Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 23 - Témoignages du 18 octobre 2012
OTTAWA, le jeudi 18 octobre 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier le projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).
Le sénateur Joan Fraser (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Honorables sénateurs, nous poursuivons ce matin notre étude du projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs). Et pour notre premier groupe de témoins, nous recevons, à titre personnel, M. Michael Lipton, partenaire principal chez Dickinson Wright LLP, et M. Kevin J. Weber, partenaire, Droit du jeu, Dickinson Wright LLP.
[Traduction]
Je crois, messieurs, que vous avez chacun une déclaration préliminaire à faire.
Michael Lipton, associé principal, Dickinson Wright LLP, à titre personnel : Merci. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. J'aimerais faire un bref exposé, après quoi je serai heureux de répondre à vos questions concernant l'amendement dont vous êtes saisis. J'ai remis des copies à la greffière et j'espère que vous en avez un exemplaire sous les yeux.
Mes observations préliminaires portent sur les avantages du projet de loi C-290. Plus précisément, j'aimerais parler de la disposition permettant aux sociétés de loterie provinciales de livrer concurrence aux preneurs de paris sportifs étrangers.
D'entrée de jeu, il est important de comprendre les dispositions du Code criminel, en particulier l'alinéa 207(4)c). En vertu de cet alinéa, les loteries qui sont exploitées par un ordinateur ou à l'aide d'un ordinateur sont réservées exclusivement au gouvernement d'une province et, par ricochet, aux sociétés de loterie provinciales. Les gouvernements provinciaux n'ont pas le droit d'octroyer des licences à des tiers pour mettre sur pied une loterie en ligne ou une loterie exploitée par un ordinateur ou à l'aide d'un ordinateur.
Compte tenu de ce qui précède, si on permet aux gouvernements provinciaux de réglementer, de mettre sur pied et d'exploiter des paris sur une seule épreuve sportive, les Canadiens disposeront, selon moi, d'un autre moyen de parier; ainsi, ils n'auront plus besoin de recourir à des preneurs de paris sportifs étrangers qui ne sont pas réglementés au Canada. Il s'agit d'un avantage réel à plusieurs égards. Premièrement, grâce à une telle mesure, les parieurs canadiens seront moins susceptibles de fréquenter des sites Web hébergés à l'étranger qui ne sont pas autorisés par un gouvernement provincial. Deuxièmement, les sociétés de loterie provinciales seront sur le même pied d'égalité que les preneurs de paris sportifs étrangers sur Internet qui sont réglementés par d'autres pays. Troisièmement, une telle mesure pourra persuader la population canadienne des avantages que présentent les paris sportifs qui sont réglementés au Canada.
La question qui se pose est la suivante : les Canadiens cesseront-ils, du jour au lendemain, d'utiliser des sites Web de paris qui ne sont pas autorisés par les gouvernements provinciaux? Je crois que la réponse est non. On sait déjà que malgré la réglementation des paris sur les courses de chevaux au Canada, certains Canadiens continuent quand même de parier sur des courses de chevaux par l'entremise de sites Web qui ne sont pas réglementés au Canada. Ce n'est pourtant pas une contradiction. On ne peut pas s'attendre à ce que la réglementation élimine les activités non autorisées d'un marché — c'est le cas dans toutes les industries, y compris celle des paris. Pensons, entre autres, à l'industrie du tabac.
Dans le contexte des paris, certaines personnes pourraient être disposées à courir les risques associés aux preneurs de paris étrangers si ces derniers offrent des cotes plus avantageuses que celles offertes par les sociétés de loterie provinciales. Si le preneur de paris étranger est titulaire d'une licence octroyée par un pays doté d'un règlement strict, alors les risques peuvent être minimes. Plusieurs pays ont adopté des règlements stricts. D'autres, par contre, sont plus laxistes en matière de réglementation, particulièrement certains pays des Caraïbes et de l'Amérique centrale, d'où l'augmentation des risques.
Je crois que le projet de loi C-290 permettra aux sociétés de loterie provinciales, à tout le moins, d'offrir le même produit que celui des exploitants étrangers. De là, elles pourront s'engager à sensibiliser les Canadiens aux avantages d'utiliser un service qui est réglementé par leur gouvernement provincial respectif. De plus, grâce au projet de loi, la population aura une solution de rechange plus sûre aux preneurs de paris illicites situés au Canada qui exploitent, entre autres, par téléphone.
En conclusion, le fait d'autoriser les gouvernements provinciaux à offrir des paris sur une seule épreuve sportive est une mesure innovatrice qui s'impose depuis longtemps et qui permettra de mieux protéger la population puisque les gouvernements provinciaux seront sur le même pied d'égalité que les preneurs de paris sportifs étrangers. En plus, je crois que les preneurs de paris clandestins seront ainsi forcés de se retirer des affaires ou, à la rigueur, ils se trouveront dans une position particulièrement désavantageuse.
En ayant le droit d'offrir des paris sur une seule épreuve sportive, les gouvernements provinciaux seront en mesure de lutter efficacement contre le trucage des jeux. À l'heure actuelle, les gouvernements provinciaux n'ont pas la capacité de détecter et de prévenir de tels incidents. C'est plutôt ironique puisque l'interdiction actuelle de paris sur une seule épreuve sportive était justement conçue pour combattre le trucage des jeux. Mon collègue, Kevin Weber, en parlera davantage dans son exposé.
J'aimerais aussi parler brièvement d'un amendement proposé par Woodbine. D'après ce qu'on a laissé entendre, cet amendement particulier fera en sorte que les associations de paris mutuels sur les courses de chevaux puissent accepter des paris sur une seule épreuve sportive. À mon avis, on ne peut pas se permettre d'intégrer une telle modification législative au Code criminel en se contentant de présenter un amendement à la dernière minute. Le gouvernement fédéral a conclu des accords intergouvernementaux, en vertu desquels il est tenu de respecter la compétence exclusive des provinces dans le domaine des paris autres que les paris sur les courses hippiques.
L'idée d'établir un tout nouvel organisme chargé de l'exploitation des paris créerait une nouvelle forme d'activité que les gouvernements provinciaux seraient tenus de réglementer. En tout respect, je crois qu'il ne convient pas de proposer d'imposer un nouveau fardeau réglementaire aux provinces, sans avoir consulté les gouvernements provinciaux.
Un des témoins précédents a commis une erreur au moment d'expliquer la différence entre les paris mutuels et les paris à cote fixe; il a affirmé que les paris mutuels sur les courses de chevaux actuellement exécutés par les associations hippiques étaient déjà une forme de paris sur une seule épreuve sportive. Sans vouloir offenser qui que ce soit, une telle erreur donne l'impression que les paris sportifs visés par le projet de loi C-290 sont identiques aux paris que les associations hippiques mènent depuis des générations. Le témoin avait peut-être l'intention de minimiser l'écart entre les deux formes de paris, mais en tout respect, ce sont deux initiatives tout à fait différentes, et les associations hippiques canadiennes n'ont aucune expérience ni compétence dans ce domaine. Cela ne veut pas forcément dire qu'elles ne peuvent pas acquérir une telle expérience ou compétence, mais il reste qu'elles ne la possèdent pas pour l'instant.
Les paris sur les courses de chevaux au Canada reposent sur le principe de la mutualisation des paris, ce qui présente très peu de risques pour l'exploitant de paris. Tous les paris d'un certain type sont regroupés en une masse commune. On prélève la marge brute, et on calcule le pourcentage de rendement sur les cotes en divisant les gains entre les paris gagnants. Le totalisateur est l'instrument qui sert à calculer et à afficher les mises qui sont déjà placées. Au moyen du totalisateur, le preneur de paris affiche les cotes approximatives qu'il prévoit recevoir. Cette approximation est fondée sur la quantité de mises reçues jusque-là. Ces cotes varieront selon le montant d'argent qui est misé sur le résultat. Je suis sûr que ceux qui ont déjà été à un hippodrome et parié sur une course de chevaux savent de quoi je parle.
Voilà donc pourquoi les parieurs doivent attendre jusqu'au début de la course, lorsque les mises ne seront plus acceptées, pour connaître les cotes réelles qu'ils recevront. Ainsi, dans le contexte du pari mutuel, l'exploitant n'est pas exposé à un grand risque parce qu'il connaît d'avance la marge exacte qui sera versée aux hippodromes, et ces prélèvements ne dépendent pas du résultat de l'épreuve.
Le pari sur une seule épreuve sportive, qui est visé par l'amendement en question, est un pari à cote fixe, ce qui est très différent. Il s'agit d'une forme spécialisée de pari qui exige un savoir-faire réel et qui doit être géré soigneusement par des experts afin d'être rentable. On trouve au Canada d'importantes sociétés de jeux de hasard et d'autres entreprises qui exploitent leurs activités dans le cadre de contrats avec les gouvernements provinciaux, notamment Paddy Power et la British Columbia Lottery Corporation, ainsi que Caesars en Ontario. Ces entreprises possèdent ce genre de savoir-faire, tout comme d'autres grandes sociétés bien capitalisées, notamment William Hill, Cantor Gaming et Tabcorp. Un des témoins précédents, M. Peter Cohen, vous en a déjà parlé.
Les hippodromes au Canada n'ont absolument aucune expérience dans le domaine des paris à cote fixe, où le parieur connaît les cotes exactes qu'il recevra au moment de placer sa mise. Contrairement au pari mutuel, les parieurs qui misent sur le même résultat ne reçoivent pas tous les mêmes cotes parce que celles-ci peuvent varier selon les sommes misées sur chaque résultat. En fait, le preneur de paris est tenu d'évaluer les cotes et de les rajuster activement pour s'assurer qu'il fera un profit, peu importe le résultat.
Dans un pari à deux résultats, si les parieurs misent une importante somme d'argent sur un résultat A, le preneur de paris réduira les cotes du résultat A et augmentera celles du résultat B, tout en gardant une marge relativement stable. Ce changement des cotes attirera plus de mises sur le résultat B, ce qui permettra au preneur de paris d'équilibrer le tout. Encore une fois, je répète qu'il s'agit d'un calcul que les hippodromes canadiens n'ont jamais eu l'occasion de gérer pendant leurs plus de 100 ans d'existence.
Enfin, la proposition de Woodbine porte sur les questions de mise sur pied et d'exploitation. Du point de vue juridique, l'amendement proposé m'inquiète beaucoup. À l'heure actuelle, deux entités principales peuvent mettre sur pied et exploiter des jeux de hasard et des paris : les gouvernements provinciaux et les organismes de charité ou religieux. J'utilise l'expression « mettre sur pied et exploiter » de façon très délibérée puisqu'elle a été soigneusement interprétée par les cours d'appel partout au Canada au cours des 22 dernières années. Les alinéas 207(1)a) et b) précisent clairement que les gouvernements provinciaux et les organismes de charité ou religieux sont exclusivement chargés de mettre sur pied et d'exploiter des jeux de hasard et des paris. De plus, les tribunaux ont clairement indiqué que ces responsabilités ne peuvent pas être déléguées. Il est possible de confier des tâches opérationnelles quotidiennes à des exploitants privés, mais les gouvernements provinciaux et les organismes de charité ou religieux doivent garder le contrôle sur la mise sur pied et l'exploitation. En 1990, la Cour d'appel du Manitoba a décrit cela comme « l'état d'esprit conscient » qui guide l'ensemble du domaine.
Dans l'amendement que Woodbine propose d'apporter au projet de loi C-290, on a délibérément laissé dans le vague la question juridique cruciale de savoir quelle entité serait chargée de mettre sur pied et d'exploiter des paris sportifs. Les termes « mettre sur pied et exploiter » sont d'ailleurs tout à fait absents du libellé proposé. L'amendement stipule plutôt que les gouvernements provinciaux « autoriseraient » l'exploitant de paris mutuels à « accepter des paris » sur une seule épreuve sportive.
À mon avis, l'amendement proposé sèmerait la confusion puisqu'on ne saurait pas qui, du gouvernement d'une province ou de l'exploitant de paris mutuels, serait l'état d'esprit conscient des paris. Ainsi, il se pourrait que les exploitants de paris mutuels empiètent sur la compétence provinciale exclusive pour ce qui est de réglementer les jeux de hasard et les paris. Aux termes de l'amendement proposé par Woodbine, il n'est pas clair si cette proposition risque de réduire ou de restreindre les droits des provinces dans ce domaine.
Par ailleurs, cela créerait une double réglementation. L'amendement proposé ouvrirait la porte à la double réglementation des activités des hippodromes. À l'heure actuelle, les exploitants de paris mutuels sont réglementés par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il s'agit de la seule forme de paris ou de jeux de hasard qui ne soit pas réglementée par les gouvernements provinciaux ou un organisme qui en relève. En 1991, la Cour suprême du Canada a reconnu que seuls les gouvernements provinciaux ont le pouvoir de réglementer ces formes de jeux de hasard en vertu des diverses rubriques de l'article 92 de la Loi constitutionnelle.
Selon l'amendement proposé, les exploitants de paris mutuels seraient assujettis à deux régimes de réglementation : un régime fédéral qui régit la mise sur pied d'un pari mutuel sur les courses de chevaux et un régime provincial qui régit les paris sur d'autres épreuves sportives.
Ma question est la suivante : les gouvernements provinciaux sont-ils prêts à s'occuper d'un type de réglementation qu'ils n'ont jamais utilisé auparavant? Je ne le sais pas — ni d'ailleurs, en tout respect, aucun des membres du comité —, car à ma connaissance, les gouvernements provinciaux n'ont eu aucun mot à dire au sujet de l'amendement proposé.
Par contre, avant qu'on en arrive au libellé actuel du projet de loi ou qu'on en saisisse votre comité, j'ai cru comprendre qu'on avait obtenu l'approbation unanime des gouvernements provinciaux. C'est ce qu'a indiqué le député de Windsor-Ouest le 4 octobre 2012, lors de son témoignage. On a accordé aux gouvernements provinciaux le temps nécessaire pour déterminer si le projet de loi C-290 prévoit une réglementation innovatrice des jeux de hasard qu'ils seraient disposés à accepter. En revanche, on ne leur a pas donné l'occasion d'examiner la proposition mise de l'avant par Woodbine.
L'accord fédéral-provincial de 1985 sur les jeux de hasard et les paris est également important parce qu'on a élaboré le libellé actuel de la partie VII du Code criminel — dans laquelle figurent les dispositions visées par le projet de loi C- 290 — conformément à un accord conclu en 1985 entre le gouvernement du Canada et les 10 gouvernements provinciaux. M. Weber vous en parlera plus en détail. Manifestement, le gouvernement du Canada devait s'abstenir de s'ingérer dans le domaine des jeux de hasard et des paris et veiller à ce que les droits des provinces en la matière ne soient pas réduits ou restreints à l'avenir.
L'amendement proposé au projet de loi C-290 n'a pas obtenu le consentement des gouvernements provinciaux, et le manque de clarté dans son libellé risque de réduire ou de restreindre les droits des provinces dans le domaine des jeux de hasard et des paris. Il se peut donc que la proposition entraîne un conflit entre les gouvernements provinciaux et fédéral aux termes de l'accord de 1985.
En conclusion, selon moi, les avantages du projet de loi C-290 sont tels que le gouvernement fédéral devrait l'adopter immédiatement, sans y inclure l'amendement proposé. La modification que Woodbine propose d'apporter au Code criminel — et qui imposerait un fardeau réglementaire aux provinces — devrait obtenir, comme il se doit, l'appui de tous les gouvernements provinciaux avant qu'elle soit présentée au Parlement. Le projet de loi C-290 a reçu l'appui unanime des provinces. La population ne devrait pas être privée de ses avantages, en attendant qu'on examine l'amendement proposé au projet de loi C-290, qui, à ma connaissance, n'a été appuyé par aucun gouvernement provincial.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous ce matin. Si vous avez des questions, je serai heureux de tenter d'y répondre.
La vice-présidente : Nous passerons aux questions après l'exposé de M. Weber. Merci, monsieur Lipton.
Avant de passer à M. Weber, à titre d'information pour nos téléspectateurs, j'aimerais clarifier un élément du processus parlementaire.
Monsieur Lipton, vous avez montré très clairement que vous vous opposez à l'amendement proposé par Woodbine, ce qui est votre droit absolu. Toutefois, en ce qui concerne le processus parlementaire, quand on présente un amendement au comité, ce n'est pas un travail fait à la dernière minute. C'est au comité que les parlementaires étudient des mesures législatives. Cela se fait à la Chambre des communes et au Sénat. Notre comité s'engage à étudier le projet de loi, et c'est au comité que les amendements sont normalement proposés.
Je ne dis pas que le comité adoptera ou non l'amendement au projet de loi dont nous sommes saisis, mais les amendements ne sont pas du tout inhabituels, particulièrement lorsqu'il s'agit de projets de loi d'initiative parlementaire, comme c'est le cas ici. Je sais que vous comprenez cela, mais j'ai cru bon de tirer les choses au clair, juste au cas où les téléspectateurs commencent à se poser des questions sur le processus parlementaire qui peut parfois s'avérer complexe.
Kevin J. Weber, partenaire, Droit du jeu, Dickinson Wright LLP, à titre personnel : M. Lipton a parlé des avantages que le projet de loi C-290 procurerait au public s'il était adopté dans sa forme actuelle. J'aimerais d'abord vous donner plus de détails sur un point qu'il a abordé brièvement, c'est-à-dire comment détecter et contrer la tenue de matchs arrangés. Je commenterai ensuite l'amendement proposé par Woodbine, notamment en ce qui concerne l'accord interprovincial de 1985 qui régit ce secteur entre les provinces et le gouvernement fédéral. À cette fin, j'ai demandé qu'un exemplaire de l'accord de 1985 soit remis avec mes notes d'allocution à tous les membres du comité.
Je crois que l'un des objectifs en 1985, avec la restriction qui est encore aujourd'hui prévue par le Code criminel à l'égard des paris sur une seule épreuve sportive, était d'éviter complètement la tenue de matchs arrangés. C'était le but de cette restriction. J'en ai eu la confirmation formelle par des gens qui ont participé à la rédaction de la disposition à l'époque.
L'idée était de forcer les criminels à arranger plusieurs épreuves sportives pour que leurs paris leur rapportent, ce qui rendait l'entreprise trop compliquée pour que ce soit fructueux. Je dirais que c'était une précaution sensée en 1985. En 1985, une personne physiquement présente au Canada devait placer ses paris au Canada et était donc assujettie à la restriction des paris sur une seule épreuve sportive, à moins de faire appel à un preneur de paris clandestin sur la rue ou au téléphone. Outre ces moyens illégaux, la seule façon de parier sur une seule épreuve sportive était de quitter le pays et d'aller à Las Vegas ou là où cette pratique était permise.
Toutefois, cette restriction sensée a cessé de l'être de nombreuses années plus tard. Avec l'avènement des paris en ligne, la restriction du Code criminel à l'égard des paris sur une seule épreuve sportive ne fait absolument plus obstacle à la tenue de matchs arrangés. Les joueurs qui ont tendance à influer illégalement sur l'issue d'une épreuve sportive ayant lieu au Canada n'ont qu'à placer leurs paris à partir d'un site Web hébergé à l'étranger. Ils n'ont pas à quitter le Canada. Ils ont le champ libre.
Je sais que d'autres témoins vous ont dit que la tenue de matchs arrangés ne constituait pas un problème de taille actuellement au Canada, et je n'ai aucune preuve du contraire. Cela dit, c'est tout de même ce phénomène que le Parlement tentait de contrer avec cette restriction à l'époque, alors c'est tout à fait pertinent. Avec les sites de paris en ligne, les plus petites épreuves sportives deviennent maintenant prétexte à parier partout dans le monde, même celles pour lesquelles les athlètes ne gagnent qu'un maigre salaire et doivent avoir un deuxième emploi. Je pense à la crosse, au soccer et à la LCF au Canada. Même si cela ne pose pas nécessairement de problème, quand on a affaire à des athlètes qui ne sont pas très bien payés, cela ouvre tout de même la porte à la tenue de matchs arrangés. Nous devons faire quelque chose pour éviter que cela se produise, et il semble évident que la restriction à l'égard des paris sur une seule épreuve sportive n'est pas la solution.
Dans un monde où il est impossible d'interdire les paris en ligne, quel est le meilleur outil pour contrer la tenue de matchs arrangés? La solution réside dans l'information. Les gouvernements provinciaux peuvent adopter des mesures permettant de surveiller les tendances afin de déceler les activités inhabituelles qui indiquent que des paris ont été engagés à partir d'informations privilégiées. Les données de ce suivi peuvent être transmises à d'autres administrations qui surveillent les activités liées aux paris sportifs. Les grandes ligues sportives américaines collaborent exactement de cette façon avec le Las Vegas Sportsbook. Elles travaillent aussi avec des almanachs sportifs européens, comme Betfair, tout comme le comité olympique et la FIFA. C'est un moyen très couramment utilisé partout dans le monde pour combattre ce fléau, particulièrement dans les nombreux pays où le problème est plus flagrant qu'au Canada. L'unique restriction de ce processus est que seuls les paris engagés dans les pays réglementés peuvent faire l'objet d'un tel suivi. Évidemment, il est impossible de faire une surveillance si tous les paris de ce genre sont pris de façon clandestine.
En réglementant les paris sur une seule épreuve sportive, les provinces pourraient mettre au jour un important pourcentage de paris canadiens qui ne peuvent pas faire l'objet d'un suivi à l'heure actuelle, et les inscrire dans un système réglementé et surveillé par les gouvernements. Je pense aux paris engagés auprès de preneurs clandestins, et à ceux pris par téléphone ou en ligne dans des pays moins réglementés. Évidemment, quand les Canadiens engagent des paris dans des endroits réglementés, ces paris peuvent être surveillés, mais les gens ne choisissent pas nécessairement de faire des paris dans les pays les mieux réglementés. Comme mon collègue l'indiquait, ils pourraient simplement se fier aux meilleures cotes. Le Canada peut faire partie de la solution s'il veille à ramener un pourcentage des paris au pays. Sans cet amendement, le Canada va continuer à inciter les joueurs à choisir des options qui ne sont pas nécessairement repérables pour engager des paris sportifs.
Pour ce qui est de l'amendement proposé au projet de loi C-290...
La vice-présidente : Monsieur Weber, je suis désolée de vous interrompre; je déteste cela. Toutefois, comme le temps nous presse un peu, nous serons heureux d'entendre vos arguments à propos de l'amendement, mais je vous prierais de ne pas reprendre ceux présentés par M. Lipton. Si vous aviez l'intention de revenir sur les mêmes points dans le but d'insister sur des arguments qui vous tiennent vraiment à cœur, il serait peut-être préférable qu'on s'en tienne à votre mémoire écrit pour pouvoir passer aux questions.
M. Weber : Alors j'aimerais parler brièvement de l'entente de 1985, si tout le monde l'a reçue, et passer en revue les points que je considère les plus importants en ce qui concerne l'amendement.
L'article 1.1 de l'entente de 1985 prévoit que le gouvernement du Canada doit s'engager à « s'abstenir de réintégrer le domaine du jeu et du pari (sauf dans la mesure de son rôle actuel... relativement aux courses de chevaux) et faire en sorte que les droits des provinces dans ce domaine ne soient pas réduits ou restreints. »
L'article 1.2 propose en annexe des amendements au Code criminel et engage le gouvernement du Canada à consulter les ministres de la Justice provinciaux avant de modifier le code conformément aux amendements proposés.
L'article 2.2 stipule que les provinces doivent continuer à verser des paiements indexés au gouvernement du Canada conformément à une entente interprovinciale conclue en 1979. On m'a informé que ces paiements versés au gouvernement fédéral s'élevaient à 66,6 millions de dollars par année en 2010.
L'article 4 prévoit que si le gouvernement du Canada ne respecte pas ses engagements stipulés à l'article 1, c'est-à-dire s'il réduit ou limite les droits des provinces dans le secteur du jeu et des paris, les provinces ont le droit de retenir leurs versements annuels et d'utiliser tous les recours offerts à l'égard d'un tel différend.
L'article 7 de l'entente précise que des procédures judiciaires sont à envisager en cas de litige, car elle stipule que les parties reconnaissent que l'objet de l'entente est d'ordre commercial et que les gouvernements s'engagent à n'invoquer aucune prérogative de la Couronne ni aucune immunité en cas de litige, y compris en cas de procédures judiciaires dérivant de l'entente de 1985.
Finalement, l'article 8 prévoit que l'entente ne peut être modifiée ou révoquée qu'avec le consentement unanime des provinces et du gouvernement du Canada.
Nous ne savons toutefois pas comment les gouvernements provinciaux perçoivent l'amendement proposé au projet de loi C-290. À notre connaissance, ils ne se sont pas prononcés à ce sujet. À ce qu'on sache, ils n'ont pas non plus été consultés. À la lumière des enjeux soulevés par mon collègue, M. Lipton, il est à tout le moins envisageable que certains d'entre eux considèrent que l'amendement proposé vienne réduire ou restreindre leurs droits dans le secteur du jeu et des paris, vu l'incertitude qui plane au-dessus de l'entité qui serait chargée de diriger et d'administrer les paris. Cela contreviendrait à l'article 1.1 de l'entente. Les provinces pourraient prendre des mesures politiques en conséquence. Cela pourrait se traduire simplement par une détérioration générale des relations fédérales-provinciales, mais les provinces pourraient aussi décider de retenir leurs paiements annuels au gouvernement fédéral. Et dans un cas plus extrême, elles pourraient faire appel à la justice pour régler la question.
Depuis 1985, le gouvernement du Canada a pour pratique d'obtenir le consentement des provinces avant d'amender toute disposition du code concernant le jeu et les paris légaux. À savoir si c'est une question de précédent ou si l'intention était réellement d'éviter des différends concernant l'entente de 1985, je n'en suis pas certain. Cependant, j'estime qu'il est important de signaler encore une fois, comme l'a fait mon collègue, que le projet de loi C-290 n'a pas été approuvé par tous les gouvernements provinciaux avant d'arriver ici.
Nous ne savons pas quelles seraient les répercussions d'un changement unilatéral sur les relations fédérales- provinciales. Compte tenu des protections qu'offrirait le projet de loi C-290 au public, je propose que le comité l'adopte sans tarder. Je ne crois pas que l'amendement proposé par Woodbine tomberait nécessairement dans l'oubli si le comité procédait ainsi. Je pense que la meilleure façon de présenter cet amendement serait celle employée par M. Comartin, c'est-à-dire de soumettre un projet de loi d'initiative parlementaire. Je suis persuadé que bien des députés ont des hippodromes dans leur circonscription, entre autres choses, et qu'ils se feraient un plaisir de déposer un tel projet de loi. Ils pourraient le soumettre puis tâcher d'obtenir l'approbation des gouvernements provinciaux, et apporter les changements nécessaires pour le faire approuver par les provinces. De cette façon, on s'assurerait d'éviter tout litige à l'égard de l'interprétation de l'article et des relations fédérales-provinciales.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Je vous remercie également d'avoir si bien abrégé votre présentation. Je pense que vous avez couvert tous les points soulevés dans votre mémoire écrit. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Le sénateur Runciman : Je m'interroge au sujet du temps que vous avez consacré aux courses de chevaux, au fait non seulement de l'amendement proposé, mais aussi du manque de qualifications des propriétaires d'hippodrome pour gérer des paris sportifs.
Je suis l'auteur de ce projet de loi et je voterai pour, mais je dois admettre que s'il y a une chose qui m'inquiète, ce sont les politiques dévastatrices de la Société des loteries et des jeux de l'Ontario pour l'industrie des courses de chevaux de la province. Elles ont sérieusement nui aux régions rurales de l'Ontario, entraînant la perte de quelque 30 000 emplois. Je ne peux pas vous dire à quel point cela me met hors de moi de voir ce qui est en train de se passer pour des gains sans lendemain. Quoi qu'il en soit, monsieur Lipton, vous dites qu'ils n'ont pas les compétences voulues dans ce domaine. Et c'est sans égard au bien-fondé ou non de l'amendement proposé.
J'ai quelques questions à vous poser à propos du New Jersey et de son intention de permettre les paris sur une seule épreuve sportive. Le plan est de les intégrer aux casinos et aux hippodromes.
M. Lipton : Je veux dire plus précisément que ces gens n'ont jamais eu à traiter avec cette forme particulière de paris avant aujourd'hui. Je crois avoir aussi mentionné que c'est certainement une compétence qu'ils pourraient acquérir par des études ou de la formation.
À mon avis, Woodbine mène une magnifique entreprise. Cela ne fait aucun doute; c'est un leader mondial dans le domaine, et il pourrait très bien se lancer dans ce secteur précis également. Je voulais toutefois préciser l'information qui avait précédemment été donnée au comité, à savoir qu'il n'y a qu'un pas à faire entre les paris sur une seule course de chevaux et les paris sur une seule épreuve sportive. Je crois plutôt qu'il y a une énorme différence entre les deux. Cela ne signifie pas toutefois qu'il est impossible d'y arriver. Je voulais vous le signaler, à vous et aux membres du comité.
Le sénateur Runciman : Je vous prie de m'excuser, j'ai cru que vous vouliez insister sur leur maque de qualifications plutôt que sur leur capacité d'apprendre les rouages du métier.
Je voudrais qu'on parle du New Jersey et du Delaware, où toutes les grandes associations sportives professionnelles et la NCAA ont intenté des poursuites à l'égard de l'autorisation des paris sur une seule épreuve sportive. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la position adoptée par les ligues professionnelles. Juridiquement parlant, est-ce que des poursuites semblables pourraient être intentées contre les provinces qui décideront plus tard d'emprunter cette voie?
M. Lipton : Pour ce qui est de la première partie de votre question, en ce qui a trait à la position des ligues sur la décision prise par le New Jersey, il faut revenir en arrière un moment. Le New Jersey a décidé de permettre les paris sur une seule épreuve sportive. Comme vous l'avez indiqué, cela aurait lieu dans les casinos et les hippodromes. Le gouverneur Christie s'est prononcé en faveur de cette loi.
En ce qui concerne la Professional and Amateur Sports Protection Act (PASPA), c'est une loi qui a été promulguée grâce aux efforts déployés par le sénateur américain Bradley, sénateur de l'État de New York et ancien joueur de basketball vedette des Knicks de New York. Quand cette loi est entrée en vigueur — au début des années 1980, si je ne me trompe pas —, le Congrès a permis aux États d'avoir...
Le sénateur Runciman : Puis-je vous interrompre? Je vous ai posé des questions assez précises. Je ne veux pas être impoli, mais le temps nous presse. Je préférerais donc que vous nous parliez des points que j'ai soulevés, plutôt que de revenir à l'historique, que certains d'entre nous connaissent déjà.
M. Lipton : Les tribunaux examinent la loi du New Jersey afin de déterminer si elle interfère avec les droits de chaque État de recevoir un traitement égal. Les ligues sportives affirment que permettre ce type de paris pourrait nuire à l'intégrité de leurs sports respectifs.
Elles ont leur opinion, mais je crois que la NFL et d'autres ligues sportives travaillent de près avec les organismes de réglementation du Nevada, entre autres, pour tenter de déterminer combien de paris de ce genre on recense dans ce secteur en particulier. Les ligues sportives utilisent donc les statistiques sur les paris sportifs pour savoir si les paris sur une seule épreuve sportive posent problème, et s'ils risquent d'ouvrir la porte à la tenue de matchs arrangés et de nuire à l'intégrité de l'industrie des sports.
Aux États-Unis, on compte près de 300 millions, et peut-être plus, de paris clandestins. Pourtant, la NFL, la Major League Baseball et d'autres ligues sportives semblent être en mesure d'affronter la tourmente quand l'intégrité de l'industrie est en jeu. C'est en 1919 que cela s'est produit pour la dernière fois. À mon humble avis, la position des ligues sportives concernant les répercussions des paris sur une seule épreuve sportive n'est plus justifiée.
À savoir ce qui pourrait arriver en Ontario ou dans les autres provinces du Canada, je pense que le gouvernement de l'époque avait fait en sorte que les paris de la NBA ne fassent pas partie de PRO-LINE quand l'équipe des Raptors s'est installée en Ontario. Il se peut que certaines ligues sportives réclament la même chose. Je ne peux pas prédire leur réaction à ce sujet.
Les ligues sportives choisissent quand même Las Vegas pour organiser des événements majeurs. Le match des étoiles de la NBA a eu lieu au Nevada, et les paris fusent là-bas. Il y a aussi des matchs de soccer qui se tiennent à Londres, en Angleterre, et les paris fusent là-bas aussi. Je ne crois donc pas que cela aura des répercussions sur l'intégrité des ligues sportives. En fait, cela aura exactement l'effet contraire.
Le sénateur Runciman : Cette question s'adresse à M. Weber. Quel type de mise en application sera nécessaire selon vous pour avoir le plus d'incidence possible sur le crime organisé?
M. Weber : Il faut catégoriser ce qu'on qualifie de « crime organisé ». Quand je parle de crime organisé dans ce secteur, je pense aux preneurs de paris clandestins au Canada qui fonctionnent par téléphone ou qui donnent rendez- vous dans un endroit secret à ceux qui veulent parier sur une seule épreuve sportive. Je ne parle pas des activités outre- mer, qui pour la plupart n'appartiennent pas à cette catégorie, car bien souvent les sites de paris en ligne sont hébergés dans des pays hautement réglementés. Franchement, les sociétés de loterie provinciales du Canada vont devoir travailler pour atteindre le même niveau lorsqu'on autorisera les paris sur une seule épreuve sportive.
Au Canada, je peux vous parler de l'expérience des autres administrations... Je pense à l'Australie, et je crois que le comité en a déjà entendu parler. Il faut d'abord informer les gens des avantages associés aux mises légales, mais une fois la possibilité offerte au grand public, il faut très peu de temps avant de pouvoir offrir de meilleures cotes que ne peuvent le faire les criminels organisés pour éviter de perdre tous leurs clients.
Il est dangereux à bien des égards d'engager des paris auprès des criminels organisés. Ils vont vous prêter de l'argent quand vous êtes dans le pétrin. On a donc affaire en plus à des prêts usuraires, alors c'est risqué. En comparaison, certaines provinces interdisent totalement le crédit dans le secteur du jeu et des paris. Les personnes qui ne font pas leur mise par téléphone mais sur place risquent aussi leur santé physique; ce ne sont pas des endroits sécuritaires.
Il y a par ailleurs le simple fait de se faire payer. Le gouvernement va vous donner ce qu'il vous doit. Vous le savez. C'est aussi un avantage que n'offrent pas les sites de paris en ligne. Si vous ne prenez pas soin de choisir un site hébergé dans un pays réglementé, rien ne garantit que vos gains vous seront versés.
Les avantages que cela représente par rapport au crime organisé sont énormes. Je pense que l'adoption d'une telle loi, d'abord, et l'éducation du public à l'égard des avantages des mises légales pourraient nuire sérieusement au crime organisé.
Le sénateur Baker : Je veux d'abord remercier les témoins d'être ici aujourd'hui. Je signale au passage qu'il est dommage que le comité ne puisse pas entendre les représentants du ministère de la Justice dans le cadre de cette étude. J'aurais aimé avoir leur interprétation de cette modification du Code criminel.
Je ne doute pas de l'expertise des témoins, car ils font tous deux partie du Chambers Global et ils sont reconnus par leurs pairs comme quelques-uns des meilleurs avocats au Canada. J'ai cependant toujours cru que leurs domaines de spécialité étaient la comptabilité agréée et la gestion; je croyais que c'était leur domaine de pratique.
Quoi qu'il en soit, je comprends les points juridiques que vous soulevez, mais je ne suis pas d'accord avec votre conclusion sur ces points de droit.
Je ne sais trop que penser de ce projet de loi parce qu'il abroge tout l'alinéa 207(4)b) du Code criminel. Il n'y a pas de jurisprudence sur l'alinéa 207(4)b) du Code criminel, ni sur l'alinéa 207(4)a). Il y a un alinéa 207(4)c), auquel vous avez fait allusion.
Le problème, à mon avis, c'est la conjonction « ou » dans ce que nous supprimons. « Ou » apparaît au moins deux ou trois fois dans tout l'alinéa : « ou » un combat « ou » sur une seule épreuve « ou » manifestation sportive. « Ou » ceci cela. Si l'on examine la jurisprudence sur la valeur de la conjonction « ou », on voit que la Cour suprême du Canada a déterminé à maintes reprises que l'utilisation du mot « ou » dans ce contexte sépare des éléments distincts en soi.
Tout votre témoignage porte sur l'abrogation de l'alinéa qui régit les paris « sur une seule épreuve sportive ». Qu'en est-il des autres éléments que nous éliminons du même coup et qui sont séparés par la conjonction « ou »? Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous pencher sur la question, mais quelle sera l'incidence de l'abrogation de tout l'alinéa proposée dans le projet de loi?
M. Lipton : Je vais commencer. Mon partenaire Kevin Weber et moi travaillons ensemble depuis plus de 15 ans. Il pourra relever tous mes oublis, j'en suis sûr.
J'exerce le droit depuis plus de 40 ans. J'ai l'occasion de travailler dans ce domaine particulier depuis une vingtaine d'années. Je ne cesse de m'étonner de voir qu'il y a toujours des perspectives et des questions différentes qui sont soulevées. C'est ce qui est fantastique dans l'exercice du droit, on peut examiner différentes questions de divers points de vue.
D'un point de vue général, vous avez peut-être raison pour ce qui est de l'interprétation des jugements de la Cour suprême concernant le mot « ou » par opposition au mot « et », et de l'idée de supprimer les deux ou trois premières occurrences de « ou » pour que la fin de la phrase soit : « une course, un combat, une seule épreuve ou manifestation sportive ». Je crois que le Parlement a choisi ce libellé en 1985 pour nous protéger contre le risque de paris truqués qui existait à l'époque.
Vingt-sept ans plus tard, il est clair que la technologie à notre disposition nous permet de discerner rapidement par ordinateur s'il y a un risque de paris truqués. Le bien-fondé de la loi en 1985 ne s'applique plus, à mon humble avis, grâce à la technologie, ce qui est bien. Par conséquent, je suis d'avis que le fait de supprimer cet alinéa ne crée pas de risque de truquage d'une course, d'un combat, d'une seule épreuve ou manifestation sportive. Cela va nous permettre de réglementer ce type de pari, qui n'est pas réglementé à l'heure actuelle, sur une course, un combat, une seule épreuve ou manifestation sportive. Ce ne sera plus une activité illicite, mais une activité réglementée, ce qui est tout à l'avantage du public.
Le sénateur Baker : J'étais là en 1985. Je me suis colleté avec le ministre qui a proposé cette restriction, l'honorable John Crosbie, alors ministre de la Justice, et elle a été incluse à la loi. Je reconnais que la règle que nous a lue M. Weber est juste : il doit y avoir consentement unanime des provinces pour modifier le Code criminel sur ces questions. D'après les témoignages que nous avons recueillis jusqu'à maintenant, cinq provinces sont d'accord avec cette modification, mais nous n'avons pas entendu parler de l'avis des cinq autres.
Monsieur Lipton, j'aimerais vérifier une chose. J'imagine que vous avez siégé à tous les comités qui ont travaillé à la modification de cet article du code. Pouvez-vous dire au comité si vous avez fait partie d'un groupe de travail avec des sous- ministres des provinces à ce sujet, sous la présidence d'une personne très respectable du ministère de la Justice et si vous considérez que les représentants des provinces ont examiné la question à ces réunions et qu'elles n'ont pas donné de réponse définitive, mais qu'elles ont été averties qu'elles devaient prendre des mesures pour « atténuer le risque de paris truqués ». Pouvez-vous confirmer au comité que c'est bien le cas?
M. Lipton : Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur. Je peux vous assurer que je n'ai siégé à aucun comité à ce moment-là. J'ai lu toute la documentation accessible. Et je peux attester aujourd'hui que j'ai été informé par le député de Windsor-Ouest que, d'après son témoignage du 4 octobre, tous les gouvernements provinciaux ont approuvé le projet de loi C-290 dans sa forme actuelle.
Le sénateur Baker : C'est ce qu'il dit.
M. Lipton : Oui, c'est ce qu'il dit, et je me fie à sa parole, monsieur le sénateur.
Le sénateur Baker : Bien sûr.
Avons-nous des preuves, madame la présidente, que toutes les provinces ont donné leur appui à ce projet de loi?
La vice-présidente : Nous avons des copies de quelques lettres, mais je ne sais pas si nous en avons de toutes les provinces.
Le sénateur Baker : En avez-vous une de Terre-Neuve-et-Labrador?
La vice-présidente : Rafraîchissez-moi la mémoire, chers collègues.
Le sénateur Baker : C'est la raison pour laquelle il vaudrait la peine d'inviter le président du groupe de travail des sous-ministres de la Justice à comparaître devant nous pour nous dire comment les provinces réagissent à ce projet de loi, madame la présidente.
La vice-présidente : Monsieur Baker, nous avons invité des témoins du ministère de la Justice. Jusqu'à maintenant, ils se montrent un peu enclins à comparaître, mais nous continuons d'insister.
Le sénateur Baker : Nous avons toujours l'option de les assigner à témoigner.
La vice-présidente : C'est au président d'en décider.
Le sénateur Baker : Oh! au président.
La vice-présidente : Je suis vice-présidente, comme vous le savez.
Le sénateur White : J'entends continuellement parler des milliards de dollars investis dans le jeu à l'étranger. J'ai aussi entendu un témoin de l'Australie, la semaine dernière, qui nous a dit qu'il n'y avait pas de problème de jeu à l'étranger en Australie. Plus tard, le témoin a reconnu que les Australiens misaient plus d'un milliard de dollars à l'étranger. Combien d'argent les Canadiens parient-ils à l'étranger sur une seule épreuve?
M. Lipton : Malheureusement, ces données ne sont pas publiées, essentiellement parce que les paris à l'étranger sont faits dans des pays qui ne les réglementent pas ou qui les réglementent, mais à qui nous n'avons pas demandé d'information. Il se peut aussi que l'information ne soit pas disponible. On présume qu'ils oscillent entre 2 et 4 milliards de dollars.
Le sénateur White : C'est l'ampleur des sommes qui sortent du Canada chaque année en paris sur une seule épreuve.
M. Lipton : D'après mes informations.
Le sénateur White : Je serais ravi de savoir d'où vous tirez cette information.
M. Lipton : Je lis divers documents. Je lis constamment des textes sur cette question. Aux États-Unis, selon les données du Nevada, les paris inscrits dans les registres sportifs du Nevada sont d'environ 1 milliard de dollars. On estime — et je répète que c'est une estimation — que les paris clandestins pourraient atteindre de 350 à 400 milliards de dollars.
Le sénateur White : Vous avez mentionné les États-Unis, donc j'aimerais vous demander pourquoi vous ne proposez pas la mise en place d'une loi d'application semblable à celle des États-Unis, qui a permis de saisir presque 1 milliard de dollars d'actifs l'été dernier? Pourquoi ne pas proposer de loi comparable plutôt que de légaliser cette activité, parce nous pourrions utiliser l'argent qui sort du Canada pour nous attaquer au problème du bon angle.
M. Lipton : À mon avis, la loi régissant le jeu et les paris en ligne illicites, aux États-Unis, ne fonctionne pas. Les saisies annoncées par le département de la Justice des États-Unis sont ridicules comparativement à ce qui entre dans le système, d'après ce qu'on peut lire ici et là.
Quand on arrête une personne ou une entreprise, d'autres prennent le relais. Bref, il semble que la loi américaine, qui vise à ce que les banques bloquent ces transactions, ne porte pas fruit. Je pense que les membres du Congrès américain parlent de la modifier pour permettre le poker en ligne. Le Nevada a adopté une loi pour le permettre et a commencé à le réglementer. Quelques autres États américains envisagent eux aussi une telle solution. Je vous le concède, il s'agit de sites de poker et non de paris sur une seule épreuve. Les seuls États intéressés à légaliser ces paris sont le New Jersey, le Delaware, le Nevada et peut-être quelques autres.
Je pourrais entrer dans les détails d'autres problèmes, mais le fin mot de l'histoire, c'est qu'en toute déférence, je crois que la Unlawful Internet Gaming Enforcement Act ne fonctionne pas.
La vice-présidente : Je vous remercie beaucoup tous les deux.
Avant de continuer, je précise que nous avons reçu copie de lettres que l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique ont fait parvenir au ministre de la Justice. Nous n'avons pas reçu copie de correspondance de Terre-Neuve-et-Labrador.
Nous avons demandé à toutes les provinces de faire part de leur opinion sur ce projet de loi au comité.
Le sénateur Baker : Vous avez reçu des réponses de quatre provinces.
La vice-présidente : Ces lettres ont été adressées au ministre de la Justice. Aucune province ne nous a écrit directement.
Le sénateur Baker : Je soulève la question parce que, selon ce que nous avons convenu, ce que M. Weber nous a rappelé, nous devons avoir le consentement unanime des provinces.
La vice-présidente : Merci beaucoup, messieurs. Vous nous avez beaucoup éclairés, et nous vous en sommes reconnaissants.
Notre deuxième groupe de témoins de ce matin comprend l'honorable Michael Chong, député de Wellington- Halton Hills, qui comparaît à titre personnel. Ce n'est pas souvent qu'un député comparaît devant un comité sénatorial, et c'est toujours un plaisir. De même, nous recevons Derek Miedema, chercheur à l'Institut du mariage et de la famille Canada.
[Français]
L'honorable Michael Chong, CP, député, Wellington-Halton Hills, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie pour votre invitation.
[Traduction]
Je suis reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant le comité pour signifier mon opposition au projet de loi C-290, car les députés du Parlement n'ont pas eu la possibilité de voter officiellement sur cet important texte législatif.
Diverses formes de jeux de hasard sont depuis longtemps interdites en vertu du Code criminel. Depuis 1969, le Code criminel a fait l'objet de plusieurs modifications visant à décriminaliser diverses formes de jeux de hasard. Par conséquent, les recettes brutes découlant des jeux de hasard sous responsabilité gouvernementale ont régulièrement augmenté pour passer d'environ 3 milliards de dollars en 1992 à 14 milliards de dollars en 2011, soit cinq fois plus.
[Français]
Tout indique, cependant, que les recettes gouvernementales tirées de ces sources entraînent des coûts sociaux élevés, les risques l'emportent sur les avantages.
[Traduction]
Je vais vous décrire ces risques.
Le coût social des jeux de hasard est porté par les enfants, les familles à faible revenu et les gens à la personnalité compulsive. La dépendance aux jeux de hasard est devenue un grave problème de santé mentale et un problème de santé publique croissant.
[Français]
Par exemple, le nombre de suicides liés aux jeux de hasard augmente au Canada. En 1998, le bureau du coroner du Québec avait pu relier 27 suicides à la dépendance aux jeux de hasard. En 2004, ce nombre est passé à 32.
En Ontario, le bureau du coroner en chef nous apprend que le nombre de suicides liés aux jeux de hasard a plus que triplé entre 1998 et 2007.
[Traduction]
Comme beaucoup de provinces n'enregistrent pas officiellement le taux de suicide lié aux jeux de hasard, il se peut que les chiffres soient beaucoup plus élevés. Selon le Conseil canadien de la sécurité, plus de 200 Canadiens se suicident chaque année en raison de problèmes liés aux jeux de hasard.
Les jeux de hasard sont un moyen inefficace pour accroître les recettes du gouvernement. Pour chaque dollar ainsi recueilli, le gouvernement doit dépenser 50 ¢. En 2011, les gouvernements de toutes les provinces ont dépensé environ 7 milliards de dollars pour recueillir 14 milliards de recettes de jeux de hasard. Il est beaucoup plus efficace d'employer des moyens traditionnels au lieu de recourir à des sources inefficaces comme les jeux de hasard.
Les jeux de hasard ne permettent pas de créer de bons emplois. Statistique Canada indique que, comparativement aux emplois d'autres secteurs, ceux du secteur des jeux de hasard sont plus susceptibles d'exiger des études secondaires ou moins, d'être payés à l'heure et d'être moins bien rémunérés.
Les critiques font valoir que la compétence en matière de politique relative aux jeux de hasard est d'ordre provincial, ce qui ne tient pas compte du fait que le Code criminel relève de la compétence du gouvernement fédéral. Les tribunaux ont toujours statué que le gouvernement fédéral jouissait d'un vaste pouvoir relativement à l'application du code, comme on peut le lire dans le Renvoi sur la margarine de 1949.
Je le cite :
Paix, sécurité, santé, moralité, ordre public : telles sont les fins visées ordinairement mais non exclusivement par ce droit-là.
Manifestement, les jeux de hasard relèvent de la compétence fédérale. C'est la raison pour laquelle le Code criminel contient quelque 20 pages d'interdictions de diverses formes de jeux de hasard au Canada.
Le projet de loi C-290 aura une incidence négative sur les sports professionnels au Canada. Les ligues de sports professionnels en Amérique du Nord ont fait valoir leurs inquiétudes au sujet des répercussions sur les paris sur une seule épreuve sportive et pourraient annuler les matches hors-concours ou décider de ne pas établir de nouvelles franchises au Canada. Ce n'est pas pour rien que la LNH n'est pas présente à Las Vegas. Il y a à peine deux jours, on pouvait lire dans le New York Times que la NCAA, dont l'Université Simon Fraser fait partie, a annulé six championnats au New Jersey par que l'État a adopté des règles permettant les paris sportifs sur une seule épreuve. Les quatre grandes ligues de sports professionnels aux États-Unis ont intenté de nombreuses poursuites devant la Cour fédérale des États-Unis afin de prévenir la légalisation des paris sportifs sur une seule épreuve en dehors des quatre États qui jouissent de droits acquis en vertu du droit fédéral américain. Il est clair que ce projet de loi aura une incidence négative sur les sports professionnels et amateurs au Canada.
Bien que diverses formes de jeux de hasard soient licites depuis des décennies au Canada, ce qui ne devrait pas changer puisque les gouvernements dépendent de ces recettes, nous ne devrions pas ajouter à leurs effets délétères en élargissant le champ de ces activités. Mesdames et messieurs, je vous exhorte à tenir compte des graves répercussions sociales du projet de loi C-290.
Derek Miedema, chercheur, Institut du mariage et de la famille Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, au nom de l'Institut du mariage et de la famille Canada, je souhaite vous remercier de me donner l'occasion de vous présenter nos observations à l'égard du projet de loi C-290. La greffière a des exemplaires de mon exposé, et les deux articles sur lesquels il se fonde ont déjà été traduits et remis à tous.
L'Institut du mariage et de la famille Canada s'oppose à l'adoption du projet de loi C-290 pour deux raisons : premièrement, les jeux de hasard sont profondément néfastes pour les familles et les communautés des joueurs compulsifs. Le gouvernement a la responsabilité d'absorber une partie plus ou moins grande des coûts des préjudices qui en découlent. Deuxièmement, les gouvernements provinciaux tirent presque le quart de leurs recettes de jeux de hasard des joueurs compulsifs. Le gouvernement abuse de son pouvoir quand il exploite des personnes dépendantes pour générer des revenus. Le Centre canadien de la dépendance et de la santé mentale définit le problème du jeu comme suit :
Le jeu est un problème quand il nuit au travail, aux études ou à d'autres activités, qu'il compromet la santé mentale ou physique, qu'il cause des difficultés financières, qu'il entache la réputation et qu'il cause des problèmes avec la famille ou les amis.
Nous savons qu'il y a beaucoup trop d'innocentes victimes au sein des familles des joueurs à problèmes. Dans le cadre de son étude sur les enfants de joueurs à problèmes, Philip Darbyshire, de la University of the South Australia, a recueilli le témoignage de trois jeunes de la même famille. Selon eux, un jour que leur mère tentait de partir pour aller jouer, un des plus jeunes a essayé de lui arracher sa valise des mains pour l'en empêcher.
Un article publié dans le Journal of Gambling Studies, en 2008, révèle que la violence entre conjoints est beaucoup plus commune dans les couples où il y a un joueur compulsif que dans la population en générale.
Une étude norvégienne menée en 2008 nous apprend que la famille d'un joueur à problèmes est plus de 50 fois davantage susceptible de vivre un conflit familial qu'une famille ne comptant pas de joueur compulsif.
Selon une étude menée par le Dr Robert William, de l'Université de Lethbridge, en Alberta, 75 p. 100 de tout l'argent dépensé au jeu dans la province l'est par environ 6 p. 100 des joueurs.
Une étude effectuée en 2009 évalue à environ 3,2 p. 100 le nombre de Canadiens adultes ayant une dépendance au jeu allant de modérée à forte, ce qui est comparable au nombre de Canadiens âgés de 25 ans ou plus qui boivent souvent à l'excès.
On sait, surtout, que les joueurs à problèmes perturbent la vie de ceux qui les entourent. Selon une étude australienne, un joueur à problèmes peut influer sur la vie de cinq à dix personnes, soit entre quatre millions et huit millions de Canadiens, environ.
Les gouvernements provinciaux sont eux-mêmes dépendants des revenus du jeu. Celui de l'Ontario travaille à un plan d'envergure visant à moderniser la Société des loteries et des jeux de l'Ontario afin d'accroître les profits annuels de la société de 1,3 milliard de dollars d'ici 2017.
On sait que la Colombie-Britannique, l'Ontario, le Québec et les provinces maritimes se sont lancés dans le jeu en ligne ou sont sur le point de faire le saut. Le ministre des Finances de l'Ontario, Dwight Duncan, a déclaré que cette décision visait à « assurer la compétitivité de la société et à faire en sorte qu'elle demeure une source fiable de revenus pour la province ». Autrement dit, lorsque les gouvernements provinciaux ont besoin de liquidités, ils se tournent vers le jeu où ils sont toujours gagnants.
Cela fait également naître un énorme conflit d'intérêts. Les gouvernements disent se soucier du problème de la dépendance au jeu et investissent pour tenter de le traiter, mais aucun ne fait vraiment d'efforts pour aider les joueurs à problèmes à se libérer de leur dépendance, puisque leurs profits dépendent de ces joueurs.
N'oubliez pas qu'en Alberta, 75 p. 100 de tout l'argent dépensé au jeu dans la province l'est par environ 6 p. 100 des joueurs.
Le projet de loi C-290 propose de légaliser plus de formes de jeux. En légalisant les paris sur des épreuves sportives, il a un impact sur tout le pays. Honnêtement, il donne aux familles de joueurs à problèmes une autre raison de craindre le pire.
En terminant, l'Institut du mariage et de la famille Canada s'oppose à ce projet de loi, car il aura des conséquences négatives sur les joueurs à problèmes et leurs familles, et ce sont les gouvernements qui devront payer pour les aider. Ajoutons à cela qu'on ne peut pas faire confiance aux gouvernements provinciaux dans ce dossier, puisqu'ils sont dépendants des revenus générés par le jeu.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner. Je suis impatient de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Runciman : Monsieur Chong, vous dites que le nombre de suicides liés à un problème de jeu est en hausse. Si l'on regarde les statistiques de l'Ontario, on remarque qu'en 2008, huit décès sont imputables à un problème de jeu; en 2009, il y en a eu cinq; en 2010, six et en 2011, quatre. Comment pouvez-vous dire que ce nombre augmente rapidement?
M. Chong :Je me suis appuyé sur le rapport du coroner de l'Ontario qui, publié en 2011 par le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, s'intitule Suicides — Gambling. Il s'agit d'une analyse portant sur la période allant de 1998 à 2010.
Le sénateur Runciman : Je n'ai pas tout le rapport avec moi, mais j'ai le tableau qui y figure. Selon ce que je vois, rien n'indique une augmentation rapide du nombre de décès liés à un problème de jeu.
Des témoins, hier, nous ont dit que le rejet de ce projet de loi n'aura pas l'effet que vous souhaitez. En fait, ils sont d'avis que son adoption n'encouragera pas les gens qui ne jouent pas déjà sur Internet ou d'autres réseaux à parier sur des épreuves sportives.
Votre point de vue à ce sujet est différent. Vous dites que le fait de réglementer ce genre de paris et d'assurer la transparence incitera les gens à pratiquer cette activité. Comment en arrivez-vous à cette conclusion?
M. Chong : Je dirais deux choses. Premièrement, lorsque des étrangers se livrent à des activités illicites sur notre territoire, nous devrions faire respecter nos lois plutôt que de légaliser le secteur d'activité concerné. C'est l'approche que le Parlement a adoptée concernant la prostitution ou la culture de la marijuana. Nombreux sont ceux qui ont défendu l'idée de décriminaliser ces activités prétextant qu'elles se déroulent déjà. Toutefois, de nombreux conservateurs soutiennent qu'il faudrait renforcer la loi et investir davantage dans la répression de la criminalité.
Deuxièmement, la Société des loteries et des jeux de l'Ontario a dit que, si les paris sur des épreuves sportives étaient permis au pays, il y aurait une augmentation des revenus liés au jeu. Selon un article publié dans le Toronto Star, le 2 mars 2012, la société prévoit que les revenus annuels à Windsor seulement augmenteraient de 70 millions de dollars en raison des paris sur des épreuves sportives.
Le sénateur Runciman : Selon le rapport, cette augmentation proviendrait principalement de la contribution des Américains. Vous avez parlé de la prostitution et des drogues, mais contrairement à ces activités, le jeu est légal et licitement accessible.
J'ai de la difficulté à saisir la position que vous adoptez tous les deux. Je comprends vos inquiétudes face au jeu. D'autres témoins, hier, ont soulevé les mêmes inquiétudes, notamment en ce qui concerne la proximité des nouvelles installations en Ontario et la soi-disant modernisation des installations existantes; une escroquerie, à mon avis.
Maintenant, on prétend que le nombre de parieurs à des épreuves sportives va augmenter avec l'adoption de ce projet de loi, mais personne n'a encore réussi à m'en persuader. J'ai bien l'impression que vous n'y arriverez pas non plus.
Merci.
Le sénateur Baker : J'aimerais d'abord féliciter les deux témoins, notamment M. Chong, pour leurs excellentes déclarations.
Monsieur Chong, ceux qui regardent cette séance auront peut-être été surpris par la première phrase de votre déclaration. On nous apprend dès l'école élémentaire que les députés de la Chambre des communes sont élus et qu'ils votent sur les projets de loi présentés. Ils en ont l'occasion lors de la deuxième lecture, dans le cadre de l'examen en comité et pendant la troisième lecture. Je vais vous lire ce que vous avez dit et vous demanderai ensuite de nous fournir des explications. Vous avez déclaré ceci :
Je suis reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant le comité pour signifier mon opposition au projet de loi C-290, car les députés du Parlement n'ont pas eu la possibilité de voter officiellement sur cet important texte législatif.
Comment est-ce possible? Vous êtes un député. Ce projet de loi propose un changement important au Code criminel du Canada et vous dites que vous, un député élu, n'avez pas eu l'occasion de voter officiellement sur cet important texte législatif.
M. Chong :Merci pour cette question. Puisqu'il a été député à la Chambre des communes pendant de nombreuses années, le sénateur sait que certains projets de loi y sont adoptés par consentement unanime, et ce, à toutes les étapes. C'est ce qui s'est produit dans ce cas-ci. Je suis convaincu que le sénateur sait que ça se produit et qu'il en a déjà été témoin.
Le sénateur Baker : J'ai été député à la Chambre pendant 29 ans, alors je le sais. Le projet de loi a-t-il été présenté par une motion réputée adoptée ou a-t-il été présenté un vendredi matin ou à un autre moment où peu de députés sont présents? Que s'est-il passé?
M. Chong : Vous verrez dans le hansard que le projet de loi a été adopté à toutes les étapes, notamment à celle du rapport le vendredi 2 mars. J'imagine que c'était avec l'accord commun des leaders parlementaires ou en raison de la fin du débat.
Le sénateur Baker : La fin du débat. Autrement dit, c'est l'un ou l'autre. Par conséquent, vous n'avez pas eu l'occasion, en tant que député, de voter sur son adoption. C'est ce que vous dites?
M. Chong : C'est exact. C'est la raison pour laquelle je suis très reconnaissant envers le comité de m'avoir invité à exprimer mon point de vue.
Le sénateur Baker : Je peux vous assurer que tous les sénateurs auront l'occasion de voter sur ce projet de loi. Merci beaucoup.
La vice-présidente : Cette mesure législative a-t-elle été renvoyée à un comité?
M. Chong : Oui.
La vice-présidente : C'est donc après l'étape du rapport que vous avez...
Le sénateur Baker : Les jeux étaient faits.
La vice-présidente : C'est un processus que nous n'avons pas au Sénat. Ça nous fascine toujours.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma première question s'adresse à M. Miedema. Lorsque je lis votre mémoire — j'essaie d'avoir un jugement global —, ce que je comprends c'est que dans le fond, par rapport aux jeux, votre organisation a une approche globale et non sectorielle; vous vous opposez à toute forme de pari ou de type de jeux où les gens risquent leur santé ou leur équilibre. C'est une approche globale que vous avez, n'est-ce pas? Elle ne vise pas que ce projet de loi?
[Traduction]
M. Miedema : Notre position, que vous trouverez dans le document Government — gambling's biggest addict, c'est qu'il y a un conflit d'intérêts inhérent, plus important encore que la question de la légalité du jeu. Les gouvernements ont des intérêts concurrentiels : faire des profits et prendre soin des joueurs compulsifs. Dans une telle situation, ce sont les profits qui l'emportent.
Le sénateur Boisvenu : C'est un peu comme la vente de cigarettes ou d'alcool.
M. Miedema : Pas exactement. Dans ce cas-ci, les témoins précédents ont clairement démontré que, si ce projet de loi est adopté, le gouvernement jouera le rôle de preneur aux livres.
Mais le problème dans ce dossier, c'est qu'il y a un conflit d'intérêts inhérent. Face aux profits potentiels pour les gouvernements, les joueurs à problèmes et leurs familles n'ont aucune chance de l'emporter. C'est ce que l'on constate avec le projet d'expansion de la Société des loteries et des jeux de l'Ontario qui cherche à augmenter ses revenus annuels de 1,3 milliard de dollars.
Le problème, ce n'est pas la légalité du jeu, c'est qu'il y a un conflit d'intérêts et qu'il faut y remédier.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : C'est un peu la même chose pour les cigarettes; le gouvernement fait la publicité disant que c'est un produit presque dangereux, mais d'un autre côté, il empoche des milliards de dollars en taxes. Nous n'en sommes pas à une contradiction près.
Monsieur Chong, hier, des témoins très intéressants sont venus nous parler des effets du jeu et la création de joueurs pathologiques. Contrairement à ce que vous affirmez tous deux, ce qu'on observe c'est une décroissance. Et ce sont des gens qui travaillent au niveau des joueurs pathologiques, qui sont venus nous dire qu'il y a une décroissance au niveau des gens qui ont un comportement pathologique par rapport au jeu.
On est devant un choix de solutions à des problèmes complexes. On a le jeu illégal, et ce jeu illégal amène un transfert d'argent très important à l'extérieur du pays. Ces témoins nous ont dit qu'il était plus facile de retracer des joueurs pathologiques lorsque l'activité est légale plutôt qu'illégale.
Je leur ai donc demandé s'ils étaient sénateurs et qu'ils avaient une décision à prendre, est-ce qu'ils maintiendraient le statut quo, dans cette activité, sachant qu'il y a des sommes qui sortent du pays, que le crime organisé en profite, qu'on a de la difficulté à dépister les joueurs pathologiques, parce que c'est une activité underground, ou ils privilégieraient plutôt de légaliser l'activité, et à ce moment-là, il serait beaucoup plus facile de retracer les gens qui ont des problèmes de jeu. Et de façon unanime, ces trois spécialistes qui traitent de joueurs pathologiques ont dit qu'il était mieux de légaliser.
Il y a donc une espèce de contradiction. Et j'aimerais que vous m'expliquiez votre position où vous semblez dire qu'on va accentuer le danger alors que ces spécialistes, dans le traitement de gens qui ont des comportements pathologiques, nous disent qu'il serait mieux de légaliser l'activité afin d'avoir une meilleure connaissance de cette activité.
M. Chong : Je vous remercie, sénateur Boisvenu, de votre question. Je suis en faveur du statut quo, je ne suis pas en faveur d'annuler tous les jeux qui sont légaux maintenant au Canada, mais pour les jeux de hasard illégaux au Canada, il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent ensemble et mettent en place des ressources pour combattre des activités illégales.
[Traduction]
Pour éliminer le problème des sites de jeux étrangers, il faut que les gouvernements travaillent de concert afin de faire respecter la loi. C'est ce qui s'est produit avec les paradis fiscaux. Pendant de nombreuses années, les gouvernements canadien et américain ont ignoré les paradis fiscaux, comme la Suisse et les Îles Cayman. Lorsque le problème est devenu trop important, ils ont travaillé ensemble, agi rapidement et mis en place des mécanismes de recouvrement de l'impôt.
Concernant l'impact négatif sur la société, comme l'a souligné le sénateur Runciman, le coroner en chef de l'Ontario a bel et bien signalé une baisse du nombre de suicides au cours des deux ou trois dernières années. Mais, j'aimerais souligner deux choses à ce sujet. Premièrement, ces données ne sont pas fiables, puisque de nombreuses provinces ne recueillent pas ce genre de données. Deuxièmement, dans certains cas, les familles ne veulent pas avouer que leur parent s'est enlevé la vie en raison de problèmes liés au jeu.
Le suicide n'est pas la seule conséquence des problèmes de jeu. Il faut aussi penser aux familles et aux joueurs compulsifs, et augmenter les ressources pour leur venir en aide. Comme l'a souligné M. Miedema, on a fait des progrès à ce chapitre, mais il reste encore du travail à faire.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ce qui me fait croire que ce projet de loi est bon pour le Canada. Les spécialistes traitant les joueurs pathologiques affirment que la situation va empirer, qu'elle sera du moins maintenue difficile dans le but de connaître tout ce qui est underground et en rapport au jeu illégal lié à la criminalité.
Ils nous disent qu'au contraire il faut presque légaliser pour avoir une meilleure connaissance de ces activités underground. J'aimerais que vous me répondiez par rapport à cet aspect.
[Traduction]
M. Chong : À mon avis, la légalisation des paris sur des épreuves sportives n'éliminera pas les activités clandestines dont vous parlez. Elles ne disparaîtront pas. Souvent, les sites de jeux étrangers offrent de meilleures cotes que les sites canadiens qui sont administrés par les gouvernements provinciaux, car nos sites doivent respecter certaines normes et obligations.
Je ne crois pas que ce projet de loi règlera le problème, pas plus que la légalisation de ces paris éliminera les activités clandestines.
Le sénateur Jaffer : Selon vos recherches, les immigrants, les nouveaux arrivants sont-ils plus touchés par les problèmes de jeu? Avez-vous fait des recherches à ce sujet? Avez-vous des données?
M. Miedema : Non.
M. Chong : Je n'ai lu aucune recherche officielle sur le sujet, mais j'en ai entendu parler de gens comme Tung Chan, directeur exécutif de S.U.C.C.E.S.S., le plus important organisme voué à l'intégration des immigrants à Vancouver. Ils facilitent l'intégration des immigrants de la Chine continentale et d'ailleurs dans la Vallée du Bas-Fraser en Colombie- Britannique. Il m'a dit que le jeu était un sérieux problème au sein de la communauté asiatique de la région. Lui et d'autres s'inquiètent beaucoup de l'attitude des gouvernements qui cherchent à accroître leurs revenus par l'entremise du jeu.
Le sénateur McIntyre : Monsieur Chong, j'aimerais discuter avec vous des pouvoirs constitutionnels. Dans la lettre que vous avez fait parvenir au Sénat, le 15 mars 2012, vous soulevez la question de la compétence des provinces en matière de jeux de hasard par rapport à celle du gouvernement fédéral en ce qui a trait au Code criminel. Selon vous, quelles formes de jeux devraient faire l'objet de restrictions en vertu du Code criminel?
M. Chong : Si j'ai bien compris, vous voulez savoir quelles formes de jeux le code devrait restreindre?
Le sénateur McIntyre : Oui, vous n'en parlez pas dans votre lettre.
M. Chong : Toutes les formes de paris actuellement visées par des restrictions en vertu du Code criminel devraient continuer de l'être. Les articles 197 à 209 du Code criminel restreignent certains types de paris au Canada, alors que d'autres formes de jeu y sont autorisées parce qu'elles ne sont pas visées par le Code. Toutes les dispositions devraient rester inchangées.
Le sénateur McIntyre : C'est ce que vous indiquez dans votre lettre au Sénat.
M. Chong : En effet. Je suis réaliste et non utopiste. Je comprends que les revenus tirés des paris font partie intégrante des recettes globales des gouvernements au Canada. Je comprends également que certains désirent se divertir et se détendre en dépensant leur argent dans les endroits prévus à cette fin : c'est la réalité du Canada d'aujourd'hui. Je ne préconise pas de restreindre davantage ou de légaliser complètement le jeu au pays. Je propose simplement de ne pas laisser plus de place à ces loisirs et de maintenir les restrictions que comprend actuellement le Code criminel à cet égard pour les motifs que j'ai fait valoir dans mon exposé.
Le sénateur Frum : Ma question s'inscrit dans le même ordre d'idées. On nous a remis aujourd'hui l'entente initiale intervenue en 1985 entre les provinces et le gouvernement fédéral. Comme le sénateur Baker l'a fait remarquer, il faut obtenir le consentement unanime des provinces pour y apporter des changements. Nous savons que quatre d'entre elles, dont l'Ontario, souhaitent ardemment l'adoption du présent projet de loi. Savez-vous si des provinces ont exprimé une opinion négative? Croyez-vous qu'elles soient unanimes à ce sujet?
M. Chong : Je n'ai pas entendu dire que certaines provinces se soient prononcées contre le projet de loi. J'ajouterais que l'entente conclue dans les années 1980 devrait être respectée. S'il faut obtenir le consentement des provinces, nous devrions procéder en conséquence. Je crois également que le gouvernement fédéral ne devrait pas tout bonnement abdiquer la responsabilité qui lui incombe à ce titre relativement au Code criminel. Si les 10 provinces nous indiquaient toutes qu'il faut éliminer d'un seul coup les articles 167 à 209 du Code, les parlementaires fédéraux devraient s'y opposer, même si certaines hautes instances pourraient être d'accord.
À titre de parlementaires fédéraux, il nous incombe d'examiner les conséquences qu'un tel projet de loi pourrait avoir sur la population canadienne.
Le sénateur Frum : Sur un autre sujet, vous avez souligné les répercussions néfastes que la mesure pourrait avoir sur la LNH, la NBA, la NFL, la MLB et la NCAA, qui sont actives au Canada. Elles ont clairement exprimé leur opposition à l'égard du projet de loi, qui permettrait la prise de paris sur les parties qu'elles organisent. Pourriez-vous nous exposer les répercussions que la mesure pourrait avoir?
M. Chong : Oui. Nous savons tous que la NFL s'est dite intéressée à une franchise à Toronto. Nous savons également qu'elle a toujours exprimé de l'intérêt à l'égard de match hors-concours au Canada. Ces plans pourraient être en péril si les paris sur une seule épreuve sportive sont permis au Canada. Sachez aussi que ce n'est pas une simple hypothèse. Il y a deux jours, le 16 octobre 2012, la NCAA a annoncé dans le New York Times qu'elle annulait six championnats dans l'État du New Jersey, précisément parce que ce dernier avait autorisé récemment les paris sur une seule épreuve sportive. Le gouverneur du New Jersey a appuyé cette initiative, et dès que l'État a promulgué la loi, la NCAA a annulé les championnats.
La NCAA compte aussi une université canadienne dans ses rangs : l'Université Simon Fraser. L'Université de la Colombie-Britannique a déjà fait une demande d'adhésion à la NCAA. Elle n'en fait pas partie actuellement, mais a indiqué qu'elle pourrait décider d'y adhérer dans l'avenir. La question concerne donc les sports non seulement professionnels, mais également amateurs au Canada.
Le sénateur Frum : A-t-on une idée des répercussions qu'il y aurait sur l'expansion des équipes de la LNH, dont il est beaucoup question au Canada?
M. Chong : Oui. Les quatre ligues de sports professionnels majeurs des États-Unis ont fait front commun pour s'opposer à une expansion ou à toute initiative relative aux paris sur une seule épreuve sportive. De fait, la Cour suprême des États-Unis, saisie de l'affaire Markell c. Office of the Commissioner of Baseball, a donné raison au plaignant en mai 2010.
L'autre ligue de sport majeur a appuyé les efforts de la MLB et a indiqué qu'elle accorderait son soutien aux quatre ligues de sports professionnels majeurs pour que les paris sur une seule épreuve sportive ne soient pas autorisés dans l'État du Delaware.
Le sénateur Frum : Nous savons relever une dichotomie intéressante entre la position des ligues de sports majeurs et les témoignages que nous avons recueillis. Certains nous ont fait remarquer que les gens parient de toute façon et que les ligues de sports adoptent des positions irrationnelles ou se cachent la tête dans le sable, car elles tentent d'éradiquer une activité qui existe, quoi que l'on fasse. Leur position est désuète, anachronique et stérile. Qu'en pensez-vous?
M. Chong : Je conviens avec les quatre ligues de sports professionnels majeurs des États-Unis qu'en permettant les paris sur une seule épreuve sportive, on minerait la confiance du public à l'égard de ces activités et nuirait à l'image des athlètes professionnels et collégiaux. Nous avons eu vent des scandales qu'ont provoqués les paris illégaux sur les matchs, ce qui a entamé la confiance des amateurs et des spectateurs à l'égard des sports professionnels.
Le sénateur White : Je vous remercie de vos observations sur la NCAA.
Hier, des professionnels de la santé nous ont parlé de la dépendance au jeu. J'essaie d'évaluer les témoignages des particuliers et des organisations pour déterminer leur valeur dans le débat ou leur influence sur l'issue de ce dernier.
Savez-vous si la province de l'Ontario ou OLG ont proposé d'augmenter le financement de ces organisations si le projet de loi C-290 est adopté?
M. Miedema : Je l'ignore. Je sais qu'OLG est fière de dépenser 40 millions de dollars et d'engranger 2 milliards de dollars en profits. C'est...
Le sénateur White : Vous n'avez pas entendu dire que le montant de 60 millions de dollars serait bonifié?
Monsieur Chong, avez-vous une suggestion à faire pour accroître le financement accordé aux professionnels de la santé?
M. Chong : Non. Les professionnels auxquels je parle, comme les travailleurs sociaux et les intervenants qui s'occupent des problèmes de jeu, ont l'impression que les ressources sont inadéquates pour s'attaquer au problème.
Les conséquences néfastes du jeu passent souvent inaperçues. Je peux vous affirmer que des membres de notre caucus ont été directement touchés par de tels problèmes. Il est difficile d'admettre ces problèmes ou d'en parler à cause de la honte qui en découle. Le problème est donc souvent ni vu ni connu. Quand on parle aux travailleurs sociaux et à ceux qui sont directement confrontés au problème, ils disent qu'il n'y a pas de ressources adéquates pour lutter contre le problème du jeu.
Le sénateur White : Serait-il possible de demander aux témoins d'hier s'ils avaient déjà discuté de l'augmentation du financement avec la province de l'Ontario avant de donner leurs témoignages? Il y a quelque chose que j'ai trouvé étonnant qu'ils appuient. Est-ce quelque chose qu'on peut leur demander?
La vice-présidente : Oui, nous pouvons leur envoyer la question.
Monsieur Miedema, la statistique selon laquelle 75 p. 100 de l'argent dépensé pour le jeu en Alberta vient d'environ 6 p. 100 des joueurs est vraiment frappante. J'ai quelques questions à vous poser. Tout d'abord, l'Alberta se trouve-t- elle dans une situation particulière, ou vous attendez-vous à un constat similaire dans les autres provinces?
M. Miedema : Je ne peux extrapoler ce résultat précis. Je crois toutefois que la situation serait la même dans d'autres provinces.
La vice-présidente : L'Alberta est une province riche. On peut présumer que si un petit nombre de gens dépensent une telle somme d'argent, c'est parce que certains multimillionnaires aiment dépenser une partie de leur argent au jeu, je suppose.
Avez-vous une idée du pourcentage de ce 6 p. 100 de joueurs qui dépensent tout ce bel argent qui sont des joueurs compulsifs et non des gens cousus d'or?
M. Miedema : Merci de me poser la question. La même étude indique que la tranche correspondant au 6 p. 100 des joueurs qui dépensent le plus — ce n'est pas le même 6 p. 100 que celui qui figure dans mon document — affiche un taux de problème de jeu 13 à 20 fois supérieur à celui de la population en général.
La vice-présidente : Il est probable que le 6 p. 100 initial soit composé en bonne partie de joueurs à problème.
M. Miedema : Il y a de bonnes chances que ce soit le cas.
La vice-présidente : Laissez-vous entendre que les provinces empochent tous ces jolis profits, fruits non seulement du jeu, mais du jeu compulsif, et que si cette source d'argent disparaissait, leurs coffres seraient bien dégarnis?
M. Miedema : Oui, je le crois. Environ le quart des revenus du jeu viennent de joueurs compulsifs. Voilà pourquoi je crois que les gouvernements provinciaux n'ont aucun véritable intérêt à s'attaquer au problème, puisque leurs revenus en dépendent. Si les recettes d'OLG diminuaient de 25 p. 100 en un an, le gouvernement serait en crise. Les provinces n'ont aucun intérêt réel à résoudre le problème.
La vice-présidente : Que fait-on, alors? Sérieusement, cela concerne des questions que certains collègues ont soulevées. C'est la réalité, les chiffres le montrent.
L'avènement d'Internet exacerbe le problème. Vous soulevez une grave question d'ordre moral, et je suis incertaine de la position qu'il convient d'adopter pour l'instant au chapitre de la politique publique. Nous pourrions investir davantage pour appuyer les joueurs à problème et la prévention, mais cette démarche porterait-elle vraiment fruit? Est-ce que cela fonctionne?
M. Miedema : Ce n'est pas garanti. Je ne suis pas qualifié pour affirmer que cela fonctionne. Je ne crois pas qu'il existe de panacée ou de solution simple au problème. Il y a deux facteurs qui entrent en jeu. Une fois encore, on est en présence d'un conflit d'intérêts. En vertu des règlements provinciaux, les sociétés de loterie provinciales doivent dissocier le besoin de faire du profit et la nécessité d'offrir des services de traitement et de prévention de la dépendance.
J'ignore comment les provinces pourraient s'y prendre, mais la meilleure manière consisterait, selon moi, à retirer complètement cette responsabilité du mandat d'OLG et à s'assurer que cette dernière met de côté un pourcentage fixe des recettes tirées du jeu; ainsi, si les revenus augmentent, le financement ferait de même.
Nous devons également tenir compte du fait que les gouvernements provinciaux dépendent de ces revenus. Le jeu constitue un moyen facile d'augmenter des revenus, puisque l'expansion du jeu suscite moins de grogne qu'une hausse de taxe ou qu'une réduction de services.
Dans mon document, je recommande que les gouvernements qui dépendent le plus du jeu, notamment l'Ontario, utilisent tous les profits tirés du jeu pour combler le déficit. Les gouvernements n'auraient donc plus intérêt à faire des profits, sauf s'ils éprouvent un regain de zèle pour rembourser leurs dettes. Ils sépareraient ces recettes des revenus généraux et les affecteraient expressément à cette fin. On règlerait ainsi la question de la dépendance aux revenus, et en retirant cette responsabilité du mandat des sociétés de loterie, on veillerait à ce que le problème de jeu reçoive l'attention et les ressources qui lui sont dues.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Runciman : L'idée d'affecter les recettes au déficit me sourit. En Ontario, on assiste actuellement à une expansion considérable du jeu, et pour des raisons de proximité, on implante les casinos en plein cœur des grands centres urbains. Je suis convaincu que cela aggravera les problèmes de jeu.
En ce qui concerne le projet de loi dont nous sommes saisis, il est actuellement légal de parier sur deux épreuves. PRO-LINE en permet trois, mais la loi en prévoit deux. Nous n'en sommes maintenant plus qu'à un seul. Pour l'instant, aucun témoin ne m'a convaincu que cela aura pour effet d'augmenter le nombre de joueurs compulsifs. En fait, les témoins que nous avons entendus hier et la semaine dernière ont plutôt laissé entendre, au contraire, que l'impact serait minime.
J'ai entendu le témoignage de M. Derevensky, professeur à l'Université McGill et expert international en la matière. Ses propos corroborent ceux du sénateur Boisvenu, à savoir que la légalisation importante du jeu n'a pas fait augmenter les taux de jeu pathologique à l'échelle mondiale. Cependant, il a également fait remarquer que les paris sur une seule épreuve sportive sont maintenant monnaie courante et que leur encadrement dans un environnement légal et réglementé « accroîtra la sécurité du produit ».
Je comprends vos inquiétudes, et les démarches de l'Ontario me préoccupent. Mais à ce sujet précis, je ne crois pas que la mesure aura les répercussions que vous entrevoyez.
La vice-présidente : Avez-vous posé une question?
Le sénateur Runciman : À moins qu'ils puissent me soumettre un argument qui me convaincra.
La vice-présidente : La question est : « Pouvez-vous me convaincre du contraire? »
M. Chong : Je vous répondrais en deux temps.
Il existe une corrélation nette entre l'expansion galopante du jeu au cours des 20 à 30 dernières années au Canada et l'augmentation des problèmes sociaux. Que ces derniers se soient légèrement résorbés ou pas au cours des deux ou trois dernières années, il ne fait aucun doute que la tendance générale se maintient. Si les recettes tirées du jeu ont quintuplé de 1992 à 2011, passant de 3 à 14 milliards de dollars, les effets sociaux néfastes ont fait de même. On le voit clairement. Les chiffres fluctuent peut-être d'une année à l'autre, mais il est évident que les effets néfastes sur la société ont augmenté à l'avenant.
Est-ce que cette augmentation s'essouffle ou reste constante? C'est possible. Il n'en reste pas moins qu'elle a des répercussions sociales négatives. Logiquement, si on élargit le jeu en autorisant les paris sur une seule épreuve sportive, on provoquera une augmentation correspondante des problèmes sociaux.
J'adhère au principe du « sans préjudice ». Je considère qu'il faudrait éviter d'aggraver les problèmes sociaux en élargissant cette activité, et c'est sans parler de la panoplie de raisons qui touchent les sports amateurs et professionnels, le fait que cette activité ne permet pas de créer de bons emplois et qu'il s'agit d'une manière très inefficace de remplir les coffres des gouvernements.
M. Miedema : Je dirais que vous soulevez deux questions, à savoir si l'offre accrue fera augmenter le nombre de joueurs à problèmes et si, en supposant que les pourcentages que je viens de donner restent plutôt constants, cette offre accrue va ajouter aux difficultés des joueurs à problèmes et de leurs familles.
Je veux être clair. Je ne parle pas seulement des 3,2 p. 100 de Canadiens qui éprouvent des problèmes, mais aussi de leurs conjoints, de leurs enfants, de leurs collègues et de leurs voisins. Je parle des familles qui perdent leurs maisons et des enfants qui manquent de nourriture ou qui ne peuvent pas aller au camp d'été. Lorsqu'on dépense en pariant, on ne peut pas payer pour d'autres activités. Je dois continuer de surveiller la question, mais le problème plus vaste concernant les 3,2 p. 100, c'est que l'expansion du jeu va sans doute amener les joueurs à problèmes à dépenser davantage de fonds issus du budget familial.
Le sénateur Runciman : Comme on l'a dit hier, les joueurs à problèmes trouvent toujours une façon de parier. Rien ne semble indiquer que plus de fonds seront dépensés. Les joueurs à problèmes vont trouver des occasions de parier.
Le système deviendra réglementé et transparent. Rien n'indique ou aucun témoignage ne m'a persuadé que les problèmes augmenteraient.
La vice-présidente : Je pense que la question a déjà été posée.
Le sénateur Runciman : C'était pertinent d'en parler encore.
Le sénateur White : Ma question s'adresse à vous deux. Selon ce que je comprends, l'accès accru et la croissance du jeu feront dépenser les joueurs davantage. L'Alberta est un bon exemple. Madame la présidente a dit que cette province est riche, mais je suis sûr que les gens aimeraient réduire le problème de jeu.
Laissez-vous entendre que, grâce à l'accès accru au pari sur une seule épreuve sportive — et l'OLG veut augmenter ses revenus —, une plus grande partie des fonds que les familles dépensent à l'heure actuelle pourraient être consacrés aux problèmes de jeu, au lieu d'être affectés à d'autres postes?
M. Miedema : C'est bien possible. Je dois admettre que je n'ai pas de prévisions, mais c'est très clair que les problèmes de jeu minent présentement la santé financière, émotionnelle et physique des familles. L'OLG prend de l'expansion, parce qu'elle veut augmenter ses revenus de 1,3 milliard de dollars par année. Cet argent ne tombe pas du ciel. Une partie viendra des gens qui savent établir un budget et qui jouent pour le plaisir. Mais une bonne partie viendra du budget des 3,2 p. 100 de familles.
Le sénateur White : D'après vous, le petit groupe de gens dont vous parlez et qui dépense déjà beaucoup va dépenser davantage, n'est-ce pas?
M. Miedema : C'est possible.
La vice-présidente : Je présente mes excuses au sénateur Baker, qui a demandé à poser des questions durant la deuxième série.
Le sénateur Baker : Je serai bref.
Si le projet de loi est adopté, il va retirer 38 mots du Code criminel. Au comité, nous ne parlons que de cinq mots : « sur une seule épreuve sportive ».
Une série d'activités sont séparées par la conjonction « ou ». Avez-vous songé aux effets du projet de loi sur toutes les autres activités citées qui seraient éliminées, par exemple, les courses. On pourrait parler de la course à la présidence, de l'élection de M. Chong durant la prochaine campagne. C'est une course.
Si on ne précise pas le sens des mots, les possibilités sont nombreuses. Avez-vous examiné les autres mots de l'article, mis à part « sur une seule épreuve sportive »? Quel est votre point de vue à ce chapitre?
M. Chong : J'ai examiné l'article en question, mais je pense que la grande préoccupation, c'est le pari sur une seule épreuve sportive.
Le sénateur Baker : Les élections ne vous préoccupent pas.
M. Chong : Non. Même s'il s'agit de sport professionnel ou amateur ou de course de chevaux, je pense que nous devons rester prudents pour toutes sortes de raisons avant d'adopter ce projet de loi.
M. Miedema : Comme M. Chong, j'accepte le statu quo et je suis préoccupé par l'expansion. Les épreuves sportives sont un aspect de la question, mais le retrait d'autres activités régies par le Code criminel indique que l'expansion serait encore plus importante. Les occasions de parier pourraient être encore plus nombreuses et concerner des activités plus accessibles ou toujours plus directement liées à la vie des gens. Nous pouvons déjà parier sur les courses de chevaux, mais ce modeste projet de loi pourrait mener à une énorme expansion s'il s'appliquait aux combats de l'UFC à Toronto, aux matchs de hockey et de baseball, aux Jeux Olympiques ou aux matchs de hockey junior.
La vice-présidente : Merci, monsieur le sénateur Baker. Excusez-moi de vous avoir oublié.
Messieurs, merci beaucoup. La séance était très intéressante et très utile pour notre étude.
[Français]
La vice-présidente : Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs) et, pour notre troisième panel de témoins, ce matin — cet après-midi, plutôt —, nous avons le plaisir d'accueillir M. Gerald Boose, directeur général des Professionnels en sécurité du jeu du Canada.
[Traduction]
Nous accueillons Fred Bertucca, surintendant en chef, commandant de bureau, Bureau des enquêtes et de l'application des lois, Police provinciale de l'Ontario. M. Bertucca est accompagné de Bill Sword, sergent-détective, Bureau de la lutte contre le crime organisé.
Bienvenue, messieurs. Merci beaucoup de vous joindre à nous. Notre étude nous permet de mieux comprendre le détail du projet de loi.
Avez-vous une préférence quant à celui qui va présenter son exposé en premier?
Gerald Boose, directeur général, Professionnels en sécurité du jeu du Canada : Nous proposons que je commence.
Merci de l'occasion de témoigner devant le comité. Je suis directeur général, Professionnels en sécurité du jeu du Canada. Nous sommes une association sans but lucratif composée de dirigeants, de cadres supérieurs et d'organisations des secteurs privé et public responsables de soutenir les activités liées au jeu et d'en garantir la sécurité. Notre mandat comprend la protection et l'intégrité du jeu, l'application de la réglementation en général et, surtout, la protection des loteries vidéo dans les casinos, des systèmes classiques de billets de loterie et des produits et systèmes liés aux jeux électroniques.
J'ai commencé ma carrière dans la Police provinciale de l'Ontario, où j'ai été promu commissaire adjoint aux opérations. Je m'occupais des renseignements criminels, du crime organisé et du jeu illégal. Je devais aussi soutenir le jeu légal, affecter des enquêteurs et des agents d'application de la loi à la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario et représenter les organismes d'application de la loi à titre de président du Sous-comité des jeux de bienfaisance, à l'Association des chefs de police de l'Ontario.
J'ai arrêté après 30 ans de service, mais je m'implique toujours dans le milieu policier en tant que membre des associations de chefs de police de l'Ontario et du Canada.
Je travaille maintenant dans l'industrie du jeu. Je suis chargé de la protection, de l'intégrité et de la sécurité du jeu, ainsi que des enquêtes de surveillance et de l'application de la réglementation. En 14 ans, j'ai travaillé pour des sociétés publiques et privées et des organismes gouvernementaux. Durant les premières années, j'ai travaillé en Ontario, puis au Manitoba. Ces dernières années, j'assume des responsabilités à l'échelle nationale, je siège au conseil d'administration des Professionnels en sécurité du jeu du Canada et je suis maintenant directeur général.
Je tire profit de mon expérience pour parler du pari sur une seule épreuve sportive. J'indique tout d'abord que nous appuyons la modification législative, qui va dans l'intérêt des Canadiens et de l'industrie du jeu et qui nuit au crime organisé. Je vais exposer notre position en quelques minutes.
L'argument en faveur du pari sur une seule épreuve sportive, c'est qu'il accroît le plaisir lié à cette épreuve. En revanche, ce type de pari peut mener à la corruption, car les parieurs pourraient avoir l'intention d'influencer les résultats. La corruption des manifestations sportives s'est produite de temps à autre à l'étranger, mais elle serait toujours rare au Canada.
C'est clair qu'une grande partie de la population ne s'inquiète pas des influences potentielles de la corruption. Les gens suivent les matchs et surveillent les résultats sportifs. En Amérique du Nord, les possibilités de parier légalement sur une seule épreuve sportive sont limitées, sauf exception, comme le pari mutuel sur les courses de chevaux. Le Nevada est un des seuls États aux États-Unis qui autorisent le pari sur une seule épreuve sportive.
Sauf pour les courses de chevaux, les sociétés de jeu au Canada respectent en partie la loi sur le pari lié aux manifestations sportives et elles permettent de parier sur de multiples manifestations à l'aide d'un seul pari, ce qui revient en gros à contourner l'alinéa 207(4)b). Sport Select, Sports Action, PRO-LINE, et cetera. offrent cette forme de pari progressif. Au fond, leurs produits sont les mêmes. Étant donné que les occasions légales de parier sont limitées et que la demande est très forte, ce n'est pas surprenant que des gens sautent sur l'occasion, surtout le crime organisé, par le biais de méthodes classiques et d'autres, plus récentes, qui exploitent une zone grise de la loi pour offrir le pari à l'étranger sur Internet.
Comme la société, le crime organisé évolue, mais la prise de paris clandestins demeure une source de profits essentielle et fiable pour bien des organisations. Ça peut sembler un peu dépassé, mais un certain nombre de facteurs expliquent cette réalité. La demande est forte, il y a peu de sociétés légales où leurs activités sont limitées et les gens pensent que c'est un crime qui ne fait de tort à personne ou que ce n'est même pas un crime. Les enquêtes demandent beaucoup d'efforts et d'argent, et les poursuites sont complexes et difficiles. Ce n'est pas une priorité pour la police, et les experts sont rares. La peine maximale est de deux ans, et les coupables reçoivent bien moins, en général.
Pour la majorité des participants, il s'agit d'une activité inoffensive. Peu de gens savent que le crime organisé tire profit des transactions et que le marketing toujours plus intensif des services donne une apparence de respectabilité.
En temps normal, le preneur aux livres est juste avec le client, car il se fie à sa réputation pour soutenir ses activités et prendre de l'expansion. Mais par sa nature criminelle, c'est une relation très fragile qui peut se détériorer du jour au lendemain.
Il y a un risque inhérent pour le client qui fait affaire avec les organisations criminelles, car elles n'hésitent pas à recourir au prêt usuraire, à l'extorsion et à d'autres pratiques criminelles pour arriver à leurs fins. Par ailleurs, la philosophie du jeu responsable adoptée pleinement par les sociétés de jeu provinciales au Canada ne s'applique pas du tout dans les casinos illégaux. Tout ce qu'il faut, c'est payer ses dettes à temps.
Cette activité criminelle bien établie a regagné en popularité et a connu une croissance exponentielle à cause des canaux multiples et d'Internet. Les possibilités de participer directement à des manifestations sportives et d'effectuer des transactions liées au pari sportif sont presque illimitées.
Je répète que la prise de paris au Canada s'élèverait à plus de 10 milliards de dollars par année et pourrait représenter jusqu'à 40 milliards. À lui seul, le pari sportif réalisé à l'étranger s'élèverait à quatre milliards de dollars; c'est une industrie très lucrative.
Si les gens veulent parier sur des épreuves sportives par l'intermédiaire de preneurs aux livres illégaux ou de fournisseurs de services étrangers qui constituent une zone grise sur le plan juridique, c'est parce que la loi ne permet pas aux sociétés provinciales au Canada d'offrir le pari sur une seule épreuve sportive. À l'heure actuelle, la seule option légale pour ces sociétés, c'est le pari sur plus d'une épreuve et le pari progressif, mais c'est perçu comme une forme de jeu bien moins satisfaisante. Pourtant, les Canadiens parient environ 450 millions de dollars par année de manière légale. C'est beaucoup en chiffres absolus, mais c'est très peu par rapport au marché total.
Notre cadre stratégique est très différent de celui de bien des États où le pari sur des épreuves sportives est considéré comme un passe-temps légitime. Par exemple, l'orientation au Royaume-Uni et en Australie vise à ce que le pari s'effectue de manière juste et ouverte. Le secteur privé se sert de modèles légaux et bien établis pour prendre les paris, et le gouvernement garantit l'intégrité à l'aide des permis et de la réglementation.
C'est difficile de mesurer quelles sont les conséquences du pari légal sur une seule épreuve sportive pour le crime organisé et pour la police. Toutefois, c'est très clair que l'accès légal, facile et bien réglementé fait baisser les revenus des preneurs aux livres issus du crime organisé. À preuve, les services de police sont en mesure de réaffecter les modestes ressources qu'ils investissaient dans cette activité d'application de la loi.
Par comparaison, la politique actuelle au Canada qui s'appuie sur le Code criminel entraîne un certain nombre d'inconvénients. En effet, rien ne garantit que le système est juste et bien géré. C'est certain que ce système n'est pas ouvert. De plus, la politique stigmatise une grande partie de la population, établit que leurs activités sont criminelles et permet au crime organisé de récolter des milliards de dollars. Enfin, elle empêche d'affecter de précieuses ressources d'application de la loi aux grandes priorités.
Grâce à cette modification recommandée au Code criminel, les autorités de jeu légitimes au Canada peuvent proposer cette forme très populaire de pari à la population de manière responsable et dans un milieu très réglementé qui garantit l'intégrité du système et du mode de paiement. Cette modification ne va pas enrayer complètement le pari sportif illégal, mais elle offre une alternative légale digne de confiance à la population. L'expérience dans d'autres États montre que cette forme de pari sportif pourrait devenir la plus populaire.
La vice-présidente : Merci.
Surintendant en chef Fred Bertucca, commandant de bureau, Bureau des enquêtes et de l'application des lois, Police provinciale de l'Ontario : Je serai bref. Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler du projet de loi C-290 du point de vue de l'application de la loi.
Je suis le surintendant en chef du Bureau des enquêtes et de l'application de la loi, qui fait partie de la division Enquêtes et crime organisé de la Police provinciale de l'Ontario. Je suis accompagné du sergent-détective Bill Sword. La Police provinciale de l'Ontario détient une expertise dans le domaine des enquêtes sur les jeux légaux et illégaux en Ontario, qui repose sur le Bureau de la lutte contre le crime organisé et le Bureau des enquêtes et de l'application des lois, qui est lié à la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario.
L'Unité de lutte contre les jeux illégaux du Bureau de la lutte contre le crime organisé met en œuvre des mesures multijuridictionnelles dans le domaine des enquêtes et de l'application de la loi au chapitre des jeux illégaux en Ontario, tout en mettant l'accent sur le crime organisé. Ce sont le solliciteur général et le procureur général de l'Ontario qui en ont annoncé la création en 1996. Depuis, la Police provinciale de l'Ontario assume la responsabilité de l'initiative coordonnée de lutte contre les jeux illégaux. J'aimerais maintenant établir la distinction entre les jeux légaux et les jeux illégaux.
L'Unité de lutte contre les jeux illégaux de la Police provinciale de l'Ontario mène des enquêtes sur les jeux qui échappent à la réglementation provinciale sur la loterie et les jeux légaux, comme les salles de poker clandestines. La vaste stratégie en matière de jeux du gouvernement ontarien comporte un partenariat avec la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario, qui veille à ce que les jeux légaux et commercialisés, les jeux de bienfaisance et la loterie se déroulent dans l'intérêt du public et d'une façon responsable sur les plans social et financier.
L'objectif du Bureau des enquêtes et de l'application des lois, qui est associé à la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario, est de favoriser un environnement de jeu sûr et sécuritaire qui respecte des normes strictes en matière de transparence et d'intégrité, et qui est à l'abri d'activités criminelles. Cet objectif est atteint au moyen d'enquêtes criminelles et financières, et d'enquêtes sur l'admissibilité.
Si le projet de loi C-290 entrait en vigueur, les prétendus paris sportifs pourraient bien avoir lieu dans les salles de jeux autorisées et les casinos actuels. L'Unité d'application des lois dans les casinos de la Police provinciale de l'Ontario surveille quatre casinos commerciaux, de même que six casinos à vocation caritative et plusieurs établissements de courses où se trouvent des machines à sous.
Le mandat secondaire de l'unité est de prêter main-forte à la police locale conformément aux protocoles sur les accords. Les membres de l'équipe sont les policiers de première intervention lorsqu'une présence policière est requise, et ils participent aux enquêtes policières sur la propriété des casinos. Il peut s'agir de tricherie, de vol de portefeuilles, de sacs à main ou d'argent, de joueurs mineurs possédant de fausses cartes d'identité et de voies de fait commises par des joueurs mécontents se disputant une machine à sous.
Si les paris sportifs finissaient par avoir lieu dans l'environnement des casinos ou à proximité de ceux-ci, le résultat des grandes manifestations sportives s'ajouterait assurément à la liste des conflits potentiels. L'Unité d'application des lois dans les casinos apporte également son soutien aux enquêtes d'autres divisions de la Police provinciale de l'Ontario et d'autres services de police au Canada et à l'étranger.
Au fil des ans, l'unité a eu accès à de l'information et des renseignements au sujet d'un large éventail d'activités criminelles de part et d'autre des frontières provinciales et internationales. Une enquête remarquable a permis de démontrer la nécessité de la collaboration internationale lorsqu'il est question d'organisations criminelles. En mai 2007, les membres d'un regroupement international de tricheurs qui s'attaquait aux casinos ont été mis en état arrestation simultanément en Ontario et aux États-Unis après 44 mois d'enquête.
Les agents de police affectés à la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario ont lancé cette enquête exhaustive après avoir reçu des renseignements sur le regroupement Tran de la part du département de la Justice en Californie. Le stratagème du groupe consistait à recruter des croupiers de casino afin de connaître à l'avance le résultat des jeux de cartes. On estime les pertes de l'Ontario à plus de 2 millions de dollars.
Aux États-Unis, c'est le FBI qui a coordonné les arrestations avec l'aide des services de police du Michigan, de l'Indiana, de la Californie, de Washington, et ainsi de suite.
Huit mois plus tard, l'enquête a mené à l'arrestation de trois autres croupiers de casino, dont deux au casino Rama.
Il y a eu des cas exceptionnels au fil des ans, dont une affaire de blanchiment d'argent ayant eu des répercussions de part et d'autre de la frontière et qui, à l'époque, s'appuyait sur l'écart entre la devise américaine et la devise canadienne — ce n'est plus un problème aujourd'hui. De plus, nous avons déjà eu affaire à des renseignements sur des tricheurs de casino mêlés à des activités terroristes, qui ont été communiqués au FBI et qui ont entraîné des peines d'emprisonnement. Les relations que nous avons nouées au fil du temps avec les services de police des États américains et le FBI nous sont encore bien utiles aujourd'hui.
Comme vous le savez, le Code criminel permet les paris progressifs liés aux sports en vertu de l'alinéa 207(1)a), qui en énonce la mise sur pied et l'exploitation. En Ontario, c'est la Société des loteries et des jeux de l'Ontario, ou SLJO, qui peut mettre sur pied et exploiter ce genre de paris sportifs, sous la surveillance réglementaire de la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario.
Comme je l'ai dit plus tôt, une association entre la police et un organisme de réglementation, dans le milieu, permet de lutter contre le crime organisé ou toute autre activité criminelle de façon particulièrement efficace, proactive, et répressive, surtout. La Police provinciale de l'Ontario ne se prononce pas sur le bien-fondé de la modification présentée dans le projet de loi C-290. Je crois comprendre que, à l'origine, les paris sur une seule manifestation sportive ou rencontre étaient interdits pour éviter que le crime organisé n'en influence le résultat. Si les paris sur un seul événement sportif sont légalisés, comme le propose le projet de loi C-290, le crime organisé pourrait essayer de verser des pots-de-vin aux athlètes, aux arbitres ou à d'autres intervenants.
Nous croyons toutefois qu'il est possible de mitiger ce risque au moyen d'un ou plusieurs organismes de réglementation influents, qui s'inspireraient ou non du modèle ontarien de la Commission des alcools et des jeux. L'organisme réglementaire nécessiterait un financement continu afin de se doter d'un personnel qualifié en matière d'enquête et d'application de la loi. Pour arriver à réglementer le secteur des jeux de hasard en Ontario, nos membres doivent connaître les nouvelles tendances et technologies, en plus d'échanger des renseignements. Ils doivent s'adapter au fur et à mesure que le milieu et les organisations criminelles évoluent.
Nous considérons les répercussions possibles du projet de loi C-290 comme une occasion supplémentaire non seulement de nous adapter, mais aussi de mettre au service des autres notre expérience, nos idées, nos compétences et nos conseils en matière d'enquête.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler du projet de loi. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le sénateur Runciman : Je vous remercie tous de votre présence et de votre apport à nos délibérations; c'est fort apprécié.
Quelle est aujourd'hui la taille de l'Unité de lutte contre les jeux illégaux?
Sergent-détective Bill Sword, bureau de la lutte contre le crime organisé, Police provinciale de l'Ontario : L'équipe compte environ 20 agents de police.
Le sénateur Runciman : Pourriez-vous nous dire quelle proportion des jeux illégaux dont vous vous occupez est liée aux manifestations sportives et aux preneurs de paris? Vous attardez-vous surtout à la loterie vidéo ou aux maisons de cartes clandestines, comme vous les appelez? Quelle part de votre travail est visée par le projet de loi?
M. Sword : Pour l'instant, la majeure partie de nos enquêtes sont liées au crime organisé et portent sur les paris sportifs. Les salles de cartes clandestines occupent le deuxième rang. Nous avons très peu de travail relativement à la loterie vidéo, car nous avons lutté contre le phénomène au moment de la création de l'unité, en 1997, et avons alors réussi à résoudre une bonne partie du problème. Par conséquent, la majeure partie de nos enquêtes sur le crime organisé portent sur les paris sportifs.
Le sénateur Runciman : Un long document porte sur la partie VI et sur le pouvoir judiciaire. Est-ce difficile? Il s'agit probablement de l'outil le plus utile pour accumuler des preuves sur ce genre d'organisation.
M. Bertucca : Tout ce qui a trait à la partie VI, au pouvoir judiciaire et à ce genre d'enquêtes est complexe. Essentiellement, il s'agit d'un procédé d'enquête que nous devons suivre. Est-ce difficile? Oui. Le faisons-nous? Oui.
Le sénateur Runciman : Combien de temps vous faut-il, en moyenne?
M. Bertucca : Tout dépend de la preuve, monsieur.
Le sénateur Runciman : Vous croyez que les produits de la criminalité ont eux aussi eu des répercussions positives sur la capacité de votre unité à relever le défi, n'est-ce pas?
M. Sword : Nous n'ouvririons pas d'enquête s'il n'y avait pas de produits de la criminalité. Les enquêteurs y tiennent compte tenu des sommes dont il est question et du montant des amendes.
Le sénateur Runciman : Le document présente aussi des chiffres assez récents sur les paris légaux aux États-Unis. Il dit que pour chaque tranche de 100 $, 152 sont pariés illégalement chez nos voisins du Sud. Savez-vous si la situation est comparable en Ontario?
M. Bertucca : Je me méfie des statistiques, surtout lorsque les chiffres varient autant. On dit que les paris sportifs représentent entre 80 et 380 milliards de dollars. Ce genre de chiffres n'a rien pour me convaincre du sérieux de la recherche.
Ce qui compte, c'est de savoir que les jeux illégaux existent; et il n'y a aucun doute là-dessus. De quelle somme s'agit- il? Nous l'ignorons. En revanche, nous pouvons vous dire qu'il y a déjà eu un pari de 380 millions de dollars; c'est bien vrai. Je ne connais toutefois pas la valeur des profits.
Nous aurions tort d'extrapoler ce chiffre à l'ensemble du pays.
Le sénateur Runciman : Dans le milieu des paris illégaux, quelle est l'importance du prêt usuraire? Certains nous ont dit qu'il s'agissait d'un élément fondamental, mais le projet de loi ne prévoit rien à cet égard. Ce type d'infractions représente-t-il une part importante du problème?
M. Sword : Le prêt usuraire ne me semble pas aussi courant que l'extorsion; certains croulent tellement sous les dettes qu'ils sont prêts à donner leur véhicule ou leur maison. J'ai même déjà vu des gens donner leur entreprise. J'ai donc plus souvent été exposé à des affaires d'extorsion que de prêts usuraires.
Le sénateur Runciman : L'essentiel, c'est que votre unité appuie l'adoption du projet de loi. En fait, vous croyez qu'elle contribuera à lever certains des obstacles que vous rencontrez couramment. Ai-je bien compris?
M. Bertucca : Le projet de loi ciblera des infractions comme celles que vous avez soulevées — y compris les prêts usuraires, qu'on retrouve dans certains casinos. Nous sommes déjà tombés sur ce genre de situation. La seule raison pour laquelle nous pouvons lutter contre le phénomène, c'est que nous sommes présents et que la preuve prend forme sous nos yeux. Si les paris sportifs sont légalisés grâce à l'adoption de la modification, nous aurons au moins une certaine emprise sur le milieu — le mot n'est peut-être pas juste. Quoi qu'il en soit, nous aurons au moins des observateurs sur le terrain.
Le sénateur Baker : Les Canadiens qui écoutent les audiences entendront certains témoins affirmer que les paris illégaux occasionnent des pertes de plusieurs milliards de dollars au Canada. Ils savent que les services de police sont d'une efficacité redoutable pour retrouver les criminels. Le Code criminel prévoit tous les outils dont vous avez besoin — comme l'ordonnance de communication, ou l'audition ex parte. C'est facile : il suffit de demander au juge — que l'audition ait lieu ex parte, sous le sceau du secret ou en privé. Vous pouvez exiger les renseignements que vous désirez de toute entreprise — et des fournisseurs d'accès Internet aussi.
Les Canadiens pourraient se demander quel est le problème du chef; compte tenu de toutes ces activités illégales, pourquoi les forces policières ne régleraient-elles pas le problème une fois pour toutes en traduisant en justice les organisations criminelles qui s'y adonnent actuellement?
M. Bertucca : C'est une excellente question. La seule réponse que je puisse vous donner, c'est que je ne dispose pas de ressources illimitées. En tant qu'agent de police supérieur, mon personnel me remet des rapports sur les enquêtes à mener. Je dois mettre ce problème et tous les autres en balance afin de déterminer la quantité de ressources financières et humaines que j'alloue aux conduites avec facultés affaiblies, aux problèmes de cyberintimidation qui ont récemment fait les manchettes, de même qu'à la lutte contre le terrorisme. Pour répondre à votre question, si le problème est porté à mon attention et que j'ai le personnel et les ressources nécessaires, je le ferai certainement.
Il est vrai que certains disent que le pays perd des milliards de dollars. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas convaincu de l'exactitude de la recherche en question en raison des chiffres élevés et des variations de 10, 40, 70 ou 380 milliards de dollars. Quoi qu'il en soit, je suis au courant du phénomène.
Le sénateur Baker : Ces derniers jours, j'ai pris connaissance d'une rencontre entre les sous-ministres de la Justice et un groupe qui se réunit régulièrement au sujet du jeu en ligne. Les sous-ministres sont parvenus à la conclusion qu'ils n'encouragent pas les enquêtes et les poursuites entourant ce genre d'activités illicites. J'imagine qu'ils nous diraient, tout comme vous, que c'est une question de priorité. Vos ressources financières et humaines ne sont pas inépuisables. Vous avez dit que l'équipe d'enquêtes sur les jeux illégaux se compose de 20 personnes.
Je ne comprends toujours pas. Le paragraphe 487(1) du Code criminel vous donne tout le pouvoir nécessaire pour enquêter et facilite l'accès aux mandats et à l'information.
M. Bertucca : Je connais mal la recommandation des sous-ministres de la Justice. Je sais que vous y avez fait allusion plus tôt. Je n'ai naturellement reçu aucune directive de leur part sur la question. Je peux vous dire que les sites de jeu en ligne font actuellement l'objet d'une enquête et que nos efforts porteront sûrement leurs fruits lorsque nous aurons terminé.
Le sénateur Baker : C'est vous qui décidez de lancer une enquête ou non. Les procureurs de la Couronne et le ministère de la Justice n'ont pas d'ordres à vous donner. Vous êtes une organisation indépendante; vous menez votre propre enquête, après quoi vous portez des accusations. En tant que surintendant en chef, j'imagine que vous avez la responsabilité de répartir les ressources entre les nombreuses demandes relevant de votre bureau. Si le projet de loi est adopté, croyez-vous avoir besoin de ressources supplémentaires?
M. Bertucca : C'est possible. Si le projet de loi entre en vigueur, tout dépendra de la façon dont la modification sera appliquée en Ontario. Le gouvernement profitera-t-il de l'occasion? Je crois que le projet de loi provient de Windsor, où il pourrait s'appliquer aux casinos des centres de villégiature. Il pourrait aussi toucher les billets de loterie vendus dans les dépanneurs. À vrai dire, j'ignore ce que la province en fera.
Du point de vue de la légalisation, c'est la façon dont le gouvernement permettra ce genre de paris qui influencera mon besoin en personnel. En revanche, j'ignore si le projet de loi aura un effet sur mon personnel du côté illégal puisqu'il permettra de remplacer un produit actuellement offert par le crime organisé. Mon besoin pourrait diminuer, mais peut-être pas.
Le sénateur Baker : Toutefois, vous devrez vous occuper de faire appliquer la loi.
M. Bertucca : Vous avez raison; je devrai veiller à son application.
Le sénateur Baker : Aurez-vous donc besoin de ressources supplémentaires?
M. Bertucca : Pas nécessairement. Nous sommes un groupe innovateur, et nous gérons les risques. Nous devrons trouver des méthodes innovatrices, et nous n'aurons peut-être pas besoin d'effectifs supplémentaires, mais je n'en sais pas plus pour le moment.
Le sénateur Baker : Le sergent Sword fait manifestement du bon travail au bureau de la lutte contre le crime organisé. Vous pourriez décider de lui donner cinq ou six employés de plus.
Le sénateur Frum : Vous avez dit que cela vous aidera à surveiller les prêts usuraires, car vous serez présents lorsque les paris seront engagés, mais d'après ce que j'ai compris, selon certains de nos témoins, une grande partie des paris sur une épreuve sportive seront engagés en ligne et échapperont donc à votre surveillance. Comment cela vous aidera-t-il à surveiller les prêts usuraires? Les gens qui veulent se livrer à cette activité trouveront des façons d'obtenir l'argent nécessaire, et échapperont peut-être à votre surveillance.
M. Bertucca : Les gens qui organisent des paris dans Internet, surtout dans le domaine du poker et d'autres activités de ce genre, sont préoccupés par la collusion et la fraude. Je ne suis pas un spécialiste en analyse de données, mais dans ce domaine, on a besoin d'une analyse de données de très grande envergure. Je peux vous dire que dans le domaine de la loterie, les analyses de données effectuées par la Société des loteries et des jeux de l'Ontario sont très efficaces. En effet, elles ont repéré les anomalies pour les exploitants de dépanneurs, c'est-à-dire nos inscrits, afin qu'on puisse déterminer le niveau de risque présenté par ces comportements, et ainsi être en mesure de repérer les individus qui pourraient être sur le point d'entreprendre quelque chose de louche.
L'analyse de données pour ce type d'activité existe dans l'industrie de la loterie et dans celle du jeu en ligne. En effet, une alerte est envoyée lorsqu'une personne décharge ses jetons ou s'entend avec un autre joueur. Nous participerions donc par l'entremise de notre relation avec la SLJO et la Commission des alcools et des jeux.
Le sénateur Frum : Est-il plus facile d'appliquer la loi si la plus grande partie des paris se font en ligne? Est-ce plus facile à surveiller?
M. Bertucca : En ce moment, je ne sais pas si cela facilite nos activités de surveillance, car il n'y a pas encore de paris en ligne en Ontario, mais les activités liées à leur introduction dans la province et auxquelles j'ai participé me laissent croire que ce ne sera pas préventif. Je parle de notre collaboration avec l'unité d'application des lois du casino. En ce qui concerne les prêts usuraires, les caméras nous permettent de suivre les interactions entre les gens et de recueillir des renseignements. Nous utiliserons des méthodes différentes en ligne : nous recueillerons ces renseignements par l'analyse des données.
Le sénateur Frum : Vous êtes tous ici pour appuyer le projet de loi. Nous tentons d'adopter une loi qui permettra aux gens d'engager des paris sur des jeux qui sont surtout organisés par les sports des ligues majeures, même si le sénateur Baker a soulevé la possibilité de paris dans le cadre des Olympiques. C'était quelque chose de nouveau.
Le sénateur Baker : Et les élections.
Le sénateur Frum : Je ne suis pas vraiment inquiète au sujet de gens qui tenteraient de perdre volontairement leurs élections, mais leurs épreuves sportives.
Toutefois, les promoteurs de ces événements ont affirmé sans équivoque qu'ils n'appuyaient pas cette activité et qu'ils engageront des poursuites judiciaires s'il le faut, tout comme on l'a fait au New Jersey lorsque l'État projetait d'adopter une telle loi. Comment équilibrez-vous votre appui tout en sachant que les promoteurs des sports qui feront l'objet de paris sont absolument contre?
M. Bertucca : Je ne connais pas bien la NCAA. Je ne connais pas son organisme de réglementation et je ne sais pas à quel point ses membres sont engagés dans le respect des règlements. Je sais qu'ils doivent faire des déclarations éthiques; en effet, l'association doit se doter d'un code d'éthique, et il s'agit d'un élément essentiel de n'importe quel organisme de réglementation. Je trouve donc difficile d'expliquer pourquoi ses membres seraient contre. C'est peut-être en raison de la possibilité qu'un arbitre truque le jeu, mais c'est déjà arrivé. Si je me souviens bien, il y a un arbitre de basketball célèbre qui acceptait des pots-de-vin pour truquer des parties.
Je ne sais pas pourquoi on a réagi de cette façon au New Jersey, ou pourquoi, comme je pense quelqu'un l'a dit plus tôt, la LNH ne voudrait pas cela. Je suppose que cela dépend de l'organisme de réglementation provincial qui régit les athlètes ou le jeu en Ontario. Je sais que l'Ontario a un organisme de réglementation solide, c'est-à-dire la Commission des alcools et du jeu. Je ne connais pas très bien la commission des sports; néanmoins, elle existe, et je présume qu'elle est efficace. L'industrie des courses de chevaux a aussi une bonne commission des courses.
J'ai pris beaucoup de temps pour dire que je ne savais pas pourquoi.
M. Boose : J'aimerais ajouter que je sais que la question a été soulevée, et je suis sûr qu'avec le temps, on trouvera une façon de démêler tout cela.
En ce moment, il y a des pots-de-vin partout. Tout ce que nous essayons de faire, c'est de passer d'une situation illégale et douteuse à une situation transparente et légale. Il me semble qu'au bout du compte, il est logique de nous diriger dans cette voie.
Là où ce genre de loi est en vigueur, on entretient des rapports entre les organismes sportifs, les organismes de réglementation, les organismes d'attribution de permis et ceux qui fournissent les services, et le processus est tout à fait ouvert et transparent. Je pense que lorsqu'on pourra prouver que, grâce aux outils analytiques dont nous avons discuté, il sera beaucoup plus facile de repérer la corruption dans les événements sportifs, on se rendra compte que c'est vraiment la voie à suivre. Le reste du monde a certainement procédé de cette façon bien avant nous.
Le sénateur McIntyre : Dans sa note de service du 18 octobre 2012 et dans son exposé, M. Boose parle du crime organisé et des paris clandestins. En parlant de paris clandestins, il a énuméré plusieurs facteurs pour illustrer son point, notamment que les poursuites sont complexes et difficiles et que la peine sur déclaration de culpabilité est d'un maximum de deux ans, et qu'elle est généralement beaucoup moins sévère.
Lorsqu'une personne est accusée pour une infraction ou une infraction criminelle, le ministère public peut, comme vous le savez, engager des poursuites par procédure sommaire ou par mise en accusation. S'il choisit la mise en accusation, cela signifie qu'il s'agit d'une infraction beaucoup plus grave. De plus, lors d'une mise en accusation, l'accusé a droit à une audience préliminaire, qui sert à déterminer si les preuves sont suffisantes pour intenter un procès.
Étant donné qu'une personne reconnue coupable est passible d'une peine maximale de deux ans, devrions-nous présumer que le ministère public engage habituellement des poursuites par procédure sommaire en Ontario, et non par mise en accusation, lorsqu'il s'agit d'infractions liées au jeu?
M. Sword : Les actes criminels énumérés dans le Code criminel font l'objet d'une compétence absolue, et peuvent donc faire l'objet d'une mise en accusation. On ne peut pas engager des poursuites par procédure sommaire; ce n'est pas une option. Lorsque vous avez recours à ce type de mise en accusation, l'infraction demeure un acte criminel.
Le sénateur McIntyre : Avez-vous une idée du nombre de personnes accusées d'infractions liées au jeu en Ontario l'année dernière?
M. Sword : Mon unité s'en occupe en Ontario. À ma connaissance, l'Unité de lutte contre les jeux illégaux de la PPO est le seul service de police qui a engagé des poursuites pour des infractions liées au jeu en Ontario. C'est, entre autres, parce que notre unité est une OPC, et nous avons des partenaires municipaux dans notre équipe, des services policiers importants qui travaillent ensemble dans une unité OPC.
Je ne peux pas vous donner le nombre total des accusations qui ont été portées. Actuellement, nous avons trois équipes distinctes en Ontario, et elles sont postées dans différents centres importants pour mener des enquêtes en matière de jeu. Je viens d'ailleurs de terminer une enquête importante sur un événement sportif dans le sud-ouest de l'Ontario. Chaque équipe essaie d'en faire au moins une par année.
M. Bertucca : Nous devrions être en mesure de vous fournir ces renseignements, c'est-à-dire le nombre de personnes qui ont fait l'objet d'une accusation. Quelle est la période visée?
Le sénateur McIntyre : Cela serait intéressant. Si l'on tient compte de la note de service et de l'exposé de M. Boose, il semble qu'en ce qui concerne les paris clandestins, les gens considèrent qu'il s'agit d'un crime sans victime ou que ce n'est même pas un crime, que ce n'est pas une priorité de la police et qu'il y a peu de spécialistes des infractions liées au jeu.
Le sénateur Baker : Vous dites que c'est une infraction punissable par voie de mise en accusation. Il s'agit d'une poursuite grave, ce qui est un point.
Le sénateur McIntyre : Combien de personnes avez-vous poursuivies en justice?
M. Bertucca : Je ne peux pas vous dire cela aujourd'hui. Nous pouvons obtenir ces renseignements et les faire parvenir à la greffière.
La vice-présidente : Sénateur McIntyre, je pense que le témoin voulait aussi connaître la période visée par les données demandées. Est-ce cinq ans?
Le sénateur McIntyre : Une période de cinq ans sera suffisante.
La vice-présidente : Le plus tôt sera le mieux, s'il vous plaît. Demain matin, si possible. Veuillez faire parvenir ces renseignements à la greffière.
M. Sword : Je veux seulement obtenir une précision : voulez-vous les renseignements relatifs aux accusations en lien avec les paris sportifs ou en lien avec tous les paris illégaux?
Le sénateur McIntyre : Les infractions liées au jeu.
La vice-présidente : Il serait bien d'avoir des catégories, mais nous avons surtout besoin de données qui peuvent nous brosser un portrait général de la situation actuelle.
M. Bertucca : J'aimerais clarifier une chose : souhaitez-vous aussi connaître les accusations en lien avec des paris légaux?
Le sénateur McIntyre : Les paris illégaux.
M. Bertucca : Seulement les paris illégaux. D'accord.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Vous avez parlé des ressources que vous avez à votre disposition pour mener des enquêtes. J'ai compris que vous aviez 20 enquêteurs qui s'occupent des jeux illégaux en Ontario. On sait que les jeux illégaux n'ont pas de frontières géographiques avec Internet. Est-ce que vous avez des liens avec les autres corps policiers au Canada, je pense, entre autres, à la Sûreté du Québec ou à la GRC pour mener ces enquêtes qui souvent peuvent se dérouler dans plus qu'une province?
[Traduction]
M. Sword : Nous collaborons avec d'autres services de police. Actuellement, je suis reconnu comme étant un spécialiste dans trois provinces du Canada, et j'ai travaillé avec la GRC à Calgary. J'ai aussi travaillé en tant que spécialiste avec le Service de police de Winnipeg. Nous offrons également de la formation. En effet, nous sommes le seul service qui enseigne et donne des exposés sur les paris illégaux au Canada. Nous avons offert un cours à tous les agents de police du Canada, et actuellement, nous sommes le seul service de police à le faire.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je voulais vous mettre dans l'eau chaude. Je travaille beaucoup au niveau de la province de Québec pour améliorer les ressources pour les personnes disparues, les crimes non résolus. L'Ontario fait souvent figure de proue, une province qui a spécialisé son corps policier dans les cas de meurtre non résolu, pour les criminels en libération conditionnelle illégale et autre. Vous avez un éventail de spécialistes, qui fait que votre performance sur le plan de la résolution de la criminalité est meilleure qu'au Québec.
Selon vous, est-ce que dans le domaine du jeu illégal, selon vos connaissances, les provinces ont les ressources suffisantes? Ou est-ce que les ressources sont bien équilibrées entre les provinces pour faire un bon travail par rapport au jeu illégal ou y a-t-il des provinces qui sont en avant d'autres, comme l'Ontario par rapport à d'autres provinces qui ont moins de ressources. Je vous demande de porter un jugement de valeur sur vos collègues des autres provinces. Comment évalueriez-vous les ressources d'une province à l'autre dans ce domaine?
[Traduction]
M. Bertucca : Merci d'avoir posé la question. Tout d'abord, j'aimerais préciser que nous entretenons une relation très efficace avec la Sûreté du Québec. Nous collaborons bien avec ses membres, et je crois qu'il s'agit d'un service de police efficace, comme le sont plusieurs autres services de police en Ontario.
En ce qui concerne la Colombie-Britannique, nous travaillons beaucoup avec les membres de la GRC de la province au sujet des activités liées au jeu et aussi avec les organismes de réglementation, qui sont surtout des anciens agents de la GRC.
Je ne suis pas à l'aise de commenter la répartition des ressources d'un service de police en particulier, car la situation de chaque province est unique, tout comme celle de chaque ville et de chaque collectivité.
Dans les services de police, on a beaucoup discuté du point de vue généraliste, des services de police fondés sur les ressources, de la spécialisation, et cetera. On en parle depuis plus de 20 ans. La PPO a choisi de continuer à s'occuper de certains domaines, alors que d'autres services ont mis fin à leurs activités dans ce même domaine. Par exemple, nous faisons aussi appel à des spécialistes d'autres services de police pour nous aider. Au Canada, on assiste probablement à une transition des services de police, qui font maintenant appel à d'autres services. Honnêtement, le maintien de l'ordre est dispendieux, et nous ne pouvons pas tous le faire de la même façon. Nous faisons donc appel à d'autres services pour nous aider dans certains domaines.
La vice-présidente : Je n'aime pas vous interrompre.
[Français]
Sénateur Boisvenu, je pense que vous avez votre réponse.
Le sénateur Boisvenu : Je voulais juste terminer en félicitant le corps policier, surtout de l'Ontario, pour sa performance. Je suis épaté.
[Traduction]
Le sénateur White : J'ai posé la question plus tôt. Je sais que vous étiez assis à l'arrière, alors je vais vous la poser aussi. Le témoin précédent a dit que la loi en vigueur aux États-Unis, c'est-à-dire la Unlawful Internet Gambling Enforcement Act, était inefficace et il est peut-être même allé plus loin. Toutefois, au cours de mes discussions avec les gens aux États-Unis, on parle surtout des sommes qui ont été saisies. Par exemple, en une seule journée de juillet 2012, 731 millions de dollars ont été saisis en lien avec des jeux illégaux en ligne.
À votre avis, au Canada, devrions-nous envisager une loi comme celle-là pour lutter contre ce qui est maintenant un problème de jeu illégal — du moins au Canada — dans Internet?
M. Bertucca : Je ne connais pas très bien la UIGEA — je crois que c'est le bon acronyme. Je pense qu'elle vise le transfert d'argent entre les banques, et c'est ce qui rendrait ces choses illégales. Je crois que cela a quelque chose à voir avec les banques qui s'autoréglementent pour connaître les transferts d'argent. Au Canada, nous avons le CANAFE, que vous connaissez très bien. Sans consulter le CANAFE ou même l'industrie bancaire, je ne voudrais pas risquer de procéder de la même façon que les États-Unis. De plus, leur système législatif fédéral est un peu différent du nôtre.
La somme donnée était, je crois, en lien avec la fermeture du site au complet...
Le sénateur White : Trois sites, en fait.
M. Bertucca : Oui, il s'agissait de trois sites. Je crois que l'un d'entre eux était Poker Stars.
Le sénateur White : Absolute Poker était l'un des sites.
M. Bertucca : Il ne fait aucun doute que le Canada devrait chercher une façon de s'occuper de ces sites extérieurs. L'une de ces façons est d'employer l'application directe de la loi, et c'est ce que nous tenterons de faire. Il y a d'autres technologies — le blocage des FAI, et cetera — et des règlements en matière de publicité pour empêcher ces entreprises de mener leurs activités. À mon avis, et d'après ce que j'ai lu, si vous n'utilisez pas une approche à plusieurs volets, elle ne sera pas efficace. Il faut prendre tout cela en considération.
Le sénateur White : Merci beaucoup. Merci à nos témoins d'avoir été ici aujourd'hui.
La vice-présidente : Merci. Vos avis de spécialistes nous sont extrêmement utiles, et nous vous sommes reconnaissants d'être venus.
(La séance est levée.)