Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 8 - Témoignages du 14 décembre 2011
OTTAWA, le mercredi 14 décembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et la Loi électorale du Canada, se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur John D. Wallace (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues sénateurs, à nos invités et aux membres du public qui regardent la séance d'aujourd'hui sur le réseau de télévision CPAC. Je m'appelle John Wallace; je suis un sénateur du Nouveau- Brunswick et je préside le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Sénateurs, le comité commence aujourd'hui l'étude du projet de loi C-20, qui cherche à modifier la Loi constitutionnelle de 1867 pour changer la formule de révision du nombre de députés et de la représentation des provinces de la Chambre des communes à la suite de chaque recensement décennal.
En particulier, le projet de loi C-20 vise à corriger les lacunes dans la façon dont la croissance du nombre des députés attribués à chaque province tient effectivement compte de la croissance de la population. Tout comme la formule actuelle, la formule prescrite dans le projet de loi C-20 prévoit la révision du nombre de sièges après chaque recensement décennal et l'attribution de nouveaux sièges à la province ou aux provinces dont la population aura augmenté entre les deux recensements.
Si on la compare avec la formule utilisée actuellement pour réviser le nombre de sièges à la Chambre des communes, la formule prescrite par le projet de loi C-20 mène à une révision plus fidèle au principe de la représentation selon la population. En appliquant cette formule et les estimations les plus récentes de la population canadienne, les provinces dont la population croît rapidement comme l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario recevraient un nombre de sièges à la Chambre des communes après la révision de 2011 qui se rapprocherait davantage de leur pourcentage de la population totale de toutes les provinces.
Le projet de loi C-20 modifie également la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales pour accélérer le redécoupage des circonscriptions et pour faire en sorte que la prochaine révision soit terminée avant les prochaines élections générales. Le projet de loi contient également des dispositions transitoires applicables expressément à la révision qui suivra le recensement de 2011.
Le projet de loi C-20 fixe également les règles permettant d'accorder des sièges supplémentaires à une province qui n'aurait pas bénéficié d'une augmentation du nombre des sièges ni selon la formule prévue par le projet de loi ni selon les garanties constitutionnelles antérieures.
Sénateurs, j'ai le grand plaisir de vous présenter l'honorable Tim Uppal, ministre d'État, Réforme démocratique et député de la circonscription Edmonton—Sherwood Park, qui va nous aider à examiner ce projet de loi. Monsieur le ministre, nous sommes heureux que vous soyez ici. Nous allons également accueillir Matthew Lynch, directeur de la réforme démocratique, et Jean-François Morin, conseiller principal en politique, Réforme démocratique, au Bureau du Conseil privé. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.
Monsieur Uppal, je crois savoir que vous allez faire une déclaration préliminaire, après quoi, les membres du comité poseront des questions. Vous avez la parole.
L'honorable Tim Uppal, C.P., député, ministre d'État (Réforme démocratique) : Monsieur le président, je suis heureux de me présenter devant le comité pour parler du projet de loi C-20, la Loi sur la représentation équitable. Je tiens également à remercier le sénateur Carignan, qui a parrainé le projet de loi au Sénat.
Avec le projet de loi C-20, notre gouvernement remplit son engagement de longue date de rendre la représentation à la Chambre des communes plus équitable, en allouant plus de sièges à l'Ontario, à l'Alberta et à la Colombie-Britannique, aujourd'hui et à l'avenir, afin de mieux refléter leur croissance démographique, en maintenant le nombre de sièges des provinces dont la population est moins nombreuse et en maintenant pour le Québec une représentation proportionnelle à sa population.
J'aimerais d'abord vous présenter dans mon allocution un survol des éléments clés du projet de loi. Il me fera ensuite plaisir de répondre à vos questions.
La formule de révision du nombre de sièges et de la représentation des provinces du projet de loi C-20 est conçue pour régler les problèmes engendrés par la formule courante de 1985, plus particulièrement les écarts de représentation qui se sont développés entre les provinces dont la croissance est plus rapide, comme l'Ontario, l'Alberta et la Colombie- Britannique, et les autres dont la croissance est plus lente. Bien que la formule actuelle, établie en 1985, ait bel et bien permis de limiter la taille de la Chambre des communes, elle a empêché les provinces dont la population croît plus rapidement d'avoir un nombre de sièges plus représentatif de leur part relative de la population.
La formule proposée dans le projet de loi C-20 permettrait aux provinces dont la population croît plus rapidement d'obtenir à la Chambre une représentation plus fidèle à leur population, tout en maintenant le nombre de sièges des provinces affichant une croissance démographique plus faible et en garantissant au Québec une représentation proportionnelle à sa population.
Le projet de loi établirait à 111 166 le quotient électoral pour la révision de 2011. Cela correspond à la population moyenne des circonscriptions avant la dernière révision des sièges de 2001, augmentée en proportion de la moyenne simple des taux d'accroissement de la population des provinces. Une fois la répartition initiale des sièges déterminée en fonction de ce quotient, la clause sénatoriale et la clause de droits acquis seraient appliquées
La Loi sur la représentation équitable prévoit qu'une nouvelle « règle de représentation » serait ensuite appliquée. Si une province devient sous-représentée par suite de l'application de la formule actualisée, d'autres sièges lui seront attribués afin qu'elle garde une représentation proportionnelle à sa population. D'après les estimations de population, le Québec serait la première province à recevoir de nouveaux sièges en fonction de cette nouvelle règle. La règle de représentation s'applique toutefois à toutes les provinces qui pourraient se trouver dans cette situation.
Concrètement, l'application de la nouvelle formule lors de la prochaine révision entraînera la création de 30 sièges à la Chambre des communes, qui en compterait 338 en tout. L'Ontario en recevrait 15, tandis que l'Alberta et la Colombie-Britannique en recevraient six chacune. Le Québec se verrait accorder trois sièges supplémentaires grâce à la nouvelle règle. Pour la révision à effectuer à l'issue du recensement de 2021 et pour chacune des révisions subséquentes, le projet de loi prévoit qu'on augmentera le quotient électoral en proportion de la moyenne simple des taux d'accroissement de la population des provinces depuis la révision précédente.
En vertu d'une autre modification à la formule, la répartition des sièges entre les provinces serait fondée sur les estimations de la population de Statistique Canada plutôt que sur les données des recensements décennaux. Comme l'a fait remarquer le statisticien en chef, les estimations donnent un portrait plus fidèle de la population totale du Canada parce qu'elles tiennent compte du sous-dénombrement net du recensement, c'est-à-dire du nombre de personnes qui n'ont pas été dénombrées lors du recensement, ainsi que du surdénombrement, qui se produit lorsqu'une personne est comptée deux fois. Ces estimations servent déjà à déterminer le niveau de financement de plusieurs programmes, comme la formule de péréquation fédérale-provinciale, le Transfert canadien en matière de santé et le Transfert social canadien. Les données du recensement continueront de servir au processus de délimitation des circonscriptions électorales parce qu'elles donnent le niveau de détail géographique nécessaire à la délimitation.
En plus de la formule actualisée de répartition des sièges, le projet de loi C-20 propose des modifications à la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, dont le but est de rationaliser les échéanciers du processus actuel de révision des limites des circonscriptions. Le projet de loi propose tout particulièrement les changements suivants : les commissions indépendantes de délimitation des circonscriptions seraient établies au plus tard six mois après le recensement, le délai de préavis minimal pour les audiences publiques serait ramené de 60 à 30 jours, le temps dont disposent les commissions pour produire leurs rapports serait ramené de 12 à 10 mois, moyennant une prolongation possible de deux mois, la période de mise en œuvre du décret de représentation électorale serait ramenée de 12 à sept mois.
M. Marc Mayrand, directeur général des élections, a indiqué être persuadé que les commissions indépendantes de délimitation des circonscriptions peuvent facilement mettre ces changements en œuvre. M. Mayrand a aussi invité le Parlement à adopter la nouvelle formule dès que possible afin que ses dispositions puissent prendre effet avant que les commissions de délimitation des circonscriptions ne débutent leurs travaux, en février 2012. Ce serait le scénario idéal, parce que les commissions n'auraient pas à refaire leur travail, ce qui pourrait causer de la confusion et engendrer des coûts supplémentaires.
J'aimerais remercier tous les sénateurs, et le comité sénatorial en particulier, pour les heures et le travail supplémentaires qu'ils ont fournis pour assurer à temps à tous les Canadiens une représentation équitable.
Pour conclure, l'adoption de la Loi sur la représentation équitable permettra à notre gouvernement de remplir son engagement de longue date de rendre la représentation plus équitable et, ainsi, de faire progresser le pays tout entier vers l'objectif de la représentation selon la population. La formule actualisée de répartition des sièges corrige le déséquilibre de représentation qui perdure entre les provinces et rapproche tous les Canadiens de la représentation selon la population.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président : Sénateurs, je vous rappelle que le ministre sera avec nous jusqu'à 17 heures. Les représentants du Conseil privé demeureront ici jusqu'à 17 h 25. Pour commencer, je vais donner la parole à notre vice-présidente, le sénateur Fraser.
Le sénateur Fraser : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. Est-ce la première fois que vous venez au Sénat?
M. Uppal : Merci. J'ai comparu devant le comité au sujet de mon projet de loi d'initiative parlementaire, Loi visant à ériger le monument national de l'holocauste.
Le sénateur Fraser : Vous connaissez la façon dont nous faisons les choses. Ce projet de loi va créer 30 sièges supplémentaires à la Chambre des communes et ce n'est qu'un commencement parce que le projet de loi doit s'appliquer aussi aux révisions futures dans 10 ans, 10 ans plus tard et 10 ans plus tard encore. Le nombre de sièges de la Chambre des communes va continuer à augmenter à moins que, par miracle, la population du Canada diminue.
M. Uppal : Ce n'est pas ce que je souhaite.
Le sénateur Fraser : Ce n'est pas ce que nous espérons.
À quel moment allons-nous atteindre le nombre de sièges maximal souhaitables? Avez-vous réfléchi à l'idée qu'il devrait y avoir une limite au nombre de politiciens que les Canadiens rénumèrent?
M. Uppal : Nous nous entendons tous, je crois, pour dire qu'il est important de remédier à la sous-représentation des Canadiens qui vivent dans les provinces dont la population augmente rapidement. C'est un engagement important que nous avons pris envers les personnes qui vivent dans ces provinces. Il est également important de préserver les sièges, en particulier ceux qui sont garantis par la Constitution pour les petites provinces dont la population n'augmente que lentement.
Pour vous donner une idée, avec la révision prévue pour 2011, il y aura, en 2012, une augmentation de 30 sièges avec cette formule. Avec les chiffres relatifs à la population, savoir les projections de Statistique Canada, il y aura pour 2021 11 sièges supplémentaires. Ce n'est pas de l'ordre de 30 sièges ou quelque chose du genre. Il y a une augmentation initiale pour remédier à l'écart de représentation, et ensuite, il y en a 11.
Par la suite, en 2031, l'augmentation sera en fait de cinq sièges. Nous pouvons examiner les décennies à venir et constater que la croissance du nombre des sièges à la Chambre est tout à fait raisonnable.
L'autre question qui pourrait se poser est celle de savoir combien de députés supplémentaires la Chambre est en mesure d'accueillir physiquement. Ce sujet a fait l'objet d'une étude en 1996. Les auteurs ont conclu à l'époque que la Chambre des communes pouvait accueillir jusqu'à 374 députés en modifiant légèrement la disposition des sièges; je ne sais pas exactement comment cela se ferait. La Chambre des communes actuelle peut toutefois accueillir jusqu'à 374 députés. Cela veut dire que même après 2031, il y aura encore suffisamment de locaux dans cet édifice. Pour répondre à cette question, même si l'on pense aux décennies à venir, la Chambre des communes est en mesure de faire face à une croissance raisonnable.
Le sénateur Fraser : La question est donc de savoir ce qui est raisonnable. Pour la population actuelle, 308 députés me semblent un chiffre raisonnable. Il y a sans doute des Canadiens qui soutiendraient que ce chiffre est trop élevé. D'après ce que je sais, la tendance générale dans le monde entier est de limiter ou de diminuer le nombre de sièges des chambres élues. Nous allons dans l'autre sens. Je ne sais pas très bien pourquoi.
M. Uppal : Je peux vous fournir quelques réponses à ce sujet.
Il est important de remédier à la sous-représentation des Canadiens qui vivent en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario; ce sont les provinces dont les populations s'accroissent le plus rapidement. Je mentionne en passant que la plupart des nouveaux Canadiens et des membres des minorités visibles vivent dans ces provinces.
Le sénateur Fraser : Je viens de Montréal, monsieur le ministre, faites attention.
M. Uppal : Je n'en disconviens pas, mais en fin de compte, le fait est que les nouveaux Canadiens ainsi que les minorités vivent dans les centres urbains où la croissance est la plus forte. Ce sont les groupes qui sont les plus sous- représentés. Il faut corriger la situation.
Quelle est la solution? Retirer des sièges aux provinces? Nous ne pensons pas que cela soit juste. Nous estimons qu'il faut respecter les garanties constitutionnelles en vigueur — des garanties traditionnelles — pour ces provinces. La seule autre façon de régler cette question serait d'ajouter un certain nombre de sièges pour que toutes les provinces soient représentées de façon proportionnelle à leur population. Cette formule permet d'atteindre cet objectif. Tous les Canadiens seront représentés en fonction de la population, quel que soit l'endroit où ils vivent dans ce pays.
[Français]
Le sénateur Chaput : Monsieur le ministre, ma question suit un peu celle posée par le sénateur Fraser. Je n'ai pas de difficulté avec l'objectif qui est de réajuster les sièges en fonction de la population. Je trouve que cet objectif est louable. La question que je me pose, monsieur le ministre, est de savoir si c'est le bon moyen de le faire. Lorsque vous avez fait l'analyse des moyens pour atteindre cet objectif, avez-vous pris en considération ce que plusieurs professeurs et intervenants ont mentionné, au comité de la Chambre des communes et ailleurs, à savoir de diminuer le nombre de sièges plutôt que d'en d'ajouter?
M. Gussow a dit au comité de la Chambre des communes qu'il était temps d'éliminer la disposition plancher, c'est-à- dire celle par laquelle une province ne peut pas voir le nombre de ses sièges réduits.
Dans ce contexte économique si difficile, avez-vous réfléchi à la possibilité de réduire le nombre de siège au lieu d'en ajouter, tout en conservant l'objectif de réajuster en fonction de la population?
[Traduction]
M. Uppal : Nous nous sommes engagés à remédier à la sous-représentation; nous nous sommes également engagés officiellement — et nous l'avons fait au cours de la campagne électorale, avec le discours du Trône et pendant les campagnes précédentes — à préserver la représentation des provinces dont la croissance est plus lente. Si nous devions redistribuer les 308 sièges, le Manitoba en perdrait deux, la Saskatchewan aussi, le Québec trois, la Nouvelle-Écosse en perdrait un et Terre-Neuve-et-Labrador en perdrait également un. Nous ne pensons pas que cela soit juste. Nous ne pensons pas qu'il soit approprié que les provinces à faible croissance perdent des sièges. Nous nous heurtons également aux garanties visant le Sénat. Aucune province ne peut avoir moins de députés qu'elle n'a de sénateurs.
Il faudra à un moment donné, une fois cette révision effectuée, si l'on conservait ce chiffre, examiner l'avenir et apporter des modifications constitutionnelles. Il faudrait ensuite que les provinces soient d'accord; sept provinces ou 50 p. 100 de la population. Nous pensons que le gouvernement au pouvoir devrait s'inquiéter de la situation économique et redonner du travail aux Canadiens plutôt que de se lancer dans de longues batailles constitutionnelles sur le nombre de sièges qu'une province doit avoir.
Nous pensons que la façon la plus équitable d'apporter une solution au problème réel de la sous-représentation des provinces à croissance rapide est d'ajouter des sièges supplémentaires.
Le président : Monsieur le ministre, ce n'est pas la première fois que l'on tente de réviser le nombre de sièges et de faire en sorte que ce nombre favorise une représentation proportionnelle à la population dans toutes les régions du pays. Il y a eu d'autres projets de loi. Le projet de loi C-12 en est peut-être l'exemple le plus récent.
Que pouvez-vous nous dire de la comparaison — et il n'est pas nécessaire que cette comparaison soit détaillée — des raisons pour lesquelles le modèle adopté pour le projet de loi C-12 n'a pas été retenu pour le projet de loi C-20? Bien évidemment, vous pensez que le projet de loi C-20 est meilleur, mais vous pourriez peut-être nous dire en quoi il l'est.
M. Uppal : C'est une bonne question. Vous avez raison. Il y a eu le projet de loi C-12 qui a été présenté pendant la dernière législature. Les chiffres utilisés pour le projet de loi C-12 sont maintenant désuets. Il est important d'utiliser les données les plus récentes et les plus précises de Statistique Canada avec la formule actuelle.
Le projet de loi C-12 ne contenait pas de règle relative à la représentation. Nous avons ajouté cette règle après nous être engagés envers toutes les provinces qui sont à l'heure actuelle surreprésentées ou représentées de façon équitable à ne pas être sous-représentées avec l'application de cette formule. Il serait injuste qu'une province voie son nombre de députés diminuer. Le projet de loi C-12 ne contenait pas cette règle. Le projet de loi C-20 l'a adoptée et résultat, le Québec recevra trois sièges pour que sa représentation soit proportionnelle à sa population. De plus, le projet de loi C-20 tient compte de la croissance de la population parce que le quotient lui-même va augmenter selon la croissance moyenne de la population des provinces.
Il existe un certain nombre de différences importantes entre le projet de loi C-12 et le projet de loi C-20. En fin de compte, ils apportent tous les deux une solution au même problème, à savoir la sous-représentation des provinces à croissance rapide. Nous avons légèrement modifié cette formule.
Le sénateur Jaffer : Je comprends vos commentaires au sujet de la sous-représentation. Certains Canadiens qui vivent dans les zones urbaines sont sous-représentés; c'est un problème. Je comprends ce que vous avez dit au sujet de la proportionnalité des sièges attribués aux provinces.
Je sais que la plupart de ces aspects relèvent du directeur général des élections et non pas de vous, mais étant donné que vous travaillez dans ce domaine, vous devez certainement y avoir réfléchi.
Pour ce qui est des 30 sièges, où retrouverait-on ces sièges en Colombie-Britannique? Si je ne me trompe, étant donné qu'il faut respecter la proportionnalité entre les provinces, il faut également respecter la proportionnalité dans chaque province. Nous essayons de faire en sorte que le Nord ait droit à un certain nombre de sièges, sans laisser de côté aucune région. C'est ce que j'ai compris. Dans quelle zone ou régions pensez-vous que les sièges seront attribués?
M. Uppal : C'est une bonne question, parce qu'en fin de compte, il s'agit de savoir où seront situées les circonscriptions. Le projet de loi accorde un certain nombre de sièges en appliquant une formule basée sur la population des provinces, le nombre de sièges que chaque province recevra ou ne recevra pas.
Le 8 février, une commission non partisane, totalement indépendante, commencera ses travaux. Ces commissions seront composées de trois personnes de chaque province, et examineront, de façon complètement indépendante, la population des provinces pour décider comment effectuer un premier découpage des circonscriptions électorales. Après quoi elles consulteront les Canadiens, obtiendront leurs points de vue comme leur mission le prévoit et tiendront compte de l'opinion des Canadiens sur le découpage des circonscriptions électorales. En outre, elles consulteront également les députés et tiendront compte également de leurs observations. Elles proposeront alors une carte électorale définitive qui indiquera les limites des circonscriptions électorales.
Ces commissions vont tenir compte d'un certain nombre d'aspects, mais il est évident que la population est le facteur le plus important, mais il y a également les affinités entre les collectivités. Les commissions joueront un rôle important dans ce domaine et ce sont elles qui décideront de l'emplacement des limites des circonscriptions. Elles vont tenir compte des points de vue des Canadiens, mais en fin de compte, ces commissions indépendantes auront le dernier mot.
Le sénateur Jaffer : Si vous me permettez de poursuivre sur ce sujet, je vous dirai que je connais le travail que vous effectuez sur la réforme de la démocratie. Je viens d'une région du Lower Mainland de la Colombie-Britannique, où, par exemple, Surrey a la population la plus importante, puisqu'il y a plus de 100 000 personnes dans une circonscription. Bien évidemment, cette révision va tenir compte de ces aspects. Je sais que la commission est très indépendante. Je le comprends. J'ai déjà participé à ce processus.
J'aimerais entendre ce que vous avez à dire au sujet des gens qui n'ont pas été représentés auparavant et qui le seront désormais. Je ne dis pas que vous allez influencer les travaux d'une commission indépendante — loin de là — mais en tant que ministre, comment allez-vous faire en sorte pour que les gens qui ont été sous-représentés jusqu'ici soient désormais représentés de façon équitable?
M. Uppal : L'aspect important est la formule; c'est le fait que la formule contient un diviseur qui détermine le nombre de sièges par rapport à au chiffre de 111 000. Cela représente la taille moyenne des circonscriptions dans l'ensemble du pays, peut-être pas en réalité, mais c'est du moins l'idée générale. Les commissions sont créées pour diviser le nombre de sièges attribués aux provinces en fonction de la population. Les circonscriptions peuvent varier de 25 p. 100 pour tenir compte des circonscriptions rurales. Dans certaines parties du pays, si l'on veut regrouper 110 000 habitants dans une circonscription du nord de l'Ontario, par exemple, cela créerait une circonscription très étendue. C'est un aspect dont tiennent compte les commissions.
Par exemple, Brampton West est une circonscription qui regroupe près de 200 000 habitants. C'est une circonscription qui doit être divisée, et qui le sera, à cause du nombre d'habitants. Les 200 000 résidents de cette région sont à l'heure actuelle représentés par un député, et celle-ci sera divisée en deux, voire trois circonscriptions, selon la répartition effectuée. L'ajout de sièges supplémentaires renforcera leur représentation parce qu'ils auront ainsi accès à leur député.
Dans toute la mesure du possible, le vote de tous les Canadiens devrait avoir le même poids dans l'ensemble du pays et l'ajout de ces sièges permettra de se rapprocher de cet objectif.
[Français]
Le sénateur Dawson : Je vous souhaite la bienvenue au comité, monsieur le ministre.
Hier, au Sénat, j'ai raconté que quand je suis arrivé à Ottawa, en 1977, la formule de 1974 ayant été appliquée, à l'élection suivante, nous étions partis de 282 députés à 285. D'après cette proposition, si nous ne prenions pas le contrôle, nous en serions à 350 ou plus aujourd'hui. Il s'en est rajouté tout près de 100 en 40 ans, donc la décision a été prise en 1974 de plafonner.
En 1985, quand ils sont revenus à la formule, ils ont inclus une clause grand-père; comme ils ne voulaient pas pénaliser les provinces, ils ont ajouté une clause de droit acquis. Je comprends très bien que l'on ne peut pas travailler sur la clause Constitution; les provinces ont des garanties. Cela fait cinq ans qu'il n'y a pas eu de conférence fédérale- provinciale, donc on ne sait pas trop si les gens veulent ou ne veulent pas de changements constitutionnels, mais la réalité c'est qu'on peut changer les choses. La clause grand-père pourrait être modifiée, ce qui nous amènerait à plafonner la croissance de la Chambre.
Comme je l'expliquais — et le sénateur Fraser en a parlé tout à l'heure — les Américains, il y a 100 ans, ont gelé à 400 le nombre de sièges à la Chambre des représentants. Les États-Unis ont connu une croissance phénoménale depuis ce temps-là, et, malgré les disparités régionales entre plusieurs États, ils ont trouvé le moyen pour que cela fonctionne.
Le Parlement du Royaume-Uni a adopté une loi qui ramène le nombre de sièges de 650 à 600.
Ni la France, ni l'Allemagne, ni l'Italie n'ajoutent de sièges à leur assemblée fédérale, malgré la croissance rapide de la population dans certains districts et plutôt ralentie dans d'autres.
[Traduction]
Ils en sont tous arrivés à la même conclusion qu'un grand Canadien qui a déclaré, en 1994 : « Une réduction du nombre de députés ferait réaliser des économies considérables... ».
Il a poursuivi : « Les Canadiens figurent déjà parmi les populations les plus excessivement représentés du monde. »
Ce doit être vrai. C'est M. Harper qui l'a dit. Je pense qu'il ne se trompe jamais. Comme vous le savez, nous ne modifions jamais ces projets de loi, parce que je pense qu'ils sont tous très bien rédigés au départ, de sorte que nous ne sommes plus autorisés à les modifier. Auparavant, le Sénat les modifiait. La Chambre des communes modifiait également les projets de loi au même moment. Il arrivait que les projets de loi soient étudiés pendant des semaines et des semaines et tout le monde pensait que c'était normal. Nous imposons désormais la clôture après un examen.
Le président : Sénateur Dawson, allez-vous poser une question?
Le sénateur Dawson : Oui, j'y arrive.
Il faudra bien un jour prévoir un plafond. Vos prévisions sont peut-être exactes. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous. Nous aurons 50 sièges de plus dans 20 ans. Il y a une limite. Vous siégez à cette Chambre; vous savez qu'il y a des limites physiques au nombre de personnes qui peuvent y siéger. Il y a également des limites physiques au nombre de personnes qui peuvent débattre d'une question, que l'on recoure ou non à la clôture.
Existe-t-il un système ou un plafond qui nous permettra un jour de revenir sur cette question et de nous dire qu'il faudrait peut-être plafonner le nombre de députés, comme les Américains l'ont fait il y a 100 ans, comme les Britanniques le font à l'heure actuelle et comme le font les autres démocraties depuis 15 ou 20 ans?
M. Uppal : Cette formule a été conçue pour remédier à la sous-représentation. La formule adoptée en 1985 que vous affirmez avoir examinée aurait pour effet de sous-représenter les provinces en forte croissance. La formule que l'on trouve dans le projet de loi C-20 a pour but de remédier aux défauts de cette formule.
Quant à ce qui se passera dans 20 ou 30 ans, si un gouvernement veut se lancer dans une longue bataille constitutionnelle avec les provinces, ce sera sa décision. Notre gouvernement centre son action sur l'économie et veille à ce que les Canadiens puissent passer à travers la récession qui sévit à l'extérieur de nos frontières. C'est pourquoi il est important que nous fassions ce qui est raisonnable et faisable. Nous n'allons pas renégocier la Constitution pour procéder à une révision du nombre de sièges et supprimer certains sièges attribués aux petites provinces. Nous allons laisser les choses comme elles sont. C'est un engagement que nous avons pris. Pour remédier à ce problème, nous allons ajouter des sièges.
Votre proposition aurait non seulement pour effet de faire perdre des sièges au Manitoba, à la Saskatchewan, au Québec, à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador, mais elle nuirait également aux Canadiens des zones rurales, parce qu'il faudrait prendre ces sièges et les déplacer vers les zones où se trouve la population, c'est-à-dire dans les centres urbains, et les Canadiens des zones rurales seraient finalement désavantagés avec votre proposition.
C'est pourquoi la solution la plus juste est celle que propose le projet de loi C-20, qui est de nous rapprocher de l'objectif d'une représentation proportionnelle à la population canadienne. Cela est juste pour tous les Canadiens.
Le sénateur Dawson : Vous avez remarqué que je n'avais pas parlé de notre proposition. Vous devez également admettre que je vous ai dit que je ne demandais pas que l'on abandonne les dispositions constitutionnelles qui protègent l'Île-du-Prince-Édouard. Ce n'est pas sur ce point que porte le débat.
M. Uppal : Vous parlez de la clause de maintien des droits acquis.
Le sénateur Dawson : La question porte sur le fait que nous avons cessé de contrôler ce que nous pouvions contrôler; et avec cela, il y a la croissance, qui a des conséquences.
Encore une fois, ce coût de 30 millions de dollars par année pour les députés supplémentaires a des répercussions sur l'économie. Nous ne sommes pas en train de nous demander comment dépenser notre argent. Nous essayons de trouver des façons d'épargner de l'argent dans ce domaine et personne n'essaie de le faire. Cette croissance perpétuelle représente 30 millions de dollars, 60 millions de dollars, 80 millions de dollars et ce n'est pas un changement mineur.
Si vous pensez aux emplois, si la création de 30 postes de députés est une priorité pour vous et que vous appelez cela la création d'emplois, je peux vous le dire, il y a des problèmes bien plus graves au Canada.
M. Uppal : Si vous le permettez, le coût supplémentaire des députés selon le projet de loi sera d'environ 14,8 millions de dollars annuellement — c'est-à-dire après 2015, parce que c'est l'année au cours de laquelle ces changements seraient introduits — et également par élection, ce coût représente 11,6 millions de dollars. Il n'est pas aussi élevé que vous le laissez entendre.
Le sénateur Meredith : J'aimerais revenir sur la question qu'a posée mon collègue au sujet des locaux, des installations, et cetera. Je ne sais pas si vous avez déjà répondu à cette question. Je vous demande d'excuser mon retard. C'et une question pratique qui concerne les locaux dont nous disposons actuellement pour le nombre de députés actuel. Quel est votre projet pour ce qui est d'ajouter ces nouveaux sièges?
M. Uppal : Vous avez tout à fait raison. Il y a une limite physique au nombre de députés qui peuvent siéger à la Chambre des communes. Comme je l'ai dit, il y a eu une étude en 1996 qui examinait la question de savoir combien de députés peuvent siéger à la Chambre. Les auteurs de l'étude affirment qu'il peut y avoir 374 députés, sans être obligé d'apporter des modifications majeures à l'édifice, ou en utilisant le même édifice. Le projet de loi C-20 aura pour effet d'ajouter 30 nouveaux députés après le processus de révision de 2011, qui commencera en 2012, de sorte que cela se produira après 2015.
Après 2021, l'augmentation du nombre de députés sera seulement de 11 députés; et après 2031, l'augmentation sera de cinq sièges, ce qui portera le nombre total à 354. Ces données sont tirées des estimations démographiques de Statistique Canada. Nous sommes en mesure d'examiner ce qui se passera dans quelques dizaines d'années et d'affirmer que la Chambre des communes actuelle peut accueillir les députés supplémentaires correspondant à cette formule.
Le sénateur Meredith : Pour répondre clairement aux préoccupations soulevées par l'opposition, y a-t-il des difficultés dont vous voulez parler au comité qui sont fondées en partie ou non-fondées pour ce qui est des questions posées au sujet de la nouvelle répartition des sièges?
M. Uppal : Nous avons reçu un certain nombre de suggestions, qui allait de conserver 308 députés jusqu'à procéder à une toute nouvelle répartition en modifiant les circonscriptions. Nous pensons que cela reviendrait à choisir des gagnants. Cela reviendrait à retirer des sièges aux petites provinces ou aux provinces dont la population croît lentement, même si nous conservions les clauses de maintien des droits acquis, comme le suggère le sénateur. Il faudrait supprimer les sièges attribués à certaines provinces. Comme je l'ai dit, cela toucherait le Manitoba, la Saskatchewan, le Québec, la Nouvelle-Écosse, et Terre-Neuve-et-Labrador. Cela désavantagerait également les Canadiens qui vivent dans des zones rurales.
Nous avons pris envers les Canadiens l'engagement de présenter une formule qui soit équitable et qui préserve le nombre de sièges attribués à ces provinces. C'est ce que fait ce projet de loi. Il s'attaque également à la sous-représentation des provinces à croissance rapide, qui touche 60 p. 100 des Canadiens qui vivent dans ces trois provinces. C'est un problème grave auquel il convient de remédier, et c'est ce que nous faisons, tout en étant juste envers les petites provinces et les provinces à faible croissance.
Le sénateur Runciman : J'aimerais poursuivre sur les aspects qui touchent les provinces, et je ne pense pas que celles- ci aient vraiment critiqué ce projet de loi. Il y a bien eu quelques déclarations, mais rien d'important. En tout cas, il n'y a pas eu de réaction de leur part. Comment les différentes provinces ont-elles réagi à ce projet de loi?
M. Uppal : Je pense qu'elles ont compris que cela prend en compte la taille de la population et qu'elles auraient un nombre de sièges correspondant. C'est la raison pour laquelle nous voulions que cette formule soit basée sur des principes, sur les populations, et c'est pourquoi nous avons clairement fait connaître les chiffres que nous utilisons et que nous leur avons dit que c'était le nombre de sièges qu'elles recevraient.
Mais à partir de là, vous avez raison; nous n'avons pas entendu beaucoup de critiques. Cela vient du fait que la formule est basée sur la population. Ce n'est pas une formule arbitraire ou une décision qui est prise secrètement. C'est un projet de loi très simple qui est fondé sur les chiffres de la population et qui détermine le nombre des sièges attribués aux provinces.
Le sénateur Runciman : Vous avez peut-être mentionné cet aspect en des termes différents, mais j'ai lu un commentaire dans la note au sujet d'une clause « ascenseur ». Vous pourriez peut-être nous en dire quelques mots et nous expliquer son fonctionnement.
M. Uppal : Pour l'essentiel, le diviseur, la taille moyenne de la circonscription utilisée avec la formule, est établi à l'heure actuelle à 111 166. Cela vient de la dernière révision effectuée en 2001, et c'était la taille moyenne d'une circonscription à cette époque. Si on augmente la taille moyenne d'une circonscription en fonction de la moyenne des provinces, la simple croissance, vous obtenez 111 166. Ce chiffre va également augmenter avec le temps et l'augmentation de la population. Cela entraînera une augmentation modérée du nombre des députés de la Chambre des communes, et nous éviterons ainsi le problème que nous avons connu avec la formule de 1985.
Le sénateur Runciman : Cela se produirait-il sans adopter d'autres mesures législatives? Cela est-il couvert par le projet de loi? Pensez-vous qu'il pourrait y avoir des sièges supplémentaires au cours de cette période de transition?
M. Uppal : Non. Cela ne se produira que toutes les décennies; donc tous les 10 ans; au moment où la formule est appliquée. M. Lynch pourrait peut-être vous en dire davantage à ce sujet.
Matthew Lynch, directeur, Réforme démocratique, Bureau du Conseil privé : C'est exact. La règle 6 du projet de loi définit le quotient électoral, la notion de taille moyenne d'une circonscription, et prévoit également comment se chiffre augmentera après chaque recensement décennal. En 2021, ce chiffre augmentera pour cette révision.
Le sénateur Runciman : Il s'agit simplement de fixer une formule pour la prochaine fois.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci, monsieur le président, et merci au ministre d'être ici. Je pense que le projet de loi est très clair. J'aurai deux questions. Est-ce que ce projet de loi aura pour effet de réduire les écarts de représentativité des comtés à la Chambre des communes? Est-ce qu'il y a beaucoup de comtés où il y a une faible population par rapport à d'autres comtés où il y a une plus forte population, ce qui apporte souvent une charge de travail très élevée au député?
[Traduction]
M. Uppal : Oui, la formule comblera l'écart qui existe entre la représentation des diverses provinces. Je vous ai également donné l'exemple de Brampton-Ouest, qui comprend près de 200 000 habitants. Je pense qu'il y en avait 170 000 au dernier recensement et que cette population est aujourd'hui de près de 200 000. Vous avez tout à fait raison; le fait que tous ces résidents doivent s'adresser au même député a non seulement pour effet de compliquer la tâche de celui-ci, mais cela n'est pas juste pour les citoyens qui vivent dans cette circonscription.
Lorsque nous aurons ajouté des sièges, cette circonscription sera divisée. Le travail qu'effectuent les députés de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique — et même du Québec — sera réparti entre davantage de députés, soit 15 de plus pour l'Ontario, ce qui multipliera le nombre des députés qui essaient de répondre aux besoins de leurs électeurs.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'ai compris que des consultations publiques auront lieu au printemps. Des travaux de découpage électoral se feront de même qu'une réflexion à ce niveau. Est-ce que ce groupe de travail aura à se pencher sur la représentativité la plus proportionnelle possible entre les circonscriptions?
[Traduction]
M. Uppal : Les commissions non partisanes et indépendantes de chacune des provinces vont commencer leurs travaux en février. Je pense, en me basant sur les délais accordés, qu'elles vont probablement disposer au départ d'une carte et commenceront les consultations avec les Canadiens à la fin de l'été, peut-être à l'automne. À ce moment là, elles prendront connaissance du point de vue des Canadiens au sujet des limites des circonscriptions. À ce moment-là les Canadiens pourront dire : j'habite à l'extrémité sud de cette limite. Il me faut une heure ou une heure et demie pour me rendre au bureau de mon député, qui se trouve dans telle ville. Cela n'est pas juste. Cela ne prendrait peut-être que 20 minutes à la personne qui habite un peu plus au sud.
Ce sont là les aspects dont les commissions peuvent tenir compte.
C'est pourquoi cette partie du processus est très importante — à savoir, entendre les Canadiens, leur demander leur opinion sur la délimitation des circonscriptions. Ce sera toutefois en fin de comptes aux commissions de prendre une décision définitive.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Croyez-vous que l'exercice que vous amorcerez sera complété d'ici les prochaines élections générales au Canada?
[Traduction]
M. Uppal : C'est une excellente question. C'est la raison pour laquelle nous avons rationalisé le processus, mettant ainsi en œuvre une recommandation du directeur général des élections lui-même, de la commission Lortie ou du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre des communes. Toutes les modifications qui doivent être apportées à ce processus sont conformes à ce que suggèrent ces trois commissions ou au moins à une d'entre elles. Ces organismes ont recommandé de réduire les délais pour que les limites des circonscriptions soient fixées avant les prochaines élections.
En réalité, les Canadiens ont le droit d'être représentés de façon équitable. Si cela ne se fait pas maintenant, il faudra attendre 10 ans; il ne faudrait pas les faire attendre aussi longtemps. L'autre aspect est que, si cette formule n'est pas adoptée, les commissions risquent de devoir refaire leur travail. Elles commencent leurs travaux en février avec ou sans la nouvelle formule. Il serait regrettable qu'elles commencent leurs travaux et doivent tout reprendre ensuite avec une nouvelle formule. Nous devons tenir compte de délais très importants.
Le président : Il est 17 heures et le ministre va nous quitter. Nous ne pourrons pas faire un deuxième tour de question. Toutefois, comme je l'ai mentionné auparavant, les membres du Bureau du Conseil privé vont rester encore 25 minutes.
Monsieur le ministre, je vous remercie. Vous nous avez fourni d'excellentes réponses et nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir aujourd'hui.
M. Uppal : Merci, sénateurs. Vous êtes entre bonnes mains. Je suis sûr que ces hauts fonctionnaires pourront répondre à toutes vos questions.
Le sénateur Fraser : Puis-je poser maintenant trois questions puisque je n'ai pas eu de deuxième tour?
Le président : Je vais vous donner tout le temps que je peux, sénateur Fraser.
Le sénateur Fraser : Premièrement, je vais vous demander de nous fournir certains renseignements pour demain matin, si cela est possible.
Le ministre a parlé du coût total qu'entraîneraient 30 députés supplémentaires. J'aimerais avoir la répartition de ce coût et savoir ce qu'il couvre. Je présume qu'il couvre la rémunération, les avantages sociaux, le budget administratif normal des députés et le reste. Je me demande toutefois si cela couvre autre chose? Cela couvre-t-il les frais de déplacement? Y a-t-il des dépenses qui ne sont pas couvertes? Pourrions-nous avoir cette répartition pour que nous puissions l'examiner demain? Cela serait utile.
Ma deuxième question porte sur l'article 8 du projet de loi. Selon le droit actuel, il y a un délai de 60 jours entre la publication des avis d'audiences des commissions en vue d'obtenir les commentaires du public et le début de ces audiences. Les gens qui veulent assister aux audiences doivent le faire savoir dans les 53 jours suivants. Ce délai est ramené à 30 jours, et les demandes de comparution pour figurer sur la liste doivent être présentées dans les 23 jours.
Cela est peut-être faisable dans une zone géographique limitée où les personnes peuvent se déplacer très facilement mais cela me paraît peut-être plus difficile dans les circonscriptions étendues, notamment — mais pas uniquement — dans les zones rurales.
Je sais que c'était ce que recommandait M. Kingsley, mais même si j'ai beaucoup d'estime pour M. Kingsley, il m'arrive de ne pas souscrire à ses recommandations. Pourquoi cette réduction du délai?
M. Lynch : Vous avez raison à ce sujet; cette diminution a été recommandée par M. Kingsley, l'ancien directeur général des élections, et également par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
La période d'avis de 60 jours est une période d'avis minimale. Selon la loi actuelle, les commissions ne peuvent commencer leurs audiences publiques que 60 jours après la publication de leur première série de propositions. Il n'est toutefois pas nécessaire que toutes les audiences soient tenues dans une période de 60 jours. En ramenant ce délai à 30 jours, les commissions pourraient alors commencer leurs consultations plus tôt. Cela ne veut pas dire qu'elles doivent les terminer plus tôt, même si...
Le sénateur Fraser : Tous les éléments de ce processus sont réduits, ils passent d'un an à 10 mois et les autres délais sont également raccourcis. Les commissions seront pressées par le temps.
M. Lynch : Oui, avec toutefois la possibilité de faire passer le délai pour la remise des rapports à 12 mois plutôt qu'à 10 mois.
Nous avons examiné comment s'était déroulé le processus le plus récent et du temps que les commissions avaient pris dans le cadre actuel. Trois commissions ont pris 10 mois ou plus; alors que les autres avaient terminé avant ce délai. Elles avaient toutes terminé leurs travaux dans une période de 12 mois. Nous estimons que cela leur donnera suffisamment de temps.
Le sénateur Fraser : Je vais maintenant aborder un sujet pour lequel j'ai vraiment besoin d'aide. J'ai essayé de comprendre les règles 3 et 4 qui se trouvent à la page 4 du projet de loi.
Je vais vous dire ce que j'ai compris et vous pourrez ensuite me dire pourquoi je me trompe et ce que ces règles disent exactement. Je crois que la règle 3 prévoit qu'après l'application de la clause sénatoriale et de la clause de maintien des droits acquis, on ajoute des sièges pour que la proportion des sièges attribués à une province se rapproche le plus possible du pourcentage de la population de cette province, même si ce pourcentage peut-être légèrement supérieur.
La règle 4 me semble dire ensuite que la règle 3 s'applique si le pourcentage des sièges est égal ou supérieur au pourcentage de la population de la province.
D'après ce que je comprends, ces deux règles disent soit la même chose ou, ce qui est plus probable, elles dépassent mes compétences en arithmétique. Pourriez-vous m'expliquer quel est l'effet de ces deux règles?
M. Lynch : Je crois que vous avez correctement décrit la règle 3, même s'il faut également déterminer quelles sont les provinces qui répondent aux conditions établies par la règle 4.
La règle 4 tient compte de la révision précédente pour déterminer les provinces qui, à la suite de la révision, possèdent une part de sièges supérieure à leur part de la population. Autrement dit, quelles sont les provinces qui étaient surreprésentées? Cette règle et la règle 3 s'appliqueraient uniquement aux provinces qui sont surreprésentées et qui risqueraient d'être sous-représentées avec l'application de la nouvelle formule.
La règle 4 énonce que la règle 3 ne s'applique pas aux provinces à croissance rapide, qui sont sous-représentées, mais qu'elle pourrait s'appliquer à n'importe quelle autre province dont la population croît lentement.
Le sénateur Fraser : La règle 4 n'est-elle pas un peu une clause de maintien des droits acquis?
M. Lynch : Ce n'est pas une clause de ce genre dans le sens qu'elle établit un nouveau plancher pour les provinces. La règle 4 précise les provinces qui pourraient bénéficier de l'application de la règle 3; et la règle 3 ne s'appliquerait que dans la mesure où cette province...
Le sénateur Fraser : A perdu des sièges?
M. Lynch : Est sous-représentée à la suite de l'attribution de sièges supplémentaires par l'application des règles 1 et 2.
Le sénateur Fraser : Je vais me concentrer très fort sur cette question la nuit prochaine. J'espère que vous serez encore ici demain, au cas où.
[Français]
Le sénateur Chaput : Avec l'application de la formule que vous avez choisie, que vous recommandez et qui fait partie du projet de loi, même si des provinces perdent des sièges, elles demeurent bien représentées en termes de pourcentage de la population. N'est-ce pas?
Jean-François Morin, conseiller principal en politiques, Réforme démocratique, Bureau du Conseil privé : Je vous demanderais peut-être de préciser votre question. Mais quoi qu'il en soit, aucune province ne perd de sièges en application de cette formule.
Le sénateur Chaput : Il n'y a pas de perte de sièges. Soit que la province conserve des sièges, soit qu'elle voit une augmentation du nombre de sièges?
M. Morin : Exactement.
Le sénateur Chaput : En application de cette formule, la province est toujours bien représentée en termes de pourcentage de la population.
M. Morin : Exactement, dans le cas de la nouvelle règle de représentation.
Le sénateur Chaput : Si on renversait la formule et qu'au lieu d'ajouter on réduit, est-ce qu'il serait possible que, même en perdant des sièges, les provinces soient bien représentées en termes de pourcentage de la population? Avez- vous une idée?
M. Morin : Évidemment, il faudrait voir la formule exacte pour être capable de mieux se prononcer. Mais il y a certaines choses entrent en ligne de compte, notamment la modification de la clause sénatoriale qui garantit aux provinces le même nombre de sièges à la Chambre des communes, le nombre de sièges par lesquels elles sont représentées au Sénat. Il faudrait faire un amendement constitutionnel requérant l'accord unanime des dix provinces.
Le sénateur Chaput : Ne croyez-vous pas que cette clause pourrait être problématique?
M. Morin : Non, je ne dis pas que cette clause est problématique, non, je dis seulement que plusieurs provinces sont déjà proches du seuil sénatorial. Si on enlève des sièges à d'autres provinces, il est possible que l'on ne réussisse pas à maintenir les mêmes pourcentages de siège que ceux de la formule du projet de loi C-20.
Le sénateur Chaput : Avez-vous étudié en profondeur le fait de réduire au lieu d'augmenter, afin qu'il y ait un réajustement de sièges en fonction de la population, évidemment, mais un réajustement avec moins de sièges au lieu de plus de sièges?
M. Morin : On a étudié différents scénarios mais on a mis de l'avant le scénario retenu par le gouvernement.
Le sénateur Chaput : Mais vous aviez aussi étudié celui-là, si je comprends bien.
M. Morin : On a fait différentes projections de sièges avec différents scénarios.
Le sénateur Chaput : L'un des scénarios étant une réduction au lieu d'un ajout.
M. Morin : On a fait une projection de sièges avec un scénario de réduction.
[Traduction]
Le président : Je vais poser une question supplémentaire dans le prolongement du commentaire du sénateur Chaput. Le ministre a déclaré plus tôt — en examinant les cas où il y aurait une diminution du nombre des sièges — que la préoccupation viendrait du fait que les provinces dont la population croît lentement perdraient des sièges. Est-ce bien exact?
M. Morin : C'est exact, oui.
Le président : C'est une conséquence que le ministre souhaitait éviter, d'après ce que j'ai compris.
M. Morin : Vous avez raison.
Le sénateur Dawson : Il est dommage que le ministre ne soit pas ici. J'allais le remercier. Même si nous n'appuyons pas le projet de loi, j'estime qu'il constitue une amélioration par rapport au projet de loi C-12, pour ce qui est du Québec.
[Français]
Peut-être que M. Morin pourra me trouver cette information d'ici demain.
[Traduction]
Avec le projet de loi C-12, Québec conservait 75 députés et avec le projet de loi C-20, ce nombre passe de 75 à 78. Je sais que la population du Québec n'a pas beaucoup augmenté au cours de ces 18 mois. Quelle est la formule ou l'argument qui nous amène à obtenir trois sièges de plus avec le projet de loi C-20 par rapport au projet de loi C-12?
M. Lynch : Vous avez raison. Avec le projet de loi C-12, Québec aurait conservé ses 75 sièges. En raison de l'attribution de sièges supplémentaires aux provinces à croissance rapide, il était prévu que la représentation relative du Québec aurait été légèrement inférieure à son pourcentage de la population. Le gouvernement a donc décidé par la suite qu'il voulait que le Québec conserve une représentation relative conforme à sa part de la population. C'est une simple décision politique.
Le sénateur Dawson : Ce n'est donc pas une raison mathématique. C'était donc une simple décision politique qui les a amenés à ajouter ces sièges par générosité. J'aimerais remercier encore une fois le ministre. Même si je n'appuie pas le projet de loi, je suis heureux de l'attribution de ces trois sièges et je voudrais qu'il le sache. Si la seule raison est que le gouvernement conservateur a décidé d'être bon avec le Québec, je remercierais l'ensemble du gouvernement et même les sénateurs du gouvernement.
Le président : Pour revenir à l'aspect soulevé par le sénateur Dawson, il fait référence à l'effet qu'aura sur le nombre de sièges attribués au Québec l'application de la règle 3 qui figure à l'article 2 du projet de loi.
Corrigez-moi si je me trompe, mais cette clause ne s'applique pas uniquement au Québec. Elle s'applique à toutes les provinces qui répondent aux conditions de la règle 3. Est-ce exact?
M. Lynch : C'est exact. Les conditions sont énoncées dans la règle 4. Toute province qui répond aux conditions de la règle 4, dont parlait le sénateur Fraser, bénéficiera de la règle 3 que propose le projet de loi.
Le sénateur Fraser : Je scrute la terminologie juridique ici et chaque fois que je le fais, mon cerveau s'arrête. Pourriez-vous nous donner un exemple? Les règles 3 et 4 s'appliquent-elles uniquement au Québec à l'heure actuelle? Ont-elles été conçues pour lui accorder ces trois sièges supplémentaires?
M. Lynch : Pour les prochaines révisions, les règles 3 et 4 s'appliqueront uniquement au Québec. C'est exact.
Le sénateur Fraser : À l'avenir?
M. Lynch : À l'avenir, ces règles pourraient théoriquement s'appliquer à n'importe quelle province à faible croissance. Cela est prévu.
Le sénateur Fraser : Par exemple, je pense que la Saskatchewan sera légèrement surreprésentée par rapport à sa population cette fois-ci. La prochaine fois, que se passera-t-il?
M. Lynch : Il est difficile de faire des prévisions sur 10 ans en matière de démographie. Une province comme la Saskatchewan bénéficie de la clause de maintien des droits acquis, qui demeure toujours en vigueur. La Saskatchewan continuerait d'être visée par la règle 4, dans le sens qu'elle serait une province surreprésentée après la révision de 2011. Voici la question à laquelle il faudra répondre en 2021 : « La Saskatchewan serait-elle sous-représentée par l'application des règles 1 et 2 de la nouvelle formule? »
Le sénateur Fraser : Comme je l'ai dit, il faut que je réfléchisse beaucoup à cette question.
Le président : Pour revenir au commentaire du sénateur Fraser, l'application des règles 3 et 4 à l'avenir — en 2021 et par la suite — ne garantit pas automatiquement qu'il y aura une augmentation du nombre des sièges attribués. L'application de ces règles pourrait entraîner à l'avenir une diminution de ce nombre. Est-ce bien exact?
M. Lynch : C'est exact dans le sens que ce n'est pas un nouveau plancher, comme la règle du maintien des droits acquis ou la règle sénatoriale. C'est exact.
Le sénateur Jaffer : Les 30 sièges supplémentaires coûteront, d'après ce que j'ai compris, 14,8 millions de dollars par an?
M. Lynch : Ce montant de 14,8 millions de dollars représente les nouveaux députés. Sans ce projet de loi, la formule actuelle entraînerait normalement la création de sept sièges supplémentaires. Le coût supplémentaire porte uniquement sur les 23 nouveaux députés.
Le sénateur Jaffer : Le coût supplémentaire est de 14,8 millions de dollars?
M. Lynch : C'est exact.
Le sénateur Jaffer : Quel est le coût total de ces 30 députés?
M. Lynch : 19,3 millions.
Le président : Comme le ministre l'a fait remarquer, le projet de loi a pour but de combler l'écart actuel entre la représentation et la population en ajoutant des sièges supplémentaires. Est-il exact de dire que le projet de loi va réduire cet écart dans toutes les provinces concernées? Autrement dit, va-t-il avoir pour effet de réduire l'écart qui existe à l'heure actuelle dans ces provinces?
M. Lynch : À l'heure actuelle, les trois provinces dont la population croît rapidement sont toutes sous-représentées. Il est exact que, si le nombre des sièges était modifié selon la formule actuelle, elles seraient encore davantage sous- réprésentées. Un des objectifs du projet de loi est que la représentation de ces trois provinces — l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique — se rapproche davantage de leur pourcentage de la population. Elles seront encore sous- représentées. Le corollaire est que les provinces dont la population augmente plus lentement — qui sont surreprésentées — le seront un peu moins. Il est prévu que la représentation du Québec sera très proche de son pourcentage de la population.
Le président : L'écart est modifié — de façon favorable d'après ce que vous dites — dans toutes les provinces grâce à ce projet de loi?
M. Lynch : C'est exact.
Le président : Monsieur Lynch et monsieur Morin, ce n'est pas un sujet facile à comprendre, la formule et son application, mais vous l'avez expliqué aussi clairement que possible. Nous vous en remercions.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Marc Mayrand, directeur général des élections, Stéphane Perrault, avocat général principal et directeur principal, direction des services juridiques, Rennie Molnar, sous-directeur général des élections, scrutins et François Faucher, directeur principal, redécoupage électoral, d'Élections Canada.
Monsieur Mayrand, vous avez la parole.
[Français]
Marc Mayrand, directeur général des élections, Élections Canada : Merci, monsieur le président, et bon après-midi à tous et à toutes. J'ai le plaisir de comparaître aujourd'hui au comité pour discuter du projet de loi C-20, intitulé Loi sur la représentation équitable.
Mon allocution sera brève. Tout d'abord, je décrirai le rôle du directeur général des élections dans le processus de redécoupage. Ensuite, je parlerai des principaux changements proposés dans le projet de loi.
En ce qui concerne mon rôle, il est important de noter que la révision des limites de circonscriptions est la responsabilité exclusive des dix commissions indépendantes constituées en vertu de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Élections Canada n'intervient d'aucune façon dans les décisions des commissions quant aux limites ou au nom des circonscriptions.
Le directeur général des élections exerce néanmoins certaines fonctions en vertu de la loi. Il fournit des informations géographiques aux commissions, sert d'intermédiaire entre les commissions et la Chambre des communes, prépare le décret de représentation et produit les cartes électorales après la proclamation du décret. Comme par le passé, Élections Canada fournira aussi le soutien administratif et technique à chaque commission.
Selon la loi actuelle, le prochain redécoupage débutera officiellement dès que le statisticien en chef m'aura remis les résultats du recensement de 2011. Je les attends le 8 février 2012.
Le travail est déjà amorcé. Les présidents des 10 commissions ont été désignés par les juges en chef des provinces. Mon bureau a commencé à sensibiliser et informer les députés et les partis enregistrés sur le processus de redécoupage. J'ai rencontré récemment le Président de la Chambre des communes pour le sensibiliser au processus et à ses responsabilités.
Nous nous préparons pour l'année à venir. Comme lors du redécoupage précédent, mon bureau organisera, en février 2012, une conférence réunissant les commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Ce sera l'occasion de familiariser les trois membres de chaque commission avec la nature de leurs tâches.
Nous prévoyons réunir un groupe de spécialistes canadiens qui discuteront des concepts de « communauté d'intérêts » et de « spécificité d'une circonscription » avec les commissaires. Nous allons inviter le commissaire aux langues officielles à parler aux commissaires de leurs obligations en ce domaine.
Pour parler du projet de loi C-20, qui amène plusieurs changements importants au processus de redécoupage, premièrement, il propose une nouvelle formule de représentation. Cette formule utiliserait les estimations de la population publiées le 1er juillet par Statistique Canada à chaque année de recensement décennal. Par conséquent le nombre de sièges pourrait être calculé plus tôt.
[Traduction]
Comme je l'ai mentionné lorsque j'ai comparu devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, ce changement n'aura aucun effet sur mon bureau. Mon rôle de directeur général des élections consiste à utiliser la formule définie par le Parlement pour calculer le nombre des sièges de la Chambre des communes attribué à chaque province.
Deuxièmement, le projet de loi abrège plusieurs délais que la loi prévoit actuellement. Cela touche la constitution des commissions de délimitation des circonscriptions électorales, l'avis annonçant la tenue d'audiences publiques et la présentation des rapports des commissions. Ces changements combinés auraient pour effet de réduire de deux mois le temps accordé pour effectuer le redécoupage.
En plus, le projet de loi abrège la période minimale qui doit s'écouler entre la proclamation du nouveau décret de représentation et son entrée en vigueur pour les prochaines élections générales. Cette période passerait de 12 mois qu'elle est actuellement à sept mois. Il en résulte que le délai imparti pour mettre en œuvre les nouvelles limites sera réduit de cinq mois.
La mise en œuvre des nouvelles limites exige, aspect important, que de nouveaux directeurs de scrutin soient nommés pour les circonscriptions électorales dont les limites ont été modifiées, même si la modification est tout à fait mineure. Au cours du dernier redécoupage, les limites de 90 p. 100 des circonscriptions électorales ont été modifiées.
Le projet de loi C-20 vise à faciliter cette mise en œuvre au cours d'une période de sept mois en autorisant le directeur général des élections de reconduire, au mérite, le mandat des directeurs du scrutin, après consultation des chefs de partis reconnus à la Chambre des communes. Cela est conforme au processus prévu actuellement par la Loi électorale du Canada pour la renomination des directeurs de scrutin à l'expiration de leur mandat de 10 ans.
Mon bureau a commencé à évaluer l'incidence de ce projet de loi sur les besoins en ressources de l'organisme, plus particulièrement pour soutenir le processus de redécoupage lui-même, rétablir l'état de préparation d'Élections Canada, conduire des élections générales après l'établissement des nouvelles limites et poursuivre les activités de programme courantes dans des domaines comme le financement politique et le soutien du personnel en région. Cette évaluation nous amènera peut-être à conclure que des ressources additionnelles sont nécessaires.
Pour terminer, je tiens à mentionner à nouveau que la commission est prête à commencer ses travaux selon les dispositions actuelles dès le 8 février 2012. Comme je l'ai indiqué au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, si les modifications législatives étaient adoptées avant cette date, cela faciliterait le travail de la commission et réduirait les risques de confusion.
Mes collaborateurs et moi serons heureux de répondre à vos questions.
[Français]
Le sénateur Fraser : Monsieur Mayrand, messieurs, bienvenue au Sénat, c'est toujours plaisir de vous recevoir.
[Traduction]
Je voulais vous poser une question au sujet des délais qui sont considérablement abrégés, en particulier la perte de cinq mois pour mettre en œuvre les nouvelles limites. Le seul fait d'y penser me coupe la respiration. C'est une réduction de 40 p. 100. Comment ces délais ont-ils été choisis, avez-vous participé à leur choix et pourriez-vous nous en dire davantage sur la façon dont ils vont toucher vos travaux?
M. Mayrand : Le délai de sept mois représente la période minimale pour que nous puissions nous préparer pour des élections générales en utilisant les nouvelles limites. C'est mon prédécesseur qui a recommandé ce délai de sept mois et le projet de loi fait suite à cette recommandation en fixant ce délai à sept mois.
Comme je l'ai indiqué dans mes commentaires précédents, nous devrons nommer de nouveaux directeurs du scrutin. Nous prévoyons que, même avec les dispositions de la loi, nous serons de toute façon obligés de nommer 120 directeurs du scrutin. Nous devrons également réviser toutes les sections de vote, réaffecter les électeurs à de nouvelles sections de vote, et ce, à l'intérieur des nouvelles limites de circonscription, ainsi que mettre à jour tous les systèmes nécessaires à la tenue des élections.
Le sénateur Fraser : Comme je l'ai dit aux hauts fonctionnaires que nous avons entendus il y a quelques instants, j'ai beaucoup d'estime pour votre prédécesseur et il ne faudrait pas voir dans mes remarques des critiques qu'à son endroit; il n'est pas toujours nécessaire d'être d'accord avec tout le monde, même avec des personnes que vous estimez beaucoup.
Si vous deviez formuler à nouveau une recommandation, recommanderiez-vous une période aussi courte qu'une période de sept mois? Quels sont les avantages qu'offre une telle réduction de ces délais?
M. Mayrand : Cela nous permet d'être prêts à tenir de nouvelles élections en utilisant les nouvelles limites des nouvelles circonscriptions électorales.
Le sénateur Fraser : Cela veut dire que cela abrègerait la période pendant laquelle les politiciens doivent prendre une décision, si je peux m'exprimer ainsi. Ils pensent vraiment qu'il ne faudrait pas déclencher des élections parce qu'il faudrait alors utiliser l'ancienne carte. Est-ce là le principal avantage — cela donne plus de latitude pour déclencher des élections?
M. Mayrand : Il y a également le fait que pour nous, compte tenu du calendrier actuel, des projets actuels — et nous parlons ici de 2015 — nous devrions être prêts à tenir des élections au printemps prochain. Pour être prêts, il faudrait que cette période de sept mois se termine au printemps 2015.
Le sénateur Fraser : Cela correspond à la date fixe des élections.
M. Mayrand : Oui, en tenant pour acquis qu'elle ne sera pas modifiée.
Le sénateur Fraser : L'autre question que je voulais poser au sujet des délais concerne le fait de faire passer de 60 à 30 jours le délai entre la publication de l'avis par les commissions et les audiences. Je comprends que ce délai de 30 jours est un délai minimal et non pas maximal. Cela m'a quand même frappé parce que je pensais que les intéressés allaient devoir agir très rapidement, en particulier dans les provinces très étendues.
Bien évidemment, l'Ontario est une province très étendue et très peuplée. Elle contiendra de nombreuses circonscriptions, y compris un certain nombre de nouvelles. Sera-t-il possible pour tous les Ontariens de s'occuper de cela en 23 jours, parce qu'ils doivent donner un avis dans les 23 jours s'ils veulent présenter des observations?
M. Mayrand : Cette disposition autorise, je crois, les commissions à commencer leurs audiences après 30 jours. Elles ne sont pas tenues de le faire. Cela dépendra du niveau d'intérêt, du nombre des séances d'information ou des demandes de participation au processus de consultation. Je crois que ce sont ces éléments qui vont déterminer le calendrier des consultations établi par la commission.
Là encore, cette disposition fait suite à une recommandation de mon prédécesseur. Elle reflète le fait que les commissions ont elles-mêmes constaté qu'elles pouvaient commencer rapidement sans attendre l'expiration d'un délai de 60 jours. Cette disposition n'a pas pour effet de limiter la période consultation elle-même.
Le sénateur Fraser : Vous pensez vraiment que cela peut fonctionner sans imposer de...
M. Mayrand : Je pense qu'il y a des gens qui sont prêts à fournir des commentaires aux commissions assez rapidement et que cette disposition le leur permet. Pour ceux qui ont besoin de plus de temps, les commissions ont la latitude et la souplesse nécessaires pour prolonger la période de consultation.
Le sénateur Angus : Monsieur Mayrand, je voulais vous poser quelques questions parce que vous avez semblé insister dans votre déclaration préliminaire sur le fait que votre bureau n'avait aucunement contribué à la rédaction du projet de loi, au choix de la politique, par exemple. Je me demande si vous n'avez pas pris trop de précaution. Cela m'amène à poser la question suivante, à savoir, êtes-vous en faveur de ce projet de loi?
M. Mayrand : Oh, oui. Comme je l'ai mentionné à la Chambre, je pense qu'il est tout à fait possible de mettre en œuvre ce projet de loi, de notre point de vue. Je ne pense pas que sa mise en œuvre posera quelque problème que ce soit.
Les commentaires que j'ai présentés plus tôt visaient davantage à faire la différence entre Élections Canada et les commissions. Nous devons tenir compte du fait que les commissions ont leur propre domaine de compétence, dans lequel nous ne voulons pas intervenir.
Le sénateur Angus : Cela me fait toujours penser à la scène du singe et du ventriloque; il y en a un qui fait le bruit et l'autre fait tout le travail. Concrètement, c'est vous qui serez amené à mettre en œuvre cette mesure.
Vous avez à peu près répondu à mon autre question lorsque vous avez répondu à celle du sénateur Fraser, mais simple vérification, ces délais sont fixés de façon très claire. Si le projet de loi reçoit la sanction royale et est en vigueur d'ici le 8 février 2012, pensez-vous que vous et vos collègues auront suffisamment de temps pour faire tout ce qu'exige ce projet de loi?
M. Mayrand : Nous aurons le temps d'effectuer un nouveau découpage des circonscriptions pour les prochaines élections générales, oui.
Le sénateur Angus : Cela dit, pensez-vous qu'il est important que le projet de loi soit adopté avant le 8 février?
M. Mayrand : Oui, parce que le mécanisme déclencheur est la publication des résultats du recensement par le statisticien en chef. Cela se produira le 8 février; les commissions doivent être constituées et commencer leurs travaux à ce moment-là. Si l'approbation du projet de loi était retardée, je crains que les commissions soient obligées de commencer leurs travaux en utilisant l'ancienne formule et doivent ensuite tout recommencer. Cela soulèverait certains problèmes.
La population risquerait d'être confuse si l'on démarre un processus en utilisant l'ancienne formule et que ce processus est repris avec une nouvelle formule. Cela pourrait introduire de la confusion dans l'esprit des citoyens.
Le sénateur Angus : Il est important d'aller de l'avant.
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Jaffer : Mon collègue, le sénateur Angus, vous a demandé si vous étiez satisfait de ce projet de loi. Lorsque vous dites que vous êtes satisfait du projet, cela veut dire que vous êtes en mesure d'administrer un régime créé par le Parlement et vous n'avez pas de commentaires supplémentaires à faire. Est-ce bien ce que vous voulez dire lorsque vous dites que vous êtes satisfait du projet de loi?
M. Mayrand : Encore une fois, de mon point de vue, c'est une mesure que nous pouvons mettre en œuvre.
Le sénateur Jaffer : Ce sont les commissions qui fixent les limites des circonscriptions, est-ce bien exact?
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Jaffer : Je n'essaie pas de minimiser votre travail mais vous vous occupez des aspects administratifs une fois les circonscriptions délimitées. Est-ce bien exact?
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Jaffer : Votre idée de réunir des experts canadiens pour parler des notions de communauté d'intérêts et de spécificité m'a intéressée. Cela a piqué ma curiosité. Pourriez-vous nous préciser ce que vous entendez par communauté d'intérêts et spécificité et les raisons pour lesquelles vous estimez que c'est votre rôle de constituer un tel groupe?
M. Mayrand : Ce n'est pas la première fois que nous organisons ce genre de conférence; cela s'est déjà fait. C'est une session de deux jours pour que les commissions se familiarisent avec leurs responsabilités et avec les processus qu'elles doivent suivre. Cela nous permet également de leur expliquer le projet de loi.
Un des critères dont les commissions doivent tenir compte pour effectuer le découpage des circonscriptions est la communauté d'intérêts. C'est un aspect qui n'est pas défini par la loi; c'est un facteur dont elles doivent tenir compte. L'idée, qui a fait l'objet de nombreuses discussions au cours des années, est de sensibiliser les commissaires au débat qu'a soulevé cette notion de communauté d'intérêts.
Le sénateur Jaffer : Et la spécificité d'une circonscription?
M. Mayrand : Elle est mentionnée dans la loi. En général, ces deux notions ont été abordées ensemble. Même si vous examinez les études universitaires, vous constaterez qu'elles ne font pas de grandes différences entre les deux. L'idée ici est que les commissions doivent tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Un certain nombre d'entre eux découlent directement de l'arrêt Carter de la Cour suprême. Les commissions doivent concilier ces facteurs et déterminer quelle est la communauté en cause — quels sont les intérêts ou la spécificité, selon le domaine examiné — et en tenir compte dans le découpage des circonscriptions.
Le président : Au sujet du commentaire du sénateur Jaffer, je vous pose cette question pour les personnes qui regardent notre séance d'aujourd'hui sur le réseau CPAC. Vous avez parlé de communauté d'intérêts et de spécificité d'une circonscription. Vous pourriez peut-être expliquer, en termes généraux, pourquoi ces deux principes jouent un rôle important et pertinent dans le redécoupage des circonscriptions. Que veulent dire ces notions en termes simples?
M. Mayrand : Au Canada, le redécoupage des circonscriptions, qu'il soit prévu par une loi ou par la Constitution, doit tenir compte d'un certain nombre de principes clés, si je peux utiliser cette expression. La première est la proportionnalité de la représentation des provinces. Comme dans toutes les démocraties, l'autre est l'égalité de chaque vote, ou sa qualité. La troisième, qui découle de l'arrêt de la Cour suprême, est qu'il faut concilier l'égalité des votes avec une représentation effective. Pour définir ce qu'est la représentation effective, il faut tenir compte des collectivités situées dans la circonscription que vous essayez de délimiter. La Cour suprême a fourni une liste non limitative des facteurs à prendre en compte, comme la démographie, la géographie, la représentation des minorités. Il y a donc une série de facteurs et la cour a pris soin de dire que ce n'était qu'une liste; il peut y avoir d'autres facteurs, comme des facteurs économiques, qui apparaissent au cours des consultations publiques tenues par la commission.
Le président : Est-il juste de dire que l'objectif du redécoupage des circonscriptions électorales est de regrouper, dans les limites d'une circonscription, des personnes qui ont une communauté d'intérêts? Est-ce bien l'idée générale?
M. Mayrand : L'idée est d'éviter de scinder les collectivités. Là encore, il faut tenir compte de plusieurs facteurs. Il peut arriver qu'une zone géographique regroupe plusieurs collectivités, et c'est là toute la difficulté du travail de la commission parce qu'elle doit réconcilier ces différentes collectivités et dans toute la mesure du possible, éviter de les scinder.
Le président : Dans ma province d'origine, le Nouveau-Brunswick, je connais des cas où des collectivités et des villes ont été scindées par le redécoupage des circonscriptions. Il y a un problème dans le cas où la moitié d'une ville se trouve dans une circonscription et l'autre moitié dans une autre. C'est ce qui doit être évité, d'après vous.
M. Mayrand : Dans toute la mesure du possible. Ce n'est pas une tâche facile pour la commission mais c'est ce qu'il faut viser.
Le sénateur Jaffer : Je suis un peu confus. Quelle est la différence entre « la communauté d'intérêts » et « la spécificité d'une circonscription ». Quel est le sens d'après vous de l'expression « spécificité d'une circonscription »?
M. Mayrand : Là encore, il n'existe aucune définition claire. Je ne peux que citer l'arrêt Carter dans lequel la cour a décidé que les minorités constituent la spécificité d'une circonscription. Il peut exister en même temps une communauté d'intérêts mais là encore, la cour a pris le soin de mentionner qu'en fin de compte, le redécoupage des circonscriptions devrait refléter la mosaïque canadienne. C'est une des expressions que la cour a utilisées pour que ces collectivités soient représentées de façon effective.
Le sénateur Meredith : Monsieur Mayrand, vous avez parlé au sujet de la remarque qu'a faite le sénateur Fraser au sujet de la date, aspect que le sénateur Angus a également soulevé, des conséquences qui découleraient de la possibilité que le projet de loi ne soit pas approuvé en février prochain. Pourriez-vous m'en dire davantage sur les conséquences?
M. Mayrand : Les commissions doivent commencer leurs travaux en février. Elles vont les commencer en appliquant les dispositions actuelles. Nous savons que le projet de loi modifie de façon importante la formule dans la mesure que nous allons devoir augmenter le nombre de sièges attribués à au moins quatre provinces. Les commissions de ces quatre provinces vont être obligées de recommencer leur travail à zéro, si le projet de loi est adopté plus tard. Cela peut entraîner des coûts, selon le moment auquel le projet de loi entrera en vigueur. Là encore, le travail qu'il faudrait refaire pourrait être très important. Imaginez que cela se produise une fois les consultations engagées, et je ne peux qu'imaginer la confusion qui existerait dans l'esprit des personnes consultées si à un moment donné il s'agit d'une ancienne formule et le mois suivant d'une nouvelle formule. Cela pourrait être très complexe.
Le sénateur Meredith : Vous avez parlé d'environ 120 directeurs du scrutin. Quels sont les coûts associés à ces directeurs?
M. Mayrand : Cela dépend. Encore une fois, les coûts sont encourus principalement au cours des élections mais pour ce qui est de reconduire leur mandat, il faudrait que je vous donne ce renseignement plus tard.
Le sénateur Meredith : C'est un piège. Il vous faut des chiffres.
M. Mayrand : Je peux vous donner un chiffre pour les élections générales. Je suis en mesure de vous fournir le chiffre correspondant à des élections générales avec 30 nouvelles circonscriptions électorales.
Le sénateur Fraser : Oui, je vous en prie.
M. Mayrand : Nous estimons à l'heure actuelle que cela coûte 8,6 millions de dollars. C'est le coût supplémentaire basé sur l'hypothèse que ces élections seraient gérées de la même façon que les quarante-et-unième élections que nous venons d'avoir.
Le sénateur Meredith : Quel est l'appui supplémentaire qui vous sera fourni de façon à faciliter la transition, une fois que ce projet de loi sera adopté?
M. Mayrand : Pour le moment, la loi ne prévoit rien. C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné que nous serions obligés de nous adresser au Conseil du Trésor pour obtenir des ressources supplémentaires.
Le sénateur Meredith : Nous savons qu'il y a à l'heure actuelle des compressions budgétaires. Craignez-vous de ne pas obtenir l'appui dont vous avez besoin?
M. Mayrand : Je n'ai pas encore parlé de cette question avec le Conseil du Trésor mais j'espère qu'il admettra que le fait d'augmenter le nombre des sièges de près de 10 p. 100 entraînera des coûts supplémentaires.
Le sénateur Meredith : Je crois que le ministre y pense déjà.
[Français]
Le sénateur Chaput : J'ai devant moi un rapport que j'ai lu pour me préparer à la réunion. Il s'agit du rapport du directeur général des élections du Canada produit en 2005, à la suite du décret de représentation de 2003. Si je comprends bien, c'est votre prédécesseur?
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Chaput : Vous êtes entré en fonction quelques années après?
M. Mayrand : Oui, en 2007.
Le sénateur Chaput : En 2007. Alors, vous êtes certainement au courant de la vingtaine de recommandations contenues dans le rapport?
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Chaput : Le gouvernement a-t-il tenu compte de certaines des recommandations du directeur général des élections?
M. Mayrand : Plusieurs des dispositions de la loi reflètent les recommandations, notamment en ce qui concerne les délais et le processus. De plus, le gouvernement a certainement tenu compte des représentations qui ont été faites au sujet de la nomination des directeurs de scrutin.
Le sénateur Chaput : Je suis heureuse de voir que le rapport n'a pas été produit en vain et que le gouvernement a tenu compte des recommandations du rapport pour rédiger le nouveau projet de loi. Dans une de ces recommandations, votre prédécesseur affirme que les commissions devraient tenir compte des dispositions de la Loi sur les langues officielles qui s'appliquent à leurs travaux. De quelle partie de la loi votre prédécesseur faisait-il mention?
M. Mayrand : C'était l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. La Cour fédérale a déjà statué dans une affaire en précisant que l'article 41 s'appliquait aux commissions, qu'elles devaient tenir compte de la Loi sur les langues officielles dans le cadre de leurs travaux.
Le sénateur Chaput : Si je comprends bien, il y aura une conférence qui regroupera les présidents des diverses commissions des provinces et territoires?
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Chaput : Et lors de cette conférence il sera question de cette disposition de la Loi sur les langues officielles qui leur sera expliquée?
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Chaput : J'aimerais revenir au deuxième tour, s'il vous plaît, Monsieur le président.
Le président : Bien sûr.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Mayrand, le projet de loi prévoit aussi la révision des délais pour la mise en œuvre de la loi. D'une part, votre organisation est-elle prête à faire en sorte que les délais soient respectés? D'autre part, est-il possible que cette réforme soit complétée d'ici la prochaine élection générale?
M. Mayrand : À ce moment-ci, je suis confiant qu'on pourra finaliser la carte électorale et la rendre applicable à la prochaine élection générale qui doit avoir lieu en 2015.
Le sénateur Boisvenu : Ma deuxième question concerne la nomination au sein des comités. Est-ce qu'un processus est défini pour nommer les présidents et les membres pour nous assurer de leur impartialité?
M. Mayrand : La loi prévoit que le président de chacune des commissions est désigné par le juge en chef de chacune des provinces. J'ai déjà contacté les juges en chef et ils ont déjà désigné les dix présidents.
Quant aux deux autres membres, ils sont nommés par le Président de la Chambre des communes. J'ai eu l'occasion de rencontrer le Président récemment pour discuter un peu de ses responsabilités à cet égard et discuter de la pratique concernant la nomination des commissaires qui sont membres.
Le sénateur Boisvenu : En ce qui concerne la nomination des présidents, des critères ont-ils été retenus pour nous assurer de leur impartialité ou, plutôt, laisse-t-on une latitude aux juges?
M. Mayrand : Il faut qu'ils nomment un juge. C'est un juge qui est nommé président et il est désigné par le juge en chef de la province.
Le sénateur Boisvenu : Les autres membres ont-ils aussi un profil professionnel précis?
M. Mayrand : Rien n'est prévu comme tel dans la loi. Je peux simplement vous parler de la pratique qui a été généralement de faire appel à des universitaires qui ont un intérêt dans le domaine électoral et le domaine particulier du découpage des cartes électorales.
Le sénateur Dawson : Vous avez déclaré tout à l'heure que vous aurez au moins une centaine de nouveaux directeurs de scrutin à nommer suite à la redistribution, qui aura lieu dans la prochaine période. Nous savons qu'il y en a 30, mais ce sera combien de plus?
M. Mayrand : Chaque année, environ une trentaine démissionnent. Pour essayer de limiter les dépenses, nous avons choisi de ne nommer aucun directeur de scrutin avant 2014, soit un peu plus tard. On s'attend à un nombre d'environ 120 nouveaux directeurs de scrutin.
Le sénateur Dawson : Malgré le fait que le projet de loi nous ait été présenté lors de la dernière semaine de la session parlementaire et malgré notre opposition au projet de loi, je peux veux assurer qu'en ce qui nous concerne, nous allons certainement tout faire, au cours des deux prochains jours, pour nous assurer que vous soyez en mesure de mettre en branle votre processus. Ceci dans le but que l'on n'impose pas à la population canadienne la confusion d'avoir des directeurs et des systèmes de distribution donnés pour ensuite revenir, en février ou mars, et adopter un projet de loi.
C'est toujours un peu triste pour des parlementaires membres d'un comité sérieux de se faire dire qu'ils n'ont que 24 heures pour adopter un projet de loi.
J'ai participé à l'élaboration de la carte électorale de 1974 avec M. Hamel et j'ai participé par la suite à l'élaboration de la deuxième carte électorale de M. Hamel en 1990, ainsi qu'à l'élaboration de celle de M. Kingsley. Je crois que ces deux derniers, ainsi que M. Mayrand, sont très contents du fait qu'il y ait de la souplesse dans le système de distribution parce que le système de distribution était très lourd. C'est beaucoup plus pratique d'avoir une période durant laquelle ils peuvent commencer à entendre des gens plutôt que d'être obligés d'attendre 60 jours. Surtout lorsqu'il y a consensus.
Vous me dites donc qu'il s'agira d'un nombre d'environ 125 nouveaux directeurs de scrutin?
M. Mayrand : Environ.
Le sénateur Angus : Nous avons un témoin expert.
[Traduction]
Le sénateur Runciman : Vous avez mentionné que vous seriez prêt et que la nouvelle carte et les nouvelles limites des circonscriptions pourraient être utilisées aux prochaines élections, lorsqu'elles seront déclenchées.
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Runciman : C'est dans trois ans?
M. Mayrand : Presque quatre.
Le sénateur Runciman : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il faut autant de temps pour que cela soit prêt à cette date?
M. Mayrand : Cela dépend des scénarios, mais normalement, si tout fonctionne comme prévu, nous obtiendrons le décret de représentation à l'automne 2013. Il nous faudra ensuite mettre en œuvre la nouvelle carte électorale. Cela prend, là encore, au moins sept mois. Nous devons ensuite nous préparer pour les prochaines élections. Comme je l'ai dit plus tôt, nous aimerions être prêts pour les prochaines élections, au plus tard, au printemps 2015.
Le sénateur Runciman : Lorsque vous dites « mettre en œuvre la nouvelle carte électorale » qu'est-ce que cela implique?
M. Mayrand : Il faut réviser toutes les sections de vote du pays, et il y en a plus de 60 000, et veiller à ce que tous les électeurs soient affectés aux bonnes sections de vote. Il faut créer les cartes correspondant à ces sections de vote et mettre à jour tous vos systèmes pour que le soir des élections les résultats reflètent les 30 nouvelles circonscriptions. Il y a pas mal de travail à effectuer pendant cette période de sept mois.
Après cela, il faut nommer les nouveaux directeurs du scrutin, les former encore une fois, mettre à jour tous les documents destinés aux fonctionnaires électoraux pour la formation, par exemple, et cela prend du temps.
Le sénateur Runciman : Comme je le disais, pour ce qui est de la situation en Ontario, qui me paraît unique puisqu'on utilise les circonscriptions fédérales pour les circonscriptions provinciales; le fait est qu'à l'heure actuelle nous sommes en situation de gouvernement minoritaire et j'étais également curieux des délais.
Avez-vous parlé au directeur d'Élections Ontario?
M. Mayrand : Oui. Il suit de très près la situation. Là encore, ce sont les législateurs ontariens qui devront décider s'ils souhaitent continuer à utiliser la même carte pour la province. Je ne pense pas qu'ils aient encore pris cette décision.
Le sénateur Runciman : Je n'ai pas entendu de discussion à ce sujet. Cela veut dire, avec les limites actuelles, ajouter 15 sièges à l'assemblée législative de l'Ontario.
M. Mayrand : Oui.
Le sénateur Runciman : Pour répondre au sénateur Jaffer, vous avez parlé de la mosaïque canadienne. Je crois qu'il y a des anomalies et je pensais à une circonscription très proche d'ici, Lanark—Frontenac—Lennox et Addington. À mon avis, il n'y a pas de sentiment d'appartenance. Elle commence juste à l'extérieur d'Ottawa et s'étend jusqu'à Napanee, à l'ouest de Kingston.
Comment ce genre de choses se produit-il? Pourquoi nous retrouvons-nous avec un découpage de circonscription qui semble incompréhensible dans la mesure où il n'y a pas de lien réel entre ses différentes parties?
Le sénateur Angus : C'est pour que vous puissiez vous rendre chez vous sans avoir à changer de circonscription.
M. Mayrand : Il faudrait que j'examine le rapport de la commission de l'époque et le dernier redécoupage. C'est tout un défi, en particulier dans notre pays qui est si vaste et si peu peuplé. Cela reflète les lois et la jurisprudence. Les commissions doivent respecter le plus possible le quotient, qui sera de 110 000 électeurs, tout en essayant en même temps de limiter la superficie de la circonscription. C'est un défi pour elles. Il faudrait que j'examine le rapport de la commission en question pour vous répondre.
Le sénateur Runciman : Vous avez fait référence un certain nombre de fois à une décision judiciaire, l'arrêt Carter. Quel est le contexte de cette décision?
M. Mayrand : Il y avait un différend au sujet de la loi provinciale de la Saskatchewan qui établissait la méthode à utiliser pour effectuer le redécoupage.
Le sénateur Runciman : Qui a institué cette action?
M. Mayrand : Je crois que c'était M. Carter. Je ne sais pas s'il était simple citoyen ou s'il représentait une organisation.
Essentiellement, il soutenait que le projet de loi relatif au redécoupage ne reflétait pas l'égalité des votes ce qui devait être, d'après M. Carter, l'élément essentiel de tout redécoupage. Il y a eu un renvoi devant la Cour suprême qui a déclaré qu'il n'y avait pas seulement l'égalité des votes; il faut refléter la communauté d'intérêts et veiller à ce que la représentation soit effective.
[Français]
Le sénateur Fraser : J'aimerais revenir sur la question des communautés d'intérêt.
Je remarque entre autres, avec intérêt, qu'il me semble qu'on ne dit pas exactement la même chose dans les deux langues. On dit bien « communauté d'intérêt » et « community of interest », mais « community of identity » est traduit dans la loi par « spécificité d'une circonscription »; ce qui pour moi ne serait pas exactement la même chose.
Si cela a posé des problèmes, je vous demanderais de commenter.
Aussi, je sais que vous ne faites pas le travail des commissions, mais j'imagine que vous suivez leur travail. Afin que je comprenne, j'aimerais savoir si vous avez une impression quelconque concernant les sujets les plus sensibles. Parce nous savons que c'est sur cette idée de communauté que les citoyens réagissent le plus. En tous cas, c'est mon impression.
Quels seraient les points les plus sensibles pour beaucoup de circonscriptions? Est-ce que ce serait la langue, l'origine ethnique ou l'occupation — fermier versus marchand de ville, par exemple?
M. Mayrand : Cela peut même être la religion. Cela varie énormément d'une région à l'autre et même d'une circonscription à l'autre. Dans certaines circonscriptions, c'est l'attachement aux frontières de la municipalité, par exemple. Cela peut être un enjeu, à l'occasion, si, par hasard, il fallait mettre la ligne au milieu d'une municipalité. Cela pourrait être un enjeu pour la communauté et la commission doit tenir compte de cette distinction.
Cela peut être un attachement géographique, historique de communauté d'identité. On peut penser aux territoires autochtones, là où il y a des réserves. Il faut éviter de diviser les réserves.
Cela varie considérablement de circonscription en circonscription et non seulement au niveau des régions. C'est à l'intérieur d'une circonscription. Il y a un attachement si la ville maîtresse est à 10 kilomètres et qu'on suggère de déplacer ceux un peu à l'extérieur de la ville maîtresse. Cela peut générer une réaction.
Les commissions doivent trouver une façon de réconcilier ces intérêts du mieux qu'elles le peuvent. C'est vraiment du cas par cas. C'est très difficile de généraliser et c'est pour cela qu'on n'a jamais réussi à articuler une définition très précise.
Le sénateur Fraser : Tant mieux, d'ailleurs, car la variation doit être immense. Et pour ces contrastes entre communauté et spécificité?
M. Mayrand : Oui, j'ai noté ce contraste en me préparant pour cette rencontre, je dois vous dire. Il faudrait demander aux linguistes juridiques.
Le sénateur Fraser : À votre connaissance?
M. Mayrand : Comme je vous le mentionnais un peu plus tôt, les discussions se font surtout au niveau du concept de communauté d'intérêt. Généralement, on parle de communauté d'intérêt et on regroupe tous les éléments, donc on n'a pas besoin de parler de communauté d'identité comme telle même si la loi le fait.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Lorsque le ministre était ici aujourd'hui, il a parlé de représenter les électeurs et il a parlé des minorités. J'aimerais savoir où nous en sommes avec la question du niqab. Comment allez-vous la résoudre?
M. Mayrand : Je ne vais pas confier cet aspect à la commission. Là encore, cet aspect était d'actualité en 2007. À l'époque, les médias en parlaient. À l'époque, j'ai mentionné que la loi ne prévoyait rien à ce sujet. Là encore, j'ai parlé du fait que les électeurs peuvent voter par courrier, de sorte qu'ils ne sont pas obligés de montrer leur visage selon cette méthode. J'ai informé le Parlement du fait que, s'il souhaitait modifier cette loi, il pouvait le faire s'il l'estimait sage mais que la loi actuelle n'impose aucune obligation à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Chaput : On a déjà répondu à ma question, mais je vais la poser quand même. C'est à l'égard d'une recommandation incluse dans le rapport du directeur, et cette recommandation disait qu'on devrait ajouter un paragraphe à la loi précisant que les réserves indiennes ne doivent pas être partagées en deux circonscriptions ou plus, sauf lorsque les résidants de la réserve ont exprimé qu'ils seraient mieux représentés par un tel partage.
Est-ce que cette recommandation a été faite parce qu'il y a eu déjà eu un problème? C'était en prévision d'un problème? Est-ce qu'elle a été acceptée par le gouvernement?
M. Mayrand : À ce jour, elle n'a pas été retenue. Ce rapport avait déjà été étudié par le comité de la Chambre responsable des affaires électorales. Il n'y a pas eu de recommandation du comité, à ma connaissance; il n'y a pas eu de suivi sur cette recommandation à ce moment-ci.
Le sénateur Chaput : Dans le dernier découpage des frontières électorales, y avait-il eu un cas semblable où les réserves indiennes ont dû comparaître et présenter leur cas? Le savez-vous?
M. Mayrand : Je ne pourrais pas vous dire. Je ne suis pas au courant qu'une situation se soit présentée, mais j'imagine que s'il y a eu une recommandation à cet effet, il y a eu une préoccupation. Je ne suis pas familier avec la nature exacte de la préoccupation.
[Traduction]
Le sénateur Meredith : Le sénateur Runciman a parlé des cartes électorales et le sénateur Fraser les a également mentionnées. Pour ma propre information, pouvez-vous nous expliquer le processus? Vous parlez des diverses provinces et de redécoupage. Pouvez-vous nous dire ce qui va se passer au cours des onze prochains mois et ce que vous devez faire pour que cela corresponde aux circonscriptions provinciales, examiner où sont les limites de ces circonscriptions et comment elles concordent avec le redécoupage fédéral?
M. Mayrand : Il n'y a pas de lien direct entre les circonscriptions fédérales et provinciales. La seule province qui utilise les circonscriptions fédérales est la province de l'Ontario. Pour toutes les autres, il y a une différence importante entre le nombre des représentants élus au niveau provincial et au niveau fédéral.
La commission va obtenir les renseignements auprès de mon bureau au sujet du nombre des circonscriptions actuelles, de la population de ces circonscriptions et de sa répartition. La commission élaborera sa propre proposition. Elle disposera de certains outils géographiques pour faciliter ce travail ainsi que de données au sujet de la population. Une fois la proposition préparée, elle sera publiée. Cela déclenchera les consultations publiques.
Il me paraît raisonnable de tenir pour acquis que, lorsqu'il n'y a pas eu de changements importants dans la population ou dans son mouvement, la commission va dans une grande mesure reprendre les limites existantes.
Le sénateur Meredith : Permettez-moi d'intervenir. Au cours de cette consultation publique, vous invitez les citoyens à donner leur opinion sur le processus ou à dire ce qu'ils pensent du découpage des circonscriptions?
M. Mayrand : Oui, les organisations civiles, les représentants locaux, municipaux ou de comté — nous invitons divers groupes. Par exemple, les citoyens, les députés et les sénateurs peuvent présenter des observations au cours de ces audiences au sujet du découpage proposé si celui-ci soulève une question de communauté d'intérêts, par exemple, ou s'ils ne sont pas satisfaits du nom proposé. C'est là que doivent avoir lieu ces discussions.
Une fois la consultation terminée, la commission prépare un rapport. Ce rapport est envoyé à mon bureau pour qu'il soit transmis à la Chambre. Une fois là, les députés disposent d'un certain délai pour s'opposer aux limites des circonscriptions proposées par les diverses commissions. Après ces audiences, un rapport contenant les oppositions des députés est renvoyé aux commissions et celles-ci les étudient. Je pense qu'elles disposent d'environ 30 jours pour étudier les oppositions des députés et elles finalisent ensuite les limites des circonscriptions proposées.
Le sénateur Meredith : Vous avez parlé des députés. Si je comprends bien, et corrigez-moi si je me trompe, une fois que ces nouvelles limites sont fixées, les députés doivent déposer à nouveau des documents, pour leur candidature, par exemple. Est-ce bien exact?
M. Mayrand : Oui. Cela a un effet considérable sur les partis politiques. Les associations de circonscription doivent être modifiées de façon à refléter le nouveau découpage. Il faut ensuite transposer les résultats du scrutin correspondant aux élections précédentes sur les nouvelles cartes pour que les députés ou les candidats puissent exercer leurs responsabilités et leurs droits conformément à la loi, oui.
Le sénateur Meredith : Je sais que les commissions choisissent les directeurs du scrutin mais il arrive qu'elles favorisent un parti politique. Comment procède-t-on pour approuver l'embauche de ces personnes, pour veiller à ce que les commissions soient impartiales et transparentes dans leur rapport avec les candidats éventuels?
M. Mayrand : Les directeurs du scrutin sont nommés par mon bureau et non par la commission. Il en est ainsi depuis 2007. Ils sont nommés selon leur mérite et après un concours public. Le concours est ouvert au public; toute personne intéressée peut se présenter. Nous préparons un énoncé des critères de mérite pour ces postes. S'ils répondent aux conditions exigées, ils passent une entrevue. S'ils réussissent aux examens, ils sont nommés. Encore une fois, le choix est basé sur le mérite des candidats.
Ils doivent également respecter un code de déontologie en ce qui concerne leur neutralité et leur impartialité. Mon bureau peut intervenir s'il y a des problèmes ou des préoccupations au sujet de leur comportement.
Le sénateur Meredith : Que faites-vous si une de ces personnes n'en fait qu'à sa tête au cours d'une élection?
M. Mayrand : Nous avons une équipe d'intervention rapide. Cela arrive. Nous avons des gens qui sont basés pour la plupart à Ottawa — et un certain nombre dans les différentes régions du pays — qui sont en mesure d'intervenir rapidement. Il nous est arrivé de suspendre un directeur du scrutin qui n'agissait pas comme il le devait au cours des élections. Nous avons dû prendre des mesures. Ces cas sont très rares mais nous le faisons.
[Français]
Le sénateur Chaput : Les commissions sont formées, ensuite, elles tiennent des audiences publiques auxquelles les gens sont invités à participer et ce, dans chaque province et territoire. Est-ce que chaque commission, dans un premier temps, prépare une ébauche de ce que pourrait être le redécoupage?
M. Mayrand : Oui, et cette proposition est publiée dans les journaux. Elle est publiée dans un journal local.
Le sénateur Chaput : Et les groupes sont invités à réagir à la proposition de la commission?
M. Mayrand : Oui.
[Traduction]
Le président : Monsieur Mayrand, vos commentaires nous sont fort utiles et nous apprécions le fait que vous ayez pris le temps de venir ici, malgré un avis de comparution relativement court.
M. Mayrand : Merci, monsieur le président.
Le président : Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui des représentants de Statistique Canada, qui constituent notre troisième panel. Nous accueillons M. Wayne Smith, statisticien en chef du Canada, Mme Johanne Denis, directrice de la division de la démographie et M. David Dolson, directeur, division des méthodes d'enquêtes sociales. Bienvenue à tous.
Monsieur Smith, je crois savoir que vous voulez présenter une déclaration préliminaire. Vous avez la parole.
Wayne Smith, statisticien en chef du Canada, Statistique Canada : Je vous remercie de me permettre de m'adresser au comité au sujet de son étude du projet de loi C-20. Le rôle de Statistique Canada dans la révision des limites des circonscriptions électorales consiste à fournir des données démographiques à l'appui, d'abord, de l'application de la formule de répartition des sièges aux provinces et aux territoires, et en deuxième lieu, de la délimitation des circonscriptions électorales dans les provinces et les territoires.
Pour ce qui est de la délimitation des circonscriptions électorales dans les provinces et les territoires, il n'y a qu'une seule source de données démographiques qui fournit les données démographiques nécessaires et cette source est le recensement de la population qui est mené tous les cinq ans.
Quant à la répartition des sièges entre les provinces et les territoires, il existe deux sources possibles de données sur la population qui pourraient être utilisées. La première source, celle qui a été utilisée dans le passé, consiste dans les chiffres de population non corrigés du recensement décennal de la population de 2011 que Statistique Canada publiera le 8 février 2012.
La seconde source est constituée par le programme d'estimations démographiques de Statistique Canada. Ce programme produit des estimations annuelles et trimestrielles de la population des provinces et des territoires. Les estimations de ce programme reflètent tous les renseignements que Statistique Canada possède, afin de fournir la meilleure évaluation possible de ces populations.
Le projet de loi C-20 propose un changement par rapport à la pratique précédente, qui consiste à utiliser les estimations démographiques provinciales et territoriales du 1er juillet 2011 aux fins de calculer la répartition des sièges entre les provinces et les territoires. Ces estimations reflètent les résultats du recensement de 2006 qui ont été ajustés pour le sous-dénombrement net, augmentés par les chiffres représentant les naissances et l'immigration depuis la date du recensement, et réduits par les chiffres représentant les décès et l'émigration.
Étant donné que l'objectif du projet de loi C-20 est de lancer le processus de révision, l'enjeu statistique significatif faisant l'objet d'un examen par le comité est de déterminer laquelle des deux mesures possibles de la population des provinces et des territoires est la plus susceptible d'être plus proche de la valeur réelle : les estimations démographiques disponibles à l'heure actuelle, ou les chiffres de population non ajustés du recensement de la population de 2011 qui seront publiés le 8 février 2012.
Pour répondre à cette question, les deux estimations doivent être comparées aux estimations démographiques définitives pour 2011 que Statistique Canada produira en 2013, et qui reflèteront les estimations du sous- dénombrement net de la population des provinces et des territoires qui seront générées par des études en cours.
Permettez-moi de vous expliquer brièvement la notion de sous-dénombrement net du recensement. Les statisticiens attitrés de tous les pays savent qu'un recensement de la population, même s'il est bien mené, va manquer certaines personnes, tout en comptant d'autres personnes deux fois. Statistique Canada mène, après chaque recensement, une étude statistique de ces deux effets. Les estimations des recensements de 1996, 2001 et 2006 indiquent que le sous- dénombrement net représente généralement 2 à 3 p. 100 des chiffres de population dans le recensement canadien.
Nous ne pouvons pas savoir à l'heure actuelle quel sera le niveau de sous-dénombrement net pour le recensement de la population de 2011, étant donné que l'étude nécessaire n'est pas terminée. Nous ne pouvons pas savoir non plus avec certitude si les estimations de l'accroissement naturel et de la migration qui sous-tendent les estimations démographiques seront confirmées.
Par conséquent, la meilleure solution à la question de savoir laquelle des mesures sera plus proche de nos estimations définitives — les estimations démographiques disponibles à l'heure actuelle ou les chiffres de population non ajustés du recensement de 2011 — consiste à regarder ce qui s'est passé dans les recensements précédents. Ayant effectué ce travail, je peux informer le comité que les estimations démographiques provinciales et territoriales qui sont disponibles au moment de la diffusion des chiffres du recensement sont généralement beaucoup plus proches des estimations définitives que les chiffres du recensement non ajustés eux-mêmes.
Pour le démontrer, j'ai fait préparer un tableau avec les données du recensement de 2006 qui compare les chiffres non ajustés du recensement de la population de 2006 et les estimations démographiques publiées en septembre 2006, avec les chiffres ajustés définitifs du recensement de la population de 2006 publiés en septembre 2008. À l'échelle canadienne, les estimations publiées en septembre 2006 ont été plus élevées de 0,3 p. 100 que les chiffres de population définitifs, alors que les chiffres non ajustés étaient plus bas de 2,8 p. 100.
Tout comme pour l'ensemble du pays, à l'échelon provincial et territorial, les estimations démographiques étaient invariablement beaucoup plus proches des chiffres de population définitifs que les chiffres non ajustés.
En conclusion, même avec la publication le 8 février 2012 des chiffres non ajustés du recensement de la population de 2011, Statistique Canada considère que les estimations démographiques du 1er juillet actuellement disponibles représentent la meilleure évaluation de la population des provinces et des territoires qui est disponible en ce moment. Il convient donc de les utiliser aux fins du projet de loi C-20.
Le sénateur Fraser : J'ai une question préliminaire et ensuite, je poserai une vraie question. La question préliminaire est que je tiens par conséquent pour acquis que les estimations préliminaires sont plus précises que les chiffres que nous obtiendrons le 8 février, que c'est la raison pour laquelle des gens nous ont affirmé que le projet de loi devait obtenir la sanction royale avant le 8 février pour qu'il puisse être mis en œuvre en se fondant sur les estimations préliminaires plutôt que sur les chiffres que vous allez nous fournir le 8 février.
M. W. Smith : Je ne suis pas un spécialiste de ce domaine. On m'a dit que, si je fournissais les chiffres non ajustés concernant la population le 8 février sans que le projet de loi soit adopté, c'est l'ancienne loi qui serait en vigueur et non pas la loi révisée.
Le sénateur Fraser : J'aimerais aborder la question des prévisions. Je sais que les prévisions sont très dangereuses et que plus elles portent sur le long terme, plus elles sont dangereuses. Lorsque le ministre a comparu devant le comité, il nous a néanmoins fourni certaines prévisions concernant l'évolution future de la population de la Chambre des communes sur les 20 prochaines années. Possédez-vous des estimations de la population du Canada dans 10 ans et dans 20 ans, même si vous voulez émettre quelques réserves, en plus ou en moins, sur ces chiffres?
M. W. Smith : Il faut faire une différence entre deux choses : les prévisions et les projections. Statistique Canada ne fait jamais de prévisions parce que cela revient à dire ce qui va arriver. Nous faisons des projections et nous élaborons diverses versions des projections en nous fondant sur diverses hypothèses. Nous publions en général entre cinq et six scénarios différents. Nous faisons des prévisions au sujet des estimations de la population.
Johanne Denis, directrice, Division de la démographie, Statistique Canada : Elles vont jusqu'en 2031.
Le sénateur Fraser : Quelles sont-elles?
Mme Denis : Je ne peux pas vous dire de mémoire quel est le chiffre exact.
M. W. Smith : Nous pouvons les transmettre au comité sans aucune difficulté.
Le sénateur Fraser : Il faudrait nous les fournir rapidement, comme demain matin.
M. W. Smith : C'est tout à fait possible.
Le sénateur Fraser : Cela serait utile. C'est en fait ce que je voulais savoir.
Le sénateur Jaffer : Je suis très heureuse que vous publiez ces chiffres en février 2012 parce que les chiffres de 2006 sont, d'après moi, dépassés. Je vous félicite pour le travail que vous effectuez.
J'aimerais que vous m'instruisiez. Vous allez transmettre ces renseignements au directeur général des élections, est-ce bien exact?
M. W. Smith : Oui.
Le sénateur Jaffer : Vous allez lui fournir des renseignements sur la population de chacune des provinces. Que fournissez-vous d'autre?
M. W. Smith : Nous fournissons des données extrêmement détaillées concernant la population, jusqu'à celles d'une section de rue dans les zones urbaines qui permettent de tracer une ligne ou une limite sur une carte et de savoir quelle est la population qui vit dans ce secteur. Nous fournissons des renseignements extrêmement détaillés avec toutes les données géographiques pertinentes qui y sont associées. Nous pouvons fournir des réponses aux questions suivantes : De quelle municipalité fait partie telle section de rue située au centre-ville d'Ottawa? De quel comté fait-elle partie? De quelle circonscription électorale fédérale fait-elle partie actuellement selon l'ancien décret de représentation? Ce sont des renseignements extrêmement détaillés qui leur permettent de faire leur travail.
Le sénateur Jaffer : Fournissez-vous également des données sur la religion des résidents, sur les groupes dont ils font partie ou sur les communautés dont ils sont membres?
M. W. Smith : Nous pourrions le faire si on nous le demandait mais ce n'est pas exigé. La loi ne nous oblige pas à fournir ces données. Par exemple, la répartition de la population selon l'âge, la population en âge de voter par rapport à la population générale, sont des aspects qui pourraient être pertinents.
Le deuxième problème vient, bien sûr, du fait qu'en février, nous ne disposerons en pratique que de données brutes sur la population et nous n'aurons par les autres caractéristiques comme l'immigration ou l'origine ethnique avant 2013. Ces données ne viendront pas du recensement mais de l'Enquête auprès des ménages.
Mme Denis : Le statisticien en chef a raison. Nous fournissons les estimations de la population pour 2011 à un niveau détaillé. Nous fournissons également les caractéristiques de 2006. Ces caractéristiques ne seront pas disponibles au moment de la publication des résultats le 8 février. Nous prenons les caractéristiques du recensement de 2006 et nous les intégrerons à la géographie actuelle de 2011.
C'est le genre d'information que nous produisons. Nous possédons les caractéristiques de la population au niveau le plus précis que nous pouvons fournir, mais cela dépend des changements géographiques intervenus entre chaque recensement.
Le sénateur Jaffer : Nous avons entendu le directeur général des élections. Je ne voudrais pas mal le citer et il affirme ceci dans ses notes :
Nous avons prévu de constituer un groupe d'experts canadiens qui parlera des notions de communauté d'intérêts et de spécificité d'une circonscription avec les commissions et d'inviter également le commissaire aux langues officielles.
Je me demande, au sujet de l'information que vous fournissez, et aussi compte tenu du fait qu'il n'y a plus de formulaire de recensement détaillé, comment les trois membres de la commission savent ce qu'est une communauté d'intérêts et ce qu'est la spécificité d'une circonscription? Comment vont-ils procéder?
M. W. Smith : Il m'est difficile de vous répondre parce que je ne participe pas à ce processus.
Le sénateur Jaffer : Je le comprends mais serez-vous en mesure de fournir au commissaire des renseignements qui pourront l'aider dans sa tâche?
M. W. Smith : Au cours de 2012, l'année qui vient, il va falloir s'en remettre aux caractéristiques découlant du recensement de 2006. Je ne sais pas très bien à quelle date nous avions prévu de publier les données relatives aux langues officielles qui font maintenant partie du questionnaire de recensement abrégé.
Mme Denis : Décembre 2012.
M. W. Smith : À la toute fin de décembre 2012, nous serons en mesure de fournir, à partir du recensement de 2011, les données relatives aux langues officielles et sur la langue maternelle d'ici, excusez-moi, octobre 2012. Pour les autres caractéristiques, nous ne serons pas en mesure de fournir à temps des renseignements touchant un petit secteur et concernant d'autres caractéristiques de la population, à moins que la commission ne poursuive ses travaux jusqu'en 2013. Il nous faudra utiliser les données de 2006 pour le faire.
Le sénateur Jaffer : Est-ce que le formulaire abrégé vous donne suffisamment de renseignements pour leur fournir, en 2013, les données dont ils ont besoin pour appliquer les notions de communauté d'intérêts et de spécificité de la circonscription?
M. W. Smith : Cela dépend de la façon dont ils définissent ces notions et de ce qu'ils ont besoin pour faire ce travail. Le formulaire abrégé contient uniquement des données concernant la population selon l'âge et le sexe. Elles fournissent des renseignements sur les caractéristiques touchant les langues officielles. Il y a également des données sur la situation de famille. Elle permet d'identifier les familles et les ménages mais elle ne peut fournir des caractéristiques comme l'origine ethnique puisque ces questions n'ont pas été posées au cours du recensement tenu en 2011.
Le sénateur Meredith : Monsieur Smith, vous avez parlé de sous-représentation nette. Pouvez-vous m'expliquer cette notion? Est-ce quelque chose de nouveau ou qui existe déjà? Quelle en est la cause et quel effet cela a-t-il sur les résultats que produit Statistique Canada? Je vous ai posé plusieurs questions ici.
M. W. Smith : Dans n'importe quel recensement, quel que soit le pays, il y a toujours une partie de la population qui n'est pas recensée. Il y a des gens qui se trouvent à l'étranger pendant la période de recensement, par exemple. Un autre exemple classique est celui des parents qui ne mentionnent pas leur fils de 20 ans sur leur formulaire de recensement parce qu'ils pensent qu'il va le faire lui-même, et lui pense qu'ils vont le faire; finalement personne ne le fait, et le fils n'est pas recensé. Bien évidemment, les sans-abri sont un problème pour nous parce que le recensement est presque exclusivement basé sur les logements.
Il y a par exemple, dans la population des immigrants, des personnes qui vivent dans des situations inhabituelles, comme les gens qui vivent dans des logements illégaux. Lorsque nous nous rendons sur place, les membres de la famille qui occupent un logement ne nous disent pas toujours qu'il y a une autre famille qui vit au sous-sol parce qu'ils craignent les conséquences que pourrait avoir le fait de déclarer un logement illégal. Il arrive que des immigrants récents partagent un logement avec un autre ménage; il est possible que nous recensions un ménage mais pas l'autre, soit par erreur, soit à cause du fait que leur bail ne permet pas que deux familles vivent dans le même logement.
Dans n'importe quel recensement, il y a toujours une partie de la population qui manque. Il y a ensuite le problème contraire, qui est beaucoup moins courant, mais il y a quand même le cas du fils qui vit à l'université et qui remplit un formulaire, tout comme ses parents, et que nous ne le découvrons pas. Il nous arrive donc de dénombrer deux fois les mêmes personnes.
Le sous-dénombrement est, d'une façon générale, beaucoup plus important que le sur-dénombrement, qui représente les doubles comptages. Le résultat est que, dans un recensement, certaines personnes ne sont pas dénombrées et il y a un sous-dénombrement net.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, au cours des derniers recensements, ce sous-dénombrement net représentait normalement entre 2 et 3 p. 100 de la population. Finalement, dans nos projections démographiques, nous connaissons ce problème et nous l'avons mesuré; nous procédons à un ajustement des chiffres de la population des provinces et des territoires pour tenir compte de ce sous-dénombrement, lorsque nous les calculons. Il nous faut attendre que le recensement soit terminé avant de pouvoir effectuer cette opération. C'est une opération assez longue qui consiste à vérifier si certaines personnes ont bien été recensées.
Le sénateur Meredith : La dernière question que je veux vous poser concerne le projet de loi et le redécoupage. Des fonds supplémentaires seront-ils fournis à Statistique Canada pour lui permettre d'embaucher du personnel? Est-ce que l'adoption de ce projet de loi va avoir un effet sur votre dotation en personnel?
M. W. Smith : Nous devons fournir les données relatives à la population et cela fait partie du programme du recensement. Ces aspects sont pris en compte dans le coût du programme. Aucuns fonds supplémentaires ne nous seront fournis pour cette fin et nous possédons toutes les ressources dont nous avons besoin pour effectuer ce travail.
Le sénateur Dawson : Je vais poursuivre sur la recommandation du sénateur Fraser au sujet des projections et je ne veux pas vous placer dans une situation difficile mais j'aimerais obtenir ces renseignements. Pourriez-vous nous dire quelles sont les projections de Statistique Canada pour ce qui est de la population actuelle du Canada et de ce qu'elle sera dans 30 ans?
M. W. Smith : Bien évidemment, nous pouvons vous fournir les estimations que nous avons déjà effectuées. Nous le faisons après chaque recensement.
Le sénateur Dawson : Est-il possible de vérifier leur exactitude en comparant le passé à l'avenir? Si vous nous dites qu'en 1960, vous aviez prévu que nous serions près de 20 millions et que nous sommes...
M. W. Smith : Je ne sais pas exactement à quel moment ce programme a débuté.
Le sénateur Dawson : Tout ce que vous pouvez nous fournir concernant le passé.
M. W. Smith : Nous sommes certainement en mesure de vous fournir les diverses versions de nos estimations démographiques. Par exemple, vous pourrez voir, en vous basant sur le recensement précédent, quelles étaient nos estimations pour 2011 et voir si elles correspondent à nos projections pour 2011; voir également si elles correspondent à nos estimations actuelles. Nous pouvons certainement vous fournir cette information.
Mme Denis : Si j'ai bien compris, nous parlons de projections. Les estimations et les projections sont deux choses différentes.
[Français]
Le sénateur Dawson : Quelles projections avez-vous faites, en 1970, de ce qu'allait être la population du Canada en 2011?
Mme Denis : Typiquement, ce que je peux vous dire, comme M. Smith le disait, c'est que les projections sont basées sur des hypothèses et scénarios. Ce ne sont pas des prévisions.
Le sénateur Dawson : Mais ce sont les mêmes projections que vous allez nous donner pour l'avenir.
Mme Denis : Oui.
Le sénateur Dawson : C'est celles-là qu'on veut comparer.
Mme Denis : On n'évalue pas des projections qui ne sont pas des prévisions; il faut faire attention et mettre des bémols. Typiquement, ce qu'on avait vu dans le passé, dans la dernière évaluation qu'on a faite, c'est que, dans toutes les hypothèses et scénarios, on tendait à sous-estimer un peu la population réelle. On espère chaque fois qu'on va bien projeter, mais c'est relatif. Donc je peux déjà vous dire que, pour ce qu'on a fait comme projection dans le passé, on était toujours un petit peu en dessous de ce que la population réelle était. Mais je peux vous envoyer des documents d'évaluations qu'on a faites.
Le sénateur Dawson : S'il vous plaît.
M. W. Smith : On peut donner aussi les différentes générations de projections.
Le sénateur Chaput : Dans le recensement 2011 — je vais l'appeler ainsi —, le tableau ici démontre que nous pouvons déjà avoir une idée des estimations provisoires publiées le 28 septembre 2011. Est-ce que ces chiffres ont été obtenus uniquement par l'entremise du nouveau formulaire de recensement, le formulaire court?
M. W. Smith : Ces chiffres sont basés sur le recensement de 2006. Ce sont des estimations; les données de recensement de 2011 ne sont pas encore disponibles.
Le sénateur Chaput : Les informations de 2011 seront basées sur les réponses fournies au formulaire court, le nouveau formulaire de recensement. N'est-ce pas?
M. W. Smith : Oui.
Le sénateur Chaput : Combien de ces formulaires ont été envoyés à la population canadienne et quel a été le taux de participation? Êtes-vous en mesure de répondre aujourd'hui?
M. W. Smith : Oui. Nous avons publié les taux de participation. Pour le recensement de 2011, 80 p. 100 des ménages ont reçu par Internet une invitation à remplir le formulaire en ligne. Les autres ménages ont reçu le questionnaire par la poste. Quelques personnes ont demandé de recevoir un questionnaire papier parce qu'ils préféraient y répondre sous cette forme.
On a envoyé le formulaire à 14 millions de ménages. Et parmi les ménages dont l'adresse a été certifiée comme correspondant réellement à des logements occupés, nous avons obtenu un taux de réponse de 98,1 p. 100, ce qui est meilleur que le recensement de 2006.
Le sénateur Chaput : On parle du nouveau questionnaire, le court?
M. W. Smith : Oui, on parle du questionnaire court, le nouveau.
Le sénateur Chaput : Le taux de participation s'élève à 98 p. 100 pour un total de 14 millions de ménages?
David Dolson, directeur, Division des méthodes d'enquêtes sociales, Statistique Canada : Oui.
Le sénateur Chaput : Comment ce taux de participation peut-il se comparer avec celui du dernier recensement?
M. Dolson : C'est une amélioration.
Le sénateur Chaput : Et quel était le pourcentage de participation du dernier recensement environ?
M. Dolson : Moins de 1 p. 100. Il s'agit d'une amélioration d'environ 0,5 p. 100.
Le sénateur Chaput : Une amélioration d'environ 0,5 p. 100.
[Traduction]
Le président : Comme vous l'avez fait remarquer, avec le projet de loi, on utiliserait les estimations de la population pour calculer l'attribution des sièges au niveau provincial, et non pas les chiffres provenant directement du recensement. Je pense, d'après votre commentaire, que vous êtes favorable à l'utilisation de ces estimations. Cela vous paraît logique et vous semblez préférer les estimations parce qu'elles sont plus exactes.
Une fois que le nombre des sièges attribués à chaque province a été déterminé, il s'agit ensuite de définir les limites des circonscriptions dans chaque province qui correspondent au nombre de sièges attribués à celle-ci. Cela est prévu par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Quels sont les chiffres utilisés pour fixer ces limites — les chiffres exacts tirés du recensement ou les estimations?
M. W. Smith : Ce seraient les chiffres du recensement parce qu'il n'y a pas d'estimations aussi précises sur le plan géographique.
Le président : Très bien. Voici donc la réponse; le système utilise les deux sources de données.
Le sénateur Angus : Vous avez expliqué clairement, d'après moi, que le recensement n'est pas une science exacte. Il y a toutefois des principes bien établi qui s'appliquent à cette science.
Vous avez mentionné qu'en général, il y a un bon nombre de personnes qui ne sont pas recensées. Lorsqu'on procède à la collecte de données, il y a toujours une catégorie qu'on appelle « variable » ou « divers » ou « impondérable ». Vous arrive-t-il d'ajouter un chiffre ou est-ce que cela ne se fait pas?
M. W. Smith : Premièrement, nous publions des dénombrements non ajustés, qui sont les chiffres que nous recevons, en sachant qu'il y a toujours un certain sous-dénombrement.
En 2013, nous dirons aux Canadiens, pour chaque province, quelle est notre estimation du sous-dénombrement net et nous fournirons une estimation de la population totale véritable. Nous le ferons en 2013.
Le sénateur Angus : Est-ce la première fois que vous le faites?
M. W. Smith : C'est le temps habituel dont nous avons besoin après un recensement pour effectuer ce travail et être en mesure de le publier. Nous le faisons aussi rapidement que nous le pouvons mais ce n'est pas une opération qui se fait rapidement.
Le sénateur Angus : Vous dites à peu près qu'en 2011 nous avons prévu 34 millions; nous avons maintenant calculé ces estimations en ajoutant 10 p. 100 et cela représente sans doute plutôt 35,5 millions, quelque chose du genre, est-ce bien exact?
M. W. Smith : Nous le ferons au palier national. Le sous-dénombrement net varie d'une province à l'autre. À chaque recensement, nous fournissons cette information pour toutes les provinces.
Le sénateur Jaffer : J'aimerais obtenir une précision. Chaque fois que l'on parle de données, il s'agit toujours des données de 2006. Je vois toutefois qu'aujourd'hui vous avez des données « ajustées selon le recensement de 2006 publiées en septembre 2008 ». Ne serait-il pas préférable de dire que ce sont des données de 2008? Pourquoi revenons-nous toujours à 2006? Il doit y avoir une bonne raison pour le faire; mais je ne la connais pas.
M. W. Smith : L'année pour laquelle vous estimez la population est 2006. Nous publions ce chiffre en 2008, mais l'année au sujet de laquelle nous fournissons une estimation de la population est bien 2006.
Le sénateur Jaffer : Si je vous ai bien compris, les données ont été obtenues en 2006, et ce sont donc sur ces données que vous vous basez. Le gros du travail a été effectué en 2006, tout comme il a été fait l'année dernière pour 2011; est-ce bien cela?
M. W. Smith : En fait, lorsque nous fournissons une estimation, elle concerne toujours un moment précis. Le moment précis pour lequel vous essayez de produire une estimation est 2006.
En 2008, nous avons obtenu tous les renseignements dont nous avions besoin pour savoir quelle était la population en 2006. Nous fournissons une estimation finale de la population mais cette estimation concerne toujours la population de 2006, non pas celle de 2008, même si nous la publions en 2008.
Le sénateur Jaffer : Au cours des cinq prochaines années, lorsque nous parlerons de données, nous parlerons alors des données de 2011, est-ce bien cela?
M. W. Smith : Après février, nous allons commencer à parler du recensement et des données relatives à la population de 2011, oui.
[Français]
Le sénateur Chaput : Vous avez dit que 14 millions de questionnaires ont été envoyés en 2011, dont 80 p. 100 par Internet et 20 p. 100 par la poste. Combien de questionnaires ont été envoyés en 2005? À l'époque, il y avait deux questionnaires, n'est-ce pas? Est-ce qu'il y avait le long et le court ou seulement le long?
M. W. Smith : Il y avait un long et un court. Le questionnaire court a été envoyé à 80 p. 100 de la population et le questionnaire long a été envoyé à 20 p. 100 de la population.
Le sénateur Chaput : Donc, quel aurait été le nombre de questionnaires envoyés environ?
M. W. Smith : Je ne me souviens pas du nombre de ménages en 2006, mais c'était moins.
M. Dolson : Environ 13,5 millions.
Le sénateur Chaput : Vous dites qu'en 2011 une proportion de 98,1 p. 100 des gens ont répondu au questionnaire, mais quel a été le taux de participation en 2005?
M. Dolson : Environ 97,6 p. 100.
Le sénateur Chaput : Il y a une petite différence.
[Traduction]
Le président : Monsieur Smith, voilà qui conclut nos questions. Vous nous avez fourni des réponses brèves et pertinentes. Cela nous a été utile.
Nous allons maintenant accueillir notre quatrième et dernier panel.
Sénateurs, je vais vous présenter les quatre membres du panel, dont l'un va comparaître par vidéoconférence. Nous allons entendre M. Andrew Sancton, professeur de sciences politiques et directeur du Programme d'administration municipale de l'Université de Western Ontario. Il enseigne les politiques urbaines et l'administration locale publique; ses domaines de recherche spécialisés comprennent les fusions de municipalités, les relations entre l'administration centrale et locale, les administrations municipales, l'élaboration de politiques et le redécoupage électoral. C'est un ancien commissaire de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de l'Ontario.
Nous allons entendre par vidéoconférence le professeur David Smith, collaborateur émérite auprès du Saskatchewan Institute of Public Policy de l'Université de Regina et professeur émérite de l'Université de la Saskatchewan. Dans son ouvrage, qui a mérité un prix, intitulé The People's House of Commons : Theories of Democracy in Contention, il examine les grandes questions de la gouvernance parlementaire auxquelles fait face le Canada. M. Smith est un ancien commissaire de la Commission fédérale de délimitation des circonscriptions électorales pour la Saskatchewan.
Nous allons également entendre le professeur Michael Pal, chercheur universitaire du Mowat Centre for Policy Innovation de l'Université de Toronto. Il possède des diplômes en sciences politiques de l'Université Queen's et de l'Université de Toronto, ce dernier diplôme étant une maîtrise, ainsi que des diplômes de droit de l'Université de Toronto et de la NYU Law School. Il a été admis au barreau de l'Ontario et est à l'heure actuelle un candidat au doctorat à la faculté de droit de l'Université de Toronto et chargé de cours dans le programme de rédaction et de recherche juridiques. Ses principaux domaines d'intérêt sont le droit électoral comparatif et le droit constitutionnel.
Enfin, mais ce n'est pas le témoin le moins important, nous allons entendre M. John Courtney, professeur émérite à la faculté d'études politiques de l'Université de la Saskatchewan. Le professeur Courtney a obtenu la prestigieuse bourse Killam en 1998 pour son ouvrage intitulé Redefining Representation. Son dernier ouvrage, Commissioned Ridings : Designing Canada's Electoral Districts, a été qualifié par les critiques spécialisés d'ouvrage définitif sur la façon de délimiter les circonscriptions électorales au Canada. Le professeur Courtney est également un ancien commissaire de la Commission fédérale de délimitation des circonscriptions électorales pour la Saskatchewan.
M. Smith pourrait peut-être nous présenter sa déclaration préliminaire et nous entendrons ensuite les autres témoins.
David E. Smith, collaborateur émérite, Université de Regina, à titre personnel : J'aimerais parler de deux aspects de ce projet de loi; les modifications apportées à la formule de révision et les changements dans la procédure de découpage des circonscriptions. Il y a aussi une dimension du processus de redécoupage dont le projet de loi C-20 ne traite pas mais qui me paraît être au cœur du problème complexe et même controversé, auquel le Parlement est obligé de faire face tous les dix ans, à savoir la répartition inéquitable de la population sur le vaste territoire canadien.
C'est cette mauvaise répartition, si je peux utiliser un terme négatif, que l'on constate dans toutes les provinces sauf en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, qui pose un dilemme à toutes les commissions de révision.
Premièrement, la nouvelle formule. Comme cela été au moins le cas avec une des formules antérieures, l'application de celle-ci, à des fins de révision des circonscriptions, entraîne la constitution de trois catégories de provinces : celles dont la population s'accroît suffisamment rapidement pour obtenir des sièges supplémentaires pour que leur part de sièges correspondent mieux à leur part de la population totale des provinces; celles dont la population n'a pas suffisamment changé pour leur donner droit à des sièges supplémentaires et celles, par exemple le Québec, dont le pourcentage des sièges doit être ramené à un niveau qui correspond au pourcentage de la population nationale.
Je ne suis pas en mesure de contester le fondement statistique de la proposition mais en fait, je n'ai pas envie de le critiquer. À mon avis, cette formule qui comprend trois parties s'appuie à la fois sur les précédents et sur des raisons pratiques. À moins d'adopter une formule tout à fait différente, comme une formule qui serait uniquement fondée sur la population, autrement dit, en laissant de côté les aspects géographiques et historiques, je ne vois pas d'autre solution.
Une formule fondée sur la population, à l'exclusion de tous les autres facteurs, causerait aux provinces dont la croissance est lente ou faible un préjudice qui serait, d'après moi, inacceptable. Je sais qu'on a parlé ces dernières semaines de plafonner le nombre de sièges à la Chambre des communes, de calculer un quotient national et de diviser ensuite la population de chaque province par ce chiffre pour déterminer le nombre des députés à attribuer à chaque province. Certaines provinces, comme la mienne, subiraient une réduction du nombre de leurs sièges à la Chambre des communes, tandis que les provinces dont la population augmente verraient leur nombre de sièges augmenter.
Je n'ai aucune difficulté à accepter le principe que les provinces qui connaissent une croissance démographique devraient bénéficier d'une augmentation proportionnelle pour ce qui est de leur représentation à la Chambre des communes. Par contre, tant que le nombre des sénateurs est attribué de façon à compléter la représentation au Parlement des unités constitutives de la fédération, je m'opposerai vivement à ce que la Saskatchewan, le Manitoba et les autres petites provinces soient privées de représentation à la Chambre basse du Parlement.
Comme tout le monde le sait, et comme mon collègue M. Courtney l'a écrit, les membres du cabinet sont choisis parmi les députés de chaque province. S'il y a peu de députés, le choix est limité; c'est un fait politique qui entraîne des conséquences considérables pour une petite province.
Je crois que ni la Chambre des représentants des États-Unis, ni la Chambre des représentants australienne, dont la composition demeure relativement stable, constituent des arguments en sens contraire pour le motif que les Chambres hautes et leurs congrès ou parlements offrent le genre de représentation complémentaire que les deux Chambres du Parlement canadien n'offrent pas.
Il est non seulement acceptable mais également raisonnable que des sièges supplémentaires soient attribués au Québec avec la formule prévue par le projet de loi C-20. Je dirais cela même si la résolution de 2006 qui reconnaissait le fait que les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni n'avait pas été adoptée. Il me paraît clair que le Canada est une double fédération qui comprend un territoire et des cultures et que la représentation à la Chambre des communes doit nécessairement refléter cette réalité double et complexe.
Le projet de loi C-12, présenté il y a deux ans, ne contenait pas de disposition comparable dans les articles traitant de la révision de l'attribution des sièges et était, à mon avis, pour cette raison gravement insuffisant.
Quant aux modifications que l'on se propose d'apporter à la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, je pense qu'elles sont tout à fait raisonnables et qu'il y a lieu de les appuyer. Elles propulsent cette loi dans l'ère moderne, caractérisée par des communications très rapides entre les commissions provinciales individuelles siégeant à Ottawa et entre les commissions provinciales individuelles et le peuple canadien qu'elles doivent servir et dont le travail joue un rôle central dans la préservation de la qualité de la démocratie canadienne. La réduction des délais qui leur sont accordés par les modifications proposées faciliteront le rapprochement des commissions provinciales individuelles avec le public.
Je parle à titre de membre de la dernière commission de la Saskatchewan et j'ai pensé qu'il y avait une divergence entre ce que faisait la commission et ce que le public comprenait du rôle de la commission. L'accélération du processus consistant à collecter les données et à communiquer ensuite le résultat de ce travail est une des améliorations qui aura pour effet d'améliorer le processus; ce n'est qu'un commencement mais il est important.
Au début de mes remarques, j'ai parlé de la mauvaise répartition de la population sur le territoire de notre pays. Une autre façon de le dire est de dire qu'il y a trop peu de citoyens et beaucoup trop d'espace dans la plupart des régions du Canada. C'est une réalité que j'avais connue abstraitement bien avant de devenir membre de la commission de la Saskatchewan. Ce n'est que lorsque j'ai occupé le poste de commissaire que j'en ai saisi toute l'importance.
Il y a de vastes territoires dans la Saskatchewan, non pas dans le nord, où la population est en train de croître mais au sud, le long de la frontière des États-Unis ou le long des frontières de la province à l'est et à l'ouest qui sont peu peuplées mais où vit néanmoins une partie de la population. Le député doit parcourir des centaines de kilomètres pour rejoindre ses électeurs. Ces distances seraient encore beaucoup plus grandes si le nombre des députés de la province était réduit.
Dans son traité, le professeur Courtney a parlé d'un problème crucial qui n'est jamais abordé au cours des débats épisodiques au sujet de la représentation au Parlement mais j'estime qu'il existe une différence qualitative entre le fait de représenter une circonscription à population moyenne et celui de représenter une circonscription à faible population et qu'il convient d'en tenir compte. On pourrait même parler également de différences quantitatives, étant donné que les ressources nécessaires pour faire le travail requis dans un genre de circonscription diffèrent des autres. Les déplacements, les coûts et le temps sont des exemples qui viennent immédiatement à l'esprit.
Si ces circonscriptions à faible population, qui ne sont pas toutes identiques — et sur ce point, les circonscriptions du sud de la Saskatchewan sont très différentes de celles du Nord de l'Ontario ou du Nord du Québec — pouvaient être traitées en tenant compte des difficultés uniques qu'elles posent sur le plan de la représentation, je crois qu'il serait alors plus facile de définir les circonscriptions urbaines.
Encore une fois, si je prends la Saskatchewan pour exemple, cette province ne contient aucun siège dans des zones urbaines mais plusieurs circonscriptions de population mixte, urbaine et rurale. On a dit à la commission, lorsque nous avons tenu des audiences publiques, que la notion d'intérêt urbain n'existait pas en Saskatchewan. C'est la raison pour laquelle les deux grandes villes où vivent près de la moitié de la population de la province sont sous-représentées alors que les députés des zones autres qu'urbaines continuent à se plaindre de l'étendue démesurée de leurs circonscriptions. Il faudrait que la loi tienne compte de la diversité démographique que l'on retrouve à l'intérieur de chaque province, ce qui permettrait ainsi aux commissions d'en tenir compte dans l'exécution de leur mission.
Michael Pal, chercheur universitaire, Mowat Centre for Policy Innovation, Université de Toronto, témoignage à titre personnel : Je remercie le comité. J'aimerais parler tout d'abord de ce qui me paraît être les mesures importantes que propose le projet de loi C-20 pour rapprocher le Canada d'une représentation proportionnelle à la population, et j'aimerais ensuite parler d'un certain nombre de sujets qui ne figurent pas dans le projet de loi même si j'estime qu'ils devraient y figurer, et qui nous rapprocheraient également d'une représentation selon la population. Il manque deux choses dans le projet de loi.
La première mesure importante que contient le projet de loi C-20 est de supprimer le plafond artificiel imposé au nombre des députés. La formule actuelle divise la population totale par 279, le chiffre de 279 étant le chiffre de base qui correspond à un siège à la Chambre. L'effet pratique de la formule basée sur le chiffre de 279 est qu'il ne permet pas d'ajouter suffisamment de sièges au cours de chaque révision pour respecter le principe d'une représentation proportionnelle à la population. La suppression de ce plafond artificiel est une mesure positive qui nous rapprochera de la représentation selon la population, grâce au projet de loi C-20.
La deuxième mesure positive est que le projet de loi C-20 ajoute des sièges aux provinces à croissance rapide qui sont à l'heure actuelle sous-représentées. Le projet de loi attribuerait six sièges supplémentaires à l'Alberta, six sièges supplémentaires à la Colombie-Britannique et à l'Ontario, 15 sièges supplémentaires. Les citoyens qui résident dans ces provinces ont vu leur poids électoral diminuer depuis plusieurs dizaines d'années. La raison en est que la croissance démographique au Canada est principalement concentrée dans les zones urbaines et suburbaines de ces trois provinces. L'électeur sous-représenté vit le plus souvent dans une circonscription suburbaine, par exemple, dans Brampton- Mississauga dans la ceinture du 905 qui entoure Toronto, dans la région de Calgary ou dans les banlieues de Vancouver.
Il y a lieu de noter ici un fait important, à savoir que nous constatons un changement démographique parmi les personnes qui sont sous-représentées. Au Canada, la croissance de la population ne résulte pas de l'immigration et les immigrants appartiennent pour la plupart à des minorités visibles qui s'établissent dans ces vastes circonscriptions suburbaines. Désormais, il n'y a pas que les zones urbaines qui sont sous-représentées; nous constatons également une sous-représentation des minorités visibles. Le fait d'ajouter des sièges à ces provinces aidera donc à résoudre le problème des minorités visibles. Je dirais que c'est là une mesure très positive.
Le troisième aspect positif est que le projet de loi traite l'Ontario sur le même pied que les autres provinces à croissance rapide. Dans certaines versions antérieures du projet de loi, je pense que la Colombie-Britannique et l'Alberta recevaient un nombre suffisant de sièges supplémentaires pour que leur représentation soit proportionnelle à la population mais ce n'était pas le cas de l'Ontario. Les trois provinces à croissance rapide n'étaient pas traitées de façon égale. Le projet de loi ne corrige pas complètement la situation de l'Ontario. Il lui accorde 15 sièges, alors que le chiffre idéal serait peut-être de 17 ou 18, selon les estimations de la population, mais il traite l'Ontario de façon équitable par rapport à l'Alberta et à la Colombie-Britannique. C'est une mesure positive.
Le quatrième aspect positif est le fait que le projet de loi reconnaît que le Québec occupe une place unique au sein de la fédération. Une conséquence non voulue de l'attribution de nouveaux sièges à l'Ontario, à l'Alberta et à la Colombie-Britannique est que la proportion de sièges attribués au Québec était inférieure à la proportion de la population canadienne qu'il représente. En ajoutant trois sièges supplémentaires, le projet de loi s'attaque à ce problème et c'est un compromis équitable, à mon avis, étant donné le statut spécial du Québec au sein de la fédération.
Ce sont là les aspects qui montrent que le projet de loi C-20 constitue une importante amélioration.
Il demeure toutefois un certain nombre de domaines dont le projet de loi devrait traiter.
Premièrement, il ne règle pas le problème de l'inégalité des électeurs au sein d'une province. Le projet de loi aide l'agriculteur de l'Ontario à se rapprocher de l'égalité avec un agriculteur de la Saskatchewan. Par contre, il n'aide pas les électeurs qui résident dans les zones urbaines et suburbaines, par exemple, de l'Ontario, par rapport à ceux des zones rurales ou des différentes régions de la même province. Les électeurs urbains ou suburbains vivent le plus souvent dans des circonscriptions plus peuplées que les électeurs ruraux. Comme le comité le sait, et cet aspect a déjà été abordé, une fois les sièges attribués à une province, ce sont les commissions de révision des limites des circonscriptions, des organismes indépendants et non partisans, qui effectuent le découpage des circonscriptions.
Plusieurs de mes témoins collègues qui sont ici ont été des commissaires et dans l'ensemble, les commissions de délimitation canadienne fonctionnent extrêmement bien. Elles ont fait disparaître le charcutage des circonscriptions et l'esprit partisan, ce qui est important.
La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales régit les commissions et leur accorde une grande latitude en matière de variations possibles entre les circonscriptions. La loi énonce qu'une circonscription peut s'écarter de 25 p. 100, en plus ou en moins, de la population moyenne de la province. Supposons que la population moyenne d'une circonscription dans une province donnée soit de 100 000 personnes; une circonscription peut donc regrouper entre 75 000 et 125 000 personnes. Cela constitue une variation très importante entre le nombre maximal et le nombre minimal. La loi autorise également aux commissions de s'écarter de plus de 25 000 personnes la moyenne provinciale dans des cas extraordinaires.
Il y a eu des exceptions et certaines commissions sont supérieures à d'autres mais dans l'ensemble, les commissions sont satisfaites de disposer de toutes ces possibilités, lorsqu'elles l'estiment nécessaires. Cela a entraîné une représentation inégale des électeurs urbains, suburbains et maintenant, des membres des minorités visibles.
J'estime que la façon de régler ce problème serait de modifier la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales pour permettre des écarts de 5 à 10 p. 100 seulement et non pas de 25 p. 100, en prévoyant un petit nombre d'exceptions pour les circonscriptions dont l'étendue du territoire constitue un obstacle insurmontable. L'exemple que je vous donnerais est le Labrador, qui a une petite population de, je crois, 30 000 personnes. Il est physiquement séparé du reste de Terre-Neuve par la mer. Il est logique que le Labrador constitue une circonscription. C'est une exception qui serait acceptable, à mon avis, mais je pense que la règle générale relative à l'écart de 25 p. 100 et celle qui concerne les circonstances extraordinaires ont été conçues pour tenir compte de cas exceptionnels comme celui du Labrador et pour autoriser les commissions à s'écarter sensiblement de la moyenne dans d'autres circonstances. Cela place le redécoupage fédéral dans une situation isolée tant au sein du Canada que sur le plan international. Au Canada, il existe une tendance récente; le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, le Manitoba et la Saskatchewan ont tous adopté ces dernières années une règle autorisant les écarts se situant entre 5 et 10 p. 100. Il y a donc une tendance dans ce domaine. Aux États-Unis, l'écart est dans la majorité des cas de 0 p. 100 pour les circonscriptions du congrès. Au Royaume-Uni, aspect qui intéresse peut- être le comité, un projet de loi a été présenté, et semble devoir être adopté, qui n'autoriserait qu'un écart de 5 p. 100 avec certaines exceptions dans le cas des îles situées au large de l'Écosse. Ce pays a décidé de réduire considérablement l'écart permis. J'estime donc que le projet de loi devrait être modifié pour que l'écart maximum permis se situe entre 5 à 10 p. 100.
Quant à la deuxième façon dont le projet de loi pourrait être amélioré, il y a le fait que l'augmentation future du nombre des députés à la Chambre des communes est encore limitée. Il est possible d'ajouter 30 députés, mais si vous prenez le prochain redécoupage, la formule ne permettra pas nécessairement d'ajouter suffisamment de députés pour qu'en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, la représentation soit proportionnelle à la population. Le projet de loi fixe le quotient électoral à 111 000 personnes, mais ce quotient augmentera la prochaine fois. C'est un peu technique. Il augmente conformément au taux moyen de croissance de la population de la province. Cela veut dire que ce quotient de 111 000 va augmenter. Plus ce chiffre est élevé, plus faible sera le nombre des sièges attribués aux provinces à croissance rapide.
Il serait préférable d'adopter une norme qui au lieu d'augmenter le quotient de 111 000 personnes en fonction du taux moyen de la croissance de la population des provinces, conserve ce chiffre de 111 000 au moins pour le prochain redécoupage.
Quant à l'effet pratique qu'aurait une telle modification, avec le projet de loi C-20 tel que rédigé, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, la taille moyenne d'une circonscription serait de plus de 122 000 personnes, alors que dans le reste du pays ce chiffre serait de 81 000. Par contre, si l'on conservait le quotient électoral de 111 000 pour le prochain redécoupage, la population moyenne d'une circonscription serait de 110 000 personnes. Cela les rapprocherait davantage de la population des circonscriptions des autres provinces.
Avec cette modification, il faudrait ajouter davantage de sièges mais si nous voulons vraiment que la représentation soit proportionnelle à la population, alors la formule actuelle du projet de loi qui est basée sur une population de 111 000 personnes est insuffisante, à moins que nous ne conservions pour quelque temps ce quotient.
Voilà les remarques que je voulais vous présenter et j'ai hâte de répondre aux questions du comité.
Andrew Sancton, professeur de sciences politiques, Université Western Ontario, à titre personnel : Merci de m'avoir invité à comparaître ce soir. Avant de commencer, j'aimerais faire référence à ce que vous avez déjà mentionné, monsieur le président, au sujet du fait que j'ai été membre de la commission des circonscriptions électorales de l'Ontario. À cet ancien titre, j'avoue au sénateur Runciman que je suis coupable d'être une des trois personnes qui ont procédé au découpage de la circonscription auquel il s'est si vivement opposé dans une question posée aux témoins précédents.
Je pense que je vais être en minorité ce soir parmi les quatre intervenants. J'estime toutefois que je fais partie de la majorité des citoyens du Canada.
Je vais certainement admettre que mes collègues vont dire que prendre des décisions de ce genre sur la base d'une simple majorité parmi tous les citoyens n'est peut-être pas la meilleure façon d'effectuer ce genre de choses dans une fédération comme le Canada.
J'estime que le Sénat en général et le comité en particulier ont un rôle extrêmement important à jouer à l'égard du projet de loi C-20. Après tout, ce projet de loi modifie la Constitution du Canada en ajoutant près de 30 députés à la Chambre des communes. Le gouvernement soutient que cet ajout est nécessaire pour que notre système de représentation soit plus équitable pour les provinces à croissance rapide, à savoir l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta. Je suis tout à fait en faveur de cet objectif. Je tiens à le souligner. Le gouvernement mérite d'être chaudement félicité pour avoir fait un pas dans cette direction. Cela est très important.
Je m'oppose toutefois aux moyens choisis pour atteindre cet objectif. À mon avis, nous n'avons pas besoin de 30 députés supplémentaires. Le ministre a mentionné plus tôt que cette formule va rapprocher toutes les provinces d'une représentation plus égale et cela est manifestement vrai. Cette représentation serait parfaite — en tenant compte du plancher applicable au Sénat — si nous avions 800 députés à la Chambre des communes. C'est la seule façon d'atteindre une représentation parfaite; en ajoutant constamment des députés. Il est évident que plus on ajoute de députés, plus on se rapproche d'une représentation proportionnelle à la population, à moins qu'on utilise une formule tout à fait perverse.
À mon avis, il faut que certaines provinces perdent de sièges. Il est beaucoup plus facile pour un député d'appuyer l'augmentation du nombre des sièges que de s'entendre sur une formule grâce à laquelle certains députés verraient disparaître leurs circonscriptions électorales. Le projet de loi C-20 propose une modification constitutionnelle dans laquelle les membres de la Chambre des communes ont des intérêts directs, personnels et politiques. S'il a jamais existé un motif pour que le Sénat utilise son pouvoir constitutionnel incontesté, au moins pour ce qui est de retarder l'adoption d'une mesure législative, c'est bien le cas ici. Le gouvernement veut nous faire croire qu'il n'est pas acceptable que les provinces perdent des sièges de député. D'après les calculs que j'ai effectués depuis la Confédération, il y a eu 22 cas distincts où des provinces ont perdu des députés à la suite du redécoupage des circonscriptions découlant d'un recensement décennal. Je ne vais pas répéter ce que d'autres ont dit. La pratique adoptée dans d'autres fédérations est exactement la pratique au sujet de laquelle le professeur Smith a déclaré qu'il ne faudrait pas faire un parallèle. Je ne vais pas le faire maintenant mais je suis convaincu qu'un tel parallèle est plus pertinent qu'il ne le pense.
La fameuse clause grand-père a été adoptée par le Parlement seul en 1985. Elle pourrait être tout aussi facilement supprimée par le Parlement seul en 2011. En fait, c'est exactement ce que je vous demande de faire. Si le Parlement déclare qu'il est une nouvelle fois possible que des provinces perdent des sièges à la Chambre des communes, alors il serait possible de traiter plus équitablement les provinces à croissance rapide, sans augmenter de façon importante le nombre des députés. Si la disposition que propose le gouvernement et qui énonce qu'aucune province qui est à l'heure actuelle surreprésentée ne pourra être sous-représentée, les petites provinces ou à croissance lente ne seront pas traitées de façon inéquitable. Certains pourraient penser qu'une telle disposition est avantageuse car elle pourrait s'appliquer à des provinces autres que le Québec. Le président a posé tout à l'heure une question sur la possibilité d'appliquer cette disposition à d'autres provinces. Elle pourrait certainement aussi lui être appliquée si nous n'augmentions pas constamment le nombre des députés à la Chambre des communes.
Depuis que je suis ce débat, je constate qu'on a beaucoup trop insisté sur le nombre de députés supplémentaires que les provinces devaient obtenir. Le principe essentiel est le caractère équitable de la formule et comment elle influe sur la représentation relative de chacune des provinces par rapport aux autres. À l'exception des députés sortant ou des candidats députés, le nombre absolu des sièges attribués à une province particulière n'a aucune importance. La question qui nous occupe est celle de la représentation relative des provinces par rapport à leur pourcentage respectif de la population totale.
Je dirais que, lorsque les ministres et d'autres affirment que personne n'y perd avec cette nouvelle formule, quelqu'un qui suit un cours de mathématiques de troisième ou de quatrième année devrait être en mesure de les contredire. La province qui n'obtient aucun siège supplémentaire est nécessairement perdante lorsqu'on ajoute 30 députés. Il s'agit ici de représentation relative. Il est tout à fait trompeur de ne pas tenir compte de la représentation relative.
Je suis sûr que toutes les personnes qui sont ici savent que le plancher sénatorial, qui peut être modifié par le Parlement seul, a pour effet de protéger les sièges des petites provinces de la région Atlantique du Canada mais pas ceux du Manitoba ni de la Saskatchewan. Avec l'approche que je préconise, ces provinces perdraient par rapport à leur population davantage de sièges que les provinces de l'Atlantique. Il existe peut-être un genre de mécanisme d'amortissement autre que la clause de sous-représentation que j'ai mentionnée plus tôt. Le problème est que chaque fois qu'on ajoute ce genre de mécanisme d'exception, les provinces à croissance rapide perdent du terrain en termes relatifs, alors que l'objet de l'entreprise est de les traiter plus équitablement.
La principale préoccupation que soulève cette mesure ne concerne pas le coût que représentent ces députés supplémentaires. Je suis toutefois convaincu que, si la prochaine commission des circonscriptions électorales de l'Ontario est chargée d'ajouter 15 sièges supplémentaires, elle va faire l'objet de toute une série de critiques de la part de la population, comme cela s'est produit au début des années 1980 quand j'étais membre de cette commission et que j'étais beaucoup plus jeune. Il ne s'agissait à l'époque que d'ajouter 10 sièges à la province. Nous avons visité toutes les régions de la province et tout le monde nous a dit que les limites des circonscriptions n'étaient pas ce qui les intéressait. Ils disaient : « Nous n'avons pas besoin de tous ces politiciens supplémentaires ».
Les gens ne comprennent pas ce qui passe à l'heure actuelle mais ils vont se réveiller lorsqu'ils vont prendre connaissance des nouveaux redécoupages et des limites qui traverseront des collectivités, limites qui n'existaient pas auparavant. C'est exactement ce qui s'est produit au début des années 1980. C'est à ce moment-là que le gouvernement Mulroney a supprimé notre commission et a présenté une nouvelle formule qui avait pour effet de réduire l'augmentation prévue. C'était la formule qui était inéquitable envers les provinces à croissance rapide.
Mon principal souci est le suivant : il n'y a pas beaucoup de personnes qui peuvent régler leurs problèmes personnels et professionnels en ajoutant simplement d'autres collègues et en se dotant de ressources supplémentaires et c'est pourtant exactement ce que la Chambre des communes se propose de faire. Vous pouvez bloquer cette mesure et décider qu'il y a lieu de tenir un débat national rationnel sur le nombre des députés à la Chambre des communes — le genre de débat dont le professeur Smith et le professeur Courtney parlaient, je crois — et nous pouvons également tenir un débat au sujet de la possibilité que des provinces perdent des sièges d'un découpage à l'autre. Nous n'avons jamais eu de débat au sujet de la taille de la Chambre des communes et des arguments favorables et défavorables à son évolution. On nous a simplement dit que, pour rendre la représentation plus équitable, il fallait davantage de députés, ce qui est tout simplement faux.
Le gouvernement prétend apparemment que nous n'avons pas le temps de tenir un tel débat parce que selon la loi actuelle, le processus de redécoupage en utilisant la formule actuelle qui est inéquitable doit commencer dans les mois qui viennent. Une loi d'une page pourrait suspendre le processus en attendant que toutes les possibilités aient été examinées. Il a été très courant au cours des décennies passées que l'on décrète ce genre de suspension. Pourquoi toute cette hâte? Pourquoi ne pas prendre le temps de décider si la seule façon de résoudre notre problème de représentation est bien d'ajouter 30 députés?
Si j'ai bien compris le statisticien en chef, il a déclaré que, lorsque les commissions des circonscriptions électorales vont débuter leurs travaux, elles ne disposeront même pas des bonnes données leur permettant d'examiner les notions de communauté d'intérêts et de spécificité. En tant que membre de la commission, je me souviens avoir utilisé des données relatives aux années précédentes. Comment allons-nous pouvoir effectuer cette opération si nous ne connaissons pas le nombre des membres des minorités visibles, des différents groupes ethniques ou des différentes religions qui habitent en différents endroits? C'est tout simplement une raison de plus d'attendre, ce que je vous invite vivement à faire une fois vos débats terminés.
John Courtney, professeur émérite d'études politiques, Université de la Saskatchewan, à titre personnel : Je tiens à remercier les honorables sénateurs de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Laissez-moi vous dire tout de suite que j'ai comparu pour la première fois devant ce même comité — qui ne comportait pas les mêmes membres, dois-je ajouter — en 1969, lorsque son président était le légendaire Arthur Roebuck. Il avait 91 ans à l'époque. Ce fut une séance très animée. Nous envisagions d'abaisser l'âge du vote de 21 à 18 ans. Ce fut ma première expérience avec les comités parlementaires.
Je ferai aujourd'hui trois observations, et nous pourrons en discuter par la suite lorsque je répondrai à vos questions. Tout d'abord, le découpage des circonscriptions électorales au Canada a une histoire mouvementée. Je ne dirais pas que la logique cartésienne y règne en maître. C'est la parfaite illustration de la maxime administrative selon laquelle la solution d'hier est fréquemment le problème d'aujourd'hui, car bien souvent les changements apportés à la formule de répartition des sièges au cours d'une décennie donnée se révèlent inadaptés lors de la décennie suivante. Le projet de loi C-20 remédie au problème posé par la composition constitutionnelle du Sénat en 1915 en regard de l'application de la clause de maintien des droits acquis dans la loi de 1985.
Le jeu combiné des changements ainsi apportés par le passé, venant s'ajouter aux grands changements démographiques enregistrés au cours des deux ou trois dernières décennies, nous ont placés dans la situation actuelle et face au problème auquel remédie le projet de loi C-20.
Le projet de loi C-20 a pour principal objectif d'amenuiser la différence de représentation croissante — soit la population regroupée en moyenne dans chaque circonscription — entre les quatre grandes provinces, dont trois progressent, au plan démographique, plus vite que la moyenne nationale, et les six plus petites. Il se propose d'apporter une première correction en ajoutant 30 sièges à la Chambre.
Le projet de loi C-20 s'acquitte de cet objectif en augmentant le pourcentage de sièges à la Chambre des communes des trois provinces dont la population augmente le plus vite. La progression, par rapport à ce que serait la répartition des sièges si l'on conservait la formule actuelle, est en moyenne de 0,69 p. 100, soit deux tiers de 1 p. 100 par province. Il s'agit d'une moyenne.
Pour les sept provinces dont la population augmente peu ou baisse, la diminution sera en moyenne de 0,29 p. 100, soit près d'un tiers de 1 p. 100. Vous pouvez donc voir que l'on réduit légèrement ce que j'appelle le déficit de représentation. C'est le premier élément, en l'occurrence le fait que le projet de loi C-20 s'efforce de régler un vrai problème, qui découle des réformes adoptées par le passé.
En second lieu, il n'y a pas de formule magique pour fixer le nombre de députés dans une assemblée législative. Par conséquent, je considère que les comparaisons avec les assemblées législatives ou les parlements d'autres pays n'ont au mieux qu'un intérêt limité dans la situation canadienne. L'histoire, la culture politique et les institutions de chaque pays sont différentes, et un corps législatif dont la taille peut paraître appropriée dans l'un d'entre eux pourra s'avérer inadaptée dans un autre.
Troisièmement — et je pense qu'il est indispensable de bien le comprendre lorsqu'on se penche sur les délibérations et les discussions menées au sujet de la représentation, qui durent depuis qu'existe la Confédération — lorsque les Canadiens parlent de représentation à la Chambre des communes, ils se réfèrent presque automatiquement à la représentation en fonction de la population, expression qui a joué un rôle clé lors de la signature de l'accord menant à la Confédération. Toutefois, ce que l'on oublie généralement, c'est que la représentation en fonction de la population n'est que l'un des deux grands principes de représentation incorporés dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'autre, bien entendu, est le fédéralisme qui, dans le cadre de notre système de représentation, est fondamental lorsqu'il s'agit de revoir la répartition des sièges tous les 10 ans.
Il est important de s'en souvenir parce que la répartition des sièges à la Chambre des communes ne se fait pas seulement en fonction de la population, mais aussi des provinces, et c'est là que se pose le problème. Lorsque nous évoquons la clause de maintien des droits acquis et la répartition des sièges au Sénat, nous savons que nous nous référons aux provinces et non pas à des groupements d'individus. Ce sont les tiraillements entre ces deux principes — le fédéralisme, d'une part, et la représentation en fonction de la population, d'autre part — qui donnent lieu le plus souvent à des désaccords au sujet de l'égalité entre les électeurs.
Je tiens à vous préciser que l'augmentation de la représentation au sein de la Chambre des communes, un plus grand nombre de sièges étant attribué aux provinces dont la population augmente le plus ainsi qu'au Québec, présente à mon avis trois avantages évidents.
Tout d'abord, l'augmentation du nombre de députés permettra de rapprocher les ratios correspondant à la représentation des électeurs dans les 10 provinces. J'en ai déjà parlé tout à l'heure.
En second lieu, là où la progression démographique est la plus forte — principalement à Toronto et dans sa communauté urbaine ainsi que dans la région métropolitaine de Vancouver — on a particulièrement besoin d'une représentation supplémentaire. C'est l'argument évoqué précédemment par M. Pal.
Troisièmement, l'augmentation du nombre de sièges dans des secteurs à forte augmentation démographique comme Brampton, Markham, Malton, et cetera, ou dans les grandes banlieues du même type en Alberta et en Colombie- Britannique, aura le grand avantage d'accroître la diversité sociale de la représentation parlementaire à la Chambre des communes et de faire en sorte qu'elle reflète davantage la composition démographique de notre pays. Je reviendrai sur ce point dans ma conclusion parce que je considère que c'est important dans le cadre de la réforme que je propose.
Il me faut dire aussi, au sujet de l'historique du découpage des circonscriptions, qu'en plus de manquer de clarté, il souffre aussi d'un manque d'uniformité. La répartition des sièges entre les provinces et les territoires n'est que l'une des dimensions du redécoupage électoral. L'autre, c'est le découpage lui-même de chaque circonscription. Je ne vais pas entrer dans les détails, que vous connaissez tous, bien entendu, mais le projet de loi C-20 vise à réduire, selon mes calculs, de sept mois environ les délais d'exécution des travaux des commissions. Je pense que c'est une très bonne idée. Je suppose qu'Élections Canada est en faveur d'un raccourcissement des délais et je suis persuadé qu'elle vous en parlera aujourd'hui.
D'après ce que j'ai pu voir dans d'autres pays, la procédure canadienne est souvent considérée comme idéale. J'ai eu l'occasion de conseiller des groupes de la Californie et de l'Arizona au sujet de la création de commissions indépendantes, et ils prenaient comme référence le modèle canadien de redécoupage indépendant des circonscriptions électorales. Vous avez suffisamment suivi de près la situation aux États-Unis pour savoir que des initiatives de ce genre ont au moins été prises dans ces deux États, ainsi que dans un certain nombre d'autres.
Troisièmement — et c'est là que j'en arrive à une restriction qui renforce l'argument présenté tout à l'heure par M. Pal — je considère qu'il faudrait envisager de réduire les écarts actuels, qui sont de plus ou moins 25 p. 100 en fonction de la clause des circonstances exceptionnelles qui s'y rapporte, à quelque chose de l'ordre de plus ou moins 15 p. 100. Autrement dit, on abandonnerait la règle des 25 p. 100 pour la remplacer par une variance plus faible.
Cela nous aiderait, à mon avis, à prendre en compte les néo-Canadiens, les immigrants qui, nous le savons bien aujourd'hui, se regroupent dans les banlieues autour des grandes villes de notre pays. Cela contribuerait à ménager une plus grande diversité sociale à la Chambre des communes. Après tout, si l'on envisage la marge la plus stricte possible, soit plus ou moins un pour cent, la prise en compte serait encore plus complète.
Il y a une infinité de solutions. M. Sancton a évoqué une Chambre parfaitement représentative, qui comprendrait quelque 800 députés. J'oserais dire qu'une Chambre de 34,5 millions de députés serait vraiment représentative, par opposition à une Chambre ne comptant qu'un seul individu. Entre 34,5 millions de personnes et une seule, il faut se décider pour ce qui est de la taille idéale. À mon avis, on peut porter très facilement le nombre de députés de 330 à 335, et j'associerai à cela une marge plus stricte en ce qui a trait à la répartition des sièges à l'intérieur même des provinces.
Je vais vous donner aussi mon avis personnel, que j'ai l'intention de prendre en compte dans les travaux que je fais à l'heure actuelle. En effet, dans certaines provinces — et je prends l'exemple de ma propre province de la Saskatchewan — nous protégeons deux circonscriptions du Nord dans notre assemblée provinciale. Nous avons mis de côté deux circonscriptions au nord du 54e parallèle qui sont garanties au niveau de la province. Il en va de même au Manitoba. Il y a des sièges garantis dans certaines provinces, c'est le cas du Québec.
À partir du moment où l'on reconnaît la possibilité de mettre de côté un certain nombre de sièges, disons 20 ou 25, dans les régions plus vastes, moins peuplées, plus difficiles d'accès, où les distances à parcourir sont plus grandes, et où la diversité sociale est éventuellement moindre, il me semble que l'on pourrait alors répartir facilement tous les autres sièges, soit 300 à 310 sièges, entre les différentes provinces en se ménageant cette marge de plus ou moins 15 p. 100.
Nous le faisons déjà à la Chambre des communes. Il y a quelque 20 ou 25 circonscriptions de la Chambre des communes dont les députés reçoivent des allocations supplémentaires. Ils bénéficient d'indemnités de déplacement supérieures et d'autres types d'aides pour leur circonscription. C'est une façon de reconnaître qu'il y a dans notre pays deux types de sièges; certains sont dans les zones urbaines et d'autres dans les régions urbaines plus isolées.
Cela nous permettrait de tenir compte, à mon avis, des grandes composantes du redécoupage électoral au Canada, qui résultent des tensions que nous avons réussies à surmonter depuis 145 ans, parfois plus par hasard que pour toute autre raison, entre la géographie, le fédéralisme et la démographie.
Le président : Je vous remercie de cet exposé, monsieur Courtney.
Tous ces exposés sont excellents et nous font réfléchir. On peut déduire de vos observations que vous avez une grande expérience de la question.
Le sénateur Fraser : Je m'en tiendrai à deux questions, qui sont en fait le pendant l'une de l'autre. Je prendrai donc les deux extrêmes, si vous me le permettez, soit en l'occurrence le professeur Sancton et M. Pal.
Tout d'abord, professeur Sancton, je pensais en vous écoutant au sénateur Lowell Murray qui, chaque fois que je prenais la parole au Sénat pour faire observer qu'en matière électorale, tout bien considéré, le Sénat devait s'en remettre à la Chambre des communes, se levait immédiatement pour protester que c'était bien là le dernier sujet à confier en exclusivité à la Chambre puisqu'elle y défendait particulièrement ses propres intérêts. Au fil des années, il est quand même parvenu à entamer mes convictions.
Si nous bloquons en somme le nombre de sièges à la Chambre alors que la population continue de croître et d'évoluer, ne pensez-vous pas qu'à un moment donné la situation va être intenable et que certaines circonscriptions vont être trop peuplées ou trop étendues pour que la représentation soit efficace?
M. Sancton : C'est une excellente question, sénateur Fraser.
Je dois reconnaître que j'ai pris bien du recul sur cette question parce que j'ai entendu tellement d'opinions contradictoires émanant des députés alors que j'occupai les fonctions de commissaire chargé de la délimitation des circonscriptions électorales. Au cours des années 1980, et à d'autres époques, j'ai entendu dire par les députés : « Je pourrais représenter davantage de gens; ce n'est pas un problème. » Même dans la circonscription de Kenora, dans le Nord de l'Ontario, j'ai entendu le député provincial en place me dire qu'il n'avait aucune difficulté à représenter un aussi grand territoire. Puis, évidemment, nous avons entendu dire dans d'autres régions qu'il était impossible de se déplacer.
J'aimerais pouvoir vous donner une réponse simple et intelligente à cette question, mais j'ai bien peur que ce soit impossible. J'ai tendance à donner la réponse suivante : nous avons 308 sièges à l'heure actuelle et nous apportons effectivement une aide aux députés dans leurs circonscriptions. Ainsi que l'a déclaré le professeur Courtney, ils peuvent obtenir davantage d'argent, et c'est le cas dans les régions moins peuplées. Il me semble que l'on se trouve très bien dans ces régions.
Le sénateur Fraser : Monsieur Pal, je suis bien étonnée par vos chiffres. Vous voudriez que l'on passe à 365 sièges dans 10 ans à peine et qu'on les augmente constamment par la suite. Quelle est selon vous la limite qu'il convient de ne pas dépasser si l'on ne veut pas s'encombrer de centaines et de centaines de politiciens que la population canadienne soit si fatiguée de payer, d'écouter et de regarder qu'elle finisse par se révolter, comme en Grande-Bretagne?
M. Pal : Je pense que le professeur Courtney a indiqué quelque part la limite à ne pas dépasser. Je ne suis pas sûr que l'on puisse fixer ici un chiffre limite à partir duquel la Chambre cesse de fonctionner.
Le système idéal devrait permettre de redistribuer uniquement les sièges en fonction de la population. Nous avons le Sénat pour représenter les régions. Les gouvernements provinciaux s'en chargent eux aussi. C'est le rôle de l'administration. Les juges de la Cour suprême sont nommés sur une base régionale. Les régions sont représentées au sein d'un certain nombre d'institutions dans le système démocratique canadien.
L'idéal serait donc d'effectuer strictement un redécoupage en fonction de la population. La difficulté vient de la clause sénatoriale, qui garantit des sièges à un certain nombre de provinces dont la population n'augmente pas aussi rapidement, et dont la modification exigerait l'accord unanime du Parlement et de l'ensemble des provinces. Cela n'est pas pour demain.
Une solution globale, entraînant une révision de la Constitution, serait en principe idéale. Cela n'est pas possible, toutefois, car cela poserait des problèmes constitutionnels et politiques. La solution qui consiste à rajouter des sièges à la Chambre des communes ne me paraît pas parfaite, mais c'est à mon avis un compromis raisonnable compte tenu des contraintes juridiques, constitutionnelles et politiques qui sont les nôtres.
Le sénateur Fraser : Avez-vous une idée des coûts qui nous attendent? Je parle en coûts constants, en dollars constants, et cetera
M. Pal : Je pense que le chiffre de 14,5 millions de dollars a été avancé devant le comité de la Chambre en ce qui concerne les députés supplémentaires.
Le sénateur Fraser : C'est seulement pour 23 nouveaux députés; s'il y en a 30, le chiffre dépasse les 19 millions de dollars, comme nous venons de le calculer. Je pense que l'on arriverait à 57 si je multiplie par deux.
M. Pal : Je ne nie pas que cela coûtera davantage d'argent. Faut-il pour autant, afin d'économiser cet argent, faire abstraction des choix de la population canadienne et la laisser se désintéresser des travaux de la Chambre? Je fais passer les choix et les intérêts des électeurs avant les considérations de coûts.
Le sénateur Fraser : Je préfère me taire et en rester là.
Le sénateur Jaffer : Je tiens à vous remercier tous les quatre. Vous nous avez certainement donné matière à réfléchir, et même si cela ne nous aide pas dans le cadre de ce projet de loi, ce sera utile à notre comité dans ses futurs travaux.
Monsieur Pal, vous avez su répondre à mes préoccupations, étant donné que la région qui m'a mandaté est sous- représentée. Je suis bien découragée en vous entendant parler d'un écart de 25 p. 100, sans compter les difficultés supplémentaires. Pour ce qui est des trois sièges supplémentaires accordés à la Colombie-Britannique, je n'envie pas la tâche des trois commissionnaires car j'ai l'impression qu'il leur faudra tout d'abord tenir compte de la situation géographique étant donné l'étendue du territoire de la Colombie-Britannique. En plus de la géographie, il y a la marge de 25 p. 100 et les difficultés supplémentaires. Là encore, je ne pense pas que les minorités visibles dont vous parliez seront bien représentées dans le cadre de ce projet de loi. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Pal : Il appartiendra à la commission, dans le cadre de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, de définir les limites précises à l'intérieur de la province. Je m'attends à ce que ces sièges supplémentaires soient attribués aux régions les plus peuplées de la province. Il restera ces circonscriptions du Nord, surtout celles qui sont peu peuplées, mais en attribuant plus de sièges, on accordera à la commission une plus grande marge de manœuvre pour faire en sorte que certaines circonscriptions, surtout aux alentours de Vancouver, soient moins peuplées.
J'ai bon espoir en fait que cela aidera les électeurs des minorités visibles ainsi que les nouveaux immigrants et les banlieusards de Vancouver. Ces sièges supplémentaires représenteront en fait un gros progrès. Je ne peux pas vous donner de chiffre exact étant donné, comme vous l'avez dit, qu'il reste toujours cette marge de 25 p. 100. Idéalement, il faudrait la ramener de 25 p. 100 à 5 ou à 10 p. 100 ou, comme l'a proposé M. Courtney, à 15 p. 100 avec les sièges supplémentaires. Je suis optimiste, cependant, et je pense qu'il y aura là en fait un véritable progrès.
Le sénateur Jaffer : Monsieur Sancton, en tant que commissaire, vous avez évoqué la nécessité de tenir compte de la communauté d'intérêts et de la spécificité d'une circonscription. Vous avez déjà déclaré que ce sera difficile cette fois-ci étant donné que Statistique Canada ne pourra pas fournir les chiffres en temps utile et qu'il faudra se reporter à 2006. Parmi nous, les ressortissants de certaines régions savent que notre province a bien changé depuis 2006.
Si vous étiez le commissaire, comment régleriez-vous ces questions en l'absence de cette information?
M. Sancton : Tout d'abord, il est difficile de régler ces problèmes sans avoir l'information parce qu'on se demande quels sont les chiffres et comment cela se répercute sur les circonscriptions voisines. Je pense que c'est le genre de problème que pose la circonscription au sujet de laquelle s'inquiétait le sénateur Runciman.
Vous avez tout à fait raison; ce sont les secteurs à plus forte croissance dans lesquels on a le plus besoin de cette information et où celle-ci sera, j'imagine, dépassée. Les chiffres que l'on pouvait trouver sur les ordinateurs portables de Statistique Canada, nous permettant de savoir combien de personnes appartenant à certaines minorités habitaient dans quelques pâtés de maisons, m'ont paru absolument essentiels. Je ne sais pas comment la commission va bien pouvoir faire son travail sans disposer de ce genre d'information.
Le sénateur Frum : Je suis d'accord avec tous mes collègues pour dire que ces exposés sont excellents. Ils nous font réfléchir.
Monsieur Sancton, puis-je vous inviter à commenter le point de vue de M. Courtney? Il a déclaré, et nous l'avons entendu dire souvent, que notre système n'était pas purement représentatif de la population. Nous opérons au sein d'une fédération. Vous préconisez en fait une solution très puriste. Que pensez-vous des caractéristiques propres à une fédération qui ont leur rôle dans ce projet de loi. Le problème, pour les politiciens, ne découle pas seulement des difficultés qu'entraînent pour les députés de la Chambre des communes les modifications apportées à la fédération, mais aussi des tensions causées dans le pays à partir du moment où l'on enlève des sièges quelque part pour les mettre ailleurs. Notre pays est fragile et difficile à gérer. Qu'en pensez-vous?
M. Sancton : C'est bien évidemment une grave question. Comme je l'ai dit dans mon exposé, d'un point de vue purement mathématique, le projet de loi C-20 réorganise la représentation relative des différentes provinces sans changer la situation actuelle. La Saskatchewan y perd parce qu'elle conserve le même nombre de sièges alors que l'on en rajoute 30. C'est le premier élément à considérer.
En second lieu, tout au long de l'histoire du Canada, nous avons redistribué les sièges. D'ailleurs, jusqu'en 1985, c'est précisément ce que nous avons fait. Les provinces dont la population diminuait relativement au reste du pays perdaient des sièges tant qu'elles n'étaient pas protégées par la clause sénatoriale. Je ne pense pas que ma proposition soit particulièrement radicale. Tout d'abord, je me félicite d'être dans le camp de George Brown et des pères de la Confédération, qui ont établi la représentation à la Chambre des communes en fonction de la population. C'est la façon dont le système a fonctionné jusqu'en 1985, si l'on fait exception de la clause sénatoriale.
Nous avons d'autres institutions, le Sénat y compris, qui malgré leurs imperfections...
Le sénateur Angus : Leurs imperfections? Leur perfection!
M. Sancton : J'ai émis une réserve, malgré leurs imperfections...
Le sénateur Angus : Voilà qui est négatif.
M. Sancton : Excusez-moi. Je prie les honorables sénateurs de m'excuser. Nous avons d'autres institutions, mentionnées par M. Pal, qui reflètent le fédéralisme canadien, et je considère en fait que c'est à la Chambre des communes que l'on doit appliquer de la manière la plus stricte possible le principe de la représentation en fonction de la population.
Le sénateur Frum : Y a-t-il un autre témoin au sein de ce groupe qui veut intervenir à ce sujet? Non?
M. Courtney : Puis-je ajouter quelque chose? Vous avez demandé à M. Sancton de commenter mon intervention. J'aimerais dire un mot au sujet de sa position.
Il est bien clair dans mon esprit que c'est vrai, tout à fait vrai. La province de la Saskatchewan y perd relativement à partir du moment où l'on ajoute trois sièges, mais c'est tout aussi vrai du Manitoba. Si on limite le nombre de sièges à 308, cinq provinces vont y perdre, la plus grande d'entre elles étant d'ailleurs le Québec. Les autres seront la Nouvelle- Écosse, Terre-Neuve, le Manitoba et la Saskatchewan. Le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard sont sauvés par la clause sénatoriale.
Je vois les choses différemment. Je soutiens que dans un régime fédéral, il existe des mécanismes permettant de régler les questions de fédéralisme entre les États, selon l'appellation utilisée en science politique. Au Canada, c'est essentiellement le cabinet qui sert de mécanisme entre les États. C'est de cette manière que nous nous sommes donné une institution permettant de représenter les différentes régions du pays. Aux États-Unis, ce mécanisme est celui du Sénat. C'est la même chose pour l'Australie. Chez nous, c'est le cabinet qui joue ce rôle. Comment ce cabinet est-il composé? En règle générale, l'histoire du Canada nous l'enseigne, le premier ministre s'efforce de nommer au minimum un représentant de chaque province au sein du cabinet. Parfois, ce n'est pas possible en raison de la situation politique et des conséquences que cela implique. Il n'en reste pas moins qu'en fin de compte, c'est là l'objectif.
Si l'on entreprend de réduire le nombre de sièges dans une province comme le Manitoba ou la Saskatchewan, par exemple, on limite le réservoir de personnel politique susceptible de prendre part au gouvernement. Si l'on passe de 14 à 12 puis éventuellement à 10 ou même à huit sièges dans trois ou quatre décennies, on réduit ce réservoir. Je considère que cela entraîne de graves conséquences.
J'en reviens à l'argument qui est le mien, qu'avaient compris dès le départ Macdonald et Cartier. Le Canada, ce n'est pas simplement George Brown et la représentation en fonction de la population. Il s'agit aussi de bâtir un État fédéral, et ce fédéralisme se reflète dans le système de représentation.
M. D. Smith : Je ne suis pas très fort en arithmétique, et je ne comprends pas l'argument de mon ami, M. Sancton. Ce que je dis cependant, compte tenu de ce qu'a affirmé M. Courtney, c'est qu'une réduction du nombre de députés dans des provinces comme la Saskatchewan ou le Manitoba aurait des conséquences sur les services dispensés par les députés dans leurs circonscriptions. C'est l'une des observations que je tenais à faire au départ, à savoir que les députés seraient obligés de représenter des régions plus vastes, tout particulièrement si l'on se ménage, ce qui est là encore logique mais n'en a pas moins des conséquences, l'écart autorisé dans la représentation des populations des différentes circonscriptions. À mon avis, si l'on plafonne le nombre de députés à la Chambre des communes, les répercussions sur la qualité des services dispensés dans leurs circonscriptions par les députés d'une province comme la Saskatchewan, ou d'autres encore, seront très significatives.
M. Pal : Si l'on se débarrasse de la clause de maintien des droits acquis, le Manitoba, la Saskatchewan et le Québec vont perdre des sièges; la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve vont aussi en perdre un. Nous pourrions les redistribuer, ce qui nous rapprocherait davantage de la représentation en fonction de la population. Toutefois, lorsqu'on fera la nouvelle répartition en 2021, comment tenir compte de l'accroissement de la population en Alberta, en Ontario et en Colombie-Britannique? Il n'y aura plus de sièges à redistribuer à moins que l'on se défasse de la clause sénatoriale, ce qui, je vous l'ai dit tout à l'heure, exige un amendement constitutionnel qui n'est pas possible dans la pratique. Il faudra donc ajouter des sièges. Même si l'on ne rajoute pas des sièges dès à présent, à moins que l'on se lance dans une discussion constitutionnelle plus large, il nous faudra de toute façon ajouter 10 sièges, d'après mon interprétation des chiffres fournis par Statistique Canada.
Le sénateur Angus : Voilà qui est très intéressant, messieurs, et vous avez porté le débat à un autre niveau, plus théorique que pratique.
Vous avez pratiquement répondu à la question que je voulais poser. Monsieur Sancton, vous nous dites ici de ne pas précipiter les choses et de prendre le temps de revoir la question. Vous avez bien raison. Quels seraient les inconvénients? On a déjà suffisamment attendu et nous sommes invités à accélérer l'adoption de ce projet de loi. On n'a pas entendu beaucoup de reproches et d'opposants à la structure du projet de loi C-20. La plupart d'entre vous semblent s'en accommoder, sauf vous, monsieur.
Je vous le répète, j'allais vous demander quels seraient éventuellement les inconvénients, à votre avis, si l'on arrêtait tout. J'allais ensuite demander aux autres témoins de commenter votre point de vue. Certains d'entre eux ont déjà fait quelques commentaires, il me semble.
M. Sancton : Je considère que ce sont les inconvénients qui ont déjà été évoqués par le directeur général des élections. La procédure serait enclenchée selon l'ancienne formule. C'est pourquoi j'ai indiqué qu'il serait préférable de surseoir à la procédure en attendant que l'on ait réglé le problème.
Le gouvernement a fait ce que voulaient les provinces dont la population augmente le plus vite, y compris l'Ontario. Je vous le répète, nous y sommes favorables. C'est une excellente réforme. Toutefois, il me semble que le débat porte maintenant sur la taille de la Chambre des communes. Je ne pense pas que la population canadienne se soit rendu compte des enjeux. On lui a dit que c'était là la seule façon d'atteindre l'objectif. Le débat de ce soir doit profiter à mon avis à l'ensemble du pays. Nous sommes tous éventuellement en faveur d'une certaine forme de représentation en fonction de la population; il nous faut simplement décider quelle doit être la taille de la Chambre des communes.
Il me semble que si le gouvernement veut s'en tenir au projet de loi C-20, il lui faut alors partir du principe que le Canada a absolument besoin d'agrandir la Chambre des communes.
Le président : Monsieur Sancton, que pensez-vous des déclarations faites tout à l'heure par M. Pal, si l'on envisage la question dans 10 ans et si la population du Canada continue de croître? Il faudra procéder à une autre révision. Il me semble qu'il nous disait que si l'on s'en tenait à une Chambre fixe de 308 sièges, à partir du moment où il faudrait attribuer d'autres sièges aux grosses régions, à forte croissance démographique, on serait soit obligé d'ajouter des sièges au total, soit de retirer d'autres sièges aux provinces dont la croissance démographique est moins forte. La représentation des provinces dont la population augmente moins vite continuerait donc de diminuer ou alors, selon ses dires, il faudrait se résigner à ajouter d'autres sièges à ce total de 308. Qu'en pensez-vous?
Autrement dit, est-ce que l'on sera obligé de rajouter d'autres sièges à l'avenir?
M. Sancton : Je suis conscient des problèmes que poserait une modification de la clause sénatoriale, et je ne pense pas qu'il soit réaliste de l'envisager dans un avenir prévisible.
Je considère que si l'on faisait en sorte que toutes les petites provinces se retrouvent au minimum prévu par la clause sénatoriale ou soient protégées d'une façon ou d'une autre, les plus grosses provinces obtenant alors le nombre de sièges auquel elles devraient avoir droit, la situation serait bien meilleure qu'elle ne l'est selon la formule actuelle. Autrement dit, il faudrait qu'il y ait un ralentissement considérable de la croissance relative des provinces des Maritimes ainsi que du Manitoba et de la Saskatchewan, qui ne semble pas très probable dans la conjoncture actuelle, et une augmentation encore plus grande de la croissance relative des plus grandes provinces, pour que l'on se retrouve en grande difficulté.
Je comprends le point de vue de M. Pal; toutefois, je ne pense pas que le problème soit aussi grave qu'il le laisse entendre. Je n'ai cependant pas fait les calculs pour savoir ce qu'il en est, et ce n'est que demain, j'imagine, que nous saurons exactement quelle sera notre démographie à l'avenir.
Le sénateur Angus : Il me semble, d'après ce que vous venez de dire, que nous mélangeons plusieurs choses ici. Vous détachez un problème qu'il nous faut examiner : quelle doit être la taille de notre Chambre des communes? Vous nous dites, en fait, que c'est là toute la question. En ce qui me concerne, il s'agit d'une question de procédure. Cela fait partie intégrante de notre mécanisme constitutionnel. Nous nous efforçons de nous adapter à ces changements de population, plus particulièrement dans trois provinces. C'est en quelque sorte une formule hybride qui est mise en application dans ce projet de loi. Vous nous dites : « Non, nous ne devrions pas nous précipiter. « Vous nous l'avez très bien fait comprendre.
Professeur Smith, quel est votre sentiment? Pensez-vous qu'il y aurait des inconvénients si nous arrêtions tout? Nous avons un gros problème au Sénat. La représentation est très trompeuse, sans vouloir faire intervenir le droit pénal. Il nous faut revoir la Constitution pour remédier aux difficultés dans lesquelles se retrouvent malheureusement la Colombie- Britannique et l'Alberta. Ces provinces sont tout simplement délaissées parce que personne ne veut convoquer une nouvelle conférence des premiers ministres et réviser la Constitution. J'ai cependant l'impression que nous pouvons le faire au Parlement. C'est à notre portée, sans qu'il faille recourir à une conférence constitutionnelle.
M. D. Smith : Sénateur Angus, est-ce que vous nous demandez quelles seraient les difficultés d'un arrêt de toute la procédure?
Le sénateur Angus : En effet.
M. D. Smith : Je pense qu'elles seraient grandes, en partie parce qu'il n'y a pas selon moi de réponse évidente. On serait toujours placé devant le même dilemme qu'à l'heure actuelle. Je comprends les préoccupations du professeur Sancton concernant l'augmentation de la taille de la Chambre, mais il me semble que quelqu'un a déjà dit aujourd'hui que ces accords ou ces règlements ne duraient pas indéfiniment. Personne ne sait ce que l'on décidera dans 10 ans. Par ailleurs, comme l'a fait remarquer le professeur Pal, en fixant un plafond aujourd'hui on ne fait que repousser des difficultés qui seront encore plus grandes dans 10 ans.
Il m'apparaît que les contradictions que l'on relève aujourd'hui ont toujours été là et, comme l'affirme M. Courtney, continueront à exister à l'avenir. L'augmentation de la taille de la Chambre présente des difficultés mais, tout bien considéré, il me semble qu'elles sont largement compensées par les avantages découlant de la reconnaissance de la croissance démographique plus forte de trois provinces, du caractère distinct du Québec et du statu quo pour tous les autres.
Le sénateur Angus : Qu'en dites-vous, monsieur Pal?
M. Pal : J'ai critiqué les versions antérieures du projet de loi C-20 car elles ne traitaient pas de la même manière les trois provinces dont la population augmente le plus vite étant donné que l'on y disait que l'Alberta et la Colombie-Britannique allaient être désormais représentées en fonction de la population, ce qui ne serait pas le cas de l'Ontario. On se retrouverait devant un problème de même nature si l'on écartait la clause de maintien des droits acquis car le Manitoba, la Saskatchewan et le Québec perdraient alors des sièges. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve perdraient un siège chacun, ce qui n'est pas aussi significatif. Toutefois, le Nouveau-Brunswick et l'Î.-P.-É. ne perdraient pas de sièges. Soudainement, dans le groupe des provinces à faible croissance, il y en aurait qui perdraient des sièges, ce qui serait mérité, en fonction de leur population, et d'autres qui n'en perdraient pas, même si ce serait mérité en fonction de leur population. C'est la difficulté du recours à la clause de maintien des droits acquis lorsqu'on vise une représentation en fonction de la population. S'il était possible de revoir l'ensemble du mécanisme, nous n'aurions pas la même conversation. Néanmoins, étant donné les contraintes qui sont les nôtres, il nous faudra toujours recourir à des compromis bâtards. Il n'en reste pas moins que si l'on retire des sièges à certaines provinces et pas à d'autres, le compromis devient particulièrement bâtard à mon avis.
M. Courtney : J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs qu'avant l'adoption de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales nous avons à maintes reprises remis les réformes à plus tard. Il y a eu un report dans les années 1960, puis un autre dans les années 1970 avant que l'on adopte la méthode de l'amalgame. Il y eut ensuite un report dans les années 1980 pour se sortir de la méthode de l'amalgame et adopter un autre mécanisme. Nous en subissons maintenant les conséquences. Les reports ne sont pas nouveaux, mais ils ont un coût. Je ne parle pas seulement des coûts financiers, dont il faut aussi tenir compte, bien entendu. Il y a aussi un prix à payer en ce qui a trait à la crédibilité de la procédure.
Même si je suis tout à fait d'accord avec M. Sancton pour dire que c'est un problème de chiffres, il y a d'autres problèmes dans notre pays. Pendant toutes ces années, comme le professeur Smith l'a fait remarquer, il nous a fallu régler des problèmes de fédéralisme, de représentation en fonction de la population et de géographie. Paradoxalement, parmi les six petites provinces, ce sont les deux provinces dont la population augmente le plus rapidement, le Manitoba et la Saskatchewan, qui vont perdre le plus de sièges. Est-ce que ce n'est pas paradoxal? Les trois petites provinces, par contre, seront toutes protégées par la clause sénatoriale.
Ce n'est là qu'un petit exercice compte tenu de toute la gymnastique qui nous est imposée en la matière. Je ne serais pas du tout surpris — je ne suis pas sûr que ce seront les mêmes personnes — qu'un certain nombre d'entre nous ne se retrouveront pas dans cette même pièce dans 10 ans pour débattre des changements apportés en 2011 dans le cadre du projet de loi C-20 et de leurs conséquences. Ça ne me surprendrait absolument pas. L'histoire nous sert d'exemple ici. Nous avons effectivement la mauvaise habitude de régler les problèmes d'une telle façon qu'ils reviennent nous hanter plus tard.
Le président : Sénateur Angus, si vous avez un autre argument à faire valoir, êtes-vous prêt à attendre le deuxième tour?
Le sénateur Angus : Non, je n'y vois aucun inconvénient. J'ai obtenu ce que je voulais, à savoir qu'il faut mettre en application le projet de loi C-20.
Le président : J'avais bien l'impression que vous vous engagiez dans cette voie.
Le sénateur Boisvenu : La redistribution des sièges est un sujet très sensible au Québec. Je m'adresse au professeur Courtney et aux autres témoins : pensez-vous que ce projet est équitable pour le Québec sur un plan politique? Vous savez que la présence de la province française du Québec à Ottawa fait débat. Notre représentation diminue légèrement, d'une demi-personne, je pense. Pensez-vous que ce projet soit équitable pour le Québec?
M. Courtney : Permettez-moi de prendre tout de suite la parole pour vous dire que c'est une excellente question. Nous avons effectivement un système fédéral comportant dix participants. Il est évident que le Québec fait partie des dix. Si l'on veut qu'il y ait une certaine équité entre les provinces, il faut bien reconnaître que la formule actuelle avantage les six petites provinces. Le Québec relève de la catégorie des quatre grandes provinces. Il se trouve simplement que sa population augmente moins vite que celle des autres grandes provinces. En conséquence, du moins c'est mon interprétation, il faut traiter la question de manière équitable. J'ai ici les pourcentages par rapport à la population et le nombre de sièges obtenus par rapport aux trois autres provinces; le Québec passerait de 75 à 78 sièges. Cela m'apparaît tout à fait juste et équitable.
Le président : Il faudrait faire intervenir ici le professeur Smith, il me semble qu'il devrait avoir son mot à dire. Je veux m'assurer que vous avez la possibilité de répondre à toutes ces questions.
M. D. Smith : Comme M. Courtney, je considère que ce projet de loi est très équitable et certainement plus juste que le projet de loi C-12 il y a deux ans. Je l'ai dit dans mon exposé, ce projet me semblait erroné à l'époque. Il m'apparaît que la façon dont le Québec est traité dans ce nouveau projet de loi est bien plus équitable et, par conséquent, j'imagine que la population et les citoyens du Québec l'accepteront.
M. Sancton : J'ajouterai rapidement qu'à mon avis le gouvernement a pris une décision très courageuse et particulièrement judicieuse en apportant ces modifications au projet de loi C-20 pour faire en sorte que le Québec soit représenté en fonction de sa population.
M. Pal : C'est un problème de chiffres. Aux termes du projet de loi du gouvernement, le Québec aura 78 sièges et 23,08 p. 100 de la représentation à la Chambre avec 23,14 p. 100 de la population du pays. On ne peut pas faire plus juste.
Le sénateur Angus : Le professeur Courtney vient de nous dire que la Saskatchewan était l'une des provinces dont la population augmente le plus, ce qui est vrai, mais je me souviens d'un temps, alors que je siégeais déjà en ces lieux, où cette province avait perdu 800 000 habitants. Les temps changent, il me semble.
M. Courtney : Effectivement. Ce fut aussi le cas de l'Alberta pendant une certaine période, jusqu'à ce que l'on découvre du pétrole en 1947. Ce sont des situations qui évoluent. Il n'en reste pas moins que ce sont là des provinces axées sur les ressources naturelles et que la démographie évolue en fonction des industries correspondantes. Il est bien vrai que ce sont là certains des inconvénients de la démographie canadienne.
Le sénateur Angus : Nous nous efforçons d'avoir des règles fixes qui ne sont pas toujours applicables.
M. Courtney : À mon avis, c'est l'une des raisons pour lesquelles il faut que les règles restent dans certaines limites et soient claires et compréhensibles. Nous subissons les conséquences de deux règles qui à l'époque paraissaient très claires et compréhensibles. N'oubliez pas que la clause sénatoriale a été adoptée en 1915 pour protéger une province, l'Île-du-Prince-Édouard, qui allait perdre un siège. Nous en subissons aujourd'hui les conséquences, 100 ans plus tard. En 1985, il s'agissait de régler un problème semblable, alors que certaines provinces allaient continuer à perdre des sièges comparativement à ce qu'elles avaient par le passé.
Le sénateur Runciman : On a pratiquement fait le tour de la question, mais je tiens à préciser que j'appuie résolument le projet de loi. Parallèlement, je fais partie de ceux qui considèrent qu'il faudra à un moment donné tenir compte des chiffres. J'ai rencontré il y a quelques mois dans l'État de New York des sénateurs des différents États, dont les circonscriptions regroupaient environ 300 000 électeurs. En moyenne, la circonscription d'un représentant au Congrès des États-Unis compte quelque 750 000 électeurs. Il me semble que l'on peut servir ses électeurs lorsqu'on dispose d'un personnel suffisant, par exemple. À un moment donné, dans le cadre de la réforme du Sénat et des discussions constitutionnelles entourant ces questions, nous pourrons peut-être éventuellement régler ces problèmes, mais ce n'est pas une chose que j'envisage à court terme.
Professeur Smith, vous ne nous avez pas remis de mémoire, du moins je n'en ai pas en ce qui me concerne si vous en avez remis un. Vous parliez de la possibilité d'un plafonnement. Vous citiez l'Australie et les États-Unis. J'essaie de rapprocher cela de la nécessité d'une réforme du Sénat. J'aimerais que vous nous fassiez quelques commentaires à ce sujet.
M. D. Smith : Oui, je faisais allusion au fait que la constitution australienne contient une disposition qui établit un certain lien. On y prévoit en effet que la Chambre des représentants ne peut pas avoir plus du double de la taille du Sénat, à moins que la chose soit formulée dans l'autre sens, je ne me souviens plus très bien. On a fixé un certain équilibre, du simple au double. D'ailleurs, la représentation à la Chambre des représentants australienne n'a pas souvent augmenté en un siècle d'histoire.
Aux États-Unis, il n'y a aucune disposition constitutionnelle en ce sens, mais il semble que l'on ait en quelque sorte adopté une convention qui veut que l'on n'augmente pas la taille de la Chambre des représentants; elle est restée la même pendant des décennies.
Cette stabilité se justifie en partie par le fait que tous les États sont traités de la même manière dans la Chambre haute, le Sénat. J'ai dit dans mon exposé, et vous l'avez répété vous-même tout à l'heure, que la question de la représentation à la Chambre des communes était liée à la composition du Sénat canadien. Il vous faut débrouiller cette affaire ou rétablir des liens qui permettent de représenter plus largement la population canadienne. C'est le problème qui résulte de la composition actuelle de notre Parlement, qui comprend deux Chambres dont la coordination est loin d'être parfaite. Le problème est là.
Le professeur Courtney nous a dit que dans une certaine mesure les exemples venus d'ailleurs n'avaient aucune signification étant donné que chaque pays est très différent. Le Canada est tout à fait distinct pour des raisons qui remontent avant la Confédération.
Le sénateur Runciman : Je vous remercie de nous donner des précisions à ce sujet car cela m'intéresse particulièrement.
Monsieur Courtney, vous parliez tout à l'heure de la Saskatchewan et vous preniez l'exemple de deux circonscriptions protégées dans cette province en proposant en quelque sorte qu'on les mette de côté. Je pense que vous avez retenu le chiffre de 25. Quel est le lien avec la clause relative aux circonstances exceptionnelles, dont vous avez aussi recommandé la suppression? Quel est l'usage qui a été fait par le passé de cette clause et quel est le rapprochement que l'on peut faire avec ce dont nous parlons?
M. Courtney : Il me faudra vérifier la chose. A priori, je ne vois aucune province — je parle ici de redistribution au niveau provincial, et non pas fédéral, évidemment — dans laquelle s'appliquerait une disposition s'apparentant à la clause relative aux circonstances exceptionnelles. Les marges sont bien plus larges dans certaines provinces. M. Pal a évoqué le pourcentage courant, par exemple au Manitoba et en Saskatchewan, qui est de 5 p. 100, et dans d'autres cas il est de 10 p. 100.
Il importe de ne pas oublier que l'on rajoute une clause spéciale pour garantir un siège ou deux dans une région donnée lorsqu'elle est peu peuplée, éloignée ou encore d'une grande superficie. On procède ensuite en retenant l'objectif de plus ou moins 5 p. 100 de la population.
Si je reprends l'exemple de la Saskatchewan, il y a 58 sièges dans l'assemblée provinciale, deux étant réservés pour le Nord. Les 56 autres sont alors redistribués avec une marge de plus ou moins 5 p. 100 concernant la population. Il n'y a aucune exemption et aucune circonstance exceptionnelle qui s'applique à ces dernières. C'est ainsi que l'on procède.
L'expérience provinciale, du moins dans mon esprit, nous montre qu'il est possible de tenir compte de certaines circonstances particulières dans une circonscription ou un ensemble de circonscriptions étant donné leur faible population ou leur taille. La Chambre l'a fait, comme je l'ai indiqué, en accordant des allocations spéciales aux députés qui occupent ces sièges. C'est une pratique connue. On ne ferait alors que l'adapter à la scène fédérale. Ce serait une façon de régler ce problème.
À partir du moment où on met de côté 25 ou 30 sièges dans cette catégorie, on peut alors adopter une marge de plus ou moins 15 p. 100. Je vous déconseille d'adopter un seuil plus bas parce qu'il me semble que nous sommes ici devant le compromis canadien classique selon lequel, lorsque la population canadienne doit choisir entre A, B et C, elle va invariablement se prononcer pour B, sans même savoir de quoi il s'agit. C'est ce que j'appelle le compromis canadien classique. Il me paraît important de ne pas l'oublier.
Le sénateur Runciman : Monsieur Sancton, vous avez participé en Ontario à la délimitation des circonscriptions. Avez-vous déjà utilisé la clause relative aux circonstances exceptionnelles?
M. Sancton : À une reprise, lors du dernier redécoupage auquel j'ai participé, nous avons fixé la circonscription de Kenora avec une marge inférieure de plus de 25 p. 100, et le député sortant a déposé une requête parce qu'il voulait que sa circonscription soit plus grande. Il s'agissait de circonstances exceptionnelles et nous cherchions à régler un problème ailleurs.
Je dirai simplement à ce sujet que le fait de réserver ces sièges me paraît à la base une bonne idée, mais il faudrait que ce soit le Parlement qui le fasse, et non pas un juge et deux universitaires. La question est importante. Il est déjà bien difficile de jouer à Dieu le père en tant que commissaire chargé de la délimitation des circonscriptions électorales et de procéder à ces redécoupages, mais s'il faut en plus déterminer quelles sont les régions du pays qui méritent d'être mieux représentées que d'autres, la tâche devient trop lourde.
Le sénateur Runciman : C'est vous qui avez la parole. Vous pourriez peut-être nous expliquer ce qui s'est passé par exemple à Lanark-Frontenac. Quelle est la situation là-bas?
M. Sancton : Cela a permis de résoudre de nombreux problèmes ailleurs. Bien des gens ont été contents de ce que nous avons fait, mais pas nécessairement dans cette circonscription, je le reconnais.
Le président : J'ai une question supplémentaire à poser au professeur Smith. Elle porte sur un commentaire que vous avez fait dans votre exposé, professeur Smith, et que vous avez réitéré en répondant à la question posée par le sénateur Runciman.
Selon votre commentaire, si j'ai bien compris, étant donné les interactions entre le Sénat et la Chambre des communes, toute proposition visant à plafonner ou à réduire le nombre de députés représentant certaines provinces, ne peut pas être présentée isolément, mais doit tenir compte de la situation propre au Sénat. C'est bien ça?
M. D. Smith : J'ai rédigé un ouvrage sur le Sénat canadien et le fonctionnement des deux Chambres. Je considère en fait qu'on ne peut se pencher sur l'une des Chambres du Parlement sans tenir compte de l'autre. À mon avis, chacune des Chambres, même si elles ont des fonctions distinctes, représente avec l'autre — en interprétant de manière légèrement différente le terme de « représentation » à partir du moment où l'un des corps est élu et l'autre non — les intérêts de la population canadienne et des différentes parties ou régions du pays.
Si l'on ne tient compte que d'une chambre, il est difficile, à certains égards, de justifier ce que l'on fait. On en revient constamment, du moins la chose a été évoquée à maintes reprises aujourd'hui, à la clause sénatoriale. La clause sénatoriale garantit en fait une représentation minimale à certaines provinces. On ne comprend pas toujours que la composition de la Chambre haute limite en fait ce que l'on peut faire à la Chambre basse. Les deux sont liées, et pas seulement en théorie.
Ce lien a été établi en 1915. Il faut en tenir compte. Je sais que cette question dépasse largement la discussion d'aujourd'hui, mais du point de vue de l'institution qu'est le Parlement pour l'ensemble de la population canadienne, il nous faut prendre en compte les deux chambres. Il ne s'agit absolument pas de les traiter de la même manière, mais il faut savoir que ce qui se passe dans les deux chambres relève des intérêts supérieurs de la population du Canada.
Le président : S'il en est ainsi, professeur Smith, je ne suis pas sûr de vous avoir bien compris dans votre exposé. Lorsque vous nous avez dit qu'il fallait tenir compte du Sénat lorsqu'on envisageait de réduire le nombre de députés représentant certaines provinces, je croyais que, selon vous, il ne fallait pas agir sans se référer au Sénat.
M. D. Smith : Je disais qu'on allait trop loin en demandant à certaines provinces d'abandonner des sièges ou d'y renoncer sans mécanisme compensatoire. Dans d'autres juridictions, la deuxième chambre peut servir de mécanisme compensatoire, mais pas chez nous. Dans ce cas-là, on peut trouver d'autres solutions, mais je ne pense pas que l'on puisse demander aux provinces de renoncer à un certain nombre de députés, plus précisément pour les raisons qui ont été mentionnées cet après-midi.
Des provinces comme le Manitoba ou la Saskatchewan ne sont pas protégées par la clause sénatoriale, ou si elles le sont, cette protection est inutile. Je pense qu'il vous faut vous placer à l'échelle de l'ensemble du Parlement pour régler toute cette question de la représentation. Que l'on fixe un plafond aujourd'hui ou que l'on prévoit une augmentation, que ferez- vous dans 10 ans? C'est le même problème chaque fois. Si c'est le même problème chaque fois, c'est en partie, à mon avis, parce que nous avons ces deux institutions étanches qui composent le Parlement.
Le président : Pour mettre en place ce mécanisme compensatoire, j'espère que j'interprète bien vos paroles, il me semble que vous préconisiez dans votre exposé que l'on institue un Sénat élu pour compenser la perte de certains députés.
M. D. Smith : Je n'oserais pas préconiser que le Sénat soit élu, mais je pense qu'il nous faut nous demander pourquoi nous débattons sans fin au Canada de la question du Sénat. Ce que je dis au sujet du Sénat — et je ne veux pas m'écarter de notre sujet — c'est qu'il faut se poser deux questions. Quelle doit être la mission du Sénat? Ensuite, lorsqu'on a réglé cette question, comment constituer le Sénat pour qu'il s'acquitte de cette mission.
Toutes les autres questions apparaissent secondaires. Quelle doit être la tâche du Sénat? Souhaitez-vous corriger le problème de représentation que nous avons à la Chambre des communes du Canada? Instituez en conséquence un Sénat qui s'en chargera.
Si vous souhaitez représenter d'autres intérêts, locaux ou régionaux, instituez un Sénat pour s'en charger, mais il vous faut régler d'abord ces questions prioritaires. De toute façon, les solutions apportées à la Chambre haute influeront sur celles de la Chambre basse.
Le sénateur Meredith : Je dois dire au professeur Smith et aux autres témoins que ce sont là les questions que je me posais en priorité au sujet du Sénat élu et du maintien du statu quo quant aux nominations visant à équilibrer la représentation à la Chambre, conformément à la question posée par le président. Cela nous ramène à ce que vous avez dit, monsieur Pal, au sujet de la diversité et de la représentation des divers groupes. Le Sénat a pour mission de s'assurer que l'ensemble de la population canadienne est représentée d'une manière ou d'une autre. J'aimerais connaître votre avis, en commençant par le professeur Smith, suivi de M. Courtney. Je n'étais qu'un petit garçon lorsque vous avez comparu la dernière fois devant notre comité — il n'y a qu'un seul sénateur plus jeune que moi au Sénat.
M. Courtney : Je n'étais qu'un petit garçon lorsque Arthur Roebuck présidait ce comité.
M. D. Smith : Vous me posez la question suivante : que peut faire le Sénat pour contribuer à reconnaître et à représenter la diversité?
Le sénateur Meredith : Je posais la question en relation avec la Chambre des communes, en me demandant s'il fallait maintenir le statu quo au Sénat et garantir la représentation avec des sénateurs nommés.
M. D. Smith : Mon point de vue, que j'ai expliqué dans l'ouvrage que j'ai rédigé, c'est qu'il y a des solutions autres que l'élection des représentants à la deuxième chambre dans un système parlementaire. Là encore, on va nous citer a contrario l'exemple de l'Australie, mais le Canada est un cas particulier et différent de celui de l'Australie parce que, je vous le répète, c'est une double fédération. C'est une fédération qui s'efforce de tenir compte, dans une certaine mesure, de la nature biculturelle du pays tout en instituant un fédéralisme territorial pour chacune des provinces, qui jouissent d'une certaine forme d'égalité, en tenant compte du fait que les provinces n'ont jamais été traitées à égalité dans bien des domaines, y compris en ce qui a trait à la représentation à la Chambre des communes. Cela s'est fait au départ dans le cadre de négociations menées entre Macdonald et les politiciens locaux de chacune des colonies obtenant le statut de province.
Je ne suis pas sûr qu'un Sénat élu résoudrait nécessairement mieux les difficultés de représentation à la Chambre qu'un Sénat dans lequel les sénateurs seraient nommés. Cela ne me paraît absolument pas évident. Dans tous les systèmes parlementaires, un Sénat élu pose de véritables problèmes de légitimité de la Chambre basse lorsque le gouvernement siège.
M. Courtney : Disons rapidement que je partage certaines des préoccupations du professeur Smith. Je vous ferai remarquer que le principal reproche qu'on fait au Sénat est de manquer de légitimité et de n'être pas démocratique. En fait, je ne suis pas d'accord avec cet argument. Il est en quelque sorte légitime puisqu'il fait partie intégrante de la constitution de notre pays. Ce n'est pas une assemblée élue, ce qui, aux yeux de certains, lui enlève son caractère démocratique. La démocratie prend différentes formes, et l'élection n'en est que l'une des composantes. À partir du moment où l'on se sert du Sénat pour faire avancer la représentation de différents groupes d'intérêts, que ce soit du point de vue ethnique ou racial, en améliorant la diversité ou le tissu social de notre pays, je considère qu'il y a là une expression parfaitement légitime et démocratique au sein d'un ensemble plus vaste.
Le sénateur Meredith : Monsieur Pal, estimez-vous que le projet de loi C-20 maintient le bon équilibre, ou qu'il s'agit du seul équilibre possible dans le cadre de la formule existante?
M. Pal : On ne peut parler que de compromis pour l'instant, étant donné les contraintes juridiques et constitutionnelles qui sont les nôtres. Le meilleur des compromis à l'heure actuelle, c'est de rajouter des sièges. Le projet de loi C-20 rajoute suffisamment de sièges pour régler le problème de la représentation en fonction de la population. L'Ontario pourrait-elle obtenir un ou deux sièges de plus, ce qui figurait, je crois, dans la version antérieure du projet de loi? Ce serait préférable, mais ce projet de loi est très bon en l'état.
Ce qui manque, c'est une façon de régler les écarts à l'intérieur des provinces — ce chiffre de 25 p. 100. Le projet de loi règle une partie de la question de la représentation, soit la répartition des sièges entre les provinces, mais pas la deuxième partie, soit en l'occurrence ce qui se passe à l'intérieur de chaque province. On n'a fait que la moitié du travail à mon avis.
Le sénateur Meredith : Professeur Smith, vous avez parlé de « redistribution « et des problèmes posés par les circonscriptions de grande superficie et par les députés qui seront élus selon cette nouvelle formule. Le professeur Courtney a évoqué la possibilité d'accorder des allocations à ces députés et de faire en sorte que la population soit bien représentée. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les problèmes qui risquent selon vous de se poser du fait de cette nouvelle formule?
M. D. Smith : Je peux vous parler de mes travaux au sein de la commission de la Saskatchewan. J'ai été très impressionné lorsque j'ai rencontré les députés du Sud et de l'Est de la Saskatchewan qui devaient représenter des territoires aussi étendus. Je pense qu'on n'a pas encore compris toute l'étendue du problème. Je croyais que ces difficultés de représentation étaient la caractéristique des régions liées aux ressources naturelles dans le nord du Québec ou de l'Ontario, et non pas de la Saskatchewan. En réalité, il y a en Saskatchewan d'immenses régions très peu peuplées. Comme vous le dirait un député, il y a des électeurs dans ces régions. Lorsqu'on se rend dans un ranch, on les trouve, mais il faut faire des centaines de kilomètres pour y parvenir.
Si l'on réduit le nombre de députés d'une province, ces régions vont probablement être encore plus étendues, surtout à partir du moment où l'on s'efforce, pour des raisons légitimes, de diminuer les écarts de population entre les circonscriptions. C'est pourquoi je n'aimerais vraiment pas que la Saskatchewan perde des députés parce que la représentation de toutes les régions frontalières ou périphériques de la province, en dehors des grandes villes, qui ont déjà près de la moitié de la population, serait rendue encore plus difficile. C'est extrêmement difficile pour ces régions; ajoutez à cela le climat, la communauté d'intérêts, le réseau de transport plus ou moins bon. Dans des régions comme celles du sud de la Saskatchewan, on ne prend pas l'avion, on roule en automobile.
Le sénateur Fraser : Je tenais simplement à vous dire que cette séance a été excellente. Je vous remercie.
Le président : Sénateur Fraser, vous m'avez pratiquement enlevé les mots de la bouche, ce qui vous arrive parfois.
Au nom du comité, professeurs, je vous remercie de l'excellence de vos interventions. Votre connaissance du sujet et votre expérience pratique nous sont précieux. Je reconnais que vous avez tous mieux à faire que de nous consacrer vos après-midi, mais je vous suis très reconnaissant de nous avoir aidé à mieux comprendre ce projet de loi. Nous espérons vous revoir en ces lieux à l'avenir.
M. Courtney : Dans 10 ans, lorsqu'on me demandera de témoigner, je me souviendrai que ce comité était présidé par le sénateur Wallace.
Le président : La séance est levée.
(La séance est levée.)