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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 34 - Témoignages du 17 avril 2013


OTTAWA, le mercredi 17 avril 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel était renvoyé le projet de loi C- 37, Loi modifiant le Code criminel, et le projet de loi C-309, Loi modifiant le Code criminel (dissimulation d'identité), se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour examiner les projets de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du public qui suivent les délibérations d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre notre examen du projet de loi C-37, Loi modifiant le Code criminel, la suramende compensatoire. Le comité commencera ensuite son étude du projet de loi C-309, Loi modifiant le Code criminel (dissimulation d'identité).

Je rappelle aux personnes qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont également diffusées sur le Web à partir du site parl.gc.ca. Vous trouverez d'autres renseignements au sujet de la liste des témoins sur le site web intitulé « Comités du Sénat ».

Nous allons poursuivre nos délibérations au sujet du projet de loi C-37 et j'ai le plaisir d'accueillir notre premier groupe de témoins d'aujourd'hui composé de l'honorable Andrew Swan, député provincial, ministre de la Justice et procureur général du gouvernement du Manitoba qui comparaît à nouveau, par vidéoconférence, de Winnipeg. Le ministre est accompagné par Suzanne Gervais, la directrice exécutive des Services aux victimes du Manitoba. Bienvenue.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

L'honorable Andrew Swan, député provincial, ministre de la Justice et procureur général, gouvernement du Manitoba : Je vous remercie. Bonjour au sénateur Runciman et aux autres sénatrices et sénateurs. Je vous remercie de me donner la possibilité de comparaître à nouveau devant votre comité et de vous parler du projet de loi C-37, Loi modifiant le Code criminel, connue comme la loi sur la responsabilisation des contrevenants à l'égard des victimes. Je vous parle en fait en direct du Palais de justice du centre-ville de Winnipeg qui se trouve juste en face de l'Assemblée législative du Manitoba, et j'ai le plaisir d'être accompagné par Mme Suzanne Gervais, directrice exécutive des Services aux victimes du Manitoba. Elle pourra m'aider si le comité me pose des questions techniques parce qu'elle sera bien plus en mesure que moi d'y répondre.

Nous n'avons pas préparé de mémoire, je vous demande de bien vouloir nous en excuser.

[Français]

Je vais faire ma présentation en anglais seulement.

[Traduction]

Le gouvernement du Manitoba s'est toujours porté à la défense des victimes du crime. Le Manitoba appuie le projet de loi C-37 et je tiens à aider votre comité en vous fournissant d'autres renseignements, comme cela a été suggéré dans votre lettre d'invitation. J'ai examiné la transcription des déclarations qu'ont faites les témoins qui m'ont précédé ici et je respecte l'opinion de ceux qui ont pris la parole. Je peux dire que dans l'ensemble, nous estimons que les Canadiens, en particulier les victimes de crimes, bénéficieront de l'adoption du projet de loi C-37.

En 2000, le gouvernement du Manitoba a adopté la Loi sur la modification des droits des victimes qui a créé la Déclaration des droits des victimes. Il n'existe pas au Canada de loi qui soit plus dynamique, plus complète et plus facile d'application; elle vise la consultation et l'information des victimes.

Cette loi a créé le Fonds d'aide aux victimes. Les sommes prélevées à titre de suramende compensatoire aussi bien sur les amendes pénales que provinciales sont versées dans le Fonds d'aide aux victimes. C'est également dans ce fonds que sont versées les sommes provenant du Fonds de confiscation des biens obtenus ou utilisés criminellement. Ce fonds sert à promouvoir, offrir et administrer des services aux victimes, à mener des recherches à l'égard des services aux victimes et des besoins ainsi que des préoccupations de celles-ci, à diffuser de l'information sur les services aux victimes, à accorder des subventions pour les programmes et les services destinés aux victimes et enfin, à administrer la Déclaration des droits des victimes.

Depuis la proclamation de la Déclaration des droits des victimes, le gouvernement du Manitoba a continué à fournir des services de soutien directs aux victimes du crime par l'intermédiaire des bureaux de la direction des Services aux victimes du ministère de la Justice du Manitoba. Nous avons un personnel de 53 personnes réparti dans les différentes régions du Manitoba. Ces personnes fournissent des services directs aux victimes de crimes graves — victimes de violence familiale, enfants victimes et témoins.

Les agents des Services aux victimes fournissent assistance et soutien à environ 19 000 victimes chaque année dans l'ensemble du Manitoba. Ils rejoignent les victimes de crimes devant tous nos tribunaux et dans tous les endroits où ils siègent, ce qui représente plus de 60 points de contact répartis dans la province du Manitoba. Nos agents des Services aux victimes expliquent le processus pénal et conseillent les victimes au sujet de leurs options, de leurs droits et de leurs responsabilités. Ils fournissent des services de counselling à court terme et orientent les victimes et leurs familles vers les ressources communautaires.

Les agents des Services aux victimes agissent de concert avec d'autres professionnels du système de justice pour améliorer l'accès des victimes au système judiciaire. Ils renforcent également la sécurité des victimes en planifiant leur protection, aspect qui est particulièrement essentiel dans les cas de violence familiale.

Les Services aux victimes administrent le Programme des agents aux ordonnances de protection. Ce programme donne une formation aux fournisseurs de services sociaux dans différentes régions du Manitoba pour qu'ils aident les victimes de violence familiale et de harcèlement dans tous les aspects de la planification de leur sécurité, y compris sur la façon de les aider à présenter des requêtes d'ordonnance de protection aux termes de notre Loi sur la violence familiale et le harcèlement criminel.

Les victimes de violence familiale bénéficient également de l'appui de notre Service de soutien aux victimes de violence familiale, que des accusations pénales aient été portées ou non. Le programme offre une approche intégrée en liaison avec des policiers dans les cas où la victime est en danger ou lorsqu'il est nécessaire de procéder à un complément d'enquête. Un agent de liaison avec la famille collabore avec les partenaires du système judiciaire et avec les agences communautaires pour donner un soutien aux familles des personnes disparues.

L'année dernière, le Fonds d'aide aux victimes a, en plus des autres objectifs très importants qui sont les siens, accordé des subventions à plusieurs organismes; la Manitoba Organization of Victim Advocates, ou MOVA, qui offre un soutien supplémentaire aux survivants des familles où il y a eu un homicide; le Eyaa-Keen Healing Centre, qui offre un traitement pour les traumatismes et un soutien, selon les méthodes et les enseignements traditionnels, aux femmes et hommes autochtones qui ont été touchés par un crime; le projet Eyaa-Keen « My Good Life » tente d'atténuer la détresse et les souffrances qu'ont vécues les familles où des femmes et des jeunes filles ont disparu ou ont été assassinées, ainsi que les programmes de services aux victimes de Pembina Valley et du service de police de Brandon, qui fournissent un soutien supplémentaire aux victimes du crime.

Les fonds générés par les suramendes compensatoires fédérales et provinciales appliquées aux amendes ou aux peines fixées par les tribunaux nous aident à offrir ces services et ces programmes aux victimes du crime. La plupart d'entre eux sont fournis par les Services aux victimes, mais d'autres, comme je l'ai mentionné, sont offerts par nos partenaires communautaires. Je peux vous dire tout simplement que l'augmentation de nos revenus nous permettrait d'offrir aux victimes de crimes des services supplémentaires et améliorés.

En janvier 2005, mon collègue, l'ancien procureur général du Manitoba, Gord Mackintosh, a invité le gouvernement fédéral à augmenter le montant de la suramende compensatoire prévue par la Code criminel. À l'époque, le Manitoba était favorable à une augmentation du montant de la suramende compensatoire parce que cela reflétait, pour les deux paliers de gouvernement, la volonté d'appuyer les victimes et montrait également, à mon avis, que l'on souhaitait sanctionner plus sévèrement les contrevenants tout en renforçant, d'une façon générale, leur responsabilisation.

Le Manitoba a appuyé et continue d'appuyer l'augmentation du montant de la suramende compensatoire. Cela s'explique parce que la plupart des victimes qui bénéficient des services offerts grâce à cette suramende sont des victimes d'infractions au Code criminel. C'est pourquoi il me paraît approprié que les revenus associés aux infractions au Code criminel soient augmentés pour qu'ils représentent une part plus grande du montant total des revenus provenant de la suramende.

La mise en œuvre de la suramende compensatoire et l'augmentation des revenus qu'elle procure suscitent depuis longtemps des préoccupations. J'ai lu les commentaires de divers témoins, y compris ceux du ministre Nicholson. Il y a actuellement le fait que les juges renoncent à imposer la suramende dès que le contrevenant affirme qu'il est incapable de la verser au lieu de l'obliger à démontrer que lui ou les personnes à sa charge connaîtraient des difficultés excessives à cause du non-versement de la suramende compensatoire que prévoit le paragraphe 737(5) du Code criminel. Un autre problème actuel, qui a déjà été mentionné, est que les dossiers ne mentionnent pas de façon appropriée la suramende même dans les cas où son imposition est, à l'heure actuelle, obligatoire.

Un troisième problème, bien sûr, est le non-paiement de la suramende. Étant donné que de nombreuses provinces et territoires, y compris le Manitoba, dépendent des recettes provenant de la suramende compensatoire pour le financement des services aux victimes, il est essentiel de faire tout ce que nous pouvons pour que la suramende procure les recettes souhaitées.

Le Manitoba estime que le projet de loi C-37 répond aux préoccupations que soulèvent les dispositions actuelles en matière de suramende compensatoire. L'abrogation du paragraphe 737(5) supprimerait la discrétion judiciaire et aurait pour effet d'imposer automatiquement une suramende compensatoire, dans tous les cas prévus par le paragraphe 737(1) du Code criminel. En faisant passer la suramende compensatoire de 15 à 30 p. 100 de l'amende imposée par le tribunal, et dans le cas où aucune amende n'est imposée, en la faisant passer de 50 à 100 $ pour les infractions sommaires et de 100 à 200 $ pour les actes criminels, cela fournirait des revenus qui, nous le savons, seront en fin de compte utilisés pour les victimes.

L'augmentation de la suramende compensatoire que prévoit le projet de loi C-37 pourrait multiplier par deux le montant de la suramende compensatoire fédérale que reçoivent les provinces et les territoires. Le Manitoba reçoit environ 250 000 $ par an grâce à la suramende compensatoire. Toutes choses étant égales par ailleurs, il est prévu que ce montant passerait à 500 000 $. Nous espérons toutefois que le montant réel soit plus élevé, en raison de la suppression de la discrétion judiciaire, ce qui veut dire que le tribunal imposerait la suramende compensatoire fédérale dans tous les cas appropriés.

Nous estimons que le projet de loi C-37 indique aux tribunaux et aux contrevenants que le Parlement a le souci d'appuyer les victimes de crimes et qu'il est nécessaire de responsabiliser les contrevenants.

J'ai pris note des préoccupations de ceux qui s'opposaient au projet de loi C-37. Je peux dire au comité que le Manitoba n'a aucunement l'intention d'emprisonner qui que ce soit pour non-paiement de la suramende compensatoire. Le Manitoba dispose en effet de méthodes qui lui permettront de recouvrer les sommes associées à cette suramende.

Le gouvernement du Manitoba est heureux de constater que le gouvernement fédéral a adopté le point de vue du Manitoba, à savoir que l'augmentation de la suramende compensatoire imposée aux contrevenants doit être une priorité pour la réforme du droit fédéral, comme le montre le dépôt du projet de loi C-37. Nous appuyons le projet de loi C-37. Nous invitons le Sénat à adopter le projet de loi et nous espérons qu'il entrera en vigueur et sera mis en œuvre le plus rapidement possible.

Comme je l'ai dit au début de mon exposé, je suis accompagné par Suzanne Gervais qui va me prêter main-forte et qui, si le comité ne s'y oppose pas, répondra directement aux questions techniques que vous pourriez poser. Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité d'être avec vous cet après-midi.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Nous allons commencer les questions avec la vice-présidente du comité, la sénatrice Fraser.

La sénatrice Fraser : Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté de vous joindre à nous cet après-midi. Je me souviens que la dernière fois que vous avez comparu devant le comité, j'avais été très impressionnée par l'approche adoptée par le Manitoba envers les victimes qui était à la fois très concrète et axée sur la compassion. Cette impression a été confirmée par ce que vous avez dit aujourd'hui.

J'aimerais aborder directement la question financière. Vous dites que vous recevez à l'heure actuelle environ 250 000 $ grâce à la suramende de l'article 737 et, que toutes choses étant égales par ailleurs, ce montant devrait doubler. Nous savons toutefois que les choses ne sont pas toujours égales par ailleurs. Nous savons qu'il y a des cas où la suramende n'est pas imposée.

Pouvez-vous nous fournir des renseignements sur le pourcentage des affaires manitobaines dans lesquelles la suramende n'a pas été imposée et pour lesquelles vous pensez qu'elle le sera désormais? Avez-vous une idée de la répercussion réelle qu'aura cette mesure, à la fois sur les personnes concernées et sur les recettes que vous allez obtenir?

M. Swan : Merci pour vos commentaires et pour cette question. Nous n'avons pas effectué une analyse approfondie du pourcentage de ces affaires, ni des sommes perçues. C'est la raison pour laquelle j'ai pris l'exemple très simple selon lequel le seul doublement des suramendes que nous recouvrons aujourd'hui apporterait environ 250 000 $ de plus pour les victimes au Manitoba. Nous espérons que les restrictions apportées à la discrétion judiciaire et l'attention accrue accordée à l'imposition de la suramende auront pour effet d'augmenter les revenus que nous pourrons utiliser pour aider les victimes. Nous n'avons pas toutefois inscrit ces montants dans notre budget pour cette année, parce que nous savons qu'il demeure quelque incertitude au sujet des montants que nous pourrons réellement recouvrer.

La sénatrice Fraser : Très bien. Quel est le pourcentage du Fonds d'aide aux victimes qui provient, à l'heure actuelle, de la suramende de l'article 737? Il serait peut-être plus facile si je vous demandais à combien s'élève ce fonds et quelles sont les sommes qui y sont versées chaque année. Je parle du montant total qui se trouve dans le fonds.

M. Swan : Mme Gervais m'a informée du fait que le budget total des Services aux victimes de la province du Manitoba est de 4,6 millions de dollars. C'est le montant qui se trouve dans le Fonds d'aide aux victimes, ou à peu près. Comme vous pouvez le constater, la suramende fédérale représente à l'heure actuelle une très petite partie de ce montant de 4,6 millions de dollars. Cette contribution est bien sûr utile, mais nous serions heureux que la suramende prévue par le Code criminel soit augmentée.

Je ne peux vous fournir une répartition détaillée du montant, mais l'examen de cette somme de 4,6 millions de dollars montrerait que la plus grande partie est dépensée pour les victimes d'infractions au Code criminel. En réalité, nous utilisons une bonne partie des revenus provinciaux et des suramendes provinciales associés à des amendes provinciales, comme celles qui découlent du Code de la route, pour accorder un soutien aux victimes d'infractions prévues par le Code criminel.

La sénatrice Fraser : J'aimerais savoir si j'ai bien compris votre loi; toutes les sommes recouvrées aux termes de l'article 737 doivent être versées dans le fonds. En tenant pour acquis que ce montant va augmenter, ce qui paraît raisonnable, allez-vous utiliser cet argent pour augmenter le budget total des services aux victimes ou serez-vous en mesure d'éviter d'y consacrer une partie des recettes générales?

M. Swan : Je peux vous affirmer que les revenus supplémentaires provenant de la suramende seront versés dans le Fonds d'aide aux victimes et serviront à leur accorder un soutien.

La sénatrice Fraser : Cela va augmenter ce budget, n'est-ce pas?

M. Swan : C'est exact.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Premièrement, je vous remercie pour votre témoignage et, deuxièmement, je tiens à féliciter la province du Manitoba, car je suis depuis une dizaine d'années le travail de MOWA, l'organisation qui assure les services aux victimes d'actes criminels dans votre province. Vous avez été un modèle pour les autres provinces en ce qui concerne la qualité des services que vous offrez aux victimes.

Est-ce que les surcharges, fédérales et provinciales, sont entièrement versées à un fonds spécifique ou si elles vont dans un fonds consolidé de la province?

[Traduction]

M. Swan : Merci d'avoir posé cette question. Légalement, chaque dollar provenant de la suramende du Code criminel, ainsi que les suramendes judiciaires provinciales, sont versés dans le Fonds d'aide aux victimes. C'est ce que prévoit le paragraphe 40(2) de la Déclaration des droits des victimes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous savez que l'aide aux victimes relève des provinces. Il y a un écart très grand entre certaines provinces pour donner le minimum de services. Je songe, entre autres, à Terre-Neuve où il y a très peu de services. D'autres provinces comme la vôtre, l'Ontario et le Québec, donnent de bons services aux victimes d'actes criminels. Ne devrions-nous pas profiter de cette augmentation de la surcharge pour faire en sorte que les provinces aient un panier de services d'aide aux victimes de base à travers le Canada pour nous assurer que les victimes canadiennes soient traitées de la façon la plus égale possible entre les provinces?

La réciprocité n'existe pas dans l'aide aux victimes au Canada. Un citoyen québécois victime d'un acte criminel dans votre province ne recevra pas de services à cet égard. Un citoyen canadien doit habiter la province où l'acte criminel a eu lieu. Est-ce que ce ne serait pas un bon moment pour les provinces de s'entendre entre elles sur un panier de services minimaux qui pourraient être donnés aux Canadiens et Canadiennes à travers le pays?

[Traduction]

M. Swan : C'est une question très vaste. Nous sommes fiers du fait que le Manitoba ait mis en place un excellent système. Nous savons que d'autres gouvernements ont fait d'autres choix pour ce qui est du soutien accordé aux victimes de crimes.

La grande question que vous avez posée est tout à fait d'actualité. Je peux dire aux membres du comité que la semaine prochaine, les ministres de la Justice de toutes les provinces et territoires ont été convoqués à une réunion pour examiner la question de savoir si le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle dans la définition des services offerts aux victimes. Je sais que des représentants du Manitoba vont y assister; Mme Gervais participera à ces réunions. Nous sommes en plein débat sur le budget. Je ne sais pas si je ferai partie de notre équipe, mais je sais que c'est une question d'actualité que le Manitoba sera heureux d'aborder la semaine prochaine.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous me permettrez de faire des consultations, car c'était mon intention de consulter quelques provinces sur ce principe. En tant que Manitobain, seriez-vous en faveur du principe d'avoir un seuil minimal de services à offir aux victimes canadiennes, peu importe la province où elles habitent? Votre province serait-elle en faveur?

[Traduction]

M. Swan : Je ne suis pas vraiment en mesure de répondre à cette question. Nous estimons que nous fournissons un bon service aux victimes de crimes. Nous aimerions également étendre davantage, pour ce qui est des victimes, le soutien que nous accordons aux termes de la Déclaration des droits des victimes.

Je pense que de nombreuses provinces vont vous dire que, si le Code criminel ou une autre loi les obligeaient à étoffer les services offerts, je pense qu'elles demanderaient au gouvernement fédéral une assistance financière pour le faire. Je ne vous dirai pas ce que j'en pense. Je peux bien sûr vous redire que le Manitoba utilise tous les fonds qu'il reçoit grâce à la suramende fédérale pour accorder un soutien aux victimes de crimes. Encore une fois, nous consacrerons aux victimes de crimes tous les revenus supplémentaires que nous pourrions obtenir si ce projet de loi était adopté par le Sénat.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, merci de vous être libéré pour nous. Je suis la présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne et nous nous trouvions récemment à Winnipeg. Cela n'est pas nouveau pour vous, mais nous avons été frappés par le fait que vous aviez une population autochtone très importante qui posait de nombreux défis. Vous savez que les Autochtones sont largement surreprésentés dans les prisons.

Si vous doublez la suramende compensatoire et supprimez la discrétion judiciaire dans ce domaine, cela ne risque-t-il pas d'aggraver la situation des Autochtones? Comment pensez-vous que le principe de l'arrêt Gladue s'appliquerait aux peines?

M. Swan : Pour les Autochtones du Manitoba, le taux d'incarcération et le nombre des contacts avec le système de justice est un grave problème. Nous savons que cela reflète un problème plus vaste.

Je pense toutefois qu'il ne faut pas oublier un certain nombre de choses. Il y a malheureusement un nombre disproportionné d'Autochtones parmi les contrevenants, il est également regrettable qu'un nombre disproportionné des victimes de crimes soient des Autochtones. Nous sommes partisans du principe selon lequel les contrevenants doivent assumer une certaine responsabilité, en particulier, envers les victimes; les sommes provenant des suramendes provinciales et fédérales nous aident à fournir des services aux victimes.

Le Manitoba est une des provinces, qui sont majoritaires, qui a adopté un programme de travaux compensatoires qui permet à ces personnes de payer leur amende en travaillant ou en fournissant des services à la société. Deuxièmement, nous espérons qu'elles vont ainsi acquérir des aptitudes et une certaine discipline qui les aideront à faire des choses positives comme reprendre leurs études ou retourner sur le marché du travail. Notre province est tout à fait disposée à aider les gens. Nous avons multiplié les possibilités de formation et augmenté le taux de diplômés du secondaire. Nous pensons que le programme de travaux compensatoires offre un certain nombre de possibilités qui pourront, d'après nous, atténuer ce problème.

La sénatrice Jaffer : Vous êtes le ministre de la Justice et je sais que vous connaissez certainement ce que la Cour suprême a déclaré, à savoir, qu'en matière de peine, il faut appliquer le principe de l'arrêt Gladue. Comment ce principe va-t-il s'appliquer à cette suramende?

M. Swan : Il faudrait que j'aie avec moi toute mon équipe de constitutionnalistes parce que c'est là une question complexe. Je crois savoir que bien souvent, l'arrêt Gladue s'applique à des situations où il s'agit de déterminer quelle est la peine appropriée. Dans ce cas-ci, nous ne parlons pas d'emprisonnement ou de période d'emprisonnement supplémentaire. Nous parlons d'une suramende qui est imposée à une personne qui a été déclarée coupable d'une infraction au Code criminel.

Au Manitoba au moins, et dans les autres provinces, les gens qui ne peuvent pas payer ont la possibilité de se racheter auprès de la société d'une autre façon. Je pense que cela atténuera les commentaires négatifs que l'on pourrait faire en raison de l'arrêt Gladue.

Bien entendu, nous respectons tout à fait l'arrêt Gladue, mais en particulier, compte tenu de mon commentaire précédent selon lequel nous n'allons pas emprisonner les gens au Manitoba pour la seule raison qu'ils ne sont pas en mesure de payer la suramende, je ne pense pas que cette décision jouera un grand rôle dans la façon dont le projet de loi C-37 sera appliqué.

La sénatrice Jaffer : L'autre aspect qui me concerne est que, si je ne m'abuse, lorsque quelqu'un doit payer une amende et qu'il ne le fait pas, le montant de l'amende augmente progressivement en raison des frais administratifs et autres. Pouvez-vous vraiment affirmer qu'une suramende de 100 $ demeurera au même niveau si la personne l'acquitte cinq ans plus tard, ou va-t-elle augmenter parce que cette personne est en retard de cinq ans?

M. Swan : Si le comité l'accepte, je pourrais vous confirmer cela dans les 24 heures, je crois, et vous fournir une très brève réponse, plutôt que de vous fournir des renseignements inexacts.

La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, j'ai déjà été la chef du cabinet du ministre de la Justice de la Saskatchewan et j'ai assisté à un certain nombre de réunions FPT auxquelles vous avez participé. J'apprécie l'appui que vous donnez à ce projet de loi, et je me souviens du fait que vous avez toujours appuyé les mesures de ce genre au cours de nos réunions FPT pendant un bon nombre d'années. Au cours de ces réunions, nous entendions régulièrement les participants demander que soient prises des mesures du genre de la suramende compensatoire.

Un document du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement qui a été remis au comité parle d'une publication de Statistique Canada de 2004 qui mentionne, notamment, que le Manitoba permet de participer à un programme de travaux compensatoires au moment de l'admission dans une prison. La situation est-elle toujours la même ou avez-vous modifié les conditions d'accès au programme de travaux compensatoires?

M. Swan : Mme Gervais m'indique que ce n'est pas ce que nous faisons au Manitoba. Les personnes qui se voient imposer une amende sans nécessairement risquer d'être emprisonnées peuvent également participer au programme de travaux compensatoires pour payer leurs amendes par leur travail.

La sénatrice Batters : Voilà qui est une excellente chose. Je suis heureuse d'entendre que les personnes qui ne sont pas en mesure de payer ces montants ont cette possibilité au Manitoba. Merci de cette précision.

Le sénateur Baker : Je remercie le témoin pour son exposé. Le témoin a déclaré qu'au Manitoba, la personne qui n'est pas en mesure de payer son amende n'est pas envoyée en prison. Je pense que c'est bien ce qu'il a dit.

Cela semble indiquer aux Canadiens, au comité et à moi, que votre ministère de la Justice informe les procureurs de la Couronne de votre province que le manuel des poursuivants précise que ces derniers ne doivent pas demander une peine d'emprisonnement lorsque l'accusé n'est pas en mesure de payer l'amende. Je crois que c'est la façon de le faire. C'est la façon habituelle d'indiquer aux poursuivants la façon d'agir dans le cas où l'accusé ne peut payer l'amende, dans celui où il n'est pas en mesure de le faire ainsi que la solution à appliquer.

Il s'agit là cependant d'affaires touchant le Code criminel, mais cela couvre également la Loi réglementant certaines drogues et autres substances dont s'occupent les procureurs de la Couronne fédéraux. Il y a le Service des poursuites pénales du Canada. Affirmez-vous que vous avez trouvé le moyen d'amener les procureurs de la Couronne fédéraux à ne pas demander l'emprisonnement en cas de non-paiement d'une amende?

M. Swan : Sénateur, vous avez tout à fait raison de dire qu'en qualité de procureur général, je ne prends jamais position dans les cas individuels et que je ne donne pas de directives à leur sujet. Nous avons des politiques en matière de poursuite qui guident les poursuivants dans leurs décisions. J'ai effectivement déclaré, et je le maintiens, que les personnes condamnées à payer une suramende et qui n'effectuent pas le paiement exigé ne seront pas envoyées en prison.

Je veux être très clair; si la suramende est imposée au moment de la détermination de la peine et que l'accusé est condamné à une peine d'emprisonnement, il est évident qu'il sera envoyé en prison. Je crois toutefois que nous parlons tous les deux de la situation où l'accusé reçoit une peine communautaire ou une décision de ce genre, se voit imposer une suramende, et finalement, ne la paie pas.

Vous avez raison. Je ne donne pas de directives au Service des poursuites pénales fédéral, je le fais uniquement pour les procureurs de la Couronne provinciaux.

Le sénateur Baker : La portée de ce projet de loi ne sera influencée par vos déclarations générales que dans la mesure où vous pouvez donner des directives à vos procureurs.

Permettez-moi de vous poser une autre question. Vous avez dit, et je m'en souviens, qu'un autre ministre de votre gouvernement avait recommandé que le gouvernement fédéral augmente le montant de la suramende compensatoire. C'était une recommandation qui émanait de votre gouvernement. Lorsque le tribunal impose une peine, il tient compte tout d'abord de la suramende fédérale et s'il y a une suramende provinciale, comme c'est le cas dans votre province, alors le juge impose cette suramende. Ces sommes sont alors ajoutées l'une à l'autre pour savoir combien l'accusé devra payer. Pourquoi demander au gouvernement fédéral d'augmenter la suramende alors que vous auriez pu augmenter la vôtre? Vous auriez pu multiplier par deux votre suramende et obtenir les mêmes recettes. Tout cela va au même endroit. Pourquoi n'avez-vous pas agi de cette façon?

M. Swan : Pour revenir à la question antérieure qui portait sur les lois fédérales autres que le Code criminel, le Fonds d'aide aux victimes exige que les suramendes imposées aux termes du Code criminel du Canada et de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents du Canada soient versées dans ce fonds. Je ne sais pas vraiment si la Loi réglementant certaines substances est également visée. J'examine notre propre loi et elle traite de ces deux lois là.

L'autre aspect que vous avez soulevé concerne l'imposition des suramendes. Dans le cas d'une condamnation à une infraction au Code criminel, la suramende est calculée au palier fédéral. Si c'est une condamnation aux termes d'une loi provinciale, le plus souvent aux termes du Code de la route, alors il y a une suramende provinciale qui est tout à fait distincte de la suramende fédérale.

Nous demandions que la suramende fédérale soit augmentée en ce qui concerne le Code criminel. Encore une fois, cela nous paraît logique. La plupart des fonds sont dépensés pour les victimes d'infractions au Code criminel. Nous avons nos propres frais judiciaires qui sont ajoutés à ces montants, mais la suramende provinciale et la suramende fédérale dépendent de la nature de la loi aux termes de laquelle l'accusé a été déclaré coupable.

Le sénateur Baker : L'une est provinciale et l'autre est fédérale.

Le président : Vous aurez de nouveau la parole, sénateur Baker.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Swan, merci de votre exposé. J'aimerais revenir à votre procédure d'application de la loi dont vous avez parlé il y a un instant, et qui a également été mentionnée dans la réponse que vous avez donnée à la question du sénateur Baker. Vous avez déclaré et précisé que l'emprisonnement n'était pas une solution et que le Manitoba utiliserait d'autres moyens d'obtenir le paiement de la suramende compensatoire. À quelle mesure d'exécution pensez-vous?

M. Swan : Encore une fois, je vous enverrai de l'information sur ce point. Je parlerai à mes collaborateurs et nous verrons si nous pouvons vous envoyer cela avec les autres renseignements que je me suis engagé à vous fournir. Je veux fournir au comité des renseignements exacts.

Le sénateur Joyal : Merci, monsieur le ministre, de vous être libéré cet après-midi. Je sais que vous avez avec vous une copie de la Déclaration des droits des victimes, qui est la loi qui régit le Fonds d'aide aux victimes. Mme Gervais en possède probablement aussi une copie.

Monsieur le ministre, j'aimerais saisir l'occasion de féliciter votre service pour la traduction que vous avez fournie dans les deux langues dans les lois du Manitoba. J'ai lu le texte français et la qualité du français est remarquable.

M. Swan : Je vous en remercie.

Le sénateur McIntyre : Si vous avez une copie de cette loi avec vous, pourriez-vous regarder l'article 41 — l'article qui parle de la suramende provinciale? Dans votre réponse au sénateur Baker, vous avez mentionné qu'au Manitoba, les lois de la législature provinciale prévoyaient une suramende. Pourriez-vous nous donner une idée de cette suramende en la comparant à la suramende fédérale actuelle?

M. Swan : Je suis heureux que Mme Gervais m'accompagne parce qu'elle pourra vous fournir directement ces renseignements.

La suramende provinciale compensatoire est de 20 p. 100. Le Manitoba a récemment augmenté la suramende qui est passé de 20 à 25 p. 100, après septembre 2012. Nous avons récemment augmenté la suramende provinciale.

Le sénateur Joyal : Pour chaque infraction, quel est le montant de la suramende? Est-ce un montant de 50 ou de 20 $? Qu'en est-il? La loi fédérale prévoit un montant de 100 $ pour les infractions sommaires et de 200 $ pour les actes criminels. Pour ce qui est des lois provinciales, y a-t-il un montant unique qui est imposé pour toutes les infractions?

M. Swan : C'est exact. Ce montant est de 25 p. 100 à l'heure actuelle. La différence est que l'immense majorité des condamnations pour une infraction provinciale ne donne lieu qu'à une amende; il est beaucoup plus rare qu'une condamnation entraîne l'emprisonnement.

Le sénateur Joyal : Lorsque vous parlez de 20 p. 100, quel est le montant moyen?

M. Swan : Pour ce qui est d'un montant précis, nous n'avons pas de moyenne. Je crois savoir que cette somme de 2,4 millions de dollars, qui représente les recettes provenant de la suramende, correspond à des infractions courantes, qui sont la plupart du temps des infractions provinciales. Cela comprend les excès de vitesse sanctionnés par la GRC ou par le Service de police de Winnipeg, les infractions à la Loi sur la réglementation des alcools, par exemple. Un peu plus de 2 millions de dollars provenaient des radars photo, ce qui est une autre façon de faire. Les amendes du Code criminel fédéral nous fournissent environ 300 000 $.

Ce sont les infractions provinciales qui représentent la plus grande partie du fonds.

Le sénateur Joyal : Pourriez-vous également examiner le paragraphe 44(4) du même chapitre du projet de loi, qui est intitulé « Discrétion judiciaire »? Il se lit :

Malgré les paragraphes (1) et (2), un juge peut réduire le montant de l'amende supplémentaire que vise le présent article, ou même ne pas imposer celle-ci, lorsqu'il considère qu'elle n'est pas opportune eu égard aux circonstances relatives à l'auteur de l'acte criminel, notamment compte tenu de l'importance du fardeau financier qu'elle lui imposerait.

Monsieur le ministre, j'ai été surpris de voir cela dans la loi provinciale. Ce n'est pas que j'y trouve à redire; bien au contraire, il me paraît une bonne chose de laisser au juge ce pouvoir discrétionnaire. Cependant, j'ai écouté votre mémoire et vous appuyez la décision de supprimer le pouvoir discrétionnaire du Code criminel, alors qu'elle est conservée dans votre propre loi.

Je me demande si vous n'avez pas adopté deux approches différentes à cette question. Je voulais savoir pourquoi au niveau provincial le juge a le pouvoir discrétionnaire d'imposer ou non une amende et pourquoi vous ne voulez pas que le juge qui impose une amende aux termes du Code criminel ne dispose pas du même pouvoir discrétionnaire.

M. Swan : Je remercie le sénateur d'avoir signalé cet article de la Déclaration des droits des victimes, et il se peut fort bien que nous examinions la possibilité de changer cette disposition dans un avenir proche. Si le projet de loi est adopté par le Sénat, nous allons peut-être étudier la possibilité de revoir également le pourcentage auquel est fixée la suramende pour les infractions provinciales. Je vous remercie d'avoir fait ce commentaire.

Le sénateur Joyal : Quelle était la raison pour laquelle vous avez inséré cette disposition dans le projet de loi lorsque vous l'avez rédigé? Encore une fois, je vous félicite pour cette déclaration. Je l'ai lue et je crois que c'est une déclaration bien conçue et bien construite, et elle est en plus dans les deux langues. Je me demande toutefois quelle est la raison d'être de cet article de la Déclaration des droits des victimes, qui me paraît un principe approprié? Pourquoi pensez- vous qu'il serait bon de le changer?

M. Swan : Je crois qu'un élément important serait de tenir compte du principe de la proportionnalité. Les infractions au Code criminel sont bien souvent des infractions graves. Dans la plupart des cas, ce sont des infractions particulièrement violentes. Ce sont les infractions qui déclenchent la prestation de services par notre direction des Services aux victimes.

Je pense que les infractions au Code criminel sont les plus graves. Nous pensons qu'il y a une grande différence entre la personne qui a été déclarée coupable d'avoir pénétré dans une maison ou d'avoir commis un autre crime violent et une autre qui a fait un excès de vitesse. Je ne voudrais pas minimiser cette dernière infraction, parce que la plupart de nos revenus viennent de la suramende provinciale, mais je crois que la proportionnalité doit jouer un rôle important.

Nous pensons que l'augmentation de la suramende découle logiquement du fait que la plupart de nos services aux victimes sont fournis à des victimes d'infractions au Code criminel.

J'ai toutefois pris note de votre remarque, sénateur, et nous allons nous demander si nous ne devrions pas, à la suite de votre observation, mettre à jour la Déclaration des droits des victimes, qui est entrée en vigueur il y a 13 ans.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre. Ma question est fort simple. Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez lorsque vous percevez les amendes ou, si vous voulez, quels sont ceux qui simplement ne paient pas?

[Traduction]

M. Swan : Je ne suis pas vraiment en mesure de vous donner une réponse définitive sur cet aspect. Nous n'avons pas mis en place un système qui permette de suivre le pourcentage des suramendes qui sont recouvrées. J'aurais aimé pouvoir mieux ventiler la suramende du Code criminel et la suramende provinciale. Nous n'avons pas les moyens, à l'heure actuelle, de vous donner une réponse définitive.

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser quelques questions très brèves. Premièrement, j'aimerais une précision au sujet de la réponse que vous avez donnée au sénateur Boisvenu pour ce qui est de veiller à ce que les recettes provenant de la suramende compensatoire soient versées dans le fonds prévu et non pas dans le Trésor public. Est-ce que cela se fait au Manitoba à cause d'une loi, ou s'agit-il d'un simple engagement de la part du gouvernement?

M. Swan : Cela vient de la loi. Il s'agit du paragraphe 40(2) de la Déclaration des droits des victimes.

Le sénateur Plett : Au Manitoba, reste-t-il un peu d'argent dans le Fonds d'aide aux victimes, ou ce fonds a-t-il un solde négatif?

M. Swan : Non, la plupart des revenus que nous recevons sont dépensés chaque année. À la fin de l'année, il reste peut-être quelques miettes si un organisme n'a pas pu fournir les services que nous lui avons demandés ou si un poste n'a pas été comblé pendant quelques mois. La plupart grande partie de l'argent qui est versé dans ce fonds chaque année est utilisé la même année pour accorder un soutien aux victimes au Manitoba.

Le sénateur Plett : Très bien, merci.

J'aurais une dernière question sur le remboursement en nature dont vous parliez. Si quelqu'un n'a pas les moyens de payer, vous avez un programme qui lui permet d'effectuer un service communautaire et de payer ainsi son amende. Est- ce que la province du Manitoba verse alors cet argent dans le fonds des victimes lorsque quelqu'un travaille au taux horaire que vous avez fixé, disons 20 $ de l'heure? Versez-vous cette somme dans le fonds?

M. Swan : Je crois vous dire que le programme de travaux compensatoires est en fait administré par un certain nombre de partenaires communautaires. Je peux vous donner quelques explications au sujet du fonctionnement de ce programme.

Le programme de travaux compensatoires verse à nos partenaires communautaires 60 $ pour le premier placement en milieu de travail et 40 $ pour le deuxième placement, si cela est nécessaire. Le programme verse aux fournisseurs communautaires une somme de 2 $ par 10 heures de travail pour la surveillance des personnes qui effectuent le travail. Je pense que les gens remboursent leur amende à un taux de 10 $ de l'heure. Est-ce bien exact? Je remarque que certaines personnes présentes semblent indiquer qu'elles n'en savent rien. Je pourrais donc vous fournir une mise au point à ce sujet.

Est-ce bien ce que vous souhaitez obtenir, sénateur, à savoir comprendre le fonctionnement du programme de travaux compensatoires ainsi que la façon dont les gens peuvent effectivement payer leurs amendes de cette façon?

Le sénateur Plett : Oui, comment ils remboursent leur amende et, si l'on attribue une valeur monétaire au travail qu'ils effectuent, si cet argent est alors versé dans le fonds; je souhaite comprendre le fonctionnement du programme, en somme.

M. Swan : Je peux vous dire qu'aucune somme n'est versée dans le fonds. En réalité, la suramende est payée, mais le seul résultat est qu'aucune autre mesure n'est prise pour recouvrer la suramende. Il n'y a pas de remboursement théorique de cet argent au fonds. La dette disparaît simplement lorsque la personne termine avec succès le programme de travaux compensatoires.

Le président : Nous avons largement dépassé l'horaire prévu. Monsieur le ministre et madame Gervais, je vous remercie de ce que vous avez apporté aux délibérations du comité. Nous l'apprécions beaucoup.

Notre prochain groupe de témoins, qui représentent l'Association du Barreau canadien, est composé de Ian Carter, représentant, associé, Bayne Sellar Boxall, et de Tamra Thomson, directrice, législation et réforme du droit.

Mme Thomson, je crois savoir que vous allez commencer. Vous avez la parole.

Tamra L. Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien : Merci, monsieur le président et honorables sénatrices et sénateurs. L'Association du Barreau canadien est très heureuse de comparaître devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-37, un projet de loi important qui vous a été soumis.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente plus de 37 000 avocats dans toutes les régions du Canada. La lettre que vous avez reçue a été préparée par la Section de la justice pénale et par la Section du droit autochtone de l'ABC. M. Carter est membre de l'exécutif de la Section de la justice pénale et apporte avec lui son expérience d'avocat de la défense acquise en Ontario et en Colombie-Britannique.

Je voulais mentionner quelque chose au sujet de la Section de la justice pénale avant de passer le micro à M. Carter. Dans le domaine de la justice pénale, ce groupe est unique au Canada, dans la mesure où il est composé à la fois de procureurs de la Couronne et d'avocats de la défense; c'est ce groupe très actif et très dynamique qui a préparé les lettres qui vous ont été transmises. Les membres de cette section apportent un point de vue conjoint à tous les projets de loi qui sont présentés au Sénat.

Je vais demander à M. Carter d'étoffer certains points qui sont mentionnés dans la lettre qui vous a été remise.

Ian Carter, représentant, associé, Bayne Sellar Boxall, Association du Barreau canadien : Je vous remercie, monsieur le président et honorables sénatrices et sénateurs. Le comité a déjà reçu de nombreux documents et je ne vais pas tous les passer en revue. Vous avez devant vous un grand nombre de documents de qualité. Ce que je pourrais apporter au débat est un aspect un peu différent, à savoir mon expérience de praticien sur le terrain.

Je suis au palais de justice d'Ottawa, au 161 de la rue Elgin, presque tous les jours. Pour bien expliquer la position de l'ABC au sujet de ce projet de loi, je pensais vous donner deux exemples contrastés qui montrent les avantages qu'offre ce projet de loi ainsi que les aspects qui risquent de faire problème. Pour vous présenter cet exemple, je me suis inspiré librement de personnes que j'ai rencontrées au sein du système de justice pénale.

Premièrement, prenons le cas de la personne qui plaide coupable à une accusation de conduite avec facultés affaiblies. C'est un cas fréquent qui se voit tous les jours devant tous les tribunaux canadiens. Dans ce scénario, nous allons l'appeler Richard. Richard est un directeur de banque et il n'a jamais eu de démêlé avec la justice auparavant. Il regrette ce qu'il a fait, il est disposé à accepter sa peine et il souhaite que la vie reprenne son cours. Il se rend dans la cour des plaidoyers de culpabilité qui se trouve au sous-sol du palais de justice de la rue Elgin et il attend son tour pour recevoir sa peine, avec les quelque 30 ou 40 personnes qui se trouvent dans les couloirs ou en détention dans les locaux du palais de justice qui attendent également de recevoir leur peine. Le procureur de la Couronne et les avocats de la défense se sont entendus à l'avance sur la peine à demander, comme c'est souvent le cas. Ce sera une amende de 1 200 $ et une interdiction de conduire pendant 12 mois.

Étant donné qu'il s'agit d'une position conjointe des avocats et que la liste des personnes qui attendent de plaider coupable est très longue et que les ressources judiciaires sont limitées, le tribunal ne disposera que de très peu de renseignements au sujet de Richard. Le juge disposera de suffisamment de renseignements pour savoir que Richard peut payer la suramende compensatoire, de sorte qu'elle lui sera imposée, même si cela se fait très discrètement.

Compte tenu de la rapidité avec laquelle les dossiers doivent être expédiés et de la longue file de personnes qui attendent de plaider coupable ce jour-là, Richard ne comprendra pas grand-chose à ce qu'est la suramende compensatoire ni à quoi sera utilisé cet argent. C'est tout simplement sa condamnation, la forte amende imposée et l'interdiction de conduire qui auront le plus d'impact sur son comportement futur.

Quoi qu'il en soit, Richard a les moyens de payer l'amende et l'argent est utilisé pour une bonne cause. Il va aider les victimes, même si elles ne sont pas directement concernées par son dossier. C'est la raison pour laquelle l'ABC appuie le principe de la suramende compensatoire. Dans ce scénario, elle est tout à fait logique.

Prenons, par contre, le cas de la femme qui attend son tour au fond de la salle d'audience. Nous allons l'appeler Joanne. Elle va plaider coupable à l'accusation de communiquer avec quelqu'un à des fins de prostitution, parce qu'elle a été ramassée au cours de la dernière descente de police dans le marché. C'est une jeune autochtone qui a été élevée dans une pauvreté extrême et qui a été régulièrement agressée par son père. Elle a perdu sa dent de devant parce que son père lui a donné un coup de pied dans le visage alors qu'elle était encore une petite fille. Elle est assise avec ses deux jeunes enfants, 2 et 4 ans, au fond de la salle d'audience parce qu'elle n'a personne à qui les confier lorsqu'elle vient au tribunal. Le père a disparu. Elle se livre à la prostitution pour subvenir à ses besoins. Elle n'a pas les moyens de se payer un avocat et n'a pas droit à l'aide juridique parce qu'elle ne risque pas une peine d'emprisonnement. Elle sera par contre représentée au palais de justice par un avocat de service, surchargé de travail.

Ce matin, la juge est gentille. Elle va lui donner une absolution sous conditions pour qu'elle n'ait pas un casier judiciaire pour le reste de sa vie. La juge a vu des centaines, sinon des milliers de Joanne depuis qu'elle est juge. Elle sait par expérience qu'une amende obligatoire causerait des difficultés à Joanne. Elle serait punitive et inutile parce qu'il s'agit d'un crime sans victime. En fait, Joanne a elle-même été victime de nombreux crimes. La juge sait également que Joanne va sans doute se prostituer pour payer l'amende. Dans d'autres affaires de ce genre, elle a déjà renoncé à imposer la suramende compensatoire. Avec le nouveau projet de loi, elle n'aura pas le choix; elle devra l'imposer.

Il faut être très clair au sujet de cette suramende désormais obligatoire. C'est une taxe fixe imposée à un membre de la société qui n'a pas les moyens de la payer. Les ressources qui seront désormais affectées au recouvrement de la suramende vont être beaucoup plus importantes que les bénéfices susceptibles d'être retirés de l'imposition de cette amende. Joanne ne conduit pas, il n'est donc pas possible de lui supprimer son permis et il n'y a pas de programme de travaux compensatoires ici en Ontario. La seule solution pour recouvrer l'amende est un mandat de dépôt. Nos ressources judiciaires limitées seraient gaspillées si l'on ramenait Joanne devant les tribunaux, pour qu'elle explique ce qui était évident dès le départ au moment où elle a reçu sa peine, à savoir qu'elle n'a pas les moyens de payer l'amende. Elle doit pourtant le faire pour éviter d'être envoyée en prison. Tout ceci aurait pu être évité si la juge qui a fixé la peine, connaissant la situation de Joanne, avait le pouvoir discrétionnaire de renoncer à imposer la suramende.

La réalité de notre système de justice pénale est qu'on y retrouve beaucoup plus de Joanne que de Richard. C'est pour cette raison que l'ABC appuie la suramende compensatoire mais s'oppose à ce qu'elle soit obligatoire dans tous les cas, quelle que soit la situation personnelle de l'accusé.

Le président : Merci. Nous allons commencer nos questions par la sénatrice Fraser, vice-présidente du comité.

La sénatrice Fraser : Merci à tous les deux d'être ici cet après-midi. J'ai été particulièrement intéressée par les passages de votre mémoire qui mentionnent la vulnérabilité des contrevenants canadiens et autochtones. Vous soulignez que la plupart des personnes — je n'en connais pas le nombre, ni le pourcentage exact, mais nous savons tous que c'est un nombre important — violent les lois pénales à cause de la pauvreté, à cause de problèmes de santé mentale ou de capacité cognitive, aspect au sujet duquel vous mentionnez que ce sont là les raisons pour lesquelles ces personnes ne sont pas en mesure de payer même une somme modeste. Vous attirez également l'attention sur la situation des délinquants autochtones, ce qui soulève, bien sûr, comme ma collègue, la sénatrice Jaffer l'a mentionné au témoin précédent, la question des principes de l'arrêt Gladue. Pensez-vous que, sous sa forme actuelle, le projet de loi soit conforme à la Charte, en particulier à la lumière de ces situations?

M. Carter : Il pourrait y avoir un problème avec l'article 12 de la Charte pour ce qui est des peines cruelles et inusitées dans la mesure où cette amende est obligatoire. Bien souvent, le principe de la totalité appliqué en matière de peine — c'est-à-dire qu'il faut prendre en compte le contrevenant, l'infraction, la situation personnelle de l'accusé et la possibilité pour les juges d'imposer une peine adaptée à tous ces éléments — est supprimé et remplacé par une sanction uniforme, c'est-à-dire ici une sanction financière. Bien souvent, l'amende n'est pas la meilleure façon de traiter un contrevenant. Elle n'a pas l'effet voulu et ne fait pas comprendre à l'accusé la situation ou elle peut également être une peine trop lourde, l'un ou l'autre. Le problème est qu'il n'est pas facile d'y échapper et que cette amende devra être imposée dans tous les cas.

Pour vous donner un exemple, un tribunal spécialisé dans les problèmes de santé mentale vient d'être mis sur pied à Ottawa et il s'occupera uniquement des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, parce qu'elles représentent un nombre considérable des personnes qui sont traduites devant les tribunaux. Ce sont des gens qui commettent de nombreux crimes assez mineurs, comme des méfaits ou des intrusions. Ils pénètrent sans droit dans le Centre Rideau et y retournent pour mendier et ils se font arrêter encore une fois, pour la 30e ou la 40e fois. Quand ils se retrouvent devant le tribunal qui doit fixer leur peine, parce que ce sont des gens qui vivent dans la rue, le tribunal spécialisé en problèmes de santé mentale tente de leur offrir les ressources dont ils ont besoin et d'adapter à leur situation la mesure prise à leur endroit. Le problème que pose l'amende est que ces personnes n'ont pas d'argent. Cela est tout à fait disproportionné par rapport à ce qu'il faut faire pour aider ces personnes. Dans ce sens, cela pourrait être un problème.

La sénatrice Fraser : L'intrusion n'est pas une infraction au Code criminel n'est-ce pas?

M. Carter : Eh bien, il y a l'intrusion de nuit. C'est une autre question. Ce qui arrive, c'est que ces personnes ont déjà commis des intrusions et qu'elles retournent sur les mêmes terrains. Elles ont des problèmes de santé mentale; elles se disputent avec les gardiens de sécurité, font un esclandre et sont accusées d'entrave à un agent de la paix. Elles sont accusées de méfait, de troubler la paix publique, de crier et de jurer dans le Centre Rideau. C'est la série des accusations dont font constamment l'objet ces personnes. Il est même probable qu'elles ne comprennent pas ce qu'est cette amende lorsqu'elles se retrouvent devant le tribunal et elles n'ont certainement pas les moyens de la payer.

La sénatrice Fraser : S'il existe effectivement des motifs susceptibles de fonder une contestation constitutionnelle, quelle est la probabilité qu'une telle contestation soit effectivement lancée, étant donné que nous parlons, si l'on prend un peu de recul, de sommes relativement minimes?

M. Carter : Cela est difficile à dire. La vérité est que toute personne qui peut retenir elle-même les services d'un avocat est en mesure de payer l'amende. Il s'agit, dans ces cas-là, d'une personne qui bénéficie de l'aide juridique, probablement pas d'un avocat de service, parce que ce dernier ne plaide pas vraiment ces dossiers, sauf s'il s'agit d'enregistrer rapidement un plaidoyer de culpabilité. Si l'amende va causer à l'accusé des difficultés extrêmes, y a-t-il un avocat qui sera disposé à s'occuper de lui? Selon les règles de l'aide juridique, les avocats reçoivent une très faible partie du coût d'une contestation constitutionnelle, mais il est également vrai qu'il y a beaucoup d'avocats qui seraient prêts à le faire.

La sénatrice Fraser : Vraiment? Intéressant. Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup de vos témoignages. L'ombudsman des victimes d'actes criminels est venu présenter son mémoire dans le cadre de ce projet de loi. On apprenait que 80 p. 100 des coûts de la criminalité sont assumés par les victimes contrairement à beaucoup de cas où les criminels reçoivent une assistance juridique de façon plus ouverte. Les victimes doivent souvent assumer elles-mêmes le coût de leur défense en cour.

Dans votre association, quel est le pourcentage des avocats qui défendent des victimes?

[Traduction]

M. Carter : Au moment du procès et voire au moment de l'imposition de la peine, il est rare que la victime soit représentée par un avocat. Ce qui existe, par exemple, à Ottawa et qui est sans doute beaucoup plus efficace que d'offrir les services d'un avocat, c'est le bureau d'aide aux victimes. La victime d'un crime sera orientée vers le Programme d'aide aux victimes et aux témoins, ou le PAVT, comme nous l'appelons, et elle pourra recevoir des services immédiatement. Elle sera représentée. Elle passera une entrevue avec les personnes qui administrent ce programme et pourra remplir une déclaration de la victime qui sera présentée au moment de la détermination de la peine, de sorte qu'elle pourra se faire entendre. Elle aura la possibilité de prendre la parole, si elle le souhaite. Le PAVT se charge d'expliquer aux victimes tout le processus. En fait, lorsqu'il s'agit de fixer la peine, les représentants du PAVT se trouvent dans la salle d'audience. Ils attendent également avec d'autres victimes dans le couloir. Celles-ci reçoivent un excellent service et c'est la raison pour laquelle l'ABC appuie le principe de la suramende compensatoire; c'est une bonne chose. Cela a pour effet d'équilibrer le système. Le problème vient du fait qu'elle doit être imposée dans tous les cas.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Parce qu'en fait, dans notre système, ceux qui sont le plus près des victimes d'actes criminels, ce sont les avocats de la Couronne qui transigent à tous les jours dans des procès devant les juges. Est-ce qu'il y a beaucoup d'avocats de la Couronne qui sont membres de votre association?

[Traduction]

Mme Thomson : La Section de la justice pénale est composée de façon assez équilibrée d'avocats de la défense et de procureurs de la Couronne. Je ne sais pas quel est le pourcentage des avocats de chacun de ces camps, si je peux m'exprimer ainsi, et qui sont membres de l'association. Je dirais que l'exécutif de la section et les personnes qui préparent ces mémoires représentent aussi bien la défense que la Couronne.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Sans entrer dans le secret de votre consultation, est-ce qu'il y avait des avis partagés de vos membres, à savoir parmi les avocats de la Couronne? Est-ce qu'ils sont plus en faveur du projet de loi par rapport à ceux qui représentent plutôt les criminels qui, eux, seraient en défaveur? Est-ce qu'il y a eu un débat à ce niveau ou si l'ensemble des vos membres était en défaveur du projet de loi?

[Traduction]

M. Carter : Je vais répondre à cette question brièvement et je reviendrai ensuite à la question initiale.

À l'heure actuelle, l'exécutif est composé pour moitié environ de ces deux groupes. Pour ce qui est du groupe plus vaste qui comprend les responsables, je dirais qu'il est légèrement déséquilibré en faveur de la Couronne à l'heure actuelle. Je crois que le pourcentage est de 60 à 40. La dernière réunion à laquelle j'ai assisté, qui a été tenue à Ottawa, a eu lieu en octobre. En octobre, tous les participants ont exprimé cette préoccupation et je ne me souviens pas qu'un seul procureur de la Couronne se soit opposé à ce que nous mentionnions notre préoccupation à l'égard du pouvoir discrétionnaire.

D'une façon générale, l'expérience que j'ai des procureurs de la Couronne est que les peines minimales quelle qu'elles soient — en fait c'est vraiment là le problème, leur caractère obligatoire — leur créent des problèmes parce qu'il leur est alors difficile de régler le dossier et d'élaborer une mesure appropriée. Dès qu'on impose à tous une solution uniforme, je dirais que, d'après mon expérience, les procureurs de la Couronne ne sont pas très satisfaits.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Carter, je tiens à vous remercier de la façon dont vous avez décrit Joanne et Richard. Cela nous a bien fait comprendre la situation et cela m'a rappelé ma jeunesse lorsque je pratiquais devant les tribunaux et que je confrontais la réalité de la situation que vous connaissez. Je vous en remercie.

J'aimerais poser plusieurs questions. Premièrement, avec l'abrogation du paragraphe 737(5) du Code criminel, comme vous l'avez dit, le tribunal qui fixe la peine ne sera plus tenu de tenir compte de la situation personnelle de l'accusé. Cela me paraît faire problème. Vous en avez parlé un peu.

Les principes de la peine doivent être appliqués à la personne qui se trouve devant le juge. Ce n'est pas une opération automatique; il n'y a pas de peine applicable à tous. Cette suramende est imposée de façon automatique et j'estime qu'elle s'écarte des principes de la peine que sont la dissuasion, l'isolement, un changement d'attitude, la réparation et la responsabilisation. Qu'en pensez-vous?

M. Carter : Je suis d'accord avec vos commentaires et je dirais que cette mesure se fera sentir en particulier dans les cas où aucune amende n'est imposée. Une partie du projet de loi traite du pourcentage qui vient s'ajouter à l'amende imposée. Le juge n'impose pas d'amende si le contrevenant n'est pas en mesure de la payer, à moins que la nature de l'infraction l'exige. À ce moment-là, il faut tenir compte du principe de la totalité et dire : « Eh bien, nous savons qu'il y aura une suramende de 30 p. 100 en plus de l'amende. Lorsque je vais calculer l'amende, je crois qu'elle devrait être de tel montant pour tenir compte de la capacité de payer de l'accusé. » Le problème va se poser dans les cas où le tribunal n'a pas imposé d'amende, parce qu'à ce moment-là, il n'a pas été appelé à décider si l'accusé avait la capacité de payer une amende.

Dans le cas de Joanne, par exemple, les juges ont estimé qu'une absolution sous conditions était appropriée, ce qui veut dire qu'elle a plaidé coupable. Cependant, à la fin de la période — habituellement 12 mois — cette accusée est réputée ne pas avoir été condamnée. Cela facilite les choses en cas de vérification future du casier judiciaire et cela reflète le principe de la réadaptation.

Le juge qui est chargé de fixer la peine appropriée et qui n'imposerait pas autrement une amende doit désormais imposer une amende dans tous les cas; cela ne sera pas adapté à la situation et cette mesure sera très lourde. En ce sens, cela écarte le principe de la totalité ainsi que les autres principes selon lesquels se guide le juge, lorsqu'il les applique à un cas individuel.

La sénatrice Jaffer : Ma collègue, la sénatrice Fraser, a parlé de cet aspect, mais j'aimerais que vous nous en disiez davantage. Pourrait-on soutenir que cette suramende est une peine cruelle et inusitée? Est-elle conforme à l'article 12 de la Charte?

M. Carter : Il n'est pas facile de répondre à cette question. La jurisprudence relative à l'article 12 est complexe. Cela dépend énormément des faits. Si le demandeur peut démontrer que dans la situation particulière de l'accusé, une telle amende constitue une peine cruelle et inusitée, dans le sens qu'elle est bien supérieure à celle pour laquelle la personne aurait été condamnée habituellement et qu'elle crée des difficultés excessives ou introduise des restrictions importantes, alors oui, on pourrait dire que cela est contraire à l'article 12. Je dirais toutefois qu'il est difficile de l'affirmer, sans partir d'un exemple concret de dossier judiciaire.

La sénatrice Batters : J'aimerais que cela soit clair; dans le scénario de Joanne que vous avez décrit, le montant qu'elle devrait payer à l'heure actuelle à titre de suramende compensatoire serait de 50 $, si une telle amende était imposée. Cette loi va faire passer cette somme à 100 $.

M. Carter : Oui.

La sénatrice Batters : Pensez-vous qu'il est possible de soutenir qu'une personne n'est pas capable de payer 100 $, même si on lui donne du temps pour payer en plusieurs fois?

M. Carter : J'ai représenté toutes sortes de personnes au cours des 10 dernières années, et le monde dans lequel elles vivent est tout à fait différent du mien. C'est pourquoi lorsque j'examine la situation, je dirais que la plupart d'entre nous se disent probablement que « 100 $ n'est pas une grosse somme ». Ces personnes vivent au jour le jour. Elles sont endettées, elles volent pour se procurer de l'argent. Et même celles qui bénéficient du POSPH, un programme pour les personnes handicapées, ou qui reçoivent de l'aide sociale ou de l'aide gouvernementale d'une autre sorte, constatent bien souvent qu'elles ne peuvent effectuer les versements mensuels qu'elles devraient faire, avec les enfants.

Pour vous répondre, donc, je dirais que pour ces personnes, une somme de 100 $ représente beaucoup.

La sénatrice Batters : Il y a un autre aspect que j'aimerais explorer avec vous brièvement. L'Ontario n'a pas mis sur pied de programme de travaux compensatoires. L'Association du Barreau canadien fait-elle du lobbying pour amener le gouvernement provincial de l'Ontario à mettre sur pied un programme de travaux compensatoires, comme tant d'autres provinces l'ont fait, comme la province de la Saskatchewan?

Mme Thomson : Je ne sais pas si nos collègues du bureau de l'Ontario font du lobbying auprès du gouvernement ontarien, mais je peux m'en assurer.

La sénatrice Batters : Oui, cela me semblerait une bonne solution dans ce cas. Cela réglerait en partie le problème des personnes comme Joanne si elles pouvaient participer à un programme de travaux compensatoires qui leur permettrait de payer cette somme de 100 $.

La sénatrice Fraser : Puis-je poser une brève question supplémentaire, monsieur le président?

Le président : La liste des intervenants est très longue.

La sénatrice Fraser : Ma question est très courte.

Le président : Pourvu que la réponse le soit également.

La sénatrice Fraser : Lorsque la personne qui souffre de troubles mentaux dont vous avez parlé est déclarée coupable de plusieurs accusations, elle doit payer une amende pour chacune des accusations, n'est-ce pas? C'est la façon dont je comprends le projet de loi, mais je me trompe peut-être.

M. Carter : Je pense qu'elle se voit imposer une seule suramende compensatoire pour toutes les accusations. Si elle plaide coupable à quatre accusations, il n'y aura qu'une amende. C'est ce qui se passe actuellement.

Le sénateur Baker : Mme Thomson a mentionné que M. Carter représentait la province de la Colombie-Britannique au barreau des avocats de la défense et qu'il avait comparu à plusieurs reprises devant la Cour d'appel de la Colombie- Britannique. Il a également fait la même chose en Ontario devant la Cour d'appel de l'Ontario. Il faut le féliciter pour son travail. Je pensais qu'il était beaucoup plus âgé qu'il ne l'est, à vous dire franchement. Il a agi dans une trentaine d'affaires qui ont été rapportées.

M. Carter a tout à fait raison. Pour ce qui est de l'intrusion, les personnes dont il parlait seraient accusées aux termes du paragraphe 179(2) du Code criminel, qui réprime le fait de flâner, le vagabondage. On parle habituellement d'intrusion.

Nous avons entendu plus tôt aujourd'hui un témoin qui représentait la province du Manitoba. Il nous a dit que les procureurs de la Couronne ne demanderaient pas que les personnes qui ne sont pas en mesure de payer leur amende soient emprisonnées. Le témoin a-t-il une idée de la façon dont cela pourrait se faire? Si nous parlons du Code criminel, il s'agirait d'un procureur de la Couronne provincial. Ce serait un procureur de la Couronne fédéral si nous parlons de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Pensez-vous qu'on émettrait une directive ou avez-vous entendu parler d'une telle directive?

Je sais qu'il existe un manuel des procureurs de la Couronne en Ontario qui demande aux procureurs, par exemple, de ne pas mentionner une infraction antérieure de plus de cinq ans dans un cas de conduite avec facultés affaiblies. Il existe des guides pour les procureurs de la Couronne. Est-ce ainsi que vous comprenez ce qu'a dit le ministre du Manitoba? Comment pourrait-il influencer les procureurs de la Couronne provinciaux pour les faire agir d'une certaine façon? Peut-il le faire? Comment le ferait-il, d'après vous?

M. Carter : Il y a des manuels pour les procureurs de la Couronne. Il y en a un pour ceux de l'Ontario. Lorsque je pratiquais en Colombie-Britannique, il y avait également un manuel pour les procureurs de la Couronne. Ces manuels peuvent donner des directives aux procureurs. Habituellement, les directives touchent les peines minimales obligatoires, par exemple, en disant « Nous ne voulons pas que vous négociiez un plaidoyer pour éviter que soit imposée une peine minimale obligatoire ». C'est un peu de cette façon que les manuels sont rédigés. Je n'ai pas vu beaucoup de directives qui leur demandaient de ne pas intenter de poursuite. Cela est possible. Je n'en ai pas vu beaucoup.

Le sénateur Baker : Au moment du prononcé de la peine, habituellement les personnes qui comparaissent sont, comme vous l'avez fait remarquer, des personnes qui n'ont pas beaucoup de moyens. La plupart d'entre elles sont des personnes très pauvres qui comparaissent devant le tribunal aux termes du Code criminel ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Le ministre provincial qui a témoigné récemment devant le comité n'exerce aucun contrôle dans le cas où l'accusé est inculpé aux termes des différentes dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et lorsqu'il apparaît qu'il lui est arrivé de ne pas payer une suramende compensatoire antérieure et tout cela est pris en considération. Le ministre provincial n'exerce aucun contrôle sur les procureurs de la Couronne, n'est-ce pas, pour leur suggérer, au moment du prononcé de la peine, s'il convient de demander une amende ou une peine d'emprisonnement?

M. Carter : Non.

Le sénateur McIntyre : J'aimerais simplement parler avec vous de l'application de la suramende compensatoire. Nous savons que les contrevenants déclarés criminellement responsables, par opposition à ceux qui sont inaptes à subir leur procès ou s'ils le sont, qui sont déclarés non criminellement responsables pour raison de troubles mentaux, se voient imposer la suramende compensatoire, ou un programme de travaux compensatoires, s'il en existe un. Je crois savoir qu'il n'y a pas de programme de travaux compensatoires en Ontario. À votre avis, les personnes qui sont déclarées criminellement responsables et qui souffrent de troubles mentaux devraient-elles être soustraites à l'obligation de verser la suramende compensatoire et obligées de participer à un programme de travaux compensatoires, lorsqu'il en existe un?

M. Carter : Cela dépend toujours de la situation personnelle. Certains individus ont des troubles mentaux qui se manifestent par des crises. Bien souvent, s'ils sont traités par des médecins et par notre réseau de tribunaux de la santé mentale, par exemple, ils peuvent faire l'objet d'une évaluation et d'une ordonnance de traitement qui les réfère au Royal Ottawa Hospital, où on leur donne des médicaments s'ils sont bipolaires ou schizophrènes. Cela permet de contrôler la situation. Lorsqu'ils sont suivis de cette façon, ce sont pour le reste des membres productifs de la société et ils gagnent leur vie. Si c'est bien leur situation, si les problèmes de santé mentale qui les touchent ne les empêchent pas de gagner leur vie, alors il n'y a pas de raison pour qu'ils ne paient pas l'amende.

Par contre, la réalité est que la plupart d'entre eux vivent dans des foyers et que les travailleurs de l'ACSM viennent les voir pour s'assurer qu'ils comparaissent devant le tribunal lorsqu'il le faut et qu'ils vont à leur rendez-vous chez le médecin. Ils ont du mal à comprendre qu'ils ont fait l'objet d'une amende, qu'il faut la payer, et même s'ils avaient l'argent pour payer l'amende, ils vont le dépenser pour les aliments ou les médicaments dont ils ont besoin. Il n'est pas toujours possible de toute façon de les faire participer à un programme de travaux compensatoires. Cela serait un problème. Cela dépend. L'idée est qu'il n'y a pas de solution uniforme. Je n'irais pas jusqu'à dire que toutes les personnes qui souffrent de troubles mentaux ne devraient pas être obligées de payer l'amende. Cela dépend de leur situation personnelle.

Le sénateur McIntyre : Le cas est clair lorsque le contrevenant est déclaré inapte à subir un procès ou s'il l'est, lorsqu'il est déclaré non criminellement responsable en raison de troubles mentaux. Il est par contre plus difficile de trancher le cas de la personne qui est déclarée criminellement responsable mais qui souffre de problèmes mentaux. C'est ce que je pense. Je pense que vous avez répondu à ma question.

M. Carter : J'ajouterais que le tribunal spécialisé dans les problèmes de santé mentale voit défiler toutes sortes de gens et que ce n'est qu'une toute petite majorité qui est déclarée inapte. Elle est minime. Pour ce qui est d'être déclaré non criminellement responsable, cela représente encore un faible pourcentage. La plupart des gens qui comparaissent devant le tribunal de la santé mentale plaident régulièrement coupables à ce genre d'accusations. Ils sont criminellement responsables, mais leur santé mentale leur cause des problèmes dans la vie. À l'heure actuelle, les critères qu'il y a lieu d'établir pour prouver que l'accusé est NCR, non criminellement responsable, sont très stricts, d'après mon expérience, et rarement remplis.

Le sénateur Joyal : Monsieur Carter, madame Thomson, j'aimerais vous demander de relire une phrase qui se trouve dans la lettre que vous avez envoyée à notre président et qui est datée du 21 janvier. C'est le troisième paragraphe de la troisième page, dernière ligne. Vous écrivez :

Le juge doit fournir des motifs s'il n'impose pas la suramende.

Je vous réfère bien entendu au paragraphe 737(6) du code, et je vais vous le lire :

Le tribunal qui rend l'ordonnance visée au paragraphe (5) consigne ses motifs au dossier du tribunal.

Il nous a été dit qu'une des raisons à l'origine du projet de loi est que les juges n'imposent pas en fait la suramende parce qu'ils n'ont pas le temps, et cela s'explique bien entendu parce que la suramende est considérée comme n'étant pas vraiment obligatoire. D'après votre expérience, pourquoi pensez-vous que les juges ne consignent pas dans les dossiers les motifs pour lesquels ils n'imposent pas la suramende, ce qui expliquerait tout ce dont nous parlons aujourd'hui?

M. Carter : D'après mon expérience, dans la plupart des cas où la suramende n'est pas imposée, il y a une raison. La plupart des juges fournissent une raison. Bien sûr, elle est, bien souvent, brève. Je ne vais pas prétendre qu'ils rédigent un long traité. La réalité est qu'il y a 40 ou 50 personnes qui attendent de présenter leur plaidoyer. Ils sont surchargés de travail. Lorsqu'il est mis fin abruptement à un procès dans une autre salle d'audience, l'autre juge est libéré et essaie d'entendre un certain nombre de ces personnes. J'ai des clients qui attendent toute la journée et qui ne sont jamais appelés. Il est évident que les choses doivent avancer. Il y a ce que prévoient le Code criminel et les procédures, et il y a aussi la réalité qui est que les dossiers doivent procéder rapidement devant les tribunaux.

D'après mon expérience, lorsque j'ai présenté un plaidoyer de culpabilité pour une accusation de conduite avec facultés affaiblies, je pense que la suramende compensatoire a toujours été imposée à mon client. Le juge mentionne simplement que cet homme a un travail, il a un véhicule, la suramende compensatoire est donc imposée. De la même façon, lorsque vous venez de présenter vos observations sur la peine au juge, et disons que je représente une Joanne, la Couronne va verser les faits au dossier. Je m'adresse ensuite au juge et mentionne tous ses antécédents pour qu'ils soient versés au dossier et il est alors manifeste qu'elle est incapable de payer. Le juge dit souvent : « Aucune amende compensatoire n'est imposée; il est évident que cette contrevenante n'a pas les moyens de la payer. » Il faut lire ces commentaires en tenant compte de l'ensemble du dossier. Si vous prenez simplement cette déclaration, elle vous semblera brève, mais elle répond à tout ce qui a été dit avant dans les arguments, ce qui fait partie de la détermination de la peine.

Le sénateur Joyal : Oui, mais d'un autre côté, comme je le dis, seul le fait que l'amende n'est pas imposée est mentionné dans le dossier. Les motifs n'y figurent pas, d'où la conclusion que cette amende n'est jamais imposée. C'est la perception qui a été créée et c'est cette perception qui, d'après ce qu'on nous a dit, explique que les juges n'imposent pas cette suramende. Comment devrions-nous aborder cette question si nous voulons préserver la possibilité de ne pas imposer cette amende dans le projet de loi?

M. Carter : Je partirais du fait que tous les juges connaissent bien l'existence de la suramende compensatoire. De temps en temps, lorsque le tribunal est très occupé, j'ai déjà vu un juge l'oublier et le greffier lui dire : « Votre Honneur, et la suramende compensatoire? » Le juge se penche alors sur la question et tout cela figure encore une fois dans le dossier. Je peux uniquement parler de ce que j'ai vu personnellement : je sais que les motifs sont laconiques, mais ils sont fonction de la situation.

S'il y a une préoccupation plus large, et c'est une des choses qui a été soulevée dans les comptes rendus de vos séances précédentes, c'est que la solution consiste à donner une bonne formation aux juges. Je ne peux pas vous parler de ce qui se fait au Manitoba ou en Saskatchewan, mais je peux vous dire que, d'après mon expérience, les motifs sont consignés, ils sont brefs et ils sont adaptés à la situation. S'il y a un problème sur un autre plan, on pourrait y remédier par la formation des juges plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain en supprimant carrément leur discrétion judiciaire.

Le sénateur Joyal : Comme je l'ai dit, le code est très clair. Le juge doit consigner ses motifs, et donc, ne pas se contenter de ne pas imposer la suramende. Il faut expliquer, plus ou moins, la décision et fournir certains motifs, qui ne figuraient pas dans le dossier à cette époque parce que, comme vous le dites, il y a beaucoup de gens qui attendent dans le couloir et le juge a l'impression, d'après les observations orales, que l'accusé n'a pas les moyens de payer la suramende et c'est pourquoi il ne la lui impose pas.

M. Carter : Dans la plupart des cas que j'ai vus où la suramende n'a pas été imposée, il est clair que le contrevenant n'avait pas les moyens de la payer. C'est normalement une phrase de deux lignes. Il y a une explication et elle est brève.

Si vous lisez les arrêts des cours d'appel provinciales, tout comme ceux de la Cour suprême du Canada, qui portent sur les motifs fournis par les juges, vous constaterez que ces cours se sont clairement prononcées sur ce point. Il est reconnu que les tribunaux sont très occupés et que les juges n'ont pas à être exhaustifs, dans le sens qu'ils doivent répondre à tous les éléments qui leur ont été présentés. La Cour d'appel examine l'ensemble du dossier, les observations qui ont été formulées et le caractère approprié de la décision. Lorsque l'avocat de la défense a bien expliqué la situation financière de l'accusé et que la couronne ne s'est pas opposée à ce qui a été présenté, il est évident que le contrevenant n'a pas les moyens de payer une amende. À mon avis, une ligne suffirait à motiver cette décision. C'est comme ça que les motifs sont fournis.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Carter. Il y aura toujours des cas d'exception qui pourraient justifier de ne pas agir pour responsabiliser les délinquants relativement aux victimes. Je suis d'accord avec vous. Cela dit, si l'on veut responsabiliser les délinquants au lieu de passer le fardeau à l'ensemble des contribuables, que proposez-vous?

[Traduction]

M. Carter : Je ne suis pas en mesure de proposer un projet de loi et de régler tous les aspects financiers. Ce n'est pas vraiment mon rôle ici. Je dirais simplement que l'ABC reconnaît que ces programmes sont très utiles. Les procureurs de la Couronne qui sont membres de notre organisation s'en remettent beaucoup au programme d'aide aux victimes pour les aider à remplir leur mission et à faciliter la participation des victimes au processus judiciaire. Traditionnellement, elles ont toujours été un peu mises de côté. Nous le savons. Il faut se demander si nous voulons financer ce genre de service en imposant l'amende dans tous les cas et même aux personnes qui sont les moins en mesure de payer? Je dirais que non.

La sénatrice Batters : Votre expérience, comme vous l'avez déclaré, porte sur ce qui se passe à Ottawa, en Ontario, et peut-être, en Colombie-Britannique. Seriez-vous prêt à admettre que les choses ne se passent peut-être pas de cette façon ailleurs en Ontario et dans le reste du Canada. Les ministres de la Justice provinciaux nous disent que, c'est du moins ce que je crois, leurs procureurs de la Couronne disent, que ce genre de choses ne se produisent pas devant leurs tribunaux et que ces derniers renoncent régulièrement à imposer une amende au lieu de fournir des motifs. Cela doit également se produire dans des cas où des gens seraient en mesure de payer, mais qui ne font pas l'objet d'une suramende en plus de leur peine. Est-ce bien exact?

M. Carter : Je ne peux pas parler pour toutes les provinces et tous les territoires. Je ne pourrais affirmer que cette question ne soulève aucun problème. Je ne pourrais pas faire une telle affirmation.

Le président : Soyez tous les deux remerciés d'être venus témoigner aujourd'hui. Nous apprécions particulièrement votre participation.

Nous allons entreprendre nos audiences au sujet du projet de loi C-309, Loi modifiant le Code criminel (dissimulation d'identité). Le premier témoin que nous allons entendre est le parrain du projet de loi qui a été déposé devant la Chambre des communes, soit Blake Richards, député de Wild Rose.

Monsieur Richards, soyez le bienvenu devant le comité.

Blake Richards, député, Wild Rose, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président. C'est avec plaisir que je me présente devant vous aujourd'hui pour vous exposer les principales dispositions de mon projet de loi d'initiative parlementaire en précisant quels sont les objectifs qu'il devrait permettre d'atteindre à mon avis.

Ces dernières années, toutes les grandes villes du Canada, que ce soit Toronto, Vancouver ou Montréal, ont été la proie d'émeutes violentes. Il s'agit souvent au départ de manifestations ou d'attroupements publics pacifiques qui dégénèrent sous l'action de criminels ostensiblement masqués.

Mon projet de loi a pour premier objectif de dissuader ce genre d'agissement. En second lieu, il aidera les agents de police à garantir la sécurité publique en leur procurant de nouveaux moyens d'éviter, d'apaiser et de contrôler les émeutes et les attroupements illégaux lorsqu'ils se produisent. Il permettra aussi de s'assurer que ceux qui commettent des actes de violence et de vandalisme lors de ces manifestations seront plus facilement identifiés, inculpés et traduits en justice.

Mon projet de loi parviendra à ce résultat en érigeant en infraction le fait de porter un masque ou autre déguisement dans le but de dissimuler son identité lors de la participation à une émeute ou à un attroupement illégal.

Les mesures empêchant les criminels de rester ostensiblement masqués lors d'une manifestation publique les dissuaderont fortement de commettre d'autres actes criminels. Elles permettront par ailleurs à la police d'intervenir et d'arrêter les personnes qui portent un masque en contravention de la loi, de désamorcer les situations tendues et de garantir la protection des citoyens, du public et de la propriété privée.

Une loi s'impose à l'évidence. Lors des manifestations qui ont eu lieu il y a trois ans à l'occasion des sommets du G8 et du G20, un groupe de protestataires violents s'est déchaîné, causant 2,5 millions de dollars de dégâts à des entreprises de Toronto et détruisant quatre voitures de police. Au total, 97 agents de police et 39 citoyens ont été blessés. Jusqu'à présent, moins de 50 délinquants ont été reconnus coupables d'une infraction criminelle.

Les émeutes de Vancouver, en 2011, ont été pires encore. Les émeutiers ont causé au moins 3 millions de dollars de dégâts à 89 entreprises et propriétés de la ville de Vancouver, détruisant notamment près de 40 véhicules de police. L'enquête qui a suivi, gênée par la difficulté à identifier les suspects masqués, a coûté à la police de Vancouver plus de 2 millions de dollars en sus de son budget d'exportation normal. En dépit de l'excellent travail réalisé par le service de police de Vancouver, qui lui a permis de répertorier plus de 15 000 agissements criminels distincts, très peu de personnes ont été effectivement inculpées.

En dépit d'une forte présence des médias, de l'intervention de caméras de télévision en circuit fermé et de la prolifération d'appareils mobiles, de nombreux criminels ont réussi à échapper à la justice après avoir commis leurs méfaits.

Ces deux événements forment un gros contraste par rapport à l'émeute qui a eu lieu au collège Fanshawe en mars de l'année dernière à London, en Ontario. À cette occasion, un millier de manifestants ont causé environ 100 000 $ de dégâts. Lorsque j'en ai parlé avec le chef de la police de London, Bradley Duncan, il m'a confirmé que les émeutiers n'avaient pas cherché à cacher leur identité et que de ce fait la police de London a pu, en un peu plus d'un mois, identifier et inculper 42 individus de 103 infractions.

Il est évident que nous avons absolument besoin des mesures préconisées dans mon projet de loi. J'ai rencontré des agents et des chefs de police dans tout le pays. À Vancouver, à Victoria, à Calgary, à Toronto et partout ailleurs, ils m'ont dit appuyer ce projet de loi. Ils estiment que non seulement il aidera la police à enquêter à la suite des émeutes, mais surtout qu'il empêchera au départ les émeutes de se produire et de dégénérer.

Voici ce qu'a déclaré le chef de la police de Victoria, Jamie Graham :

Je suis favorable à toute législation qui limite le potentiel de violence dans les assemblées publiques... Ce projet de loi contribue utilement à empêcher que des personnes ayant des intentions violentes se cachent derrière des déguisements et des masques en se couvrant le visage.

Nous avons vu l'année dernière à Montréal des manifestations d'étudiants organisées en toute légalité dégénérer de manière violente du fait des agissements d'une petite minorité de criminels qui se cachaient le visage pour éviter d'être identifiés. La police et les journalistes ont été agressés, des magasins et d'autres propriétés privées ont été vandalisés, et plus de 2 500 personnes ont été arrêtées.

Le lieutenant Ian Lafrenière, de la police de Montréal, a déclaré aux médias que certains protestataires avaient recours à ce que l'on a qualifié de tactiques du « Black Bloc », cachant leur visage sous un masque, coordonnant leur action et utilisant des armes qu'ils avaient cachées sur le parcours de la manifestation.

Monsieur le président, ce ne sont pas seulement la police et les édiles de nos grandes villes qui réclament ces mesures. Ainsi que viendront vous le dire des témoins éminents lors de vos audiences, les lendemains d'émeutes peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur les économies locales. Les chefs d'entreprise de nos villes qui ont été victimes des agissements des émeutiers viendront vous dire que le projet de loi C-309 est indispensable si l'on veut éviter que ces méfaits se reproduisent à l'avenir.

La Downtown Vancouver Business Improvement Association regroupe les entreprises qui ont été le plus touchées par l'émeute qui s'est produite dans cette ville et ses membres sont unanimement en faveur de mon projet de loi. Je cite la résolution qu'ils ont votée :

Le 15 juin 2011 est une date néfaste dans l'histoire de notre ville, qui a traumatisé des milliers de résidents, d'employés et d'entrepreneurs qui gagnent durement leur vie. Les déprédations et les actes de pillage qui ont eu lieu ce soir-là ont coûté des millions de dollars. La bonne réputation et l'image de carte postale de Vancouver ont été entachées par les agissements de quelques individus irresponsables et dangereux qui ne respectent pas les lois de notre pays.

De même, lors d'une assemblée de son conseil d'administration, la Building Owners and Managers Association s'est déclarée elle aussi en faveur du projet de loi C-309. La BOMA de la Colombie-Britannique regroupe plus de 400 entreprises qui possèdent ou administrent des biens immobiliers commerciaux dans la province de la Colombie- Britannique et qui sont nombreuses à avoir subi un préjudice du fait de l'émeute de Vancouver.

Dans une lettre qu'elle m'a fait parvenir pour m'informer de l'adoption à l'unanimité de cette résolution, la BOMA déclare :

Les exploitants des commerces et les propriétaires d'immeubles du centre-ville de Vancouver ont subi un grave préjudice du fait des émeutes qui ont suivi la finale de hockey de juin 2011. Nous considérons que l'amendement qui est proposé jouera un rôle utile à l'avenir en limitant les dégâts causés par des actes de violence illégaux en cas d'émeutes.

Je sais par ailleurs que certains de mes collègues de l'opposition se sont opposés à ce projet de loi parce qu'ils estimaient qu'il empêcherait les citoyens d'exercer leur droit de protester. Je vous affirme qu'il n'en est rien. Lorsqu'une manifestation, ou tout autre rassemblement public d'ailleurs, se transforme en un attroupement illégal ou en une émeute, il enfreint par définition les dispositions du Code criminel, qui sanctionne les individus ayant décidé d'y prendre part. Je considère en fait que le projet de loi C-309 renforce les droits qu'ont tous les citoyens de manifester paisiblement en dissuadant ou en sanctionnant ceux qui tirent parti d'un rassemblement par ailleurs pacifique pour se lancer dans des agissements criminels.

Le projet de loi C-309 répond aux préoccupations des entreprises et des citoyens respectueux de la loi. Il contribuera à protéger les Canadiens et la société canadienne contre des actes de violence insensés et à maintenir pour tous les citoyens le droit de manifester paisiblement, cela en conformité des engagements pris par notre gouvernement envers la population canadienne et les citoyens respectueux des lois tout en éloignant les criminels de nos collectivités.

Je terminerai mon intervention en vous demandant, en compagnie de vos éminents collègues du Sénat, d'écouter très attentivement ce que vous disent les citoyens habitant les quartiers dévastés par ces émeutes. Ils ont appuyé résolument mon initiative. Ils vous demandent de donner à notre police les moyens indispensables pour faire son travail, protéger le public et rentrer chez eux en toute sécurité. Ce texte ne limite pas les droits pour les citoyens de s'exprimer librement et de se réunir en paix, qui sont protégés par la Charte des droits et libertés; il ne fait qu'affirmer la principale responsabilité du gouvernement canadien, qui est de protéger les citoyens canadiens. Notre nation exige une solution à long terme, et c'est celle qu'apporte le projet de loi C-309.

Je vous remercie. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Le vice-président va poser les premières questions.

La sénatrice Fraser : Merci d'être venu, monsieur Richards.

Disons dès le départ que je suis originaire de Montréal, qui a eu plus que sa part en termes d'émeutes. J'ai vu par ailleurs en d'autres lieux des émeutes entraînant des morts. Je ne suis pas en faveur des émeutes ou des émeutiers.

Ce projet de loi me paraît toutefois inutile. Le Code criminel dispose déjà au paragraphe 351(2) qu'est coupable d'un acte criminel et « passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans » quiconque dans l'intention de commettre un acte criminel, « a la figure couverte d'un masque ou enduite de couleur ou est autrement déguisé ». Le code prévoit aussi à l'article 65 qu'une simple participation à une émeute constitue un acte criminel. Par conséquent, tout participant à une émeute qui porte un masque commet d'ores et déjà un acte criminel en vertu des dispositions du Code criminel. Je ne vois pas l'utilité de ce projet de loi.

Excusez-moi de me montrer sévère mais j'aimerais bien ici qu'on éclaire ma lanterne : j'ai bien du mal à accepter des projets de loi qui font preuve de bons sentiments mais qui ne résolvent rien dans la pratique.

M. Richards : Je ne suis absolument pas d'accord avec votre interprétation.

Je vais d'abord répondre à votre argument au sujet du paragraphe 351(2) du Code criminel. Les corps policiers de tout le pays, notamment ceux qui ont dû faire face à des situations d'émeutes, me précisent bien clairement que les dispositions de ce paragraphe sont bien difficiles à appliquer à des situations d'émeutes parce qu'elles ont été prévues expressément pour lutter contre les vols à main armée et autres situations de ce genre. Elles ne sont pas adaptées au cas qui nous occupe. Ce texte est donc nécessaire compte tenu de cette réalité.

Comme vous l'avez indiqué, le fait de prendre part à une émeute ou à un attroupement illégal constitue un acte criminel. La police m'a bien fait comprendre les difficultés qu'elle rencontrait. Nous l'avons tous vu : les comptes rendus dans les médias et ailleurs nous l'ont bien fait comprendre chaque fois que nous avons vu se reproduire ce genre d'agissements. Il est évident qu'il y a un problème et qu'il doit être réglé.

C'est ce qui ressort des conversations avec la police lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont les moyens qui lui font défaut pour qu'elle puisse éviter ce genre de situation. Soyons bien clairs : tout le monde souhaite les éviter.

La police m'a dit que l'on voyait souvent un petit groupe d'individus s'immiscer dans un rassemblement pacifique. Il pourra s'agir d'une manifestation ou encore d'une partie de hockey, comme ce fut le cas à Vancouver. Ce pourra être n'importe quel rassemblement, chaque fois qu'il y aura une grosse foule. Ces individus ne sont pas là pour faire de la politique. Ce ne sont pas des amateurs de hockey. Ils viennent uniquement pour semer le trouble. La police vous dira que ces individus ont préparé tout leur attirail dans un sac. Ils y ont mis des vêtements noirs, un masque, des marteaux pour casser les vitres, des billes qu'ils lancent sous les sabots des chevaux de la police et du matériel pour faire du feu. De toute évidence, ils ne sont venus là que pour semer le trouble.

Souvent, la police voit de ses yeux ces gens se déguiser et s'équiper dans le but de semer le trouble. Ensuite, ils se mêlent à la foule. Par la suite, ils se débarrassent de leur déguisement et s'enfuient.

Lorsque de tels agissements se produisent, la police pourra ainsi procéder à des inculpations.

La sénatrice Fraser : Je ne vois pas en quoi cela diffère des dispositions existantes. Aux termes des dispositions de votre projet de loi, il faut que l'individu ait commis une infraction en prenant part à une émeute tout en portant un masque. Cela ne vous autorise pas à procéder à une arrestation à titre préventif. Vous êtes obligé d'agir en ménageant les garde-fous déjà prévus par le Code criminel.

Excusez-moi, mais je ne comprends pas bien ce que l'on veut faire ici.

M. Richards : Il s'agit de s'attaquer aux individus qui viennent semer le trouble. Ils viennent avec tout leur attirail. La police les connaît bien; on connaît leur attirail et on pourra les identifier.

Tout d'abord, je vous le répète et je n'insisterai jamais trop là-dessus : on espère, la police y croit et j'y crois moi aussi, que ces dispositions dissuaderont ces individus de venir semer le trouble, car ils s'apercevront que leurs agissements ont de graves conséquences. C'est ce qu'espèrent avant tout tous les gens concernés, et je considère que des agissements de ce genre devraient se produire bien moins fréquemment. Il y aura par ailleurs moins de dégâts causés aux propriétés et aux commerces et moins de citoyens blessés. C'est ce qu'il faut espérer dans l'idéal et je pense que l'on devrait pouvoir y parvenir. Dans ces circonstances, lorsqu'elles viendront à se produire, la police disposera d'un autre moyen pour désamorcer ce genre de situation.

La sénatrice Fraser : Les agents de police vont toujours vous dire : « si l'on me donne un autre moyen d'intervenir, je ne vais pas m'en plaindre ». Pourtant, cela ne résoudra pas le problème.

Je comprends toute la difficulté. J'imagine dans quel dilemme est plongé l'agent de police dans les circonstances que vous évoquez. Je ne vois tout simplement pas en quoi ce projet de loi va pouvoir changer les choses.

Le sénateur Plett : Je vous remercie d'être venu, monsieur Richards. Vous le savez, je parraine ce projet de loi devant le Sénat, et vous avez donc mon appui.

Cela dit, je veux aussi que les choses soient bien faites. Ce projet de loi institue de nouvelles infractions lorsque des personnes cachent leur identité lors d'une émeute ou d'un attroupement illégal sans excuse légitime. Qu'entendez-vous par « excuse légitime »?

M. Richards : J'apprécie votre parrainage et votre appui.

La question est très importante. Il peut y avoir toutes sortes d'« excuses légitimes ». Il peut s'agir d'un couvre-chef porté pour des raisons religieuses. Il se peut qu'un médecin ait prescrit un bandage pour des raisons médicales. Voilà deux exemples qui relèveraient très certainement de ces dispositions.

Ce projet de loi a pour objectif de s'attaquer aux personnes qui veulent semer le trouble. Voilà pourquoi on parle d'« excuses légitimes »; on voulait s'assurer de ne pas enfreindre les droits des personnes qui ont une raison légitime de porter un bandage médical ou un couvre-chef pour des raisons religieuses, et c'est ce que l'on a fait.

Ils n'en restent pas moins que les personnes qui sont venues là pour semer le trouble — comme je vous l'ai dit tout à l'heure, les gens qui viennent avec tout un attirail, y compris un déguisement et un masque — sont dissuadées de commettre ce genre d'agissements. Malheureusement, cela se fait généralement dans le cadre d'un rassemblement légal. Il peut s'agir d'une manifestation ou, dans le cas de Vancouver, d'une partie de hockey. La grande majorité des gens rassemblés ont une raison légitime et doivent pouvoir bénéficier de leur liberté de réunion. Au milieu d'eux, il y a un petit groupe d'individus qui cherchent à semer le trouble et qui se fondent dans la masse. Malheureusement, le but du rassemblement est alors oublié et toutes ces personnes perdent le droit de s'exprimer et de se réunir à cause de quelques individus.

Le sénateur Plett : Je vous comprends bien. Laissez-moi vous donner un exemple. Je connais le Black Bloc et ses méthodes, et il n'est pas bien difficile de voir qu'il ne vient pas manifester pour des raisons légitimes. Les nouvelles dispositions tiendront compte des excuses légitimes pour qu'une personne ne puisse être reconnue coupable d'une infraction au projet de loi si elle porte un masque pour sa protection ou pour des raisons de sécurité, ou encore pour des motifs religieux.

Vous avez eu raison de dire que la plupart du temps tout se passe normalement jusqu'à ce que le Black Bloc intervienne pour semer la pagaille. La sénatrice Fraser a évoqué les émeutes des étudiants à Montréal. Prenons le cas d'une personne qui porte un couvre-chef pour des raisons religieuses et qui participe à une manifestation étudiante au moment où elle se transforme en émeute. Que va-t-il alors se passer en vertu de la loi? Doit-elle s'assurer de quitter le rassemblement le plus vite possible pour ne pas tomber sous le coup de cette disposition? Est-ce que certains ne vont pas se servir de ce prétexte pour faire semblant de porter un couvre-chef pour des raisons religieuses plutôt que de s'habiller comme le fait le Black Bloc?

M. Richards : En raison des dispositions prévues, toute personne ayant des excuses légitimes, pour des raisons religieuses ou autres, comme le port d'un bandage pour des raisons médicales, par exemple, ne tombera pas sous le coup de la loi. Toutefois, en raison des dispositions de l'article 65, s'il s'agit d'un attroupement illégal, ou de l'article 66, s'il s'agit d'une émeute, les dispositions du Code criminel vont quand même s'appliquer. Du fait des dispositions actuelles du Code criminel, toute personne qui prend part à un attroupement illégal ou à une émeute tombe sous le coup de la loi. En raison des dispositions de ce projet de loi, il y a néanmoins des excuses légitimes.

Est-ce que cela signifie que cette personne doit continuer à prendre part à l'émeute? Non, elle peut toujours être inculpée en vertu de ces dispositions. Aux termes de ce projet de loi, une personne qui peut faire valoir l'une des excuses légitimes que vous venez d'évoquer ne sera pas passible de poursuites.

La sénatrice Jaffer : Quelle est la définition en droit d'« excuse légitime »?

M. Richards : Là encore, je vous répète qu'un couvre-chef porté pour des raisons religieuses, de même qu'un bandage pour des raisons médicales, constituent des excuses légitimes.

La sénatrice Jaffer : Vous avez déjà réglé la question. Quelle est cependant la définition en droit d'« excuse légitime »?

M. Richards : C'est lors du procès que l'on se chargera de déterminer s'il y a une « excuse légitime ». La police a aussi le pouvoir discrétionnaire d'en décider.

La sénatrice Jaffer : Une personne qui porte un masque au cours d'une émeute et qui n'a commis aucune infraction ne tombera pas sous le coup de la loi, n'est-ce pas?

M. Richards : Si elle a pris part à une émeute...

La sénatrice Jaffer : Non. Si elle porte un masque, si elle se trouve à proximité d'une émeute et si elle n'a pris part à aucun agissement illégal, elle ne tombera pas sous le coup de la loi, n'est-ce pas?

M. Richards : Non. Soyons clairs, que l'on ait recours à l'article 65 qui s'applique aux attroupements illégaux ou à l'article 66 qui s'applique aux émeutes, les dispositions de ce projet de loi sont subordonnées à l'application du Code criminel, et cela signifie qu'il faut qu'il y ait un attroupement illégal ou une émeute. Lorsqu'on participe à un rassemblement pacifique, qu'il s'agisse d'une manifestation ou d'autre chose, les dispositions de ce projet de loi ne s'appliqueront pas à une personne déguisée pour des raisons satiriques ou autres. Elles ne s'appliquent qu'à une personne qui prend part à un attroupement illégal ou à une émeute.

La sénatrice Jaffer : J'ai remarqué que vous nous avez dit dans votre exposé qu'un certain nombre d'agents de police appuyaient ce projet de loi. Je suis originaire de Vancouver, je ne suis pas nécessairement contre ce projet de loi, mais je considère qu'il fait double emploi avec les dispositions du paragraphe 351(2) du Code criminel. Nous ne sommes évidemment pas d'accord sur ce point, et je n'y reviendrai pas.

Je vous ai entendu déclarer qu'il était difficile d'inculper ces gens, et j'évoquerai ma ville, Vancouver. Savez-vous quel est le pourcentage de personnes masquées qui ont commis ces méfaits?

M. Richards : Je ne peux pas vous donner de pourcentage. D'ailleurs, je n'ai pas les chiffres sur moi. La police a fait savoir qu'elle avait relevé plus de 15 000 agissements criminels distincts et que dans la grande majorité des cas elle n'a pas pu déterminer quels étaient les individus en cause. Dans la plupart des cas, c'est parce qu'ils avaient différents déguisements, mais ils étaient de toute façon déguisés.

La sénatrice Jaffer : C'est ce qu'a déclaré la police de Vancouver?

M. Richards : Oui. Je vais vous donner un exemple.

J'ai pris la parole lors d'une réunion en compagnie du chef de police Chu, qui a témoigné et montré des vidéos. J'ai oublié le nom de la personne en cause, mais elle n'avait aucun lien avec l'émeute et elle a été molestée. La police de Vancouver nous a montré la photo d'un certain nombre de personnes prenant des enregistrements photographiques et vidéo à l'aide de leur téléphone cellulaire au moment où le délit a été commis, mais comme les individus en cause étaient déguisés, ils n'ont pas pu être traduits en justice.

La sénatrice Jaffer : Devant le comité des Communes, des témoins ont déclaré qu'il était difficile de chercher à inculper des personnes déguisées étant donné qu'il était bien compliqué de prouver l'intention coupable. Êtes-vous d'accord avec cette analyse? Sinon, quelles sont vos raisons?

M. Richards : J'ai indiqué qu'il était difficile d'appliquer les dispositions du paragraphe 351(2) à une émeute ou à un attroupement illégal. Elles n'ont pas été prévues pour des émeutes ou des attroupements illégaux; elles visent des situations telles que les vols à main armée. C'est pourquoi il a été difficile de les appliquer. C'est comme cela que j'interprète et que je comprends la chose.

La sénatrice Jaffer : Estimez-vous que le projet de loi C-309 concerne bien l'intention coupable?

M. Richards : Le projet de loi C-309 renvoie précisément aux articles 65 et 66 du Code criminel. Ces articles visent expressément ce genre de situations alors que le paragraphe 351(2) a d'autres infractions criminelles en vue. C'est pourquoi il a été difficile de l'appliquer à des situations de ce genre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : À Montréal, la sénatrice Fraser en a parlé, on a été le théâtre pendant des mois et des mois de manifestations où il y a eu beaucoup de violence. La Ville de Montréal a dû passer un règlement pour encadrer le port du masque et encadrer davantage les manifestations. On a remarqué que la plupart des bris étaient causés par des gens masqués. Pendant les dernières manifestations ces dernières semaines, où les policiers contrôlaient mieux la population, il y avait de moins en moins de gens masqués et bizarrement, de moins en moins de bris.

Je suis de l'école de dire : est-ce qu'on n'aurait pas dû aller plus loin avec ce projet de loi pour dire que lorsque nous avons une manifestation où on a un risque élevé de violence, que le port du masque devient une provocation et devrait être interdit?

[Traduction]

M. Richards : Lorsque j'ai envisagé cette mesure et que je me suis rendu compte qu'il y avait un problème, en parlant avec la police, la population, les groupements professionnels et autres intervenants, je voulais m'assurer que nous ne remettrions nullement en cause les droits de ceux qui souhaitent exercer leur liberté d'expression et de réunion, qui sont protégées par la Charte des droits et libertés. Je pense que nous avons maintenu un bon équilibre. C'est un texte qui, à mon avis, protège le public et garantit sa sécurité. Il protège les biens publics et privés contre les dégradations, mais il ne brime pas sans raison la liberté d'expression ou de réunion.

En préambule à votre question, vous soulignez un élément particulièrement important de cette législation, à savoir qu'elle aura un effet dissuasif. Lorsque je parle d'effet dissuasif, elle dissuadera les individus qui cherchent à se déguiser avant de se livrer à des agissements criminels compte tenu des graves conséquences que cela aura.

Est-ce que cela empêchera une personne de prendre part à un rassemblement légal? Non, absolument pas, parce que ce droit sera effectivement protégé. Que se passera-t-il lorsque de petits groupes d'individus viendront profiter de grands rassemblements de ce type? Ce sont les dégâts commis par un petit groupe d'individus qui font les grands titres de l'actualité, laissant dans l'ombre les arguments que cherchent à faire valoir tous ceux qui ont manifesté de manière pacifique.

J'estime que l'effet dissuasif de cette loi sur les individus qui cherchent à tirer parti de grands rassemblements en portant un masque préviendra un grand nombre de situations de ce genre, ce qui empêchera que des passants n'ayant rien à voir avec cette situation soient blessés et que l'on cause des millions de dollars de dégâts aux propriétés, tout en donnant à la population les moyens de se rassembler de manière pacifique et de faire valoir ses opinions politiques.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Lorsque vous discutez avec des citoyens, avec des commerçants qui ont été victimes de ces sauvageries, il faut appeler ça des sauvageries, lorsqu'on brise volontairement des vitrines de commerce, lorsqu'on renverse volontairement des autos de patrouille, on n'est plus dans des manifestations, on est dans l'anarchie. Est-ce que les gens, les policiers ne vous disent pas : « Qu'est-ce que ces gens masqués font dans ce genre de manifestations où il y a un risque de débordement? » Est-ce que c'est ça que les citoyens vous disent?

[Traduction]

M. Richards : Vous venez probablement de rendre compte d'un grand nombre de frustrations qui se font jour au sein de la population, mais il est important de maintenir un certain équilibre. Il y a des motifs, et nous en avons évoqué un certain nombre qui sont reconnus par la loi, qui autorisent une personne à porter un masque. J'estime aussi qu'il est raisonnable qu'au sein d'une assemblée pacifique, qu'il s'agisse d'une manifestation ou d'un autre rassemblement, qu'une personne décide, dans un but satirique ou autre, de porter un masque. Ce qui ne me paraît pas raisonnable, par contre, c'est qu'un individu porte un déguisement pour ensuite casser des vitres, mettre le feu aux voitures de police et agresser d'autres personnes.

Le sénateur Baker : Je tiens à féliciter le député Richards pour son initiative. Il faut consacrer beaucoup de temps à un travail comme celui-ci.

En toute objectivité, tous ceux qui examinent ce projet de loi seront d'accord avec la sénatrice Fraser pour dire que les dispositions existent déjà. L'infraction dont nous parlons ici est en soi visée par le Code criminel. C'est indéniable. J'ai pris part à l'élaboration de cette loi au départ et toute personne qui refuse de se disperser est passible d'un emprisonnement à perpétuité. Aux termes des dispositions des articles 68 et 69 du Code criminel, si l'on vous dit de rentrer chez vous et que vous n'obtempérez pas, vous êtes passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Les agents de police qui ne répriment pas les émeutes sont passibles de deux années d'emprisonnement lorsqu'ils avaient des motifs raisonnables d'intervenir. Nous pensions avoir tout prévu.

Vous affirmez qu'il y aura un effet dissuasif. Autrement dit, si les individus qui viennent manifester comme vous nous le dites avec un sac, des masques noirs, et cetera, se rendent compte qu'ils ne peuvent pas porter un masque, ils auront tendance à s'abstenir. Il me semble que c'est votre argument. Ce n'est pas tant que l'infraction ne soit pas déjà visée par le Code criminel, mais il s'agit surtout d'assurer véritablement l'application de ces dispositions et de les faire bien comprendre pour qu'elles aient un effet dissuasif sur ces individus.

M. Richards : Je suis bien convaincu qu'il y aura un effet dissuasif. Les agents et les chefs de police avec lesquels j'ai parlé dans tout le pays sont de cet avis et en sont aussi persuadés. J'espère que c'est avant toute chose ce que cette loi permettra d'obtenir. Soyons clairs : nous souhaitons tous que des situations de ce genre ne se reproduisent plus. Personne ne veut plus voir, à l'exception des responsables de ces agissements, bien entendu, les dégâts causés à la propriété, les pillages, les incendies et les agressions. Nous ne voulons plus jamais voir ça.

Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous nous dites que ces dispositions existent déjà.

Le sénateur Baker : Elles ne figurent pas déjà au Code criminel? Bien sûr que si.

M. Richards : Comme je vous l'ai indiqué, les agents de police m'ont bien fait comprendre que les dispositions du paragraphe 351(2) étaient très difficiles à appliquer dans ce genre de situations. Elles n'ont pas été prévues à cette fin et nous avons donc besoin, à mon avis, de ce texte pour garantir la sécurité publique.

Le sénateur Baker : On a déjà inculpé des personnes aux termes de l'article 351 dans les circonstances précises que vous visez par votre texte.

M. Richards : Des inculpations ont été prononcées, mais il a été difficile de traduire les accusés en justice. Les agents de police m'ont dit clairement que nous avions besoin de ces dispositions dans le cadre de cet article du Code criminel, et je suis convaincu qu'elles permettront de mieux garantir la sécurité publique.

La sénatrice Batters : Je tiens aussi à vous féliciter, monsieur Richards, d'avoir conduit ce projet de loi jusque-là. Le dépôt d'un projet de loi d'initiative parlementaire et sa présentation devant les comités demandent énormément de travail.

Pouvez-vous expliquer à notre comité quelles sont les parties prenantes qui appuient votre projet de loi?

M. Richard : Je le ferai avec plaisir.

J'ai rencontré différents groupes dans tout le pays, notamment des groupes d'entreprises. Comme je vous l'ai précisé dans mon exposé, la Downtown Vancouver Business Improvement Association était l'un d'entre eux. Il regroupe les membres du secteur le plus touché par l'émeute qui a eu lieu à Vancouver en juin 2011. Ils ont à l'unanimité appuyé ce projet de loi lors de la réunion de leur association. La Building Owners and Managers Association de Vancouver, et aussi celle de la Colombie-Britannique, nous ont aussi particulièrement appuyés. Un certain nombre d'associations d'entreprises du centre-ville de Toronto ont elles aussi fait part de leur appui. Ce sont là les secteurs qui ont subi le plus de dégâts et les intervenants se sont montrés très déterminés. En outre, les chefs de police de Calgary, Toronto, Vancouver et Victoria se sont bien entendu montrés eux aussi très favorables à cette législation.

Le sénateur Joyal : Merci, monsieur Richards, de cette explication. Ce qui me préoccupe, c'est la question de la proportionnalité dans votre projet de loi. Cela m'inquiète et il se pourrait que l'on enfreigne ici les dispositions de l'article 12 de la Charte. Il me semble que le principe de la proportionnalité doit toujours être respecté. Si l'on considère l'article 66 du code, par exemple, qui fait qu'un participant à un attroupement illégal ne commet qu'une infraction relevant d'une déclaration sommaire de culpabilité, et si l'on rajoute par là-dessus une infraction constituant un acte criminel, je ne suis pas sûr que cela va être entériné par les tribunaux. Je ne sais pas si vous avez consulté des juristes ou des spécialistes en droit constitutionnel sur cette question, mais à mon avis cette question fait problème dans votre projet de loi. Je ne sais pas si vous avez réfléchi à la chose dans le cadre de ce texte. Je comprends bien que vous cherchez à protéger la liberté d'expression en rajoutant la mention « sans excuse légitime », mais il s'agit là d'une formulation très générale qui n'est pas définie et qui pourrait empiéter sur la liberté d'expression. Je me demande si vous avez procédé à ce genre d'analyse compte tenu de la Charte.

M. Richards : Pour être sûr de bien vous comprendre, parce qu'il y a ici plusieurs questions, vous m'interrogez au sujet des dispositions de l'article 66 s'appliquant aux émeutes.

Le sénateur Joyal : Non, aux attroupements illégaux. L'article 66 renvoie aux attroupements illégaux, et l'article 65 aux émeutes. C'est ainsi que se fait la subdivision.

M. Richards : J'ai cru vous entendre prononcer le mot « émeute », excusez-moi. C'est pourquoi j'ai confondu.

Cette disposition précise se présente sous une forme hybride. Bien entendu, cela signifie que l'on a le choix de déclarer que l'infraction est punissable par voie sommaire ou qu'elle fait l'objet d'un acte criminel, les peines prononcées étant différentes selon que l'on procède d'une manière ou d'une autre.

En ce qui concerne le principe de la protection de la liberté d'expression par la Charte, je tiens à réaffirmer bien clairement que ces dispositions ne s'appliquent que lorsqu'il y a véritablement un attroupement illégal ou une émeute. Je considère que la liberté d'expression de chacun est en fait protégée par cette législation, qui dissuadera ces individus de chercher à profiter d'un rassemblement légal pour semer le trouble, ce qui empêche les autres participants d'exercer leur droit de s'exprimer librement. De toute évidence, le rassemblement se transforme alors en quelque chose qui n'avait jamais été prévu.

Le sénateur McIntyre : Il est indéniable que le projet de loi C-309 fait appel à des dispositions très strictes. Vous l'avez déposé devant la Chambre des communes en octobre 2011. Il a alors été renvoyé devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Je constate que ce comité l'a amendé en faisant passer la peine d'emprisonnement maximale de 5 à 10 années, conformément à ce qui est proposé au paragraphe 65(2). Êtes-vous au courant d'autres amendements?

M. Richards : Non. Le seul amendement apporté par ce comité est justement celui-ci, qui modifie la peine maximale dans ce cas précis. C'est le seul amendement apporté à ce stade par le comité de la Chambre des communes.

Le président : Merci, monsieur Richards. Je sais que vous devez voter à la Chambre ce soir, et je vais vous laisser partir pour ne pas mécontenter les whips.

M Richards : Merci beaucoup. J'ai apprécié les questions posées par les sénateurs et je les remercie de leur intérêt.

Le président : Nous nous vous remercions de votre comparution.

Nous nous retrouverons à 10 h 30 demain pour examiner article par article le projet de loi C-37, et nous poursuivrons ensuite l'audition de nos témoins concernant ce projet de loi C-309. Nous vous ferons parvenir très bientôt un avis révisé corrigeant certains détails au sujet de nos témoins.

(La séance est levée.)


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