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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 43 - Témoignages du 12 juin 2013


OTTAWA, le mercredi 12 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, ce soir nous allons commencer notre étude du projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).

[Traduction]

Pour la première demi-heure de cette séance, nous accueillons le parrain du projet de loi, le sénateur Moore. C'est un endroit quelque peu inhabituel pour un sénateur, il sera assis à l'extrémité de la table afin de nous décrire le projet de loi. Sénateur Moore, nous vous remercions de votre initiative. Vous avez la parole pour nous parler du projet de loi S- 217.

L'honorable Wilfred P. Moore, parrain du projet de loi : Mesdames et messieurs, bonsoir. Je tiens à remercier le Comité sénatorial des finances nationales d'avoir permis ce soir l'examen du projet de loi S-217. Il est important pour nous, en tant que parlementaires, d'examiner cette question. Je parlerai rapidement des préoccupations que j'ai concernant les modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques dans le cadre du budget 2007; j'aimerais parler rapidement de la façon dont ces modifications ont été apportées. Le projet de loi S-217 cherche à restaurer le statu quo d'avant 2007.

En 2007, le gouvernement du Canada a déposé le projet de loi C-52, un projet de loi omnibus visant à modifier 25 lois du Parlement, notamment la Loi sur la gestion des finances publiques. Pour ma part — et il s'agit là de mon mea culpa, l'opposition de l'époque, dont je faisais moi-même partie, était principalement préoccupée par les changements proposés à la péréquation et les accords atlantiques. Il s'agissait des questions qui dominaient le débat à notre époque étant donné qu'elles touchaient la région de l'Atlantique ainsi que ma province de la Nouvelle-Écosse. Nous avons omis une modification à la Loi sur la gestion des finances publiques qui prévoyait que « Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à contracter des emprunts pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada. »

Comme le sénateur Lowell Murray, mon collègue de l'époque, l'a indiqué, auparavant, les emprunts du gouvernement devaient être expressément autorisés par une loi du Parlement.

Nous n'avons aucunement été avisés de ce changement. Personne n'a indiqué aux Canadiens qu'ils n'auraient plus leur mot à dire pour ce qui est des emprunts du gouvernement.

Le sénateur Murray a aussi indiqué que ce changement nous est passé sous le nez, ce qui était exactement la tactique employée par ses auteurs — glisser cette mesure alors que l'attention de tous était tournée vers d'autres questions importantes.

Nous savons maintenant qu'il y avait un motif de le faire, car, comme l'a indiqué le ministère des Finances :

Cet ajout important offre plus de transparence et de reddition de comptes que jamais et favorise une gestion financière plus efficace, adaptée et prudente.

Je vous le demande, quel est le meilleur outil permettant d'assurer la transparence et la reddition de comptes si ce n'est notre Parlement? Depuis quand le fait d'empêcher le Parlement d'avoir son mot à dire favorise la transparence et la reddition de comptes? Cela ne va pas dans ce sens. En fait, cela inverse complètement son rôle. Cela donne carte blanche à l'exécutif et aux administrateurs, alors qu'avant, les Canadiens étaient au courant de ce qui se passait.

Ce qui n'est pas transparent et ce qui ne fait l'objet d'aucune reddition de comptes est l'emprunt de près de mille milliards et demi de dollars depuis que ces changements ont eu lieu sans qu'aucune loi ne soit déposée au Parlement et présentée au peuple canadien. Nous savons maintenant ce que signifie une gestion financière « plus efficace, adaptée et prudente. » Cela signifie que le Parlement est perçu comme un obstacle à l'emprunt par le gouvernement et que maintenant, on en informe le Parlement seulement si cela est nécessaire; et il n'est pas nécessaire que les Canadiens sachent quoi que ce soit à ce sujet.

En bref, chers collègues, j'ai entendu les arguments du gouvernement justifiant cette décision. Nous savons maintenant que la surveillance parlementaire ne peut empêcher le gouvernement d'atteindre les objectifs qu'il s'était fixés lorsque les modifications ont été faites en 2007. L'objectif souhaité de déterminer des taux d'épargne et d'intérêt pour les sociétés d'État d'une part et, d'autre part la surveillance parlementaire, ne sont pas des notions qui s'excluent mutuellement. Je ne crois pas que le cadre régissant l'autorisation d'emprunter dans beaucoup d'autres pays doive être pris en compte. Nous nous en sommes bien sortis jusqu'à présent sans nous préoccuper de la façon dont la Nouvelle- Zélande et d'autres pays gèrent leurs emprunts.

Le projet de loi S-217 peut être modifié pour exiger que le rapport sur la gestion de la dette soit déposé dans un délai de 15 jours de la publication des comptes publics du Canada si le gouvernement souhaite davantage de transparence à des fins de rapidité. Cependant, ce rapport est fourni après l'emprunt.

Le gouvernement indique que les changements apportés permettent de mieux gérer les urgences. N'y a-t-il pas de meilleurs moments pour reconvoquer le Parlement? Il est clair à mes yeux qu'il serait tout à fait approprié que le Parlement consacre son temps à l'examen de situations d'urgence. Après tout, n'est-il pas de notre rôle de diriger notre pays que ce soit en période de stabilité ou en situation d'urgence? En outre, les Présidents de la Chambre des communes et du Sénat peuvent convoquer les deux chambres en vertu du Règlement « s'il est considéré que l'intérêt du public l'exige ».

Mesdames et messieurs, notre nation a connu deux guerres mondiales, un grand nombre d'autres conflits et des moments de crises sans avoir à modifier cette disposition de la Loi sur la gestion des finances publiques — sans avoir à empêcher le Parlement de jouer son rôle. Je trouve cette tentative de justifier la suppression de la surveillance parlementaire pour le moins troublante.

Dans notre démocratie canadienne, qui est fondée sur la notion de gouvernement responsable, il est absolument frappant de voir un gouvernement prétendre qu'une « plus grande transparence et une meilleure reddition de comptes » sont nées de la suppression de la convention selon laquelle la Couronne doit obtenir l'approbation du Parlement pour emprunter quelque montant que ce soit de quelque source que ce soit à quelque montant d'intérêt que ce soit. Cela est tout simplement faux.

Au milieu du XIXe siècle, un gouvernement responsable est venu dans les colonies britanniques de notre région. Lorsque le Canada a été créé, la notion de gouvernement responsable faisait partie des négociations. Cette notion est l'essence de notre démocratie. Une fois établie, cela signifie que les ministres de la Couronne ne pourraient plus régner en imposant des décisions arbitraires comme ce fut le cas par le passé. Ils ne sont en poste et ne jouent leur rôle qu'avec le consentement des communes.

Pendant 140 ans, de 1867 à 2007, les gouvernements et les ministres de la Couronne ont compris et ont observé les conventions importantes régissant les emprunts et les dépenses de grandes sommes d'argent. C'est là l'essence même, et le seul objet de ce qui s'est passé à Runnymede en 1215 lorsque le concept de gouvernement responsable a vu le jour pour la première fois. Dans notre démocratie canadienne, qui est fondée sur cette unique et importante convention elle- même fondée sur le principe de gouvernement responsable, il est choquant d'entendre que le gouvernement puisse prétendre qu'une meilleure transparence et une meilleure reddition de comptes soient le résultat du fait d'avoir mis le Parlement du Canada de côté.

J'aimerais conclure mes propos en disant, sur une note quelque peu personnelle, que mon bureau est la salle 229 de l'édifice de l'Est. Auparavant, il fut occupé par sir John A. Macdonald et d'autres premiers ministres, par sir Charles Tupper qui nous a donné l'enseignement public et par Joseph Howe, qui s'est battu pour permettre à la Nouvelle- Écosse d'entrer dans la Confédération et qui était le père du gouvernement responsable. Pendant que je réfléchissais à ma comparution de ce soir, je me demandais ce qu'ils en auraient pensé. Ils sont probablement en train de se retourner dans leur tombe de voir que nous parlons de ce sujet, et de voir que tout ce pourquoi ils se sont battus, et que tout ce qu'ils ont réussi à mettre sur pied a été éliminé par l'insertion discrète de cette disposition dans un projet de loi omnibus sur le budget de 2007.

Je tiens à ce que vous y réfléchissiez. Je pense que c'est mal et je pense que nous devrions remettre la surveillance parlementaire, à savoir le rôle du Parlement de contrôler les finances de l'État, dans les mains du peuple.

Merci.

Le président : Merci, sénateur Moore. Permettez-moi de résumer ce que vous proposez, soit rétablir dans la Loi sur la gestion des finances publiques les deux articles qui en avaient été retirés.

Le sénateur Moore : Oui, monsieur le président.

Le président : Il s'agit du même libellé, donc nous n'avons pas à l'étudier. On rétablit les deux mêmes articles.

Le sénateur Moore : Oui.

La sénatrice Callbeck : Merci, sénateur, d'avoir pris l'initiative de déposer ce projet de loi. Si je comprends bien, depuis les changements adoptés en 2007, il n'y a plus de surveillance parlementaire des emprunts.

Le sénateur Moore : C'est exact.

La sénatrice Callbeck : Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre...

Le sénateur Moore : Le ministre des Finances, oui.

La sénatrice Callbeck : ... à emprunter jusqu'à hauteur d'un certain montant, tel que déterminé par le gouverneur en conseil. J'ai lu quelque part que la limite était de 300 milliards de dollars pour 2013-2014. Le gouverneur en conseil peut-il modifier ce chiffre chaque an, ou deux fois par année? Y a-t-il une limite?

Le sénateur Moore : À ma connaissance, rien ne l'en empêche.

La sénatrice Callbeck : Autrement dit, les Comptes publics du Canada faisant état de ces emprunts ne seront déposés qu'à l'automne 2014.

Le sénateur Moore : Après coup.

La sénatrice Callbeck : C'est à ce moment-là qu'on apprend comment l'argent a été utilisé.

Le sénateur Moore : Oui. On ne sait pas à l'avance combien le gouvernement veut emprunter, ni ce qu'il entend faire de cet argent, ni quelles sont les conditions d'emprunt ou le taux d'intérêt. On ne connaît aucun détail concernant ces emprunts. On ne l'apprend qu'après coup, dans le rapport, mais seulement après coup. Cela ne cadre pas avec notre système de gouvernement responsable.

La sénatrice Callbeck : Non, je suis d'accord avec vous. On ne saurait rien de ces emprunts ou de la façon dont l'argent a été utilisé avant l'automne 2014, lors du dépôt des comptes publics.

Le sénateur Moore : C'est exact, et on obtiendrait aussi le rapport sur la gestion de la dette.

La sénatrice Callbeck : Le ministre des Finances déposait un rapport sur la gestion de la dette dans les 45 jours. Cela a changé.

Le sénateur Moore : Avant le dépôt de la loi en 2007, le rapport sur la gestion de la dette était déposé 45 jours après le dépôt des comptes publics. En 2007, le projet de loi a raccourci cette période à 30 jours. Or, c'est un peu une diversion. Peu importe s'il s'agit de 10, 20, 30 ou 40 jours. Encore une fois, le rapport n'est déposé qu'après que le gouvernement a eu accès aux fonds, sans en avoir informé la population, et il est dépensé. Il n'en rend compte qu'après coup.

La sénatrice Callbeck : Oui, je suis d'accord. En ce qui concerne les rapports, j'aimerais une précision, puisque vous remplacez un article. Le ministre est tenu de déposer un rapport sur la gestion de la dette. Puis, on parle de... S'agit-il de deux rapports différents?

Le sénateur Moore : Oui.

La sénatrice Callbeck : Vous voulez un rapport sur les activités du ministre à l'égard de la gestion de la dette publique, et un autre sur la gestion de la dette publique pour l'exercice financier.

Le sénateur Moore : Le projet de loi vise à rétablir l'obligation du gouvernement, des ministres de la Couronne, de demander au Parlement du Canada, aux Canadiens représentés par ses élus, la permission d'emprunter de l'argent. C'est toujours ainsi qu'a fonctionné notre système.

En fait, en 1994, M. Harper, alors chef de l'opposition, a eu l'occasion à la Chambre des communes de critiquer le gouvernement de l'époque à cet égard. Il n'aurait pas eu la possibilité de le faire si ce projet de loi avait été en vigueur à l'époque. Je trouve intéressant que ce soit son gouvernement qui le fasse.

La sénatrice Callbeck : Avant 2007, le gouvernement devait-il donner son approbation pour emprunter plus de 4 milliards de dollars?

Le sénateur Moore : Oui, c'est exact.

La sénatrice Callbeck : Et c'est ce que vous rétablissez.

Le sénateur Moore : Oui.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup, sénateur, d'être ici ce soir pour expliquer votre projet de loi. Pourriez-vous nous dire comment, selon vous, le gouvernement aurait pu réagir à la crise économique de 2008 si ces changements n'avaient pas été adoptés en 2007?

Le sénateur Moore : Tout d'abord, en 2007, il n'y avait pas de ralentissement économique. Cela s'est produit en 2008. Je peux vous montrer des discours du ministre des Finances de l'époque, M. Flaherty, et du premier ministre, en janvier 2009, qui nient l'existence d'une récession.

Je ne sais pas si celui qui en a eu l'idée au ministère des Finances avait une boule de cristal, mais ce n'était pas nécessaire. Nous avons traversé des crises par le passé. Il suffit de convoquer le Parlement. C'est ce qu'on aurait dû faire.

La sénatrice Buth : Je ne connais pas très bien les règles parlementaires. Peut-on convoquer le Parlement au beau milieu d'une élection? Le Parlement n'est-il pas dissous?

Le sénateur Moore : Le Parlement est dissous, effectivement. Les gens n'ont pas été réélus, mais comme l'élection n'a pas encore eu lieu, ils sont encore députés. Ils le sont jusqu'à ce qu'ils aient été réélus ou battus.

La sénatrice Buth : Je crois que lorsque le Parlement est dissous, il n'existe plus, jusqu'à la prochaine élection.

La sénatrice Hervieux-Payette : Non, il a raison.

La sénatrice Buth : D'accord, il a raison.

Ma question suivante concerne les emprunts consolidés pour les sociétés d'État, ce que vous n'abordez pas du tout dans ce projet de loi. Si celui-ci était adopté, qu'arriverait-il aux emprunts consolidés des sociétés d'État, qui à notre avis permettent au gouvernement d'économiser énormément d'argent?

Le sénateur Moore : Sénatrice Buth, je me souviens que vous ayez dit au Sénat que le gouvernement pouvait emprunter à son taux souverain et ainsi prêter de l'argent aux sociétés d'État.

Ce que je vous réponds, c'est : qu'est-ce qui l'en aurait empêché?

La sénatrice Buth : Mais votre projet de loi n'en parle pas.

Le sénateur Moore : Non.

La sénatrice Buth : D'accord.

Le sénateur Moore : Il rétablit tout ce qui prévalait...

La sénatrice Buth : En 2007.

Le sénateur Moore : En fait, je pense que le gouvernement aurait pu emprunter, comme il le faisait, j'en suis convaincu, avant 2007. Il empruntait de l'argent où il en empruntait, des divers marchés, et fournissait ces fonds aux sociétés d'État, au taux de son choix. Il aurait pu le faire sans ce projet de loi, et les mêmes économies auraient pu être réalisées.

La sénatrice Buth : Puisque je n'ai pas une longue expérience parlementaire, en tant que citoyenne — contribuable —, j'ai l'impression que les choses changent, que les procédures évoluent, que les gouvernements décident de mesures administratives qui varient en fonction des besoins découlant de l'évolution de la situation financière, des programmes sociaux ou autres. Ce qui me pose un peu problème, c'est le principe selon lequel puisque tout a toujours été ainsi, tout doit toujours être ainsi.

Le sénateur Moore : C'est grotesque.

La sénatrice Buth : C'est un peu impoli.

Le sénateur Moore : Il ne s'agit pas d'un vague programme social. Il est question de notre système de gouvernement, de la reddition de comptes du gouvernement envers les Canadiens.

Je ne veux pas dire qu'on décide de changer un programme et que par la suite on vous donne moins. Ce n'est pas du tout cela. Il s'agit du cœur même de notre Constitution, de notre Parlement. Sénateur, c'est l'essence même.

La sénatrice Buth : Je ne suis pas d'accord. Merci.

Le sénateur Wells : Sénateur Moore, merci pour votre exposé et vos réponses jusqu'à présent.

Je vais très brièvement faire suite aux commentaires de la sénatrice Buth sur le besoin aujourd'hui de pouvoir répondre rapidement.

Auparavant, on n'avait pas des logiciels pour gérer les affaires et on ne pouvait pas avancer aussi rapidement qu'on avance aujourd'hui.

Le Parlement ne siège pas tous les jours, et on peut rappeler le Parlement avec suffisamment de temps et de préavis. Pouvez-vous nous parler de la nécessité, dans le monde d'aujourd'hui, de pouvoir répondre rapidement, et de votre argument à l'effet que si le Parlement ne siège pas, il faut pouvoir rappeler le Parlement pour des décisions de ce genre?

Le sénateur Moore : Je suis désolé; je ne comprends pas votre question. Je croyais en avoir parlé, mais...

Le sénateur Wells : D'accord, je comprends. Par exemple, au cours de l'été, lorsque le Parlement ne siège pas, vous dites qu'il faut pouvoir rappeler le Parlement pour se pencher sur des questions financières très sérieuses. Compte tenu du fait que les choses peuvent arriver si rapidement et que les décisions doivent être prises très rapidement pour pouvoir protéger notre économie, comment votre projet de loi répondrait-il à ce besoin de réagir rapidement?

Le sénateur Moore : Le Parlement a déjà dû être rappelé par le passé. On peut rappeler le Parlement. Je ne peux pas penser à une situation de crise qui exigerait un préavis si court. Normalement, lorsque des situations surviennent, le gouvernement et les parlementaires, à la Chambre des communes et au Sénat, ont une idée de ce qui se passe au pays et dans le monde. Il ne s'agit pas de faire quelque chose et de faire revenir tout le monde dans les 24 heures qui suivent. Cependant, nous avons la capacité de faire revenir tout le monde et c'est déjà arrivé. Cela s'est passé dernièrement.

Le sénateur Wells : D'accord, merci. À mon avis, les crises surviennent rapidement, pas lentement.

Ma deuxième question est la suivante : les électeurs ne nous disent pas, au gouvernement : « Consultez-nous chaque fois qu'une décision importante doit être prise. » C'est pour cela qu'on se rend aux urnes, tous les quatre ans ou plus souvent. Comment pouvez-vous nous dire qu'il n'y a pas de reddition de comptes, lorsque ce sont les électeurs qui choisissent qui gouverne et donc, qui prend des décisions pour le pays, y compris le ministre des finances?

Le sénateur Moore : Oui, le ministre des Finances et ses collègues au cabinet prennent des décisions, mais je crois que les Canadiens sont d'avis que tous les représentants qu'ils envoient à Ottawa s'occupent de l'argent de leurs impôts, et pas seulement le cabinet et un ministre. Si vous vous rendiez dans la rue et vous commenciez à demander aux gens s'ils pensent que c'est correct, je ne crois pas qu'ils penseraient que c'est correct, sénateur. Je crois qu'ils diraient qu'ils s'attendent à ce que les gens à Ottawa soient ceux qui prennent la décision finale parce que ce sont eux pour qui ils ont voté.

Ils ne votent pas pour un ministre du cabinet, ces derniers sont choisis. Je crois qu'ils s'attendent à ce que les gens qu'ils envoient à Ottawa assumeraient la responsabilité ultime de protéger leurs intérêts.

Le sénateur Wells : Est-ce que vous êtes en train de dire qu'il devrait y avoir un seuil entre la reddition de comptes et la non-reddition de comptes? Les électeurs choisissent ces gens pour qu'ils puissent prendre des décisions. Ils ne les choisissent pas en leur disant « Venez nous consulter lorsque vous devez réfléchir à quelque chose d'important. »

Le sénateur Moore : Je suis d'accord, mais on a enlevé la partie décisionnelle à laquelle vous faites allusion.

Le sénateur Wells : Ils sont élus pour prendre des décisions.

Le sénateur Moore : En 2007, le projet de loi a enlevé la possibilité pour ces gens qui sont venus à Ottawa de prendre des décisions relatives au trésor public. C'est exactement ce que j'essaie d'expliquer.

Le sénateur Wells : Voici où je veux en venir : Que répondez-vous au fait que tous les quatre ans ils nous disent : « Voici les personnes que nous avons choisies pour prendre des décisions en notre nom? »

Le sénateur Moore : Oui, ils veulent que ces personnes prennent des décisions, mais il faut pouvoir leur donner la possibilité de le faire. Vous ne pouvez pas la leur enlever. C'est ce que j'essaie de dire.

Le sénateur Wells : D'accord, merci beaucoup.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais féliciter mon collègue d'avoir fait preuve de prévoyance en faisant ceci. J'ai d'abord une question. Au début de votre déclaration vous avez dit que 1,3 mille milliards de dollars avaient été empruntés depuis. Compte tenu du fait que nous percevons — j'espère — des impôts, et compte tenu du fait qu'année après année nous dépensons plus de 200 milliards de dollars chaque année pour des programmes, des transferts et ainsi de suite, j'ai essayé de faire le calcul. Comment a été utilisée la somme de 1,3 mille milliards de dollars empruntée? En avez-vous une idée? Y a-t-il une justification? Il s'agit d'un montant énorme d'argent.

Le sénateur Moore : C'est un montant énorme.

La sénatrice Hervieux-Payette : L'argent que nous recevons des contribuables est supposé aider à gérer tout l'appareil, que ce soit le gouvernement ou les sociétés de la Couronne, mais où est passé l'argent?

Le sénateur Moore : Je crois que tout ce que je peux vous répondre, sénatrice, c'est de chercher la réponse dans les comptes publics.

La sénatrice Hervieux-Payette : D'accord.

Le sénateur Moore : Je ne sais pas quoi d'autre...

Le président : Notre prochain groupe de témoins comprend des représentants du ministère des Finances et de la Banque du Canada qui pourront peut-être nous éclairer.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai cru que peut-être on pourrait le savoir puisque qu'il nous avait donné ce chiffre. Je faisais un calcul très approximatif. Il s'agit d'une période de six ans avec un peu plus que 200 milliards par année, ce qui est beaucoup d'argent chaque année.

En ce qui me concerne, j'appuie fortement ce projet de loi parce que je crois qu'il faut faire la distinction entre l'exécutif, qui est en place pour exécuter les décisions, et le Parlement, auquel il doit rendre des comptes.

Si je suis une entreprise et je me rends à la banque, il faudra bien évidemment que j'explique pourquoi j'ai besoin d'argent, comment je vais l'obtenir et comment je le rembourserai par la suite.

Dans ce cas-ci, c'est la même chose. Lorsque nous demandons des fonds supplémentaires, nous devons expliquer à quelle fin ces fonds seront utilisés. Vous vous souviendrez peut-être, monsieur le président, que nous avons parlé de dépenses que nous ne pouvions pas trouver et nous nous sommes rendu compte que l'argent était déjà dépensé mais ne figurait pas dans le budget. C'était dans le Budget supplémentaire des dépenses que nous avons reçu il y a quelques semaines. Il y a une réserve de fonds. D'accord, il y a une réserve. Seriez-vous d'accord pour dire qu'ils pourraient peut- être augmenter le montant de la réserve sans qu'ils aient besoin d'emprunter sur demande, sans présenter de justification au Parlement?

Le sénateur Moore : Eh bien, je...

La sénatrice Hervieux-Payette : Pour des dépenses inattendues.

Le sénateur Moore : Il y a une réserve de 4 milliards de dollars dont ils peuvent se servir. Je ne peux pas m'imaginer que ceux qui gèrent l'économie se retrouveraient dans une telle situation. Je crois que si le gouvernement va emprunter de l'argent, il devrait se présenter devant le Parlement du Canada pour en demander la permission.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je suis ici depuis un certain temps et je dirais à mes nouveaux collègues qu'il ne faut que 24 heures pour rappeler le Parlement. Cela peut se passer très rapidement. Nous sommes ici jusqu'à ce que nous prenions notre retraite, et à l'autre endroit jusqu'à ce qu'un nouveau député soit élu, donc il n'y a pas d'écart de temps. Il n'y a pas de vide qui fait en sorte que le gouvernement ne peut soudainement plus fonctionner. Il faut avoir des circonstances spéciales. Étant donné notre façon de gérer, j'espère que nous ne découvrirons pas du jour au lendemain qu'il manque 20 milliards de dollars et que nous en avons besoin immédiatement. Il s'agit de 250 milliards de dollars. Je suis en faveur du projet de loi parce qu'il s'agit d'un montant énorme d'argent et parce que le gouvernement doit rendre des comptes au Parlement, et le Parlement représente le contribuable.

Nous sommes tous responsables d'une partie de cette dette. Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Moore : Oui. Absolument.

La sénatrice Hervieux-Payette : Essayez d'expliquer au contribuable canadien que le gouvernement peut emprunter à sa guise un montant d'argent illimité. Revenons où nous en étions. Si le gouvernement a besoin de plus d'argent que le montant approuvé dans le budget, et qu'il y a une réserve de 4 milliards de dollars, alors il peut revenir nous voir.

Le sénateur Moore : Exactement. Il peut revenir pour nous expliquer la situation. On ne peut pas permettre un tel manque de responsabilité et de transparence. Ce n'est pas du tout logique.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je n'accepte pas l'argument à l'effet que les circonstances changent. Sérieusement, il ne s'agit pas d'un petit montant d'argent. Je n'ai entendu aucune justification à l'époque. Je suis d'accord avec vous et j'ai siégé au comité. Il fallait chercher très loin dans ces gros projets de loi sur le budget, et nous n'avons pas vu ce montant. Je m'en rends compte maintenant, grâce à vos réflexions, que nous avons probablement été inspirés par l'ancien premier ministre. Nous avions un bon système; pourquoi l'avons-nous changé? Je dis toujours que mieux vaut tard que jamais, donc j'appuie complètement votre initiative.

Le sénateur Moore : Merci.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Sénateur Moore, vous êtes conscient que le Parlement adopte annuellement le budget des dépenses du gouvernement. Le Parlement adopte le budget, donc les revenus et les dépenses. C'est la reddition de compte que le gouvernement fait auprès des citoyens dans le cadre de ces deux exercices. Actuellement, le Parlement adopte toutes les dépenses faites dans le cadre du du Bdget principal des dépenses et des Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C), et après on adopte le budget du ministre des Finances; votre projet de loi implique que toutes les transactions liées à la gestion de la dette devraient également être adoptées devant le Parlement. Est-ce que j'ai bien compris?

[Traduction]

Le sénateur Moore : Mon projet de loi vise à redonner à la Chambre des communes le droit de surveiller les dépenses publiques dans le cas où lorsque la Couronne, représentée par le Cabinet et le ministre des Finances, veut emprunter de l'argent, elle soit obligée de se présenter devant les Canadiens, le Parlement du Canada, pour expliquer pourquoi et pour en demander la permission. Cela a été retiré en 2007. Tout ce que vous dites à part ça est bien beau, mais la plupart de ces choses se passent après. Ils ne se présentent pas pour demander l'argent.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Chaque année, dans l'annexe du budget, on retrouve la stratégie de gestion de la dette du gouvernement. Dans le dernier budget, on voyait que le total de la dette contractée sur les marchés au Canada par le gouvernement fédéral était de l'ordre de 648 milliards de dollars. Certainement que, durant une année, beaucoup de changements sont apportés dans la gestion de cette dette. Des dettes viennent à échéance, d'autres sont reprises. On peut faire des échanges entre les bons du trésor, les obligations négociables et la dette extérieure. Ne pensez-vous pas que, puisqu'il faut aller devant le Parlement pour toutes les transactions supérieures à quatre milliards de dollars, on enlève beaucoup de flexibilité au gouvernement et sans que cela n'augmente nécessairement la transparence puisque tout cela est présent dans les documents officiels qui sont déposés?

[Traduction]

Le sénateur Moore : La dette publique s'accumule au cours des années. Elle s'élevait à 428 milliards de dollars en 2006 et s'élève aujourd'hui à un peu plus de 600 milliards de dollars. Il s'agit du rendement cumulatif du gouvernement et de sa façon de gérer ses comptes. Le gouvernement doit emprunter de l'argent pour honorer cette dette et il s'agit d'une partie de l'argent qu'il doit nous demander parce qu'une partie de cette dette est, je croirais, renouvelée sur une base continue. Une partie de la dette doit être renouvelée à certains moments, et les instruments d'emprunt doivent être refinancés. Cela fait partie du processus d'emprunt. C'est pour cela qu'il faut, dans le cadre de la reddition de comptes, demander aux Canadiens la permission d'obtenir de l'argent pour rembourser la dette.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Vous voulez que, dans le cadre des transactions de gestion de la dette, on demande la permission pour toutes les transactions au-dessus de 4 milliards de dollars, si je comprends bien? C'est ce qui était là avant 2007? C'est ce que cela implique?

[Traduction]

Le sénateur Moore : Non, le montant s'élevait à 4 milliards de dollars auparavant. Il existe un coussin de sécurité ou un montant d'argent dont peut disposer le gouvernement en cas d'urgence.

Le sénateur Black : Merci beaucoup, sénateur, de votre dévouement en ce qui concerne cette question. Le fait que vos convictions soient si fortes pour vous inciter à venir ici présenter ce projet de loi m'impressionne beaucoup.

Craignez-vous qu'une telle proposition risque de politiser un processus qui ne devrait pas être politique, c'est-à-dire les emprunts de fonds. Emprunter des fonds en cas de crise m'inquiète. Vous ne craignez pas donc les conséquences d'un processus rendu indûment politique?

Le sénateur Moore : Cela ne m'inquiète pas du tout, sénateur. C'est une question intéressante, mais une telle mesure n'a jamais empêché le bon fonctionnement de la gouvernance du pays depuis son début.

Le sénateur Black : Sans vouloir être antagoniste, car je respecte énormément votre point de vue à cet égard, je crois que le sénateur Wells a soulevé une question fort intéressante, c'est-à-dire que le monde a changé de façon draconienne quant au processus décisionnel, aux délais décisionnels, et aux conséquences si on n'agit pas en temps voulu. Ne craignez-vous pas que cette proposition, c'est-à-dire le rappel du Parlement et la situation politique qui en résulterait, pourrait désavantager le pays?

Le sénateur Moore : Cela ne m'inquiète pas du tout.

Le sénateur Black : Très bien.

Le sénateur Moore : Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. J'ai vu cette situation se produire au Sénat, et aux divers comités auxquels j'ai siégé, notamment le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, dont j'ai été membre pendant de nombreuses années. Lorsqu'il s'agit de l'intérêt et du bien-être de la nation, je fais confiance aux députés de la Chambre des communes parce qu'ils feront ce qui s'impose. Je crois fermement à cela, sénateur Black.

Le sénateur Black : Je veux bien y croire, aussi. Une dernière question, si vous me le permettez. Savez-vous ce que font nos principaux partenaires commerciaux dans ce cas?

Le sénateur Moore : Je n'ai pas étudié cette question.

Le sénateur Black : Moi non plus. On me dit que certains de nos principaux partenaires commerciaux ont exactement le même processus que le nôtre pour les raisons qui font l'objet du débat ici, c'est-à-dire, pour qu'ils puissent agir rapidement. Ce n'est pas moi qui le dis. On me l'a dit, et j'espérais que vous le sauriez. Très bien. Merci.

La sénatrice Chaput : Je veux m'assurer de bien comprendre le projet de loi dont nous sommes saisi, c'est-à-dire votre projet de loi. Il décrit et explique les changements apportés au processus d'emprunt de fonds en 2007, et vous aimeriez réintroduire ces changements par l'entremise de votre projet de loi S-217. Est-ce exact?

Le sénateur Moore : C'est exact.

La sénatrice Chaput : En 2007, lorsque l'on a apporté ces changements, ou plutôt qui nous sont passés sous le nez, comme vous avez dit, savez-vous s'il y a eu des discussions à ce sujet? Y a-t-il eu des consultations? Ces changements ont-ils été recommandés? D'où provenaient-ils? En avez-vous une idée?

Le sénateur Moore : Non. J'étais membre du Comité des banques à ce moment-là et nous n'avons pas noté quoi que ce soit et personne n'a attiré notre attention aux changements. Je ne me souviens pas que ces changements aient été portés à l'attention du Comité des finances. Je n'ai aucun souvenir de fonctionnaires annonçant publiquement que ces changements devaient être apportés. Ils n'ont tout simplement pas été révélés. On ne les a pas rendus publics.

La sénatrice Chaput : Pendant toutes ces années, avant les changements apportés en 2007, savez-vous combien de fois le gouvernement a dû demander la permission d'emprunter de l'argent? En avez-vous une idée?

Le sénateur Moore : Certainement, de façon annuelle. Cela faisait partie du processus. Il fallait une loi du Parlement pour pouvoir emprunter de l'argent.

La sénatrice Chaput : D'après vous, sénateur, si l'on ne revient pas au projet de loi tel qu'il était libellé avant d'apporter ces changements, faut-il rendre des comptes lorsqu'on emprunte des fonds sans justification ou sans permission?

Le sénateur Moore : Comme j'ai dit dans ma déclaration préliminaire, et il semble que j'ai une philosophie différente de celle de mes collègues à ma gauche, la reddition de comptes et la transparence définitive sont assurées au moment où la Chambre des communes est saisie de la question. C'est là qu'il faut rendre des comptes. Ça toujours été le cas.

Et quel est le prix de votre démocratie? Comment comptabiliser les économies et les intérêts, chose que nous aurons obtenue de toute manière? S'agit-il d'opportunisme politique? Je ne le crois pas. Il a fallu beaucoup de temps pour bâtir le Canada et arriver où nous en sommes, et la reddition de comptes était au cœur de tout notre système pour gouverner et financer le pays. Tout simplement, je ne crois pas que c'était ce qu'il fallait faire.

La sénatrice Chaput : Merci, sénateur.

Le président : Chers collègues, pour la deuxième série de questions, j'ai la sénatrice Callbeck et la sénatrice Buth. Si votre question s'adresse exclusivement au sénateur Moore, je vous demanderai de la poser. Sinon, je vous demanderai de vous en souvenir et je vous mettrai en haut de la liste pour le groupe élargi qui comprendra la Banque du Canada et le ministère des Finances.

La sénatrice Buth : Plus précisément, sénateur Moore, avez-vous déjà lu la stratégie de gestion de la dette ainsi que le rapport sur la gestion de la dette?

Le sénateur Moore : Vous voulez savoir si je les ai lus?

La sénatrice Buth : Oui.

Le sénateur Moore : Non.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup.

La sénatrice Callbeck : J'aimerais vous poser une question sur le nouvel article 46.1 proposé. Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre et contracter des emprunts. Il y a les alinéas a) et b). J'aimerais vous poser une question au sujet de b), « d'éteindre ou de réduire toute charge de l'État qui, à son avis, devrait être éteinte ou réduite ». Pourriez-vous nous expliquer les détails? Vous envisagez quelle sorte de situation au juste?

Le sénateur Moore : Je dirais que la charge dans ce cas-là, c'est ce que la sénatrice Bellemare demandait au sujet de la dette. C'est cela la charge du pays. Nous devons soit la réduire soit l'éteindre, et vous devez emprunter des fonds. Vous vous présentez au Parlement pour demander la permission d'emprunter des fonds pour ces raisons.

La sénatrice Callbeck : Donc vous faites allusion à la dette dans ce cas-ci?

Le sénateur Moore : Oui.

Le sénateur Mockler : Nous pourrions certainement avoir un débat politique ici, en écoutant les collègues des deux côtés de la table. J'aimerais donner suite aux questions de la sénatrice Buth et du sénateur Wells. Je sais que le sénateur Moore sait ce que sont les trois pouvoirs de la démocratie, c'est-à-dire les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

Cela dit, vous nous demandez d'examiner votre projet de loi. Le peuple du Canada était au courant, et nous étions tous au courant. En 2007, nous avons voté les changements. Depuis, le peuple du Canada a donné deux mandats au gouvernement actuel, c'est-à-dire en 2008 et en 2011. En 2015, la population aura certainement l'opportunité de faire d'autres changements si elle le souhaite.

Pour le moment, ma question pour vous est celle-ci : Est-il possible que le processus d'approbation pour les limites d'emprunt réduira davantage la capacité d'emprunt du gouvernement fédéral? Avez-vous étudié cette possibilité?

Le sénateur Moore : Pourriez-vous répéter cela, s'il vous plaît?

Le sénateur Mockler : Oui. Est-ce possible, avec ce que j'ai dit concernant les trois pouvoirs du gouvernement et ce qui s'est produit en 2008 et en 2011, deux élections consécutives, et 2015, sommes-nous d'accord que c'est le peuple canadien qui décidera? Moi je dis oui. Or, est-il possible qu'en examinant votre projet de loi le processus d'approbation pour les limites d'emprunt réduira davantage la capacité d'emprunt du gouvernement fédéral si nous étudions un projet de loi?

Le sénateur Moore : No. Il me semble que vous dites que le gouvernement peut emprunter davantage en secret qu'il ne peut le faire en public.

Le sénateur Mockler : Absolument pas.

Le sénateur Moore : C'est ce que vous êtes en train de dire, monsieur.

Le sénateur Mockler : Le public savait exactement ce que nous faisions en tout temps depuis 2007.

Le sénateur Moore : Nous n'étions pas au courant de ce projet de loi. Vous n'étiez pas au courant.

Le sénateur Mockler : Je n'ai donc rien à ajouter, monsieur le président.

Le président : Merci. Je donne toujours au témoin l'occasion de répondre aux commentaires que vous faites, et je crois qu'il a répondu.

J'invite le sénateur Moore à se joindre à nous comme observateur lorsque nous entendrons les témoins représentant la Banque du Canada et le ministère des Finances.

Le sénateur Moore : Monsieur le président, je tiens à vous remercier ainsi que les membres du comité. Madame la sénatrice Buth, si je vous ai insultée, ce n'était pas mon intention. Cette question me tient beaucoup à cœur. Je crois que j'ai raison. D'autres ont des opinions différentes et je les respecte. Merci.

Le président : Je vous remercie pour cela.

Chers collègues, il me fait maintenant plaisir de souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales à M. Wayne Foster, directeur, Division des marchés financiers, Direction de la politique du secteur financier et à Marie-Josée Lambert, chef, Politique de la gestion de la dette intérieure, Direction de la politique du secteur financier; tous deux du ministère des Finances. De la Banque du Canada, nous accueillons Ron Morrow, chef du département de la gestion financière et des opérations bancaires.

Avez-vous des déclarations liminaires avant de passer aux questions et réponses?

Wayne Foster, directeur, Division des marchés financiers, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Si, j'en ai, monsieur le président, et je crois que mon bon ami M. Morrow en a également. Pouvons- nous les faire une après l'autre?

Le président : Nous commencerons par M. Foster, puis M. Morrow. Nous passerons ensuite aux questions et réponses.

M. Foster : Bonsoir, mesdames et messieurs. C'est avec plaisir que ma collègue Mme Lambert et moi nous présentons devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales pour le compte du ministère des Finances au moment où le comité examine le projet de loi S-217, qui a pour objet de modifier certaines dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques concernant les emprunts du gouvernement du Canada. Actuellement, la partie IV de la Loi sur la gestion des finances publiques établit les autorisations d'emprunter, c'est-à-dire les circonstances dans lesquelles le ministre des Finances est autorisé à emprunter des fonds pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada. En particulier le paragraphe 44(2) stipule que le total du principal emprunté pour un exercice ne peut excéder le plafond précisé par décret pour cet exercice.

Le montant maximum que le ministre peut demander au gouverneur en conseil est établi en fonction des besoins financiers projetés du gouvernement — qui comprennent les besoins budgétaires et les besoins non budgétaires — auquel s'ajoute une marge de prudence établie dans la stratégie de gestion de la dette qui est publiée annuellement dans le cadre du budget. Pour l'exercice financier en cours, ce montant est de 300 milliards de dollars, soit 15 milliards de moins que pour l'exercice précédent.

Le cadre de référence actuel en vertu duquel le gouverneur en conseil approuve la limite d'emprunt du gouvernement est en place depuis octobre 2007, quand il est entré en vigueur. Auparavant, il y avait une limite statutaire sur les emprunts que seul le Parlement était habilité à modifier.

Conformément à ce régime, le gouvernement avait le pouvoir permanent de refinancer les emprunts contractés sur les marchés qui arrivaient à échéance, en plus de l'autorisation permanente d'emprunter 4,0 milliards de dollars en vertu de la Loi sur le pouvoir d'emprunt pour 1996-1997.

Selon le budget du 19 mars 2007, l'une des grandes raisons expliquant le nouveau régime d'autorisation d'emprunter était d'assurer plus de transparence et une reddition des comptes renforcée au sujet des activités d'emprunt du gouvernement et de renforcer la flexibilité pour satisfaire aux besoins futurs en matière d'emprunt, particulièrement en ce qui concerne la consolidation des emprunts des sociétés d'État.

En effet, dans le budget de mars 2007, le gouvernement annonçait qu'à partir de 2008, il comblerait tous les besoins d'emprunt de la Banque de développement du Canada, la Société canadienne d'hypothèques et de logement ainsi que de Financement agricole Canada par des prêts directs à ces sociétés d'État. Auparavant, ces sociétés avaient emprunté en leur propre nom, avec l'appui du gouvernement.

Cela signifiait que les besoins financiers allaient augmenter et être moins reliés aux revenus et dépenses budgétaires nets ou, en d'autres mots, au déficit.

Un avantage clé que la flexibilité accrue qui découlait des changements apportés en 2007 a été démontré en novembre 2008 lorsque, pour faire face aux perturbations dans les marchés financiers, le gouvernement a pu agir rapidement en plein milieu de la crise financière et demander un relèvement de sa limite d'emprunt. En novembre 2008, le gouverneur en conseil a approuvé sans délai un relèvement de 90 milliards de dollars de la limite d'emprunt globale pour 2008-2009, qui avait été fixée à l'origine à 206 milliards.

De la sorte, le gouvernement a été en mesure d'engager jusqu'à 75 milliards de dollars en prêts à l'intention de la Société canadienne d'hypothèques et de logement pour le financement du Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés et d'aider à financer l'injection de plus de 40 milliards de dollars sous forme de liquidités à court terme destinées aux établissements financiers par l'entremise de la Banque du Canada.

Parallèlement à la suppression de la limite d'emprunt statutaire, les modifications de 2007 ont établi des exigences renforcées en matière de divulgation des emprunts anticipés et de leurs utilisations prévues par le biais de la stratégie de gestion de la dette qui; comme je l'ai indiqué, fait maintenant partie du budget. Il y a eu des exigences renforcées en matière de divulgation des emprunts réels et de leurs utilisations réelles par rapport aux prévisions par l'entremise du rapport sur la gestion de la dette; et la publication de renseignements plus détaillés sur les résultats dans les comptes publics.

Les modifications de 2007 prévoyaient également la divulgation plus rapide des activités d'emprunt. On nous a dit que le rapport sur la gestion de la dette est maintenant déposé dans les 30 jours de séance après le dépôt des comptes publics, plutôt que 45 jours.

En résumé, par rapport au cadre de référence précédent, le régime actuel d'autorisation d'emprunt a permis une gestion financière plus efficace, plus réceptive, plus prudente et plus transparente ainsi qu'une reddition des comptes renforcée relativement aux activités d'emprunt du gouvernement du Canada.

Pour terminer, j'aimerais remercier le président et les membres du comité de nous avoir invités à comparaître et il nous fera plaisir maintenant de répondre à vos questions.

Ron Morrow, chef, Département de la gestion financière et des opérations bancaires, Banque du Canada : Merci beaucoup. Bonsoir. Il me fait plaisir de présenter le point de vue de la Banque du Canada sur le projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).

Pour commencer, j'aimerais expliquer brièvement le rôle de la Banque du Canada dans l'émission des titres de créance. En sa qualité d'agent financier, la Banque du Canada émet la dette au nom du gouvernement du Canada et le fait conformément aux exigences prévues par la Loi sur la gestion des finances publiques.

Bien que la banque du Canada et le ministère des Finances collaborent pour offrir des conseils sur la gestion de la dette au gouvernement du Canada, les décisions sur la politique concernant la dette relèvent en définitive du ministre des Finances.

Les changements apportés au cadre du pouvoir d'emprunt du Canada en 2007 étaient axés sur la création d'un processus plus efficace et plus souple pour l'approbation du plan d'emprunt annuel du Canada. Ces changements apportaient une plus grande transparence et reddition de comptes en établissant des exigences de divulgation plus rigoureuses sur les emprunts anticipés et réels entrepris pendant un exercice financier.

[Français]

Pendant la crise financière mondiale, en particulier à l'automne 2008, le cadre régissant le pouvoir d'emprunt décrit actuellement dans la Loi sur la gestion des finances publiques a bien servi les Canadiens. Il a notamment aidé les autorités canadiennes à réagir efficacement et rapidement aux chocs majeurs touchant le système financier canadien.

Comme vous le savez tous, le monde a été confronté à une situation exceptionnelle lorsque Lehman Brothers a déclaré faillite le 15 septembre 2008. L'aspect le plus frappant de cette faillite a été la hausse encore jamais vue des coûts du financement interbancaire qui s'est propagé ensuite dans d'autres marchés. Les institutions financières à l'échelle du globe sont devenues réticentes à se consentir des prêts entre elles.

Des intermédiaires clés ont commencé à accumuler des réserves d'actifs liquides et certains ont même interrompu leurs activités de tenue de marché. À différents moments, les marchés du crédit interbancaire et des autres prêts à court terme, y compris pour les banques, ont été presque complètement paralysés. Il était clair que le système financier mondial subissait un choc d'importance systémique. Pour faire face à la situation, les banques centrales et les gouvernements du monde entier ont pris des mesures sans précédent en vue de stabiliser le système financier.

[Traduction]

Ici au Canada, nos actions pendant la crise étaient appuyées par le cadre du pouvoir d'emprunt actuel. Plus précisément, le cadre permettait aux autorités canadiennes de réagir rapidement, avec l'approbation d'une augmentation de 90 milliards de dollars à la limite d'emprunt d'une année à l'autre. Cette augmentation a aidé la Banque du Canada en facilitant le déploiement rapide d'un certain nombre de mesures qui ont injecté plus de 40 milliards de dollars de liquidités à court terme dans le système financier canadien.

Ces mesures, et ces liquidités accrues, se sont avérées essentielles pour assurer le fonctionnement continu du système financier canadien.

Pour résumer, grâce au cadre que nous avons, lorsque les tendances globales de la crise menaçaient la stabilité financière, nos autorités ont pu injecter rapidement les liquidités nécessaires dans les marchés financiers ce qui, par conséquent, a permis de maintenir la disponibilité du crédit à long terme au Canada.

Le cadre actuel a fait ses preuves lorsqu'il s'agit de réagir rapidement et avec souplesse en tant de crise. Bien que nous espérions ne pas avoir à être confrontés à d'autres crises de cette ampleur, et que des efforts sont déployés pour rendre le système financier global plus apte à résister au choc, nous devons demeurer prêts à réagir rapidement lorsque cela s'avère nécessaire.

Merci beaucoup, il me ferait plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Morrow. Je vais passer à ma liste. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous rappelle que nous avons un autre groupe de témoins après celui-ci, donc deux autres témoins externes. J'ai six sénateurs sur ma liste alors je vais m'en tenir à des questions et réponses de cinq minutes au total, s'il vous plaît. Commençons par la sénatrice Hervieux-Payette.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais tout d'abord vous remercier de nous prêter votre boule de cristal puisque vous prévoyez les crises un an avant qu'elles arrivent. Cependant, j'aimerais que vous nous expliquiez certains termes.

[Traduction]

Vous avez utilisé les mots « efficace », « réactif », « transparent » et « reddition de comptes ».

Croyez-vous que le Parlement ne pourrait pas fournir cette augmentation possible et être redevable devant le contribuable canadien parce que l'argent a été émis par la Banque du Canada? Les gens avaient l'impression que notre système bancaire était en extrêmement bon état. En fait, cela nous a coûté 75 milliards de dollars à l'époque, que nous avons récupérés.

Expliquez-moi pourquoi ce système est supérieur à l'ancien système où le gouvernement devait se présenter au Parlement pour expliquer pourquoi il avait besoin d'argent. Dans le cas présent, je crois que le montant que vous avez cité était de 206 milliards de dollars. Il a été augmenté de 90, 75 et 40 milliards de dollars supplémentaires pour les sociétés d'État : Exportation et développement Canada, la Banque de développement du Canada et Financement agricole Canada. Ce sont les trois sociétés d'État qui ont obtenu de l'argent.

Pourquoi pensez-vous que le Parlement aurait refusé de fournir ces montants d'argent — ce serait moins redevable, moins efficace et moins transparent?

On parle ici de deux philosophies sur le rôle du Parlement. Nous sommes ici pour servir le public canadien, alors je vois mal pourquoi nous aurions refusé ces mesures alors qu'elles étaient nécessaires parce que la loi a été adoptée bien auparavant. Vous pouvez chacun me donner vos définitions de « efficace », « réactif », « transparent », et « redevable » après.

M. Foster : J'ai parlé des 75 milliards de dollars, somme qui a été allouée au Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés. Au début, on avait alloué 25 milliards de dollars au programme, mais cet argent est parti rapidement. Il y a eu une annonce subséquente.

En parallèle, la Banque du Canada injectait des liquidités dans le système bancaire. Cet argent provenait en partie de son bilan, mais une grande partie a dû provenir de nouveaux emprunts contractés auprès du gouvernement. Tout cela s'est déroulé pendant que le Parlement ne siégeait pas et en temps d'élections. Je ne saurais vous dire si le Parlement aurait pu reprendre ses travaux pour étudier cette question et l'adopter plus rapidement que de la faire passer par le gouverneur en conseil.

En fin de compte, bien que nous soyons de bons prévisionnistes, nous n'avions pas prévu que le nouveau cadre serait mis à l'épreuve sitôt après l'annonce. Il a été efficace pour majorer le pouvoir d'emprunt et allouer 75 puis 40 milliards de dollars. Il n'y avait pas de montant précis. Les prêts à la Couronne ont nécessité une augmentation de la limite du pouvoir d'emprunt. C'est un des éléments qui ont mené aux modifications du cadre.

Nous ne savons pas si le Parlement aurait pu reprendre ses travaux pour étudier et adopter tout cela dans l'échéancier nécessaire pour assurer une stabilisation des marchés. Vous vous souviendrez que la situation évoluait très rapidement.

La sénatrice Hervieux-Payette : Quels ont été les coûts à la Banque du Canada à ce moment-là? Avez-vous dû émettre des obligations?

M. Morrow : Je ne suis pas certain de bien comprendre la question.

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous avez dû emprunter 100 milliards de dollars. Quels ont été les coûts?

M. Morrow : Nous avons financé les emprunts par l'entremise de notre processus normal, c'est-à-dire l'émission de bons et d'obligations du Trésor aux enchères. Je n'ai pas les chiffres exacts des coûts des fonds en vigueur à ce moment- là, mais ils étaient conformes aux coûts des fonds en vigueur dans les marchés des obligations du Gouvernement du Canada durant cette période.

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre déclaration. J'ai deux questions rapides. Les réponses vont dépendre de vous. Quel processus doit-on suivre lorsqu'on décide d'agir rapidement? Que se passe-t-il quand on décide de faire des emprunts? Quel est le processus? Quels sont les échéanciers?

M. Foster : Durant cette période particulière, nous surveillions bien sûr les marchés financiers de très près et nous communiquions tous les jours avec nos homologues à la Banque du Canada qui, eux, communiquaient avec d'autres banques centrales pour évaluer la situation. Il était clair à ce moment-là que nous faisions face à un événement historique. De nombreux autres pays avaient déjà établi des programmes pour venir en aide à leur système financier. Vous vous souviendrez du débat américain entourant le Troubled Asset Relief Program ou programme de sauvetage des actifs en difficulté, et la volatilité des négociations à cet effet.

En prévision de notre programme, nous avons passé plusieurs fins de semaines à discuter de ce que nous pourrions faire, si nécessaire, pour nous assurer que nos banques maintiendraient leurs liquidités et auraient accès à du financement. Nous étions aussi conscients du fait que d'autres pays étudiaient la possibilité d'établir des programmes pour venir en aide à leurs banques et qu'une telle mesure pourrait mettre nos banques dans une situation de désavantage même si elles étaient solides. Nous voulions être prêts à lancer un programme qui fonctionnerait bien et qui serait logique, de la perspective des contribuables et sur le plan de la stabilité financière.

Le programme d'achat de prêts hypothécaires a été élaboré assez rapidement.

Le sénateur Wells : Vous parlez d'une période de plusieurs jours?

M. Foster : Oui, mais nous y avons pensé pendant quelques semaines. Nous avions un certain montant en tête qui serait nécessaire pour financer le programme. Nous avons fait les préparatifs pour recevoir l'approbation nécessaire de la haute gestion, du ministre et enfin du Conseil des ministres. C'est ainsi que nous nous sommes fixé un montant pour notre demande auprès du Conseil des ministres pour augmenter notre limite de pouvoir d'emprunt.

Nous avons un programme d'émissions obligataires et un programme des bons du Trésor. Nos plans sont détaillés dans la stratégie de gestion de la dette qui fait partie du budget. Chaque trimestre, nous émettons un avis par l'entremise de la Banque du Canada pour annoncer notre calendrier d'émission d'obligations, et nous tenons une vente aux enchères pour des obligations du Trésor toutes les deux semaines, quelques fois par trimestre. Ces activités sont assez prévisibles, à moins qu'il n'y ait un changement majeur au niveau des exigences financières.

Le calendrier est plus ou moins établi. Des changements s'imposent seulement dans des situations extrêmes, ce qui est rarement le cas. C'était l'exemple principal où il a fallu que nous repensions notre stratégie au milieu de l'année et demandions des autorisations supplémentaires.

Le sénateur Wells : Cela se passait dans le contexte d'une situation internationale évoluant rapidement.

Sans cette disposition ou cette capacité d'agir rapidement et directement, dans quelle position se trouverait le Canada? Je sais qu'il est difficile de faire des prévisions, mais jusqu'à présent vous le faites très bien. Qu'est-ce que le Canada n'aurait pas pu faire si cette disposition n'existait pas?

M. Foster : Comme le sénateur Moore le sait, aux termes de l'ancien régime il y avait une disposition, je crois que c'était l'article 47.

Le président : Oui.

M. Foster : Cette disposition prévoyait du financement d'urgence. On avait le droit d'emprunter pour une période allant jusqu'à six mois. Nous approchions déjà la période de l'automne 2008, et nous renforcions notre influence de bons du Trésor de façon importante afin de financer les activités de la Banque du Canada.

Si nous devions compter uniquement sur cette disposition, nous aurions pu sans doute obtenir l'autorisation du Cabinet, n'est-ce pas? Il aurait fallu financer l'intégralité des 75 milliards de dollars que j'ai mentionnés, des 40 milliards de dollars et d'autres montants à l'aide des instruments à courte échéance sur le marché. Nous étions déjà en train de renforcer notre utilisation de ces échéances courtes. Les prêts accordés à la SCHL sont essentiellement des hypothèques de cinq ans. Il nous aurait fallu les financer à l'aide de ces échéances courtes.

On aurait pu le faire. Il aurait été intéressant d'observer les réactions des marchés suite à une augmentation aussi importante en financement à court terme. Je ne peux pas dire qu'une telle démarche aurait été impossible. Mais elle aurait été simplement moins prudente.

Le président : Jusqu'à ce que le Parlement soit rappelé.

M. Foster : Rappelé, oui, et ensuite vous devriez formuler des projets de loi et ainsi de suite.

La sénatrice Buth : Merci d'être ici. Pouvez-vous nous parler de la transparence, et quelle est votre opinion à l'égard de la transparence avant 2007 et après 2007 lorsque le projet de loi a été présenté?

M. Foster : D'accord. Je peux commencer, et je ne sais pas si Mme Lambert aura quelque chose à ajouter. Si vous regardez la stratégie de gestion de la dette actuelle, vous allez y voir un tableau détaillé montrant les sources de fonds et leurs utilisations, les besoins financiers, les besoins d'emprunt, les besoins de refinancement et les opérations non budgétaires. Le tout totalise un chiffre qui donne une idée du montant à emprunter. Le ministre présente ensuite ce montant de base au gouverneur en conseil afin de demander une limite.

La plupart des fonds empruntés financent deux choses. D'abord, le refinancement de la dette existante. C'est obligatoire. Être en situation de cessation de paiements n'est pas une option. Cela va de soi et il s'agit d'un grand montant. Deuxièmement, il faut financer le déficit, qui fait partie du budget. Le déficit est au cœur du budget, n'est-ce pas? Le budget présente le programme, les recettes, les dépenses et le déficit. Cela va de soi.

Le seul élément manquant est le financement utilisé pour financer les avoirs, qui sont prêtés aux sociétés d'État. Il pourrait s'agir de la Banque du Canada. Il pourrait s'agir aussi du Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés. Cela est également indiqué dans ce tableau en termes du financement qui servira pour les exigences non budgétaires, pour ainsi dire. Voilà donc plus de détails que fournis auparavant.

Puis, pour ce qui est de l'après 2007, il y a le rapport de gestion de la dette dans lequel figurera le même tableau. Cela illustre la stratégie de gestion de la dette telle que projetée par rapport à ce qui a été véritablement utilisé, donc une conciliation. Voici ce que nous avions prévu faire, voici ce que nous avons projeté, voici ce qui a été fait, et voici la différence.

Il s'agirait là de l'exemple le plus important du degré de détail et d'examen minutieux des points particuliers qui constituent la limite d'emprunt.

Le sénateur L. Smith : J'ai deux mots pour M. Morrow ou M. Foster : choc systémique. Expliquez-nous ce qui arrive dans une telle situation et le concept du choc systémique lui-même. J'aimerais aussi savoir, à mesure que vous voyez les évènements se dérouler devant vous, votre impression de ce qui s'est produit aux États-Unis et la rapidité du Dow Jones. Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires là-dessus?

M. Morrow : Certainement. En termes de choc systémique, un choc systémique que subit un système financier est un choc que subit une seule institution financière ou une seule composante du système financier qui peut ensuite avoir des répercussions sur tous les systèmes financiers entraînant une réaction en chaîne. L'échec d'une seule institution peut ébranler la confiance envers le système financier, provoquer des pertes financières chez d'autres participants puis bousculer d'autres éléments du système financier, menant à un effondrement beaucoup plus vaste ou une série de pertes au sein du système financier.

Pendant la crise de l'an 2008, il existait de grandes préoccupations, de véritables préoccupations. Comme nous l'avons vu, la faillite de Lehman Brothers a fini par ébranler la confiance envers le système financier et le système bancaire. Nous vivions dans un monde où les gens ne voulaient plus faire de prêts en contrepartie de garanties de grande qualité. Même les prêts entièrement garantis n'intéressaient personne et le système financier lui-même devenait paralysé.

Bon nombre des mesures entreprises par la Banque du Canada en termes de liquidités pour le système financier ici au Canada visaient à assurer à fournir suffisamment de liquidités aux institutions financières afin qu'elles puissent continuer à prêter de l'argent aux Canadiens et aux entreprises canadiennes et que le système financier puisse continuer à fonctionner alors que le niveau de confiance à son égard était fortement ébranlé.

Le sénateur L. Smith : La chute de Lehman a-t-elle été provoquée par les prêts immobiliers aux emprunteurs à risque?

M. Morrow : Cela a certainement grandement contribué aux problèmes de Lehman Brothers.

Le sénateur Smith : Lorsque l'alarme a sonné chez Lehman Brothers, à quelle vitesse s'est faite cette implosion? Rappelez-moi les faits. À quelle rapidité cela s'est fait?

M. Morrow : La transmission de ce choc au système financier global s'est produite presque immédiatement. Lehman Brothers a fait faillite au cours d'une fin de semaine, et le lundi même nous avons constaté un grave bouleversement des marchés financiers.

Cette préoccupation concernant la perte de confiance et l'inquiétude visant à savoir quelle sera la prochaine institution touchée — ce degré extrême d'incertitude au sein du système financier — s'est vraiment propagée rapidement.

Le sénateur L. Smith : Du point de vue de l'exécution, vous et M. Foster avez expliqué comment vous êtes passés par ce processus, mais parce qu'il fallait agir rapidement étant donné les règles qui vous régissaient, quelle était votre marge de manœuvre?

M. Morrow : La souplesse qui nous est accordée en vertu du cadre actuel nous a donné en fait une bonne marge de manœuvre pour faire le nécessaire et fournir la liquidité nécessaire en vertu du Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés et grâce aux mesures prises par la Banque du Canada pour assurer la viabilité du système financier au Canada.

Comme M. Foster l'a dit, je ne pourrais pas vraiment vous dire ce qui se serait produit si le cadre avait été différent. Ce que je peux vous dire c'est qu'en vertu du cadre actuel, nous avons pu réagir avec...

Le sénateur L. Smith : Je pense que M. Foster a fait allusion au fait qu'en vertu de l'ancien cadre, il fallait attendre un peu plus longtemps pour agir, vous auriez peut-être dû opter davantage pour les liquidités à court terme et l'équilibre que vous aviez trouvé entre les liquidités à court et à long terme aurait pu ne pas se maintenir . On aurait donc eu à payer davantage pour emprunter les fonds que nous avons empruntés pour les injecter dans le marché. Est-ce exact? Ai-je bien compris ce que vous dites?

M. Foster : Cela n'aurait certainement pas été la structure idéale d'émission de titres de créance.

Le sénateur L. Smith : Vous auriez pu le faire, bien évidemment.

M. Foster : Cela aurait été à court terme et ça aurait posé toute une série de problèmes sans précédent en ce qui a trait aux bons du Trésor.

Le sénateur L. Smith : Dans le cadre de ce processus, avez-vous eu l'occasion de faire une analyse après coup? Vous avez dû sûrement revoir ce que vous aviez fait de bien et de moins bien. Vous êtes-vous déjà demandé quel aurait été l'effet de ces changements si le système était l'ancien système? Il aurait été intéressant de le savoir.

M. Foster : Nous n'avons pas fait cela. Bien entendu, nous avons étudié les mesures prises par rapport au programme, leur structure et les détails. En vertu de notre planification normale des diverses éventualités nous les étudions régulièrement. Nous cherchons toujours à tirer un enseignement des expériences passées et nous savons que la prochaine crise, il n'y en aura peut-être pas, mais s'il y en a une, elle ne ressemblera probablement pas à l'ancienne. Il faut rester souple.

La sénatrice Callbeck : Je vous remercie d'être des nôtres ce soir. Je voulais revenir à la question de plus grande transparence et de reddition de comptes. Quelques sénateurs l'ont mentionnée et vous aussi dans vos déclarations. Si je comprends bien, les changements apportés en 2007 feraient l'inverse. Avant 2007, le gouvernement devait demander l'approbation du Parlement pour emprunter des sommes de plus de 4 milliards de dollars. Suite aux changements de 2007, le gouverneur en conseil pouvait autoriser le ministre à emprunter des fonds, dont le montant serait déterminé par le gouverneur en conseil. Le contribuable ne saurait pas vraiment comment ces fonds étaient dépensés jusqu'à l'automne prochain, en 2014.

Monsieur Foster, vous avez mentionné un tableau qui énonce les divers fonds et je ne sais plus quoi d'autre. Quand est-ce que cela est présenté aux contribuables?

M. Foster : Cela fait partie de la stratégie du budget et de la gestion de la dette. Le tableau présente tous les détails concernant les fonds requis qui doivent être empruntés pour financer toutes ces activités. Cela comprend le financement du déficit et le refinancement de la dette qui vient à échéance, ce sont des éléments connus, et d'autres éléments aussi, y compris les prêts consentis à des sociétés de la Couronne, et cetera. Tout est énoncé d'avance. Ça fait partie du budget.

Le sénateur Moore : Que veut dire ex ante exactement?

M. Foster : Ex ante signifie « avant l'action ». Tous les détails sont là, y compris le montant demandé par le ministre au Conseil des ministres. Tout se trouve dans le budget. Le montant lui-même est soumis au gouverneur en conseil et approuvé, mais se trouve également dans le budget. C'est ce que l'on appelle la partie ex ante. Le rapport sur la gestion de la dette s'appelle la partie ex post. Le tableau est le même. Je crois qu'il est identique. On y compare la situation actuelle au passé. Entre-temps, toutes sortes d'information sur les modalités des emprunts sont publiées, c'est-à-dire le résultat de chaque enchère ainsi que les statistiques financières mensuelles de la Banque du Canada. Vous avez également La revue financière qui est publiée chaque mois et qui contient une série de données sur les recettes, les dépenses, les emprunts, la dette, et ainsi de suite. Tout cela est publié et ensuite il y a la mise à jour financière à l'automne. Et, tout à coup, on a le budget suivant.

La sénatrice Callbeck : Où peut-on trouver La revue financière?

M. Foster : Vous pouvez la consulter sur notre site web. Ce n'est pas nous qui rédigeons ce document, mais plutôt notre Division de la politique fiscale. La revue fournit mensuellement beaucoup d'informations sur les recettes, les dépenses, les emprunts, le niveau d'endettement et bien d'autres choses. Le document est assez détaillé. Vous le trouvez sur le site web.

La sénatrice Callbeck : Est-il à jour?

M. Foster : Oui. Votre prochain témoin, M. Devries, est l'ancien directeur de la politique fiscale et il sera au courant de tout cela.

Le sénateur Black : Ces excellents panélistes ont répondu à toutes mes questions.

Le président : Très bien. Merci.

[Français]

Le président : Sénatrice Chaput, du Manitoba.

La sénatrice Chaput : J'adresserai ma première question au ministère des Finances.

[Traduction]

J'ai une toute petite question. En 2007, les changements ont été effectués. Croyez-vous que le Canadien moyen était au courant de ces changements?

M. Foster : Les changements se trouvaient dans le budget. Environ une page complète portait là-dessus et elle est apparue à trois endroits différents. Je pense surtout à la page 287, mais vous pouvez vérifier. Les Canadiens lisent-ils le budget? Probablement pas en détail, mais je ne sais pas s'ils ont lu la page en question.

Le budget a par la suite fait l'objet d'un débat au Parlement. Je ne sais pas si cette question précise a été abordée ou non. La loi budgétaire a été ensuite déposée, et cette mesure aurait pu faire l'objet d'une discussion au comité.

La sénatrice Chaput : Merci.

[Français]

La sénatrice Chaput : Ma prochaine question s'adresse à M. Morrow, représentant de la Banque du Canada, et concerne le quotidien des Canadiens et des Canadiennes.

Lorsque les clients se présentent dans une institution financière de leur choix, l'institution a déjà déterminé un plafond pour les prêts qu'elle peut engager envers le client et qui a été approuvé par le conseil. Il y a donc déjà des restrictions. Les agents de prêt de cette institution rencontrent le client et déterminent s'il peut ou non emprunter de l'argent et, s'il le peut, quel montant on peut lui prêter. Ces agents doivent à leur tour recevoir une approbation finale avant de prêter l'argent au client.

Pourquoi traiter les Canadiens et les Canadiennes différemment du gouvernement qu'ils ont mis au pouvoir?

[Traduction]

M. Morrow : Je vous remercie beaucoup pour votre question madame la sénatrice. Le cadre financier actuel qui permet au gouvernement du Canada d'emprunter — le cadre du pouvoir d'emprunt — a été modifié en 2007, comme vous le savez, pour transférer du Parlement du Canada au gouverneur en conseil le pouvoir pour l'approbation du montant total d'emprunt. Je peux vous dire que les marchés financiers offrent une vérification supplémentaire sur les emprunts. Comme l'a dit M. Foster, toutes les deux semaines il y a une adjudication des bons du Trésor où nous émettons entre 15 et 20 milliards de dollars de bons du Trésor. Presque toutes les semaines, nous tenons des adjudications d'obligations. Aujourd'hui même nous avons émis 3,3 milliards de dollars d'obligations à deux ans. C'est la confiance des marchés en notre capacité d'emprunt qui sert à déterminer les taux. Parce que nous tenons des adjudications, le marché établit le taux d'emprunt du gouvernement. Il s'agit d'une vérification supplémentaire du niveau de confiance. Si les participants du marché qui sont très compétents croient que l'on est proche d'une limite et qu'on emprunte trop d'argent, cela est reflété dans les coûts d'emprunt et des modalités régissant des emprunts du gouvernement du Canada.

[Français]

La sénatrice Chaput : À votre avis, il ne s'agit pas de deux poids, deux mesures, la vie quotidienne des Canadiens et le gouvernement?

[Traduction]

M. Morrow : Je crois que tout comme les Canadiens qui, dans la vie quotidienne, se voient imposer des limites externes sur leur pouvoir d'emprunt, des limites externes sont aussi établies pour le gouvernement.

La sénatrice Chaput : Merci.

Le président : Sénateur Moore, je veux vous laisser poser vos questions. Vous savez que deux autres témoins nous attendent. Notre temps est écoulé, mais il s'agit de votre projet de loi. Vous avez donc la parole, monsieur.

Le sénateur Moore : Merci monsieur le président et merci à nos témoins d'être ici. Monsieur Foster, je voudrais vous demander qui a eu l'idée, dans le projet de loi de 2007, d'éliminer le rôle du Parlement dans la surveillance des dépenses publiques?

M. Foster : Cette mesure-là s'est trouvée dans le budget, ce qui veut dire qu'il s'agit d'une initiative du gouvernement du Canada.

Le sénateur Moore : Est-ce que c'était une initiative de votre ministère?

M. Foster : Il est évident que notre ministère a joué un rôle important dans la préparation du budget. Tel que j'ai expliqué, environ une décennie s'est passée sans qu'il soit nécessaire de proposer un projet de loi portant sur le pouvoir d'emprunt, parce que le budget était équilibré ou parce qu'il y avait un surplus.

Le sénateur Moore : Oui, je le sais.

M. Foster : Nous avons décidé, à juste titre, de consolider les emprunts de trois sociétés d'État pour économiser l'argent des contribuables. C'était à la suite d'une évaluation externe effectuée un ou deux ans auparavant. En raison de cette décision, il aurait fallu emprunter plus que le pouvoir d'emprunt actuel nous permettait d'emprunter. Il a donc fallu déposer un projet de loi quelconque pour augmenter le pouvoir d'emprunt. Nous avons examiné la question et décidé de demander au Parlement d'augmenter le pouvoir d'emprunt. En même temps, le gouvernement est allé de l'avant avec une nouvelle proposition, un nouveau cadre pour permettre le financement de ces sociétés d'État, en plus des nouvelles mesures sur la reddition de comptes et la transparence.

En raison de cette décision, il a fallu augmenter la limite. Cette demande a été présentée dans le budget par le gouvernement et elle s'inscrivait dans le cadre d'une vision restructurée du régime d'emprunt.

Le sénateur Moore : Peut-être que je ne m'abuse, mais il me semble qu'avant 2007, le gouvernement pouvait emprunter à son taux souverain avec les intérêts et prêter de l'argent au taux qu'il voulait à ses sociétés d'État, n'est-ce pas?

M. Foster : Il aurait pu le faire, mais la limite des emprunts devait être respectée. Il fallait donc augmenter cette limite.

Le sénateur Moore : Il aurait pu demander au Parlement d'augmenter la limite.

M. Foster : Il l'a fait, dans le budget de 2007.

Le sénateur Moore : Il aurait pu le faire. Vous avez parlé d'une demande d'augmentation au Parlement. Cela ne se fait pas, car vous avez éliminé cette responsabilité. Le gouvernement ne fait plus de demande au Parlement; le gouvernement présente ses prévisions et après coup présente un rapport. Le gouvernement ne demande plus rien.

Je ne comprends vraiment pas. Si, depuis le ralentissement — et je ne pense pas que vous l'avez prévu, mais si vous l'avez fait, je vous accorde le bénéfice du doute —, cette mesure est si importante dans le fonctionnement et le financement du pays, pourquoi ne pas avoir déposé un projet de loi distinct au lieu de cacher ces mesures dans un projet de loi omnibus?

M. Foster : À titre de bureaucrate, je ne décide pas de quelle forme prendra un projet de loi quelconque, qu'il soit un projet de loi omnibus ou pas, alors je ne vais pas faire de commentaires là-dessus. En ce qui concerne l'opinion du Parlement sur le budget de 2007, c'était bel et bien déposé au Parlement et débattu au Parlement, comme l'a été le projet de loi subséquent, que vous qualifiez de projet de loi omnibus.

Le sénateur Moore : Personne ne l'a vu dans l'une ou l'autre chambre. Nous nous concentrions tous sur la péréquation, le programme important par rapport aux provinces et le fédéral. Les accords atlantiques, un sujet sur lequel mes collègues de l'Atlantique pourraient témoigner, exigeaient toutes les énergies et nous préoccupaient entièrement. Je me questionne là-dessus. Tout le stratagème de la mise en œuvre était, au mieux, malicieux. Je ne vois pas comment on peut dire que maintenant il y a une meilleure transparence et reddition de comptes quand on ne consulte pas au préalable des gens. Expliquez-moi comment soustraire le Parlement au préalable du processus d'approbation et abroger le contrôle par le Parlement des fonds publics améliore la reddition de comptes et la transparence. Je ne le comprends tout simplement pas, je m'en excuse.

M. Foster : Comme je disais, tous les détails sur les éléments liés à la limite d'emprunt, y compris le plafond, sont détaillés dans le budget dans le chapitre sur la stratégie de gestion de la dette; alors tout s'y trouve. La seule différence est que le plafond réel est approuvé par décret.

Le sénateur Moore : Vous ne demandez pas. Vous ne demandez pas.

M. Foster : Donc, il y a de la transparence à cet égard.

Le sénateur Moore : Monsieur Morrow, quand vous vous inquiétez au sujet du statut et de la liquidité des banques canadiennes, saviez-vous que des milliards de dollars ont été accordés au Programme de sauvetage des actifs en difficulté?

M. Morrow : Je peux seulement parler en mon nom. À l'époque, je savais que des liquidités en dollars canadiens étaient nécessaires pour les opérations des banques canadiennes au Canada. C'était la raison des liquidités fournies par la Banque du Canada.

Le sénateur Moore : Vous n'étiez pas au courant des milliards de dollars qu'ils ont reçus des fonds du Programme de sauvetage des actifs en difficulté aux États-Unis?

M. Morrow : Je ne l'étais pas.

Le sénateur Moore : Non. Cela n'était pas pris en compte. Si vous ne saviez pas, vous ne pourriez pas en tenir compte par rapport au fonds que vous leur accordiez. Je ne sais pas si j'ai autre chose à ajouter, monsieur le président.

Le président : Sans doute, mais M. Devries pourrait probablement vous aider.

Le sénateur Moore : Non, ça suffit. Merci beaucoup. Merci aux témoins.

Le président : Pour terminer avec la situation américaine similaire à celle au Canada, est-ce qu'ils ont dû demander l'approbation du Congrès ou est-ce que tout était fait par décret comme nous avons pu faire ici au Canada?

M. Foster : Je me rappelle avoir suivi la situation à la télévision et voir l'indice Dow grimper et dégringoler et grimper et dégringoler alors qu'ils discutaient du Programme de sauvetage des actifs en difficulté qui a été rejeté, et ils ont dû le présenter à nouveau. Ce programme était un programme de dépenses — une injection de capitaux. Aux États- Unis, il existe un plafond d'endettement qui est distinct du processus budgétaire, qui fait objet d'une discussion et d'un débat à part. Vous vous souvenez peut-être de ce qui s'est passé en 2011 et même plus récemment.

Le président : C'est une situation intéressante. Il faut faire preuve de prudence quand on fait des parallèles. Merci au ministère des Finances, M. Foster et Mme Lambert. Nous ne vous avons pas posé trop de questions, madame Lambert. Merci monsieur Morrow de la Banque du Canada. Vous y étiez ici plus tôt et vous avez entendu certaines des questions. Vous pouvez rester si vous voulez et écouter M. Devries nous parler du bon travail que vous accomplissez.

J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Mme Lori Turnbull, professeure adjointe à l'Université de Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse; et à M. Peter Devries, consultant en finances.

Je vous demanderais de nous faire part de vos brèves observations. Je commencerai par Mme Turnbull et je donnerai ensuite la parole à M. Devries.

Lori Turnbull, professeure adjointe, Université Dalhousie, à titre personnel : Merci. Je vais commencer par faire des observations générales plutôt que de parler précisément de l'aspect financier, car je pense que M. Devries est beaucoup mieux placé pour le faire. Je parlerai de la question plus générale de l'examen et de l'approbation parlementaires.

Le projet de loi vise à permettre de nouveau au Parlement d'approuver les dépenses. Selon bien des gens qui étudient le Parlement et des gens qui font le même métier que moi, c'est en quelque sorte la raison d'être du Parlement, notamment d'une perspective historique. Nous avons le Parlement parce que, d'abord, nous voulons que le Parlement approuve les dépenses et la perception des fonds. C'est la raison d'être historique du Parlement. Les dépenses sans l'approbation parlementaire semblent contredire la notion de gouvernement responsable — « gouvernement responsable » signifie que le gouvernement a besoin de l'appui de la Chambre afin de mettre en œuvre ses projets. Faute de quoi, le gouvernement ne peut pas agir de façon légitime. Si un gouvernement agit sans l'approbation législative, notamment quand il s'agit des fonds, cela semble contredire nos attentes du système parlementaire.

Même dans le contexte d'un gouvernement responsable au jour le jour, nous donnons un statut particulier à ce que certaines personnes appellent les projets de loi des finances. Les projets de loi des finances sont toujours considérés être une question de confiance, tandis que d'autres initiatives ne le sont pas nécessairement. Quand on parle de ce à quoi sert l'argent des contribuables, comment le gouvernement le dépense et la perception de cet argent, le système parlementaire aborde ces questions d'une façon très particulière. Voilà ce dont il s'agit d'abord et avant.

La décision d'outrepasser l'approbation parlementaire ou l'examen parlementaire de la perception et de l'allocation des fonds repose souvent sur l'efficacité. On gagne beaucoup plus de temps. Il est plus logique de le faire ainsi. Si on n'a pas besoin de passer par cette étape supplémentaire, cela signifie que le gouvernement peut être davantage attentif et efficient. Il peut mieux gérer et mieux répondre aux crises.

Il existe un genre de tension entre d'une part la démocratie et d'autre part l'efficience. En général, nous voulons qu'il y ait toujours cette tension. Nous voulons toujours avoir ce va-et-vient sain entre la démocratie et l'efficience. Autrement, nous nous trouvons en mauvaise posture en quelque sorte si on se penche trop dans un sens ou dans l'autre. S'il y a trop de démocratie et trop de soi-disant contrôle et trop d'éléments institutionnels dans notre chemin, alors ces éléments deviennent encombrants et nous perdons de vue nos objectifs. Par contre, si nous nous penchons trop vers le modèle de l'efficience et qu'il est notre priorité, alors la démocratie devient encombrante et le Parlement nous encombre, et nous ne voulons pas nous trouver dans cette situation, dans une situation où on n'accorde pas la juste valeur à l'examen et à l'approbation parlementaires. À mon avis, la question vise à savoir comment maintenir cette tension saine entre la démocratie et l'efficience sans que le pendule bascule trop loin dans un sens?

Pour beaucoup de gens qui travaillent dans ce domaine, le pendule a déjà oscillé trop loin dans la direction de l'efficacité si on tient compte de ce dont on parle aujourd'hui dans le contexte de certaines autres choses que nous voyons assez régulièrement et peut-être de plus en plus. Par exemple, si on pense à la volonté du gouvernement d' invoquer la clôture pour mettre fin au débat, les gouvernements de toute allégeance politique, je ne parle pas d'un gouvernement en particulier, et si on pense à la volonté d'un premier ministre de proroger le Parlement si les choses deviennent compliquées et difficiles et que l'examen devient trop pour le gouvernement à supporter, et les premiers ministres ont effectivement la capacité de fermer le Parlement pour un certain temps, et si on y pense dans le contexte d'utiliser des projets de loi omnibus pour faire passer des choses par la voie des budgets, ce qui fait que le Parlement a de la difficulté à exécuter efficacement son examen efficacement — si on pense à toutes ces choses en même temps, je pense qu'on peut faire valoir que nous devenons peut-être trop efficaces au détriment de la démocratie, et que nous perdons la tension saine qui est censée exister en tout temps et dont nous bénéficions tous.

Je vais m'arrêter là pour ma déclaration liminaire.

Peter Devries, consultant en finances, à titre personnel : Ma déclaration préliminaire est courte. Avant la Loi d'exécution du budget de 2007, la Loi sur la gestion des finances publiques exigeait que le gouvernement demande l'autorisation du Parlement chaque fois qu'il avait besoin de fonds dont le montant dépassait les exigences de financement existantes et le plafond permanent de 4 milliards de dollars prévu par la loi.

Je crois qu'il y avait deux raisons pour lesquelles il était important d'avoir la Loi sur le pouvoir d'emprunt. Premièrement, elle donnait au Parlement plus de surveillance et d'examens financiers. Puisqu'elle était considérée comme un projet de loi de finances, comme Mme Turnbull vient de dire, un vote sur un projet de loi portant pouvoir d'emprunt était un vote de confiance au gouvernement. La Loi sur le pouvoir d'emprunt, le budget et les projets de loi budgétaires connexes étaient tous perçus par le Parlement comme des instruments importants pour des fins de reddition de comptes et de transparence. Avec le nouveau projet de loi, un de ces instruments a disparu. L'exigence de la Loi sur le pouvoir d'emprunt n'existe plus.

Deuxièmement, j'aimerais mentionner que la Loi sur le pouvoir d'emprunt exigeait un contexte économique et financier. Cela voulait dire que le budget devait être déposé en même temps que la Loi sur le pouvoir d'emprunt ou avant. Il était préférable, à des fins de gestion d'emprunts efficace comme on vous l'a déjà peut-être dit, de déposer le projet de loi portant pouvoir d'emprunt au Parlement avant la fin de l'exercice financier en cours afin qu'il soit en vigueur pour l'exercice financier suivant, une fois qu'il était adopté par le Parlement. Cela voulait dire que le budget devait être déposé avant la fin de l'exercice financier en cours aussi, soit en même temps que le projet de loi portant pouvoir d'emprunt ou avant celui-ci.

En 1985-1986, le comité a retardé le projet de loi portant pouvoir d'emprunt parce qu'il n'y avait pas de budget pour servir de contexte à ce projet de loi. J'ai passé de longues heures au Sénat et en comité à essayer de faire valoir la raison pour laquelle nous avions un projet de loi portant pouvoir d'emprunt sans budget pour y donner un contexte. Le comité croyait qu'il était très important d'avoir un budget lié au projet de loi portant pouvoir d'emprunt pour lui donner un contexte.

Ce que nous voyons maintenant, avec le temps, sans avoir à déposer un projet de loi portant pouvoir d'emprunt parce qu'il n'y avait pas d'exigence d'émettre de nouveaux emprunts, ainsi que depuis 2007, c'est que le budget a été déposé de plus en plus tard tout le temps. C'est maintenant déposé soit à la fin du mois de mars ou au début des mois d'avril ou de mai, après qu'un projet de loi portant pouvoir d'emprunt aura été déposé.

Plus important encore, il est maintenant déposé après le dépôt du Budget principal des dépenses. Maintenant, le Budget principal des dépenses, qui nécessite aussi un contexte économique et financier, n'a pas le budget comme contexte. Le Budget principal des dépenses doit être déposé le ou avant le 1er mars afin de suivre les procédures normales d'affectation de crédit à ce moment. Nous avons maintenant un Budget principal des dépenses complètement déconnecté du budget. C'est une situation que nous avons vue au cours des derniers budgets pour lesquels le gouvernement avait annoncé de très grandes initiatives qu'on ne retrouvait pas dans le Budget principal des dépenses. Elles ont été incluses plus tard dans le Budget supplémentaire des dépenses ou, s'il y avait des réductions des dépenses, elles n'ont pas été présentées du tout au Parlement. Nous manquons un lien ici maintenant. L'autorisation d'emprunter forçait le gouvernement à déposer un budget au début ou au milieu de février. Maintenant que cette exigence a disparu, pour les années pendant lesquelles le gouvernement devait exiger une loi sur le pouvoir d'emprunt, nous n'avons même plus besoin d'établir un lien avec le Budget principal des dépenses. Les deux éléments ne sont plus du tout reliés, et je pense que le comité a soulevé cette question par le passé.

Dans le budget de 2007, le gouvernement a prétendu que les changements ont principalement été faits à des fins de transparence et de reddition de comptes. Je pense qu'aucun de ces deux objectifs n'a été atteint. Il a aussi prétendu que les changements étaient nécessaires pour les emprunts qui seront contractés à l'avenir en ce qui a trait à la consolidation de ces trois sociétés de la Couronne. Cela a effectivement été réalisé, puisque les changements ont facilité ces transactions. Cependant, en fin de compte, je pense qu'il a éliminé pour le gouvernement un obstacle au cas où il y aurait eu de nouveaux besoins d'emprunts et un instrument permettant au Parlement de demander des comptes au gouvernement. De plus, le caractère vague de la proposition dans le budget est aussi préoccupant. Le libellé décrivant les changements à la Loi sur la gestion des finances publiques le soulignait.

Lors du budget de 2007, cette proposition est passée presque inaperçue. C'est le comité qui en a parlé le premier quand il étudiait le projet de loi d'exécution du budget, non pas le budget, mais le projet de loi d'exécution du budget, et ce, bien après les faits. Maintenant il faut attendre parce que le budget est vraiment le projet de loi omnibus d'exécution du budget, pas le budget. Les détails sont présentés dans le projet de loi omnibus d'exécution du budget; ils ne sont pas clarifiés dans le budget lui-même. C'est une autre chose que nous avons vue pour la première fois dans le budget de 2007. L'abrogation de la Loi sur le pouvoir d'emprunt a rendu peu clair le libellé du budget afin de pouvoir justifier les initiatives qu'ils incluaient dans le budget ou le projet de loi omnibus. Cela mine la crédibilité des deux budgets et exige beaucoup plus de diligence raisonnable pour évaluer les propositions budgétaires. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Devries. Vous avez tout à fait raison que c'est le comité qui a le premier soulevé la question. Il a été adopté à la Chambre des communes sans débat et, en fait, il n'y a eu non plus pratiquement pas de débat au Sénat et parce que nous l'avons remarqué tard dans le processus, le comité ne l'a pas étudié. Nous l'avons vu et nous l'avons soulevé, et c'était grâce au sénateur Lowell Murray, un des sénateurs qui participaient, et au sénateur Tommy Banks, le premier à s'y intéresser. Le sénateur Moore et moi avions le plaisir d'être assis à côté du sénateur Banks, nous avons donc découvert cela à la toute dernière minute grâce à ce processus. Il est bon de noter que le comité faisait son travail, et maintenant le sénateur Moore est de retour pour nous demander d'y réfléchir encore et d'y accorder le débat qu'il mérite.

Le sénateur Moore : Merci aux témoins d'être des nôtres. Madame Turnbull, je sais que vous êtes une auteure. Avez- vous écrit un livre qui porte sur la démocratie, la responsabilité et ainsi de suite? Avez-vous traité cette question dans ce livre? Quel est le titre de ce livre, et comment avez-vous traité cette question?

Mme Turnbull : Le livre s'intitule Democratizing the Constitution : Reforming Responsible Government. Le livre porte sur le Parlement en général, plutôt que sur quelque chose en particulier, tel qu'un projet de loi donné ou autre.

Ce que nous voulions étudier dans ce livre, c'était l'idée des conventions constitutionnelles. Dans le cadre d'un système comme le nôtre, certaines étant couchées par écrit et d'autres choses ne l'étant pas, les choses qui sont couchées par écrit sont claires et nous pouvons nous y reporter et en discuter, mais nous pouvons comprendre ce qu'elles signifient. Les choses non écrites laissent beaucoup plus de place à l'interprétation. Notre constitution tient du Royaume-Uni et des États-Unis. Nous avons la tradition américaine, qui consiste à tout coucher par écrit, et nous avons la tradition britannique, qui consiste à ne rien coucher par écrit.

Le problème, selon nous, c'est que les éléments démocratisants de notre Constitution sont ceux qui ne sont pas couchés par écrit. Par exemple, le fait que le premier ministre et le conseil des ministres aient besoin de la confiance de la Chambre pour gouverner n'est écrit nulle part dans la Constitution. L'ennui, c'est lorsqu'on essaie d'appliquer une telle convention, surtout en périodes de crise politique, qui se multiplient par les temps qui courent, il y a beaucoup de désaccords sur sa signification. Qu'est-ce qu'on entend par « avoir la confiance »? Est-ce que cela veut dire qu'il faut l'avoir chaque jour ou chaque minute? Le fait que les projets de loi de finances entraînent un vote de confiance découle d'une convention, puisque cela n'est écrit nulle part. Le fait que le premier ministre doit démissionner ou dissoudre la Chambre des communes s'il perd la confiance n'est écrit nulle part.

Quand on commence à se pencher sur les conventions constitutionnelles non écrites, on constate à quel point nous comptons sur une sorte d'entente sur le fonctionnement des choses. Nous n'en avons pas une bonne compréhension, puisque dès qu'on commence à creuser, tout s'effondre. Des gens comme moi écrivent des lettres au rédacteur de journal 15 fois par jour lorsque quelqu'un proroge le Parlement et que certains pensent que le gouverneur général aurait dû l'empêcher, et que tout explose. C'est bon pour les gens comme moi. C'est formidable. La dernière chose que je voudrais, personnellement, c'est la résolution de tous ces problèmes.

En général, il nous faut des réponses à ces questions. Voilà sur quoi porte le livre.

Le sénateur Moore : D'entrée de jeu, j'aurais dû vous féliciter, vous et Patrick, sur la naissance, il y a deux semaines, de Mercedes. Votre présence en ce moment est importante, et je vous en remercie. Quel succès votre livre a-t-il connu? A-t-il été bien accueilli?

Mme Turnbull : Certains le détestent, mais d'autres l'aiment beaucoup.

Le sénateur Moore : Avez-vous gagné des prix?

Mme Turnbull : Nous en avons gagné deux : le prix Donald Smiley, de l'Association canadienne de science politique, et le prix Donner.

Le sénateur Moore : Vous avez remporté le Donner.

Mme Turnbull : En effet.

Le sénateur Moore : Félicitations. Dans le contexte de ce dont nous parlons ici et de l'objet de ce projet de loi, vous avez dit qu'il y a un mouvement de pendule et que la démocratie peut l'empêcher d'aller trop loin.

Je ne sais pas si vous étiez là plus tôt, mais à mon avis, l'objectif principal de ce projet de loi est de rétablir l'exigence que le gouvernement — la Couronne — demande au Parlement d'autoriser les emprunts. À mon avis, c'est la meilleure occasion et le meilleur gage d'une reddition de comptes et de transparence. Qu'avez-vous à dire à ce sujet, en ce qui a trait à ce projet de loi et à ce que je vise ici?

Monsieur Devries, si vous désirez ajouter quelque chose, lorsque Mme Turnbull aura fini, s'il vous plaît, n'hésitez pas.

Mme Turnbull : Les gens veulent savoir comment on dépense leur argent. Les gens veulent savoir qu'ils peuvent accéder à ces renseignements. Les gens s'attendent à ce que le Parlement en soit saisi. Une chose que nous avons apprise en travaillant sur ce livre, c'est que beaucoup de gens présument essentiellement qu'il existe des processus et que le gouvernement ne peut pas, évidemment, dépenser sans d'abord demander au Parlement. Lorsqu'on leur explique comment il peut, en fait, le faire, ils en sont surpris.

Non seulement existe-t-il des désaccords sur le fonctionnement des choses parmi les gens comme nous, mais aussi il existe chez les Canadiens une confusion quant au fonctionnement des choses et une présomption que les bons freins et contrepoids sont là, alors qu'ils ne le sont pas en réalité. En outre, si nous nous attendons à ce que les électeurs disposent des bonnes informations au moment des élections, il faut que les parlementaires soient saisis de ces choses. Voilà comment les électeurs sauront ce qui se passe. Les parlementaires savent ce qui se passe.

Lorsque les deux institutions, à savoir la Chambre des communes et le Sénat, effectuent leurs examens sous des angles différents, suivant des approches différentes, avec leurs compositions partisanes variables selon le moment, voilà ce à quoi les électeurs sont censés s'attendre.

Le sénateur Moore : Merci.

M. Devries : Je suis d'accord avec Mme Turnbull. Une des premières choses qu'elle a dites dans son exposé, c'est qu'un projet de loi portant sur le pouvoir d'emprunt est un projet de loi de finances. Les projets de loi de finances devraient être autorisés par le Parlement.

Par ailleurs, la plupart des Canadiens se renseignent sur la situation financière du gouvernement via les médias ou les conseillers financiers. Au moment du budget, personne ne l'a remarqué. Personne du monde de la presse écrite ou des marchés financiers ne l'a remarqué, à moins qu'on ne leur ait dit au préalable que cela s'en venait. Je l'ai en effet fait remarquer lorsque j'examinais le budget. Je l'ai mentionné à certaines personnes, mais à l'époque il y avait d'autres questions plus importantes auxquelles elles accordaient une plus grande priorité.

Ce n'est qu'au moment de la présentation du projet de loi d'exécution du budget et du deuxième examen effectué par le Parlement, au Sénat, que l'on s'en est rendu compte. La Chambre des communes l'a manqué tout à fait à deux reprises. Les Canadiens n'avaient aucune idée de ce qui se passait avec leurs finances quand tout à coup, on empruntait 40 milliards de dollars de plus au nom des sociétés d'État. Pourquoi le Parlement n'aurait-il pas à autoriser ces emprunts au nom des sociétés d'État?

Pour comble, bien entendu, peu après nous avons eu la récession de 2008-2009. Tout à coup, nous sommes passés d'un excédent à un déficit de 55 milliards de dollars. Pourtant, le Parlement n'avait pas son mot à dire sur les sources de cet argent ni sur l'utilisation de cet argent, alors qu'un projet de loi portant pouvoir d'emprunt le lui aurait permis.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup d'être des nôtres aujourd'hui. Madame Turnbull, où se situe le juste milieu entre la démocratie et l'efficacité? Vous avez parlé de diverses choses qui nous poussent vers l'efficacité au détriment de la démocratie. Où se situe le juste milieu? Comment décider qu'une chose va peut-être trop loin ou sur quoi se concentrer?

Mme Turnbull : Je ne sais pas comment en décider définitivement. Cela varie sans doute d'une personne à l'autre. Qui plus est, il y a beaucoup de couvertures médiatiques puisque nous avons des choses telles que Facebook et Twitter et le cycle des nouvelles jour et nuit. Il y a des commentaires sans cesse. Il y a des gens qui discutent de ce qu'a fait le gouvernement Harper pour miner la démocratie, et la liste sera longue. Il y a aussi quelqu'un qui dira que si les libéraux étaient au pouvoir, ils feraient la même chose. En rétrospective, tous les gouvernements font les mêmes choses.

D'une part, on se rapproche d'un consensus voulant que la démocratie soit mise progressivement à l'écart, puisque les gouvernements peuvent faire ces choses pour contourner les freins et contrepoids démocratiques que nous croyons exister. D'autre part, si l'on demande à quelqu'un s'il y a déjà eu un âge d'or de la démocratie, où on avait trouvé le juste milieu, personne ne peut penser à un tel moment, peu importe à qui vous posez la question.

En même temps que les gouvernements font davantage preuve de créativité et d'astuce en contournant certains des freins et contrepoids démocratiques qui existent, les médias sont également de plus en plus sophistiqués. Les citoyens qui veulent participer et se renseigner ont beaucoup plus d'information à leur disposition s'ils décident de s'en prévaloir, mais la plupart ne le font pas. Ceux qui le font peuvent être plus attentifs que jamais auparavant. On pourrait dire qu'il y a du mouvement des deux côtés du pendule.

Si l'on devait rechercher des indices, comment savoir si l'on s'en va vers l'efficacité plutôt que vers la démocratie? La participation électorale est affreuse. Cela pourrait être un indice. Les gens sont moins susceptibles de participer à des groupes de pression, à des partis politiques et à des réseaux sociaux qui ne sont pas en ligne. Les gens sont plus susceptibles aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a des décennies à faire des dons de charité, mais moins susceptibles de participer à un événement de bienfaisance dans la collectivité. Le capital social et la politique sociale évoluent. C'est ce genre de choses-là.

On peut trouver des indices qui montrent que les gens s'éloignent de la politique traditionnelle et que les jeunes ne s'y intéressent pas. Les jeunes en âge de voter ne remplacent pas les vieux qui disparaissent.

La sénatrice Buth : Comment savoir si c'est en raison d'apathie ou d'un manque de confiance dans le système?

Mme Turnbull : La plupart du temps, on l'ignore. On a certains indices de gens qui sont protestataires, qui ne participent pas, et ont décidé en toute connaissance de cause de ne pas participer. Ils sont bien informés sur le système. Ils savent tout sur ce qui se passe. Ils ne votent pas et ne participent pas en se fondant sur des principes. Ils ne veulent pas en faire partie.

Pour la plupart des gens, ce n'est pas le cas. Ils ne s'y intéressent tout simplement pas; il ne s'agit pas pour eux d'être au courant et de refuser de participer.

On pourrait dire que si on a une démocratie sophistiquée avec une classe moyenne solide au sein d'une économie qui fonctionne raisonnablement bien, si tout le monde ne participe pas à la politique, peu importe; c'est sans doute mieux ainsi. En effet, plusieurs études démontrent qu'on ne voudrait pas que tout le monde participe à la démocratie. On ne voudrait pas que la démocratie devienne trop robuste, parce qu'à ce moment-là, il devient trop difficile de contrôler et de gouverner le peuple.

Il s'agit donc de trouver ce juste milieu heureux et inconnaissable où — comment dit-on — tous sont aussi mécontents les uns que les autres. Je ne sais pas. Oui, quelque part au milieu, mais je ne sais pas comment s'y rendre.

La sénatrice Buth : Je trouve intéressant votre commentaire selon lequel il n'y a jamais eu d'âge d'or de la politique, parce que d'après mon expérience, si l'on écoute tous ceux qui disent que ça va tellement mal à la Chambre, ou d'après mon expérience personnelle, que ça va tellement mal pour l'agriculture, et qu'ensuite l'on passe en revue les reportages médiatiques de l'époque ou ce qui se produit en réalité, les choses vont ni mieux ni pire, foncièrement, mais nous pensons tous soit que c'est la pire des époques soit que c'est la meilleure des époques.

Je veux vous interroger également au sujet du fait d'enfouir quelque chose dans un budget. À qui incombe-t-il d'examiner un budget lorsqu'il est présenté et de déterminer s'il faut retirer un élément ou en débattre? Qui s'occupe des critiques au Parlement?

Mme Turnbull : On s'attend généralement à ce que l'opposition s'en occupe. Les députés d'arrière-ban du parti ministériel en font partie aussi. Tous ceux et toutes celles qui ne sont pas membres du Cabinet doivent exercer cette fonction d'examen.

La sénatrice Buth : Diriez-vous qu'essentiellement, s'il manque un élément dans un projet de loi budgétaire, c'est à l'opposition d'en assumer la responsabilité, et si elle a l'a loupé, alors elle l'a loupé? Le projet de loi a été débattu au Parlement. Le projet de loi de mise en œuvre du budget a été déposé. Si un élément n'a pas été débattu, cela veut dire qu'il n'a pas fait l'objet de critiques et que, clairement, le Parlement l'a appuyé. La population envoie des élus au Parlement pour s'en occuper, c'est-à-dire pour approuver des budgets.

Mme Turnbull : Elle envoie des élus pour les approuver ou les rejeter. Vous pouvez avancer cet argument jusqu'à un certain point. Si un projet de loi est conçu de telle façon qu'il ne soit pas raisonnable de s'attendre à ce qu'il fasse l'objet d'un examen en raison de sa grosseur ou parce qu'il compte un trop grand nombre d'objectifs sans aucun fil conducteur, on a tendance à associer de tels projets de loi à la politique américaine, où l'on voit d'énormes projets de loi adoptés à la va-vite qui n'ont aucune logique narrative. Ces projets de loi englobent un million d'éléments différents, parce que les représentants du Congrès ont dit : « Je ferai ceci si vous faites cela », et ils les casent dans un seul projet de loi qui est ensuite adopté. En général, cela ne se produit pas aussi souvent au Canada, mais ça devient de plus en plus fréquent.

Si un projet de loi est conçu d'une telle manière qu'un gouvernement — et je n'accuse aucun gouvernement en particulier, il pourrait s'agir de n'importe quel gouvernement — se permet d'insérer un tas d'affaires dans un seul projet de loi en espérant que personne ne verra quelque chose en particulier qui se trouve à l'avant-dernière page, il ne s'agit pas d'un exercice effectué de bonne foi. L'opposition doit-elle exercer la fonction d'examen pour détecter de telles manœuvres? Bien oui, évidemment.

À mon avis, la fonction d'examen est si importante que nous devons agir de manière raisonnable et nous entendre sur ce que nous attendons des éléments qui feront partie d'un projet de loi et décider si nous allons permettre leur inclusion. Si la politique va s'appuyer davantage sur les projets de loi omnibus, je pense que nous devons faire preuve davantage de transparence à cet égard.

La sénatrice Buth : Il y a un an et demi, j'ai été nommée au Sénat. Je suis arrivée l'année dernière, et on m'a chargée du projet de loi budgétaire. Je pense que ce projet de loi budgétaire — le premier projet de loi de l'année dernière, qui était volumineux — faisait un grand ménage des questions laissées en suspens depuis longtemps, depuis des années et des décennies, donc on devait s'en occuper, que ce soit des lois ou des agences qui n'avaient pas été radiées, ou des arrêts de la Cour suprême qui n'avaient pas été mis en œuvre, et cetera.

Comment pouvez-vous savoir qu'un projet de loi a été conçu pour tromper, contrairement à un projet de loi dont l'objectif véritable consistait à faire avancer des questions qui nécessitaient vraiment de l'attention? Vos commentaires me portent à croire que vous pensez que de la tromperie a eu lieu, que l'intention était de berner. Je me demande d'où vous vient cette opinion.

Mme Turnbull : Il ne s'agit pas d'avoir l'intention de tromper; il s'agit de savoir de combien de temps et de ressources les députés et les sénateurs disposent pour examiner les lois et de s'assurer que tous font les mêmes suppositions quant à la portée qui sera accordée à un projet de loi.

La sénatrice Buth : Cela nous est utile. Merci beaucoup.

La sénatrice Hervieux-Payette : Quand vous parlez des médias, j'ai un commentaire à faire à cet égard. Leur responsabilité consiste à informer le public. Ils font probablement de leur mieux, mais si vous effectuez un sondage pour savoir combien de personnes au Canada savent que 75 milliards de dollars ont été envoyés à la banque, les gens les mieux informés dans mon entourage, des personnes d'affaires bien avisées, n'étaient pas au courant, alors je me demande comment monsieur ou madame tout le monde qui travaillent chez Tim Hortons pourraient être au courant. Ce n'est qu'un commentaire.

J'aimerais que vous nous parliez davantage de la convention. Certains pensent que la convention constitutionnelle est très facile à contourner. Mes antécédents dans le domaine judiciaire me portent à croire que la convention, lorsqu'il s'agit de questions constitutionnelles relevant de la common law, a la même force qu'une loi. On ne peut pas y échapper. Il faut appliquer la convention; sinon, effectivement, vous enfreignez la loi. Êtes-vous d'accord avec moi? Merci.

Monsieur Devries, en ce qui concerne le rétablissement du processus, si nous rétablissons le processus qui nous permet de faire notre travail touchant toutes les questions de nature financière liées aux budgets, tout d'abord, choisiriez-vous de faire le ménage dans le budget et de permettre à un projet de loi budgétaire de régler les questions budgétaires? Comme vous l'avez dit, c'est un vote de censure. Quelles sont les différentes étapes qu'il faudrait suivre pour communiquer l'information et effectuer l'approbation en temps voulu en respectant la procédure établie? À votre avis, quel échéancier permettrait au Parlement de bien fonctionner?

M. Devries : Mon premier souhait, c'est d'avoir un budget plus transparent quant à ses véritables objectifs. Nous avons déjà vu de nombreuses initiatives faisant l'objet de vagues allusions dans le budget, mais les véritables détails ne se trouvent que dans le projet de loi d'exécution du budget.

Comme je l'ai déjà dit, il semble que le véritable budget soit le projet de loi d'exécution du budget, et non le budget en tant que tel. Le budget compte un grand nombre de mots — en réalité, il compte plus de 400 pages —, mais la plupart portent sur ce qui s'est produit par le passé et ce qui a été fait dans le passé. Une très petite partie de ces mots porte sur la suite, c'est-à-dire : « Voici ce que nous allons faire, et voici les détails de la manière dont nous allons y arriver. » J'aimerais que ce soit rétabli dans un budget.

Cela dit, j'étais aussi coupable que ceux qui travaillent actuellement dans les finances, en essayant de dissimuler des éléments dans un budget lorsque je travaillais dans ce domaine, mais je suis peut-être devenu croyant au cours des dernières années.

La sénatrice Hervieux-Payette : Nous savons pourquoi.

M. Devries : Je suis également d'avis que le projet de loi d'exécution du budget devrait se limiter à des mesures fiscales. La situation est telle que le projet de loi d'exécution du budget compte un si grand nombre d'éléments qu'aucun comité ne peut faire ce qu'il doit faire pour rendre des comptes à ses propres membres en termes d'approuver ou de rejeter correctement les différentes mesures du projet de loi.

De nombreuses initiatives liées aux dépenses, annoncées dans des budgets précédents, remontent à il y a six ou sept ans, et même avant. Ces budgets auraient dû être présentés sous forme de projets de loi distincts et faire l'objet d'un examen par les comités concernés qui auraient eu le temps de s'y pencher ou bien il aurait fallu suivre le processus du Budget principal des dépenses.

Pour ce qui est de la question des dépenses, on pourrait choisir une de deux options. L'une serait par le Budget principal des dépenses, et l'autre par un projet de loi distinct. Sauf s'il faut vraiment adopter en urgence un projet de loi afin d'éviter les conséquences qui découleraient de son rejet, par exemple, si vous n'êtes pas en mesure d'offrir du soutien à une certaine région à cause d'une catastrophe naturelle et qu'il faut leur envoyer de l'argent immédiatement, mais pour cela il vous faut l'approbation du Parlement; à ce moment-là vous pourriez l'incorporer dans un projet de loi omnibus. Cependant, je crois que la plupart des initiatives en matière de dépenses devraient avoir leur propre processus distinct et ne devraient pas être enfouies dans un projet de loi budgétaire.

Vous répartissez maintenant le travail du Parlement parmi bien plus de comités que seulement le Comité des finances. Vous faites venir les bons experts afin de débattre des enjeux qu'on devrait débattre à ce moment.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous venons d'étudier le projet de loi C-48, qui comprend 900 pages et 500 articles. Même les experts ont dit que personne ne pouvait l'étudier. Il nous a fallu longtemps pour le faire.

Le président : Madame Turnbull, avez-vous un commentaire sur la question posée plus tôt?

Mme Turnbull : Merci. Je voulais dire que la différence, la tension, entre la loi et une convention c'est peut-être que la convention devrait être juridiquement exécutoire, mais ce n'est pas le cas, et c'est là où le bât blesse puisque les conventions ne sont pas codifiées dans la loi ni dans la Constitution; ou dans certains cas on pourrait prétendre que certaines lois pourraient, dans certaines circonstances, être considérées comme des conventions, mais elles ne sont pas conçues de cette façon.

Les conventions sont applicables dans un contexte politique, mais pas dans un contexte juridique. La Cour suprême pourrait reconnaître l'existence d'une convention. Elle ne l'appliquera pas et n'assurera pas son adoption.

Je pourrais longuement parler de la phrase de Trudeau : « C'est légal mais pas constitutionnel ». Si vous lisez la question faisant l'objet du renvoi, vous y trouverez probablement plus d'information que vous souhaiteriez avoir sur la différence entre la loi et la convention constitutionnelle.

Certaines personnes aiment les conventions constitutionnelles puisqu'elles ne sont pas écrites. Elles croient qu'il faudrait certaines règles applicables dans un contexte politique et pour les appliquer, il faut avoir la volonté politique et les renseignements parmi les acteurs pertinents. Sinon, elles ne fonctionneraient pas; elles seraient inutiles.

Le président : Merci.

La sénatrice Hervieux-Payette : Si on devait dépenser des milliards de dollars, vous dites que vous voudrez avoir le budget mis en œuvre comme le seul projet de loi de finances et de questions fiscales. Deuxièmement, qu'en est-il d'un projet de loi portant pouvoir d'emprunt? Qu'en ferez-vous?

M. Devries : Je reviendrais à un projet de loi portant pouvoir d'emprunt, un projet de loi distinct.

La sénatrice Hervieux-Payette : Où?

M. Devries : Un projet de loi distinct au Parlement. Il ferait partie du budget. Il lui faut un contexte financier et économique.

Pourquoi est-ce que le gouvernement veut emprunter plus de dollars qu'il avait dit au départ? Ça devrait être dans le budget. Ça devrait être expliqué dans le budget, que ce soit à cause de conditions économiques ou à cause d'éléments supplémentaires qui sont hors du contrôle du gouvernement. Voilà la raison pour laquelle ils veulent ces fonds supplémentaires.

Il faudrait que ce soit décrit en détail dans le budget. Des tableaux mettent en évidence le déficit, le montant d'argent, les exigences non financières, le montant d'argent nécessaire afin de financer les activités en cours, ainsi que l'argent nécessaire pour refinancer les factures qui doivent être payées. Le total représente les crédits dont ils auront besoin pour cet exercice.

L'aspect progressif, qui fait partie d'un projet de loi portant pouvoir d'emprunt, serait décidé en fonction du déficit et des besoins non budgétaires.

Ce serait précisé dans le budget et constituerait le contexte du pouvoir d'emprunt ou du projet de loi d'emprunt.

La sénatrice Hervieux-Payette : Merci.

Le président : Sénateur Mockler.

Le sénateur Mockler : Merci beaucoup. Je sais que le temps presse.

Le président : Vous avez quatre minutes.

Le sénateur Mockler : Je n'ai pas lu votre livre, madame. Actuellement, je lis Whatever Happened to the Music Teacher, écrit par Donald Savoie.

Le but central de ce livre est de montrer comment les décisions politiques et budgétaires sont prises dans le secteur public d'aujourd'hui, sans oublier ce qui a un impact sur le processus décisionnel d'un gouvernement — qu'il soit local, provincial, municipal, provincial, fédéral ou international —, soit ce que nous appelons les médias sociaux.

Monsieur le président, moi aussi je fréquente Tim Hortons, en fait j'y suis allé samedi matin. À Tim Hortons, les gens me disent que nous avons des députés élus pour prendre des décisions, et si nous ne sommes pas d'accord avec ces décisions, on ne votera pas pour eux aux prochaines élections. C'est ce qu'ils appellent la démocratie.

Merci à vous deux d'être venus. Nous pouvons voir ce qui s'est passé en Europe et aux États-Unis — j'habite dans une ville frontière, et je sais ce que les Américains me disent — et que serait-il arrivé à notre économie si le gouvernement n'était pas intervenu ou pris des mesures quand nous avons subi le plus important effondrement de tous les pays?

M. Devries : J'aimerais répondre.

Ce qui s'est produit après la récession de 2008 ressemblait à ce qui s'était produit au milieu des années 1990. Les circonstances étaient légèrement différentes, mais la situation financière ne l'était pas.

À ce moment, nous avons subi une grave crise financière. On considérait que le déficit était hors de contrôle. On parlait de faire venir le FMI. On aurait été déclassé par New York. On payait un taux d'intérêt plus élevé que la moyenne. Certaines personnes dans le gouvernement croyaient que nous avions une dette impossible à rembourser et que nous ne serions plus capable d'emprunter davantage. Au même moment, il y a eu le référendum et on s'interrogeait sur l'avenir de notre pays.

C'était une situation que je qualifierais d'aussi extrême que celle à laquelle nous venons de faire face; mais nous nous en sommes sortis avec la Loi sur le pouvoir d'emprunt. Nous avons pu faire adopter une loi sur le pouvoir d'emprunt par le Parlement. Nous avons pu gérer nos affaires pendant une période très tendue.

Beaucoup de personnes dans la vieille boutique de Wayne Foster passaient des nuits blanches et faisaient des efforts pour s'assurer que les fonds existaient pour régler nos factures à temps et ne pas être en défaut de paiement. Nous avons pu gérer la situation en pleine transparence et tout le reste qui s'ensuit.

Nous sommes actuellement dans une situation où nous aurions encore pu associer un budget ou un projet de loi de pouvoir d'emprunt au budget de 2009. Rien ne nous empêche de le faire.

Le budget a été déposé en janvier à l'époque. Vous vous souvenez qu'on avait publié une perspective économique à l'automne de 2008, et que le gouvernement avait dit que tout allait bien qu'il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Deux mois plus tard, ils nous ont dit : « Le ciel est en train de nous tomber sur la tête, et nous avons besoin de 55 milliards de dollars pour financer de nouvelles initiatives ».

Il aurait dû y avoir davantage de contrôle de la part du Parlement. Ce qui aurait été le cas s'il y avait une loi portant pouvoir d'emprunt.

Je suis d'avis que cette loi portant pouvoir d'emprunt aurait été adoptée dans un délai suffisamment raisonnable pour donner au gouvernement la souplesse de répondre à ses besoins.

Le président : Madame Turnbull.

Mme Turnbull : M. Devries est bien plus compétent pour répondre à la question, donc je vais appuyer ce qu'il dit.

Le sénateur Mockler : Avec tout le respect que je vous dois, vous n'avez pas répondu à ma question.

Peu importe le parti politique, qu'est-ce qui serait arrivé à notre économie? Je vois ce qui s'est produit aux États- Unis et ce qui s'est produit en Europe.

M. Devries : Qu'est-ce qui serait arrivé à notre économie? Je ne crois pas que ça aurait été différent de ce qui s'est produit.

Le budget de 2009 a été présenté en janvier. Il précisait les besoins d'emprunt pour le gouvernement pour l'année prochaine. Le gouvernement l'avait séparé en deux volets. Il y avait l'économie et la politique. D'après moi, il n'y avait aucune raison pour laquelle le gouvernement n'aurait pas pu déposer un projet de loi sur le pouvoir d'emprunt en même temps qu'il demandait un pouvoir d'emprunt graduel. La question aurait été débattue au Parlement, et l'adoption aurait suivi avant la fin de l'exercice, et l'impact aurait été le même que celui du système actuel. Sauf que cela aurait donné beaucoup plus de contrôle au Parlement sur les besoins du gouvernement. Pour ce qui est de l'économie, je ne vois aucune différence.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Mockler.

Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, j'aimerais remercier Peter Devries et Mme Lori Turnbull d'être venus. Vous avez donné beaucoup de matière à réflexion intéressante. Merci.

Nous allons maintenant lever la séance. Le comité directeur déterminera les prochaines étapes à suivre pour cette question, et nous allons vous donner l'occasion de réfléchir aux témoignages que nous avons entendus ce soir.

La réunion est maintenant terminée.

(La séance est levée.)


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