes, le Groupe CSA offre de la formation sur la norme 662. La durée des cours varie d'un survol d'une journée à une formation complète de trois jours sur des articles particuliers de la norme.

Je me propose maintenant de vous donner un bref aperçu des correspondances et des interactions entre la norme 662 et les règles en vigueur aux États-Unis, ainsi que de nos travaux en cours sur la scène internationale.

Au Canada, les exploitants d'oléoducs et de gazoducs suivent la norme 662, qui est évoquée dans la réglementation à l'échelle provinciale aussi bien que fédérale, ce qui lui donne force de loi. Il appartient à chaque organisme de réglementation de déterminer s'il veut ou pas évoquer la norme dans sa réglementation et le cas échéant, s'il veut la reproduire telle quelle ou y ajouter certaines dérogations.

En ce moment, la norme 662 est citée par des organismes de réglementation comme l'ONE et les provinces de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, du Québec, de l'Ontario, du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Écosse.

L'élaboration de la norme 662 s'inspire des pratiques internationales, dont les normes des États-Unis, qui lui servent d'étalon; les dispositions des normes de la CSA sont harmonisées avec ces pratiques internationales au besoin.

Aux États-Unis, les entreprises exploitant des gazoducs et des oléoducs sont tenues de suivre le Code des règlements fédéraux, titre 49, parties 192 et 195, ainsi que la réglementation des États concernés. Ce code est élaboré et mis à jour par la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA), qui relève du département des Transports. Diverses normes sont incorporées par voie de renvoi, en partie ou en totalité, au titre 49.

Un rapport préparé en 2008 pour la PHMSA brosse une comparaison des normes consensuelles des États-Unis et du Canada sur les pipelines de transmission. Ce rapport, qui est disponible sur le site Web de l'administration américaine, fait valoir que la réglementation sur les oléoducs et gazoducs aux États-Unis et au Canada misent essentiellement sur l'incorporation par renvoi des normes industrielles, que ce soit partiellement ou intégralement, et qu'en règle générale, ces normes sont compatibles en ce qui a trait aux questions touchant aux matériaux et à l'équipement.

Il importe de souligner que malgré les différences qui existent entre les normes canadiennes et les normes américaines, nos processus respectifs sont très stricts, et nous travaillons en coopération à régir toutes les questions d'importance relatives aux réseaux d'oléoducs et de gazoducs. J'ajoute qu'il y a des experts américains qui siègent aux comités de la CSA et vice versa.

À l'échelle internationale, l'Organisation internationale de normalisation, l'ISO, a un comité responsable du matériel, de l'équipement et des structures en mer pour les industries pétrolière, pétrochimique et du gaz naturel. Pour participer aux travaux de ce comité ISO, le Conseil canadien des normes a créé ce qu'il appelle le Comité parallèle canadien, un comité qui se compose d'experts du comité de la CSA et de membres des comités qui participent à l'élaboration et à la mise à jour de notre norme. Le comité parallèle a pour mandat d'examiner les propositions des comités ISO et de fournir un point de vue canadien pour exprimer notre position sur la scène internationale.

La CSA administre le Comité parallèle canadien sur les réseaux d'oléoducs et de gazoducs et veille à défendre les intérêts canadiens à la table de négociations internationales. De plus, les membres de la CSA participent à 16 groupes de travail actif de l'ISO associés aux réseaux d'oléoducs et de gazoducs.

Il importe de noter aussi que notre comité technique passe en revue tout incident qui survient dans le monde.

En terminant, je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de vous parler du processus suivi par la CSA et de notre norme.

La compétence essentielle unique de la CSA sert de fondement et de forum à l'élaboration de normes qui protègent la vie des Canadiens, en plus d'améliorer les occasions d'affaires au pays et de positionner le Canada comme l'un des chefs de file de la création de normes au monde.

En plus de l'expertise et des connaissances que nous possédons dans l'élaboration de normes destinées aux secteurs pétrolier et gazier, nous sommes également spécialisés dans les normes des domaines de la capture et du stockage du dioxyde de carbone et de l'équipement de protection pour les travailleurs. Ce sont tous ces secteurs combinés qui rendent notre processus d'élaboration de normes si utile et unique pour l'industrie comme pour les Canadiens.

J'espère que cette information vous aura permis de vous faire une idée du processus suivi par la CSA, processus qui s'attache à trouver des solutions pratiques de façon équilibrée, transparente et ouverte, sous l'œil attentif du public.

Mes collègues et moi sommes tout disposés à répondre à vos questions. Je vous remercie, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup. C'était un excellent exposé. Je vais tout de suite vous poser quelques questions, après quoi je vais donner la parole à mes collègues.

Je pense qu'il est important que les gens qui nous écoutent comprennent bien que pour élaborer ces normes, vous travaillez de concert avec des représentants de l'industrie, des consommateurs et des organismes de réglementation, c'est-à-dire des gouvernements. Corrigez-moi si je me trompe. Est-ce que ce sont bien les trois principaux secteurs avec qui vous collaborez?

M. Morton : Oui. Nous travaillons aussi avec les universitaires, mais nos trois principaux types de collaborateurs sont des représentants de l'industrie, des gouvernements et des consommateurs.

Le président : Je comprends bien comment les organismes de réglementation et l'industrie sont représentés, mais qui représente les consommateurs?

M. Morton : C'est une bonne question. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous tenons à ce que quiconque risque d'être touché par une norme ait une voix à nos comités. Par exemple, lorsque nous élaborons une norme en matière de santé, nous tenons à ce qu'il y ait des représentants des consommateurs à la table, parce que ce sont eux qui seront les plus touchés par la norme en bout de ligne.

Il n'y a pas de représentants des consommateurs qui ont participé à l'élaboration de cette norme-ci. Cependant, il s'agit d'une voix importante qu'il faut entendre, selon la nature de la norme que nous élaborons.

Le président : Au sujet de la publication des résultats de vos travaux, il me semble que vous avez dit qu'ils étaient affichés pendant 60 jours. Recevez-vous des commentaires du consommateur moyen, de gens qui ne représentent pas un organisme de réglementation? Par exemple, sur les soins de santé, s'il s'agit d'une norme sur les soins de santé. Est-ce qu'il vous arrive de recevoir des réponses de personnes à titre individuel?

M. Morton : Tout à fait. Je répète que tout dépend de la nature de la norme. Si une norme est assez banale, nous risquons de recevoir quelques commentaires lorsque nous la rendons publique.

La norme sur la santé et la sécurité psychologiques dont j'ai parlé dans mon exposé et que nous avons rendue publique il y a deux semaines a déjà généré près de 900 commentaires de divers intervenants au pays, si je ne me trompe pas, mais tous les types d'intervenants se manifestent.

Le président : C'est très bon à savoir. Ensuite, d'où provient votre financement?

M. Morton : Il provient de diverses sources. C'est une chose qui rend la CSA assez unique. Certains de nos programmes sont entièrement financés. Par exemple, les normes que nous préparons pour le secteur nucléaire sont entièrement financées par les grandes organisations qui évoluent dans ce secteur. Dans le domaine de la santé, par exemple, nous pouvons être financés par divers groupes de l'industrie. Cela varie vraiment. Dans certains cas, nous ne recevons aucun financement pour une norme, mais nous croyons que cette norme a une valeur sociale, donc nous investissons nous-mêmes dans son élaboration. Les modèles de financement que nous utilisons sont donc très variés.

Le président : Serait-il exact d'affirmer que vous recevez du financement d'un spectre si large que vous n'avez pas du tout besoin d'attendre une aide de l'industrie, du gouvernement ou d'ailleurs pour prendre des décisions? Je ne dis pas que c'est ce que vous faites, mais je pense que c'est le genre de chose qu'il faut que le public sache : vous bénéficiez d'un financement de sources très variées, si je comprends bien votre réponse.

M. Morton : Vous avez raison, mais vous soulevez un bon point, monsieur le sénateur. J'ai surtout parlé dans mon exposé du fait que nous favorisons beaucoup la représentation équilibrée.

Supposons, par exemple, qu'un ministère finance complètement l'élaboration d'une de nos normes. Comme la représentation est équilibrée à nos comités, même si un ministère finance nos travaux, il n'aura qu'un vote. Nous veillons à ce qu'aucune entreprise, aucune industrie ni aucun ministère ne puissent exercer de domination sur le processus.

Le président : C'est très bon à savoir. Le public a besoin de savoir ce genre de chose, parce que nous entendons toujours dire que lorsque l'industrie finance quelque chose, c'est à son avantage. Je suis content d'entendre cette réponse.

Je vais rapidement passer à un autre sujet, celui des incidents qui surviennent à l'échelle internationale, c'est-à-dire n'importe où ailleurs qu'au Canada. Est-ce que vous les examinez tous ou est-ce que vous retenez ceux avec lesquels il y a des parallèles à faire au Canada?

M. Morton : Je vais demander à mes collègues de vous répondre.

Laura Pelan, directrice, Normes, Groupe CSA : Les comités examinent tout ce qui leur est soumis, mais les sujets sont habituellement proposés par un membre du comité. Prenons l'exemple de la rupture du pipeline San Bruno. Le NPSP a formulé un certain nombre des recommandations. Nos sous-comités sont en train d'examiner chacune de ces recommandations pour déterminer si les exigences établies dans notre norme sont suffisantes, ils examinent toutes ces recommandations pour évaluer si nous devrions nous aussi y adhérer.

Le sénateur Mitchell : Bref, vos normes s'appliquent à des structures physiques tangibles. Dans le cas des pipelines, elles concerneraient des choses comme l'épaisseur des parois, la qualité des matériaux qui les recouvrent et la nature des soudures. Elles portent également sur les questions plus abstraites comme la formation, d'après ce que je vois. Est-ce exact? Est-ce bien ce que vous faites?

Kent Carlson, directeur de projet, Systèmes pétroliers et gaziers, Groupe CSA : La norme porte sur des exigences techniques comme celles que vous avez mentionnées. Elle vise aussi des choses comme les modèles de gestion, pour qu'on tire des leçons dans l'industrie des incidents qui surviennent. Elle est continuellement revue, pour que les entreprises offrent de bons programmes de formation, par exemple.

Le sénateur Mitchell : C'est très intéressant. Cela répond précisément à ma prochaine question.

M. Caron, président de l'Office national de l'énergie est venu nous rencontrer. Il a soulevé un argument intéressant. Son organisme porte particulièrement attention à toute la structure du système de gestion. La sûreté dépend des systèmes de gestion. Il a dit qu'un moment donné, nous pourrions avoir des normes pour évaluer la culture de sûreté. Cette observation m'a intrigué, parce qu'en bout de ligne, ce sont les gens qui rendent les choses sûres. Pensons à l'exemple de Kalamazoo, où des messages d'alerte ont été envoyés, mais n'ont pas été vus avant 12 ou 17 heures. Est-ce le genre de choses auxquelles vous travailleriez, afin d'établir des normes favorisant une culture de sûreté, pour que vous puissiez commencer à établir des normes en fonction desquelles évaluer la culture de sûreté?

M. Morton : Tout à fait. Nous rédigeons des normes en matière de santé et sécurité au travail, par exemple. Ce sont des normes de gestion. Elles ne visent pas seulement la façon de reconnaître les dangers potentiels auxquels les travailleurs pourraient être confrontés, mais aussi la mise en place de programmes et l'évaluation des enjeux. Nous incluons ce genre de dispositions à diverses normes. On les appelle des normes de gestion. Elles sont très détaillées. Nous en élaborons depuis très, très longtemps, particulièrement dans le domaine de la santé et de la sécurité.

Le sénateur Mitchell : Comment intégrez-vous une nouvelle technologie? Par exemple, supposons qu'une société de pipeline dispose d'une nouvelle technologie qui améliore la sécurité sur tous les plans, mais qu'on considère cette technologie trop dispendieuse. Comment seriez-vous informés de l'existence de cette technologie et à quel point insisteriez- vous pour en faire une norme?

M. Morton : Tout d'abord, le Groupe CSA ne détermine pas ce qui devient une norme; ce sont nos parties intéressées qui s'en occupent, et nous les écoutons.

J'ai mentionné certains des domaines dans lesquels nous établissons des normes, mais nous jouons également un rôle important dans les technologies émergentes. Par exemple, nous jouons actuellement un rôle de premier plan en ce qui concerne la nanotechnologie à l'échelle internationale et nationale. Il est intéressant de souligner que nos premières normes concernant la nanotechnologie sont liées à la santé et à la sécurité au travail. Nous nous occupons aussi d'autres technologies, par exemple, le réseau électrique intelligent, les voitures électriques, et cetera. Nous venons de signer un contrat avec RNCan pour établir des normes s'appliquant aux stations de recharge des véhicules électriques.

On considère parfois que les normes sont le service d'incubation ou de R & D du Groupe CSA. Nous menons beaucoup d'enquêtes. Nous collaborons avec la communauté internationale pour comprendre ces technologies et comment, au bout du compte, elles peuvent devenir des normes, car nous nous efforçons constamment d'être une meilleure ressource pour nos parties intéressées.

Le sénateur Mitchell : J'allais vous demander si vous pouviez établir certaines normes sur la qualité des débats au Parlement.

Le président : Je ne sais pas si vous les respecteriez.

Le sénateur Mitchell : Je pourrais vous aider.

Le sénateur Lang : J'aimerais apporter des éclaircissements pour le compte rendu sur une question posée par le sénateur Neufeld. Vous êtes un organisme indépendant qui n'a pas de comptes à rendre aux parties intéressées. Vous exercez vos activités de façon indépendante et on ne peut pas vous accuser d'avoir des intérêts dans un domaine particulier. Est-ce exact?

M. Morton : C'est exact, monsieur le sénateur.

Le sénateur Lang : Cela m'amène à la prochaine question. L'une des raisons pour lesquelles nous organisons ces audiences, c'est parce qu'actuellement, au Canada, on s'interroge sur la sécurité des pipelines et si, à long terme, on devrait continuer de construire des pipelines pour le transport de nos combustibles fossiles.

Tous les jours, des gens qui sont contre la construction de pipelines nous parlent des enjeux liés à la sécurité de ces pipelines et des risques qu'ils présentent, mais il est rare que des intervenants appartenant à des organismes comme le vôtre viennent clarifier les risques associés à ces pipelines et parler de la façon de les réduire. Pourquoi n'êtes-vous pas plus actif dans vos relations publiques, afin que les gens sachent ce que votre organisme peut faire et qu'ils soient au courant des recherches que vous avez effectuées? Ils pourraient ainsi se faire leur propre idée des risques associés aux pipelines.

M. Morton : C'est une question intéressante. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, notre organisme a été créé il y a 94 ans. Je pense que la plupart des Canadiens savent qui nous sommes, même s'il s'agit seulement de reconnaître notre marque de certification sur leur grille-pain. Toutefois, ils ne comprennent pas tout à fait la portée des activités dont je vous ai parlé aujourd'hui. Nous avons de plus en plus d'activités de promotion et nous sensibilisons les gens, surtout au sein du gouvernement fédéral. J'occupe mon poste depuis février dernier. Mon poste a été créé, entre autres, pour veiller à ce que les gens qui travaillent pour le gouvernement fédéral comprennent la raison d'être et la contribution du Groupe CSA.

En ce qui concerne les incidents liés aux pipelines, comme vous l'a dit M. Caron de l'ONE, les normes représentent un aspect de la gestion des pipelines, des systèmes de gestion, des systèmes de contrôle de la qualité, des processus d'exploitation, et cetera. La question des pipelines ne se limite pas aux normes. Lorsque des incidents se produisent, ce sont certainement les sociétés ou les organismes de réglementation concernés qui sont au premier plan. Nous n'intervenons généralement pas dans ce type de débat. Toutefois, si on nous demande d'intervenir ou si un problème lié à notre norme se pose, nous nous en occuperons certainement.

Par exemple, j'ai mentionné que nous établissons des normes liées à la santé et à la sécurité au travail. Manifestement, des problèmes et des accidents se produisent en milieu de travail et parfois, il y a des pertes humaines. Lorsque je dirigeais le groupe de travail en matière de santé et sécurité au travail, je m'occupais, entre autres, des rapports du coroner sur les accidents. Si le rapport contenait une recommandation sur l'une de nos normes, nous nous en occupions certainement. Toutefois, lorsqu'il s'agit de questions liées aux pipelines, vous avez absolument raison : nous nous en remettons à l'industrie et aux organismes de réglementation.

Le sénateur Lang : J'aurais pensé que les relations publiques faisaient partie de vos responsabilités à l'égard de ces normes. Votre statut d'organisme indépendant vous rend plus digne de confiance qu'un promoteur de pipelines qui veut construire un pipeline.

Les représentants de votre organisme sont-ils invités à comparaître devant les commissions d'évaluation environnementales, par exemple, Northern Gateway, pour partager les connaissances et les normes de l'organisme et parler des effets de ces normes à long terme? Votre organisme a-t-il une présence active à cet égard?

M. Morton : Pas à ma connaissance, non.

Le sénateur Lang : Il me semble qu'un organisme comme le vôtre devrait informer les gens sur les normes en vigueur et les raisons qui les justifient; je ne vois pas qui d'autre pourrait le faire en votre nom.

M. Morton : Si on nous invitait à une audience, nous serions certainement heureux d'y participer et d'expliquer notre rôle. Dans l'exposé qu'il a livré il y a quelques jours, M. Caron a précisé que l'ONE tenait compte de nos normes dans une certaine mesure. Nous serions très heureux de comparaître si cela pouvait aider à faciliter le processus.

Le sénateur Lang : Il me semble qu'il n'est pas nécessaire d'attendre une invitation; vous pourriez demander à intervenir et à comparaître avant la tenue d'une audience. Vous devriez le faire, car les renseignements que vous nous avez communiqués aujourd'hui, sont très pertinents.

M. Morton : Merci, monsieur le sénateur.

La sénatrice Ringuette : J'aimerais apporter une correction pour nos téléspectateurs. Notre mission consiste à examiner toutes les formes de transport de masse d'hydrocarbures, et pas seulement les pipelines.

Le transport de masse comprend le transport par pétrolier, par pipeline, par chemin de fer, par camion, et cetera. Avons-nous des normes s'appliquant à tous ces modes de transport?

Mme Pelan : Nous avons des normes sur le transport des marchandises dangereuses, mais il s'agit d'un groupe différent, et je n'ai pas beaucoup de renseignements à ce sujet. En ce qui concerne le pétrole et le gaz, nous nous occupons des pipelines, car c'est le mode de transport utilisé.

La sénatrice Ringuette : N'établissez-vous pas des normes qui s'appliquent au transport par chemin de fer, par camion ou par pétrolier?

M. Morton : Comme l'a dit Mme Pelan, madame la sénatrice, Transport Canada invoque neuf normes dans ses règlements sur le transport des marchandises dangereuses. Le Groupe CSA établit toutes ces normes pour le ministère, mais pas seulement pour le pétrole. Je pense que vous devriez vous adresser à Transport Canada.

La sénatrice Ringuette : Transport Canada vous a demandé d'établir des normes seulement pour le transport du pétrole par pipeline.

M. Morton : Non, les normes s'appliquant aux pipelines ont été établies pour le secteur pétrolier et gazier. Le transport des marchandises dangereuses relève de Transport Canada.

La sénatrice Ringuette : Cela comprend-il les différents modes de transport que j'ai mentionnés plus tôt?

M. Morton : Transport Canada s'occupe certainement du transport ferroviaire et maritime. Nous nous occupons surtout, je présume, du transport des marchandises dangereuses par la route.

La sénatrice Ringuette : Vous établissez donc les normes s'appliquant au transport du pétrole par camion.

M. Morton : C'est exact. C'est ce que je comprends, madame la sénatrice.

La sénatrice Ringuette : Est-ce que vos normes s'actualisent automatiquement, et sinon, de quelle façon sont-elles actualisées?

M. Morton : Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous renouvelons les normes s'appliquant aux pipelines tous les quatre ans. Selon les directives du Conseil canadien des normes, nous sommes tenus de renouveler les normes tous les cinq ans. En ce qui concerne les pipelines, nous les renouvelons tous les quatre ans.

Nous rédigeons aussi, par exemple, le Code canadien de l'électricité; étant donné qu'il change si souvent, nous le publions tous les trois ans. Le comité décide à quelle fréquence les normes devraient être publiées.

La sénatrice Ringuette : Vous avez un échéancier pour l'actualisation et l'examen des normes actuelles.

M. Morton : C'est exact. Nous devons les examiner tous les cinq ans.

La sénatrice Ringuette : Par exemple, les normes s'appliquant aux pipelines font automatiquement l'objet d'un examen tous les cinq ans.

M. Morton : Dans le cas des pipelines, c'est tous les quatre ans. C'est exact.

La sénatrice Ringuette : En ce qui concerne les pipelines, cela s'applique-t-il aux normes sur la conception, la construction, les matériaux utilisés, l'exploitation et l'entretien, c'est-à-dire les différentes phases du pipeline?

M. Morton : Oui. Tous les éléments liés à la norme sont renouvelés tous les quatre ans. Je pense que la table des matières du document compte 15 pages; c'est une norme très détaillée. Elle est examinée au complet tous les quatre ans.

La sénatrice Ringuette : Au cours des 10 dernières années, on a certainement amélioré les normes s'appliquant aux pipelines, mais avez-vous reçu des questions à cet égard de la part du public ou de certains groupes de consommateurs?

M. Carlson : C'est une bonne question. Je ne suis pas au courant. Il faudrait que je vérifie et que je vous revienne là- dessus. Habituellement, les questions qui nous sont posées viennent de membres d'un comité ou de gens qui travaillent dans l'industrie et qui connaissent bien la technologie.

La sénatrice Ringuette : Si vous n'êtes pas au courant en ce qui concerne les groupes de consommateurs, avez-vous envisagé d'améliorer les normes en raison d'une fuite?

Mme Pelan : Il s'agirait d'un incident; si la fuite était un incident, elle serait examinée par le sous-comité technique responsable de cette partie de la norme. S'il s'agissait d'une question liée aux matériaux, notre sous-comité des matériaux qui examine l'article 5 de la norme Z662 étudierait l'incident et déterminerait s'il est nécessaire de modifier les exigences minimales de la norme.

La sénatrice Ringuette : Cela déclencherait un examen avant l'échéance de quatre ans.

Mme Pelan : Oui, c'est exact.

La sénatrice Ringuette : Cela est-il arrivé au cours des 10 dernières années?

Mme Pelan : Oui; nous avons apporté des modifications. S'il y a un problème de sécurité avant la fin du cycle de quatre ans, c'est-à-dire avant la publication des nouvelles normes, nous modifierons les normes pour qu'elles suivent n'importe quel type de changement technologique, ou nous les modifierons en réaction à un incident ou à la nécessité de modifier une exigence liée à la sécurité. Ce sont donc des situations qui entraîneraient la modification des normes.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais revenir aux questions posées par notre président, car je pense que c'est très important. C'est très technique. Nous ne sommes pas des spécialistes dans votre domaine, et j'aimerais savoir comment cela a été créé. J'aimerais connaître les détails.

En ce qui concerne la création de la norme CSA Z662, pouvez-vous nous dire qui faisait partie du comité, qui représentait les consommateurs, qui représentait le gouvernement, et cetera? Pourriez-vous nous donner plus de détails sur les membres du comité?

M. Morton : Je peux vous dire que le comité comptait presque 50 membres. Il y avait des représentants des sociétés pétrolières et gazières et des représentants d'organismes de réglementation provinciaux et fédéraux. Il y avait des représentants de l'ONE dans le conseil d'administration et plusieurs organismes de réglementation provinciaux ont fait partie du comité. Je pense qu'il y avait aussi des tuyauteurs. Il y avait toutes sortes de parties intéressées, mais le comité comptait environ 50 membres.

Le sénateur Massicotte : Sur ces 50 membres, combien représentaient des organismes de réglementation et combien étaient des consommateurs? Pourriez-vous nous décrire la répartition des membres du comité?

M. Morton : Je serais heureux de vous dresser la liste des membres et de préciser le domaine auquel ils appartiennent.

Le président : Si vous le pouvez, veuillez l'envoyer à la greffière.

Le sénateur Massicotte : Lorsque vous nous communiquerez ces détails, pourriez-vous nous dire qui a financé le coût des recherches? Tenez-vous un registre des votes? Vous avez dit qu'il s'agissait d'un consensus. Est-ce que tout le monde doit être d'accord?

M. Morton : Non. Le consensus signifie que la majorité est d'accord. Il n'est pas nécessaire que tout le monde soit d'accord.

Le sénateur Massicotte : Pourriez-vous nous communiquer les détails du vote sur la norme Z662?

M. Morton : Nous ne publions pas ces renseignements pour des raisons de confidentialité; nous ne pouvons donc pas vous donner des renseignements sur les votes individuels si c'est ce que vous voulez savoir.

Le sénateur Massicotte : Si vous pouvez nous envoyer ces renseignements, nous vous en serions reconnaissants.

Dans votre exposé, vous avez aussi fait référence à des renseignements sur les normes américaines et canadiennes. Vous n'avez fait aucun commentaire. Vous avez dit qu'on avait travaillé fort pour atteindre un consensus. En ce qui concerne Z662, comment nos normes se comparent-elles aux normes américaines et européennes? La qualité et les résultats sont-ils les mêmes, meilleurs ou pires?

M. Carlson : Un rapport publié par l'ONE en 2008 contient ces renseignements. Nous pourrions vous le faire parvenir.

Le sénateur Massicotte : Que retrouve-t-on dans ce rapport, en général?

M. Carlson : J'ai une citation qui provient du rapport de 2008 : « Le nombre de rejets de liquides à partir du corps de la canalisation des pipelines [...] est inférieur à celui qui est signalé par les organismes de référence presque tous les ans depuis 2000. » C'était comparativement aux pipelines des États-Unis et de l'Europe.

Le sénateur Massicotte : On nous a communiqué cette conclusion hier, et je pense qu'elle est exacte. Toutefois, on nous a aussi dit que même si les rejets étaient moins fréquents, le volume des fuites de pétrole et de gaz était environ le même. Il est intéressant de constater qu'on peut écrire différentes conclusions. À votre avis, nos normes semblent-elles supérieures à celles des Américains et des Européens, si vous jugez que cette citation est juste?

M. Morton : Je ne sais pas si je les qualifierais de « supérieures ». Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nos processus respectifs sont rigoureux et reposent sur l'intégration des normes. Je pense que les codes sont rigoureux des deux côtés de la frontière. Je ne suis pas en position de dire que l'un est meilleur que l'autre.

La sénatrice Johnson : Quand votre organisme a-t-il été créé?

M. Morton : Je pense que j'ai mentionné que c'était en 1919.

La sénatrice Johnson : Pouvez-vous me donner des exemples de vos membres?

M. Morton : Étant donné que nous nous occupons d'un si grand nombre de domaines technologiques, nous avons environ 7 500 membres de partout au pays qui représentent les domaines des soins de santé, de l'énergie, de l'électricité, et de la santé et sécurité au travail. Ils viennent d'un large éventail de domaines.

La sénatrice Johnson : Combien de membres avez-vous? Combien de groupes font partie de votre organisme et combien de personnes font partie de votre conseil d'administration?

M. Morton : Nos membres sont tous des bénévoles. Normes CSA est un organisme qui rassemble environ 170 personnes. Nous sommes situés en grande partie à Toronto, mais nous avons un bureau à Ottawa et des installations un peu partout au pays. Notre organisme principal, le Groupe CSA, compte 1 700 personnes. Elles sont surtout situées en Amérique du Nord, mais nous sommes aussi très actifs dans le domaine de la certification et des tests sur la sécurité des produits en Asie et en Europe.

La sénatrice Johnson : Comme l'a dit mon collègue, le sénateur Lang, nous aimerions en apprendre plus à votre sujet. La population aimerait que vous soyez un peu plus actifs à ce sujet, surtout en ce moment, car il s'agit d'un enjeu très important.

J'aimerais aborder la question de la situation entre le Canada et les États-Unis. Je suis présidente du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Nous nous rendons souvent à Washington pour parler de ces choses. Vous avez mentionné que nos systèmes étaient différents, mais très intégrés. Quelles sont les différences entre les normes des deux pays? De plus, comment sont-elles adaptées?

Mme Pelan : Quelles sont les différences entre les normes?

La sénatrice Johnson : Y a-t-il des différences entre les normes du Canada et celles des États-Unis?

Mme Pelan : Je ne suis pas vraiment une experte en ce qui concerne les normes en vigueur aux États-Unis. Je peux certainement vous diriger vers le rapport de l'Office national de l'énergie mentionné par M. Carlson. Je crois que le document de travail fournissait un lien dans la partie sur la comparaison entre les deux normes. Plus précisément, on s'est penché sur la norme 662 au Canada et ASME B31.8, la norme mise en évidence dans le rapport.

La sénatrice Johnson : Cela pourrait aussi concerner les différences présentes. Ces différences posent-elles des problèmes liés à la sécurité des pipelines, ce qui constitue une autre de nos préoccupations?

Mme Pelan : Les membres du conseil collaborent étroitement avec ceux de la PHMSA aux États-Unis et ils reconnaissent la nécessité de demeurer en étroite collaboration. En effet, les pipelines traversent la frontière, et ils comprennent cela.

La sénatrice Johnson : Il y a beaucoup de choses qui se passent entre les deux pays, par exemple Keystone, et cetera. J'aimerais que vous approfondissiez cette question pour nous aider dans notre étude.

M. Morton : Nous allons certainement envoyer ce lien à la greffière, afin que vous puissiez y avoir accès.

Le sénateur Wallace : Monsieur Morton, comme vous l'avez souligné, le Groupe CSA a établi une norme pour la conception, la construction et l'entretien des pipelines pétroliers et gaziers; il s'agit de la norme CSA Z662. C'est rassurant, je présume, et encourageant. Elle a été intégrée aux règlements fédéraux et provinciaux. Il y a une norme qui s'applique partout au pays. Toutefois, j'aimerais connaître les détails de vos normes en ce qui concerne la conception, la construction et l'entretien. Je pense aux différents terrains et conditions géographiques traversées par ces pipelines; ils sont construits dans les fondrières du Nord et ils passent sous les cours d'eau. Ils posent donc différents défis et doivent répondre à diverses exigences techniques. Les normes tiennent-elles compte de ce type de détails, c'est-à-dire établiriez-vous une norme de conception différente selon l'endroit où le pipeline serait construit ou situé?

Mme Pelan : La norme prévoit des exigences minimales. Elle est conçue pour faciliter une approche axée sur la performance. Toutefois, il y a des exigences et la norme précisera des détails comme le revêtement, la hauteur libre, et cetera, lorsqu'il s'agit de la conception des pipelines. Elle tient certainement compte du climat unique du Canada. C'est pourquoi nous avons maintenu notre propre norme canadienne; nous reconnaissons la nécessité d'avoir notre propre norme, car elle correspond à notre climat.

Le sénateur Wallace : Il n'y a pas de solution unique au Canada. Il y a une grande différence entre l'installation d'un pipeline dans les Prairies et dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Yukon. Si on installait un pipeline dans les fondrières des Territoires du Nord-Ouest, la norme expliquerait-elle les différences entre l'installation d'un pipeline dans cette région et son installation dans des conditions moins rigoureuses?

Mme Pelan : Je crois que ces exigences sont prévues par la norme, et qu'elles tiennent compte des variations de température. Je le répète, je ne suis malheureusement pas une spécialiste technique de la norme, mais je crois que ces exigences existent.

M. Carlson : Les caractéristiques exigées dépendent de l'environnement dans lequel le pipeline est installé.

Le sénateur Wallace : Lorsque des incidents liés aux pipelines se produisent, l'emplacement des robinets de sectionnement est très important — et le type de robinets, qu'ils soient électroniques ou manuels —, car il faut au moins pouvoir limiter les pertes à la section du tuyau entre les deux parties sectionnées. Les normes précisent-elles ce type de détails, c'est-à-dire le type de robinets de sectionnement qui doivent être installés sur les tuyaux, et selon la région géographique où se trouvent les pipelines, où les robinets devraient être installés, quelle devrait être la distance entre deux robinets et s'ils doivent être manuels ou électroniques? S'ils sont électroniques, ils peuvent être fermés beaucoup plus rapidement que si l'on doit se rendre en hélicoptère dans le Nord pour les fermer à la main. Est-ce que ces détails sont précisés?

Mme Pelan : Oui, la norme est aussi détaillée. Je ne peux pas nommer exactement ces exigences.

Le sénateur Wallace : Non. C'est simplement pour que nous puissions la comprendre et savoir à quel point elle est détaillée. Nous savons qu'il y a une norme. Nous essayons de nous familiariser avec ce genre de détail.

Mme Pelan : Oui, la norme renferme autant de détails, et c'est ce qui permet à l'Office national de l'énergie de la désigner comme étant une exigence.

M. Morton : Pour revenir à votre question précédente, la norme décrit ce qu'il faut faire si un oléoduc doit traverser un cours d'eau. Elle porte sur ce genre de questions. Je répète que nous la qualifions de norme, mais c'est davantage un code, un document de 500 pages qui explique en long et en large quelques-unes des questions que vous avez soulevées.

Le sénateur Wallace : Comme vous l'avez dit, les détails liés à la construction, tels que le passage d'un oléoduc sous une rivière, pourraient être très différents.

M. Morton : Absolument.

Le sénateur Wallace : C'est rassurant.

Le sénateur Brown : J'aimerais savoir si vous élaborez des normes pour exiger le remplacement de tuyaux dans les maisons et les bâtiments, là où l'on utilise le gaz naturel.

M. Morton : C'est nous qui élaborons ces normes. Ce n'est pas le groupe des produits pétroliers, mais nous, en effet.

Le sénateur Brown : Y a-t-il un laps de temps au cours duquel ces tuyaux devraient être remplacés, ou doivent-ils être remplacés lorsqu'un incident survient?

M. Morton : Il faudrait que je me renseigne, sénateur. J'ignore la réponse à cette question.

Le sénateur Brown : Je tiens beaucoup à connaître la réponse, car j'ai vu de telles situations se produire dans des régions rurales à différentes étapes.

M. Morton : En discutant avec vous avant le début de la séance, je me suis aperçu que vous en connaissez probablement plus que nous sur certaines de ces questions.

Le sénateur Lang : Je veux pousser la comparaison entre nos normes et celles en vigueur dans d'autres régions du monde. Nous avons parlé des États-Unis, et nous avons mentionné l'Europe très brièvement. L'Europe et la Russie ont des oléoducs. Comment nos normes se comparent-elles à celles en Europe et en Russie? Sont-elles comparables? Le savons-nous?

M. Carlson : Je m'excuse. Je ne connais pas la réponse à cette question. Nous pouvons vérifier auprès de nos membres si nous pouvons obtenir une réponse pour vous.

Le sénateur Lang : Mon autre question est la suivante : Au cours des 15 dernières années, il y a eu une rupture d'un oléoduc et vos normes ont dû être passées en revue. Avez-vous été obligés de remplacer certains oléoducs à la suite d'un changement apporté à votre norme?

M. Morton : Je ne pense pas que nous soyons en mesure de répondre à votre question. Il faudrait que vous discutiez soit avec les organismes de réglementation, soit avec les sociétés pétrolières et gazières. Cela ne relève pas de notre compétence, sénateur.

Le sénateur Patterson : Vous avez dit dans votre exposé que vous enquêtez sur des incidents en vue de tirer des leçons. L'Office national de l'énergie nous a dit qu'il fait la même chose. Pourriez-vous décrire le genre de relations qu'entretiennent l'organisme de réglementation et le Groupe CSA pour ce qui est d'effectuer une analyse rétrospective après les incidents? Il y a peut-être d'autres types de relations qui existent entre l'organisme de réglementation et vous dont nous sommes au courant. Vous semblez entretenir des liens étroits, car vous établissez les normes, puis, l'organisme de réglementation les applique. Pouvez-vous décrire cette relation?

M. Morton : Comme je l'ai mentionné, notre comité technique regroupe divers intervenants, dont l'ONE, des organismes de réglementation provinciaux et des experts sur le terrain. Comme Mme Pelan l'a mentionné, le comité se penche sur les incidents qui sont survenus pour voir s'ils ont des répercussions sur nos normes et s'il faut changer des éléments de nos normes. Étant donné que les organismes de réglementation font partie du comité, ils rapportent les renseignements au comité, où ils font l'objet de discussion et d'un examen.

Le sénateur Patterson : L'organisme de réglementation et votre comité pourraient passer en revue les incidents pour voir les leçons qu'ils peuvent tirer et transmettre l'information, n'est-ce pas?

M. Morton : C'est exact. Le comité examinerait ces incidents en tenant compte de la norme. Les organismes de réglementation examinent les incidents sous un angle tout à fait différent dans leurs propres champs de compétence. Au comité, nous analyserions la situation en fonction de la norme.

Le sénateur Mitchell : Dans le rapport qui a été déposé la semaine dernière par le commissaire à l'environnement pour le vérificateur général, on fait valoir que les activités d'exploration et de forage pétroliers et gaziers sont actuellement exemptées de l'obligation de signaler les rejets de polluants à Environnement Canada. S'agit-il d'un secteur où vous pourriez établir des normes ou non? Il est difficile de croire que c'est le cas en ce moment.

M. Morton : Je n'ai pas pris connaissance du rapport, sénateur. Nous élaborons des normes liées à l'environnement, mais je ne connais pas la teneur de ce document.

Le sénateur Mitchell : Je vous le signale, car il est intéressant de savoir que les compagnies ne sont pas tenues de déclarer les polluants qui sont rejetés accidentellement dans le cadre d'activités d'exploration et de forage.

Pour revenir à l'argument du sénateur Patterson au sujet de l'analyse rétrospective et à ce que vous avez fait valoir tout à l'heure, avez-vous réalisé une analyse rétrospective après le déversement de Kalamazoo, ou allez-vous collaborer avec vos homologues américains pour étudier ce qui s'est produit, plus particulièrement en ce qui concerne les complications qui semblent être imputables à une erreur humaine qui aurait été commise au moment d'analyser le système de surveillance, qui signalait une fuite possible, mais l'intervention n'était pas...

M. Morton : Cette responsabilité ne nous incomberait. Je répète que si des conclusions tirées de cette analyse avaient eu des répercussions sur la norme, les organismes de réglementation nous en auraient fait part. Nous n'examinerons cependant pas la norme de façon indépendante.

Le sénateur Mitchell : Ce pourrait fort bien être le cas, car il y a eu des signalements, dont vous aurez probablement connaissance à un moment donné.

M. Morton : Ce serait le processus que l'on suivrait.

La sénatrice Ringuette : Pour les compagnies d'assurance, les normes que vous établissez seraient très importantes pour des raisons de responsabilité en cas d'incident. Font-elles habituellement partie de vos groupes, ou quel est le lien entre le Groupe CSA et l'assurance-responsabilité?

M. Morton : Il n'y a pas de lien direct. Je ne sais pas si un membre du comité œuvrait dans le secteur de l'assurance. Nous vérifierons lorsque nous nous pencherons sur le comité.

Je pense que des représentants du Bureau d'assurance du Canada font partie de certains comités du Groupe CSA. Je peux certainement obtenir cette information pour vous très rapidement. Je ne suis pas certain en ce qui concerne cette question particulière, sénateur.

Le président : Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous accordez — nous savons que votre temps est précieux — et nous vous remercions infiniment des réponses que vous nous avez fournies. La séance a été une bonne occasion pour nous de poser des questions.

C'est avec grand plaisir que je vous présente nos témoins du Bureau de la sécurité des transports du Canada : Wendy Tadros, présidente, Jean Laporte, administrateur en chef des opérations, et Kirby Jang, directeur des enquêtes, Rail et oléoduc.

L'un de vous fera une brève déclaration, puis, nous passerons à la période des questions.

Wendy A. Tadros, présidente, Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Nous sommes heureux de pouvoir nous adresser au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous allons vous fournir des renseignements généraux sur le Bureau de la sécurité des transports du Canada et sur notre travail, en mettant particulièrement l'accent sur nos statistiques et nos enquêtes relatives aux oléoducs, sur les faits qui ont été établis et sur les suites qui ont été données à nos recommandations.

Je suis accompagnée aujourd'hui, de deux collègues qui possèdent une grande expérience. M. Jean Laporte est l'administrateur en chef des opérations du Bureau de la sécurité des transports. Comme il travaille au bureau depuis sa création en 1990, il a une compréhension approfondie de son mandat et de ses processus.

M. Kirby Jang est le directeur des enquêtes pour le rail et les oléoducs. Il est responsable de toutes les enquêtes liées au rail et aux oléoducs au Canada. Il est très bien placé pour discuter d'enquêtes particulières sur des oléoducs, des réactions à nos enquêtes, des recommandations et des statistiques que nous tenons sur les accidents et les incidents concernant des oléoducs.

À nous trois, nous devrions être en mesure de répondre à la majorité de vos questions.

Si vous le permettez, je vais d'abord vous exposer brièvement notre raison d'être. Le BST a été mis sur pied par le Parlement en 1990. Depuis, nous avons acquis une réputation mondiale de chef de file en ce qui a trait aux enquêtes indépendantes sur les accidents. Notre seul but consiste à promouvoir la sécurité du transport. Pour y parvenir, nous enquêtons sur les accidents, peu importe s'ils surviennent sur nos voies navigables, le long de notre réseau d'oléoducs ou de nos chemins de fer ou dans notre espace aérien.

Dans le cadre de notre travail, nous recueillons également des statistiques sur les accidents et les incidents, statistiques que nous utilisons ensuite pour déterminer s'il existe des problèmes systémiques nécessitant une attention plus soutenue.

Le BST n'assure pas une surveillance constante de l'industrie dans le but de garantir la sécurité de notre réseau d'oléoducs. Cette tâche est plutôt du ressort de l'organisme de réglementation, l'Office national de l'énergie. C'est par nos enquêtes que nous agissons. Elles sont notre outil principal, si vous voulez.

Lorsqu'une enquête est terminée, nous informons le public de ce qui s'est passé. Nous en expliquons les causes et nous proposons des solutions afin que l'histoire ne se répète pas et que le système devienne plus sécuritaire.

Compte tenu des propositions en vue de construire de nouveaux oléoducs et des déversements qui sont survenus chez nos voisins du Sud, les Canadiens se préoccupent de plus en plus de la sécurité des oléoducs.

Que nous a enseigné notre outil? Pour vous donner un aperçu, en 2012, 175 événements relatifs à des oléoducs — accidents et incidents — ont été signalés au BST. Il pouvait s'agir de fuites mineures ou encore d'accidents qui faisaient les manchettes, comme le feu à inflammation instantanée à une station de compression de Spectra Energy, où deux travailleurs ont été blessés, ou encore la rupture d'un oléoduc de gaz corrosif qui a causé un incendie de forêt au nord- ouest de Fort St. John.

Heureusement, la plupart des événements touchant des oléoducs que l'on signale ne sont que des fuites mineures. De tous les événements signalés en 2012, seulement sept étaient des accidents, comparativement à cinq en 2011, pour une moyenne de neuf par année. Le nombre d'accidents est très faible.

Lorsqu'on nous signale un événement, nous faisons une collecte initiale d'information afin de déterminer s'il convient d'envoyer une équipe sur place pour procéder à une évaluation détaillée de l'événement. Au terme d'une évaluation préalable, nous décidons si une enquête complète est justifiée. En général, nous enquêtons sur les événements dont nous pensons pouvoir tirer le plus de leçons. Pour prendre cette décision, nous suivons notre Politique de classification des événements, qui s'applique à toutes nos enquêtes dans les quatre modes.

La politique nous guide dans notre décision, qui repose principalement sur le potentiel de réduction des risques pour les personnes, les biens et l'environnement et, par conséquent, sur la probabilité de contribuer à la sécurité des transports.

Lorsque nous décidons d'enquêter, nous adoptons chaque fois une approche systémique. Nous étudions tous les aspects du problème, des causes immédiates de l'accident aux risques auxquels les Canadiens pourraient être exposés. On fait tout cela dans le but d'en tirer des leçons et de rendre le système plus sécuritaire.

Pour accomplir notre mandat, nous comptons sur notre équipe — les hommes et les femmes qui travaillent au BST. Ce sont des spécialistes des enquêtes, de l'exploitation des oléoducs, du génie, de la métallurgie, des facteurs humains et de bien d'autres sujets. Ces professionnels avisés fournissent au bureau l'information dont il a besoin pour formuler des recommandations. Ce processus a engendré une évolution de la manière d'exploiter et d'entretenir les oléoducs ainsi qu'une amélioration de leur conception, de leur construction, de leur inspection et de leur réparation.

Si, au cours de notre enquête, nous découvrons des situations dangereuses, nous n'attendons pas de produire notre rapport final pour les exposer. Nous agissons immédiatement en communiquant avec ceux qui sont en mesure de rendre le réseau de transport plus sécuritaire.

Nous disposons de nombreux moyens pour faire connaître les risques. Nous pouvons choisir de publier des avis de sécurité ou des lettres d'information sur la sécurité, comme nous l'avons fait lors du glissement de pente qui a touché un oléoduc à Toronto, en Ontario, en avril 2012. Nous pouvons formuler des recommandations de sécurité en cours d'une enquête ou à sa conclusion, comme nous l'avons fait après la rupture d'un pipeline transportant du gaz naturel en juillet 1995 près de Rapid City, au Manitoba. Nous avions alors recommandé à l'Office national de l'énergie de réévaluer les normes de conception des systèmes de fermeture d'urgence afin d'atténuer les dommages causés par une rupture de canalisation.

Dans toutes nos enquêtes, deux critères guident notre décision de faire ou non des recommandations. Premièrement, le risque découvert est-il élevé? Deuxièmement, s'agit-il d'un risque systémique?

Cela dit, lorsque nous formulons des recommandations, nous n'imposons pas de changements à l'industrie du transport ni aux organismes de réglementation. De nombreux intervenants se partagent la responsabilité des mesures de sécurité à prendre. Quant à nous, notre tâche est de fournir des arguments convaincants à l'appui du changement.

Comparativement aux autres modes de transport sur lesquels nous enquêtons, les pipelines sont à l'origine d'assez peu d'événements et, par conséquent, d'enquêtes. Seules une ou deux des 50 à 60 enquêtes que nous entreprenons chaque année portent sur des pipelines.

Voici un aperçu des 23 dernières années. Depuis sa fondation en 1990, le BST a enquêté sur 44 événements touchant des pipelines. Parmi ces enquêtes, 42 sont terminées. Nous vous en avons fourni la liste aujourd'hui. Deux événements font actuellement l'objet d'une enquête. Depuis 1990, nous avons publié 20 recommandations pour la sécurité des pipelines; nous vous avons également fourni la liste des recommandations.

Nous faisons un suivi des mesures prises. Nous surveillons activement les suites données à nos recommandations. L'évaluation que nous en faisons est communiquée clairement aux membres du public et à ceux qui sont en mesure de rehausser la sécurité.

Toutes nos recommandations à l'égard des pipelines ont donné lieu à des mesures concrètes de l'industrie et des organismes de réglementation pour atténuer les risques et, par conséquent, améliorer la sécurité. De plus, toutes ces mesures — 100 p. 100 — ont été jugées entièrement satisfaisantes par le bureau, soit la meilleure évaluation possible. Cela signifie qu'elles ont réduit considérablement ou éliminé le risque pour la sécurité. La proportion n'est que de 72 p. 100 lorsque l'on regarde l'ensemble des recommandations que nous avons formulées depuis nos débuts, en 1990. Si on compare cela au pourcentage de 100 p. 100 obtenu pour les pipelines, je pense que c'est un résultat très impressionnant.

De fait, en 2010, lorsque le bureau a établi sa Liste de surveillance des problèmes de transport qui posent les plus grands risques aux Canadiens, aucun aspect du transport par pipeline ne présentait un risque assez élevé ou des mesures de sécurité assez déficientes pour y figurer. C'était toujours vrai lorsque la liste a été mise à jour en 2012. Selon moi, l'absence du secteur des pipelines de notre Liste de surveillance et l'empressement de l'industrie et des organismes de réglementation à mettre en œuvre nos recommandations démontrent qu'une attitude proactive et une culture de sécurité sont solidement implantées dans ce secteur.

Je voudrais pouvoir en dire autant des réactions à nos recommandations pour les autres modes de transport, particulièrement l'aviation.

Le sénateur Mitchell : Pouvez-vous répéter cela?

Le président : Je prends souvent l'avion.

Mme Tadros : L'empressement à mettre en œuvre les recommandations n'est pas aussi important, et je pense qu'il serait difficile d'atteindre le taux de 100 p. 100 du secteur des pipelines.

Nos recommandations ne sont qu'un des aspects de notre travail. Nous appliquons également notre outil aux données statistiques sur les incidents et les accidents. Le terme « accident de pipeline » désigne une situation où une personne est blessée sérieusement ou tuée, voire une situation où un pipeline subit des dommages nuisant à la sécurité de son exploitation ou ayant pour conséquence des déversements de produits transportés. Cela comprend les explosions, les incendies et les inflammations qui ne font pas partie de l'exploitation normale.

En comparaison, les incidents de pipeline sont des incidents moins graves. Les définitions complètes que nous utilisons se trouvent dans le dossier d'information statistique que nous vous avons fourni, mais comme je l'ai déjà mentionné, 7 accidents ont été signalés au BST en 2012. Ce nombre peut être comparé à une moyenne de 8 accidents par année pour la période s'échelonnant de 2004 à 2012, et à une moyenne de 21 accidents par année pour la période s'échelonnant de 1990 à 2003. On peut voir que depuis 2003, le nombre d'accidents a diminué de façon importante et est demeuré plutôt stable d'année en année.

Nous avons également remarqué qu'environ deux tiers des accidents concernent le transport de gaz, ce qui signifie que seulement deux ou trois accidents par année sont liés au transport de pétrole.

De plus, un total de 168 incidents a été signalé en 2012. Comme je l'ai déjà mentionné, ce sont là les événements mineurs. Ce nombre peut être comparé à une moyenne de 53 incidents par année entre 2004 et 2012, et à une moyenne de 32 incidents par année entre 1990 et 2003. Ces statistiques illustrent une augmentation importante du nombre d'incidents signalés.

Qu'est-ce que cela signifie, au juste? Eh bien, nous ne le savons pas exactement encore, mais le BST a entrepris une analyse détaillée dans le but de comprendre les causes de cette augmentation d'incidents mineurs. Notre premier examen des données a révélé que la grande majorité de ces incidents concernait la fuite d'une quantité de moins d'un mètre cube de produits; c'était principalement lié aux installations plutôt qu'aux pipelines de transport.

Nous examinerons maintenant les données de manière plus approfondie et nous prévoyons discuter avec les entreprises de pipelines afin de déterminer les raisons expliquant l'augmentation de ces fuites mineures. Bien qu'il soit beaucoup trop tôt pour se prononcer de façon définitive, nous croyons que certains des facteurs contribuant à cette augmentation sont l'augmentation de l'exploitation des pipelines sous réglementation fédérale, la mise en œuvre de changements dans les pratiques d'exploitation et l'augmentation du nombre d'inspections, de détections et de signalements d'incidents. Nous en décelons davantage. Cependant, comme je l'ai indiqué, nous devrons étudier le problème de façon beaucoup plus approfondie.

Voilà donc ce que nous ont appris plus de 20 années de travail. Que pouvons-nous en déduire pour l'avenir? Au Canada, si les pipelines ont généralement été sécuritaires au cours des 20 dernières années, peut-on dire qu'ils le demeureront? Les nouveaux pipelines respecteront-ils les normes les plus rigoureuses? Les anciens pipelines pourront- ils subir les rigueurs de la nature sans laisser fuir leurs produits? La réponse courte, c'est qu'on ne peut donner de réponse catégorique à ces questions. Ce sont là les limites de notre outil. Le Bureau de la sécurité des transports étudie le passé. Nous analysons ce qui s'est produit et nous cherchons à faire en sorte que les problèmes que nous avons découverts sont réglés. Si de nouveaux problèmes surviennent, le BST n'en sera informé que par des enquêtes subséquentes. Voilà notre rôle.

Ce que je peux vous dire, c'est que nous continuerons à enquêter, à trouver les causes et les facteurs contributifs des accidents de pipeline, et que nous n'hésiterons pas à émettre des recommandations si des améliorations nous paraissent nécessaires.

Cela dit, toutefois, je suis bien consciente que cela ne répond que partiellement à la question. Ce n'est qu'en combinant notre perspective aux perspectives d'autres témoins, y compris l'Office national de l'énergie, que vous pourrez brosser un tableau complet du transport d'hydrocarbures par pipeline.

Pour conclure, j'espère que l'indépendance du BST, la rigueur de ses processus et l'exactitude scientifique de tous ses travaux ont su inspirer confiance au public. Si notre travail est mieux compris par les parlementaires et par les Canadiens, chacun aura une meilleure idée de notre contribution à la solidité et à la sécurité de notre système de transport.

J'espère que l'information que nous vous avons fournie alimentera votre réflexion; c'est avec plaisir que nous répondrons maintenant à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. C'était très intéressant et plutôt d'actualité. Je vais commencer; j'ai deux ou trois questions.

Vous nous avez fourni une liste de documents. C'est du moins ce que j'ai reçu avec les renseignements. Je suppose que c'est vous qui l'avez fourni. Vous avez parlé de fuites de liquides et de l'importance de savoir s'il s'agit de gaz ou de pétrole. Je tiens à m'assurer que j'interprète les tableaux correctement. Je vais utiliser celui de 2011, car c'est ce graphique que j'ai sous la main.

En 2011, il y a eu cinq accidents. Cela figure au tableau 4, page 9. Cela concerne les stations de compression, les conduites d'amenée, les installations d'injection et de distribution, les stations de comptage, les usines de traitement de gaz, les stations de pompage, les installations d'entreposage, les terminaux et les canalisations de transport.

Lorsque je consulte le tableau à la page suivante, on indique l'origine des fuites. Il y en avait deux pour le gaz naturel et deux pour le pétrole brut.

Celui que je considère comme important, si j'ai bien lu — et je vous demanderais de m'aider —, c'est le tableau suivant concernant les incidents par quantités déversées dans l'environnement. Dans trois des cinq incidents, la quantité déversée était de moins d'un mètre cube; dans un cas, elle était de 26 à 1 000 mètres cubes.

J'ai trouvé un autre graphique qui m'indique les quantités de gaz naturel et de pétrole qui ont été transportées dans tous ces systèmes de notre réseau de pipelines, et je pense avoir le bon graphique. Je vais avoir besoin de votre aide dans ce cas- ci, parce que vous parlez d'exajoules. En indiquant 2011, il y a eu 7,3 exajoules de pétrole et 5,6 exajoules de base. Je sais que pour le gaz, pour l'année 2011, on parle d'environ six billions de pieds cubes.

Pouvez-vous me donner une idée de ce que cela représente pour que le public puisse comprendre? Je ne comprends pas les exajoules, et il en va de même pour la plupart des gens du public. Combien de millions de barils de pétrole cela représente-t-il, compte tenu du taux de déversement dans les deux cas que j'ai mentionnés? Je pense qu'il est important que le public sache aussi que nous avons un système très sécuritaire, et ce, notamment, en grande partie grâce au travail que vous faites et au travail de l'Association canadienne de normalisation. Lorsque les gens s'opposent aux pipelines, ils parlent de fuites et disent qu'il s'agit de milliers et de milliers de barils de pétrole ou d'une très grande quantité de gaz naturel. Si j'ai bien interprété ces graphiques, c'est faux. Pouvez-vous m'aider pour que nous soyons certains que j'ai bien compris vos graphiques?

Kirby Jang, directeur, Enquêtes Rail/Pipeline, Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) : Certainement, monsieur le président. Je vous remercie de la question.

Pour ce qui est de l'étude des activités au sein de l'industrie, nous avons essayé de trouver une unité de mesure commune. Vous avez tout à fait raison de dire que l'exajoule n'est pas une unité de mesure bien connue. En fait, je ne suis pas certain de connaître les taux de conversion précis. Dans le cas présent, cela nous permet d'étudier les tendances sur une période de 20 ans pour savoir s'il y a une augmentation des activités ou non.

Pour ce qui est des déversements qui se produisent, manifestement, les déversements importants sont plutôt rares. Dans la majorité de mon rapport, le volume des déversements est indiqué en mètres cubes ou, peut-être, en barils.

Le président : Pourrais-je alors vous demander d'envoyer à la greffière les données sur le nombre de millions de barils de pétrole qui ont été transportés dans le réseau en 2011? Faites simplement la conversion pour les exajoules que vous indiquez dans votre rapport pour le pétrole, et aussi pour les billions de pieds cubes pour le gaz naturel. Cela convertira les données en quelque chose que je peux comprendre et je pense qu'une bonne partie du public commencera à comprendre.

M. Jang : D'accord; nous allons faire cela pour vous.

Le président : La quantité déversée est très petite, et c'est tout ce que j'essaie de faire valoir. Je pense que nous avons un système très sécuritaire.

Le sénateur Massicotte : Parlez-vous d'une comparaison avec le volume total transporté? Je suis d'accord.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup d'être venu. Ma question renvoie au rapport de décembre 2011 du commissaire à l'environnement et au développement durable, du Bureau du vérificateur général du Canada. Dans le premier chapitre de ce rapport, à la page 14, il indique :

« Transports Canada ne réalise pas d'examen adéquat en temps opportun lorsqu'il agrée les plans d'intervention d'urgence. »

En outre, il souligne que :

... 926 plans d'intervention d'urgence étaient en place, dont 473 avaient reçu un agrément pour une période indéfinie et 453 avaient reçu un agrément provisoire de Transports Canada. Des 453 plans d'intervention d'urgence agréés provisoirement, près de 50 p. 100 l'avaient été il y a plus de cinq ans, et environ 15 p. 100 il y a plus de 10 ans.

Il est réellement préoccupé par ce processus de planification des interventions. Pourriez-vous parler de ce genre de problème? Considérez-vous que cela augmente les risques liés aux déversements et aux problèmes de transport? En général, que pensez-vous de ses préoccupations?

Mme Tadros : D'un point de vue relatif à la compétence, c'est très complexe. Le commissaire à l'environnement et au développement durable étudiait les plates-formes pétrolières extracôtières. Il n'est pas de notre compétence de mener des enquêtes au sujet des plates-formes pétrolières extracôtières à moins qu'elles soient en déplacement et qu'elles soient alors considérées comme un navire ou à moins que le pétrole soit dans un pipeline. S'il y a un déversement comme celui de la plate-forme Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, nous n'en achèterions pas. Nous le faisons seulement si une plate-forme est en déplacement ou s'il y a du pétrole dans un pipeline.

Lorsque nous menons une enquête dans l'une ou l'autre de ces circonstances, nous nous penchons automatiquement sur l'intervention. Nous n'étudions cette question que lorsque nous menons une enquête. Nous n'étudions pas l'ensemble des plans d'intervention comme le fait Transports Canada dans le cadre de sa compétence sur les aires maritimes.

Le sénateur Mitchell : Une des préoccupations des gens par rapport à un pipeline sur la côte Ouest — la principale préoccupation, peut-être — et celle des déversements en mer. On constate que le centre d'intervention en cas d'urgence de la côte Ouest a été fermé; on constate que le bureau de la Garde côtière à Vancouver ou dans cette région a été fermé. Ce sont des éléments essentiels au transport maritime. Cela vous préoccupe-t-il? Considérez-vous que de telles choses augmentent les risques liés aux déversements ou aux interventions en cas de déversement?

Mme Tadros : Nous n'examinerions ces situations que dans le cadre d'une enquête sur un accident maritime. Donc, en général, nous, nous ne le ferions pas. M. Laporte pourrait avoir quelque chose à ajouter à ce sujet.

Jean L. Laporte, administrateur en chef des opérations, Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) : Pour le confirmer de nouveau, nous n'examinons les procédures, les pratiques et les plans d'intervention que dans le contexte d'un incident ou d'un accident. Dans un tel cas, dans le cadre de notre enquête, nous chercherions à savoir si les mesures appropriées ont été prises.

Cependant, en ce qui concerne le mode maritime, nous avons actuellement une recommandation en suspens qui est liée aux plans d'intervention en cas d'urgence. Notre recommandation indique que les plans doivent être à jour, doivent faire l'objet d'exercices et d'une coordination entre les divers intervenants : Transports Canada, le ministère des Pêches et des Océans, la Garde côtière canadienne, les administrations de pilotage de certaines provinces et, dans le cas des plates-formes extracôtières sur la côte Est, avec les offices des hydrocarbures extracôtiers. Par conséquent, cette recommandation est en suspens.

Chaque année, nous faisons le bilan des progrès relatifs à cette recommandation et nous procédons à une réévaluation. Actuellement, la réponse à cette recommandation dénote une intention satisfaisante.

Le sénateur Mitchell : « Satisfaisante ». Depuis combien de temps?

M. Laporte : Malheureusement, je n'ai pas la date, mais cela remonte à plusieurs années.

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous fournir ces renseignements et le document dans lequel on les trouve?

M. Laporte : Oui.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous jouez, en effet, un rôle très important. À la lumière de votre information, je constate que vous faites très bien les choses. Je vous remercie au nom des Canadiens et Canadiennes.

Dans votre présentation, on voit une certaine satisfaction quant aux suivis qui ont été faits suite à vos recommandations relativement aux accidents. Je vais lire quelques-unes de vos recommandations. Si on prend, par exemple, la recommandation P97-01, elle dit ce qui suit :

[Traduction]

L'Office national de l'énergie réévalue la conception du dispositif de fermeture d'urgence, partout dans le réseau de canalisations, pour permettre une interruption rapide de l'arrivée du produit, en cas de rupture d'une canalisation.

Recommandation no P97-02 : « L'Office national de l'énergie réévalue le caractère adéquat ».

[Français]

En lisant ces recommandations, je constate qu'elles sont tout à fait logiques. Je suis même surpris qu'il soit nécessaire de préciser, par exemple, qu'on doive vérifier le système, faire un rapid shutoff. J'apprécie vos recommandations. Toutefois, je suis surpris qu'il soit nécessaire de préciser ces points. En d'autres mots, j'ai l'impression que l'Office national de l'énergie est peut-être trop réactif à vos recommandations. Je suis surpris qu'ils n'aient pas agi avant vos recommandations.

Ai-je une fausse impression? Pourquoi est-ce nécessaire que vous fassiez ce constat, alors qu'il me semble si évident, par exemple, de créer un système de shutoff ? Qu'en pensez-vous?

M. Laporte : Les choses ont évolué au fil des ans. Les recommandations auxquelles vous faites référence remontent aux années 1990. Depuis les dix dernières années, on a très peu de recommandations, parce que l'industrie et l'agence de réglementation, l'Office national de l'énergie, sont beaucoup plus proactifs dans leur approche. Il n'est donc pas nécessaire pour nous de faire des recommandations.

Ce qui se produit le plus souvent, depuis les dix dernières années en particulier, c'est que, pendant notre enquête, on partage l'information, les faits qu'on relève, et les gens prennent des mesures proactives sans attendre la conclusion de notre enquête et notre rapport. Dans nos rapports, on identifie les mesures qui ont été prises pour remédier aux problèmes identifiés.

On remarque donc une évolution. Ils sont maintenant plus proactifs qu'ils ne l'étaient au cours des années 1990.

Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, la cote « P 99 » faire référence à l'année 1999?

M. Laporte : Oui.

Le sénateur Massicotte : Vous avez été créé en 1990, je crois?

M. Laporte : En 1990, oui.

Le sénateur Massicotte : Je ne vois pas de recommandation après P 99. Est-ce que je me trompe, ou je lis peut-être la mauvaise feuille?

M. Laporte : C'est la dernière recommandation que nous avons faite dans le domaine du pipeline.

Le sénateur Massicotte : Depuis 12 ans, malgré le fait qu'il se soit produit six ou sept accidents par année où vous avez fait une enquête sérieuse, aucune recommandation n'a été faite suite à ces nouvelles recherches ou aux informations que vous avez obtenues. Vous étiez satisfait dans tous les cas?

M. Laporte : C'est exact. Depuis 2000, on a fait une ou deux enquêtes par année dans le domaine du pipeline. Dans tous les cas, il n'y avait pas de problème systémique qui nécessitait une recommandation. Il s'agissait soit de problèmes isolés, de cas uniques plutôt que d'enjeux systémiques. Dans les questions plus systémiques, les gens ont agi de façon proactive, ce qui rendait inutile toute recommandation.

Le sénateur Massicotte : Il est quand même très rassurant pour les Canadiens et Canadiennes de dire que, depuis 12 ans, malgré le fait qu'il se soit produit six ou sept accidents, et le fait que trois ou quatre de ces accidents aient fait l'objet d'enquêtes sérieuses chaque année, rien ne découle de ces enquêtes et aucune recommandation n'a été formulée. Ce constat est soit très rassurant, ou bien vous êtes moins exigeant — j'ose espérer que c'est la première hypothèse.

M. Laporte : Nous ne sommes pas moins exigeants. Au contraire, au fil du temps, on devient plus exigeant avec les organismes de réglementation et l'industrie. On remarque vraiment une culture de sécurité qui est beaucoup plus robuste dans l'industrie du pipeline que ce qu'on voit ailleurs, dans d'autres domaines du transport.

Le sénateur Massicotte : D'ailleurs, je vois dans les mêmes rapports que vous donnez des documents sur les accidents ferroviaires et, sans avoir regardé, peut-être même aussi dans le secteur de la marine. Vous êtes devenu des experts reconnus et très crédibles. Avez-vous des commentaires, si on compare les pipelines aux chemins de fer ou aux bateaux? Peut-on comparer ces différents secteurs en ce qui a trait à la culture? Remarque-t-on des différences majeures en ce sens?

Évidemment, notre intérêt c'est de savoir quel est le moyen de transport le plus efficace, comportant le moins de risques d'accident pour le transport du pétrole.

M. Laporte : Il est difficile de faire une comparaison entre les différents modes de transport. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu et il est difficile de trouver un dénominateur commun qui puisse s'appliquer à tous les modes de transport. Donc nous ne faisons pas de comparaison comme telle entre les modes de transport. Nous faisons enquête pour chacun des modes de façon spécifique; nous faisons rapport sur ce que nous identifions.

Je peux vous dire que, au point de vue du nombre d'accidents et d'incidents, les nombres sont plus élevés dans le domaine ferroviaire comparativement au pipeline; il en va de même pour le domaine maritime. Mais ce sont des chiffres isolés; on ne tient pas compte du volume et du type de produit transporté. Ces informations-là, ce sont les organismes de réglementation et les associations de l'industrie qui les ont, à savoir les quantités ou les volumes, et les distances de transport.

Pour pouvoir vraiment comparer tout ça, il faut combiner les volumes de produits, les distances de transport, ainsi que plusieurs autres facteurs comme l'environnement, les conditions climatiques, le terrain, et cetera. C'est très complexe et nous n'avons pas de chiffres précis là-dessus. Ce que nous pouvons vous donner, c'est le nombre d'accidents identifiés et ce que nous avons conclu à partir de nos enquêtes dans chacun des groupes.

Le sénateur Massicotte : Au point du vue de la culture de sécurité, du souci du détail, y a-t-il un sentiment de votre part qu'il y ait une différence entre les trois modes?

[Traduction]

Mme Tadros : Nous observons des différences, mais je ne comprends pas comment vous pouvez établir une telle comparaison parce qu'en particulier dans l'industrie de l'aviation, il existe de nombreux différents secteurs. Par conséquent, il est difficile de faire des comparaisons et de déclarer qu'une industrie a une bonne culture de sécurité tandis qu'une autre en a une mauvaise. Les choses ne sont pas aussi simples que cela.

Toutefois, dans le cadre de nos enquêtes, nous examinons de plus en plus souvent la question de la culture de sécurité. Lors d'une enquête que nous avons rendue publique l'année dernière, à savoir l'enquête sur l'accident d'avion de la compagnie Aéropro à Québec, nous avons longuement étudié la culture de sécurité de l'entreprise. Nous fouillons en profondeur, et nous cherchons des indications. Dans l'industrie des pipelines, nous remarquons qu'en général, la culture de sécurité est solide. Par contre dans d'autres entreprises — je ne dirai pas que cela s'applique à toutes les industries —, nous ne décelons pas nécessairement des signes indiquant la présence d'une solide culture de sécurité. C'est un aspect sur lequel nous en apprenons davantage tous les jours et que nous intégrons régulièrement dans nos enquêtes.

La sénatrice Seidman : J'aimerais vous parler plus précisément de vos données statistiques sur les accidents et les incidents. Nous savons tous que les statistiques ne valent rien si la méthodologie et les définitions employées sont déficientes, mais elles peuvent parfois nous donner une très bonne idée des tendances et des indices concernant les problèmes et les causes potentiels. Les problèmes en question peuvent ensuite faire l'objet d'autres enquêtes.

Je dois avouer que j'ai trouvé extrêmement alarmants les renseignements que vous nous avez communiqués sur la tendance actuelle en matière d'incidents. Il ne fait aucun doute que cette tendance a augmenté et que les données que vous nous avez fournies montrent une hausse pour 2012 comportant trois volets. Vous avez avancé des hypothèses quant aux causes de cette augmentation et, bien entendu, si le nombre de pipelines et le nombre d'événements signalés se sont accrus, cela peut expliquer bon nombre de ces incidents.

Toutefois, vous avez dit que vous alliez examiner plus attentivement les données. J'aimerais savoir plus précisément quand vous effectuerez les travaux nécessaires pour étudier ces données, en quoi ce travail consistera et la façon dont vous enquêterez sur celles-ci.

Mme Tadros : Je vais commencer à répondre à votre question, puis, je céderai la parole à M. Jang.

Nous ne sommes pas certains que ces données soient nécessairement alarmantes. C'est simplement une tendance que nous avons remarquée. Tant que nous n'aurons pas fouillé et fait toute la lumière sur les causes de cette augmentation, nous ne saurons pas exactement comment la mettre en perspective. Parfois, une hausse du nombre d'événements signalés indique que la culture de sécurité est plus solide, que l'industrie souhaite examiner les faibles signaux. Les faibles signaux sont des petits événements qui se produisent sans avoir nécessairement de graves conséquences. Toutefois, les entreprises pensent que, si elles sont en mesure de les examiner et de déceler des tendances, elles peuvent prévenir des accidents.

Je sais qu'en particulier à NAV CANADA, lorsqu'ils ont instauré leur système de gestion de la sécurité, le nombre d'incidents signalés a grimpé en flèche, et c'est une bonne chose. Toutefois, tant que nous n'aurons pas analysé les données et fait toute la lumière sur les raisons de cette augmentation, nous ne saurons pas avec certitude ce qu'il en est.

La sénatrice Seidman : Je ne veux pas vous interrompre, mais je saisis la question des événements signalés. Cela ne fait aucun doute; c'est comme dans le domaine de la santé. Plus les entreprises signalent d'événements, plus le nombre d'incidents et de tendances enregistrées augmente. Toutefois, ma question concerne davantage le moment que vous choisirez pour enquêter sur ces données et la façon dont vous vous y prendrez.

M. Jang : C'est assurément une tâche qui nous attend en ce moment sur notre bureau de travail. Il est important que nous maîtrisions ce dossier. Pour éviter toute ambiguïté, je précise que nous analysons les tendances en matière d'accidents et d'incidents. Toutefois, au BST, notre définition du mot « incident » diffère de celle de l'ONE.

Nous avons constaté que la fréquence de la majorité des incidents augmente depuis 2007. Nous décomposons nos chiffres, et nous examinons chacun des éléments. Comme nous l'avons mentionné, nous avons émis quelques hypothèses à cet égard. Au cours des prochains mois, nous planifions de communiquer avec les intervenants appropriés, de leur transmettre l'information que nous avons découverte et d'en discuter avec eux pour comprendre d'où proviennent les chiffres. Parmi nos hypothèses, on retrouve des explications comme une augmentation du nombre d'inspections. Selon nous, cela indique peut-être qu'un plus grand nombre d'entreprises ont adopté une approche de sécurité et que la culture de sécurité se développe. Ce sont certainement des sujets que nous aimerions aborder avec les intervenants.

La sénatrice Seidman : Vous avez dit que cela aurait lieu au cours des prochains mois, n'est-ce pas?

M. Jang : Oui.

La sénatrice Seidman : Que ferez-vous de l'information que vous obtiendrez au cours des prochains mois et qui, avec un peu de chance, expliquera cette augmentation?

M. Laporte : Essentiellement, nous poursuivrons notre analyse, nous rencontrerons les intervenants, comme M. Jang l'a indiqué, nous en apprendrons davantage, puis, nous produirons un genre de documents que nous remettrons à notre conseil pour l'informer de nos constatations. Ensuite, nous déterminerons les prochaines mesures à prendre, en fonction de nos constatations.

Dans le cadre de notre mandat, nous pouvons, entre autres, mener une étude de la sécurité, qui consiste à enquêter à fond sur les tendances ou les enjeux qui s'appliquent à plusieurs incidents ou accidents sur une certaine période. Si nous constatons que d'autres analyses s'imposent, notre conseil pourrait décider d'entreprendre une étude de sécurité. Si nous ne découvrons rien qui soit digne d'être étudié davantage, il se peut que nous nous contentions de rendre compte de nos constatations, des explications fournies et des mesures que l'industrie prend pour rectifier la situation dans nos rapports statistiques — c'est-à-dire les rapports annuels que nous déposons chaque année au Parlement. De plus, nous communiquerons certainement l'information aux responsables de la réglementation.

La sénatrice Seidman : C'est formidable. Je pense que cela aidera vraiment à apaiser les inquiétudes du public. Si, en effet, cela signifie que la culture de sécurité s'est enrichie et que, par conséquent, un plus grand nombre d'événements sont signalés, alors c'est une bonne chose. C'est la raison pour laquelle il est essentiel de donner suite à cette information, puis, de la communiquer d'une manière ou d'une autre.

La sénatrice Ringuette : Je vous remercie infiniment de l'information que vous nous avez fournie concernant les statistiques. Si j'examine les statistiques que vous avez réunies concernant les pipelines, soit la quantité déversée par accident, puis, celles concernant les transports ferroviaires, je remarque qu'à la page 11, il y a la mention « Accidents avec déversement de marchandises dangereuses ». Nous ne savons pas précisément en quoi consiste le déversement de marchandises dangereuses. Par exemple, trois incidents ont eu lieu en 2011.

Ensuite, j'examine les données relatives aux navires, mais je ne trouve dans celles-ci aucun détail indiquant si un déversement ou un événement lié à des marchandises dangereuses, du pétrole ou du gaz liquéfié a eu lieu. Auriez-vous cette information pour les navires? Dans le cas des trois incidents ferroviaires, savez-vous de quelles marchandises dangereuses il s'agissait?

M. Laporte : En ce qui concerne le mode de transport ferroviaire, nous ne cherchons pas habituellement à obtenir les renseignements concernant les déversements.

La sénatrice Ringuette : Qui le fait?

M. Laporte : Ces renseignements sont saisis par la Garde côtière. Dans le cadre de son mandat, la Garde côtière est chargée d'enregistrer ceux-ci ainsi que de gérer les interventions liées au déversement de divers produits dans le milieu marin. Dans le passé, nous nous abstenions de recueillir cette information parce qu'elle était enregistrée ailleurs et que nous souhaitions éviter les recoupements. Toutefois, nous modernisons en ce moment nos bases de données marines, et c'est l'un des éléments que nous envisageons d'ajouter à notre collection de données dans les années à venir, en raison du grand intérêt que le public manifeste à cet égard, et cetera. Toutefois, nous voulons le faire d'une manière qui ne fait pas double emploi avec celle des autres organismes gouvernementaux et qui n'accroît pas le fardeau de l'industrie en matière de rapports. Nous sommes en train de déterminer la meilleure façon de procéder, mais nous reconnaissons qu'il est nécessaire que nous enregistrions cette information à l'avenir.

En ce qui concerne le mode de transport maritime, nous tenons compte des marchandises dangereuses, dont un vaste éventail de produits allant des hydrocarbures aux produits chimiques de tout genre, en passant par les gaz, et cetera. Nous enregistrons effectivement ces renseignements. M. Jang peut peut-être formuler des observations à ce sujet.

La sénatrice Ringuette : Pouvez-vous parler du transport ferroviaire?

M. Jang : Dans notre base de données ferroviaires, nous tenons à jour une liste des produits transportés et, s'il y a déversement, nous saisirons cette information.

Le tableau sommaire que vous avez examiné était celui de 2011, je crois. J'ai eu l'occasion de jeter un coup d'œil aux chiffres juste avant la séance, et nous avons calculé rapidement le nombre d'événements ferroviaires qui, depuis 1990, c'est-à-dire environ 23 ans, ont entraîné un déversement de pétrole ou de gaz. C'est le degré de filtrage que nous mettons en œuvre en ce moment. Nous avons remarqué que, pendant cette période de 23 ans, il y a eu 46 événements entraînant un déversement de pétrole ou de gaz.

Cela étant dit, nous avons tenté d'examiner les volumes déversés, et je crois que, dans la majorité des cas, soit peut- être 35 cas sur 46, le déversement était minime. Il était de l'ordre de quelques gallons. Il s'agissait de liquides ou d'un léger échappement de gaz. Voilà les chiffres dont nous disposons, et il faut évidemment les remettre dans leur contexte.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous nous fournir ces chiffres? Cela compte beaucoup pour notre étude. Ainsi, nous pourrons également comparer des pommes avec des pommes, en ce qui concerne le volume transporté par voie ferroviaire, et cetera.

Mme Tadros : C'est un problème difficile à résoudre, et je ne crois pas que l'on obtienne une formule ou une réponse claire, lorsqu'on compare un mode avec un autre. Il se peut que vous sachiez, en chiffres bruts, combien de déraillements, de déversements d'un pipeline, et cetera. se sont produits, mais ces chiffres n'ont pas un dénominateur commun. Par conséquent, il est très difficile d'établir une comparaison.

La sénatrice Ringuette : Nous pouvons certainement examiner les volumes transportés et les incidents liés aux différents modes. Je comprends que ces chiffres n'ont pas un dénominateur commun mais, en ce qui concerne les incidents liés à des volumes, notre comité a certainement quelque chose d'intéressant à étudier.

M. Laporte : Nous pouvons certainement vous communiquer le nombre de fois qu'un déversement de pétrole a été causé par un événement ferroviaire et la quantité approximative des déversements, mais nous ne pouvons pas vous indiquer le volume de pétrole transporté par voie ferroviaire.

La sénatrice Ringuette : Non, il faudra que nous nous adressions à l'industrie.

Le sénateur Wallace : Madame Tadros, comme vous le signalez, le Bureau de la sécurité des transports mène des enquêtes pour déterminer les causes, les facteurs et les déficiences sur le plan de la sécurité qui peuvent avoir contribué à un événement. Tout cela est lié à l'événement en question, puis, bien entendu, vous formulez des recommandations pour tenter d'éviter que l'événement se répète dans les années à venir.

Votre mandat dépasse-t-il cet aspect, et vous amène-t-il à prendre en considération les mesures d'atténuation qui ont été prises après l'incident, le résultat visé étant de déterminer les dommages qu'ont subis, entre autres, le public et l'environnement, le cas échéant? Enquêtez-vous sur les mesures d'atténuation qui ont été mises en œuvre par l'entreprise ou la personne responsable de l'incident, et sur l'efficacité de ces mesures?

Mme Tadros : Si vous parlez de l'intervention qui suit un déversement, elle sera incluse dans la portée de l'enquête. Par conséquent, nous en rendrons compte dans notre rapport d'enquête sur l'incident en question.

De manière plus générale, si l'une de nos recommandations n'a pas encore été suivie, comme M. Laporte l'a mentionné, nous réévaluerons la situation chaque année, et nous examinerons toutes les mesures qui auront été prises. Si la recommandation concerne ce point en particulier, nous suivrons toutes les réponses apportées à la recommandation et tous les efforts qui auront été déployés ou non pour mettre en œuvre la recommandation. Toutefois, nous n'avons pas, en tout temps, ce que vous appelleriez une « image globale » de l'industrie.

Le sénateur Wallace : Prenons un incident lié à un pipeline, plutôt qu'un incident en mer qui touche au trafic maritime et qui entraîne l'intervention de divers ministères. Si un incident se produit dans un pipeline sous juridiction fédérale et que le produit se déverse sur la terre ferme, menez-vous une enquête et procédez-vous à une évaluation des mesures prises pour atténuer les dommages? J'ai conscience que vous examinerez la raison pour laquelle l'incident est survenu ainsi que la façon dont il est survenu, mais en ce qui a trait aux mesures d'atténuation prises par l'entreprise pour remettre l'endroit en état, vous occupez-vous d'elles, ou cela relève-t-il d'un autre ministère?

Mme Tadros : En bref, oui, cela fait partie de notre enquête. Nous examinons ces questions afin de déterminer si elles sont réglées de manière adéquate. Si le processus ne sort pas de l'ordinaire, il se peut que nous n'en rendions pas compte dans notre rapport. Toutefois, si l'intervention soulève une question de sécurité, nous en rendrons compte.

Le sénateur Wallace : Les enseignements tirés et la disponibilité dans un délai raisonnable de certains types d'équipement de récupération sont tous des aspects importants. Ces types de questions sont-elles celles que vous prendriez en considération et qui pourraient figurer dans votre rapport et vos recommandations?

M. Laporte : Nous analyserions l'intervention initiale, mais nous n'aborderions pas nécessairement la question du nettoyage ou de la restauration du milieu naturel. Cela fait partie du mandat d'Environnement Canada, de l'ONE et d'autres organismes.

Le sénateur Wallace : Voilà ce que je m'efforce de comprendre, à savoir les divers ministères concernés et leur rôle respectif.

M. Laporte : Nous participons à l'examen de l'événement et de l'intervention initiale, et nous n'allons pas plus loin. Le nettoyage et l'assainissement relèvent d'autres personnes.

Le sénateur Wallace : Vous avez souligné dans les statistiques que vous avez présentées que le nombre d'incidents liés à des pipelines avait légèrement augmenté, et certains de mes collègues vous ont posé des questions à ce sujet. Je crois comprendre que le gouvernement fédéral a récemment assumé la responsabilité du système NOVA, en Alberta, et je comprends également qu'avec l'arrivée de nouvelles technologies, on découvre de petits incidents. Convenez-vous que ces innovations contribuent ou pourraient bien contribuer à la hausse du nombre d'incidents signalés?

Mme Tadros : Nous l'ignorons, mais ces facteurs sont certainement sur notre écran radar, et nous les examinerons pour savoir s'ils expliquent complètement ou en partie la hausse.

Le sénateur Wallace : Cela semblerait logique, n'est-ce pas?

M. Laporte : Oui, la partie à propos du système de la NOVA Gas Transmission Ltd. qui est maintenant sous juridiction fédérale est vraie. Cela a certainement entraîné une augmentation, car auparavant tous les incidents liés à ce système étaient signalés aux autorités provinciales. C'est donc un « oui » catégorique, en ce qui concerne la hausse. Quel genre de hausse? C'est ce que nous sommes en train d'examiner. Nous devons étudier les motifs de tous les événements signalés relativement à ce réseau de pipelines et déterminer si le nombre d'événements est plus élevé que ceux des autres réseaux ou des autres entreprises. Nous allons analyser toutes ces questions au cours des prochains mois.

Le sénateur Wallace : En ce qui concerne les nouvelles technologies, il semblerait logique qu'elles fassent grimper le nombre d'incidents signalés. N'êtes-vous pas de cet avis?

M. Laporte : Oui.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la comparaison qui a été établie entre les statistiques sur les pipelines et celles sur les transports ferroviaires. L'une des raisons pour lesquelles nous étudions tous les moyens employés pour transporter le pétrole et le gaz naturel est que nous souhaitons évaluer la sécurité de chacun d'eux et peut-être parvenir une conclusion quant à ceux qui devraient être utilisés à l'avenir pour transporter les combustibles fossiles au Canada.

Tout me semble assez clair. En ce qui concerne les statistiques que vous nous avez apportées, je crois que nous avons parlé d'à peu près sept incidents ou accidents qui ont eu lieu au cours de la dernière année, comparativement à plus d'un millier d'accidents ferroviaires. Il me semble que, si l'on utilise les transports ferroviaires, le public et les gens qui travaillent dans la région en question courent un plus grand risque sur le plan de la sécurité que si l'on a recours aux pipelines, d'un point de vue général.

Comme vous êtes enquêteur et que vous savez comment comparer les deux modes d'acheminement, seriez-vous d'accord avec la prémisse selon laquelle les risques pour les travailleurs et la population en général sont plus grands avec le chemin de fer qu'avec le pipeline, étant donné la nature même du chemin de fer et son fonctionnement?

Mme Tadros : Je vais commencer et je vais laisser tout le monde intervenir, car il s'agit d'un sujet chaud.

Je crois que si vous ne tenez compte que des statistiques brutes, vous allez constater que les chiffres sont plus élevés avec le rail qu'avec le pipeline. Cependant, cette comparaison est moins aisée lorsque l'on tente d'établir s'il est plus risqué de transporter des hydrocarbures par rail que par pipeline. Vous devez pour cela aller dans les détails, ce qui rend les comparaisons beaucoup plus difficiles.

M. Jang : C'est sûrement une bonne entrée en matière, mais il a y de nombreuses facettes. L'industrie ferroviaire est un monde en soi. Il y a différents types d'activités et différentes situations. Certains des accidents et des incidents rapportés concernent le transport de produits dangereux. Comme je l'ai dit plus tôt, il faudrait aller dans les détails pour voir si ces incidents et ces accidents étaient liés au transport d'hydrocarbures.

De notre point de vue global sur les deux industries, il convient de dire que la culture et la mise en application de la sécurité ont été radicalement améliorées.

Cela dit, vous savez certainement qu'il faut être prudent avec les chiffres. Nous ne faisons qu'envisager la possibilité d'aller dans les détails. Comme cela a déjà été dit, nous pouvons vous fournir le nombre d'occurrences de déversements.

Le sénateur Lang : Nous sommes tournés vers l'avenir. Nous avons un point de référence en matière de données. J'ai crois que nous devons envisager une augmentation substantielle de la quantité de carburant fossile qui devra être transportée au pays, dans un sens ou dans l'autre. J'ai aussi l'impression qu'un organisme comme le vôtre a la connaissance voulue et l'expérience des responsabilités du travail quotidien qui en découlent. Si une décision devait être prise concernant le transport du pétrole et du gaz, il semble que vous seriez en mesure de trancher entre la construction et l'utilisation d'un pipeline d'un côté et le recours au rail de l'autre. Selon vous, quel serait le moyen le moins risqué et le plus sécuritaire du point de vue du grand public et des travailleurs?

Je ne crois pas que l'on puisse choisir les deux. Le gouvernement devra éventuellement prendre une décision, et nous espérons que vous serez en mesure de nous aider à jauger l'information que nous avons et à établir ce qui devrait être fait pour l'avenir du transport des carburants fossiles.

Êtes-vous mandaté par l'Office national de l'énergie ou par un autre organisme pour faire cette recommandation ou pour répondre à cette question? Si vous n'avez pas ce mandat d'agir comme conseiller ou comme fonctionnaire rémunéré, qui l'a?

Mme Tadros : C'est une décision stratégique.

Le sénateur Lang : Je comprends tout à fait qu'il s'agit d'une décision stratégique.

Mme Tadros : Nous pouvons vous fournir toute l'information dont nous disposons, c'est-à-dire, ce que nous avons appris de nos analyses statistiques et de nos enquêtes.

Le sénateur Lang : Malgré cela, vous ne pourriez pas recommander l'un ou l'autre?

Mme Tadros : Non. Je peux vous communiquer les résultats de nos enquêtes sur les pipelines et de nos enquêtes sur les chemins de fer.

Vous devez aussi tenir compte des volumes transportés. Les pipelines sont conçus pour transporter ces produits, et ils ne transportent rien d'autre. Les chemins de fer déplacent une foule de produits dans tout le pays. Les volumes de produits tels que le pétrole qui peuvent être transportés par chemin de fer sont beaucoup plus modestes.

Je crois que c'est une décision stratégique pour le gouvernement.

M. Laporte : Il y a aussi un bon nombre de facteurs qui doivent être pris en compte. Par exemple, vous avez mentionné qu'il y a plus de 1 000 accidents ferroviaires par année. J'aimerais quand même souligner une petite chose à ce sujet : en 2011, 67 de ces accidents sont survenus à des intrus. Il ne s'agissait pas de déraillements ou de déversements, mais bien d'accidents survenus à des intrus, comme c'est souvent le cas des suicides. Ce nombre fait partie des 1 000 accidents recensés.

Il faut vraiment regarder les données en détail si l'on veut arriver à faire des comparaisons qui tiennent la route.

De plus, les déraillements n'impliquent habituellement que quelques wagons, comme c'est aussi le cas des déversements. Les quantités déversées sont donc relativement petites, alors que le déversement peut être plus important avec un bris de pipeline puisqu'il faudra plus de temps pour interrompre le flux.

Encore une fois, ce ne sont là que de petits exemples. Il peut être complexe de trouver la façon de comparer des pommes avec des pommes.

Le sénateur Patterson : J'aimerais qu'on jette un coup d'œil à l'indépendance du BST. Cela pourrait être utile pour le public. Vous relevez du Parlement. J'aimerais connaître votre relation redditionnelle avec le ministre responsable et savoir si ce dernier peut vous donner une orientation stratégique. J'aimerais aussi savoir si votre budget est adéquat.

Mme Tadros : Nous nous rapportons au Parlement par le biais du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Nous faisons cela par souci d'autonomie, et je crois que nous sommes les seuls au gouvernement fédéral à procéder de la sorte. Nous faisons nos recommandations au ministre des Transports. Nous faisons des recommandations à l'Office national de l'énergie. C'est là la raison pour laquelle nous ne rendons pas de comptes par l'entremise de l'un ou l'autre de ces ministres.

En ce qui concerne l'orientation stratégique, il n'y a aucun moyen d'intervenir dans nos enquêtes, quelles qu'elles soient, ou de nous faire prendre telle ou telle direction. Notre relation est une relation redditionnelle. Qu'il s'agisse de renseignements financiers ou des rapports sur nos enquêtes, l'information que nous colligeons va au Parlement.

Le sénateur Patterson : Qu'en est-il de votre budget?

Aussi, comment pouvez-vous assurer ou encourager que vos recommandations soient observées? Quels sont vos recours à cet égard?

Mme Tadros : Tout d'abord, le budget. Nous faisons partie du gouvernement fédéral, alors nous sommes assujettis aux réductions budgétaires, comme l'est n'importe quel ministère. Nous venons d'évaluer la situation avec nos cadres supérieurs et nous avons établi que nos ressources actuelles nous permettent de réaliser toutes les enquêtes que nous devons faire. Si les niveaux de financement devaient être réduits considérablement, il se pourrait qu'on ait à remettre cela en question. Or, pour l'instant, nous sommes en mesure de nous acquitter de notre mandat.

La dernière question que vous m'avez posée concerne la mise en application de nos recommandations. Le bureau a été créé pour séparer les enquêteurs d'accident indépendants des organismes de réglementation. La mise en application des recommandations et l'établissement des politiques qui encadrent l'industrie relèvent des organismes de réglementation. Mélangez ces deux mondes et vous retournerez à la situation qui prévalait à la fin des années 1980. Avec une argumentation solide et logique, nous croyons fermement que nous sommes en mesure de convaincre les industries et les organismes de réglementation de faire ce qui, d'après nous, doit être fait.

Nous avons connu plus de succès au cours des dernières années et, comme je l'ai dit, 72 p 100 de l'ensemble de nos recommandations ont été appliqués intégralement. Nous continuons d'exercer des pressions partout où nous le pouvons pour que ce pourcentage soit encore meilleur.

La sénatrice Johnson : Je sais que nous avons dépassé le temps qui nous était accordé, mais je crois que vous méritez des éloges. Je viens du Manitoba et je dois vous dire que vous avez une bonne réputation dans cette province. Je sais que vous souhaitez nourrir la confiance du public. Quel est selon vous le plus grand défi auquel vous aurez à faire face pour la suite des choses?

Mme Tadros : Vous voulez dire, en ce qui a trait aux pipelines?

La sénatrice Johnson : L'un ou l'autre, ou les deux.

Mme Tadros : Le problème avec les pipelines est que bien que les accidents soient rares, vous ne savez jamais ce qui vous attend. Il peut y avoir quelques petits accidents d'une gravité limitée, mais vous pouvez aussi en avoir un gros qui aura d'énormes répercussions et qui minera la confiance du public. C'est ce à quoi il faudra se préparer pour l'avenir.

En ce qui concerne les autres modes d'acheminement, c'est un peu un fourre-tout.

Le président : Je crois que cela met fin à notre période de questions. Nous devons laisser la place au prochain comité.

Merci beaucoup pour votre exposé et pour vos réponses. Cela nous a été très utile à tous. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Mme Tadros : Merci, monsieur le président.

(La séance est levée.)


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