Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 42 - Témoignages du 5 juin 2013 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 5 juin 2013
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 14 heures, en séance publique, pour étudier la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en oeuvre d'autres mesures.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 14 heures pour étudier la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en oeuvre d'autres mesures.
[Traduction]
Mesdames et messieurs les sénateurs, il s'agit de notre neuvième séance portant sur le projet de loi C-60. Cet après- midi, nous examinerons la partie 3, section 1, articles 62 à 103, qui commence à la page 43, et qui concerne les modifications apportées aux tarifs douaniers.
Nous avons avec nous M. Ron Bonnett, président de la Fédération canadienne de l'agriculture; nous accueillons M. James Laws, directeur général du Conseil des viandes du Canada; et nous accueillons Mme Karen Proud du Conseil canadien du commerce de détail qui nous a déjà aidés auparavant. Elle est vice-présidente, Relations fédérales gouvernementales au sein de son organisation. Enfin, nous accueillons M. Mike Moffatt, économiste et professeur adjoint à la Richard Ivey School of Business de l'Université Western. Merci à tous de votre présence.
Nous pourrions peut-être commencer par M. Laws et aller dans ce sens si cela convient à tout le monde. Nous vous demandons habituellement de nous faire un bref exposé afin de décrire l'intérêt de votre présence ici, et plus particulièrement votre opinion sur le projet de loi dont nous sommes saisis. J'inviterai chacun d'entre vous à faire une brève déclaration préliminaire avant de passer à une période de questions-réponses.
Vous avez la parole, monsieur.
James Laws, directeur général, Conseil des viandes du Canada : Bonjour. L'administration centrale du Conseil des viandes du Canada se trouve ici, à Ottawa. L'industrie de la transformation de la viande est l'élément le plus important du secteur de la transformation alimentaire au Canada, et représente des recettes évaluées à plus de 24 milliards de dollars ainsi que près de 70 000 emplois. Le secteur de la transformation de la viande du Canada ajoute de la valeur aux animaux vivants nés et élevés dans les fermes canadiennes, offre un débouché essentiel sur le marché, et contribue à la viabilité de milliers d'éleveurs de bétail.
Je suis ravi de vous faire part de mes brèves observations concernant le projet de loi C-60. On nous a demandé de centrer nos observations plus précisément sur la partie 3, section 1, articles 62 à 103.
L'industrie canadienne de la viande appuie la proposition du gouvernement de prolonger le Tarif de préférence général et le Tarif des pays les moins développés établi en 1974. La section 1, et les articles 62 et 63 de la partie 3 modifient les tarifs douaniers afin de prolonger de 10 ans et demi, à savoir jusqu'au 31 décembre 2024, les dispositions concernant le traitement tarifaire préférentiel du Canada pour les pays en développement et les pays les moins développés. C'est une voie dans laquelle doit s'engager le Canada, car les tarifs préférentiels visent à accroître les recettes issues des exportations et à promouvoir le développement économique des pays en développement et des pays les moins développés.
Cependant, nous n'avons pas d'observations à formuler sur les articles 64 à 103 de la section 1, qui visent à réduire les taux de droits de douane dans le cadre des traitements tarifaires pour un certain nombre de biens dans le domaine des vêtements pour bébés et de certains équipements sportifs et athlétiques importés au Canada à partir du 1er avril 2013.
Bien que cela ne fasse pas partie du projet de loi C-60, nous pensons que vous aimeriez peut-être savoir ce que nous pensons de l'avis du gouvernement du Canada publié dans la Gazette du Canada, partie 1, du 22 décembre 2012, en ce qui a trait aux modifications proposées au Tarif de préférence général du Canada. Nous appuyons l'intention du gouvernement de modifier la liste des pays bénéficiaires et de retirer de la liste d'admissibilité au Tarif de préférence général, le 1er juillet 2014, les 72 pays qui ont vu leurs recettes ainsi que leur compétitivité s'accroître.
Le gouvernement modifiera la liste des pays bénéficiaires en retirant de la liste d'admissibilité au Tarif de préférence général les pays qui ont été classés deux années consécutives comme des économies à revenu élevé ou à revenu moyen selon la dernière classification du revenu de la Banque mondiale et, deuxièmement, qui représentent une part des exportations mondiales égale ou supérieure à 1 p. 100 pendant deux années consécutives selon les dernières statistiques du commerce de l'Organisation mondiale du commerce.
Nous croyons comprendre que le gouvernement prévoit réévaluer les pays restants tous les deux ans, et c'est une excellente chose.
Nous appuyons sans réserve le gouvernement du Canada dans ses efforts visant à éliminer les tarifs en ouvrant un plus grand nombre de marchés à nos produits, particulièrement les produits de viande canadiens, et en diversifiant nos échanges au moyen d'accords commerciaux réciproques, comme l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada et le Partenariat transpacifique. À notre avis, la perte, pour certains pays, de leur admissibilité au régime de préférence tarifaire généralisé n'entraînera pas d'effets marquants sur la viande.
Pour ce qui est de la viande de porc du Canada, elle est déjà accessible au monde entier sans droits de douane. Pour le bœuf, le Canada a déjà un contingent tarifaire de 76 500 tonnes en franchise de droits, ainsi que l'accès en franchise de quantités illimitées pour les pays avec lesquels le Canada a conclu un accord de libre-échange, comme le Mexique et les États-Unis.
Les droits canadiens à l'importation ont grimpé à 26,5 p. 100 pour le bœuf importé d'autres pays. Les seuls autres pays pouvant exporter leur bœuf au Canada en franchise de droits sont ceux qui sont classés comme étant les pays les « moins développés », et il nous semble que les pays de cette catégorie n'exportent pas de bœuf au Canada.
En ce qui concerne la volaille, les droits d'importation au Canada sont de 238 p. 100 sur le poulet et de 154,5 p. 100 sur la dinde. Les pays admissibles au Tarif de préférence général n'ont pas d'accès privilégié à l'industrie de la volaille du Canada, qui est protégée.
Je vous remercie. Je répondrai volontiers à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Laws. Monsieur Bonnett, vous avez la parole.
Ron Bonnett, président, Fédération canadienne de l'agriculture : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité des finances pour parler du projet de loi C-60 et des changements qu'il propose aux tarifs douaniers.
Je suis le président de la Fédération canadienne de l'agriculture et aussi éleveur de bovins à Bruce Mines, en Ontario, près de Sault Ste. Marie pour ceux qui ne le savent pas.
La Fédération canadienne de l'agriculture est la plus importante organisation agricole du Canada et représente les organisations agricoles générales des provinces, mais aussi des organisations nationales et interprovinciales de produits agricoles de toutes les provinces. Nous représentons ainsi plus de 200 000 agriculteurs et familles agricoles du Canada, qui produisent une grande partie du PIB du Canada.
En mai, j'ai exposé au Comité des finances de la Chambre des communes la perspective générale de notre fédération sur le projet de loi C-60, et voici ce que je lui ai dit. Nous sommes en faveur de l'investissement de 165 millions de dollars dans Génome Canada et de 20 millions de dollars dans Conservation de la nature Canada. Nous appuyons une politique canadienne axée en premier lieu sur la main-d'œuvre, et le Programme des travailleurs étrangers temporaires devrait y contribuer en facilitant l'obtention de la résidence permanente pour les ouvriers agricoles qualifiés. Les modifications au programme devraient réduire au minimum les délais d'obtention d'avis sur le marché du travail pour les secteurs souffrant d'une pénurie de main-d'œuvre et les entreprises qui auront déjà tout fait pour recruter du personnel à l'échelle nationale. Il conviendrait de consulter adéquatement les groupes de travail industries-syndicats en vue de l'élaboration de barèmes de droits de recouvrement des coûts et de la mise en œuvre d'autres changements.
Mes observations, aujourd'hui, se limiteront principalement à l'élimination du Tarif de préférence général pour les pays auparavant admissibles comme le Brésil, l'Argentine, l'Inde, la Chine et la Russie.
A priori, la FCA appuie ce changement, mais elle aimerait être sûre que les changements proposés n'ont pas d'effets négatifs sur les producteurs agricoles du Canada. Le Tarif de préférence général a été établi en 1974 pour permettre aux pays en développement de payer des droits inférieurs à la norme pour exporter leurs produits au Canada. Ce régime tarifaire, et des programmes similaires du G7 et d'autres pays développés visent à favoriser la croissance économique des pays en développement. Le programme a porté fruit. Ainsi, le Brésil, l'Argentine, l'Inde, la Chine et la Russie figurent maintenant au nombre des plus grands producteurs agricoles du monde, chacun d'eux étant en tête des exportateurs mondiaux de nombreux produits.
Ainsi, la Chine se classe en première place, et l'Inde en seconde, parmi les producteurs de céréales. Le Brésil est le plus important exportateur de volaille à l'échelle mondiale, tandis que l'Argentine détient ce titre pour le bœuf.
L'Argentine, le Brésil et la Russie font une concurrence acharnée au Canada sur le marché mondial au plan de produits agricoles comme le bœuf, le blé et le soja, et sont bien placés pour répondre aux besoins alimentaires croissants dans le monde. L'Argentine et le Brésil se sont déjà fait une place sur le marché canadien, où ils ont exporté pour 1,2 milliard de dollars de produits agricoles en 2011. À titre de comparaison, le Canada n'a vendu que pour 77 millions de dollars à leurs marchés respectifs.
L'industrie agricole, dans chacun de ces pays, a mûri et s'est développée à une cadence éclair depuis 20 ou 30 ans. En Inde et en Chine, ce phénomène est attribuable à la forte hausse de besoins de produits alimentaires consécutive à l'augmentation des revenus de la population. Dans le cas du Brésil et de l'Argentine, il a été la conséquence politique publique visant à faire des industries agricoles les catalyseurs de la croissance économique globale.
D'autre part, les producteurs canadiens ont besoin des intrants que fournissent certains de ces pays. Par exemple, les produits génériques de protection des cultures sont souvent importés de certains de ces pays. L'augmentation des tarifs de ces produits pourrait voir des répercussions négatives sur la compétitivité des agriculteurs canadiens.
Il ne faut pas oublier que l'augmentation des tarifs qui découlent de l'élimination du Tarif de préférence général pour ces pays serait neutralisée par les concessions tarifaires que ferait le Canada dans les accords commerciaux bilatéraux ou régionaux conclus avec ces pays. De plus, s'il doit modifier le Tarif de préférence général, le gouvernement devrait judicieusement choisir les lignes tarifaires qu'il devra augmenter afin que le secteur agricole du Canada puisse rester compétitif.
En résumé, la Fédération canadienne de l'agriculture appuie de façon générale la proposition du gouvernement de modifier le Tarif de préférence général, et particulièrement l'élimination du Brésil, de l'Argentine, de l'Inde, de la Chine et de la Russie de la liste des pays admissibles à ce tarif, puisque leurs secteurs agricoles sont bien développés et font directement concurrence aux produits canadiens sur de nombreux marchés internationaux.
Le gouvernement devrait toutefois faire un choix judicieux des tarifs qu'il augmentera afin de préserver la position concurrentielle des agriculteurs du Canada face à ces pays.
Je répondrai volontiers à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Bonnett pour ces commentaires. Je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser, mais nous laissons d'abord la parole à M. Moffatt.
Mike Moffatt, économiste, à titre personnel : Je m'appelle Mike Moffatt et je suis professeur adjoint.
Le président : Un rappel au Règlement?
La sénatrice Hervieux-Payette : Nous n'avons pas le texte de votre intervention. Souvent, quand nous avons le texte, nous pouvons vous suivre. J'essaierai de me souvenir de vos propos et d'avoir des échanges avec vous, si vous voulez bien lire plus lentement. Dans mon cas, vous ne parlez pas ma langue maternelle et il m'est difficile d'écouter l'interprétation en français en vue de pouvoir intervenir plus tard.
Le président : Je dois dire, à la défense de nos témoins qui nous ont tous fourni leurs textes, mais nous n'avons pas eu le temps de le faire traduire. Vous lisez un texte qui a été préparé. Nous avons le texte dans une langue, mais nous le distribuons seulement si nous l'avons dans les deux langues. C'est la conséquence du court préavis que nous vous avons donné quand nous vous avons invités.
Merci beaucoup. Si vous voulez bien tenir compte du commentaire de l'honorable sénatrice et lire un peu plus lentement votre déclaration, ce serait apprécié.
M. Moffatt : Bien sûr. Je devrais renoncer au café.
Je m'appelle Mike Moffatt et je suis professeur adjoint au sein du groupe Affaires, économie et politique publique à la Richard Ivey School of Business. Je m'exprime aujourd'hui à titre personnel parce que l'école où j'enseigne ne défend aucune position en ce qui concerne les changements de tarifs. Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité.
Je suis venu parler de l'élimination des tarifs sur les vêtements pour bébés et les équipements sportifs, proposée dans la partie 3, section 1, articles 62 à 103 du projet de loi C-60. J'appuie sans réserve ces réductions des tarifs.
Ces changements contribueront à resserrer l'écart de prix entre le Canada et les États-Unis qui a fait l'objet de l'excellent rapport qu'a déposé votre comité. Cet écart de prix est d'importance, pour deux raisons, la première étant que les prix au détail plus élevés influent négativement sur le bien-être des consommateurs canadiens. La deuxième, c'est que l'écart de prix stimule le magasinage transfrontalier, ce qui prive le secteur du détail du Canada, surtout quand les écarts de prix sont attribuables au fait que les détaillants canadiens doivent assumer des coûts plus élevés que ceux de leurs homologues américains. La réduction des tarifs règle donc ces deux problèmes.
J'appuie particulièrement la liste des produits visés par cette réduction des tarifs. L'élimination des tarifs sur les vêtements pour bébés est une mesure particulièrement progressiste, car ces vêtements constituent une dépense importante pour les ménages à faible revenu. En ma qualité d'athlète amateur et de père d'un enfant de deux ans, je suis moi-même ravi par ces réductions. J'espère que ces changements seront les précurseurs d'autres réductions tarifaires sur d'autres articles, comme l'équipement sportif et les chaussures de course.
Je crois comprendre que ces changements feront l'objet d'un suivi étroit afin de déterminer qui bénéficiera des réductions tarifaires. Puisque mon témoignage sera inscrit au compte rendu, le moment me semble idéal pour faire part de mes prévisions. L'importateur bénéficiera directement des changements tarifaires puisque c'est lui qui, de par la loi, doit payer ces tarifs. D'autres, néanmoins, pourront profiter en partie de ces économies, notamment, en amont, les fabricants étrangers ou, en aval, les détaillants et les consommateurs. En principe, les fabricants étrangers pourraient profiter de ces réductions comme suit : si on réduit le tarif sur les casques de baseball et la demande augmente, cela pourrait faire augmenter le prix des casques, ce qui bénéficie aux fabricants étrangers.
Ce scénario semble très improbable, dans le contexte des amendements que propose le projet de loi C-60. À l'échelle mondiale, le marché canadien est tout simplement trop modeste pour entraîner ce genre de changements. Bien de ces produits sont fabriqués en Chine, et le Canada ne compte que pour 2,4 p. 100 du marché de l'exportation de la Chine. L'histoire montre qu'il est très difficile de faire porter le fardeau des tarifs aux pays étrangers, alors je ne vois pas pourquoi il en serait autrement ici.
Des entités canadiennes profiteront de ces réductions des tarifs, mais la grande question est de savoir qui : les importateurs, les détaillants ou les consommateurs? Puisque les grands détaillants, bien souvent, sont leurs propres exportateurs, je vais me concentrer sur la question des détaillants en regard des consommateurs.
On peut considérer le tarif, en fait, comme une taxe de vente que paie le consommateur sans le savoir. Les meilleures preuves que nous avons de l'incidence économique des taxes de vente nous viennent d'une étude menée en 1999 par Belsey et Rosen. Ils ont constaté qu'après une période d'ajustement, les modifications des taxes de vente sont intégralement transmises aux consommateurs, bien souvent à un taux supérieur, un phénomène dont il est d'ailleurs aussi question dans le rapport du Sénat.
En fin de compte, ce qui détermine la part de l'augmentation que devront assumer les consommateurs, c'est le niveau de compétition dans le secteur de détail. Les articles comme les casques de hockey et les vêtements pour bébés sont vendus par divers détaillants concurrents, alors on peut s'attendre à ce que les économies soient intégralement ou presque intégralement transmises aux consommateurs et à ce que les prix soient ajustés au cours d'un ou deux cycles de vente. Pour les articles plus ésotériques comme les lance-balles automatiques pour le baseball et les battes de cricket, comme le marché est moins compétitif les détaillants pourraient garder pour eux une part plus importante des économies réalisées. Il ne faut toutefois pas oublier que la concurrence à laquelle font face les détaillants canadiens des régions frontalières est issue du magasinage transfrontalier, ce qui fait que le marché au détail est encore plus concurrentiel qu'il ne le semble.
Ma seule inquiétude, au sujet de la proposition récente portant sur les tarifs, vient d'un article du budget de 2013 et non pas du projet de loi C-60. Les changements au Tarif de préférence général et l'augmentation conséquente de 350 millions de dollars des tarifs font plus que neutraliser les avantages des réductions sur les vêtements pour bébés et les équipements sportifs. Bien que je convienne pleinement avec le gouvernement que le système doit être modernisé afin que les pays comme la Chine et la Corée du Sud ne jouissent plus d'un traitement préférentiel, il peut être modernisé autrement qu'en augmentant les tarifs.
Pour terminer, je ne pense pas que les craintes engendrées par la possibilité que les détaillants utilisent les réductions de tarifs pour accroître leurs profits soient justifiées. Compte tenu du taux élevé de vacance dans le secteur du détail du sud-ouest de l'Ontario et du taux de chômage de 9,6 p. 100 à Windsor, en Ontario, il y aurait lieu de souhaiter, et non de craindre un secteur du détail plus rentable.
Je vous remercie.
Le président : Merci, monsieur Moffatt. Pour conclure, nous avons Mme Proud.
Karen Proud, vice-présidente, Relations fédérales gouvernementales, Conseil canadien du commerce de détail : Je vous remercie. C'est un plaisir pour moi que de revenir témoigner devant votre comité.
Le secteur du détail est le plus important employeur au Canada, puisqu'il emploie plus de 2 millions de Canadiens. Le Conseil canadien du commerce de détail représente plus de 45 000 commerces au Canada. Cette année, le conseil célèbre son 50e anniversaire en qualité de porte-parole du secteur du détail. Cet événement est souligné aujourd'hui dans le cadre de notre conférence annuelle, à Toronto.
Je tiens tout d'abord à remercier le comité pour l'examen attentif qu'il a fait de ce qui motive les différences de prix entre le Canada et les États-Unis. Si ce n'était de votre travail dans le domaine et de vos recommandations relativement au tarif sur les produits, je défendrais très probablement aujourd'hui un point de vue très différent.
Cela étant dit, bien que nous soyons reconnaissants au ministre et à ses fonctionnaires d'avoir éliminé les tarifs sur les vêtements pour bébés et les équipements sportifs, nous n'y voyons qu'un projet pilote. Nous estimons que ce n'est qu'une première étape d'une démarche beaucoup plus vaste pour corriger un régime tarifaire désuet et inutile, et nous sommes déterminés à travailler avec le gouvernement et à démontrer que l'élimination des tarifs est avantageuse pour les consommateurs.
En ce qui concerne le projet de loi lui-même, notre conseil voudrait recommander l'ajout de certains produits à la liste de ceux pour lesquels le projet de loi propose d'éliminer les tarifs. Nous estimons que certains produits y manquent, particulièrement du côté des équipements sportifs. Ce matin, j'ai remis à la greffière une copie de la liste des tarifs qui, à notre avis, ont été omis dans ce projet de loi, dans l'espoir qu'elle serait distribuée, et je vois qu'elle l'a déjà été. J'en remercie la greffière. Le moment est donc opportun pour le Conseil canadien de commerce de détail de demander qu'ils soient ajoutés au projet de loi. Comme je l'ai déjà dit, pour nous, ce n'est qu'une première étape en vue du règlement de la question du tarif.
Le ministre s'est dit prêt à envisager l'élimination d'autres tarifs. Lorsque j'ai comparu il y a deux semaines devant le Comité des finances de la Chambre des communes, je lui ai suggéré de faire un examen des tarifs. Comme ma suggestion a semblé avoir peu d'effet, j'aimerais la faire à nouveau à ce comité-ci.
Il serait, d'après nous, assez simple de faire un examen des 1 400 pages de la Loi sur les douanes de 2013 pour en extraire, ligne par ligne, les lignes tarifaires et déterminer si les articles visés sont produits au Canada. Dans la négative, de l'avis de notre conseil et de nos membres, ces tarifs devraient être éliminés.
Si cela se faisait, le deuxième sujet de préoccupations de notre conseil, dont je veux vous parler — l'examen proposé du Tarif de préférence général — serait largement, voire entièrement, éliminé.
J'aimerais dire quelques mots sur le Tarif de préférence général. Nous comprenons l'objectif stratégique que vise le gouvernement avec cet examen, mais nous nous inquiétons quelque peu de son exécution, de sa portée et des effets négatifs qu'il pourrait avoir sur les consommateurs.
Pour pallier à ces craintes, nous avons demandé quatre choses au gouvernement. Nous avons demandé plus de temps. Nous sommes reconnaissants au gouvernement d'avoir reporté l'échéance de juin 2014 à janvier 2015, mais il nous faut encore plus de temps. Les détaillants mènent des négociations très complexes avec leurs fournisseurs étrangers, et ils ont besoin de plus de temps pour trouver d'autres sources de produits de qualité. Nous avons demandé au moins deux ans.
Nous avons aussi demandé des exonérations sur des produits spécifiques, particulièrement des produits nécessaires aux Canadiens dont il est difficile de trouver d'autres sources. Nous avons donné des exemples, comme celui du thon en conserve, dont les sources seront éliminées de la liste du TPG. Ce produit était une importante source de protéines pour le consommateur canadien.
Nous avons demandé que les règles d'origine pour les produits en provenance des pays les moins développés soient modifiées pour réduire au minimum l'incidence de ces changements sur ces produits, ou à tout le moins pour permettre leur mise en œuvre sur un plus long laps de temps.
Enfin, nous avons demandé que les examens ultérieurs du TPG, qui, pour l'instant sont prévus tous les deux ans, soient faits sur un cycle de 10 ans afin que nos membres puissent avoir quelque assurance d'obtention de produits et conclure des contrats. Imaginez n'être pas sûr qu'après deux ans, les gens avec qui vous avez un contrat puissent encore vous offrir leurs produits au même prix. Selon nous, un cycle d'examen tous les 10 ans donnerait à nos membres la certitude dont ils ont besoin pour leurs transactions avec l'étranger.
Là-dessus, je tiens à remercier le comité de m'avoir permis de soulever ces questions et je suis impatiente de pouvoir répondre à vos questions.
Le président : Nous vous remercions, madame Proud, de contribuer à l'élaboration de notre rapport sur l'écart de prix. Nous avons parlé au ministre quand il a comparu devant nous pour parler du projet de loi, et il nous a dit compter continuer de travailler avec le Conseil canadien du commerce de détail. Nous lui avons demandé si nous pouvions vous le dire, et il a été d'accord. Il s'agit de déterminer si la réduction de tarifs sera transmise aux consommateurs en bout de ligne, comme nous l'espérons. Nous sommes impatients de travailler à nouveau avec vous. Nous réfléchirons à l'élargissement que vous proposez de la portée de notre étude. Merci.
J'aimerais d'abord demander une précision, avant de passer à la liste des sénateurs qui ont indiqué vouloir participer. Au sujet de la date de mise en œuvre, vous parlez de changements au Tarif de préférence général et des pays dont nous avons parlé qui ne bénéficieraient plus de ce tarif. À la suite de vos discussions avec le gouvernement, ce changement n'entrerait en vigueur qu'en janvier 2015. Est-ce bien cela?
Mme Proud : Le 1er janvier 2015, d'après ce qu'a annoncé le ministre.
Le président : En quoi est-ce que cela touche l'élimination de tarifs sur les vêtements pour bébés et les équipements sportifs?
Mme Proud : Cela touche les tarifs en général, mais l'élimination de tarifs sur les vêtements pour bébés et les équipements sportifs vise des produits précis; nous aimerions qu'elle touche tous les produits. Cependant, l'examen du Tarif de préférence général porte sur l'admissibilité de certains pays au traitement tarifaire préférentiel, et lorsque des pays seront supprimés de la liste, il est probable que les tarifs perçus sur les produits que nous importons de ces pays augmenteront.
Le président : Selon vous, est-ce à la même date qu'entrera en vigueur l'élimination du tarif sur les produits spécifiques et de tout autre tarif?
Mme Proud : La date d'entrée en vigueur pour les produits spécifiques est déjà dépassée; c'était en avril.
Le président : C'est bien ce que j'avais compris. Je voulais que ce soit au compte rendu. Il s'agit bien de deux choses différentes.
Mme Proud : Oui.
Le président : Le public s'intéresse à l'élimination des tarifs, en partie en conséquence de vos témoignages devant notre comité, du rapport de notre comité et des mesures qu'a prises le gouvernement.
Mme Proud : Absolument, et nous collaborons avec le ministère des Finances pour faire le suivi des conséquences de cette élimination survenue en avril.
Le président : Nous sommes impatients de travailler avec vous dans ce dossier. Merci beaucoup, et merci aussi pour la liste des tarifs que vous nous avez fournie. Elle a été distribuée à tout le monde dans les deux langues officielles.
Nous allons maintenant passer aux questions.
La sénatrice Eaton : Monsieur Bonnett et monsieur Laws, puisqu'on parle d'agriculture, qu'en est-il de la réciprocité? On entend beaucoup parler d'accords de libre-échange — l'Union européenne, la Corée, le Japon et peut- être même bientôt l'Inde et la Chine. Est-ce que ces pays nous traitent ou nous traiteront comme nous les traitons?
M. Laws : Je peux répondre le premier. Nous l'espérons certainement dans le cas de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne. Nous espérons pouvoir ouvrir l'accès à l'Europe pour les produits du porc et du bœuf, c'est ce que nous souhaitons. Nous percevons des tarifs sur le bœuf, qu'ils souhaitent voir éliminer, et eux aussi en ont. Par conséquent, nous avons des possibilités d'échange, alors nous avons bon espoir.
Le Canada est actuellement en discussion avec le Japon. C'est très intéressant pour nous, puisque nous exportons beaucoup de porc au Japon, et nous aimerions qu'il réduise les tarifs perçus sur notre porc et aussi sur notre bœuf.
La sénatrice Eaton : Qu'en est-il du Brésil et de la Chine?
M. Laws : C'est différent. Il reste des problèmes à résoudre en ce qui concerne les maladies animales et d'autres questions, et on travaille là-dessus. Nous savons, en tout cas, qu'ils nous font une grande concurrence dans le monde. Nous ne voyons pas tellement de possibilités pour nos produits au Brésil, mais pour la Chine, oui.
La sénatrice Eaton : Est-ce en raison de notre système de réglementation ou du fait qu'une partie de notre bœuf contient des hormones? Parlons plus précisément du Brésil et de la Chine, si vous le voulez bien.
M. Laws : La Chine impose certaines exigences que nous efforçons constamment de satisfaire. Elle tend aussi à envoyer des représentants pour approuver chacune des installations. Nous sommes en discussion avec la Chine afin de faire approuver toutes les installations du Canada aux fins d'exportation en Chine. C'est important pour nous. La Chine n'autorise pas quelques-uns des additifs alimentaires que certains de nos agriculteurs utilisent pour favoriser la croissance, et pour lesquels il y a néanmoins une limite internationale de résidus que nous respectons au Canada. On tente toujours de convaincre la Chine de consulter les normes du Codex pour améliorer le commerce. Nous avons d'excellents échanges avec le Japon, qui est pourtant un client exigeant. Nous espérons établir une relation semblable avec la Chine, puisqu'elle représente un énorme débouché.
M. Bonnett : Vous avez parlé de la façon dont nous sommes traités par rapport à nos concurrents. Je pense que les tarifs ne sont qu'un des aspects de la compétitivité. Même si nous nous attardons parfois aux tarifs, de nombreux autres éléments entrent en ligne de compte, notamment les obstacles non tarifaires et réglementaires, qui sont de plus en plus préoccupants. Nous avons encore des problèmes avec certains pays...
La sénatrice Eaton : De notre côté ou du leur?
M. Bonnett : Surtout du leur. Le Canada a clairement indiqué vouloir une réglementation basée sur une approche scientifique et un système d'approbation et de vérification rigoureux. Certains pays, s'ils décident qu'ils veulent élever un obstacle, ont tendance à tout simplement en créer un. L'Inde est l'un des pays ayant recours assez régulièrement à cette approche, et, même avec l'Europe, c'est un des défis qui se pose dans les négociations en cours.
Les mesures de soutien internes de certains pays posent également problème, mais c'est surtout le cas dans la relation entre le Canada et les États-Unis.
Vous parlez de compétitivité, mais cela va bien au-delà du traitement tarifaire préférentiel. Cela concerne aussi le genre d'accord commercial qu'on négocie bilatéralement. Je pense que dans un monde idéal, nous aurions également vu certains progrès être réalisés à l'Organisation mondiale du commerce à l'égard de diverses questions, pas seulement les tarifs, les mesures internes d'appui et d'amélioration et ce genre de choses. Lorsqu'on parle de compétitivité jusqu'au niveau des consommateurs, pour qu'ils en aient pour leur argent, il faut se pencher non seulement sur les tarifs, mais aussi sur certains des autres éléments.
La sénatrice Buth : Merci. J'ai une question semblable à celle de la sénatrice Eaton, que j'aimerais poser tout particulièrement à M. Bonnett. Vous avez dit que vous étiez de façon générale favorable à la réduction des tarifs, du TPG, ou à l'élimination de l'exemption pour le Brésil, la Chine, l'Inde, l'Argentine et la Russie. Vous recommandiez notamment d'étudier attentivement la façon dont les tarifs seraient appliqués. Pourriez-vous nous donner un exemple de ce qui pourrait se produire si on donnait carte blanche? Sur quoi devrions-nous nous pencher?
M. Bonnett : C'est un peu ce que disait Mme Proud, du Conseil canadien du commerce de détail. Dans certains cas, les exemptions pour des produits précis seront nécessaires puisque leurs sources sont limitées. Je pense, par exemple, aux herbicides et pesticides génériques. Nombre d'entre eux sont importés d'Inde, et on n'en fait pas la production au Canada. Si on leur imposait un tarif plus élevé, cela aurait une influence directe sur le coût pour les producteurs canadiens, qui augmenterait. Il faudrait étudier certains articles précis pour envisager une exemption visant certains produits particuliers en raison des répercussions que cela pourrait avoir sur le plan concurrentiel.
Par ailleurs, nous sommes généralement favorables à cette initiative parce que pour l'instant certains de ces pays en tirent un avantage indu du fait qu'ils sont maintenant dotés d'économies développées et solides.
La sénatrice Buth : Ma prochaine question s'adresse à M. Moffatt. En décembre dernier, avant que les changements ne soient annoncés dans le budget, le gouvernement avait tenu des consultations publiques ouvertes sur le programme de TPG afin d'obtenir de la rétroaction d'experts comme vous et d'autres Canadiens sur les changements proposés. Avez-vous présenté un mémoire à cet effet?
M. Moffatt : Non.
La sénatrice Buth : Vous ne l'avez pas fait. Merci beaucoup.
La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai besoin d'explications, puisque je m'occupe des achats à l'épicerie. Pourquoi est- ce que l'agneau de la Nouvelle-Zélande est si peu cher comparativement à celui du Canada? Il a pourtant été transporté sur 10 000 kilomètres, et je considère que c'est du surgelé, mais j'aimerais qu'on m'explique. Est-ce parce que le tarif avantage ce pays? Parce que nous ne savons pas comment produire de l'agneau? Peut-être que M. Moffatt ou M. Laws pourrait me répondre. Je ne comprends pas; il est presque la moitié du prix.
M. Laws : Permettez-moi de vous donner mon opinion, puisque j'ai travaillé en Nouvelle-Zélande en 1981 et 1982 dans le cadre d'un échange international en agriculture, après avoir obtenu mon diplôme de l'Université de Guelph. J'ai travaillé dans une ferme laitière à North Island en Nouvelle-Zélande. Le pays a un énorme avantage concurrentiel, puisque l'herbe y pousse très facilement et que les coûts de production y sont faibles. En outre, le pays s'est doté d'une industrie de pointe en matière de transformation de viande. On y a conçu une technologie permettant de faire durer la viande plus longtemps. La viande fraîche peut être expédiée de la Nouvelle-Zélande au Canada et tout de même avoir une bonne durée de conservation. La qualité est bonne. Le pays a bâti une industrie de classe mondiale. Comme il n'y neige pas, les coûts sont moindres. Les animaux sont toujours à l'extérieur. La Nouvelle-Zélande excelle dans ce domaine.
La sénatrice Hervieux-Payette : Le tarif n'a-t-il donc rien à voir avec tout cela?
M. Laws : Eh bien, non. Je crois que le Canada n'impose aucun droit à l'importation sur l'agneau, et ce, pour tous les pays du monde. Le Canada n'impose pas non plus de droits à l'importation pour le porc, et l'année dernière le Canada exportait 3,2 milliards de dollars de porc dans plus de 125 pays différents. Le Canada, comme la Nouvelle- Zélande, est un chef de file mondial dans la production de porc, et y excelle. Nous pouvons faire concurrence à de nombreux pays dans ce domaine, comme la Nouvelle-Zélande le fait pour l'agneau.
La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai tout de même quelques réserves, parce qu'on entend parler les gens du Québec, et que l'année dernière il en a coûté 450 millions aux contribuables pour ce porc. Oui, nous en vendons beaucoup, mais parfois les ventes se font presque en deçà du coût de production, ce qui m'inquiète sur le plan de la concurrence. On m'a dit que les coûts de production de certains pays européens sont moins élevés, qu'ils ont de meilleurs résultats et arrivent à produire davantage de porcelets, alors qu'ils ont le même climat. Ils ont de la neige dans le nord de l'Europe, et produisent tout de même du porc à moindre coût, sans être subventionnés.
Quel est le problème au sein de notre industrie en matière de coûts? Vous avez parlé du poulet et de la dinde, où les tarifs sont élevés, mais on entend dire que ces deux secteurs sont appuyés par les habitudes alimentaires de nos concurrents. L'agriculture est généralement beaucoup plus subventionnée chez nos concurrents. Peut-être que vous ou que M. Moffatt pourriez me l'expliquer. Lorsqu'on établit une comparaison, il faut tenir compte de tous les facteurs — du coût de production, des subventions accordées par les gouvernements —, donc les discussions avec l'UE soulèvent des préoccupations. Cependant, on a l'impression que c'est soit les consommateurs qui subventionnent le produit en le payant plus cher soit les agriculteurs qui reçoivent de l'aide afin de le produire à moindre coût. Qui déterminera ce qui est juste?
M. Laws : C'est un bon commentaire, et il est certain que les négociateurs canadiens font ces commentaires aux Européens dans le cadre des négociations d'un accès précis à leur marché du porc. Leurs tarifs sur les importations sont relativement élevés, et nous voulons qu'ils éliminent leurs tarifs sur les importations de porcs également, afin que nous puissions livrer concurrence de manière équitable. Vous avez absolument raison.
M. Bonnett : Je reviens à une réponse que j'ai donnée plus tôt : les tarifs ne sont qu'un aspect à examiner lorsqu'on parle de concurrence. Il faut certainement examiner le système de réglementation, de même que les normes environnementales et les normes de soins des animaux. De nombreux facteurs différents peuvent faire augmenter le coût de la production canadienne.
Dans l'exemple qu'il a donné, M. Laws a bien réussi à décrire l'avantage concurrentiel certain de la Nouvelle- Zélande qui profite d'un pâturage à longueur d'année et n'a pas à fabriquer des installations pour conserver le fourrage. Voilà comment la Nouvelle-Zélande a un avantage concurrentiel. Je vous encourage toutefois à acheter l'agneau canadien même s'il est un peu plus cher.
La sénatrice Hervieux-Payette : Celui du Québec est le meilleur; je suis d'accord avec vous.
Le président : L'agneau du Nouveau-Brunswick est bon également.
Monsieur Bonnett, vous avez parlé d'avantage concurrentiel pour la production, mais ils ont aussi des coûts d'expédition que les entreprises canadiennes n'ont pas à payer.
M. Bonnett : Je trouve intéressant que vous souleviez la question de l'expédition. Auparavant, j'ai été président de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, et la crise de la vache folle a touché le pays à ce moment-là. J'ai travaillé avec un groupe qui a examiné les coûts d'expédition d'un conteneur de bœuf en Corée du Sud à l'époque. Il n'en coûte que quelques cents la livre pour expédier une grande quantité de produits sur un navire dans un conteneur réfrigéré. Le volume est tel sur un grand navire que, parfois, on se dit que ça doit coûter une fortune pour expédier aussi loin, mais, parfois, on utilise davantage de carburant avec nos VUS pour aller faire des provisions au marché local. On a parfois tendance à l'oublier dans le cadre des discussions.
Le président : Vous soulevez un bon argument; je vous remercie.
Le sénateur L. Smith : Madame Proud, comment voyez-vous l'évolution de votre relation avec le gouvernement, et comment voyez-vous l'évolution de votre relation avec les détaillants pour ce qui est d'effectuer le suivi des avantages de la mise en œuvre des politiques qui sont entrées en vigueur récemment? Pouvez-vous nous donner une explication de la façon dont vous avez dressé votre liste supplémentaire? Selon vous, à combien se chiffrent les avantages possibles, si vous avez fait une évaluation économique?
Mme Proud : Nous avons envoyé la proposition pour ce projet pilote au ministère des Finances, alors que le comité entreprenait son étude sur les différences de prix entre le Canada et les États-Unis. Dans le budget, nous avons obtenu une partie de ce que nous avions demandé dans le cadre de ce projet pilote, ce qui, j'imagine, correspondait aux attentes. Toutefois, il comportait ce que nous avions demandé, c'est-à-dire des équipements sportifs et du matériel pour les enfants.
Depuis l'annonce, nous travaillons en étroite collaboration avec les fonctionnaires du ministère, puisqu'ils sont en train de concevoir l'étude qui sera faite sur le terrain au cours des quelques prochains mois pour examiner les changements possibles sur le marché. Nous les avons avertis que le changement ne se fera pas du jour au lendemain parce qu'au moment où les tarifs ont été éliminés en avril, les détaillants avaient des entrepôts remplis de stock. On peut donc s'attendre à ce que les changements se fassent sentir seulement lorsque le stock sera renouvelé ou lors de l'approvisionnement en nouveaux produits saisonniers.
Nous avons identifié un certain nombre de nos détaillants qui participeront à cette étude. Je sais que le gouvernement a récemment émis un appel d'offres et qu'il est tout juste en train de finaliser cette étude. Nous collaborons très étroitement avec le ministère, car il y va de notre intérêt de pouvoir prouver que les économies seront transmises aux consommateurs. Je les ai déjà tous avertis que nous allions demander plus pour le budget de l'an prochain.
Pour ce qui est de notre évaluation des avantages ou des retombées, nous n'avons pas encore vu les changements qu'il faudrait pour pouvoir évaluer la situation. Nous allons beaucoup nous fier à notre travail avec le ministère des Finances pour voir comment les économies sont transmises. Nous allons pouvoir fournir une grosse quantité de données anecdotiques, au fur et à mesure. Il est trop tôt pour dire quels effets économiques ces changements ont eus ou auront, mais nous allons certainement suivre la chose, car il en va de nos intérêts.
Le sénateur L. Smith : Cette liste supplémentaire faisait-elle partie de votre soumission de départ?
Mme Proud : Oui, elle faisait partie de notre soumission originale. Je ne peux pas dire que tous les postes y figuraient, car nous avons parlé des catégories de produits au ministère. Et c'est après, une fois qu'ils ont annoncé la liste complète des tarifs, que nos membres ont revu la liste. Comme je l'ai mentionné, le Tarif des douanes est un document de 1 400 pages et ils l'ont parcouru, article par article, pour voir s'il y avait des éléments manquants, comme les casques de hockey, qui manquaient et qui depuis ont été ajoutés à la liste. Nous avons fourni cette liste au ministère et nous espérons avoir de plus en plus de discussions sur l'inclusion de ces articles, s'ils ne sont pas ajoutés à la liste, à cette étape-ci de l'examen du projet de loi.
Le sénateur L. Smith : Vous avez parlé de la levée du Tarif de préférence général. À quoi faisiez-vous allusion lorsque vous avez fait ce commentaire? Vous avez déclaré qu'il y avait certaines choses que vous aimeriez voir changer à l'avenir. Quelle serait votre prochaine étape dans vos pourparlers avec la Chine ou l'Inde ou un des principaux pays faisant partie du TGP?
M. Laws : Nous avons indiqué que nous pensions que la liste devrait être réexaminée et que nous serions pour un examen tous les deux ans, tel que le gouvernement en a annoncé son intention. Cela nous donne alors l'occasion de négocier avec eux, car nous appuyons également l'élimination de tous les tarifs, mais nous voulons que ce soit réciproque, d'un côté comme de l'autre.
Ce sont là de très grosses économies aujourd'hui. À l'époque, en 1974, il s'agissait de pays en voie de développement et je crois que c'est excellent que le Canada élargisse sa portée pour inclure ceux qui sont encore admissibles à cette classification. Si vous passez en revue la totalité de ces 1 400 pages, nous appuyons le fait de les faire tous passer à 0, car nous pensons que ce serait la meilleure solution pour l'ensemble de l'économie mondiale, pour le commerce.
Le sénateur L. Smith : Avez-vous des commentaires à faire sur notre système de l'offre, par rapport aux négociations avec l'Union européenne? Avez-vous une opinion là-dessus?
M. Laws : Une fois de plus, avec le porc, la situation est ce qu'elle est, mais le Canada n'a déjà aucun tarif et donc, nous dirions aux Européens que nous voulons un commerce équitable. Étant donné qu'ils peuvent exporter autant qu'ils le veulent vers le Canada, il serait juste que ce soit réciproque. Nous pensons qu'il faut que ce soit équitable, c'est tout simplement logique. Il n'y a pas grand-chose à leur donner en contrepartie. Pour ce qui est du bœuf, nous avons un tarif de 26,5 p. 100. Ils ont un tarif supérieur et nous sommes également prêts à éliminer ces tarifs sur le bœuf, comme nous l'avons fait avec le Mexique, les États-Unis et quelques autres.
Le président : Je pense que c'est ce que nous avons fait avec l'Accord de libre-échange nord-américain.
M. Laws : Tout à fait.
La sénatrice Callbeck : Merci à vous quatre pour vos exposés.
Madame Proud, à propos de cette liste que vous nous avez fournie, pourquoi avez-vous ces articles en particulier et pas d'autres? Je crois que vous avez dit que vous appuieriez cette liste s'ils n'étaient pas fabriqués au Canada. Pourriez- vous nous en dire davantage à ce sujet?
Mme Proud : En ce qui a trait à cette liste, lorsque le ministre a annoncé l'élimination de tarifs sur les équipements sportifs, nous considérons que cette liste représente les équipements sportifs qui ont été oubliés et n'ont pas été éliminés. Dans les cas où il n'y a que très peu ou pas de produits fabriqués au pays, nous aimerions que tous les tarifs soient éliminés. Nous avons commencé sous la forme d'un projet pilote, car nous pensions que c'était la meilleure façon de prouver que les économies étaient transmises par le biais des vêtements pour bébés et des équipements sportifs. Bien entendu, notre position serait d'élargir cela pour en faire un projet pilote beaucoup plus large. Toutefois, à court terme, tout du moins, nous aimerions qu'on y ajoute le reste de ce qui constitue à nos yeux des équipements sportifs qui auraient dû être inclus dans l'élimination qui a été annoncée.
Pour vous donner un exemple précis, lorsqu'il s'agit du sport comme le soccer, ce sont les chaussures qui coûtent le plus cher, mais elles ne sont pas incluses dans la liste des tarifs qui ont été éliminés.
Comme je l'ai dit, nous avons une autre liste qui, à nos yeux, est la liste exhaustive des équipements sportifs et nous l'avons fournie au bureau du ministre.
La sénatrice Callbeck : Certains de ces articles sont-ils fabriqués au Canada, dans une large mesure?
Mme Proud : De tous ceux que nous avons fournis, je sais qu'il y a eu un certain débat au sujet des bicyclettes. Nous avons eu des discussions avec les ministères, sur le fait il y a un petit secteur de fabrication de bicyclettes au Canada qui est un secteur en danger. Nous avons toujours indiqué que nous ne voulions pas affecter le secteur manufacturier canadien, mais que nous aimerions que ces articles soient examinés. À part les bicyclettes, très peu d'articles, dans cette liste, sont fabriqués au Canada. Plus précisément, nous savons que dans le domaine de la chaussure, de façon générale, les articles ne sont plus fabriqués au Canada.
La sénatrice Callbeck : Je ne sais pas si vous l'avez dit, mais le Conseil canadien du commerce de détail a déclaré que l'élimination du Tarif de préférence général entraînera une augmentation de 3 p. 100 des marchandises provenant des pays affectés.
Mme Proud : La différence entre le Tarif de préférence général et le tarif de la nation la plus favorisée, est de l'ordre de 3 à 3,5 p. 100. Si les détaillants ne sont pas capables de trouver d'autres sources pour leurs produits, à ce moment-là le prix de détail des produits provenant des pays bénéficiaires du TPG et qui seront enlevés de la liste augmentera probablement de 3 p. 100. Toutefois, il y a beaucoup de « si » à ce sujet; c'est-à-dire s'ils ne peuvent pas trouver d'autres sources ou ne peuvent pas négocier des ententes différentes, mais en moyenne, il y a environ une différence de 3 p. 100 entre le TGP et le tarif de la nation la plus favorisée.
La sénatrice Callbeck : Avez-vous fait des études pour voir ce que cela signifierait pour une famille moyenne composée de quatre personnes?
Mme Proud : Nous n'avons pas les ressources suffisantes pour faire ce genre d'analyse économique. Ce que nous sommes en train de faire, c'est d'identifier les produits pour lesquels nous pensons réellement qu'il n'existe aucune autre source d'approvisionnement et pour lesquels l'effet sera réel, car il s'agit de produits communément utilisés. Nous sommes en train de dresser une liste des produits que nous demanderons au gouvernement d'exempter de ces changements ou pour lesquels nous demanderons un report de la mise en œuvre de certains de ces changements afin de minimiser les conséquences pour le consommateur canadien.
La sénatrice Callbeck : Monsieur Laws et monsieur Bonnett, vous appuyez tous les deux les mesures que propose le gouvernement. Quel sera le résultat pour une famille canadienne de quatre personnes? Ces mesures vont-elles influer sur le montant de sa facture alimentaire?
M. Laws : Nous croyons que non. Nous avons examiné plus particulièrement le cas de la viande, et nous ne croyons pas que cette mesure aura des répercussions. Le Tarif de préférence général n'offre aucun avantage dans les différentes catégories de viande, il n'y aurait donc pas de changement.
M. Bonnett : C'est effectivement le cas pour la viande, mais il faut tenir compte de ce que l'on pourrait souhaiter éliminer ou non les tarifs appliqués à certaines catégories de produits. J'ai donné l'exemple des produits pour la protection des cultures qui pourraient venir de l'Inde. J'ai dit que nous pourrions souhaiter appliquer une exemption spéciale à de tels produits, toujours dans le but de conserver notre compétitivité.
La sénatrice Callbeck : Monsieur Moffatt, vous avez parlé des bénéficiaires de ces mesures, qu'il s'agisse des consommateurs, des détaillants ou des grossistes. Vous avez dit que cela dépendra principalement de la concurrence.
Avez-vous cherché à savoir quel a été le résultat dans d'autres pays qui ont pris des mesures semblables? Que s'est-il passé dans ces pays?
M. Moffatt : Je n'en connais pas qui aient pris de telles mesures. Ce qui est intéressant, entre autres, dans ce que feront Mme Proud et le gouvernement, c'est qu'il n'existe pas beaucoup d'études sur les répercussions sur les prix de vente au détail, surtout celles provenant d'une diminution des tarifs. Dans mon exemple, j'ai parlé des taxes de vente. Quand les taxes de vente sont modifiées, le changement se répercute dans la même mesure sur les prix. Mais il existe très peu d'études sur les tarifs et leurs effets sur les prix de détail.
L'un des vrais avantages de cette mesure d'essai est qu'elle permettra aux économistes comme moi de recevoir beaucoup de nouvelles données à examiner. J'espère pouvoir rédiger quelques publications universitaires. Personnellement, je suis ravi de ce changement.
La sénatrice Callbeck : Estimez-vous qu'un tarif constitue une taxe?
M. Moffatt : Foncièrement, c'est le cas. C'est une taxe payée par l'importateur; mais l'importateur transférera une partie de cette taxe à d'autres. Selon les forces du marché, la taxe sera transférée en amont ou en aval. Mais en fin de compte, c'est bel et bien une taxe.
La sénatrice Callbeck : Qu'en pensent les autres témoins?
M. Laws : Comme je l'ai déjà dit, le Conseil des viandes du Canada est en faveur de l'élimination de tous les tarifs. Nous sommes des libre-échangistes, et nous estimons que c'est le but à atteindre en bout de ligne.
La sénatrice Callbeck : Considérez-vous qu'un tarif est une taxe?
M. Laws : Nous n'avons vraiment jamais réfléchi à la question sous cet angle, mais puisque le tarif recueilli est versé dans les coffres du gouvernement du Canada, cela ressemble à une taxe.
M. Bonnett : On pourrait cependant considérer aussi que c'est un outil pour instaurer une certaine discipline dans le marché. Comme je l'ai dit précédemment, il y a d'autres facteurs en cause. Il y a le soutien du marché national et il y a aussi d'autres obstacles non tarifaires. Le tarif peut parfois servir de facteur équilibrant pour éviter que notre commerce se retrouve sans protection.
Du point de vue des principes, nous reconnaissons que l'élimination des tarifs serait une bonne chose, sous réserve que ces autres facteurs soient pris en compte. Dans le cas qui nous occupe, toutefois, il faudrait éviter d'accorder un avantage indu aux pays qui bénéficiaient d'un tarif préférentiel mais qui sont devenus, dans les faits, des pays développés.
Mme Proud : Nous avons parlé de taxe dans les documents publics et nos détaillants la perçoivent certainement comme une taxe. Il s'agit de frais ajoutés aux produits qu'ils achètent. Vous pouvez utiliser le mot que vous voulez, nous souhaitons nous en débarrasser.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vais continuer un peu dans la même veine. En ce qui concerne l'abolition du concept des tarifs ou encore en regardant cette liste que vous nous avez soumise, madame Proud, êtes-vous au courant de la réduction de revenu pour le gouvernement que cette liste que vous nous avez proposée implique? Au total, avez-vous une idée?
[Traduction]
Mme Proud : Nous n'avons pas évalué cette liste en particulier. Je peux vous dire que dans notre première proposition pour le projet pilote, qui était beaucoup plus importante que ce que nous avons obtenu, le ministère des Finances m'a dit qu'il s'agissait de plus de 700 millions de dollars de revenus annuels. Nous avons présenté une demande plutôt ambitieuse, je suppose. Ils l'ont réduite à 72 millions de dollars et nous sommes reconnaissants de pouvoir réaliser ce projet pilote. Je suppose que les éléments qui figurent sur la liste sont plutôt marginaux jusqu'à ce qu'on arrive aux chaussures de sport. Il n'y a presque aucune fabrication nationale, et pourtant elle représente un revenu important pour le gouvernement. Mais ce sont eux qui pourraient vous informer concernant les chiffres exacts.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vais poursuivre dans la même veine. Ma question s'inscrit dans un contexte d'équilibre budgétaire. À court terme, si on avait accédé à votre demande et que vous mettiez les chaussures du ministre des Finances pour un instant, qu'auriez-vous suggéré comme augmentation pour équilibrer le budget?
[Traduction]
Mme Proud : Nous croyons certainement que l'élimination des droits de douane maintiendra les dollars canadiens au Canada ainsi que les dépenses canadiennes au Canada. En contrepartie, nous voyons actuellement plus de circulation de part et d'autre de la frontière. À l'heure actuelle, au niveau des impôts perçus, bien que nous n'ayons pas toutes les ressources à notre disposition pour faire le calcul, je crois qu'il s'agit d'une partie des revenus que le gouvernement perdrait en éliminant les droits de douane. Je crois que le ministre lui-même a dit qu'il était disposé à envisager l'élimination d'un plus grand nombre de tarifs. Je crois qu'il nous revient de démontrer que les économies acquises seront transmises aux consommateurs. Ensuite, comme je le prétends souvent, nous allons demander quelque chose de bien plus important lors du budget de l'année prochaine. À ce moment-là, nous aurons les preuves pour démontrer qu'il est clair que les économies sont transmises aux consommateurs.
Nous n'avons pas offert de solution pour le budget, mais nous croyons que les fonds demeureraient au Canada tandis qu'actuellement ils se déplacent de l'autre côté de la frontière.
La sénatrice Bellemare : Votre réponse me semble bonne.
[Français]
M. Laws : Je crois aussi qu'une question qu'on devrait poser serait : quels sont les coûts pour le gouvernement de tous les employés qui sont engagés pour collecter ces frais? J'ai entendu quelqu'un dire à un moment que, en effet, si le Canada éliminait toute cette bureaucratie, des coûts substantiels seraient réduits.
La sénatrice Bellemare : Je crois que, au total, dans le rapport que nous avons soumis, si ma mémoire est bonne, l'ensemble de la tarification est d'au moins trois milliards, ce n'est pas six milliards. C'est ce que j'essayais de retrouver, c'est dans notre rapport, nous avions des témoins qui avaient comparu. C'est une baisse des revenus pour le gouvernement d'au moins trois milliards de dollars.
Il est certain que, quand on libéralise, l'activité économique augmente, il y a des rentrées et c'est bon pour tout le monde. Toutefois, à court terme, sur un plan strictement comptable, un ministre des Finances qui veut équilibrer des budgets doit essayer de fonctionner. C'est pour cela que, probablement, la bonne solution est d'y aller avec des périodes de transition. On ne peut pas faire cela du jour au lendemain.
[Traduction]
Le président : Il faudra vérifier les chiffres, car je crois que Mme Proud a indiqué que le gouvernement estimait des réductions de 72 millions de dollars.
Mme Proud : Oui, il s'agit de 72 millions de dollars. Pour l'élimination concernant les équipements sportifs et les vêtements pour bébés, ils estimaient qu'il s'agirait d'une perte de 72 millions de dollars.
Le président : Monsieur Moffatt, à combien estimez-vous l'augmentation des recettes pour le gouvernement suite au transfert de ces pays de la liste des pays bénéficiaires du TPG à une autre liste?
M. Moffatt : Mon calcul était en fait fondé sur un communiqué de presse du gouvernement. Ils estimaient qu'il s'agirait de 330 millions à 350 millions de dollars. C'est la prévision du gouvernement, mais en faisant un calcul rapide moi-même, j'obtiens environ le même montant.
Le président : Bien. Cela pourrait aider la sénatrice Bellemare au niveau des chiffres.
[Français]
La sénatrice Chaput : Je ne crois pas que vous ayez de réponse pour moi, mais je vais quand même poser ma question; elle vient appuyer celle de la sénatrice Calbeck.
Avec l'élimination de ces tarifs, ne croyez-vous pas qu'il y aura certains coûts additionnels pour nos familles canadiennes? J'essaie de comprendre comment cela fonctionne. Est-ce qu'il n'y a pas certains produits, certains secteurs, je ne sais pas comment les appeler, pour lesquels la famille payera plutôt plus que moins?
[Traduction]
N'est-ce pas vrai?
Mme Proud : La réponse la plus simple, c'est oui. Étant donné les changements apportés au Tarif de préférence général, comme je l'ai mentionné, certains produits n'ayant pour source d'approvisionnement que les pays ayant été éliminés, il y aura probablement une augmentation de prix.
Il y a aussi les changements liés au Tarif de préférence général, qui ne comporte qu'une différence d'environ 3 p. 100 par rapport au tarif de la nation la plus favorisée. Il y a un effet de retombée sur la liste des tarifs des pays les moins développés, soit d'autres pays qui profitent d'un traitement tarifaire de 0 p. 100. Si les intrants des produits qu'ils fabriquent proviennent maintenant des pays supprimés de la liste des pays bénéficiaires du TPG, ces produits pourraient ne plus être plus admissibles au traitement tarifaire accordé aux pays les moins développés de sorte qu'ils pourraient passer de produits en franchise de droits à des produits auxquels des droits allant jusqu'à 18 p. 100 seront imposés.
C'est l'effet de retombée qui préoccupe le plus nos membres, parce que la différence peut passer du tarif actuel c'est- à-dire 0 p. 100 à un pourcentage aussi élevé que 18 ou 20 p. 100.
La sénatrice Chaput : Qu'en est-il des appareils électroniques?
Mme Proud : Nous n'avons pas examiné des produits en particulier. Nous nous employons à mieux comprendre ce qui se passe. Je ne sais pas si mon collègue peut répondre à cette question.
La sénatrice Chaput : Je vais vous donner un exemple. Lorsqu'on pense aux familles canadiennes de nos jours et aux enfants qui vont à l'école, tous ont des téléphones cellulaires. C'est un coût assez considérable pour les familles actuelles, mais c'est un style de vie. Alors, qu'en est-il des appareils électroniques?
M. Moffatt : Je peux répondre à cette question. Je pense qu'il n'y a pas de changement pour les téléphones cellulaires. Il y aura des changements pour des appareils comme les iPods, les lecteurs MP3 et les téléviseurs en fonction de leur admissibilité à la protection tarifaire conformément au code 9948, mais ça, c'est toute une boîte de Pandore.
Pour ce qui est des enfants, ce qui me préoccuperait le plus ce serait les bicyclettes, les chariots, les fournitures scolaires, les stylos et ce genre de choses. Les tarifs pour ces produits augmenteront en raison des changements apportés au TPG.
M. Bonnett : Je ne sais pas si on peut dire d'emblée que les prix augmenteront. Comme je l'ai mentionné, si on peut obtenir des approvisionnements d'autres pays qui figurent toujours sur la liste des pays privilégiés, il se pourrait que les prix se stabilisent.
Je pense qu'il faut retourner en arrière. En 1974, c'est un outil qui a été établi pour aider les pays très pauvres à développer leur économie. Si l'on pense au Brésil, à l'Inde et à la Chine, ce ne sont plus ce que l'on appellerait des pays très pauvres. Par conséquent, si l'on veut toujours se servir de cet outil, eh bien il existe toujours avec une prolongation de 10 ans.
Il sera peut-être impossible d'établir un lien direct entre les changements proposés et les augmentations de coût aux consommateurs canadiens. Encore une fois, cela dépend si on est en mesure de trouver un autre approvisionnement pour ces produits.
La sénatrice Chaput : Je comprends, mais vous ne pouvez pas dire qu'il n'y aura aucun effet.
M. Bonnett : Non.
La sénatrice Chaput : Exactement. Merci.
[Français]
M. Laws : Mon opinion personnelle est que beaucoup de Canadiens, aussi, savent qu'il y a souvent des soldes pendant l'année, où un produit peut être vendu à moitié prix. Il y a plusieurs occasions comme cela, lors desquels les Canadiens peuvent s'attendre à voir les produits en solde. En revanche, pour les denrées essentielles comme la nourriture, la viande, nous croyons il n'y aura aucun effet sur le prix pour les Canadiens.
[Traduction]
Le sénateur Wells : J'ai une question pour M. Laws ou M. Bonnett — quiconque est le mieux placé pour répondre.
D'abord, le bœuf constitue-t-il la plus grande exportation de viande du Canada?
M. Laws : Non. En fait, l'an dernier nous avons exporté du bœuf à hauteur de quelque 1,2 milliard de dollars, tandis que les exportations de porc s'élevaient à 3,2 milliards de dollars. Le porc a largement dépassé le bœuf depuis de nombreuses années maintenant.
M. Bonnett : Nous faisons de plus grands efforts.
M. Laws : Je suis d'accord. Nous essayons tous de trouver de nouveaux débouchés et de reprendre les marchés que nous avons perdus.
Le sénateur Wells : Nous en sommes conscients.
Pour ce qui est du porc, quelle serait la différence entre les ventes pour l'exportation et celles pour le marché interne?
M. Bonnett : Je pense que le ratio est d'environ 60-40, c'est-à-dire 60 p. 100 d'exportations et 40 p. 100 pour le marché canadien. Il faut savoir que certains de ces produits passent du côté des États-Unis et peuvent par la suite revenir au Canada.
Le sénateur Wells : Très bien.
J'ai besoin de votre aide sur cette question : Les tarifs baissent, de sorte que le prix final baisse également. Par conséquent, la demande va augmenter et avec cette demande accrue les prix se relèvent. Est-ce essentiellement l'avantage?
M. Laws : Nous disons en fait qu'un grand nombre de produits importés au Canada sont en franchise de droits. Encore une fois, le porc entre en franchise de droits au Canada.
Ce qui importe pour l'industrie de la viande du Canada c'est d'avoir accès à de nombreux débouchés partout dans le monde, parce que différents marchés favorisent différentes parties de l'animal et paient davantage pour ces parties. Ils y accordent davantage de valeur que nous. C'est donc merveilleux si nous pouvons vendre certaines parties de l'animal au plus offrant; c'est à ce moment-là qu'on peut contribuer à assurer que nous obtenons les meilleurs profits et les meilleurs revenus pour les agriculteurs.
Le président : Je n'ai plus d'autres noms sur la liste des intervenants, je vais donc poser quelques questions qui m'aideront à mieux comprendre.
Pendant de nombreuses années, nous avons travaillé à des négociations et à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et l'Organisation mondiale du commerce, ou l'OMC, pour essayer d'arriver à un accord multilatéral mondial en vue de réduire les tarifs. Cela aurait pour effet, si nous en faisions partie et que tous les autres pays signataires étaient d'accord, de réduire nos tarifs, mais nous aurions en contrepartie une réduction des tarifs dans d'autres pays. Ainsi le Canada pourrait augmenter ses possibilités d'échanges commerciaux avec d'autres pays. Étant donné que cela n'a pas bien fonctionné et que nous n'avons pas vraiment été en mesure de terminer les négociations de la ronde de Doha, nous nous sommes plutôt orientés vers une série d'accords bilatéraux. Ces accords bilatéraux signés entre le Canada et d'autres pays présentaient également des possibilités pour les producteurs canadiens parce qu'ils permettraient de réduire les tarifs dans l'autre pays visé si en contrepartie nous réduisions les nôtres. Lorsque nous supprimons la protection tarifaire, l'autre pays le fait également.
Maintenant, nous ne discutons que de la réduction des tarifs sans parler de ce que nous recevons en contrepartie. Est-ce que je me trompe? Lorsque nous réduisons les tarifs sur les vêtements pour bébés, par exemple, et les équipements sportifs, avons-nous négocié pour recevoir quelque chose en échange? Sommes-nous au courant de ce déséquilibre?
Mme Proud : L'une des choses que j'ai mentionnées devant le Comité des finances de la Chambre des communes lorsque j'ai fait un exposé sur le budget il y a quelques semaines c'était que pour notre part, et pour nos membres, nous voulions comprendre ou bien avoir une position claire de la part du gouvernement sur les tarifs, à savoir s'il visait ou non à protéger les manufacturiers canadiens ou s'il s'agissait plutôt d'outil de négociation dans les accords commerciaux. S'il s'agit d'outil de négociation, c'est très bien, mais il est alors important que le gouvernement le dise clairement. S'il s'agit plutôt de protection des manufacturiers canadiens, et c'est ce qu'on nous avait portés à croire jusqu'à maintenant, eh bien, nous estimons alors que notre position visant à éliminer tous les tarifs lorsqu'il n'y a pas de production interne est tout à fait logique.
Le président : Oui. Ces tarifs peuvent découler de deux raisons politiques possibles, il faut d'abord déterminer ce qui est à la source de cette raison politique avant de commencer à réduire les tarifs.
Savons-nous, en ce qui touche ces éléments particuliers qui ont été réduits, si le Canada a obtenu de la part d'autres pays quelque chose en contrepartie de la réduction de ces tarifs ou bien s'il s'agit d'un geste unilatéral de la part du Canada?
Mme Proud : Je ne pense pas qu'il y ait eu de contrepartie liée à ces réductions tarifaires particulières. À notre connaissance, c'est parce que le gouvernement les perçoit comme faisant partie d'un système désuet pour protéger les manufacturiers canadiens, système qui n'existe plus.
Le président : Mais il y a encore de nombreuses négociations en cours. Si la raison politique qui sous-tend ces suppressions vise à vous donner quelque chose à échanger, eh bien, peut-être voudrons-nous garder quelques-uns de ces tarifs.
Mme Proud : Tout à fait. Comme je l'ai dit, nous aimerions tout simplement nous assurer d'être tous sur la même longueur d'onde sur les raisons qui justifient le maintien des tarifs afin que les consommateurs canadiens comprennent qu'ils subventionnent les négociations commerciales pendant toute leur durée avant que les tarifs ne soient éliminés.
Le président : Monsieur Moffatt, avez-vous des observations à cet égard, ou bien M. Bonnett ou M. Laws?
M. Moffatt : Je serais d'accord pour dire que personne ne parle d'éliminer complètement et unilatéralement les tarifs. Il faut être prudents parce qu'une bonne part de ces augmentations de tarifs visent des pays comme la Russie et le Brésil avec lesquels nous n'avons aucune négociation commerciale en cours ni aucune intention de nous lancer dans ce genre de négociations avec ces pays, du moins à ce que je sache. Si l'augmentation du TPG est une façon d'entamer des négociations commerciales, eh bien, je serais en faveur. Je pense que ce serait une bonne chose.
M. Bonnett : Je serais aussi d'accord pour dire que ce que nous constatons relativement aux changements de traitement quant au Tarif de préférence général ainsi que la réduction par rapport à certains produits représente des bribes d'éléments mis en place pour atteindre des objectifs de politiques. Cela ne fait pas partie d'une négociation où on examine ce que l'on peut offrir et ce que la partie intéressée peut nous offrir. Je pense que c'est pour cette raison qu'il est extrêmement important de ne pas laisser tomber complètement ce qui se passe à l'OMC. Nous devons tout de même continuer à mettre une pression dans ce sens, parce que cet organisme ne fait pas simplement qu'établir un cadre de négociation, mais il agit aussi en tant qu'arbitre pour la résolution de certains différends commerciaux. Ce qui est plus important, c'est de continuer d'évoluer de façon dynamique dans la négociation de certains de ces accords bilatéraux. Une des interventions qui aurait une incidence sur certaines des discussions sur le Tarif de préférence général serait les discussions ayant lieu actuellement avec l'Inde, qui représente un immense marché, mais où on doit faire face à un certain nombre de problèmes au-delà des tarifs si on veut faire avancer les choses de sorte qu'il faut établir un cadre de négociation.
Il s'agit de bribes d'éléments ne faisant pas partie d'un cadre de négociation, mais il est de plus en plus important de s'assurer qu'un plus grand nombre possible de ces éléments soient traités dans un contexte de négociation afin que nous sachions ce que nous offrons et ce que nous obtenons en retour.
M. Laws : J'aimerais parler brièvement de ce sujet, du moins en ce qui a trait à l'Organisation mondiale du commerce, nous avons également appuyé ce processus, parce que c'est cet organisme qui traite des subventions à l'exportation, et il est beaucoup plus facile de le faire là que dans des accords bilatéraux. D'autre part, lorsqu'il y a quelques années le Canada a éliminé les tarifs à l'importation sur le matériel de production, cela a unilatéralement aidé le Canada à devenir plus compétitif et productif de sorte que nous étions néanmoins satisfaits.
Le président : Vous avez dit pendant votre exposé, monsieur Laws, que vous appuyiez complètement le gouvernement du Canada dans ses efforts visant à éliminer les tarifs en trouvant d'autres débouchés pour nos produits.
M. Laws : Exact.
Le président : Le fait d'éliminer les tarifs ouvre nos portes à plus d'importation, mais cela n'aide en rien nos exportations, n'est-ce pas?
M. Laws : Au contraire, car il y a des ententes réciproques entre pays. Nous éliminerons nos tarifs si vous éliminez les vôtres.
Le président : C'est précisément ce que je voulais dire. Il faut qu'il y ait réciprocité, sans quoi cela pourrait avoir un effet pervers.
Monsieur Bonnett, vous avez parlé des coûts de recouvrement. Vous avez donné la liste de certains éléments que vous approuviez et qui figurent dans le projet de loi C-60. Vous avez dit notamment que vous voudriez qu'on consulte en bonne et due forme les groupes de travail de représentants de certains secteurs lors de l'élaboration de l'échelle des coûts à recouvrer. En ce qui concerne les travailleurs étrangers, il s'agirait d'établir un critère et de calculer les frais que l'embauche de ces travailleurs représente pour l'employeur potentiel. Vous aimeriez que ces groupes de travail soient consultés. À votre connaissance, y a-t-il déjà eu des consultations?
M. Bonnett : Je sais que certains rapports ont été préparés. Certains groupes de travail sectoriels ont envoyé leurs rapports, mais il faut tenir d'autres discussions avec eux, car il n'y a pas encore de décision définitive quant à l'échelle des droits qui seront perçus.
Le président : Vous connaissez l'existence de la Loi sur les frais d'utilisation. Il s'agit d'une loi qui a été adoptée il y a un certain temps pour garantir que les ministères qui peuvent percevoir ces droits ne les fixent pas au-delà du coût réel que représente le service rendu. Ainsi, ce ne serait pas pour ces ministères une source de recette supplémentaire. Voilà que l'on propose, dans le projet de loi C-60, lever l'assujettissement à la Loi sur les frais d'utilisation. Le saviez-vous?
M. Bonnett : Non, je ne le savais pas. Par contre, il faut dire que le gouvernement, lorsqu'il offre un service, doit s'assurer que c'est fait avec efficacité.
Le président : Je suis entièrement d'accord avec vous. Vous pourrez peut-être développer votre pensée là-dessus. D'autres témoins ici présents sont-ils au courant de cette exemption des dispositions de la Loi sur les frais d'utilisation?
M. Laws : En fait, c'est dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires que le projet de loi C-60 donnerait au gouvernement la possibilité d'être exempté des dispositions de cette loi. Nous avons signalé notre inquiétude à cet égard au Comité des finances de la Chambre des communes. C'est un fait.
Le président : Qu'avez-vous signalé?
M. Laws : Notre inquiétude. Aucun droit perçu par le gouvernement ne devrait être exempté des dispositions de la Loi sur les frais d'utilisation.
Le président : J'en conviens. Étant donné que je n'ai pas eu l'occasion d'en parler avec les principaux intéressés, je vous remercie de vos remarques.
Si je ne m'abuse, M. Laws et Mme Proud doivent donner une entrevue du côté de la Chambre. Nous allons donc vous laisser y aller. Si M. Bonnett et M. Moffatt pouvaient rester encore quelques minutes, je leur en serais reconnaissant, car il reste encore un autre sénateur sur ma liste.
Merci, madame Proud. Nous espérons vous revoir.
Monsieur Laws, merci d'être venu.
M. Laws : C'était avec plaisir.
La sénatrice Callbeck : J'ai une brève question à vous poser.
Monsieur Moffatt, vous avez fait allusion à l'étude réalisée par notre comité sur l'écart des prix entre les États-Unis et le Canada. Si on supprime le traitement préférentiel accordé à certains pays, les tarifs vont augmenter et, sans doute, les prix aussi. À votre avis, cela aura-t-il pour conséquence d'inciter plus de Canadiens que jamais à aller faire leurs achats aux États-Unis?
M. Moffatt : Tout à fait. À en croire le gouvernement, on évalue cette augmentation de tarif à 350 millions de dollars par année — et c'est l'estimation du gouvernement et non pas la mienne —, si bien qu'elle sera absorbée par le consommateur. La différence dans les prix va donc inciter plus de consommateurs de ma région, le sud-ouest de l'Ontario, à aller faire leurs emplettes à Detroit ou à Port Huron.
Le sénateur L. Smith : Monsieur Moffatt, si vous étiez un conseiller ou un décideur, face à des pays comme la Chine ou l'Inde qui bénéficient du TPG depuis 1974, préconiseriez-vous que cela soit maintenu, sachant que l'économie de la Chine est quatre fois la taille de celle du Canada?
M. Moffatt : Non, absolument pas. Cette mesure aurait dû être prise il y a plus de 20 ans. Il est impératif qu'on procède à l'harmonisation, mais pour y arriver, il faut passer d'un taux de taxe inférieur à un taux de taxe supérieur. On aurait dû choisir plus tôt des zones où cela était plus approprié, étant donné l'écart des prix, et réaliser l'harmonisation en rabaissant le taux de la NST pour le ramener à celui du TPG.
La question n'est pas de savoir si la Chine devrait être traitée comme le Japon et Taïwan. En fait, elle devrait l'être. Il s'agit de déterminer comment on peut harmoniser ces taux de sorte qu'on ne cause pas un préjudice indu aux consommateurs canadiens ou au secteur de détail au Canada.
Le sénateur L. Smith : Vous parlez ici de la Chine et de l'Inde. La Chine évidemment peut exporter énormément de produits vers les États-Unis. Là-bas, ces produits peuvent être manufacturés ou assemblés et vendus par la suite au Canada à un prix plus élevé. Il y a 30 ans, la Chine a fait une bonne affaire avec nous et désormais, elle est beaucoup plus prospère. Il y aura désormais une voie indirecte par le biais des États-Unis pour le Canada. Il faut savoir que s'il y a une augmentation des prix, ce n'est pas nécessairement le fait des États-Unis, mais parce que les relations avec la Chine ne sont plus les mêmes en raison de son pouvoir économique.
M. Moffatt : Tout à fait. Il n'est pas logique de continuer à compter la Chine et la Corée du Sud parmi les exportateurs en développement. Leur développement est désormais atteint, et on devrait le reconnaître.
La sénatrice Hervieux-Payette : Vous avez peut-être une opinion sur la façon dont on devrait traiter le problème des mesures de sécurité s'agissant de la Chine et de l'Inde. Récemment, là-bas, des centaines de personnes ont perdu la vie en raison du manque de sécurité dans les usines. Peut-être qu'on devrait modifier le taux si ces pays acceptaient de respecter les codes établis par les Nations Unies ou l'Organisation internationale du travail. Nous semblons bénéficier de prix imbattables, mais il faudrait songer au coût que représente la vie des travailleurs.
Comment, du point de vue d'un économiste, le fait d'inclure un tel facteur pourrait-il aider à remédier à ce problème tragique?
M. Moffatt : Je pense qu'il faudrait prendre des règlements. Le tarif n'est sans doute pas la meilleure façon de procéder à cet égard. Modifier l'échelle des tarifs pourrait en fait aboutir à un effet pervers dans cette région, étant donné que nous relevons le tarif pour l'Inde, mais nous le maintenons pour le Bangladesh. Le tarif des pays moins développés ne change pas du tout, si bien que les importateurs se tourneront peut-être vers les pays qui notoirement ont les pires réputations en matière de sécurité. Je ne sais pas si cette modification, au total, nous amènera à nous approvisionner dans des zones plus sécuritaires ou moins sécuritaires. Effectivement, la sécurité est préoccupante, mais je pense qu'il y a de meilleures façons d'y voir que le recours au régime tarifaire.
M. Bonnett : À propos de la façon dont on pourrait s'y prendre internationalement et également à propos des consommateurs qui font leurs achats au-delà de la frontière, ce TPG a été fixé en 1974 par le G7 et d'autres pays développés. Devant des modifications comme celles-là, il conviendrait de s'assurer d'un appui international, tous les pays agissant en tandem. Ainsi, il n'y aurait pas de différence artificielle entre le Canada et les États-Unis, par exemple. Je pense que certains autres pays développés ont les mêmes préoccupations que nous en ce qui concerne les économies de la Chine, de l'Inde et de la Russie.
Il faut donc que ce genre de modifications passe par une perspective internationale. Si les pays du G7 et du G8 agissaient de façon concertée, on pourrait se débarrasser des différences qui causent le magasinage transfrontalier.
La sénatrice Buth : Nous avons reçu des renseignements de la part d'autres pays, lesquels ont agi il y a des années en supprimant le TPG.
M. Bonnett : Nous leur emboîtons donc le pas.
La sénatrice Buth : Finalement.
Le président : Nous avons parlé tout à l'heure des motifs d'intérêt public qui sous-tendent l'imposition de tarifs. En outre, nous signalons dans le rapport que nous avons produit sur l'écart de prix entre le Canada et les États-Unis, qu'un des motifs est d'alléger le fardeau financier des consommateurs canadiens. Il ne faut pas l'oublier quand nous parlons des divers motifs qui sous-tendent cette politique d'imposition ou de retrait de tarif.
Monsieur Bonnett, même si c'était dans l'exposé de M. Laws, je vous demande de me confirmer ceci. À part le bœuf qui provient de pays avec lesquels nous avons un accord bilatéral, le tarif sur cette viande est de 26,5 p. 100, n'est-ce pas?
M. Bonnett : Il y a des tarifs imposés sur le bœuf importé, mais le bœuf est contingenté.
Le président : En effet, il y a un quota en franchise de 76 000 tonnes. Comment parvient-on à ce quota?
M. Bonnett : Par négociation.
Le président : Je vois. Quand on songe à 26 p. 100, on se dit qu'on est vraiment en train de protéger ce secteur, n'est- ce pas?
M. Bonnett : S'agissant de discussions commerciales, tous les pays du monde adoptent une position d'offensive et une position de défensive. Pendant ces discussions, il faut négocier pour parvenir à une attente. Dans une autre de vos questions, vous avez parlé de ce que l'on obtenait en retour. La question essentielle lors de négociations commerciales est de savoir comment négocier pour obtenir un avantage net pour le Canada, car c'est ainsi que se comportent tous les autres pays à la table.
Il y a des années, on disait que le Canada voulait toujours être bon prince, mais d'un point de vue commercial, nous n'avons plus les moyens d'agir ainsi. Il nous faut être des négociateurs rigoureux afin de garantir que nous obtenons quelque chose en contrepartie de ce que nous cédons.
Le président : Nous avons parlé de la protection de notre production dans certaines zones. Les droits d'importation sur la volaille sont de 238 p. 100. Cela porte à croire que nous essayons de protéger ce secteur, n'est-ce pas?
M. Laws : À ce propos, comme je le disais tout à l'heure, et particulièrement dans le cas de produits agricoles, il faut savoir qu'il ne s'agit pas uniquement de tarifs. Nous sommes voisins des États-Unis et là-bas, on est en train d'adopter un autre projet de loi agricole qui subventionne abondamment les agriculteurs. Dans la réalité, ils devraient supprimer cette aide; ainsi, nous n'aurions pas à craindre une concurrence déloyale.
Il est intéressant de constater que lors des discussions plus tôt aux États-Unis sur le gouffre budgétaire, une des premières approbations a été de reconduire la loi concernant la production de lait qui reposait sur un prix fixé en 1914 et rajusté suivant l'inflation. Il ne faudrait pas que nous nous disions que nous imposons des entraves, alors que tous les autres pays jouent loyalement. Si les autres financent abondamment grâce à l'argent des contribuables, nous ne pouvons pas mettre nos producteurs en péril et les laisser lutter contre le Trésor américain. Au bout du compte, il faut que nous comprenions ce dont il s'agit quand nous négocions et que nous ne cédions pas quoi que ce soit qui puisse mettre notre secteur en péril.
Le président : Le cas du bois d'œuvre est un exemple où l'accord n'a pas été aussi bien ficelé que ce que nous souhaitions, n'est-ce pas?
M. Bonnett : C'est un bon exemple.
Le président : C'est un bon exemple sur lequel nous allons terminer.
Je tiens à remercier M. Bonnett et M. Moffatt d'avoir été des nôtres, ainsi que Mme Proud et M. Laws, qui ont dû nous quitter plus tôt. Merci d'avoir revu les propositions qui figurent dans le projet de loi C-60 avec nous et de nous avoir aidés à comprendre l'incidence qu'elles représentent pour le secteur industriel.
(La séance est levée.)