Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 42 - Témoignages du 4 juin 2013 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 4 juin 2013
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 14 h 33, pour étudier la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, déposé à la Chambre des communes le 29 avril 2013.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, cet après-midi, nous allons continuer notre étude de la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.
[Traduction]
C'est notre huitième réunion sur la teneur du projet de loi C-60. Au cours de la première heure cet après-midi, nous examinerons, en commençant au bas de la page 21, les articles 35 et 40 de la partie 1 qui portent sur des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu, à la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt et à son règlement, particulièrement en ce qui concerne les machines et le matériel de fabrication et de transformation.
Nous accueillons de nouveau M. Martin Lavoie, directeur des politiques, Productivités et innovation, des Manufacturiers et Exportateurs du Canada, et Mme Fiona Cook, directrice des Affaires et Économie, de l'Association canadienne de l'industrie de la chimie. J'invite d'abord Mme Cook, puis M. Lavoie à nous présenter leurs exposés, à nous décrire leurs associations et à nous dire ce qu'ils pensent de ces initiatives du projet de loi C-60.
Fiona Cook, directrice, Affaires et Économie, Association canadienne de l'industrie de la chimie : Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui au nom de l'Association canadienne de l'industrie de la chimie. Notre association représente 50 compagnies membres responsables d'environ 200 installations à travers le pays qui produisent des produits chimiques de base et des résines pour les procédés de fabrication, et elle fournit des services technologiques, de marketing et de R-D. pour les produits chimiques.
L'industrie de la chimie est une industrie intéressante quoique peu connue. Elle se trouve placée entre le secteur des ressources de base du Canada, notamment les ressources minières, forestières et agricoles, ainsi que le pétrole et le gaz, et le secteur de la fabrication du Canada, notamment des aliments, des boissons, des produits de construction, de plastique et de caoutchouc, des textiles et vêtements, des produits électriques et électroniques, et du matériel de transport, pour ne citer que quelques-unes des industries à qui nous fournissons des produits.
Mes observations sur le projet de loi C-60 aujourd'hui se concentreront sur la modification proposée à l'article 40. Il s'agit de la prolongation de deux ans de la déduction pour amortissement accéléré des machines et du matériel de fabrication. Cette modification est très bien reçue par nos compagnies membres qui la voient comme un signe clair que le gouvernement reconnaît qu'il peut tenir un rôle clé dans la stimulation des investissements et de la croissance dans l'industrie de la chimie, et d'une façon plus générale, dans le secteur de la fabrication au Canada.
La prolongation de la DAA est un facteur clé qui contribue à améliorer notre compétitivité à l'échelle mondiale, parce que nous sommes une industrie de portée mondiale. Elle a beaucoup renforcé l'argument de rentabilité pour ce qui est d'attirer de nouveaux investissements ici au Canada. Ceci est important, car il y à peine deux ou trois ans, aucun investissement n'était fait dans l'industrie de la chimie au Canada. De fait, nous nous attachions tout juste à maintenir la base que nous avions et à en prévenir l'érosion.
La situation a changé rapidement à cause de choses comme le gaz de schiste, qui produit une matière première biologique. La DAA nous a permis de faire concurrence aux États-Unis. Comme je l'ai mentionné, notre portée est mondiale. La plupart des compagnies de l'industrie sont des multinationales. Elles peuvent aller choisir n'importe où dans le monde des endroits où investir, et le Canada se doit donc d'être concurrentiel. Le gaz de schiste nous a redonné de la vie et la déduction pour amortissement accéléré nous aide face aux États-Unis.
Au cours des dernières années, le gouvernement a pris d'autres mesures qui ont aidé également, comme la réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés, l'harmonisation des taxes de vente et l'élimination de l'impôt sur le capital. Ce sont toutes des mesures qui ont amélioré notre compétitivité et ont servi de complément et de levier pour le changement de la DAA, qui porte principalement sur les gros investissements de capitaux.
Les choses ayant changé presque du jour au lendemain, les 10 prochaines années présentent un avenir prometteur pour notre secteur. Nous prévoyons attirer des investissements de l'ordre de 10 millions de dollars environ au cours des 10 prochaines années si nous continuons à miser sur l'environnement stratégique positif actuel et si l'industrie et le gouvernement continuent à collaborer pour établir un climat plus concurrentiel au cours de la prochaine décennie.
Depuis son introduction en 2007, la DAA a très bien réussi à attirer de nouveaux investissements au Canada. Un grand nombre de nos compagnies ayant fait des investissements qualifient la DAA de facteur clé dans leur décision. Ces compagnies ont investi environ trois milliards de dollars au cours des quatre dernières années. Ceci a revitalisé l'industrie et créé de nouveaux emplois, ainsi que la prospérité dans des régions clés du pays. Dans notre secteur, un emploi dans l'industrie de la chimie génère cinq autres emplois ailleurs dans l'économie.
Pour vous donner un exemple de certains de ces investissements, à Sarnia, en Ontario, deux de nos compagnies membres, NOVA Chemicals et BioAmber, ont récemment investi 250 millions de dollars et 120 millions de dollars, respectivement. Sarnia, comme vous le savez, a connu peu de nouveaux investissements au cours des 20 dernières années, et cela a donc donné un coup de fouet à l'économie de cette région. Nous espérons que c'est le début d'une nouvelle tendance.
Dans d'autres régions de l'Ontario, la DAA a permis à des entreprises comme Cytec Canada Inc., BASF Canada Inc. et DuPont à augmenter et à améliorer leurs installations. Dans le cas de DuPont, s'il n'y avait pas eu la DAA, l'entreprise aurait fermé son installation canadienne et conservé son installation américaine. Cela a vraiment été une excellente nouvelle pour la région de Windsor, où cette installation est située.
En Alberta, Williams, Dow, Shell et Methanex ont fait des investissements s'élevant à 500 millions de dollars. NOVA Chemicals tiendra le 7 juin une cérémonie de lancement des travaux de construction d'un milliard de dollars de son installation de polyéthylène à Joffre, dont l'entrée en service est prévue pour la fin de 2015. La société bénéficiera de la DAA. C'était d'ailleurs un facteur clé dans sa décision d'investir.
En résumé, la DAA est un stimulant. Elle élargit l'assiette fiscale en encourageant des investissements accrus. Une grande partie des trois milliards de dollars de nouveaux investissements au cours des dernières années aurait probablement été ailleurs s'il n'y avait pas la DAA. Nos concurrents aux États-Unis, surtout dans le secteur chimique, bénéficient d'un facteur d'amortissement dégressif de 60 p. 100. Certaines installations particulières dans la chaîne de valeur chimique, comme l'éthylène, peuvent même se constituer en fiducie et ne payer aucun impôt de société. Nous ne recommandons pas cela, et notre industrie n'appuie pas forcément ce genre de mesures, mais nous croyons que la DAA, dans une certaine mesure, a équilibré les règles du jeu, tout du moins au cours de ses deux dernières années d'existence.
Il ne faut pas oublier, quand on pense au-delà de 2015 pour les investissements à long terme, que nous faisons face à une concurrence importante de la part des États-Unis. Nous continuerons à travailler avec le gouvernement et les décideurs afin de nous assurer que le régime fiscal est suffisamment concurrentiel pour attirer de gros investissements au Canada. La DAA s'est révélée un outil très efficace pour attirer les investissements au Canada. Nous appuyons assurément ce budget et son accent sur la fabrication, de même que la prolongation de la DAA, bien entendu.
Nous faisons partie d'une coalition de 40 compagnies et associations menée par les très efficaces Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Nous l'appuyons au sein de la coalition depuis le début.
Merci.
Le sénateur Day : Merci beaucoup.
[Français]
Martin Lavoie, directeur des politiques, Productivités et innovation, Manufacturiers et Exportateurs du Canada : Je vous remercie, honorables sénateurs, sénatrices, de m'avoir invité à vous rencontrer aujourd'hui.
[Traduction]
De façon générale, j'aimerais mentionner que Manufacturiers et Exportateurs du Canada représente quelque 10 000 entreprises de fabrication et d'exportation à l'échelle du pays. Notre secteur emploie environ 1,85 million de Canadiens. Il représente encore près des deux tiers des exportations au Canada et environ 55 p. 100 de nos dépenses de R-D. Y compris le secteur des TIC, nous représentons environ 88 p. 100 de la recherche et du développement.
Nous avons été très heureux de voir dans le budget que le secteur de la fabrication est reconnu comme étant un élément moteur solide de l'économie canadienne, surtout en ce qui a trait à l'innovation, la R-D., les exportations et les activités à valeur ajoutée.
Le budget a répondu, en partie, à certaines des priorités que nous avons présentées dans notre proposition prébudgétaire. J'en parlerai de deux en particulier, la première étant la DAA. Je dirai aussi quelques mots au sujet de la nouvelle annonce dans le budget d'un financement direct pour l'innovation en entreprise.
En ce qui concerne la DAA, je peux dire que c'est, de loin, la mesure que nos membres privilégient dans notre proposition prébudgétaire. La DAA est en vigueur depuis 2007. Elle a permis, entre 2009 et 2012, une augmentation de 45 p. 100 des investissements des fabricants canadiens en machines et matériel. Cette année, nous prévoyons que ces investissements en machines et matériel dépasseront, pour la première fois depuis 2008, le niveau d'avant la récession, d'avant 2008. En 2010 et 2011, les investissements canadiens dans le secteur de la fabrication pour toutes les immobilisations ont dépassé ceux des États-Unis pour la première fois depuis 2006. Il reste encore beaucoup à faire, mais nous sommes heureux de voir que ces encouragements fiscaux fonctionnent bien et atteignent leurs objectifs.
Mme Cook a mentionné la situation aux États-Unis. À notre avis, nous devons prêter une grande attention à ce qui se passe aux États-Unis et à ce qu'ils feront au sujet des encouragements qu'ils accordent actuellement aux fabricants pour l'acquisition de machines et de matériel. À l'heure actuelle, les fabricants bénéficient, comme cela a été signalé, d'un facteur d'amortissement dégressif de 60 p. 100. Dans certaines industries, pour certaines compagnies, il y a même un bonus d'amortissement de 50 p. 100. Vous pouvez déduire plus que la valeur totale de vos actifs dans certains secteurs. C'est une mesure temporaire. Nous croyons que la DAA devrait être en vigueur aussi longtemps que ces mesures spéciales sont en vigueur aux États-Unis.
Nous devons aussi examiner comment nous permettons aux entreprises d'amortir leurs machines et matériel d'après les règles normales de l'ARC. Quand la DAA sera éliminée, nous reviendrons à la méthode normale d'amortissement qui permet, en général, un facteur dégressif de 30 p. 100. Comment cela se compare-t-il avec la méthode normale aux États-Unis? C'est assez difficile à comparer. Le système américain est fondé sur les industries, et le nôtre est fondé sur les catégories d'actifs. MEC entreprendra une étude, au cours de l'été, pour tenter d'établir des comparaisons au niveau de certains types de machines et de matériel, examiner les taux d'amortissement au Canada et déterminer comment nous pourrions uniformiser davantage les règles du jeu entre le Canada et les États-Unis pour attirer des investissements.
Nous devons aussi envisager de nouvelles mesures de relance futures pour accélérer l'adoption, en particulier, de matériel lié aux technologies de l'information et des communications. Je mentionne cela car le Canada souffre d'un écart de productivité par rapport aux États-Unis et certains autres pays de l'OCDE, et de nombreux observateurs attribueront au moins la moitié de cet écart à l'absence d'investissement en matériel de TIC. C'est une chose à laquelle nous devons prêter attention. Aujourd'hui, 50 p. 100 de toutes les machines et de tout le matériel achetés par les fabricants sont liés aux TIC, alors qu'il y a 20 ans, aucun ne l'était. Aucun matériel ne se rapportait aux TIC.
Mais ce matériel de TIC, dans la plupart des cas, est constitué d'ordinateurs et de logiciels qui permettent aux fabricants de suivre leur chaîne de production et d'être plus productifs. Or, ceux-ci ne font pas partie de la même catégorie d'actifs. Ils n'ont pas bénéficié de la DAA les deux dernières années. C'est une chose à laquelle nous devons aussi prêter attention dans l'optique d'une politique sur la productivité.
J'aimerais dire quelques mots au sujet des mesures d'aide directe pour l'innovation en entreprise qui étaient dans le dernier budget. Si vous vous souvenez, l'an dernier, le gouvernement a dit à l'industrie que la coupure de 660 millions de dollars au titre du programme de la recherche scientifique et du développement expérimental, le programme de la RS&DE, serait entièrement réinvestie dans un nouveau financement direct de la R-D. en entreprise. Le gouvernement l'a fait, mais il reste encore un grand nombre de questions en ce qui concerne l'équité d'accès à ce nouveau financement entre les secteurs industriels et les diverses régions du pays.
Nous appuyons certes le nouveau financement accordé au secteur de l'automobile, de l'aérospatiale et des forêts, de même que le nouveau fonds pour la fabrication de pointe dans le sud de l'Ontario; cependant, il faut reconnaître que de passer d'une approche fiscale comme la RS&DE à un mécanisme de financement direct pénalisera les fabricants qui ne répondent pas à ces critères géographiques et sectoriels.
Nous espérons que le gouvernement veillera, en fin de compte, à ce que tous les secteurs et toutes les régions des différentes provinces aient accès à ce financement direct à l'innovation en entreprise. Nous travaillerons avec les gouvernements pour déterminer si d'autres agences de développement économique régionales au pays pourraient également mettre en œuvre des mécanismes semblables d'aide à la R-D. en entreprise.
Je conclus en disant, une fois de plus, que ce budget nous fait avancer grandement vers une meilleure reconnaissance de l'importance de la fabrication dans la croissance économique et notre capacité d'innover. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans les secteurs du matériel de TIC, de même que pour nous assurer d'établir un niveau de comparaison équitable avec les États-Unis pour ce qui est des règles fiscales. J'accueillerai avec plaisir vos questions.
Le président : Merci, monsieur Lavoie.
La sénatrice Buth : J'aimerais commencer par l'industrie de la chimie. Vous l'avez peut-être déjà mentionné au début, mais pouvez-vous me dire combien de membres vous avez? Vous avez mentionné certains noms. Pouvez-vous me donner d'autres exemples de vos sociétés membres?
Mme Cook : Certainement. Il est important de se rappeler que nous ne représentons pas le secteur au complet. C'est un très grand secteur qui inclut les pharmaceutiques, ainsi que les fabricants de peintures et revêtements, et de plastiques. Nous représentons les compagnies qui produisent les produits chimiques de base qui entrent dans la fabrication d'autres produits en aval.
À l'heure actuelle, nous comptons 50 sociétés membres, comme Dow, Nova et Shell. Il y a aussi un grand nombre de sociétés pétrolières et gazières en amont, comme la Compagnie pétrolière Imperial. Nous avons des sociétés comme Lanxess, qui est une grande multinationale allemande. M. Lavoie a parlé du programme de RS&DE. Grâce à ce programme, une toute nouvelle installation de RS&DE a été mise sur pied dans le département de génie de l'Université Western Ontario. Cela lui a valu son mandat mondial.
Nous avons ERCO Mondial et Canexus, qui produisent des produits chimiques inorganiques, principalement pour le traitement des eaux et les pâtes et papiers. Nos membres sont si nombreux. Nous avons de grandes et de petites entreprises. Blachford est une petite entreprise familiale de production de produits chimiques spéciaux.
La sénatrice Buth : Vous avez mentionné que la présente décennie diffère de la précédente. Vous avez mentionné l'exemple du gaz de schiste. Y a-t-il d'autres raisons pour lesquelles vous voyez l'avenir avec optimisme?
Mme Cook : C'est le gaz de schiste. Ce sont aussi les mesures de relance aux États-Unis, parce que 80 p. 100 de nos produits sont expédiés à des fabricants aux États-Unis où toute une renaissance se produit également. Nous sommes convaincus que la demande se manifestera à partir de maintenant.
Le gaz de schiste a vraiment changé. Nous extrayons du gaz des liquides, comme l'éthane, le butane, le propane, et les soumettons à toutes sortes de choses, comme le clivage et la manipulation pour produire des dérivés requis pour des produits. Auparavant, lorsqu'il s'agissait des réserves de gaz naturel conventionnel au Canada, et vous en êtes probablement conscients, il y a quelques années, nous faisions face à un déclin. Le gaz de schiste contient une grande quantité de liquides. Lorsque les fabricants envisagent un investissement, la variable qui compte le plus pour eux est la matière première biologique qui représente à peu près 80 p. 100 de leurs coûts. S'ils doivent faire un investissement sur 20 ou 30 ans dans une installation, ils recherchent la stabilité et un approvisionnement à long terme en matières premières biologiques.
La sénatrice Buth : Quels sont les types d'emplois qu'ont ces sociétés? Les salaires sont-ils élevés?
Mme Cook : Après le secteur de la TI, notre industrie emploie le plus grand nombre de diplômés universitaires. Le salaire moyen est de 80 000 $. Il y a un grand nombre d'opérateurs de procédés et d'ingénieurs chimistes. Chacun de nos emplois crée cinq autres emplois. Il y a les emplois indirects, dans la construction. Quand les installations procèdent à des transformations et à de la maintenance, elles font appel à un grand nombre de travailleurs qualifiés et de travailleurs dans la construction. C'est important surtout pour les entreprises de l'Ontario et de l'Est, car il y a un énorme exode de ce genre de compétences vers le secteur du pétrole et du gaz en Alberta.
La sénatrice Buth : Nous avez-vous dit combien a été investi en matériel de fabrication au cours des dernières années?
Mme Cook : Au cours des quatre dernières années, cela a été trois milliards de dollars.
La sénatrice Buth : Attribuez-vous cela à la DAA?
Mme Cook : Oui, tout à fait.
La sénatrice Buth : Monsieur Lavoie, je suis intéressée par vos remarques concernant le programme de RS&DE. Ces changements font suite aux constatations du rapport Jenkins au sujet de la performance du Canada en innovation, et notre rendement n'est pas des meilleurs.
Le rapport disait, entre autres — et je paraphrase — qu'en ce qui concerne les grandes entreprises, le crédit pour RS&DE allait aux programmes dans le cadre desquels des sommes étaient dépensées au chapitre R-D., manifestement, alors que ces dépenses étaient déjà programmées. Ceci explique en partie la transition vers un financement plus direct de l'innovation.
Pouvez-vous nous dire ce que vos membres aimeraient voir en termes de financement pour l'innovation? Vous avez mentionné certaines des industries qui le reçoivent. Vous pourriez peut-être me donner une meilleure idée.
M. Lavoie : Vous soulevez un bon point. Le programme de RS&DE a été grandement critiqué. Par exemple, ces montants sont-ils dépensés de toute manière? Ne récompensons-nous pas simplement un comportement normal?
Nous pourrions probablement avoir une telle conversation au sujet de n'importe quoi relié à l'impôt. Autrement dit, prenez-vous l'autobus parce que vous bénéficiez d'un crédit d'impôt sur le transport en commun? Envoyez-vous vos enfants prendre des leçons de natation parce que vous avez un crédit d'impôt là-dessus? L'auriez-vous fait de toute manière? J'approuve le programme de RS&DE, mais il faut trouver un moyen d'en rendre l'application progressive.
Comment l'élimination des dépenses en capital et la réduction du taux de 20 à 15 p. 100 corrigent-elles la situation? Je ne vois pas de rapport entre ce qui est mis en œuvre et le problème initial.
Si le problème initial était que les entreprises ne consacrent pas suffisamment de fonds à la R-D., comment une réduction du crédit d'impôt les amènerait-elle à dépenser davantage? Comment une réduction du crédit d'impôt convaincrait-elle des multinationales étrangères à envisager d'investir au Canada? Nous avons perdu de vue le problème initial, qui était une insuffisance de l'investissement de la part des entreprises.
Le système fiscal américain, par exemple, offre un crédit d'impôt plus progressif, parce qu'il maximise ce crédit d'impôt en fonction des antécédents d'investissement en R-D. au cours des trois années antérieures. Plus la proportion de votre investissement en R-D. par rapport à vos recettes est élevée au cours des trois années antérieures, plus le crédit d'impôt est élevé pour l'année en cours. C'est une façon de récompenser ceux qui dépensent davantage en innovation. Je n'ai rien vu dans le rapport Jenkins à ce sujet.
Quant à ce que nous aimerions obtenir du programme de RS&DE, il y a deux aspects à prendre en compte. Tout d'abord, nous devons réexaminer le programme de RS&DE et l'incitatif que représente ce programme. Quelles sont les définitions d'innovation que nous utilisons? Le programme de RS&DE se fonde sur le Manuel de Frascati de 1964 adopté par l'OCDE. À l'encontre des autres pays membres de l'OCDE, nous n'avons jamais mis à jour notre définition de R-D. Nous sommes encore enlisés dans les anciennes définitions de R-D. qui étaient appropriées au cours des années 1960, mais en 2012, les formes d'innovation sont tout autres. Il y a donc un écart entre ce qui est admissible au RS&DE et ce qui est effectivement dépensé en R-D.
Le secteur pharmaceutique a publié une étude effectuée par KPMG selon laquelle il y a un écart de 30 p. 100 entre ce qui est effectivement dépensé et ce qui est déclaré aux fins du programme de RS&DE. Un nombre beaucoup plus élevé de réclamations sont refusées par l'ARC parce que celle-ci ne considère pas une chose comme un progrès technologique ou une innovation. Nous pourrions peut-être revoir cela et mettre à jour la définition. C'est un problème d'administration à l'ARC plutôt qu'un problème budgétaire.
En ce qui concerne le programme de RS&DE, nous avons aussi le problème que, pour les grandes entreprises, si vous n'êtes pas en situation privilégiée, vous ne pouvez pas accéder au crédit d'impôt sous forme de remboursement; il n'est remboursable qu'aux petites entreprises. Mais le problème se pose quand vous devez le reporter et vous avez 20 ans de crédits à réclamer.
Nous estimons que dans le réservoir des crédits inutilisés — appelons-les de l'argent dormant, si l'on veut paraphraser M. Carney quand il parlait de l'argent sur lequel les entreprises étaient assises —, il y a presque sept milliards de dollars accumulés au titre de la RS&DE aux crédits des entreprises. Un beau jour, elles réclameront ces crédits.
À notre avis, n'y aurait-il pas un moyen de rendre ce crédit d'impôt partiellement remboursable afin que les entreprises puissent y avoir accès? En échange, nous pourrions exiger que ces entreprises s'engagent à consacrer cet argent à la R-D. ou à augmenter leurs réalisations ou dépenses de R-D. au cours des deux ou trois années suivantes.
Ce serait une autre solution au problème initial, celui de l'insuffisance des dépenses en R-D. par les entreprises. Ce sont deux aspects du programme de RS&DE que MEC abordera avec le gouvernement au cours des 12 prochains mois.
Le président : Je vais devoir vous arrêter ici. Le sujet du programme de RS&DE, est intéressant pour nous, mais il ne fait pas partie de ce que nous étudions maintenant. Malheureusement, notre temps est limité.
[Français]
La sénatrice Chaput : Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il décidé de prolonger de deux ans la déduction pour amortissement accéléré?
Mme Cook : Votre question porte sur la période de temps ou sur la mesure elle-même?
La sénatrice Chaput : La raison de la prolongation.
Mme Cook : On aurait préféré que ce soit pour plus de cinq ans parce que lorsque vous décidez d'investir, le temps que votre conseil ait tout approuvé, le temps de faire les études et de commander l'équipement, tout cela prend cinq ans environ, surtout dans notre secteur.
La sénatrice Chaput : Donc l'industrie le voulait?
Mme Cook : Oui, absolument.
La sénatrice Chaput : Très bien. Quel genre d'entreprise profite de cette mesure? Les petites, les moyennes ou les plus grosses?
Mme Cook : Toutes les entreprises dans le secteur manufacturier qui achètent de l'équipement profitent de cette mesure.
La sénatrice Chaput : Combien d'entreprises achètent de l'équipement?
M. Lavoie : Je ne pourrais pas vous dire le nombre d'entreprises, mais l'année dernière, il y a eu pour environ 13,6 milliards de dollars d'investissement en machinerie et en équipement au Canada.
La sénatrice Chaput : Pour une année?
M. Lavoie : Oui, l'année dernière.
La sénatrice Bellemare : Je suis très favorable aux mesures d'amortissement accéléré, mais en même temps, on vient de prolonger la mesure pour deux ans. Pouvez-vous me dire pour combien d'années est la mesure d'amortissement accéléré aux États-Unis? Est-ce une mesure permanente?
Mme Cook : Lorsque la mesure a été annoncée, il y a environ cinq ans, c'était pour une période plus longue, une période de cinq ans.
M. Lavoie : Il y a aussi cette mesure du 60 p. 100. C'est 60 p. 100 pour la première année, et pour la deuxième année, c'est 60 p. 100 de ce qui reste, et ainsi de suite. Cela va quand même assez vite. Près de 100 p. 100 pourront être déduits entre trois et cinq ans. Et même dans certains secteurs, il y a un bonus qui a été donné. Cette mesure devait prendre fin l'année dernière, mais dans la célèbre entente sur le gouffre budgétaire, ils ont décidé de la prolonger pour une année supplémentaire.
La sénatrice Bellemare : On dit souvent que c'est une mesure qui permet de devancer les investissements. Comme c'est une mesure temporaire, les entreprises qui pensent investir se disent probablement qu'elles seraient mieux d'investir tout de suite afin de pouvoir bénéficier de cette mesure temporaire.
Si cette mesure était prolongée, pensez-vous que l'effet serait le même? Pensez-vous que cette mesure ne fait pas que devancer les investissements mais qu'elle génère également des investissements supplémentaires?
Mme Cook : Oui, absolument. Je crois que cela génère des investissements progressifs, des investissements qu'on ne verra pas. C'est pourquoi l'impact fiscal à long terme est positif.
La sénatrice Bellemare : Dans les autres pays, outre les États-Unis, comment les mesures fiscales se comparent-elles par rapport à l'amortissement accéléré?
M. Lavoie : J'ai seulement regardé pour les États-Unis. J'ai regardé l'amortissement accéléré pour d'autres types de biens, par exemple pour les équipements en télécommunication. J'ai trouvé le Japon et l'Espagne, qui donnent carrément des crédits d'impôt de 10 p. 100. Beaucoup de pays d'Europe donnent également des taux de dépréciation accélérée; on parle d'ordinateurs, de logiciels, et cetera. Au Canada, on l'a fait pendant deux ans, en 2009 et 2011.
Pour répondre à votre autre question, il y a deux autres variables dont il faut tenir compte par rapport à l'incitatif pour une entreprise, dont le niveau de profitabilité. On ne peut pas prendre avantage de l'ACCA à plein régime s'il n'y a aucun profit de réalisé. Parce que si des profits sont réalisés, ils pourront être appliqués à l'impôt qui est dû. On doit tenir compte de cette mesure.
Plusieurs personnes croient que cette mesure est en place depuis 2007, mais elle a toujours été en place par période de deux ans. Comme Mme Cook le disait, ces investissements ne se font habituellement pas sur une période de deux ans, mais plutôt sur une période de trois à cinq ans.
Si les compagnies n'ont que deux ans et qu'un projet risque de prendre trois ans, elles n'iront pas nécessairement de l'avant si elles savent que dans deux ans cela prendra fin.
La sénatrice Bellemare : Aurait-on intérêt, comme société et comme économie, à adopter une mesure d'amortissement accélérée de manière permanente?
Mme Cook : Je crois que oui, surtout avec ce qui se pose pour l'avenir et compte tenu de nos défis démographiques. Comme Martin l'a mentionné, compte tenu du problème lié à la productivité qui est à la baisse, il faut investir. Avec de la machinerie et de l'équipement nous favoriseront une amélioration.
La sénatrice Bellemare : Sans mécanisme d'accélération de l'amortissement, il faut combien d'années pour amortir une pièce d'équipement?
Mme Cook : Il faut entre 11 et 12 ans.
M. Lavoie : Dans ce secteur on parle de 30 p. 100 sur la valeur résiduelle. Du reste, vous déduisez, au bout d'une dizaine d'années, une bonne partie, mais au total il faudra entre 12 et 15 ans.
La sénatrice Bellemare : Or nous connaissons la désuétude de l'équipement aujourd'hui, en particulier avec les nouvelles technologies, qui est beaucoup plus courte.
M. Lavoie : Surtout pour les équipements reliés aux technologies de l'information.
La sénatrice Bellemare : Ma prochaine question concerne vos commentaires par rapport à l'équité, sujet qui semble vous inquiéter, et sur les nouvelles façons d'encourager l'innovation auprès des entreprises. Comment verriez-vous un programme de subvention qui soit équitable et accessible? Voilà la grande question.
M. Lavoie : C'est ce qu'on aimait des programmes basés sur la fiscalité. Tout le monde paie des taxes. S'il existe un crédit d'impôt et c'est vérifié par l'Agence du revenu du Canada, tout le monde y a accès, à condition d'avoir des dépenses en recherche et développement. À partir du moment où on fait du soutien direct et on va directement soutenir des projets dans les entreprises, il y a des ressources limitées pour un nombre de demandes assez grand. Le gouvernement doit choisir des secteurs, des régions ou des projets en particulier. Il est toujours difficile de plaire à tout le monde.
La sénatrice Bellemare : Les nouvelles normes pour avoir accès à ces fonds sont-elles connues?
Mme Cook : Pas encore.
M. Lavoie : Il y a encore beaucoup de méconnaissance. Le Conseil national de recherche travaille sur un service de concierge, qui fut une recommandation du rapport Jenkins et qui aidera à diffuser cette information. Il existe énormément de programmes, non seulement au fédéral mais aussi au provincial. Le rapport Jenkins a quatre pages uniquement sur les programmes fédéraux. Les subventions au niveau provincial font parfois baisser la subvention du gouvernement fédéral et il devient compliqué d'aller chercher des sous.
La sénatrice Bellemare : Comment expliquez-vous ce retard si important dans les nouvelles technologies au niveau des entreprises au Canada par rapport aux États-Unis et ailleurs dans le monde? Nous accusons ce retard depuis longtemps. Comment expliquez ce fait? Est-ce dû à la faiblesse de notre dollar pendant plusieurs décennies? Est-ce une question de mentalité? Est-ce une question de main-d'œuvre? Est-ce parce qu'on n'a pas la main-d'œuvre qui a les compétences pour travailler avec les nouvelles technologies?
M. Lavoie : Vous posez une question que plusieurs se posent. Si on recule de 10 ans, dans le secteur manufacturier, les coûts de main-d'œuvre étaient relativement faibles, comparés aux États-Unis. Elle représentait environ la moitié des coûts de main-d'œuvre aux États-Unis. On avait également un dollar qui était faible, ce qui était plutôt avantageux pour une compagnie qui produisait en dollars canadiens et vendait en dollars canadiens.
En l'espace de 10 ans, la situation s'est complètement renversée. Nos coûts de main-d'œuvre dans le secteur manufacturier sont un petit peu plus élevés qu'aux États-Unis et notre dollar est à parité.
Le seul moyen d'aller contre ce courant est de faire des gains de productivité. Or, on ne peut le faire avec la main- d'œuvre car elle nous coûte trop cher. Il faut donc le faire avec des gains de productivité en utilisant de la machinerie.
La sénatrice Bellemare : Seriez-vous d'accord à ce qu'il y ait des mesures plus sectorielles, comme par exemple des mesures d'amortissement accéléré ciblées sur les nouvelles technologies exclusivement, ou préfériez-vous l'amortissement accéléré pour l'ensemble de la machinerie et de l'équipement?
M. Lavoie : En ce moment, on n'en a pas sur l'ensemble. On n'en a que sur la machinerie et l'équipement utilisé pour la fabrication. Il nous manque tout le secteur de la technologie de l'information utilisé pour la production. Ce que nous avons perdu, c'est les incitatifs fiscaux pour la machinerie et l'équipement utilisés pour la recherche et le développement. Nous n'avons plus d'incitatif pour la recherche et le développement en ce qui concerne le capital, c'est- à-dire la machinerie et l'équipement. Or, la majorité des autres pays ont soit un crédit d'impôt dans lequel ils permettent les dépenses en capital, ou ils utilisent des taux de dépréciation accélérés.
Le président : J'aimerais clarifier la dernière réponse.
[Traduction]
Vous aimeriez que le matériel utilisé pour la recherche fasse partie du matériel auquel ceci s'applique?
M. Lavoie : Pas forcément dans la même catégorie. Cependant, on pourrait utiliser le modèle de la DAA pour accélérer l'adaptation des machines et du matériel utilisés à des fins de R-D., et non à des fins de fabrication.
Le président : Pas nécessairement dans la même catégorie, mais selon le même concept.
La sénatrice Callbeck : Comme vous le savez, la DAA est un programme de deux ans qui a été en vigueur de 2007 à 2009, de 2011 à 2013 et le sera maintenant de 2013 à 2015. D'après vos remarques, j'en déduis que vous estimez tous deux que si la durée du programme était prolongée au-delà de deux ans, cela engendrerait davantage d'investissements dans votre secteur. Ai-je raison?
M. Lavoie : Oui.
La sénatrice Callbeck : Je crois avoir vu quelque part que ce programme coûte 1,4 milliard de dollars tous les deux ans. À votre avis, est-ce le meilleur usage de ce montant de 1,4 milliard de dollars pour ce qui est d'aider votre industrie?
Mme Cook : Permettez-moi de préciser : comme il établit ses prévisions budgétaires selon un cycle de trois ans, le gouvernement a une perspective à très court terme à ce sujet. Comme je l'ai mentionné précédemment, si vous deviez attirer des investissements qui n'auraient pas été faits, une fois que vous avez tiré parti de l'amortissement et commencé à accumuler des profits, vous générez des recettes fiscales et donc, il n'y a pas de coût; c'est un report d'impôt. Le gouvernement l'évalue dans une perspective de trois ans. Il le déclare en tant que coût, mais ce n'est pas le cas, parce que cela finit par générer des recettes fiscales plus tard.
La sénatrice Callbeck : Je comprends; mais si vous deviez lancer un programme, serait-ce celui-ci que vous lanceriez?
Mme Cook : C'est une bonne question. Je suppose que nous l'avons encouragé parce qu'il existait depuis les années 1980 et fonctionnait bien. On pourrait peut-être envisager aussi des crédits d'impôt à l'investissement, mais il y aurait un coût à cela. La formule de DAA offre l'avantage de ne rien coûter au gouvernement à long terme, alors que les choses comme le crédit d'impôt ou les subventions directes lui coûtent manifestement de l'argent.
M. Lavoie : Entre 2009 et 2012, il y a eu une augmentation de 4 milliards de dollars dans l'investissement en machines et matériel, représentant 700 millions de dollars par année, d'où le 1,4 milliard de dollars sur deux ans. Les recettes dépassent les coûts. Un grand nombre de ces investissements n'auraient pas été faits sans cette mesure. Globalement, on peut le voir comme un coût, mais on peut aussi le voir comme un bénéfice sur les plans de la productivité, des investissements étrangers et des investissements intérieurs dans le domaine de la fabrication.
La sénatrice Callbeck : Vous avez parlé d'investissements. Je crois que vous avez dit pouvoir attirer 10 milliards de dollars d'investissements au cours des 10 prochaines années, si l'industrie et le gouvernement collaborent. Quelles autres priorités aimeriez-vous que le gouvernement adopte?
Mme Cook : Nous aimerions voir un plus grand accent sur la fabrication à valeur ajoutée au Canada. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous prenons les ressources naturelles comme le gaz naturel, les minéraux et l'électricité pour en faire des produits chimiques. Nous aimerions que l'accent soit mis sur davantage de valorisation au Canada, plutôt que sur l'expédition de matières premières à l'étranger ou aux États-Unis. Nous aimerions que l'effort soit plus concerté. Bien sûr, c'est difficile, car les ressources naturelles relèvent des provinces. On parle de beaucoup de choses présentement, y compris le transport du pétrole brut de l'ouest à l'est plutôt que, comme nous le faisions auparavant, son transport vers le sud quand nous nous concentrions sur le marché américain. En le transportant de l'ouest à l'est, on pourrait le valoriser. Il y a dans la région de Montréal un grand complexe pétrochimique qui manque de matières premières biologiques présentement. Cela aiderait assurément cette industrie là-bas. À notre avis, ce serait un point clé sur lequel travailler.
M. Lavoie : De notre point de vue, toutes les dépenses en capital sont importantes. Les dépenses en capital de R-D. dont j'ai parlé sont importantes. Nous voulons que les multinationales soient prêtes à investir ici. Hier, on annonçait à Montréal que la compagnie suédoise Ericsson investira 1,2 milliard de dollars dans un nouveau centre de R-D. qui produira des emplois et de l'innovation. L'entreprise a indiqué qu'elle a choisi le Québec en raison des crédits d'impôt de même que du coût de l'électricité. Ces multinationales sont mobiles, et elles peuvent investir dans de nombreux pays. Il est important de garder l'œil ouvert sur ce qui se passe. Les dépenses en capital sont importantes; une fois que le bâtiment et le matériel sont là, vous amenez des ingénieurs, des universitaires et d'autres personnes. Sur le plan de la R- D. et de la production, c'est important. Ce sera une des priorités.
Nous ne devons jamais oublier l'aspect humain. C'est très beau d'avoir de belles machines et du beau matériel, mais si vos employés ne savent pas comment les faire fonctionner, les entretenir ou les construire, vous n'irez pas loin. Je crois que le facteur main-d'œuvre est aussi important.
La sénatrice Callbeck : Je suis d'accord. Merci.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais clarifier certains montants d'investissement. Vous m'avez dit que du côté chimique, le groupe que vous représentez, c'est 10 milliards de dollars sur 10 ans, alors que M. Lavoie nous dit 13,5 milliards de dollars en 2012. Est-ce que votre 13,5 milliards de dollars comprend son un milliard de dollars?
M. Lavoie : Oui.
La sénatrice Hervieux-Payette : Merci. J'ai fréquenté ce secteur parce que j'ai travaillé dans une firme d'ingénierie, et je sais que, souvent, la machinerie n'est pas fabriquée au Canada. Dans plusieurs secteurs, on importe la machinerie d'Allemagne, des États-Unis ou d'ailleurs. Ne pourrions-nous pas avoir un incitatif plus important concernant la machinerie fabriquée au Canada? On pourrait, par exemple, considérer un amortissement accéléré de x p. 100 pour la machinerie étrangère, mais de 15 ou 20 p. 100 de plus pour la machinerie fabriquée au Canada. On créerait deux fois plus d'emplois. Peu de production se fait sans machinerie dans le secteur chimique. De nombreux équipements viennent de l'étranger. Vous, c'est très général.
En ce qui me concerne, il me semble qu'on manque un peu le bateau. Si on a aboli les amortissements sur les crédits d'impôt concernant la recherche et le développement, il y aurait peut-être lieu de compenser? J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Il n'en est pas question dans le projet de loi, mais comme on fait un budget tous les ans, je pense que cela pourrait aider les gens à réfléchir. Considérant le montant de 13 milliards de dollars, si 50 p. 100 de la machinerie venait du Canada, on aurait six milliards de dollars de fabrication canadienne. À l'heure actuelle, mon impression est que 70 p. 100 de l'équipement vient des pays étrangers. Est-ce que mes chiffres sont les mêmes que vous connaissez?
M. Lavoie : On a quand même une machinerie industrielle qui augmente d'année en année et qui exporte beaucoup, mais vous avez raison, on en importe beaucoup également. La valeur du dollar a contribué également au fait d'importer la machinerie à moindre prix. L'idée d'avoir un contenu canadien associé au taux de dépréciation, c'est intéressant, mais encore plus quand on parle du secteur des ressources naturelles, du secteur minier, des sables bitumineux ou du secteur pétrolier dans les Maritimes.
La question est de savoir comment définir une machinerie faite au Canada, quels sont les critères. Il faudrait s'entendre. Est-ce qu'on regarde les composantes? La main-d'œuvre? Ce serait vraiment intéressant aussi, quand on a des compagnies qui viennent investir ici et qui sont sujettes à la Loi sur l'investissement au Canada, de voir si cela ne pourrait pas être un critère de bénéfice net pour le Canada.
La sénatrice Hervieux-Payette : Le taux d'imposition pour les entreprises incite les investisseurs étrangers à venir ici; la main-d'œuvre, je conviens qu'il y a une industrie à Montréal — l'aéronautique — où on a de la difficulté à former les gens pour répondre aux besoins de l'industrie. Est-ce qu'on voit cela dans plusieurs autres secteurs?
M. Lavoie : Absolument, on le voit dans plusieurs secteurs. C'est la raison pour laquelle certaines sociétés minières vont payer des cégeps pour des programmes de formation. Je pense au cégep de Baie-Comeau, par exemple, ArcelorMittal a fait des dons pour soutenir la formation des ouvriers.
Je me suis posé la question à savoir comment une université ou un cégep va décider de la formation. Personne ne m'a appelé pour savoir où est la demande. Est-ce que c'est fait en vase clos avec des professeurs?
La sénatrice Hervieux-Payette : Je me souviens d'anciens programmes pour former des soudeurs de haut niveau avec des fonds fédéraux et la collaboration des entreprises. Il y avait une partie académique et une partie pratique. Une des plaintes de l'industrie était que l'entreprise qui participait à ces programmes se trouvait à former des employés pour d'autres entreprises qui ne participaient pas. Il devrait y avoir un moyen de corriger cette situation.
Je n'ai pas besoin de vous dire, monsieur le président, qu'en Allemagne, cela fait longtemps qu'ils font cela. On est peut-être en retard. On parle de secteurs immenses avec des milliers d'employés. Il faudrait un meilleur arrimage entre le secteur privé et le secteur public. Je parle provincial-fédéral. Il y a un petit fossé entre les deux et, du point de vue de la productivité, cela aussi joue un rôle.
Mme Cook : Absolument. Si je ne me trompe pas, on essaie de créer une alliance entre l'industrie et les gouvernements provinciaux et le fédéral. C'est à voir.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est nouveau?
Mme Cook : Oui.
La sénatrice Hervieux-Payette : On va voir le résultat dans quelques années.
Mme Cook : Cela prend quelques années à les former.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est cela.
Mme Cook : Exactement.
La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur le président, j'aurais une petite question sur l'informatique. Avons-nous pris du retard en enlevant les incitatifs dans le domaine?
M. Lavoie : Le dernier rapport du Conseil des sciences, de la technologie et de l'innovation démontre qu'on n'est pas en train de faire du rattrapage du tout. Il faudra trouver le moyen d'accélérer l'adoption de ces machineries informatiques non seulement à travers le manufacturier, mais à travers tout le secteur de l'économie. On est quand même à 14 p. 100 du PIB. Il y a d'autres secteurs qui doivent investir dans ces machineries. On parle de taux de dépréciation et de crédit d'impôt. C'est quelque chose qui pourrait accélérer l'adoption de ces types de machineries.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : C'est peut-être au ministre des Ressources naturelles qu'il faudrait poser cette question, mais je doute que nous puissions les avoir ici avant l'ajournement du Sénat pour l'été; par conséquent, je demande à l'industrie de la chimie de commenter cela. Vous sembliez emballée quand le gaz de schiste et l'avenir du gaz de schiste ont été mentionnés. Où l'extraction de ce gaz se fait-elle? Je sais qu'elle se fait en Alberta.
Mme Cook : En Colombie-Britannique. Il y a aussi, bien sûr, des gisements de taille au Québec. Le gouvernement de cette province a imposé un moratoire sur toute autre exploration, et donc ce que vous voyez est assez unique. À Sarnia, c'est NOVA qui fait ces investissements. Cette entreprise amène actuellement par pipeline du gaz de schiste de la formation de Marcellus en Pennsylvanie. C'est une inversion des choses. Elle amène du gaz naturel des États-Unis parce qu'il n'y avait rien dans l'est, au Nouveau-Brunswick, comme vous le savez...
Le sénateur McInnis : C'est une question politique, et une question difficile. Il en va de même en Nouvelle-Écosse; elle l'a reportée à plus tard. Avez-vous des préoccupations? C'est manifestement un sujet extrêmement controversé.
Mme Cook : Il est controversé et, bien sûr, le public a le droit de s'inquiéter. Je crois que les renseignements doivent être diffusés; la technologie s'améliore constamment. La plupart des entreprises qui en font l'exploitation sont assujetties à des lignes directrices très strictes, mais cela n'est pas bien connu.
Chaque fois qu'il y a quelque chose de nouveau, il y a des craintes, n'est-ce pas? Peut-être que je ne devrais pas parler pour le secteur du gaz naturel, mais je crois que l'industrie gagnerait à être un peu plus ouverte dans certaines de ces régions, notamment le Québec. Je crois qu'elle essaie; je sais qu'Enbridge essaie de faire de l'éducation en participant à une campagne d'alphabétisation au Québec afin de tenter de gagner davantage la confiance du public à cet égard. C'est une technologie très intéressante.
Le sénateur McInnis : Et dans le Canada atlantique. C'est peut-être la raison pour laquelle nous peinons sous des gouvernements déficitaires. Je ne le préconise pas. Vous étiez emballé à ce sujet, et il y a beaucoup de gaz de schiste dans le Canada atlantique.
Mme Cook : Il y a beaucoup de gaz de schiste au Canada. Aux États-Unis, ils entreprennent effectivement de nombreuses activités de développement. Leur secteur manufacturier reprend. Ils voient ce qu'ils appellent un « rapatriement », autrement dit quand les industries reprennent un élan.
Le président : Vous pourriez peut-être, pour le procès-verbal, expliquer la déduction pour amortissement accéléré au moyen de l'exemple d'un achat de matériel de 100 $. Est-ce 50 p. 100 la première année, puis 50 p. 100 du coût initial?
M. Lavoie : C'est 25 p. 100 la première année; 50 p. 100, puis 25 p. 100.
Le président : Cinquante?
M. Lavoie : Cinq, zéro. Puis 25.
Le président : Est-ce pendant trois ans, tout au long de la période?
Mme Cook : Oui, cela prend trois ans.
M. Lavoie : Et c'est une ligne droite, et non une base dégressive.
Le président : Le pourcentage s'applique toujours au montant initial.
M. Lavoie : Dans votre exemple, ce serait 25 $, 50 $, puis 25 $.
Le président : Vous avez mentionné un taux dégressif de 60 p. 100 aux États-Unis.
Mme Cook : C'est ce qu'on appelle aussi l'amortissement dégressif à taux double.
Le président : Il y a de nombreuses façons différentes de jouer avec cela, n'est-ce pas?
Mme Cook : Oui. L'amortissement peut être compliqué.
M. Lavoie : On peut l'accélérer par le nombre d'années ou le montant initial. Si vous autorisez 60 p. 100 la première année, c'est le double du pourcentage actuel de 30 p. 100, et donc vous avez un nombre inférieur d'années sur lesquelles vous pouvez amortir votre matériel.
[Français]
Le sénateur L. Smith : Monsieur Lavoie, vous avez mentionné que le gouvernement devra chercher des catégories d'équipement pour accroître ces crédits.
M. Lavoie : De ces taux de dépréciation. On pense plus particulièrement à la classe qui inclut tous les équipements de télécommunication et d'informatique. On croit également que tout l'équipement utilisé pour la R-D devrait faire partie d'un traitement fiscal spécial.
Le sénateur L. Smith : Et vous avez déjà envoyé cette demande?
M. Lavoie : Oui. Cela fait toujours partie de nos soumissions prébudgétaires, depuis les trois années que je suis avec CMI, maintenant. Et on revient à la charge aussi avec cela cette année.
Le sénateur L. Smith : Quelles recommandations pourriez-vous nous faire pour améliorer la loi?
M. Lavoie : Ce qu'il nous reste à faire, c'est de bien comparer les systèmes canadien et américain. C'est très difficile de les comparer. Comme je l'ai déjà dit, le système américain est basé sur les industries, donc pour une industrie du secteur automobile, ce sera un certain taux, tandis qu'au Canada, ce sera par classes d'actifs. C'est difficile de comparer. Ce qu'on va essayer de faire, c'est de prendre certains types d'équipements les plus achetés au Canada et aux États-Unis, et de voir, pour différentes industries, comment ce sera traité aux États-Unis et au Canada. Et si on se rend compte qu'au Canada, on a un désavantage, par exemple, si on se rend compte que sur les modèles traditionnels de dépréciation, cela prend cinq ou sept ans de plus au Canada qu'aux États-Unis pour déprécier 100 p. 100 de la valeur, il y aurait peut-être lieu de penser que ce n'est pas qu'un enjeu national, mais c'est un enjeu d'avoir un level playing field entre les États-Unis et le Canada, parce que les États-Unis sont un compétiteur à ce point de vue. Et ils veulent également attirer de l'investissement. Le reshoring ne se fait pas qu'à partir de la Chine, ça peut l'être également à partir du Canada.
[Traduction]
Le président : On me dit qu'il pourrait y avoir un vote; c'est un préavis d'une heure. Je vais m'informer du moment pour nous. Le voyant vient juste de s'allumer; nous aurons donc probablement le temps de finir cette partie particulière.
Le vote est à 16 h 20. Nous pourrons même commencer à entendre les experts suivants, puisque nous avons presque fini ici. Merci, Mme Cook, de votre présence.
[Français]
Monsieur Lavoie, vous allez rester ici et on pourra continuer sur un autre sujet.
[Traduction]
Pour ceux qui aimeraient trouver la section, elle se trouve à la page 82 du projet de loi. C'est la partie 3, section 9, titrée Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et le sujet dont nous parlerons est celui des travailleurs étrangers.
[Français]
Nous poursuivons notre étude de la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.
[Traduction]
Au cours de cette deuxième heure de l'après-midi, nous examinerons la section 9 de la partie 3, en commençant à la page 82 du projet de loi. Cette section porte sur les modifications proposées à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et porte particulièrement sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires du gouvernement du Canada.
Nous souhaitons une fois de plus la bienvenue à Martin Lavoie, directeur des politiques, Productivités et innovation des Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Nous vous avons relégué au côté de la table; je m'en excuse. Nous accueillons aussi Christopher Smillie, conseiller principal, Relations gouvernementales et affaires publiques du Département des métiers de la construction. Bienvenue, M. Smillie. Enfin, nous accueillons Karl Flecker, directeur national du Service des droits de la personne et de la lutte contre le racisme, du Congrès du travail du Canada.
Je vous invite à nous présenter chacun toute déclaration préliminaire que vous auriez au sujet de cette initiative particulière indiquée à la page 82 et les pages qui suivent du projet de loi. Monsieur Smillie, voulez-vous commencer?
Christopher Smillie, conseiller principal, Relations gouvernementales et affaires publiques, Département des métiers de la construction : Bien sûr, c'est une bonne idée. Je ne suis pas sûr si je suis à la gauche ou à la droite de M. Lavoie, ou si je suis à la droite ou à la gauche de M. Flecker, mais nous verrons comment les choses évoluent.
Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Aujourd'hui, je représente les métiers de la construction canadiens. Nous représentons 14 syndicats de la construction, soit plus d'un demi-million de travailleurs de métier spécialisés au Canada, et près de trois millions aux États-Unis.
Nous sommes les gens qui construisons et entretenons le Canada; nous sommes ceux qui formons 80 p. 100 des apprentis canadiens, et nous sommes ceux qui construisons les gros projets de ressources naturelles au pays. Nous construisons l'infrastructure, les routes et à peu près tout ce que vous pouvez imaginer.
Le marché de la main-d'œuvre au Canada est à une croisée des chemins. Il y a une quantité définie d'investissements et d'occasions dans notre pays. Parallèlement, nous faisons face à d'importants changements démographiques. Un nombre plus élevé que jamais de travailleurs prendra leur retraite au cours de la période de 2013 à 2018. ConstruForce Canada estime que nous aurons un écart négatif d'environ 157 000 travailleurs face à la demande. C'est le moment idéal d'établir le cadre stratégique qui nous permettra de saisir cette énorme occasion.
Aujourd'hui, je vais vous présenter mon opinion du projet de loi C-60 et, plus particulièrement, des portions du budget qui modifient le PTET. Il fait partie des outils qu'utilisent les Ressources humaines pour régler le problème des pénuries dans certains secteurs de l'économie canadienne.
Avant d'entrer dans le cœur du sujet, j'aimerais préciser ce qui suit : nous avons utilisé le programme avec nos partenaires entrepreneurs et propriétaires d'entreprises de construction dans le secteur de la construction lourde pour répondre à la demande en recrutant des travailleurs de métier de la construction américains qui étaient au chômage, et cela a fonctionné raisonnablement bien jusqu'à présent. Nous avons facilité l'entrée et la sortie temporaires de milliers de nos membres des États-Unis quand il n'y avait pas de Canadiens pour accomplir le travail.
Ces membres travaillent avec nos membres canadiens en Alberta et partout ailleurs pour résoudre le problème de la main-d'œuvre. Dans notre secteur de l'économie, nous collaborons avec nos employeurs pour trouver des travailleurs venant de n'importe où ailleurs au pays avant de contribuer à faire entrer des Américains. Nous avons même maintenant des soudeurs irlandais au sein de nos effectifs en Alberta.
Ce programme est un outil complémentaire de RH dans le domaine de la construction. Ce n'est pas la solution miracle aux pénuries de travailleurs spécialisés, mais c'est un petit pansement visant à guérir les « bobos » — comme dit ma fille de 18 mois — du marché du travail.
Les mesures budgétaires décrites dans le projet de loi C-60 semblent assez raisonnables pour ce qui est d'améliorer l'intégrité du PTET. Dans le projet de loi C-60, certaines des mesures sont appliquées par la loi, et certaines par le règlement. Je parlerai de toutes ces mesures aujourd'hui.
Les mesures comme les frais d'utilisation pour les avis relatifs au marché du travail sont parfaitement logiques, et serviront à décourager les employeurs de faire des demandes qu'ils n'utilisent pas ou n'ont pas l'intention d'utiliser. Il arrive souvent dans l'industrie que les AMT servent de police d'assurance garantissant que la main-d'œuvre sera disponible pour un grand projet. Les contribuables ne devraient pas assumer le coût de ce genre de choses.
Une amélioration des activités de recrutement des employeurs ici au Canada est une mesure importante. Nous devons aider les employeurs canadiens à faire la transition vers l'utilisation d'une main-d'œuvre canadienne. C'est un aspect important de ce qui a été annoncé dans le budget. Si ce changement est réel et concret, nous l'appuyons.
Pour aider les employeurs à faire une transition vers une main-d'œuvre canadienne, il faut se concentrer sur la formation des Canadiens. Nous aurions aimé que cette mesure comprenne la condition : « Si vous vous prévalez du Programme des travailleurs étrangers temporaires, vous devez aussi recruter et former des apprentis. » Il ne faut pas que ce programme serve à éviter de former des Canadiens, un point c'est tout.
En revanche, il y a un aspect pratique important. Si nous amenons des travailleurs étrangers temporaires pleinement qualifiés du Michigan, de la Californie et de New York, ce que nous faisons à court terme, les employeurs peuvent alors envoyer des apprentis travailler avec ces personnes pleinement accréditées. Sans des compagnons, vous ne pouvez avoir des apprentis sur le chantier.
Ensuite, il y a le retrait de l'exigence de la connaissance d'une langue étrangère. C'est l'exigence : « Vous devez parler le mandarin pour travailler à ce projet. » Cela éviterait les problèmes comme celui qui s'est produit à la société HD Mining, et nous appuyons cette mesure.
Nous ne sommes pas tout à fait heureux, par contre, de la façon dont les changements sont indiqués, tant dans le document du budget que dans la législation. Vous verrez dans le mémoire que j'ai distribué que nous ne sommes pas certains de ce que l'annulation de l'avis relatif au marché du travail accéléré signifiera pour les personnes qui arrivent pour les gros projets de fermeture d'usine. Un des autres témoins a parlé des grandes raffineries. Ces fermetures d'usine exigent le travail de 2 000 à 3 000 personnes. L'annulation de l'AMT accéléré a créé une certaine incertitude parmi nos communautés d'entrepreneurs et de propriétaires, mais nous continuerons à travailler avec CIC et RHDCC à ce sujet. Nos employeurs et propriétaires, comme Syncrude, Suncor et la Compagnie pétrolière Imperial, ont utilisé ce programme d'une façon responsable pour combler des pénuries graves de travailleurs de métier spécialisés.
Je viens tout juste de recevoir de CIC les chiffres de 2012 concernant les entrées de travailleurs de métier spécialisés que nous représentons. Le nombre s'élève à 6 900, la plupart étant des travailleurs hautement qualifiés que nous représentons. Et ce nombre est encore plus bas que celui de 2008.
Le secteur de la construction compte environ 1,3 million de travailleurs. Les 6 900 personnes viennent principalement des États-Unis. Ce sont essentiellement des soudeurs, des monteurs de structure en fer et des monteurs de conduites de vapeur. Ce n'est pas étonnant, car nous avons de graves pénuries de ce genre de travailleurs.
Je vous remercie de cette possibilité de prendre la parole.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Lavoie, aimeriez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
M. Lavoie : Oui, et je peux être bref.
Je vous remercie de m'accueillir ici. Nos membres appuient pleinement l'objectif déclaré par le gouvernement, à savoir que les entreprises au Canada devraient recruter des Canadiens d'abord, dans la mesure du possible, et qu'aucun abus du Programme des travailleurs étrangers temporaires ne sera toléré. Des sondages auprès de nos membres révèlent que le recrutement de travailleurs étrangers est le dernier recours pour les entreprises et ce, en raison de l'incertitude des procédés, du temps qu'il faut pour obtenir les travailleurs appropriés, des ressources requises et du coût global de la démarche. De fait, cela peut coûter à une entreprise jusqu'à 10 000 $ pour traiter la demande d'un travailleur étranger temporaire et jusqu'à six mois pour amener un travailleur dans le pays. Cependant, nous estimons aussi que le programme est crucial pour aider la croissance économique canadienne et qu'il est possible de l'améliorer de sorte qu'il réponde aux besoins de l'industrie, du gouvernement et des employés.
Recruter des travailleurs canadiens n'est pas toujours possible. Un récent sondage mené par le Conseil canadien de mutation d'employés révèle que seuls deux Canadiens sur 10 seraient disposés à aller travailler dans une autre province, même si on leur offre une augmentation salariale de 10 p. 100 et le remboursement de tous leurs frais de déplacement. C'est la réalité à laquelle l'industrie canadienne est confrontée. La mobilité de la main-d'œuvre est limitée, de même que l'offre de travailleurs qualifiés au Canada. En outre, de nombreux emplois ne se trouvent pas dans de grands centres urbains où les gens veulent aller, ou ne sont pas des emplois qui attirent des Canadiens.
En ce qui concerne plus précisément le budget, cela ne surprendra personne que nous appuyions fortement la subvention canadienne pour l'emploi qui a été introduite dans le budget. Nos trois dernières soumissions prébudgétaires recommandaient fortement que le gouvernement crée un crédit d'impôt visant à appuyer la formation de nouvelles recrues et à augmenter le niveau des compétences des employés existants.
Bien que nous appuyions les efforts du gouvernement visant à apporter des améliorations appropriées au programme, nous nous inquiétons de la manière dont les frais d'utilisation seront gérés pour les avis relatifs au marché du travail au titre du projet de loi C-60. La section 9 de la partie 3 déclare que la Loi sur les frais d'utilisation ne s'appliquera pas aux frais imposés aux AMT. Bien que je n'aie pas encore reçu confirmation des représentants officiels, je suppose que cela signifie que le gouvernement ne consultera pas les intéressés au sujet du montant des frais. Ils ne sont pas tenus de s'assurer que des normes de service sont liées aux frais. Il n'y aura pas d'évaluation des répercussions, ni de dépôt ou de publication des nouvelles structures de frais, et cetera. MEC et l'industrie dans son ensemble acceptent, en général, qu'il est raisonnable de payer des frais d'utilisation, mais pas dans ces conditions.
La Loi sur les frais d'utilisation a été créée particulièrement en raison de l'abus des frais d'utilisation que font les ministères et organismes gouvernementaux qui s'en servent comme moyen de créer des revenus supplémentaires pour défrayer des coûts plutôt que de trouver des moyens plus efficaces d'offrir les services, ou de travailler avec l'industrie pour établir des frais d'utilisation raisonnables.
À notre avis, cette disposition constitue un triste précédent, et nous recommandons fortement que les frais imposés pour les avis relatifs au marché du travail ne soient pas exemptés de la Loi sur les frais d'utilisation.
Je répondrai aux questions avec plaisir.
Le président : Je suis heureux que vous ayez mentionné l'exemption des frais d'utilisation. Nous en parlerons davantage.
Karl Flecker, directeur national, Service des droits de la personne et de la lutte contre le racisme, Congrès du travail du Canada : Le Congrès du travail du Canada est l'organisation qui chapeaute 52 organismes, plus de 130 conseils syndicaux et plus de 3 millions de travailleurs dans tous les secteurs du pays. Je vous remercie en leur nom de cette occasion de présenter notre apport.
Bien que je sois heureux d'être ici, je dois dire que je suis déçu du processus de consultation pancanadien que le gouvernement a mené au sujet des réformes. Ce fut des séances mises sur pied à la hâte qui ont ignoré ou restreint les critiques et les propositions de remèdes que la main-d'œuvre a exprimées à l'égard des politiques. Ce fut des invitations de dernière minute adressées à une liste d'intéressés très restreinte qui a penché considérablement en faveur des employeurs et des associations sectorielles. Ce fut des délais de réponse extrêmement courts et un nombre limité de places pour des questions stratégiques complexes.
Avant de venir, j'ai parcouru rapidement la liste des consultations à St. John's, Calgary, Regina, Vancouver et Halifax. Il y avait deux voix représentant la main-d'œuvre; toutes les autres étaient des associations sectorielles ou des groupes d'employeurs.
J'ai apprécié recevoir cette invitation du greffier hier soir à 17 h 30. J'ai été chanceux d'ouvrir mon courriel à 4 h 30 ce matin et de pouvoir refaire mon horaire.
Nous devons faire mieux. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires est défectueux. Ce programme a pris des proportions épiques en un laps de temps très court et il n'est doté d'aucune mesure significative de surveillance ou d'authenticité visant à responsabiliser les employeurs, les recruteurs de main-d'œuvre ou les consultants en immigration sur le plan des abus. Ce programme a le potentiel de servir d'outil de suppression de la rémunération, et il a le potentiel de faire supplanter des membres de la main-d'œuvre canadienne.
Cette reliure énumère 33 000 employeurs qui ont reçu une réponse positive à un avis relatif au marché du travail entre le 1er juin 2010 et le 13 juin 2012. C'est un document de 90 pages énumérant des milliers d'employeurs qui ont réussi à obtenir un avis relatif au marché du travail accéléré pour des travailleurs migrants hautement qualifiés. Et pourtant, bon nombre des employeurs cités dans ce document exploitent des restaurants-minute, des stations-service et des dépanneurs. Tim Horton a, à lui seul, 112 franchises mentionnées ici. La plupart des gens admettraient que ce sont là en général des emplois moins qualifiés. C'est malheureux, et c'est une preuve, en partie, de ce qui est défectueux.
Passons maintenant aux frais d'utilisation. Le CTC appuie les mesures qui imposent des frais d'utilisation aux employeurs, aux recruteurs et aux consultants en immigration qui veulent accéder au PTET. RHDCC consacre environ 35,5 millions de dollars par année au traitement des demandes d'AMT, ou 342 $ par demande d'AMT.
Le ministre Kenney a déclaré à la fin du mois d'avril que la mise en place de frais d'utilisation et d'avantages facturés vise à servir de dissuasif financier pour certains employeurs qui ont eu recours à ce programme de façon répétitive et, dans certains cas, intensément.
Le CTC enjoint le gouvernement d'établir des niveaux de frais qui permettront l'atteinte de l'objectif stratégique. Cependant, le fait de permettre l'exemption des frais d'utilisation, si je comprends bien, permettrait au gouvernement d'établir les niveaux de frais qu'il veut. Le montant des frais doit être suffisamment élevé pour qu'il ne soit pas traité simplement comme un inconvénient minime du coût des affaires.
Il faut tenir compte du coût de reconstitution des ressources humaines. Les employeurs bénéficient des investissements des autres pays au chapitre de la formation, des compétences et des capacités des gens qui viennent travailler temporairement au Canada. La création d'encouragements financiers pour une meilleure utilisation des membres de notre main-d'œuvre nationale peut prendre la forme de droits d'accès qui tiennent compte des coûts de reconstitution des ressources humaines que les autres nations ont formées.
L'établissement de frais d'utilisation et d'avantages facturés doit aussi tenir compte des mécanismes permettant de s'assurer qu'ils ne seront pas transmis aux travailleurs migrants. En ce qui concerne la suspension des AMT et le retrait de permis de travail, il y a certains employeurs de mauvaise foi, certains recruteurs de main-d'œuvre sans scrupule et même certains consultants en immigration dont le travail est douteux qui profitent du Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada. Poursuivons-les. C'est une bonne stratégie.
Quelles mesures a-t-on prévues pour protéger la travailleuse migrante qui, sans l'avoir voulu, n'a pas menti dans sa demande? Ce n'est pas la personne qui impose des frais illégaux ou excessifs. Qu'arrive-t-il à la travailleuse qui a fait un emprunt et a accepté de voyager de la Thaïlande à Halifax pour travailler dans une installation de traitement du poisson, et découvrir que son contrat d'emploi est un faux?
Retirer les AMT et les permis de travail pourrait nuire injustement aux travailleurs migrants. Cependant, prendre le temps de vérifier si un manque de main-d'œuvre ou de compétences est authentique, si un employeur est fiable et si des efforts réels ont été faits pour recruter à partir du million de Canadiens sans emploi ou des trois millions de sous- employés, tout cela exige de la rigueur. C'est impossible à faire en 10 jours.
Nous vous prions d'envisager des mesures stratégiques qui pénaliseront ceux qui font un abus du programme, et non pas ceux qui tentent d'améliorer leur vie.
Le président : Monsieur Flecker, merci beaucoup. Chers collègues, nous avons 12 minutes. Nous avons convenu d'aller jusqu'à cinq minutes avant quatre heures. Cela nous donne 25 minutes pour nous rendre au vote. Commençons les questions.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Me confirmez-vous ce que vous venez de dire? Comment Tim Horton pourrait-il embaucher des travailleurs étrangers alors que M. Lavoie nous dit qu'il faut six mois pour en avoir un et que cela coûte 10 000 $?
J'essaie de comprendre la rentabilité d'engager un travailleur étranger alors qu'en fin de compte, ces travailleurs travaillent au salaire minimum. J'essaie de mettre les morceaux en place.
M. Lavoie : Dans notre secteur, on parle souvent de travailleurs qualifiés. Dans le secteur aéronautique, on en parlait tantôt, on parle souvent d'ingénieurs en design, des choses comme ça. Souvent, la compagnie va devoir engager un agent pour faire du recrutement dans d'autres pays, souvent des pays émergents où on connaît mal la culture. On parle de famille à ce moment-là, pas seulement une personne. Si ce sont des travailleurs moins qualifiés, cela va peut- être beaucoup plus vite.
La sénatrice Hervieux-Payette : Ma question s'adresse à tous les témoins. Le montant dont on parle ne semble pas être très arrêté. Il y a tellement de flexibilité chez le ministre, ce n'est pas le même montant pour tout le monde. Est-ce qu'on paie différents montants — je parle au ministère — pour procéder à la demande? Est-ce un coût uniforme pour tous les travailleurs quel que soit leurs compétences?
M. Lavoie : Dans mon cas, je parlais de toutes les dépenses associées.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je parle strictement de ce qu'il en coûte au ministère pour procéder à une demande. On me dit qu'il y a un montant facturé par le ministère. Souvent, cela dépasse de beaucoup la dépense du ministère. Cela devenait un moyen de financement du ministère. On n'est pas tous là-dessus, on s'entend.
M. Lavoie : Pas dans ce secteur-là.
[Traduction]
La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur Smillie, la structure des frais est-elle la même pour tous les travailleurs étrangers?
M. Smillie : J'ai cru comprendre du secteur de la construction que dans notre univers, un employeur doit fournir le transport et l'hébergement pour toute la durée du contrat d'emploi. Je ne saurais dire ce qu'il en est dans le secteur de la vente au détail ou des travailleurs peu qualifiés. M. Flecker a davantage d'expérience dans ce domaine. Dans notre secteur, les employeurs qui utilisent le programme paient beaucoup d'argent pour amener des gens d'ailleurs dans le monde.
Dans nos négociations avec les entreprises, quand nous signons des conventions collectives, nous essayons d'obtenir les mêmes avantages pour les Canadiens quand il faut les faire venir du Nouveau-Brunswick ou de Terre-Neuve. Parlons d'avantages de voyage pour les Canadiens également.
Je ne pourrais pas me prononcer sur les autres secteurs.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je sais qu'il y a des coûts. Pour moi c'est un coût. « Frais » désigne ce que le gouvernement exige pour traiter la demande.
M. Smillie : À l'heure actuelle, il n'impose pas à l'employeur des frais de demande d'AMT. Les employeurs ont carte blanche pour cela. Cependant, cela coûte manifestement au gouvernement des ressources pour le faire.
M. Lavoie et moi-même pouvons ne pas être d'accord quant à la structure des frais. Nous croyons que la formule des frais d'utilisation est une formule équitable.
La sénatrice Hervieux-Payette : Ne pensez-vous pas que si nous imposons un droit de 900 $ par visa aux personnes qui veulent immigrer, nous devrions imposer, peut-être pas 900 $, mais au moins 450 $, pour chaque AMT? Il faut procéder à une vérification de sécurité et s'assurer que la personne qui vient est capable d'assumer les fonctions du poste.
M. Smillie : J'aimerais faire une distinction. Nous ne serions pas d'accord que les frais soient transmis aux travailleurs. Nous croyons qu'il serait équitable que l'employeur, qui est l'entité juridique, les assume. Je tiens à être clair.
La sénatrice Hervieux-Payette : Moi aussi.
M. Smillie : Établissez un droit qui est équitable et transparent, ainsi que le même pour tout le monde. Je doute que nos employeurs et les entreprises pour lesquelles ils travaillent s'y opposent.
Le président : Monsieur Smillie, êtes-vous conscient du fait que ce projet de loi prévoit une exemption pour les frais d'utilisation, ce qui n'était pas le cas précédemment? Ils n'étaient pas précédemment exemptés.
M. Smillie : Je suppose que les frais seront autres que ceux autorisés par la Loi sur les frais d'utilisation. Ils seront peut-être plus élevés.
Le président : Les parlementaires ont bien pensé la Loi sur les frais d'utilisation afin d'éviter une imposition indirecte. Seuls les coûts seront couverts. Or, ceci en permet l'exemption.
M. Smillie : Bon.
Le président : Nous disons faites-nous confiance, nous produirons notre propre petit plan.
M. Flecker : Une ou deux autres choses encore. J'ai rencontré ce matin une délégation du gouvernement singapourien venue ici s'informer de notre Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons regardé de près leur structure tarifaire pour les recruteurs. La leur s'élève à un peu moins de 1 000 $ pour la demande de participation au programme. Ils ont sciemment établi des frais élevés afin d'encourager les demandes légitimes.
Comment fait-on de l'argent dans le cadre de ce programme particulier? Le nombre des travailleurs peu qualifiés qui ont obtenu des permis de travail temporaire est rapidement monté en flèche. Pour faire de l'argent là-dessus, il faut procéder comme dans le cas de Regina, en Saskatchewan, où un employeur, un ancien officier de la GRC, propriétaire de la franchise, a fait venir des travailleurs du Mexique, leur paie le salaire minimal, leur fournit le logement puis met six travailleurs dans son sous-sol à 600 $ chacun. Voilà une belle façon de faire de l'argent.
J'ai aussi dans mes dossiers le cas d'un recruteur de main-d'œuvre en Inde qui dit là-bas que nous avons une pénurie de tailleurs de pierres, une très grande pénurie. Pour le maigre prix de 600 $ par personne, vous pouvez obtenir votre AMT. Il n'y a aucune pénurie de tailleurs de pierres au Canada, mais c'est un bon moyen de faire de l'argent.
Une société à Windsor, en Ontario, a admis — ce que j'ai sur enregistrement — qu'elle accumule des travailleurs au moyen de fausses demandes d'AMT dans l'espoir d'obtenir un contrat, et elle fait payer aux travailleurs les droits de traitement.
Il y a ici de nombreuses possibilités d'augmenter votre revenu avant d'avoir à payer réellement des salaires. Nous avons vu, à mon bureau, avant que je ne vienne ici, un autre cas de ce genre. C'est assez courant.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Flecker, vous venez de renforcer ma détermination de surveiller ce programme. C'est peut-être un petit pansement là où une grande opération s'impose.
Monsieur Smillie, comment vérifiez-vous les titres de compétences?
M. Smillie : Au Canada, les titres de compétences relèvent des provinces. Par exemple, un travailleur de Chicago présente ses titres de compétences au gouvernement de l'Alberta ou à une autre province. Ce gouvernement peut évaluer les titres de compétences du travailleur par comparaison aux titres de compétences des Canadiens dans son territoire; ensuite, il prend une décision. C'est un système compliqué au Canada parce que nous avons deux séries de titres de compétences. Nous avons les licences, comme une licence d'électricien, et nous avons les titres de compétences volontaires, comme ceux des maçons.
Ce n'est pas difficile dans les métiers volontaires, parce qu'on ne peut comparer les métiers volontaires à rien. C'est plus difficile dans le monde des licences, parce que si vous n'avez pas les bons titres de compétences, vous pouvez causer une explosion.
La sénatrice Ringuette : Tout à fait.
M. Smillie : Nous n'avons pas bien fait les choses. Nous aurions pu faire mieux en comparant les titres de compétences à ceux d'autres pays.
Seuls quatre ou cinq pays au monde ont un système d'apprentissage ou de titres de compétences comme celui du Canada. Voilà bien longtemps que j'essaie de convaincre RHDCC que nous avons besoin d'une grille exhaustive mondiale qui peut dire qu'un monteur de conduites de vapeur du Royaume-Uni peut travailler dans une province et pas dans une autre. Mais nous n'en sommes pas encore là. Quand on va aux États-Unis, c'est encore plus compliqué. Certains États n'émettent pas de licences ou de titres de compétences pour quoi que ce soit. Le monteur de conduites de vapeur de Chicago peut avoir exercé son métier pendant 32 ans, mais c'est tous les antécédents dont il peut se prévaloir. Aux États-Unis les titres de compétences descendent même parfois jusqu'au niveau municipal. C'est complexe.
Le Canada se doit de vérifier les titres de compétences quand il s'agit des travailleurs d'autres pays. C'est laborieux, long et ennuyeux, mais les risques de faire sauter quelque chose sont réels.
La sénatrice Ringuette : J'ai lu qu'il y avait de nombreux faux curriculums vitæ, et c'est pourquoi j'ai posé la question.
Le président : Citez la question pour le procès-verbal, si vous le pouvez.
La sénatrice Ringuette : Je crois comprendre que vous reconnaissez tous trois le besoin des travailleurs étrangers temporaires. Le mot magique est exactement cela, « temporaires ». Je vois dans l'industrie des métiers que vous pourriez avoir besoin d'un visa temporaire de neuf ou 10 mois, et non pas d'un visa de quatre ans renouvelable. Le nombre total actuel de travailleurs étrangers temporaires au Canada se situe entre 800 et 900. Nous avons un gros problème. Il est vrai qu'il y a du nouveau dans ce projet de loi, mais sapristi, nous ne pouvons pas continuer ainsi.
Le président : Nous vous prions de réfléchir à ce commentaire et nous communiquerons avec vous pour voir si nous pouvons nous rencontrer plus tard. Malheureusement, nous ne savons jamais quand nous devons voter au Sénat, et notre devoir premier est d'être présents pour le vote; et nous avons un vote dans 25 minutes.
Je dois donc mettre fin à cette séance. J'aimerais remercier M. Smillie, M. Lavoie et M. Flecker de leur présence. Il y a d'importantes questions que nous aimerions continuer à examiner. Nous entrerons en rapport avec vous pour voir ce qui peut être organisé.
(La séance est levée.)