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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 15 - Témoignages du 14 mars 2012


OTTAWA, le mercredi 14 mars 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles auquel le projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu, a été renvoyé se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier le projet de loi et l'ébauche d'un budget.

Le sénateur John D. Wallace (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, je souhaite la bienvenue à mes collègues du Sénat, aux invités et aux membres du grand public qui suivent nos délibérations aujourd'hui sur les ondes de CPAC. Je m'appelle John Wallace. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et le président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Aujourd'hui, nous entamons notre étude du projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu. Ce projet de loi a été présenté à la Chambre des communes par le ministre de la Sécurité publique le 25 octobre 2011.

Le sommaire du projet de loi dit que ce dernier modifie le Code criminel et la Loi sur les armes à feu afin de supprimer l'obligation d'enregistrer les armes à feu autres que les armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte. Le projet de loi prévoit également la destruction des registres et des fichiers existants concernant l'enregistrement des armes à feu qui se trouvent dans le Registre canadien des armes à feu et relèvent des contrôleurs des armes à feu.

Pour amorcer aujourd'hui nos audiences publiques, j'ai le plaisir de souhaiter de nouveau la bienvenue à l'honorable Vic Toews, ministre de la Sécurité publique, à la séance du comité. Monsieur le ministre, je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Je vous demanderais donc d'aller de l'avant.

L'honorable Vic Toews, C.P., député, ministre de la Sécurité publique : Je vous remercie de m'avoir invité à participer à vos délibérations sur le projet de loi C-19, la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule.

J'ajouterais que, bien que j'aie prévu de passer une heure parmi vous, si vous êtes d'accord, monsieur le président, c'est avec plaisir que je prolongerai ma visite. Je dois voter, mais je note qu'au cours d'une de mes comparutions antérieures, les membres ont eu l'impression que je n'étais pas resté suffisamment longtemps. Cette fois, je dispose de quelques minutes supplémentaires, et je me mettrai à votre disposition. Je dois m'absenter pour voter dans l'autre Chambre, mais je resterai plus d'une heure.

Le président : Nous vous saurons gré de tout le temps supplémentaire que vous pourrez nous accorder, monsieur le ministre.

M. Toews : Les délibérations du comité nous permettent de franchir un pas de plus vers la réalisation de l'engagement de longue date que le gouvernement a pris de mettre fin, une fois pour toutes, au registre coûteux et inefficace des armes d'épaule. Les Canadiens d'un bout à l'autre du pays sont attentifs et attendent que le projet de loi reçoive la sanction royale, de sorte que les armes à feu soient de nouveau gérées de façon rationnelle au Canada.

Notre gouvernement défend les chasseurs, les agriculteurs et les tireurs sportifs respectueux des lois qui vivent partout au Canada. Nous défendons les Canadiens des collectivités rurales, éloignées et du Nord qui utilisent des fusils de chasse et des carabines dans la vie de tous les jours. Nous défendons également les Canadiens des villes et des banlieues qui s'adonnent à la chasse et au tir à la cible, et nous défendons surtout les Canadiens qui estiment que l'État n'a pas le droit de s'ingérer inutilement dans la propriété privée des Canadiens respectueux des lois. Ces Canadiens s'opposent depuis longtemps au registre des armes d'épaule qui est inefficace et coûteux, et mes collègues conservateurs et moi-même sommes fiers de prendre leur parti.

En gros, le projet de loi C-19 vise à éviter de pénaliser inutilement d'honnêtes citoyens respectueux des lois, en imposant des règlements qui n'ont pas eu d'effet sur la réduction des crimes liés aux armes à feu.

Alors, en quoi consiste concrètement le projet de loi C-19? D'abord et avant tout, il s'agit d'éliminer la nécessité d'enregistrer les armes à feu sans restriction, comme les carabines et les fusils de chasse. Honorables sénateurs, en règle générale, les armes à feu ne sont pas utilisées à des fins criminelles.

Ensuite, le projet de loi C-19 veille à protéger la vie privée des Canadiens respectueux des lois en détruisant les données sur les armes d'épaule actuellement contenues dans le registre.

Le projet de loi est clair : le commissaire aux armes à feu devra, en vertu du paragraphe 29(1) du projet de loi, veiller à ce que, dès que possible, tous les renseignements du Registre canadien des armes à feu ayant trait aux armes à feu sans restriction soient détruits, sitôt que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Les Canadiens peuvent être assurés que notre gouvernement ne communiquera pas leurs renseignements personnels à d'autres organisations ou organismes gouvernementaux.

Quoique je ne le conseille pas, compte tenu de l'expérience fédérale, les gouvernements provinciaux peuvent utiliser leurs pouvoirs constitutionnels en matière de propriété pour établir un registre provincial des armes d'épaule. Cependant, je ne peux pas être plus clair : le gouvernement fédéral n'aidera pas à mettre sur pied un registre par la porte d'en arrière.

Contrairement à l'alarmisme de certains opposants, le projet de loi n'élimine pas la nécessité pour tous les propriétaires d'obtenir un permis d'armes à feu en bonne et due forme. Il n'élimine pas non plus l'exigence pour les propriétaires d'armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte d'obtenir un certificat d'enregistrement ainsi qu'un permis d'armes à feu.

Le Programme canadien des armes à feu continuera d'exiger l'enregistrement des armes à feu prohibées et à autorisation restreinte, y compris toutes les armes de poing et les armes automatiques. Les Canadiens devront tout de même franchir les étapes du processus de délivrance des permis, en vertu du projet de loi C-19.

Pour obtenir un permis d'armes à feu, ils doivent réussir un cours obligatoire, à savoir le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu. Ils doivent aussi se soumettre à une enquête visant à garantir qu'ils n'ont pas commis d'infraction criminelle grave, qu'ils ne sont pas frappés d'une interdiction de port d'armes à feu et qu'ils ne représentent pas un danger pour la société.

Le projet de loi C-19 maintient donc l'obligation de détention d'un permis pour tous les propriétaires d'armes à feu, tout en abolissant le registre des armes d'épaule qui cible ceux qui sont respectueux des lois plutôt que les criminels. Le projet de loi C-19 maintient d'ailleurs les restrictions actuelles en matière de transfert et de transport des armes à feu prohibées et des armes à autorisation restreinte.

Le projet de loi C-19 propose plutôt des changements qui lèvent l'obligation d'enregistrer les carabines et les fusils de chasse achetés en toute légalité qui appartiennent en grande partie à des Canadiens qui habitent dans des régions rurales ou éloignées. Ainsi, les maigres ressources dont dispose le gouvernement pourraient financer des initiatives qui rendent, en fait, nos collectivités plus sûres. Voilà exactement l'objectif du projet de loi C-19. Il s'agit de s'assurer que nous investissons dans des initiatives fructueuses.

En définitive, les mesures prises dans le domaine du contrôle des armes à feu doivent renforcer la sécurité publique dans les rues et dans les collectivités en évitant que des armes ne tombent entre les mains de personnes dangereuses et en prévoyant des conséquences graves, le cas échéant.

C'est ce que les Canadiens veulent, et c'est ce que le gouvernement est déterminé à faire.

Dans le cadre de ce débat, nous avons entendu toutes les raisons pour lesquelles les conservateurs s'opposent au registre des armes d'épaule. Nous savons à quel point il est coûteux. Selon la télévision d'État, Société Radio-Canada, le coût du registre des armes d'épaule a dépassé 2 milliards de dollars. Pouvez-vous imaginer combien de policiers nous aurions pu embaucher avec cet argent, combien de programmes de prévention du crime nous aurions pu financer? Lorsque vous vous arrêtez et que vous y songez, vous constatez que le coût est absolument stupéfiant. Nous avons également entendu les gens dire que le registre était inefficace.

Tout au long des débats et, franchement, au cours des 17 années où nous avons été assujettis au registre des armes d'épaule, personne n'a pu me convaincre que le registre des armes d'épaule avait empêché un seul crime ou sauvé une seule vie.

Monsieur le président, en abolissant le registre des armes d'épaule coûteux et inefficace, nous pouvons concentrer nos efforts sur des mesures plus efficaces pour lutter contre le crime et protéger nos familles et nos communautés. Ce qui mettra fin au crime, ce sont des mesures de prévention intelligentes, des services de police efficaces et des peines dissuasives, et non le registre des armes d'épaule. C'est l'approche en matière de justice pénale que le gouvernement a adoptée et qu'il continuera d'utiliser dans l'avenir.

Les personnes qui appuient le registre prétendent aussi que l'élimination du registre des armes d'épaule favorisera un relâchement des règles relatives à la possession d'une arme à feu et causera une hausse des actes de violence commis à l'aide d'une arme à feu. Monsieur le président, un contrôle efficace des armes à feu peut être exercé, en ayant en place un processus de délivrance de permis adéquat et en veillant à ce que seules les personnes qualifiées puissent être propriétaires d'armes à feu.

Comme je l'ai mentionné, dans les mains de Canadiens respectueux des lois, une arme à feu est un bien comme un autre. Dans les mains de criminels ou d'une personne atteinte de maladie mentale, une arme à feu ne peut qu'entraîner des tragédies. Le registre des armes d'épaule ne peut prévenir de telles tragédies. Un processus de vérification des demandeurs et de délivrance de permis, dans lequel nous avons récemment investi plus de ressources, peut empêcher les armes à feu d'aboutir dans les mains de criminels.

Depuis 2007, le gouvernement fournit un financement annuel de 7 millions de dollars pour resserrer les mesures de vérification des titulaires de permis. Ainsi, plus de 20 000 nouveaux demandeurs de permis d'arme à feu devront passer une entrevue et fournir le nom de répondants, ce qui contribuera à empêcher les armes à feu d'aboutir dans les mains de personnes non admissibles aux yeux de la loi.

Il s'agit d'adopter une approche rationnelle en matière de contrôle des armes à feu. Notre gouvernement a clairement démontré sa détermination de sévir contre les crimes, et particulièrement contre les crimes commis avec une arme à feu. Ceci transparaît dans la mise en œuvre de la Loi sur la lutte contre les crimes violents, et plus récemment dans le projet de loi C-10, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Je tiens à remercier les sénateurs d'être allés de l'avant avec ce projet de loi.

Le gouvernement estime que le système de contrôle des armes à feu doit cibler les criminels, non les citoyens respectueux de la loi. Il doit promouvoir la sécurité des collectivités, non être une source de frustration pour les chasseurs. C'est une approche qui ne pénalise pas les citoyens respectueux des lois, particulièrement ceux qui habitent dans les régions rurales. C'est aussi une approche qui contribue vraiment à réduire les crimes commis à l'aide d'une arme à feu et à assurer la sécurité des Canadiens.

J'exhorte donc les honorables sénateurs et les membres du comité à collaborer avec le gouvernement pour faire en sorte que le projet de loi C-19 soit rapidement promulgué. Les Canadiens respectueux des lois comptent sur vous.

Merci.

Le président : Je vous remercie, monsieur le ministre, des observations utiles que vous avez formulées.

Nous allons maintenant passer aux séries de questions que les membres du comité poseront, et nous allons commencer par notre vice-présidente, le sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être joint à nous. Il est dommage que vous ne soyez pas accompagné de représentants qui pourraient rester après votre départ.

Toutefois, comme vous le savez, en 2000, dans l'arrêt Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, la Cour suprême du Canada a décidé à l'unanimité qu'il était impossible de dissocier les dispositions relatives à l'enregistrement du reste de la Loi sur les armes à feu et que les dispositions relatives à l'enregistrement et aux permis étaient inextricablement liées. Selon la cour, les deux mesures sont essentielles au fonctionnement du mécanisme de contrôle des armes à feu.

Vous supprimez maintenant la nécessité d'enregistrer la majeure partie des armes à feu au Canada. Compte tenu de l'opinion de la Cour suprême, comment le reste de la loi reste-t-il valable?

M. Toews : Je ne suis pas certain de comprendre ce que la Cour suprême voulait dire ici, étant donné que les dispositions relatives aux permis sont entrées en vigueur avant le registre.

Je pense que vous citez peut-être la Cour suprême hors contexte.

Le sénateur Fraser : Je citais une des notes de service rédigées par votre propre ministère. Elle indique que cela pourrait représenter un motif pour contester l'abolition du registre d'armes d'épaule en vertu de la Constitution.

Permettez-moi de passer à un autre sujet.

M. Toews : Permettez-moi d'intervenir alors. Si les dispositions relatives aux permis étaient constitutionnelles avant la création du registre et si la Cour suprême a déclaré que le registre était constitutionnel en vertu du droit criminel, comment l'élimination du registre pourrait-elle invalider les permis que les tribunaux ont déjà jugés valides sur le plan constitutionnel?

Le sénateur Fraser : Ils ont dit que les permis et l'enregistrement étaient les deux côtés d'une même médaille, si vous voulez.

Cependant, j'ai une autre question à vous poser.

M. Toews : Pendant 17 ans, cela a été le cas. Mais auparavant, ce n'était pas le cas et, avec un peu de chance, ce ne sera plus le cas d'ici un mois ou deux.

Le sénateur Fraser : Le président va bientôt m'interrompre, mais j'ai une autre question à vous poser. Nous devons tous nous exprimer de manière concise dans les environs.

Comme vous le savez également, il y a de nombreux traités, protocoles et ententes portant sur les armes à feu qui, évidemment, visent à contrôler le commerce international des armes à feu. Ce qui me frappe en particulier, c'est le protocole des Nations Unies sur les armes à feu, parce qu'en octobre dernier, à l'occasion de la Réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth, le premier ministre Harper a exhorté tous les chefs d'État présents à respecter toutes les obligations découlant du droit international et pressé tous les pays d'adhérer au protocole des Nations Unies sur les armes à feu et de le mettre en œuvre.

Ce protocole, comme toutes les autres ententes auxquelles j'ai fait allusion, exige que des renseignements soient conservés et, dans ce cas en particulier, que les renseignements liés aux armes à feu, qui sont nécessaires pour les repérer et les distinguer par exemple, le soient pendant au moins 10 ans.

Comment pouvons-nous faire cadrer l'objectif visé par le projet de loi C-19 — encore une fois, éliminer l'enregistrement, c'est-à-dire les renseignements sur la quasi-totalité des armes à feu au Canada — avec ces obligations internationales?

M. Toews : Je crois — mais je ne suis pas un expert en relations internationales — que l'abrogation du registre des armes d'épaule en soi n'empêchera pas le Canada de prendre des mesures pour ratifier ces ententes. Certaines ententes n'ont pas été ratifiées, celles dont vous parlez. L'abrogation du registre des armes d'épaule n'empêche aucunement cela.

Le sénateur Fraser : Si vous l'abrogez avant la ratification, c'est une chose, mais si l'abrogation a lieu après la ratification, nous serons censés détenir ces renseignements, mais nous ne les aurons pas.

Comment pourrons-nous respecter ces obligations internationales si nous ne conservons plus les renseignements requis?

M. Toews : Vous devrez poser la question à un expert. D'après ce que je comprends, l'abrogation du registre des armes d'épaule ne nuira pas à la capacité du Canada de prendre des mesures en vue de la ratification de ces ententes. Il n'y a rien qui empêcherait légalement le Canada de le faire. Nous n'aurions pas à adopter d'autres mesures législatives concernant les armes d'épaule afin de respecter les conditions de ces ententes.

Le sénateur Lang : J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre invité d'aujourd'hui. Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, de votre persévérance, de vos responsabilités ministérielles et, en tant que député, d'avoir pris en charge ce dossier au cours des dernières années et de l'avoir enfin mis à l'avant-plan.

Dans mon allocution, à l'étape de la deuxième lecture, j'ai souligné que le Canada a été confronté au même enjeu en 1919, je crois, quand les armes légères ont été interdites; on avait dû revenir sur cette décision un an plus tard parce que les Canadiens respectueux de la loi avaient dit à l'époque qu'ils n'acceptaient pas cela. Par la suite, on a annulé la loi qui avait été adoptée, et nous nous retrouvons aujourd'hui dans la même situation.

Je suis d'accord lorsque vous dites que dans les mains d'un Canadien respectueux des lois, une arme à feu est un bien comme un autre. Je pense que l'enjeu important ici, pour nous, c'est la sécurité de la population. Il faut définir clairement ce que doivent faire ceux qui possèdent un permis d'acquisition d'armes à feu. J'ignore combien de personnes ici en possèdent un et combien ont franchi les étapes du processus, mis à part mon collègue le sénateur Baker. Le fait est qu'un permis, une vérification policière et un cours de sécurité sont obligatoires. On doit répondre aux trois critères pour avoir droit à ce permis.

Vous pourriez peut-être nous expliquer plus en détail ce qui arrivera plus tard, lorsqu'une personne ayant fait l'acquisition d'une carabine voudra la vendre, s'il n'y a plus de registre, et nous parler des obligations qui seront encore en vigueur afin que toutes les personnes faisant l'acquisition d'une carabine longue aient l'obligation de posséder un permis lorsque le registre sera éliminé.

M. Toews : Il incombera encore à la personne qui vend son arme à feu de s'assurer que l'acheteur possède un permis en bonne et due forme. Si le propriétaire de l'arme ne s'en assure pas, il pourrait être passible de poursuites et être condamné à une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement. Si une personne vend une arme à feu à quelqu'un qui ne possède pas de permis, elle s'expose à une sanction très sévère.

Le sénateur Lang : Monsieur le ministre, considérez-vous que le système comporte suffisamment de protections pour assurer aux Canadiens qui s'inquiètent au sujet de la sécurité que tant que ces critères seront respectés, la sécurité ne sera pas un problème?

M. Toews : Je crois que les mesures de protection en place sont adéquates pour le processus de cession des armes d'épaule et la délivrance de permis aux personnes qui souhaitent faire l'acquisition de ce type d'arme à feu. Il y a des différences en ce qui a trait aux armes courtes, aux révolvers et aux pistolets. C'est pourquoi notre gouvernement n'a pas remis en question le registre des pistolets et des révolvers.

Le sénateur Lang : Je tiens à souligner, une fois de plus, afin que ce soit clair pour les personnes qui nous écoutent, que le registre ne sera pas aboli pour les révolvers et les autres types d'armes à feu qui ont été désignées et prohibées. Je pense qu'on a voulu faire croire à la population que ces armes seraient vendues librement si le projet de loi était adopté.

M. Toews : Non. Cela doit être clair, sénateur, et je vous remercie de soulever cette question. De plus, en ce qui a trait aux armes à feu à autorisation restreinte et aux armes à feu prohibées, dans le registre, il y a certaines exigences et même une interdiction complète de posséder certains types d'armes à feu pour la population en général. Il faut que cela soit clair également.

Au lieu de nous concentrer uniquement sur le registre, même celui des pistolets et des armes de poing, nous avons tenté d'améliorer les outils qui aideront les policiers dans leur travail.

Il y a environ une semaine, j'ai eu une conversation très intéressante avec le chef Chu, à Vancouver. Il m'a dit que maintenant, quand les gangsters portent une arme, ils la portent pour une raison, pas simplement parce que c'est un symbole de statut social. Ils s'en vont effectuer une mission. La raison pour laquelle ils ne portent pas toujours des armes, maintenant, c'est que nous avons apporté des modifications à la loi, comme l'inversion du fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté sous caution. Désormais, beaucoup de criminels ne veulent pas se faire prendre avec une arme, car s'ils ont une arme à feu illégale en leur possession, ils ne pourront pas obtenir une libération sous caution, puisque c'est à eux maintenant qu'il incombe de justifier le fait qu'ils portent cette arme.

Nous avons fait des modifications de ce genre. Les peines d'emprisonnement minimales obligatoires, par exemple, auxquelles je suis très favorable quand il est question de possession d'armes à feu, sont très importantes afin de susciter la crainte de ces bandits. S'ils sont pris avec ces armes, ils seront neutralisés, c'est-à-dire qu'ils seront envoyés derrière les barreaux afin qu'ils ne puissent pas utiliser les armes pour une soi-disant mission.

Le sénateur Lang : Permettez-moi de passer à un autre sujet, celui du registre des armes d'épaule et de nos organismes chargés de l'application de la loi. Beaucoup de gens, en particulier les agents de première ligne, sont d'avis que le registre ne prévient pas la criminalité et n'empêche pas nécessairement les personnes qui veulent se procurer une arme à feu de le faire. Peut-être pourriez-vous nous expliquer, puisque vous avez étudié cette mesure législative, ce que les agents de première ligne ont porté à votre attention et les situations auxquelles ils sont confrontés.

M. Toews : L'idée que les agents consultent le registre des milliers de fois par jour est très trompeuse, étant donné que chaque fois qu'ils arrêtent quelqu'un au volant de sa voiture, par exemple, le registre est automatiquement consulté; les agents reçoivent donc l'information automatiquement, même s'ils ne l'ont pas demandée.

Les agents me disent qu'ils ne se fient pas au fait que quelqu'un peut être le propriétaire inscrit d'une arme à feu. Habituellement, ce ne sont pas de ces personnes-là dont ils se méfient, mais plutôt de celles qui portent des armes à feu non enregistrées, des armes de poing, et cetera. Nombreux sont ceux ici qui seraient mieux placés que moi pour le dire, mais selon ces agents, ils s'approchent de chaque véhicule et de chaque maison en gardant à l'esprit la possibilité qu'il y ait des armes à feu. Que le registre dise qu'il y en a ou non n'y change absolument rien.

Le président : J'aimerais seulement avoir une petite précision, monsieur le ministre. Je suis sûr que la plupart des personnes assises autour de cette table le savent, mais pour le public qui nous regarde, parlons de la distinction que le projet de loi C-19 établit entre le registre des armes d'épaule et l'enregistrement de ce que vous appelez les armes prohibées et à autorisation restreinte. Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce que sont les armes à feu à utilisation restreinte et les armes à feu prohibées? De quels types d'armes s'agit-il? Quelles conditions continueront de s'appliquer à ces armes?

M. Toews : Par exemple, les pistolets et les révolvers sont des armes à feu à utilisation restreinte. Il y a un test pour les armes d'épaule et un autre pour les armes à utilisation restreinte. Les armes à feu automatiques sont généralement des armes prohibées. En fait, je n'en connais aucune qu'un citoyen ordinaire peut se procurer. Le processus de classification est effectué par la GRC, en général, ou par certains experts indépendants en classification. Je ne veux pas vous donner une définition précise, mais je crois que pour la plupart d'entre nous, les armes d'épaule auxquelles s'applique le registre sont des armes utilisées dans les fermes, comme les fusils de chasse, les calibres 22, 30-06 et 303 Enfields, qui sont des armes d'épaule typiques inscrites au registre des armes d'épaule que nous considérons comme inefficace pour la prévention de la criminalité.

Il y a des raisons fondamentales d'intérêt public pour lesquelles les révolvers et les pistolets doivent être enregistrés, et même si les opinions divergent à ce sujet, je crois qu'en conservant le registre pour les armes courtes, notre gouvernement a pris la bonne décision.

Le sénateur Baker : Monsieur le ministre, je pense que la plupart des Canadiens suivent les délibérations pour vraiment comprendre ce qui se passe. Ils veulent savoir comment cela s'appliquera aux gens ordinaires qui possèdent une arme à feu ou des pièces d'arme à feu. J'apprends quelque chose de nouveau chaque fois que j'entends parler de cette mesure législative, et surtout quand c'est vous qui en parlez, car vous la connaissez très bien.

Corrigez-moi si je me trompe, mais la seule chose qui change, c'est que les gens n'auront pas à enregistrer leurs armes ordinaires, celles que l'on trouverait dans leur sous-sol, comme les armes de calibre 22, 20, 16, 12, 30-06, 32 spécial, 303 ou 30-30, ou les pièces de ces armes, ce qui a toujours fait l'objet de controverse. À mon avis, ce projet de loi ne supprime que l'obligation d'enregistrer les pièces ou les armes à feu, car comme vous venez de le souligner, on devra encore posséder un permis.

M. Toews : Oui.

Le sénateur Baker : La plupart des critiques que l'on entend au sujet du registre des armes d'épaule portent sur le fait que pour obtenir un permis, on doit se soumettre à une procédure policière très envahissante, au cours de laquelle on se fait demander le nom de son ancienne petite amie, le nom de sa conjointe actuelle, l'endroit où elles habitent, si on a déjà consulté un médecin, ce genre de choses.

M. Toews : Vous êtes manifestement passé par là, sénateur.

Le sénateur Baker : Comme vous le savez, j'ai été député pendant 29 ans. Ces choses-là ne changent pas.

M. Toews : Tout à fait.

Le sénateur Baker : Monsieur le ministre, que supprimez-vous, en fin de compte?

M. Toews : Nous supprimons essentiellement l'enregistrement du bien personnel, mais nous conservons l'obligation de détenir un permis en bonne et due forme pour posséder et utiliser une arme à feu.

Le sénateur Baker : Ou des munitions. Autrement dit, quelqu'un qui achète des munitions devra encore posséder un permis, n'est-ce pas?

M. Toews : Oui.

Le sénateur Baker : On devra encore détenir un permis?

M. Toews : Dans ma circonscription, il y a peut-être une personne sur dix qui possède une arme à feu enregistrée, et c'est une arme de calibre 22, ou quelque chose de ce genre. Or, tout le monde compte sur cette personne pour acheter des munitions, car lorsqu'on a une arme enregistrée de calibre 22, on peut acheter des munitions pour un calibre 30-06, un calibre 303 ou pour un fusil de chasse. Cela semble un peu bizarre d'entrer avec son certificat et d'acheter des munitions pour tous les autres types d'armes à feu, et c'est ce genre de chose qui, malheureusement, se produit avec le registre. On ne met pas l'accent sur les criminels.

Je veux que toutes les personnes qui possèdent des armes à feu aient un permis, afin que nous puissions nous assurer que ce ne sont pas des personnes déséquilibrées ni des criminels.

Le sénateur Baker : Puisque ces personnes devront obtenir un permis pour posséder une arme à feu ou acheter des munitions, les policiers auront encore accès à leur nom et à leur adresse dans l'ordinateur de leur voiture. J'essaie de comprendre ce qui va changer, s'il y aura un changement important. C'est un changement majeur, en ce sens qu'on n'a plus besoin d'enregistrer les pièces d'armes et certaines armes, mais pour ce qui est d'un changement important dans la nature indiscrète des fonctions policières, les policiers auront encore accès aux renseignements concernant ces personnes dans leurs ordinateurs.

M. Toews : Je ne suis pas certain de tout ce que le CIPC...

Le sénateur Baker : Vous avez dit que les gens doivent détenir un permis.

M. Toews : Oui, ils doivent détenir un permis.

Le sénateur Baker : La police ne pourra-t-elle pas avoir accès à leurs renseignements?

M. Toews : Je ne sais pas tout ce que contient le CIPC. Un policier pourrait vous le dire mieux que moi.

Le sénateur Baker : Il y a deux bons policiers de l'autre côté qui seront en mesure de nous le dire

M. Toews : Ils pourront vous dire avec exactitude ce que contient le CIPC. Je sais qu'il peut nous permettre de savoir qu'une personne a été acquittée, qu'elle a été arrêtée, mais n'a pas été nécessairement condamnée, ou qu'elle a été mise sous garde en vertu de la Loi sur la détention des personnes en état d'ébriété. Ces renseignements sont conservés pour les forces policières. Je ne sais pas si les renseignements sur les permis sont liés à cela. Je sais que le registre y est lié automatiquement.

Le sénateur Baker : Monsieur le président, d'autres témoins lors de prochaines séances pourraient peut-être répondre à la question.

Le sénateur Runciman : Étiez-vous le ministre de la Justice du Manitoba lorsque ces mesures législatives ont été examinées?

M. Toews : Oui.

Le sénateur Runciman : C'est ce que je pensais. J'étais solliciteur général de l'Ontario et j'ai comparu devant le comité et je me suis dit préoccupé par le fait que des bureaucrates du gouvernement provincial de l'époque estimaient qu'il en coûterait plus de 1 milliard de dollars. Je pense que M. Rock, le procureur général du Canada et ministre de la Justice de l'époque, disait qu'il en coûterait 2 millions de dollars.

M. Toews : Il s'agirait du coût net.

Le sénateur Runciman : Nous avons exprimé nos inquiétudes, non seulement au sujet des coûts, mais aussi sur le fait que cela n'aurait aucun effet sur les crimes commis au moyen d'une arme à feu. Nous avons dit que nous préférions que cet argent soit investi dans les services de police de première ligne. Je ne sais pas si vous avez comparu au nom de votre province.

M. Toews : Non. Je suis devenu procureur général de la province en 1997, et peu de temps après, M. Rock est venu me voir et m'a dit clairement que si nous n'appliquions pas cela, il me poursuivrait. Il ne l'a pas encore fait bien que je lui ai dit très clairement que nous ne l'appliquerions pas. C'était une directive claire de notre gouvernement. J'ai trouvé paradoxal que tout en instaurant ce registre massif, ils aient fermé la Division dépôt de la GRC à Regina. L'un de nos députés, le député du Yukon, était membre de la troupe 4 en 1998 lorsqu'on lui a dit que ce serait la dernière troupe qui obtiendrait un diplôme à la Division dépôt, qu'on n'y formerait plus d'agents de la GRC parce qu'on n'en avait pas les moyens.

J'ai trouvé incroyable que tout en fermant la Division dépôt, ils aient instauré le registre. Cela allait vraiment compliquer la tâche des gens qui tentaient d'appliquer la loi au Manitoba, par exemple, car nous n'avions pas assez de policiers. Il y avait beaucoup de postes à pourvoir. Compte tenu du taux de retraite à l'époque, en cinq ans, 50 p. 100 des membres de la GRC devenaient admissibles à la retraite.

C'est pourquoi, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, 300 agents par année recevaient un diplôme. La Division dépôt a été rouverte et il y a eu 300 diplômés en 2006. Nous avons très rapidement fait augmenter le nombre à 1 800 diplômés par année afin de combler l'énorme manque de policiers.

Le sénateur Runciman : Dans cette assemblée, en ce qui concerne l'abolition du registre, je crois remarquer une certaine confusion parmi les gens qui habitent dans un milieu urbain ou dans une grande ville. Ils pensent que le gouvernement élimine le contrôle des armes à feu. À mon avis, le contrôle des armes à feu comprend un régime de permis, l'entreposage sécuritaire et la vérification des antécédents, et il n'a vraiment rien à voir avec le registre. Je ne sais pas comment le gouvernement pourrait arriver à dissiper cette impression, mais elle est assez répandue dans les zones fortement peuplées. Je me demande si ce problème vous préoccupe, et, si c'est le cas, s'il y a une façon de le régler.

M. Toews : Vous remarquerez que lorsque des députés de l'opposition, et je suis sûr que cela ne se produit pas au Sénat, parlent du registre, ils parlent toujours du contrôle des armes à feu en général et mélangent tout, et ne font pas de distinction entre le registre et la délivrance de permis. Vous remarquerez que les députés du parti au pouvoir parlent toujours de l'octroi de permis et du contrôle des armes à feu en fonction du contexte. Lorsqu'ils parlent du registre, il est clair qu'ils parlent de quelque chose qui diffère de ce que nous considérons comme le contrôle des armes à feu. Cet emploi des termes contribue à la confusion.

S'il y a un endroit où il n'y a pas de confusion, c'est bien dans les milieux ruraux; dans une circonscription comme celle que je représente. En 2000, lorsque j'ai été élu, des chasseurs américains venaient, en particulier dans les secteurs les plus pauvres de cette circonscription, dans le sud-est du Manitoba en VTT, et ils louaient des chambres d'hôtel, mangeaient dans les restaurants et avaient recours à des guides. Cette industrie est démoralisée. De nos jours, en circulant sur la route 12 à l'automne, on peut klaxonner chaque minute lorsque des chevreuils passent sur la route parce que les gens ont pratiquement cessé de pratiquer la chasse comme mode de vie. Je pense que bien des gens acceptent très mal de porter le poids d'une attaque malavisée sur ce que signifie lutter contre les crimes. Pour les chasseurs, les guides et d'autres personnes, cela faisait partie de leur vie, et ils ont eu en quelque sorte l'impression qu'on les voyait comme des criminels. Le pire, c'est que cette situation a créé une division entre les policiers et les citoyens respectueux de la loi qui devraient appuyer les policiers sur bon nombre d'initiatives et qui deviennent maintenant suspects aux yeux des policiers parce qu'ils cachent un fusil de calibre 22 dans leur grange ou leur sous-sol. C'est terriblement malheureux, car on s'est aliéné les mauvaises personnes plutôt que de se concentrer sur les criminels.

Le sénateur Runciman : Si c'est approprié, vous pourriez envisager d'établir un plan de publicité sur le contrôle des armes à feu pour rassurer les Canadiens inquiets.

Le projet de loi contient-il des éléments qui ont des répercussions sur le processus de délivrance de permis, la vérification des antécédents ou le type d'armes qui peuvent être achetées ou vendues légalement au Canada — en d'autres termes, le contrôle des armes à feu?

M. Toews : Il n'y a aucun changement à cet égard. En fait, lorsque nous avons présenté le projet de loi, j'ai remarqué que des gens se demandaient s'il y aurait des répercussions sur le processus de classification des armes à feu. C'est une tout autre question. Il y a des questions légitimes d'une façon ou d'une autre. Telle arme à feu devrait-elle être considérée comme une arme à autorisation restreinte? C'est une tout autre question sur laquelle l'abolition du registre n'a pas de répercussions.

Le président : C'est au tour du sénateur Jaffer, qui sera suivie du sénateur Dagenais.

M. Toews : Mes réponses seront un peu plus brèves.

Le président : Nous sommes ici pour vous écouter, monsieur le ministre.

Le sénateur Jaffer : Pour faire suite à ce que disait mon collègue, le sénateur Baker, je tente de comprendre tout cela. Je suis fière de dire que je ne possède pas d'arme et que je n'ai pas de permis, car cela ne correspond pas à mon mode de vie. Beaucoup de gens qui vivent dans un milieu urbain sont comme moi, et pour qu'ils puissent comprendre ce qui se passe, pouvez-vous nous dire si c'est la meilleure façon de faire? Vous pouvez me corriger si je me trompe. Pour conduire une voiture, je dois obtenir un permis, n'est-ce pas?

M. Toews : Oui.

Le sénateur Jaffer : Si j'ai une voiture, je dois l'enregistrer.

M. Toews : C'est exact.

Le sénateur Jaffer : Si je veux acheter une arme d'épaule et l'utiliser, je dois avoir un permis.

M. Toews : C'est exact.

Le sénateur Jaffer : Je devrai passer par des vérifications policières.

M. Toews : C'est exact.

Le sénateur Jaffer : La seule différence maintenant, c'est que le projet de loi ne m'oblige pas à l'enregistrer.

M. Toews : Dans le cas d'une arme d'épaule, oui.

Le sénateur Jaffer : Je dois encore enregistrer les armes de poing.

M. Toews : Oui.

Le sénateur Jaffer : Si le projet de loi entre en vigueur, je n'aurai pas à enregistrer une arme d'épaule.

M. Toews : Vous n'aurez pas à enregistrer votre arme d'épaule, c'est exact.

Le sénateur Jaffer : Ce n'est pas restreint.

M. Toews : Soyons clairs. Je comprends la distinction, sénateur Baker.

Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je comprends. Les agriculteurs respectueux de la loi ressentent le stress d'être traités comme des criminels. Je peux les comprendre. Je viens de Vancouver, et je travaille dans des écoles et de jeunes enfants me disent, et en tant que parlementaire, je trouve cela très embarrassant, qu'ils ne peuvent pas aller jouer dans la rue à cause d'une personne qui vit à trois portes de là. C'est ce qui se passe concrètement dans la ville d'où je viens et c'est ce qui se produit pour les armes d'épaule. Le rapport de la police ici porte sur la GRC et dans l'Ouest canadien, les fusils à canon scié sont les armes de choix en raison de leur accessibilité.

M. Toews : Les fusils à canon scié ne sont pas autorisés.

Le sénateur Jaffer : Je crois comprendre qu'ils sont transformés.

M. Toews : Oui.

Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, avez-vous le projet de loi?

M. Toews : Oui.

Le sénateur Jaffer : Pouvez-vous aller à la page 5, s'il vous plaît?

M. Toews : Parlez-vous de l'article 5 ou de la page 5?

Le sénateur Jaffer : Il s'agit de l'article 23, à la page 5. Je suis préoccupée par ce qui se passe dans ma ville. Mes enfants et mes petits-enfants ne peuvent pas marcher dans les rues à cause de la présence des criminels. Comment les arrêtons-nous? Regardez ce que vous proposez à l'article 23, à la page 5.

M. Toews : Je ne suis pas sûr d'avoir la même version que vous, car j'ai une étude article par article ici.

Le sénateur Jaffer : La personne qui est avec moi va vous en donner un exemplaire. Nous avons surligné le passage pour vous.

M. Toews : Oui, je le vois :

b) le cédant n'a aucun motif de croire que le cessionnaire n'est pas autorisé à acquérir et à posséder une telle arme à feu.

Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je veux que vous examiniez l'alinéa 23b). Le cédant doit s'assurer de cela. Toutes les mesures législatives que j'ai examinées auparavant — « le cédant n'a aucun motif de croire que le cessionnaire n'est pas autorisé à acquérir et à posséder une telle arme à feu ». Je fais peut-être erreur, mais c'est un élément nouveau qui a été ajouté au projet de loi. Pourquoi a-t-on ajouté cet alinéa, monsieur le ministre?

M. Toews : C'est qu'il incombe à la personne qui possède légalement une arme à feu et qui la cède à quelqu'un d'autre d'obtenir suffisamment de renseignements pour s'assurer que la personne est titulaire d'un permis et ne fait pas l'objet d'une ordonnance d'interdiction.

Le sénateur Jaffer : Je suis très heureuse que vous le disiez. Monsieur le ministre, lorsque vous préparerez la campagne médiatique à laquelle mon collègue, le sénateur Runciman, a fait référence, j'espère que vous inclurez cette disposition. Il y a donc maintenant un fardeau supplémentaire pour le ou la propriétaire de l'arme, qui doit, lorsqu'il ou elle cède l'arme à une autre personne, vérifier si elle est titulaire d'un permis et s'assurer qu'il n'y a rien de suspect quant à la façon dont l'arme sera utilisée.

M. Toews : C'est une responsabilité; je ne sais pas si c'est nouveau ou si cela date de 1995, disons; je ne m'en souviens pas. Ce que je peux dire, c'est que nous croyons qu'il est important que le ou la propriétaire d'une arme à feu s'assure que la personne à qui il la cède est autorisée à en acquérir une.

Le sénateur Jaffer : C'est une exigence supplémentaire que vous imposez à une personne qui cède ou qui vend une arme.

M. Toews : Je ne dirais pas que c'est une exigence supplémentaire. L'alinéa vient remplacer ce qui est présentement en vigueur concernant le registre, car cette responsabilité est liée à un registre. C'est maintenant la responsabilité de la personne. Elle a une responsabilité à cet égard.

Le sénateur Jaffer : Si vous me permettez de paraphraser vos propos, vous dites que plutôt que d'inscrire l'arme dans le registre, vous imposez au cédant la responsabilité de s'assurer qu'il n'y a aucun motif de croire que l'arme ne devrait pas être cédée au cessionnaire. La responsabilité passe du vendeur à l'acheteur.

M. Toews : C'est exact. Le cessionnaire a toujours la responsabilité de détenir le permis. Cette personne peut toujours être accusée, mais le cédant aussi.

Le sénateur Jaffer : On dit déjà ici qu'il faut être titulaire d'un permis avant la cession d'une arme.

Le sénateur Fraser : J'ai une autre question avant que vous passiez à un autre sujet.

Monsieur le ministre, je suis ravie de vous entendre le dire. Je suis heureuse de savoir que c'est ce que vous croyez, et j'espère que vous le direz aux Canadiens. Toutefois, je ne suis pas la seule qui, en lisant l'article, n'a pas vu cette responsabilité. D'après ce que je comprends de l'alinéa 23a), c'est que la personne qui achète ou qui reçoit l'arme doit être titulaire d'un permis. La seule responsabilité qu'a la personne qui vend, donne ou échange l'arme, c'est qu'elle doit n'avoir aucun motif de croire que l'autre personne n'est pas autorisée à acquérir et à posséder une telle arme à feu.

C'est, il me semble, une exigence beaucoup plus passive. Je pourrais dire que je n'ai aucun motif de croire que vous êtes membre du Parti progressiste-conservateur. En effet, comme le parti n'existe plus, je n'ai aucun motif de croire que vous en êtes membre. Peut-être que le parti existe quelque part et que vous en êtes membre.

M. Toews : Quand quelqu'un nous demande si on peut lui prêter notre voiture, on lui dit : « Oui, vous pouvez conduire ma voiture. Avez-vous un permis de conduire? » On pose la question. S'il s'agit d'une personne qu'on ne connaît pas bien, on ajoute : « J'espère que votre permis de conduire est valide. » On essaie d'obtenir, d'une façon ou d'une autre, une certaine assurance. Il en va de même dans ce cas-ci.

Le sénateur Fraser : Si je travaillais dans ce domaine et que je savais que la plupart de mes clients n'étaient pas nécessairement des citoyens canadiens honnêtes, mais qu'ils étaient plutôt des personnages douteux, il serait à mon avantage de simplement dire : « Il n'y a aucun motif de croire qu'ils n'ont pas de permis. Voici l'arme à feu. »

M. Toews : Je doute qu'on trouve des vendeurs d'armes à feu — surtout des détaillants — qui agissent ainsi.

Les criminels évitent toujours ce genre de chose. Quand vous achetez une chaîne stéréo dans un magasin, on vous donne un reçu; si, après six mois, vous y retournez pour la garantie parce que quelqu'un l'a brisée, le préposé consultera les données dans l'ordinateur parce que toute l'information se trouve là. Il saura, en règle générale, ce que vous avez acheté et quand vous l'avez acheté. C'est ce que font les magasins.

Dans le contexte qui nous occupe, tout ce que nous faisons, c'est imposer à la personne le fardeau de convaincre que la possession est légitime. Le défaut de se conformer à la loi pourrait entraîner une très longue peine d'emprisonnement.

Les gens qui vendent des armes à feu tronquées ne se préoccupent pas des permis parce qu'ils ont affaire à des armes à feu interdites. Les membres de gang se fichent du registre ou du système de délivrance de permis. Par conséquent, nous devons imposer une peine d'emprisonnement obligatoire, une inversion du fardeau de la preuve et de nombreuses autres initiatives que notre gouvernement a...

Le sénateur Fraser : Monsieur le ministre, j'aimerais bien pouvoir parler longuement de cette question, mais je suis en train de gruger le temps de mes collègues.

M. Toews : D'accord.

Le sénateur Baker : J'ai une brève question supplémentaire à poser parce qu'il s'agit d'une affaire que vous avez plaidée, monsieur le ministre, lorsque vous étiez procureur de la Couronne. Cela concerne la différence entre un motif de croire et un motif de soupçonner. Dans le projet de loi, on utilise l'expression « motif de croire », ce qui est nettement différent d'un motif de soupçonner. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Toews : Je vais prendre l'exemple de la poursuite en justice des conducteurs aux facultés affaiblies. Si je ne me trompe pas, quand on a un motif de croire que quelqu'un a bu, on peut lui administrer l'alcootest sur le bord de la route.

Si la personne a bel et bien consommé de l'alcool — c'est confirmé par l'alcootest — on a alors des « motifs raisonnables de croire ».

Le sénateur Baker : Il y a donc deux normes différentes. Le « motif de croire » est une norme supérieure.

M. Toews : Je pense que le « motif de croire » est supérieur au « motif de soupçonner ».

Le sénateur Baker : C'est ce que vous aviez fait valoir quand vous étiez procureur.

M. Toews : Toutefois, ce n'est pas aussi élevé que les « motifs raisonnables »; c'est donc différent.

Pour le commun des mortels, pour ainsi dire, il n'y a pas de norme juridique précise à suivre pour déterminer cela. Nous essayons de faire en sorte que les gens comprennent qu'ils doivent prendre des mesures raisonnables afin d'avoir l'assurance que la personne a le droit d'acquérir une arme à feu.

Le président : Nous devons poursuivre. Encore une fois, nous sommes conscients du temps limité dont vous disposez, mais j'aimerais revenir au sénateur Jaffer. Elle a une autre question à poser. Ensuite, il y a cinq autres sénateurs qui souhaitent poser des questions.

Le sénateur Jaffer : Il y a quelques semaines, lors de votre comparution devant le comité, vous avez parlé avec beaucoup de passion du projet de loi C-10 et de votre souhait de rendre les rues et les collectivités plus sûres.

M. Toews : En effet, et je remercie le Sénat d'avoir adopté le projet de loi.

Le sénateur Jaffer : J'ai vu à quel point cette question vous passionnait. Alors, je ne comprends vraiment pas pourquoi vous présentez maintenant le projet de loi C-19. Le comité de direction nous a demandé d'entendre pratiquement tous les agents de police au pays. Ceux-ci nous ont répété le même message tel un mantra : « Nous voulons les outils nécessaires pour lutter contre la criminalité; nous voulons les outils nécessaires pour lutter contre la criminalité. » Je pouvais entendre ces mots dans mon sommeil chaque nuit.

Il s'agit d'un outil dont disposent les policiers pour lutter contre la criminalité. Je crois comprendre qu'ils vérifient le registre 16 000 fois par jour! J'en ai été témoin lorsque je les ai accompagnés en voiture : lorsqu'ils sont appelés sur les lieux d'une scène de violence, ils vérifient d'abord la présence d'armes à feu.

Il y a quelques semaines, j'étais à bord d'une voiture de police lors d'une intervention et, avant de sortir de la voiture, les policiers ont vérifié s'il y avait une arme à feu. Nous ne sommes pas entrés dans la maison parce qu'il y avait une arme à feu à l'intérieur. Pourquoi retirons-nous cet outil des policiers?

M. Toews : Voulez-vous dire que si les policiers n'avaient trouvé aucune arme à feu associée à cette adresse dans le registre, ils seraient alors entrés dans la maison?

Le sénateur Jaffer : Ils se sentent plus en sécurité s'ils savent qu'il n'y a pas d'arme à feu dans la maison. C'est ce qu'ils me disent.

M. Toews : Je n'ai jamais entendu un policier dire cela, parce qu'on trouve une arme à feu dans chaque maison où on est appelé à intervenir.

Le sénateur Jaffer : Ils en font une vérification avant d'entrer dans la maison. C'est ce qu'ils m'ont dit à maintes reprises. Ils vérifient, par souci de précaution, s'il y a une arme à feu et si la personne a un permis.

M. Toews : Pour conclure, on sait au moins que la personne qui a enregistré l'arme à feu est un citoyen respectueux des lois. Les criminels, eux, ne l'enregistrent pas.

Le président : Nous recevrons d'autres témoins, et vous pourrez leur poser cette question.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre, de votre présence ainsi que de votre détermination dans ce dossier.

Vous savez qu'au Québec nous avons un ministre de la Sécurité publique, M. Jean-Marc Fournier, qui réclame les données du registre pour bâtir le sien. Il a même mentionné vouloir s'adresser aux tribunaux. Pouvez-vous expliquer les raisons qui motivent le refus du gouvernement de remettre ces informations?

[Traduction]

M. Toews : Le registre a été créé selon certains principes en matière de loi pénale, sous certaines conditions. Nous avons dit aux Canadiens que ces informations seraient utilisées par le gouvernement fédéral en vue d'un registre de droit pénal, et c'est effectivement ce que nous avons fait.

Nous avons maintenant pris l'engagement d'abolir le registre parce que nous ne le trouvons pas efficace. Le registre et les données sont inséparables. Un de mes concitoyens a dit : « Vous savez, si on ne se débarrasse pas des données, c'est comme si je disais à mon voisin qui veut acheter ma ferme que je vais lui vendre la ferme, mais garder les terres. » Cela n'a pas de bon sens. Les deux sont inséparables; nous prenons donc l'engagement de nous débarrasser du registre. Autrement dit, nous vendons la ferme. Les terres sont liées à la ferme; on se débarrasse des deux.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Peut-on aller jusqu'à dire que l'opposition à l'abolition du registre des armes longues est urbaine, et résulte d'un manque de connaissance de ce qui se passe dans les terres rurales ou éloignées?

[Traduction]

M. Toews : Dans une certaine mesure, c'est vrai. La première fois que je suis allé à ma circonscription, parce que je viens du quartier nord-est de Winnipeg où j'étais député à l'assemblée législative, le registre était également un gros problème là- bas pour les chasseurs et les particuliers. Dans les régions rurales, le registre était un enjeu non seulement pour les chasseurs et les agriculteurs, mais aussi pour leurs épouses qui étaient en colère, elles aussi. Je n'avais rien vu de tel auparavant, parce que le fait qu'on les qualifiait tous de criminels était considéré comme une insulte à leur mode de vie. À mon avis, pour réellement comprendre à quel point il s'agit d'une question profondément personnelle pour bon nombre de ces gens, il faut vivre dans une de ces régions.

Cela dit, quand j'étais député provincial, j'ai observé une opposition très forte au registre dans ma propre circonscription, Rossmere. Il est intéressant de noter que le gouvernement néo-démocrate qui a succédé au nôtre a maintenu son opposition au registre et a dit qu'il n'appliquerait pas les exigences du registre, et le gros de leurs appuis provient du milieu urbain plutôt que rural.

Le président : J'ai sur ma liste, entre autres, les sénateurs Hervieux-Payette et White. J'aimerais que tout le monde ait l'occasion d'intervenir au premier tour.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Bienvenu, monsieur le ministre. Je me réfère à votre texte de présentation et je vais vous en citer un bout en anglais, mais j'aimerais avoir vos commentaires et, si vous me le permettez, je vais m'exprimer dans ma langue.

[Traduction]

[...] personne n'a réussi à me convaincre que le registre des armes d'épaule a empêché un seul crime ou a sauvé une seule vie.

[Français]

Lorsque j'ai fait mes commentaires au Sénat sur le projet de loi, j'ai dit — et je vous fais remarquer que nous sommes quatre femmes sur cinq sénateurs de ce côté-ci — que les statistiques démontrent que le nombre d'homicides conjugaux de femmes par arme à feu a diminué de 64 p. 100 entre 1995 et 2007, et que, de 2000 à 2009, près du quart, soit 23 p. 100 des homicides entre conjoints, étaient commis avec une arme à feu.

Ces statistiques viennent généralement d'organismes qui relèvent même du fédéral, parce que Statistique Canada et votre ministère gardent aussi des statistiques.

Pouvez-vous me dire où vous avez pris cette donnée ou si c'est un sentiment personnel?

[Traduction]

M. Toews : Comme je l'ai dit, c'est une opinion personnelle, mais je m'appuie sur les conversations que j'ai eues tout récemment, il y a quelques jours à peine, avec un ancien chef de police d'un grand service de police métropolitain. Un de ses adjoints — qui lui a ultérieurement succédé au poste de chef de police — s'est fait demander par un haut fonctionnaire s'il pouvait trouver un cas de meurtre qui avait été résolu grâce au registre et, après vérification, l'adjoint a affirmé qu'il n'y en avait aucun.

C'est le genre de témoignage que j'ai entendu. Je ne pense pas qu'on puisse établir une corrélation entre le registre et la diminution du nombre de cas de violence conjugale. Selon moi, l'argument est plus valable du point de vue de la délivrance de permis et des efforts pour s'assurer que les gens mentalement instables ou dangereux n'ont pas accès à des armes à feu, mais il s'agit là d'une question qui n'a rien à voir avec le registre. Bref, on pourrait faire valoir un argument en ce qui concerne la délivrance de permis.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous venez tout simplement de compléter ma deuxième question. Le taux de suicide par arme à feu a diminué de 48 p. 100 entre 1995 et 2008.

Généralement ce sont des personnes dépressives. Il faut faire quand même la différence entre les problèmes de santé mentale et la dépression en est un qui, à l'extrême, conduit au suicide.

On a vu une réduction des suicides. Vous allez me dire, encore, que dans ce cas-ci, c'est tout à fait par hasard, qu'il n'y a pas de lien direct entre le fait qu'on puisse s'assurer qu'une personne souffre de dépression, de problème de santé mentale. Les proches peuvent intervenir et demander de l'aide pour être capables de retirer l'arme à feu puisque cette personne n'est plus apte à posséder une arme à feu et peut se suicider.

Cela revient à dire que nous avons des statistiques et une diminution du taux de suicide. À quel facteur attribuez- vous cette diminution? Est-ce un facteur sur un plan scientifique ou est-ce un hasard, alors que la population augmente et que le taux de suicide diminue?

[Traduction]

Le président : Je pense que le ministre comprend votre question. Je suis désolé de vous interrompre, mais je crois qu'il comprend probablement la question.

M. Toews : Oui, je la comprends bel et bien. Je n'ai tout simplement pas vu d'éléments de preuve en faveur d'une corrélation entre le registre et la diminution du taux de suicide.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Alors, vous contestez toutes les statistiques de Statistique Canada, qui disent qu'il y a une réduction du nombre d'homicides commis à l'aide d'arme d'épaule, carabine et fusil de chasse, qui ont diminué de 41 p. 100 entre 1995 et 2010. Le nombre d'homicides par armes d'épaule a atteint son plus bas niveau depuis que ces données ont commencé à être comptabilisées en 1961. Cela aussi c'est un hasard? C'est tombé du ciel. Le registre n'a pas du tout joué de rôle positif et toutes les femmes de Montréal, y compris celles qui ont perdu un enfant à Polytechnique, s'en font toutes pour rien?

Pour vous, quelle est la vraie raison puisque les statistiques nous donnent raison à savoir que depuis qu'il y a le registre, il y a une diminution?

[Traduction]

Le président : Sénateur, avez-vous une question précise à poser? Je pense que vous avez demandé au ministre si...

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai demandé au ministre de m'expliquer la raison pour laquelle on constate une diminution. Je crois que c'est clair.

[Traduction]

Le président : Est-ce là votre question?

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Oui

[Traduction]

Le président : Monsieur le ministre, avez-vous compris la question?

M. Toews : Oui.

Le président : Voulez-vous répondre?

M. Toews : Je n'ai pas vu de corrélation entre le registre et la diminution du nombre de suicides par arme à feu.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai parlé des homicides également.

[Traduction]

M. Toews : Je ne peux pas expliquer cela.

Le président : Je regrette, mais nous devons passer au prochain intervenant.

M. Toews : Tout ce que je peux dire, c'est que relativement au registre, je n'ai vu aucune corrélation.

Le sénateur White : Je vais m'excuser plus tard si jamais mes propos sont déplacés, mais j'aimerais d'abord corriger une fausse impression. Après 31 ans de carrière dans la police, je peux dire qu'on trouve une arme à feu dans chaque maison, et c'est la réalité au Canada. Par ailleurs, ayant travaillé dans le Nord du Canada pendant 19 ans, s'il fallait que j'attende avant d'entrer dans une maison parce qu'il y avait une arme à feu à l'intérieur, je serais toujours devant de la première maison.

Pour corriger la perception du public, je rappelle que plus de 1,9 million de Canadiens ont des permis de possession et d'acquisition ou des permis de mineurs. Avec les modifications proposées, chacun de ces titulaires de permis devra respecter les mêmes exigences que dans le passé. Est-ce exact?

M. Toews : Absolument.

Le sénateur White : Je suggère qu'il n'y en ait pas, mais y aura-t-il des changements concernant l'entreposage sécuritaire des armes d'épaules et des munitions en vertu du projet de loi C-19?

M. Toews : Cela demeurera inchangé.

[Français]

Le sénateur Chaput : Monsieur le ministre, j'ai écouté attentivement votre présentation et vous avez dit que le projet de loi C-19 maintenait l'obligation de détention d'un permis pour tous les propriétaires d'armes à feu, maintient les restrictions actuelles en matière de transfert et de transport d'armes à feu prohibées ou restreintes et aussi, enlève l'obligation d'enregistrer les carabines et fusils de chasse achetés en toute légalité.

J'aimerais porter un point à votre attention que vous n'avez pas mentionné. Vous le savez sûrement. Le projet de loi C-19 enlève ou abolit l'obligation de vérification de la validité du permis lorsque l'arme est vendue.

Ce n'est plus obligatoire. C'est maintenant volontaire maintenant. Pourquoi est-ce que cette obligation avait été maintenue dans le projet de loi S-5, et qu'elle est maintenant enlevée dans le projet de loi C-19?

[Traduction]

M. Toews : Nous avons clairement précisé qu'il y a encore une obligation qui pèse sur le vendeur et l'acheteur de l'arme à feu. Ils doivent avoir légalement le droit d'effectuer cette cession. Nous avons maintenu cette obligation.

[Français]

Le sénateur Chaput : Le vendeur n'a plus l'obligation de vérification du permis. C'est volontaire. Il n'y a pas d'obligation de vérifier si le permis est valide. C'est ce que j'ai compris.

[Traduction]

M. Toews : Ils doivent avoir des raisons objectives de le croire. Ils ne peuvent pas tout simplement se voiler délibérément les yeux. C'est la même situation si une personne vous offre de vous vendre un vélo et que vous refusez délibérément de tenir compte du fait qu'il a peut-être été volé. Vous avez l'obligation de découvrir la vérité, parce que si vous ne le faites pas, vous serez accusé et reconnu coupable de possession de biens volés.

L'analogie est semblable au cas présent. Aucun acheteur potentiel ne demandera au propriétaire du vélo de lui fournir des documents. Vous pouvez vouloir ces documents et vous pouvez les demander, mais vous examinerez les circonstances et déterminerez objectivement que la personne avait raison de le croire dans les circonstances.

[Français]

Le sénateur Chaput : Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, l'achat d'un permis pour bicyclette ou d'un permis pour détenir une arme à feu, c'est quand même différent.

Ne croyez-vous pas que quil est obligatoire de détenir un permis valide pour acheter une arme à feu. Ne devrait-on pas rendre obligatoire la vérification du permis lors de la vente? Est-ce que l'un ne va pas avec l'autre?

[Traduction]

M. Toews : En tenant compte de la pénalité de cinq ans qu'il y a dans le cas d'une cession, c'est suffisant pour me convaincre que la personne à laquelle je vends une arme à feu est légalement autorisée à en acquérir une.

[Français]

Le sénateur Chaput : Alors, l'obligation est à la personne et non pas au vendeur?

[Traduction]

M. Toews : Celui qui acquiert le fusil doit être légalement autorisé à le faire, et il faut que la personne qui le vend s'assure que la personne à laquelle il le vend a légalement l'autorisation d'acquérir une arme à feu.

Je ne dis pas qu'un vélo est l'équivalent d'un fusil. Je fais seulement valoir que lors de la vente de biens entre particuliers il faut être certain qu'il ne s'agit pas de biens volés. L'obligation est la même pour les deux parties.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci, monsieur le ministre, d'être ici pour nous expliquer les objectifs de ce projet de loi. Je sais que le dossier du registre des armes à feu, particulièrement au Québec, est un dossier très émotif. On le sait, c'est un registre, qui a pris naissance suite à un acte inconcevable à la Polytechnique de Montréal où 14 jeunes femmes ont été assassinées. Et, au cours des années, on a fait de ce registre un symbole de dénonciation de violence faite aux femmes, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, même questionner son utilité, culpabilise beaucoup d'hommes et beaucoup de gens veulent questionner. C'est comme si on nous culpabilisait et qu'on nous retournait à la violence faite aux femmes. C'est difficile d'avoir un débat objectif sur le registre des armes à feu quant à son utilité.

Lorsqu'on parle de statistiques, il faut être prudent. À ma connaissance, toutes les statistiques par rapport au registre des armes à feu partent de 1995, pour la décroissance des homicides et des suicides.

J'ai fait une autre analyse, parce que dans le fond, sur le plan scientifique, si on veut comparer des statistiques il faut comparer des périodes dans le temps. J'ai pris 1979 à 1995, qui donnent 15 ans, et 1995 à 2009, une autre période de 15 ans. On regarde la décroissance du suicide de 1979 à 1995, et la même chose pour 1995 et 2009. C'est environ 1 p. 100 par année indépendamment de l'adoption du registre. Si je regarde 1995, il y a une augmentation de la criminalité, et en 1992, une augmentation des suicides et homicides, et en 1995, une augmentation alors que le registre était adopté.

Lorsqu'on regarde les données, qu'est-ce que cela dit sur le plan de la statistique ou scientifique?

[Traduction]

M. Toews : Voilà pourquoi je ne tenais pas à me lancer dans ce débat. J'ai déjà passé en revue à plusieurs reprises les statistiques. Voilà pourquoi j'ai dit qu'il n'y a aucun rapport entre le registre et le registre des armes d'épaules. Il n'y a tout simplement aucun lien. Comme vous l'avez très bien souligné, cela dépend du moment où on débute. Voilà la différence.

La tuerie de l'École Polytechnique est une horrible tragédie. De telles tragédies ont mis l'accent sur l'importance d'adopter des mesures fortes et efficaces contre l'utilisation à mauvais dessein des armes à feu, ainsi que des mesures préventives pour éviter que des gens déséquilibrés ou ayant des intentions criminelles ne mettent la main sur des armes à feu. Voilà ce qu'il faut faire. Mon objectif n'est pas seulement que les gens se sentent en sécurité. Je veux que les gens le soient, et il n'y a rien dans le registre qui rend les rues plus sûres.

Je peux vous dire que les peines d'emprisonnement obligatoires imposées à ceux qui choisissent de se servir d'armes à feu ont un excellent effet dissuasif sur ces gens. Si vous utilisez un fusil, vous vous retrouvez derrière les barreaux.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur cet élément. Revenons au registre des armes à feu. En ce qui concerne les statistiques, le fait demeure que le registre n'est pas exact. Selon les renseignements qu'on nous a fournis, jusqu'à 90 p. 100 des données en ce qui a trait à la documentation et au registre sont erronées.

J'aimerais entendre le ministre sur cet aspect du registre, qui ne s'avère pas vraiment un registre s'il n'est pas exact.

M. Toews : C'est vrai. En discutant avec mes électeurs de questions portant sur le registre, particulièrement avant l'amnistie de 2006, c'était constant.

Je m'occupe actuellement du dossier de l'un de mes électeurs dont les armes à feu ont été volées à son domicile. Elles ont été saisies par les autorités policières. Les armes étaient enregistrées au nom du voleur ou de la personne qui les a acquises du voleur, même si le propriétaire les avait déjà enregistrées à son nom.

Voilà le type de problème qui peut survenir. Ce pauvre homme essaye simplement de récupérer ses armes à feu, mais un autre les a enregistrées. C'est probablement le voleur qui les a vendues à un tiers qui les a ensuite enregistrées. Les armes étaient tout de même déjà enregistrées; le même fusil est enregistré au nom de deux personnes.

Le président : Sénateur Boisvenu, est-ce que ça vous va si nous poursuivons?

J'aimerais soulever un point...

Le sénateur Hervieux-Payette : ... pour faire allusion à ce que j'ai mentionné?

Le président : Si cela ne vous dérange pas, sénateur, j'aimerais redonner la parole au sénateur Fraser. Elle a une autre question. Si elle peut être brève, j'aimerais lui donner l'occasion de la poser.

Le sénateur Fraser : Le sénateur Hervieux-Payette croit que ses propos ont mal été interprétés d'une certaine façon.

Le sénateur Jaffer : J'aimerais préciser quelque chose. La présidence a dit que nous nous rendrions jusqu'à 17 h 30. Par contre, c'est écrit 17 h 45 dans l'ordre du jour. Le ministre a gracieusement accepté de rester un peu plus longtemps. Nous avons donc le temps.

Le président : Même si nous avons jusqu'à 17 h 45, je crois comprendre que ce ne sera pas possible.

M. Toews : Je devais comparaître devant votre comité durant une heure, soit de 16 h 15 à 17 h 15, mais j'ai dit que j'étais prêt à rester 10 minutes de plus. Je vous ai en fait accordé 15 minutes de plus. J'ai un vote à 17 h45.

Le président : Allez-y, sénateur.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : En fait, je voulais revenir aux propos que le sénateur Boisvenu a tenus en référence aux statistiques que j'ai rapportées. J'ai cru comprendre qu'il disait que le registre des armes à feu a été créé à la suite de réactions émotionnelles féminines. À ma connaissance, les statistiques sont habituellement basées sur des éléments rationnels.

Monsieur le ministre, êtes-vous d'accord avec les propos du sénateur Boisvenu que c'est à cause de sentiments féminins qu'on a créé le registre ou pensez-vous qu'il y avait une bonne raison de gérer les armes à feu?

Je vous rappellerai qu'au Québec, 50 000 personnes détiennent une carte d'assurance-maladie périmée; j'espère que vous réalisez que tous les systèmes contiennent un pourcentage d'erreur admis.

Ma question est simple : niez-vous l'évidence scientifique ou souscrivez-vous à la théorie de mon collègue, qui pense que nous sommes toutes des personnes sentimentales?

[Traduction]

M. Toews : J'essaye de ne pas fonder mon argumentation sur les émotions, mais je peux dire que beaucoup de femmes se sentent comme des victimes dans le système de justice pénale. Elles sont plus souvent les victimes que les auteures des crimes. Il s'agit seulement des statistiques. Par conséquent, je crois que les femmes ont légitimement peur d'être des victimes.

À titre de ministre de la Sécurité publique, mon travail consiste à m'assurer de la présence de mécanismes qui font en sorte non seulement que les femmes se sentent en sécurité, mais aussi qu'elles le soient.

Le sénateur Fraser : Puis-je poser une question? Le ministre pourrait y répondre par écrit.

Comme vous le savez, il y a un type d'armes à feu qui n'est pas prohibé ou à autorisation restreinte, mais qui, selon l'opinion de la majorité, ne correspond pas aux besoins normaux d'un chasseur respectueux des lois. L'exemple le plus connu est le Ruger Mini-14 qui a été utilisé à l'École Polytechnique à Montréal. Tant que de telles armes à feu devaient être enregistrées, c'était peut-être un peu moins grave qu'elles ne soient pas classées comme des armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte. Cependant, elles ne seront maintenant plus enregistrées; nous n'aurons maintenant plus du tout de renseignements à leur sujet.

Êtes-vous prêt à demander à la GRC de revoir son système de classification pour le rendre considérablement plus sévère à ce chapitre?

M. Toews : Je ne vais pas m'ingérer dans le système de classification élaboré par la GRC.

Le sénateur Fraser : Je croyais que vous étiez ici pour répondre des actes de la GRC.

M. Toews : C'est le cas, mais je laisse la GRC gérer la question de la classification, en s'appuyant sur la loi. Cette question est un enjeu distinct qui n'est pas en lien avec le registre des armes d'épaule. Si votre comité veut mener une étude à ce sujet, parce que vous dites qu'il y a des problèmes concernant l'octroi de permis ou que la classification n'est pas exactement ce qu'elle devrait être, je crois que votre comité devrait se pencher sur la question. Je n'ai aucune objection à ce sujet.

Je ne crois pas que cette question est pertinente dans le présent contexte. Que le registre des armes d'épaule soit aboli ou non, cela ne modifie en rien le système de classification. C'est un enjeu distinct.

Le président : Sénateur, nous devons laisser le ministre retourner à la Chambre.

Monsieur le ministre, merci. À la lumière de nos questions, vous êtes à même de comprendre que nous aurions aimé que vous restiez plus longtemps, mais votre présence nous a été utile. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup de votre temps.

M. Toews : Je remercie les deux côtés du Sénat de leurs questions réfléchies et de leurs sincères préoccupations concernant cet enjeu précis. Je vous en remercie beaucoup. Je crois que les deux côtés essayent de bonne foi de faire valoir des points dont il faut discuter, et c'est exactement ce que vous faites. Merci.

Le président : Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-19. Nous sommes très heureux d'accueillir le constable Randall Kuntz du Service de police de la Ville d'Edmonton et Roger Granger, un policier à la retraite du Service de police de la Ville de Montréal. Je crois comprendre que ce dernier est un spécialiste en balistique. Je suis certain que vous nous aiderez dans notre étude du projet de loi C-19.

Monsieur Kuntz, je crois comprendre que vous avez un exposé. Vous avez la parole en premier.

Randall Kuntz, à titre personnel : C'est un honneur d'être ici. Merci beaucoup de votre invitation. Je témoigne à titre personnel, mais je suis aussi policier depuis 24 ans au Service de police de la Ville d'Edmonton. J'ai travaillé aux sections des homicides, des agressions sexuelles et de la violence faites aux enfants, de la confiscation des biens et des enquêtes criminelles générales; j'ai aussi fait de la patrouille.

Le projet de loi C-19 est l'équivalent d'un simple point de suture sur une plaie qui en nécessite une vingtaine. J'appuie le projet de loi C-19, mais on pourrait faire beaucoup plus. Le Canada n'a pas besoin d'une Loi sur les armes à feu, parce que l'acquisition et l'utilisation d'armes à feu ne sont pas des raisons qui justifient une telle loi. Des armes à feu sont utilisées chaque jour à divers titres par des citoyens respectueux de la loi sans causer de problèmes, de soucis ou de blessures. L'utilisation criminelle est déjà efficacement réglementée dans le Code criminel en vertu des articles sur les vols, les voies de fait armées et les meurtres.

Le projet de loi C-68 et la Loi sur les armes à feu ont été adoptés en réponse à une tuerie au Québec. Le meurtrier s'est suicidé; par conséquent, il n'y a pas eu de procès, et le criminel n'a pas payé sa dette envers la société. Voici ce qui s'est ensuite passé. Le gouvernement, appuyé par un groupe marginal faisant la promotion de valeurs allant à l'encontre de la liberté et des valeurs canadiennes, a adopté le projet de loi C-68 et s'en est pris aux propriétaires légitimes d'armes à feu.

Nous avons mis l'accent sur un objet inanimé, au lieu de le mettre sur le geste posé; voilà ce qui nous a menés où nous en sommes. C'était une position illogique, incorrecte et inefficace qui a coûté près de 3 milliards de dollars aux contribuables sans rapporter aucun rendement. La Loi sur les armes à feu se lit comme une bande dessinée composée de boîtes qui défie toute logique pour ceux qui connaissent les armes à feu. Son objectif n'est pas de prévenir les crimes ou de rendre les collectivités plus sûres; c'est simplement de mettre des bâtons dans les roues des propriétaires légitimes d'armes à feu.

Je suis instructeur de tir pour le compte de l'Alberta Hunter Education Instructors Association. Plus d'un million d'étudiants ont assisté à nos cours tenus en plein air. Nous avons tiré des millions de balles. Personne n'a été blessé ou n'est mort.

J'ai personnellement possédé plus d'un millier d'armes à feu. J'ai tiré plus d'un million de balles au cours de ma vie. Je n'ai jamais blessé un être humain, mais je ne peux pas en dire autant pour les orignaux, les ours et les chevreuils. Le projet de loi C-19 se veut simplement un moyen de corriger une erreur commise par un précédent gouvernement. Ce n'est pas un conflit opposant les villes aux campagnes. Le nombre de gens qui possèdent une arme à feu dans des villes comme Toronto, Ottawa, Vancouver, St. John's, Calgary et Edmonton est vraiment stupéfiant. Les propriétaires légitimes d'armes à feu proviennent de tous les horizons et de toutes les races, et ces millions de gens ont un lien commun : la pratique du tir sportif. La diabolisation de nos activités est discriminatoire, injuste, ouvertement étrange et contre-productive.

Nous ne sommes pas un danger pour la sécurité du Canada. En fait, nous l'améliorons. Une arme à feu n'est pas consciente du bien ou du mal. C'est tout simplement un outil. Le bien ou le mal provient de celui qui l'utilise, et cela s'applique à tout autre objet inanimé sur terre.

À titre d'exemple, je peux en ce moment chasser avec une carabine Colt de calibre 45, mais je ne peux pas avec une arme de poing Colt de calibre 45. Pourquoi? Parce qu'elle est plus petite. Cela me semble étrange. Ce n'est qu'un exemple parmi des dizaines et des dizaines d'exemples qui démontrent à quel point nos lois visent les propriétaires d'armes à feu de façon si pitoyable et inefficace.

Le projet de loi C-19 a pour objectif d'alléger le fardeau financier des citoyens canadiens, car le registre des armes d'épaule n'est que cela : un fardeau financier. Seize années ont prouvé qu'il ne s'agit pas d'un programme de sécurité publique efficace. Plus le registre et la Loi sur les armes à feu tout entière auront été retirés rapidement du droit canadien, mieux ce sera.

Merci.

Le président : Monsieur Granger, avez-vous une déclaration préliminaire?

[Français]

Roger Granger, à titre personnel : J'ai exercé les fonctions de policier durant 35 ans, et je suis retraité du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. J'ai été nommé sergent-détective en 1970. Je possède des armes à feu depuis 58 ans. J'ai été instructeur. J'ai passé une bonne partie de ma vie devant les tribunaux à titre de témoin expert, et ce depuis 1974, devant juge et jury ou juge seul. J'ai aussi agi dans le cadre de déontologie policière, à la Cour provinciale. J'ai donné des cours aux procureurs de la Couronne et à tous les organismes parapublics du ministère de la Justice.

J'ai travaillé à l'enquête lors des crimes à l'École Polytechnique. J'ai enquêté là-dessus et c'est moi qui ai trouvé l'identité de Marc Lépine. Durant cette période, plusieurs homicides ont été commis dans des milieux scolaires, entre autres à l'Université Concordia par Valery Fabrikant, au Collège Dawson par Kimveer Gill et à l'École Polytechnique par Marc Lépine. Il s'agissait toujours de gens qui avaient des armes enregistrées et des permis pour détenir ces armes.

Je considère que cela ne sert pas à grand-chose d'enregistrer les armes d'épaule. Ç'a été un cafouillis total. Personnellement, pour ce qui de la première série d'enregistrements, j'ai eu 80 enregistrements pour les armes à feu, et il y avait 80 erreurs. C'était tout considéré comme des carcasses. Après, durant des années, on me mettait dans une forme d'illégalité. Je n'avais même pas d'enregistrements pour mes armes à feu parce qu'ils étaient incapables de suffire.

Encore aujourd'hui, il y a des lacunes. J'ai reçu des enregistrements cette semaine pour un transfert d'arme à feu complété depuis deux ans. Cela ne fonctionne pas et cela ne donne absolument rien. L'important, c'est la personne qui l'utilise et c'est le fait de prendre des mesures contre ceux qui se servent des armes illégalement.

C'est toujours ceux qui possèdent des armes de façon légale qui ont des contraintes dans le système actuel; les criminels, cela ne les dérange pas. Ils n'enregistrent pas leurs armes et les armes d'épaule ne sont pas les armes utilisées pour commettre les crimes, à l'exception des drames conjugaux, mais, à toutes fins utiles, c'est toujours des gens qui ont des permis pour les obtenir.

Cela ne change absolument rien d'avoir un registre d'armes d'épaule, car ce ne sont pas ces armes qui sont utilisées. Ce sont davantage les armes prohibées. Le législateur a agrandi le cadre des armes à autorisation restreinte, des armes prohibées. Il y a eu des dispositions au plan de l'entreposage, pour ne pas détenir de munitions en même temps que les armes à feu. Ça, c'est fonctionnel, mais les armes d'épaule, je considère cela comme une erreur.

Cela a créé du travail à tout casser pour ceux qui opéraient dans ces milieux. Ce sont les possesseurs d'armes légales qui se sont fait éclabousser dans tout ça, pas les criminels. Alors, si vous avez des questions au sujet des armes utilisées, n'hésitez pas parce que j'ai pas mal d'expérience dans le domaine.

[Traduction]

Le président : J'aurais une question à poser. Vous avez mentionné votre participation à l'enquête sur les meurtres à l'École Polytechnique et sur Marc Lépine. Pourriez-vous en parler davantage? Quel était votre rôle dans cette enquête? Je suis certain que cela nous intéressera tous.

M. Granger : Marc Lépine n'avait pas d'empreintes digitales, et il s'est enlevé la vie avec une arme à feu. Nous n'avions aucune façon de l'identifier. Mettre sa tête sur le téléviseur n'était pas une bonne idée, parce qu'il a utilisé des munitions de 5,56 mm. Il n'était pas en bon état. J'ai réussi à l'identifier grâce aux balles qu'il utilisait. Elles étaient importées de Yougoslavie et ont été achetées sur la rue Saint-Hubert, chez Checkmate Sports. En quelques heures, j'ai réussi à trouver son identité.

Le président : Le rôle que vous avez joué par l'enquête était d'identifier...

M. Granger : J'étais sur les lieux parce que tous les sergents-détectives étaient en devoir ce soir-là; une fille avait été tuée et son corps avait été retrouvé près de l'endroit où sont mises des ordures. Elle avait été découpée en morceaux. Nous travaillions tous sur ce cas le jour où Lépine s'est présenté à l'École Polytechnique.

J'ai aussi travaillé lorsque le caporal Marcel Lemay s'est fait tirer dessus pendant la crise d'Oka. J'ai participé à cette enquête. On faisait surtout appel à mes services par rapport aux armes et aux munitions.

Le président : Je vous remercie, monsieur Granger.

Le sénateur Fraser : Je n'ai pas de questions pour les témoins. J'aurais deux choses à dire.

[Français]

Monsieur Granger, je veux vous remercier pour tout le travail que vous avez fait, surtout dans les cas dont on a parlé plus tôt. En tant que Montréalaise, je suis très reconnaissante pour ce que vous avez apporté à ces investigations.

[Traduction]

En tant que Montréalaise, je n'ai jamais cherché à me venger et je ne connais personne qui l'a fait, comme quiconque parmi nous n'a jamais cru que le registre des armes à feu permettrait de résoudre tous les crimes ou de les prévenir. Cependant, comme cela a été indiqué plus tôt, nous avons en effet cru que n'importe quel outil qui pourrait nous permettre d'éviter ou de résoudre des tragédies à l'avenir était utile. Mes filles sont toutes les deux allées au Collège Dawson et à l'Université Concordia, et l'idée que des hommes armés puissent circuler librement dans les couloirs d'un endroit fréquenté par mes filles était suffisante pour me faire dire : « les policiers ont besoin de beaucoup d'outils; pas seulement de celui-ci, mais celui-ci, entre autres. »

Le sénateur Lang : Je souhaite la bienvenue à nos invités, et j'aimerais d'abord poser un certain nombre de questions à M. Kuntz. Simplement pour que je comprenne bien vos antécédents, vous êtes policier?

M. Kuntz : Oui, monsieur. Vingt-quatre ans au service de police d'Edmonton.

Le sénateur Lang : N'avez-vous pas mené plusieurs sondages auprès des policiers de première ligne du service de police d'Edmonton — et aussi à l'échelle nationale — pour savoir si le registre des armes à feu était utile, avoir une idée de ce qu'en pensaient les policiers de première ligne et s'il s'agissait d'une bonne utilisation de l'argent des contribuables?

M. Kuntz : Oui, j'ai mené une enquête nationale auprès des policiers pendant 14 mois. L'association des policiers d'Edmonton a fait son propre sondage. Les résultats ont été publiés l'an dernier, à la fin du mois d'avril, à la veille des élections fédérales.

Le sénateur Lang : Pourriez-vous nous parler davantage des résultats?

M. Kuntz : J'ai été contacté par 2 631 policiers de chaque province et territoire; 2 410 d'entre eux étaient favorables à l'abolition du registre des armes à feu et 211 appuyaient le registre. L'association des policiers d'Edmonton a réalisé un sondage auprès de ses membres et 81 p. 100 des policiers de l'association ont voté pour l'abolition du registre des armes à feu, qu'ils considéraient comme un outil d'application de la loi inutile. Je collabore avec deux ou trois membres de l'Équipe nationale de soutien à l'application de la Loi sur les armes. Ils ont clairement indiqué que le registre des armes d'épaule n'est pas seulement un outil d'application de la loi inutile, mais qu'il est aussi impossible d'obtenir un mandat de perquisition en se fondant uniquement sur les renseignements contenus dans le registre des armes d'épaule.

Le sénateur Lang : Je pourrais poursuivre dans cette veine parce que je pense qu'il s'agit d'un témoignage important, particulièrement à la lumière des commentaires du sénateur Jaffer sur les forces policières et le fait qu'ils appuient le maintien du registre des armes à feu. Manifestement, il y a une divergence d'opinions. J'aimerais aller encore plus loin sur cette question.

Pour ce qui est de son utilisation par les policiers de première ligne, pourriez-vous nous expliquer pourquoi on considère que c'est un outil inutile?

M. Kuntz : J'en ai discuté avec d'autres policiers. Je dois probablement répondre à trois ou quatre questions par semaine à ce sujet. Le registre des armes d'épaule n'est qu'une liste de propriétaires d'armes à feu respectueux des lois qui sont titulaires légitimes d'un permis. Le registre des armes d'épaule ne contient aucun renseignement sur les criminels. Vous pouvez le consulter et constater que mon nom s'y trouve, tout comme celui de mon père, et que mon fils de 12 ans est titulaire d'un permis d'armes à feu fédéral autorisant la possession d'armes à feu sans restriction. Voilà le genre de personnes qui se trouvent sur la liste. Il n'y a aucun renseignement sur les criminels là-dedans.

Ce que je dis aux jeunes policiers que je rencontre dans la rue, qu'ils me connaissent ou non, c'est que s'ils se fient à une base de données pour assurer leur sécurité, ils sont idiots. En termes simples, personne ne peut mal interpréter ce que je dis. La liste indique deux choses : soit il y a des armes à feu à cet endroit, soit il n'y en a pas. Il n'y a rien de certain. Si quelqu'un fait une vérification par rapport à mon adresse, oui, le résultat sera qu'on y trouve des armes à feu. Qu'est-ce que cela signifie? Cela indique-t-il aux policiers qu'ils doivent être prudents parce que cet homme possède des armes à feu, ou qu'il y a là un homme respectueux des lois qui, par crainte d'être poursuivi en vertu de la loi et d'être persécuté, s'est conformé à loi canadienne de son propre chef? Cela n'est nullement une question de sécurité.

Le sénateur Lang : J'aimerais aller un peu plus loin parce que c'est très important, et le sénateur White y a fait allusion. Pour ce qui est de la jeune génération de policiers, le registre leur donnerait-il un faux sentiment sécurité...

M. Kuntz : Tout à fait.

Le sénateur Lang : ... et les mettrait-il en danger s'ils s'en remettent aux données du registre?

M. Kuntz : Quand j'ai commencé, on assurait le maintien de l'ordre selon les méthodes de la vieille école. Les choses ont beaucoup changé en 24 ans. S'il y a une panne d'électricité au service de police d'Edmonton, je dirais honnêtement que certains policiers n'ont aucune idée de ce qu'ils peuvent faire de leur temps. Il n'y a pas de base de données pour les envoyer répondre à un appel. À cet égard, la formation des policiers dépend des renseignements électroniques. S'ils font une recherche dans une base de données informatisée et que le résultat indique qu'il n'y a pas de propriétaire détenteur d'un permis à cet endroit, s'ils se fient à ces renseignements lorsqu'ils se présentent sur les lieux, cela les met en danger. Je constate qu'il s'agit de services de police d'une autre génération. J'ai la chance d'en être témoin et d'avoir mon mot à dire par rapport à leur sécurité, non pour ce qui est de leur future carrière, mais pour leur vie. Je leur explique sans ménagement : si vous vous fiez à une base de données pour assurer votre sécurité, vous êtes un idiot.

Le sénateur Baker : La loi prévoit que « le commissaire aux armes à feu veille à ce que, dès que possible, tous les registres et fichiers relatifs à l'enregistrement des armes à feu soient détruits »; puis, on lit : « ainsi que toute copie de ceux-ci qui relève de lui ». Cela signifie tous les renseignements détenus par le gouvernement fédéral. Quand je lis la jurisprudence sur les bases de données, je constate que les policiers ont accès à plus de bases de données qu'on ne peut en compter.

Si je posais la question au sénateur Dagenais ou au sénateur White, je suis certain qu'ils pourraient le confirmer. Au Québec, en Colombie-Britannique et en Alberta, notamment, il y a des bases de données de services de police qui sont accessibles, mais la loi s'applique seulement aux bases de données et aux renseignements sous responsabilité fédérale. Se pourrait-il que les renseignements qui sont dans le registre fédéral et sous contrôle du commissaire fédéral se retrouvent dans diverses autres bases de données de la police?

M. Kuntz : Pour ce qui est des armes à feu volées, oui. Le CIPC existe depuis des années et il s'agit d'un outil efficace à cet égard. Cela existe déjà.

Le sénateur Baker : Vous pouvez compter sur deux ou trois autres bases de données pour obtenir les mêmes renseignements?

M. Kuntz : Au travail, j'utilise 11 bases de données tous les jours. Je dois écrire les mots de passe, même si nous ne sommes pas censés le faire. Je suis incapable de me souvenir de tous les mots de passe, et ils doivent être modifiés toutes les quelques semaines.

Le sénateur Baker : Autrement dit, la police pourrait trouver les mêmes renseignements sur la possession d'armes à feu dans plusieurs différentes bases de données différentes par rapport à une personne ou à une adresse en particulier?

M. Kuntz : Je ne peux répondre à cette question.

[Français]

M. Granger : Cela ne change rien de voir dans l'ordinateur qu'une personne possède six, 14 ou 300 armes à feu.

Il est plus important de savoir si une personne a un permis de possession ou d'acquisition. Ce n'est pas l'ordinateur qui donne l'information. Quand j'ai commencé, il n'y avait pas d'ordinateurs, il n'y avait que des télex. Cela prenait une journée pour savoir si une voiture était volée.

L'important, c'est de ne jamais se tenir devant une porte. Aujourd'hui, même à 70 ans, si je vais cogner à la porte d'une maison où je ne connais personne, je ne me tiens pas devant la porte. C'est automatique.

Le registre est important en ce qui concerne les armes à autorisation restreinte ou les armes prohibées, car ce sont celles-là qui sont utilisées, mais il est inutile pour les armes longues utilisées par les chasseurs et les tireurs.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Pourriez-vous trouver les mêmes renseignements concernant des personnes dans plus d'une des bases de données auxquelles les policiers ont accès?

M. Granger : Actuellement, je n'ai pas accès à ces bases de données parce que je suis à la retraite.

Le sénateur Baker : Permettez-moi de m'éloigner du sujet pendant une minute. Je suis surpris de voir que parfois, nous adoptons des lois qui prévoient que le commissaire fédéral détruira toutes les données en sa possession tandis qu'il existe 12 bases de données qui contiennent les mêmes renseignements.

[Français]

M. Granger : Quand on regarde les actualités, on voit qu'il y a autant d'agressions commises avec des armes blanches qu'avec des armes à feu. Ce serait comme si vous disiez qu'il serait nécessaire d'avoir un registre pour les couteaux de cuisine ou de chasse, je ne pense pas que ce serait efficace. Il y aurait beaucoup trop de bureaucratie. Ce n'est pas ce qui fera baisser le taux de criminalité.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Ma dernière question porte sur les effets réels du projet de loi. Celui-ci ne fait que soustraire les gens à l'obligation d'enregistrer ce qu'on appelle les armes d'épaule sans restriction, et les pièces d'armes à feu. On libère le propriétaire du fardeau de l'enregistrement des armes, mais toutes les autres exigences liées à la délivrance de permis demeurent. En ma qualité de parlementaire et de sénateur, beaucoup de plaintes que j'ai entendues portaient sur l'enregistrement, notamment. Cela ne porte pas seulement sur l'enregistrement des armes d'épaule, mais sur tout ce qui y est associé.

Le sénateur Hervieux-Payette : Dans le compte rendu, j'ai vu qu'il y a environ sept millions d'armes d'épaule pour 3,5 millions de propriétaires. Cela représente environ trois armes par propriétaire, mais certains peuvent avoir 10 armes, et d'autres, une seule. Ma famille possède quatre armes; un jour, posséder la quatrième arme est devenu illégal. Donc, nous avons appelé la police locale et un agent est venu la récupérer. Les autres armes étaient utilisées pour la chasse.

Je tiens à corriger votre chiffre de trois milliards. Vous pouvez avoir accès aux Comptes publics du Canada et corriger votre chiffre. Au début, pour l'enregistrement des 7,1 millions, cela a coûté 200 000 $. On ne réinvente pas le système chaque fois. Selon le vérificateur général du Canada, le coût annuel est de 82,3 millions de dollars. Je le dis simplement aux fins du compte rendu.

Vous avez dit que nous devons abandonner le projet de loi C-19, mais que nous devrions en faire plus. J'aurais aimé que vous nous parliez ce que nous pouvons faire pour assurer la sécurité des gens. Je suppose que ces choses sont d'une telle ampleur qu'il vous faudrait trop de temps pour pouvoir en parler ici. Acceptez-vous de nous envoyer votre solution pour accroître la sécurité des gens et pour rassurer les femmes de ma province?

M. Kuntz : La Cour suprême a déterminé que les policiers n'étaient pas responsables de la sécurité des citoyens. En tant qu'agent de police, je ne peux pas garantir votre sécurité. Je ne peux pas plus le faire en tant que voisin. Il n'y a rien que puisse faire le gouvernement pour garantir la sécurité de qui que ce soit.

C'est ce qui est frustrant pour les propriétaires d'armes à feu. Le registre n'a sauvé la vie de personne. Si cela avait été le cas, les membres de l'ACCP l'auraient crié haut et fort. Ils n'ont pas de statistiques à donner parce qu'il n'existe pas de statistiques là-dessus.

J'ai connu quelques policiers qui ont été tués depuis la mise en place du registre. J'ai aussi connu personnellement des personnes qui se sont suicidées à l'aide d'une arme à feu depuis la mise en place du registre. Il y a des arguments d'un côté comme de l'autre.

La seule personne qui puisse garantir votre sécurité, ou à peu près, c'est vous-même.

Comme je l'ai dit plus tôt, il est possible de chasser le chevreuil avec une carabine Colt 45, mais pas avec une arme de poing du même calibre, parce qu'elle est plus petite. C'est la seule différence. Les deux armes sont conçues pour tirer un projectile, point. L'arme fait peu de cas de la cible, vivante ou non, et ne s'inquiète pas de savoir si la mise à feu a fonctionné ou pas. Cela importe peu. Une arme chargée peut rester immobile pour l'éternité si personne n'a l'idée de s'en servir.

Ce sont les gens qui causent les problèmes. On ne peut pas les éliminer. Cela ne fonctionne pas de cette façon. Il faut les incarcérer et tenter d'assurer leur réinsertion dans la société, car je crois qu'une personne qui a passé 10 ans en prison a payé sa dette et ne devrait pas avoir à vivre sa vie dans ces conditions. Il faut un jour ou l'autre lui redonner sa liberté. Sera-t-elle réellement libre, ou allons-nous lui faire payer son crime éternellement? Si les choses doivent se passer de cette manière, aussi bien garder cette personne en prison ou la caser dans un endroit spécial. Elle n'aura jamais vraiment l'occasion de se racheter. Il arrive que les gens commettent des erreurs.

Pour les criminels violents récidivistes, nous avons besoin de lois qui vont durcir les conditions de détention, sans quoi on risque de se retrouver dans la même situation que la France ou le Congo. C'est vers cela que se dirige le Canada. Je suis persuadé que tout ce que j'ai fait entre le moment où je suis sorti du lit et où je suis arrivé ici était probablement illégal en France.

Le sénateur White : Merci beaucoup. Parce que c'est venu sur le sujet il y a quelques instants, vous avez parlé plus tôt des outils dont la police pourrait avoir besoin. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l'ENSALA, l'Équipe nationale de soutien à l'application de la loi sur les armes à feu, et sur quoi se concentre son travail au Canada?

M. Kuntz : Je vais faire de mon mieux.

J'ai deux amis qui dirigent le bureau d'Edmonton. Un est issu de la GRC, et l'autre du service de police d'Edmonton. Leur travail consiste principalement à fournir une interprétation de la loi, parce qu'il y a peu de citoyens, et encore moins de procureurs, et peut-être quelques avocats qui comprennent vraiment tous les aspects de la Loi sur les armes à feu.

Comme je le disais, la loi ressemble à du rapiécé. C'est un document illogique.

L'ENSALA fournit un enquêteur. Elle apporte certaines clarifications. Peut-on porter des accusations contre une personne qui a des munitions dans son coffre à gants et une arme à feu à autorisation restreinte ou non — pas chargée mais pas entreposée correctement non plus — sur sa banquette arrière? Ce sont des questions que les policiers se posent tous les jours, car ils ne connaissent pas la Loi sur les armes à feu, ni les ramifications entourant les mises en accusation en vertu de la loi quand il n'y a pas matière à accusation en premier lieu. Nous avons besoin d'un groupe comme l'ENSALA pour donner son interprétation de la Loi sur les armes à feu exclusivement. L'ENSALA a accès au registre des armes à feu. Elle a aussi accès au CIPC, dans lequel on consigne des renseignements sur les armes à feu volées. C'est accessible à tous. Je n'ai utilisé la base de données du registre qu'une seule fois. Quelqu'un voulait faire don d'une arme à feu, mais n'avait pas son certificat d'enregistrement. C'était le but de ma recherche.

Le sénateur Hervieux-Payette : Diriez-vous, dans ce cas, qu'il faudrait abolir tous les registres que le gouvernement détient concernant les citoyens? Qu'on parle d'un registre sur les automobiles, d'un registre sur les bicyclettes ou les chiens, comme dans certaines municipalités? C'est peut-être une école de pensée différente de la mienne, et je peux respecter cela, mais nous avons beaucoup de registres dans ce pays. J'imagine qu'ils doivent bien servir à quelque chose.

Ces registres sont-ils totalement inutiles, ou s'ils ont une certaine utilité, pourquoi ne devrions-nous pas avoir un registre d'armes à feu si nous avons un registre automobile?

M. Kuntz : Très bien, permettez-moi de préciser ma pensée. Ce qui pourrait poser problème avec les armes à feu, c'est s'il s'agit d'armes volées. Si vous attrapez quelqu'un avec le pistolet fumant à la main, cela importe peu à quel nom est enregistrée cette arme. Le CIPC, le Centre d'information de la police canadienne, contient déjà des renseignements sur les armes volées et est accessible à tous les agents de police. Cet outil permet également de consigner les données plus efficacement que le registre actuel. Cela existe déjà. Si l'objectif est de retracer des biens volés ou de savoir à qui ils appartiennent, le CIPC a tout ce qu'il faut pour s'acquitter de cette tâche.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous me l'apprenez. Je n'ai jamais été policière.

[Français]

Est-ce utile ou non pour rechercher à qui appartient l'arme d'un crime? Je comprends qu'il y a un endroit où les armes sont déjà enregistrées. À ce moment-là, pourquoi avoir deux registres si les policiers savent déjà qui est le propriétaire et qu'il est inutile d'aller enquêter chez chaque marchand d'arme pour savoir à qui elle appartient?

Pour ce qui est des armes d'épaule, comment fait-on pour retrouver la personne qui soit s'est fait voler son arme soit l'a utilisée pour commettre un crime?

M. Granger : Votre question comporte deux volets. Lorsqu'un crime a été commis, avez-vous l'arme ou non? Si vous avez l'arme à feu, c'est accessoire. L'important est de savoir qui l'a utilisée. Les recherches sont en regard de cela.

Si vous parlez d'une arme à autorisation restreinte, qui est habituellement une arme prohibée utilisée, entre autres, par les motards ou les gens du crime organisé, c'est sûr que l'arme n'est pas enregistrée. Elle ne l'est jamais. Je n'ai pas vu un motard avec un dossier criminel long comme ça essayer d'avoir un certificat d'acquisition en fournissant les motifs raisonnables pour se procurer une arme pour faire du tir. Cela ne fonctionnera pas. Il aura une arme non enregistrée et qui n'est généralement pas une arme d'épaule. Habituellement, ce sont des armes à canon court, à fonctionnement automatique ou semi-automatique, mais qui sont facilement dissimulables. Si c'est une arme à feu enregistrée, vous découvrirez que l'arme a été volée ou possiblement été prêtée. Ce sont ces registres que les policiers vérifient de façon quotidienne.

Je crois bien, si la loi est changée, si le projet de loi C-19 est amendé, que les policiers vont se servir de l'ordinateur aussi fréquemment qu'ils le font actuellement.

Le sénateur Hervieux-Payette : Pour trouver quelle information?

M. Granger : Pour savoir si l'arme a été volée ou pas. Si l'arme a été volée, cela ne dit pas qui l'a volée, car si on savait qui l'avait volée, on aurait commencé par faire une enquête sur le vol avant de faire une enquête sur le crime qui a été fait avec l'arme. Le fait que l'arme soit enregistrée ne change absolument rien.

C'est rare que le propriétaire d'une arme enregistrée commette un meurtre et la laisse sur les lieux du crime. C'est sûr qu'il se fera prendre. Ce n'est pas une bonne idée.

Le sénateur Dagenais : Je remercie nos deux témoins de leur présence. Monsieur Granger, pendant 24 ans, j'ai été policier dans la belle municipalité de Rawdon que vous habitez.

J'ai été président du plus important syndicat de policiers au Québec, et ma position sur le registre a fait sursauter les syndicats de policiers qui n'hésitent pas à dénoncer son abolition. Le résultat est qu'on véhicule maintenant le fait que tous les policiers revendiquent le maintien du registre des armes à feu. Je m'aperçois en vous écoutant que ce n'est pas exactement cela.

Que pensez-vous de cette fausse unanimité? Seriez-vous prêt à dire que les policiers syndiqués, qui sont pour l'abolition du registre des armes à feu, sont vus comme des policiers dissidents?

M. Granger : C'est une interprétation. Il y a des gens qui disent que les policiers vérifient le système 12 000 fois par jour et que maintenant ils ne le feront plus. C'est une aberration. Ce n'est pas cela du tout. Ils vont le vérifier autant comme autant. On y va selon le type d'armes utilisées et les armes utilisées, je regrette, ce ne sont pas les armes longues. Quand il s'agit d'armes longues qui sont enregistrées, il s'agit de personnes qui souffrent de troubles mentaux. Quand la personne a fait l'acquisition de l'arme elle était en santé.

Et puis il y a des provisions. Si votre voisin a un drôle de comportement, il sort le soir et il tire des coups de feu dans les airs pour rien, vous pouvez faire le 1-800-731-4000 et il y a une provision pour cela. Vous pouvez dire : « Telle personne utilise une arme à feu », et je vous garantis que la réponse de la police sera immédiate. Ce service est ouvert tout le temps.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Kuntz, vous êtes un policier de carrière et vous savez que la plupart des policiers, sur la route, lorsqu'ils interceptent un véhicule, vont demander au conducteur son permis de conduire et ses enregistrements; et automatiquement ils vont consulter ce qu'on appelle le CIPC, pour savoir si la personne a des antécédents, si le permis est valide et si elle a des choses à se reprocher.

Seriez-vous prêt à dire que, quand on fait une demande au CIPC, automatiquement, elle est enregistrée au registre des armes à feu mais le policier ne le sait pas, ce qui fait que, quand on dit que les policiers font 17 000 demandes par jour ce n'est pas tout à fait vrai. Ils font des demandes parce que c'est dans le cadre de leur travail, mais cela ne veut pas dire qu'ils font des demandes directement au registre des armes à feu. Donc, ce n'est pas tout à fait vrai de dire que les policiers consultent le registre des armes à feu 17 000 fois.

Je dois vous dire que j'ai travaillé avec le registre; je ne l'ai jamais consulté du temps où j'étais sur la route, mais je vous pose la question.

Ma question est celle-ci : est-ce que, quand vous consultez le CIPC, vous consultez le registre?

[Traduction]

M. Kuntz : Je suis heureux que vous ayez posé la question. Depuis deux ans, je dis à qui veut bien l'entendre un peu partout au Canada que si c'est vrai que le registre est interrogé 17 000 fois par jour, cela ne peut être que par recherche automatisée. On m'a traité de menteur à plus d'une occasion. J'ai confronté l'Association canadienne des chefs de police à ce sujet, et le 17 novembre 2011, alors que j'assistais à la séance du comité parlementaire saisi de la question, j'ai entendu un des représentants de l'association admettre que leurs requêtes étaient automatisées. Cela signifie que si un policier se présente à la résidence d'une dame de 80 ans parce que quelqu'un s'est plaint des aboiements de son chien, on vérifie automatiquement si l'adresse en question se trouve dans le registre des armes à feu. S'il y a 17 000 requêtes par jour, on arrive à plus de cinq millions par année. C'est ridicule. Nos militaires seraient en train de sillonner les rues du Canada si les armes à feu nous posaient autant de problèmes.

Le sénateur Jaffer : Monsieur Kuntz, l'Association canadienne des chefs de police est en faveur du registre.

M. Kuntz : En effet.

Le sénateur Jaffer : Monsieur Granger, après la fusillade du Collège Dawson, vous avez dit dans les médias que le registre des armes d'épaule était totalement inefficace. Cependant, après la fusillade, le chef du service de police de Montréal a confirmé que les informations consignées dans le registre des armes d'épaule avaient permis aux policiers de désarmer un émule du tueur qui avait annoncé ses intentions dans un salon de clavardage. Ils ont réussi à retrouver cette personne grâce au registre des armes d'épaule. N'est-ce pas exact?

M. Granger : Parlez-vous de Dawson? Ce n'était pas une arme sans restriction. C'était une arme à autorisation restreinte.

Le sénateur Jaffer : Je sais, mais c'est quand même de cette façon qu'ils ont pu le retracer. Je comprends que c'était une arme à autorisation restreinte.

M. Granger : Il y a un registre pour les armes à autorisation restreinte ou prohibées, et on y trouve le nom du propriétaire. Supposons qu'il avait utilisé le fusil de son voisin. La situation aurait été la même.

[Français]

Le sénateur Fraser : Je pense qu'il y a une certaine confusion. Le cas dont ma collègue parlait n'était pas l'incident du Collège Dawson; c'était un jeune homme qui habitait, je pense, Hudson, si ma mémoire est bonne. Il avait dit sur Internet qu'il avait des intentions d'aller tuer des gens, et le chef de la police de Montréal, et il n'y avait pas de raison de douter de sa bonne foi, a dit que c'était grâce au registre des armes à feu qu'ils avaient pu le retracer.

M. Granger : Si quelqu'un va sur Internet et dit qu'il a le goût de tuer tout le monde, registre ou pas, il faut que quelqu'un prenne une mesure immédiate. Affichez sa photo, notamment à la télévision, et cela va se faire dans un temps record. Annoncez que cette personne constitue un danger immédiat parce qu'elle veut tuer tout le monde, que ce soit avec une lame de rasoir ou un revolver, et il y aura une intervention qui sera immédiate.

Le sénateur Chaput : Ma question s'adresse à M. Kuntz. Vous avez dit dans votre présentation que c'était la personne qui était le danger, celui qui utilise l'arme, et non pas l'arme comme tel. J'ai bien compris?

M. Kuntz : La personne.

Le sénateur Chaput : Vous avez aussi dit que vous appuyiez le projet de loi C-19. Vous dites que « tout le monde devrait avoir un permis pour acheter un fusil », mais le projet de loi C-19 enlève l'obligation de vérifier les permis, même si c'est la personne qui constitue le danger, toutes ces personnes devraient avoir un permis sans qu'il y ait une obligation de vérifier si elles sont dangereuses ou non. D'après moi, il y a un non-sens ici.

[Traduction]

M. Kuntz : Si j'ai bien compris la question, je vous répondrai que le registre des armes à feu n'a rien à voir avec l'octroi de permis. Si vous voulez posséder légalement une arme à feu au Canada, vous devez d'abord suivre le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, une exigence préalable. La prochaine étape consiste à soumettre une demande de permis d'armes à feu sans restriction. Après un examen rigoureux et un long processus, encore plus exigeant que le processus d'obtention d'un passeport canadien, vous êtes admissible au Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu à autorisation restreinte. Puis, il est possible de soumettre également une demande de permis d'armes à feu à autorisation restreinte.

Nulle part dans le projet de loi C-19 il n'est question de laisser tomber l'octroi de permis. Il n'est question que du registre. On impose en fait le fardeau aux gens comme moi qui vont vendre des armes à feu à des acheteurs potentiels. C'est ainsi que les choses devraient être. Ce sera à moi de m'assurer que l'acheteur possède un permis et de le vérifier d'une manière ou d'une autre, et je crois que c'est raisonnable.

[Français]

Le sénateur Chaput : Ma compréhension, monsieur, est que, quand vous vendez un fusil à monsieur, et que monsieur a un permis, le projet de loi C-19 ne vous oblige pas à vérifier le permis; le projet de loi C-19 a supprimé l'obligation. L'obligation de vérifier le permis est retirée. C'est volontaire, maintenant. Vous vendez un fusil à monsieur, monsieur a un permis, mais vous n'êtes pas obligé de vérifier si le permis est valide ou non. Alors ce que vous me dites ne correspond pas.

[Traduction]

M. Kuntz : Le projet de loi C-19 impose effectivement des responsabilités supplémentaires à certaines personnes. Avant, nous devions appeler un tiers et lui confier cette tâche. C'est un permis de possession. Voici à quoi cela ressemble. Cela ressemble beaucoup à un permis de conduire. Il y a mon nom, ma date de naissance, la date d'expiration.

Le sénateur Chaput : Vous n'avez pas répondu à ma question, monsieur.

Le président : Clarifions les choses. Pourriez-vous répéter la question pour que nous soyons certains qu'il l'ait bien comprise?

[Français]

Le sénateur Chaput : Vous êtes le vendeur, monsieur Kuntz. Vous vendez des armes à feu. Monsieur va acheter une arme à feu chez vous. Il a un permis. Le projet de loi C-19 ne vous oblige pas à vérifier si le permis est valide ou non.

Le projet de loi C-19 a retiré l'obligation de vérifier; c'est devenu facultatif. Vous dites que c'est la personne qui est le danger. Monsieur peut être dangereux, vous ne le savez pas, mais vous n'avez pas l'obligation de vérifier son permis. Quant à moi, cela ne va pas ensemble.

[Traduction]

M. Kuntz : C'est une question de validité. Je sais de quoi ont l'air les permis. Si le permis qu'on me présente me paraît valide, je peux procéder à la vente.

Croyez-moi, quand le registre sera aboli, les achats vont être surveillés par la police. Il y aura des opérations d'infiltration. Il y aura des coups de filet, soyez-en certains.

Le sénateur Jaffer : Qu'entendez-vous par « coups de filet »?

M. Kuntz : En tant qu'agent, j'irais dans un magasin à grande surface qui vend des armes à feu. J'essaierais d'acheter une arme ou des munitions sans permis. Si le marchand tient à ce point à faire 500 $, il devra faire face à une peine d'emprisonnement fédérale.

Le président : M. Granger veut répondre à la question.

[Français]

M. Granger : C'est la même chose que si vous arrêtez une personne en état d'ébriété au volant de sa voiture; le policier va lui enlever son permis de conduire. Si vous êtes arrêté pour une infraction, vous êtes traduit en justice, et si vous êtes trouvé coupable, c'est sûr qu'on vous enlèvera votre carte.

Si je vais chez eux, qu'il ne me connaît pas et que j'ai une fausse carte, ne lui en demandez pas trop. Personnellement, je possède 750 armes à feu. Je ne les manipule pas quotidiennement, mais hebdomadairement. Il s'agit toujours de gens que je connais ou suite à des références. Ce n'est pas un magasin chez nous, je suis un collectionneur. Si un Iranien avec un bandeau sur la tête vient chez moi pour acheter une AK-47, je ne lui vendrai pas. Personne ne connaît mon adresse, à part aujourd'hui, parce que je l'ai écrit sur mon C.V. Moi, je suis reconnu à la cour, mais cela s'arrête là. Je m'assure que c'est la bonne carte et que c'est la bonne personne, puis je vends.

Le sénateur Boisvenu : Ma question s'adressera à M. Granger, mais auparavant, j'aimerais que soit consignée dans le procès-verbal de ce comité une clarification en référence à une intervention de ma collègue, le sénateur Hervieux- Payette. Je n'ai pas dit que les femmes étaient émotives par rapport au Registre des armes à feu, j'ai dit que c'était un dossier émotif.

J'aurais deux questions techniques auxquelles vous pouvez répondre rapidement.

Premièrement, j'aimerais que vous me parliez des lacunes de l'information dans le registre actuellement.

Deuxièmement, on sait qu'il y a eu beaucoup plus de résistance au Registre des armes à feu ou des armes d'épaule dans les milieux ruraux que dans les grandes villes. Vous avez fait votre carrière à Montréal et j'aimerais que vous nous parliez du nombre d'homicides qui, à votre connaissance, impliquait une arme de chasse.

M. Granger : Honnêtement, je pense que je n'en ai jamais connu. La seule fois, c'était le cas de Lépine, et il ne s'agissait pas d'une arme de chasse.

Le sénateur Boisvenu : Comment expliquer qu'il n'y avait presque pas d'homicides avec une arme de chasse dans les villes, surtout à Montréal, et que la résistance des gens quant à l'abolition de l'obligation d'enregistrer une arme de chasse vient de la ville?

M. Granger : Je vais vous dire franchement, quelqu'un qui se promène en ville avec une 30-06 attirera beaucoup plus l'attention qu'un autre avec un .45 dans ses poches. Une arme prohibée ou une arme à autorisation restreinte, je ne me promènerais pas avec une arquebuse, ce n'est pas commode et trop voyant. Généralement, on ne se sert pas de cela.

Le sénateur Boisvenu : Par rapport à la qualité de l'information dans le registre?

M. Granger : Le registre fonctionne, actuellement. Si tu cherches l'identité de quelqu'un, cela fonctionne. Avec le registre antérieur, on retrouvait toute la panoplie des propriétaires antérieurs, alors qu'aujourd'hui, c'est lui qui est propriétaire et, quand vous disposez d'une arme à feu, on ne vous donne même pas les détails de celui qui l'achète. La personne qui achète l'arme a le droit d'avoir l'arme et on ne veut plus donner les détails quant à la résidence. La confirmation est donnée pour une arme à autorisation restreinte, une arme longue ou une arme courte, et c'est tout.

[Traduction]

Le sénateur Jaffer : M. Granger nous a dit qu'il ne portait pas le turban, en sous-entendant que c'était l'apanage des talibans. Je trouve cela offensant. Plus d'un million de Canadiens portent le turban, et je tiens à préciser que ces gens ne sont pas des talibans, mais d'honnêtes citoyens. Je crois que la séance d'aujourd'hui ne devrait pas servir à pointer du doigt nos compatriotes canadiens.

Le président : Votre intervention est tout à fait appropriée, sénateur, et je crois que tout le monde ici sera d'accord avec vous. Je ne demanderai pas à M. Granger de préciser sa pensée. On peut dire bien des choses dans le feu de l'action, mais je suis totalement d'accord avec vous. Je suis persuadé que tous nos collègues sont aussi de votre avis.

Le sénateur Jaffer : Merci, monsieur le président, mais je trouve très malheureux d'avoir à le signaler. Nous sommes tous membres du Sénat et nous représentons l'ensemble de la population canadienne. Je ne devrais pas avoir à dénoncer de telles affirmations. C'est très méprisant pour le million de Canadiens qui portent le turban; on ne devrait pas entendre de telles choses dans un comité du Sénat.

Le président : Merci, sénateur, pour votre intervention.

M. Granger : Vous pouvez consulter les notes; je n'ai pas parlé des talibans. J'ai parlé d'une personne qui portait le turban et qui voulait acheter un AK-47, mais le turban importe peu dans ce cas-ci.

Le président : Pardon, mais je crois que la question est close. Le sénateur Jaffer a fait valoir sa position, et je suis d'accord avec elle.

Le sénateur Fraser : Je peux le confirmer.

Le président : Je confirme que j'ai exprimé mon appui au sénateur Jaffer; inutile de vérifier ce que j'ai dit.

Le sénateur Lang : J'aimerais qu'on revienne au registre et aux raisons pour lesquelles cela fonctionne ou ne fonctionne pas. J'aimerais poser ma question à M. Kuntz encore une fois, si je le peux. De toute évidence, pour avoir enseigné la matière, vous savez de quoi vous parlez, et vous connaissez très bien le processus d'enregistrement des armes d'épaule.

Je voudrais vous décrire brièvement ce qui, d'après ce que j'ai vu, arrive à certaines personnes quand, une fois qu'elles se sont soumises à la vérification policière et ont suivi le cours de sécurité, vont faire enregistrer leurs armes d'épaule, à une longue distance, dans le cas présent.

Il faut donner les numéros de l'arme pour des questions d'informatique, puis on procède au renouvellement. Quand on téléphone, on s'aperçoit qu'on appelle à Miramichi. Après avoir découvert où se trouve Miramichi, on parle à un préposé qui ne connaît rien aux fusils, et on renouvelle l'enregistrement de l'arme après cinq ans. Quand on donne ses numéros, il arrive qu'ils ne correspondent pas à ceux dont dispose le préposé. L'erreur est automatiquement imputée à la personne et non à l'ordinateur. Pourtant, il s'agit de la même arme et de la même personne : rien n'a changé.

On réalise ensuite, en parlant avec le préposé, qu'on ne peut discuter parce qu'on sera étiqueté comme une personne légèrement déséquilibrée dans le système. Par conséquent, on a automatiquement tort et le préposé a raison.

Si je vous raconte cette histoire, c'est parce que c'est l'une des raisons pour lesquelles les gens respectueux de la loi se sentent lésés parce que le système les identifie automatiquement comme des criminels à moins qu'ils ne prouvent le contraire.

Compte tenu du nombre de personnes que vous avez rencontrées et de l'étendue manifeste de vos connaissances, pouvez-vous me dire si vous avez été témoin de cette situation et peut-être m'en dire un peu plus sur le sujet?

M. Kuntz : Le problème est devenu si grave que j'ai été au bureau du contrôleur des armes à feu afin de devenir vérificateur et de pouvoir apporter des corrections dans le système informatique pour tenter d'éviter ce cafouillage aux gens, surtout quand ils effectuent un transfert. L'enregistrement est valide tant que l'on reste propriétaire de l'arme. Les permis personnels, comme celui que je vous ai montré, avec ma photo, doivent être renouvelés tous les cinq ans.

Je me suis donc fait vérificateur d'armes à feu et j'ai probablement effectué 300 à 350 corrections pendant la durée de mon mandat, soit un peu moins de 10 ans. Bien des erreurs étaient commises par des gens honnêtes qui confondaient un 8 avec un B en remplissant le formulaire. Il s'agissait d'erreurs de bonne foi et non d'actes criminels. La situation ne s'en est pas moins dégradée au point où elle en est actuellement.

Il y avait de nombreux vérificateurs. La loi interdisait que nous soyons rétribués pour nos services, qui devaient aider le personnel du centre des armes à feu à accomplir son travail. Les vérificateurs mettaient pour ainsi dire un pansement sur une plaie béante, et nous agissions bénévolement pour tenter de faire fonctionner le système. D'aucuns pourraient se demander pourquoi une personne dans ma position agissait ainsi, alors que je n'étais pas d'accord. Mais c'est la loi du Canada et je m'y conforme. Voilà pourquoi je l'ai fait.

La seule manière de dénicher les erreurs que le système contient à l'insu de tous, c'est de transférer une arme à quelqu'un d'autre et de s'apercevoir que le numéro de série ou le modèle est erroné. Nous avons découvert que quelqu'un s'était amusé à enregistrer un fusil à colle, en inscrivant que le fabricant était Mastercraft et en donnant le numéro de série. Certains ont même tenté de saboter le système.

Ce n'était pas nécessaire : le système s'est autodétruit. Voilà pourquoi nous en sommes là.

Le sénateur Lang : J'aimerais que nous récapitulions pour que tout soit bien clair dans le compte rendu.

Le président : Il faut poser une question.

Le sénateur Lang : Je veux que tout soit clair dans le compte rendu. Vous venez de nous dire que le registre que nous avons est si bancal qu'il n'aide en rien des organismes d'exécution de la loi qui sont supposés s'en servir ou qui que ce soit d'autre, n'est-ce pas?

M. Kuntz : Oui.

Le sénateur Lang : C'est tout ce que je veux savoir.

[Français]

M. Granger : Quand la loi a été adoptée, toutes les armes qui n'avaient pas de numéro de série étaient généralement de vieilles armes à feu de 50 ou 60 ans puisqu'il n'y avait pas de numéro de série à l'époque. Il y avait un système où on apposait un collant sur l'arme à feu. On devait écrire sur le collant la marque, on ne parlait ni du calibre ni du fonctionnement. J'avais peut-être une cinquantaine d'armes de cette catégorie, mais la loi m'obligeait à mettre l'étiquette sur la bonne arme, mais je ne pouvais pas le faire, parce que si j'apposais la mauvaise étiquette sur la mauvaise arme à feu, je me rendais passible d'une infraction. Ce n'était pas génial.

[Traduction]

Le président : Le sénateur Baker aurait une courte question complémentaire à poser.

Le sénateur Baker : Pour faire suite à la question du sénateur Lang, il y avait, si j'ai bien compris, bien des problèmes concernant les pièces d'arme. Quelqu'un pouvait avoir en sa possession un canon appartenant à telle arme, une monture appartenant à une autre, et ainsi de suite. Certains fusils n'étaient peut-être pas en état de fonctionner, alors que leurs détenteurs figuraient dans le registre à titre de propriétaires de ces armes. On s'est donc demandé s'il fallait enregistrer un canon. J'imagine que cette question tient toujours, malgré l'adoption du projet de loi. Il doit toutefois être très difficile pour le citoyen canadien moyen de savoir quelles exigences s'appliquaient et s'appliquent encore. Est-ce le cas?

M. Kuntz : Oui, les pièces ont posé un problème. La loi stipule que la boîte de culasse, où est normalement inscrit le numéro de série, constitue l'arme à feu.

Le sénateur Baker : Est-ce seulement le canon?

M. Kuntz : Ce n'est pas le canon, la monture, la gâchette, le verrou ou une action, simplement la boîte de culasse en métal où pourraient être inscrits « Winchester », par exemple, et un numéro de série, s'il y en a un. Si je fais cette précision, c'est qu'un grand nombre d'armes à feu n'en ont pas, mais elles se ressemblent. Quand il s'agit de s'enregistrer, une carte pourrait facilement être valide pour sept armes à feu.

Voilà pourquoi je compare le système à une bande dessinée, où tout est divisé en cases, à cause de cette loi mal conçue et incohérente. C'est difficile pour la plupart des gens.

Puis-je...

Le président : Essayez de rester bref, je vous prie.

M. Kuntz : Mon observation s'adresse au sénateur Jaffer. Je voulais simplement vous aider à économiser du temps; je crois que quelqu'un vous a peut-être induit en erreur. À l'avenir, sachez qu'il n'est pas nécessaire d'enregistrer les véhicules. S'ils sont utilisés sur une propriété privée, nul besoin de les enregistrer ou de les assurer. Certains véhicules agricoles n'ont jamais arboré de plaque d'immatriculation, puisqu'aucune loi ne l'exige.

Il faut le faire pour les chiens et d'autres animaux, mais si on ne le fait pas, on ne va pas en prison. Cependant, il est techniquement faux d'affirmer qu'il faut enregistrer les véhicules. Je vous l'indique pour vous éviter de perdre du temps dans l'avenir.

Le sénateur Jaffer : Si on conduit sur la route, il faut l'enregistrer.

Le président : Nous savons qu'il y a toujours des exceptions.

[Français]

Le sénateur Chaput : J'aimerais avoir une précision. Monsieur Kuntz, lorsque j'ai posé ma question sur l'obligation de vérifier la validité des permis, je parlais du projet de loi C-19.

Je vous demanderais donc, monsieur Kuntz, de bien vouloir prendre deux minutes pour relire attentivement l'article 11 du projet de loi C-19 qui, en effet, retire l'obligation de vérifier la validité du permis.

[Traduction]

M. Kuntz : J'étais là quand le ministre Toews a parfaitement expliqué le processus. Je n'ai rien de plus à ajouter.

Le président : Nous en resterons là.

Mesdames et messieurs, merci. Voilà qui conclut notre rencontre avec les témoins. Messieurs Kuntz et Granger, je vous remercie beaucoup. Vous possédez une vaste expérience en la matière. J'allais dire que vous en avez plus que nous, mais peut-être pas, sauf en quelques exceptions. Cependant, vous en savez certainement plus que la majorité d'entre nous. Je vous sais gré d'avoir comparu.

Chers collègues, avant que je ne suspende la séance, nous devons étudier un document budgétaire, ce qui nous prendra quelques instants.

Vous avez devant vous l'ébauche de budget pour l'exercice à venir. Deux changements ont été apportés par rapport au budget de l'an dernier. Les frais juridiques, qui figurent en premier, comprennent 5 000 $, alors que 10 000 $ étaient prévus l'an dernier. Nous n'avons rien dépensé. Ces fonds doivent servir à l'embauche d'un conseiller externe pour nous aider dans nos travaux. Nous avons considéré que nous pourrions sans problème réduire ce montant de moitié : le montant alloué passe donc de 10 000 à 5 000 $.

L'an dernier, un montant de 30 000 $ était prévu pour les communications. Or, nous n'en avons pas dépensé un sou. Les communications du Sénat nous ont été d'un précieux secours et la situation nous convient. Le somme de 15 000 $ sera probablement plus que suffisante, mais il s'agit tout de même d'une réduction par rapport au montant de 30 000 $.

Pour ce qui est des livres, le budget passe de 5 000 à 3 000 $.

Si tout cela vous convient, j'accueillerais une motion pour approuver le budget. Le sénateur Lang la propose, avec l'appui du sénateur Baker. Qui est d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Est-ce que quelqu'un est contre?

Adopté.

Le sénateur Fraser : Comme notre comité a encore plus de raisons de se vanter d'être économe, si vous abordez la question à la Chambre, pourquoi ne faites-vous pas un petit calcul du taux horaire, compte tenu des longues heures que nous travaillons et du peu que nous dépensons? Il faudrait vraiment que cela se sache.

Le président : Je comprends le principe du taux horaire. Je me souviens de l'époque où je facturais à l'heure en cabinet privé avant de prendre ma retraite. Vous avez raison.

Le sénateur Jaffer : J'aimerais que nous nous réunissions à huis clos quand nous aurons fini d'examiner le budget.

Le président : Nous sommes à huis clos. Vous convient-il que le personnel soit présent? Souhaitez-vous qu'il sorte?

Le sénateur Jaffer : Non.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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