Aller au contenu
OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 11 - Témoignages du 18 juin 2012


OTTAWA, le lundi 18 juin 2012

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 16 h 35, pour étudier l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis la sénatrice Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité.

Avant de présenter le témoin qui comparaît aujourd'hui, j'aimerais inviter les membres du comité à se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Suzanne Fortin-Duplessis, sénatrice du Québec.

Le sénateur Nolin : Pierre Claude Nolin, je représente aussi la province de Québec.

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Poirier : Sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La présidente : Au début d'octobre, le comité a entrepris son étude sur l'utilisation d'Internet et des médias sociaux, ainsi que sur le respect des droits linguistiques des Canadiens. Plus de 45 organismes ont comparu à ce jour. Le comité tient sa dernière audience aujourd'hui sur le sujet pour commencer une étude à l'automne.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Erin O'Halloran, spécialiste de l'information, à CloudScout Information Services. Sa comparution permettra aux membres du comité d'en savoir plus sur le rapport de recherche que Mme O'Halloran a publié en avril 2011 qui s'intitule Volet juridique des paramètres linguistiques dans les médias sociaux : Étude de cas du Nouveau-Brunswick.

Madame O'Halloran, au nom des membres du comité, je vous remercie de comparaître aujourd'hui et je vous invite à nous présenter votre déclaration liminaire. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions. Allez-y.

Erin O'Halloran, spécialiste de l'information, CloudScout Information Services : Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui. Je suis bibliothécaire et entrepreneure, et mon entreprise, CloudScout Information Services, se spécialise dans la recherche. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de la recherche que j'ai effectuée l'an dernier dans le cadre de mes études de maîtrise. L'idée de faire porter ma recherche sur les médias sociaux dans un environnement bilingue m'est venue au cours d'une conversation informelle que j'ai eue avec un professionnel des communications à Fredericton.

Comme j'étais journaliste à CTV News auparavant, je connais beaucoup de professionnels des communications dans la province et dans la région. Le sujet s'est imposé tout naturellement puisqu'il faisait partie de leur quotidien. Ces professionnels voulaient respecter la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, mais il était très difficile pour eux de le faire, car les communications dans les médias sociaux étaient très décentralisées à ce moment.

C'est donc le point de départ de ma recherche qui a pris forme ensuite lorsque j'ai effectué un examen de la documentation et de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick. J'ai également réalisé deux études de cas et j'ai interviewé un représentant du Bureau du commissaire aux langues officielles de la province.

À la lumière de mes recherches, j'ai pu dégager quelques conclusions. Les premières portent sur les médias sociaux en général, ou si on peut dire, sur la culture des médias sociaux. Les deuxièmes portent sur la Loi sur les langues officielles et les communications provenant du Bureau du commissaire aux langues officielles.

Certaines de mes conclusions s'inspirent des études de cas et des modèles que les organismes utilisent. On m'a aussi proposé quelques pistes de solutions sur la façon d'utiliser les médias sociaux dans un environnement bilingue et de respecter les lois et les règlements en place.

Pour ce qui est du premier sujet, les médias sociaux en général, j'ai pu constater que les Canadiens utilisent beaucoup les réseaux sociaux. Selon un rapport publié en 2009 par Forrester Research, les Canadiens sont ceux qui utilisent le plus les réseaux sociaux dans le monde industrialisé.

Les recherches effectuées auprès de la communauté des réseaux sociaux indiquent également que les organismes se servent des médias sociaux comme outil pour fournir du soutien, éviter la désinformation et obtenir de la rétroaction. On mentionne également que les médias sociaux ont créé un nouveau type de participant dans le monde des communications, un participant qui est autonome, audacieux, fonceur, et qui a des attentes différentes au sujet de son rôle dans les communications. Il a assurément des attentes plus élevées en ce qui a trait au moment de la diffusion de l'information et de la divulgation. Il a également des attentes plus élevées en ce qui a trait au contenu de l'information qui sera divulguée, qu'il compare avec son expérience des autres médias sociaux.

À la lumière de mon examen de la Loi sur les langues officielles, il ne fait aucun doute que les messages diffusés dans les médias sociaux tombent sous le coup de cette loi. Il s'agit de communications, un terme très clairement défini dans la loi. Il est apparu très clairement, en outre, dans les discussions que j'ai eues avec le représentant du Bureau du commissaire aux langues officielles, que certaines institutions et certains organismes au Nouveau-Brunswick ne respectent pas la loi. Aucune plainte n'a encore été déposée, mais cela n'est pas, à mon avis, une raison pour ne pas agir.

Fait intéressant toutefois, le Bureau du commissaire aux langues officielles a commencé à recevoir des demandes des spécialistes en communications. Ils veulent savoir ce qu'ils doivent faire pour respecter la loi, et aussi comment ils doivent s'y prendre pour jouer un rôle actif dans les médias sociaux.

Les études de cas nous ont permis de constater que divers modèles, tantôt centralisés, tantôt décentralisés, sont utilisés par les institutions et les organismes. Il peut n'y avoir qu'une seule personne qui diffuse des messages sur Twitter au nom de l'organisme, ou il peut y en avoir des dizaines.

Autre modèle ou tendance : certaines institutions utilisent des comptes bilingues, alors que d'autres utilisent des comptes unilingues séparés qui diffusent la même information.

J'ai été à même de constater, de plus, que la complexité d'un organisme influe sur sa capacité à respecter la loi. Sa tâche est plus facile ou plus difficile selon le niveau de complexité.

Par ailleurs, les études de cas m'ont permis d'apprendre — et les gens étaient catégoriques à cet égard — que les médias sociaux ne s'intègrent pas facilement dans le modèle de communications en place. Comme vous le savez sans aucun doute, les communications comportent différentes étapes : rédaction, approbation, traduction et, finalement, diffusion.

Les médias sociaux étant clairement empreints d'une culture bien définie, bien des gens sont d'avis que les communications dans ces médias ne cadrent pas du tout avec le modèle existant, et qu'il faut donc trouver une façon de respecter la Loi sur les langues officielles, en plus de respecter la culture des médias sociaux et de bien servir les utilisateurs.

Pour remédier à ce problème qui se pose aux responsables des communications, il a été proposé notamment d'avoir une période de temps allouée à la traduction, d'avoir des traductions déjà prêtes pour les messages fréquemment utilisés et de confier la responsabilité des communications dans les médias sociaux à du personnel bilingue.

Une autre solution proposée dans la documentation par les professionnels des ressources humaines était de créer des postes de responsables des communications dans les médias sociaux. Dans la documentation, on parle de postes de gestionnaire de communauté. Dans un environnement comme celui du Nouveau-Brunswick, ou dans tout environnement bilingue, ces gestionnaires auraient non seulement la responsabilité de créer des liens et de gérer les communications, mais aussi d'assurer le respect des lois et des règlements en matière de langues officielles.

Enfin, dernière trouvaille dans le cadre de ma recherche l'année dernière : la documentation du gouvernement fédéral sur la question est centrée sur le respect du bilinguisme et sur l'accessibilité, qui sont, à mon avis, les éléments les plus importants. Il faudrait toutefois également que la documentation traite de la façon de continuer à bien servir la communauté des médias sociaux et de tenir compte de la culture propre à ces derniers. C'est un point que j'aimerais souligner.

Il est tout à fait plausible de penser que les médias sociaux seront pour ceux qui nous suivront la source principale d'information, que celle-ci vienne de leurs amis ou du gouvernement. Il sera donc très important de respecter la culture des médias sociaux et de continuer à améliorer le service qui est offert à cette communauté.

C'est ce qui conclut ma déclaration. Avez-vous des questions?

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup. En tout premier lieu, bienvenue. Cela nous fait plaisir de vous entendre.

Ma première question sera simple : à l'heure où Facebook est devenu le média social le plus populaire de la planète avec environ 800 millions d'utilisateurs, on peut se demander quelle place prendra la langue française dans ce nouvel univers virtuel.

Doit-on se méfier des nouveaux médias où, au contraire, doit-on croire en leur potentiel de rejoindre le monde entier en quelques clics?

[Traduction]

Mme O'Halloran : Je crois que la communauté francophone doit à la fois se réjouir et se méfier. Il faut se réjouir du fait que ces outils de communication — je crois qu'il faut les voir comme tels — permettent de joindre une foule de gens. Ce sont des outils qui ont un énorme potentiel.

Toutefois, comme la communauté des médias sociaux s'attend à l'instantanéité, il faut qu'il y ait quelqu'un prêt à faire la traduction ou qu'on ait accès à des messages déjà traduits dans le cas des questions qui reviennent fréquemment. À mon avis, il faut qu'il y ait une stratégie de communication pour les deux communautés, la francophone et l'anglophone. Les délais de réponse et les attentes des utilisateurs des médias sociaux posent tout un défi pour le modèle de communications existant.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : En avril 2011, vous avez soumis un texte pour une classe donnée à l'Université de Dalhousie; le texte portait sur la littérature légale et la bibliothéconomie, plate-formes de médias sociaux utilisées au Nouveau-Brunswick et qui respectaient les exigences de la Loi sur les langues officielles. Vous avez souligné les différentes approches adoptées par les organismes gouvernementaux en ce qui a trait aux médias sociaux.

Êtes-vous au courant des recherches en cours actuellement pour déterminer le meilleur modèle à adopter en matière de prestation de services bilingues?

[Traduction]

Mme O'Halloran : À ma connaissance, il n'y a pas de recherche en cours sur les pratiques exemplaires pour la prestation des communications bilingues dans les médias sociaux. Je crois qu'il existe certaines pratiques, et que les institutions et les organismes tentent d'obtenir des conseils à ce sujet. Je ne crois pas, toutefois, qu'on ait réussi à cerner des pratiques exemplaires en s'appuyant sur des recherches solides. Les gens s'informent plutôt à leurs voisins ou à leurs collègues pour savoir comment ils procèdent et si cela fonctionne bien. Ils s'en remettent aux stratégies utilisées par leurs voisins.

C'est bien pour l'instant, mais il faudrait examiner les pratiques exemplaires, à mon avis, car les médias sociaux sont appelés à occuper une place grandissante. Il faut notamment savoir quel mode de communication les citoyens préfèrent.

À l'heure actuelle, par exemple, bon nombre d'organismes considèrent le compte unilingue comme une pratique exemplaire. Je ne suis pas convaincue de la chose, notamment parce que les médias sociaux sont basés sur les relations. Il ne s'agit pas seulement des relations entre le gouvernement et le citoyen, mais aussi des relations entre les citoyens; il faut donc être en mesure de communiquer dans tous les sens.

Disons, par exemple, que je reçois un message du gouvernement sur le compte Facebook en anglais. Je pose une question et le représentant du gouvernement répond à la question sur le même compte Facebook. Les utilisateurs du compte en français ne verront pas ma question, ni la réponse. Il y a donc une barrière dans la relation entre moi et l'autre compte.

Je crois qu'il faut explorer l'aspect relationnel des médias sociaux et établir les pratiques exemplaires à partir de ce que la recherche nous révélera.

Le sénateur Poirier : Je vous remercie de votre présence. C'est toujours agréable d'entendre le point de vue d'une compatriote du Nouveau-Brunswick.

Si j'ai bien compris ce que vous avez dit et ce que j'ai lu, la Bibliothèque publique de Moncton possède une identité provinciale en vertu de la Loi sur les langues officielles, et elle excelle dans sa façon d'utiliser les médias sociaux en respectant ses obligations légales. Vous avez également dit que les responsables de la bibliothèque ont changé leur façon d'utiliser les médias sociaux. Savez-vous ce qui a incité les responsables de la Bibliothèque publique de Moncton à passer d'un compte bilingue à des comptes séparés pour les deux langues officielles? À votre avis, des comptes séparés sont-ils un meilleur outil de communication?

Mme O'Halloran : C'est précisément la Bibliothèque de Moncton que j'avais en tête lorsque je vous ai parlé des comptes unilingues et bilingues. La bibliothèque avait un compte bilingue et quelques abonnés, mais pas un large auditoire. Il s'agissait d'un compte Twitter, qui comptait moins de 100 abonnés, si je ne m'abuse. Ce n'est pas beaucoup pour une vaste région comme celle de Moncton-Dieppe-Riverview. Les responsables ont consulté d'autres bibliothèques pour savoir si elles avaient opté pour l'approche bilingue ou unilingue, et c'est ce qui les a amenés à changer leur approche. C'était de plus en plus compliqué pour eux. L'approche unilingue fonctionne bien dans leur cas.

En fait, j'ai demandé à une employée de la bibliothèque, Chantale Bellemare, si, selon elle, les comptes unilingues éloignaient les communautés l'une de l'autre du point de vue relationnel. Elle m'a répondu que ce n'était absolument pas le cas, car la plupart des abonnés consultaient les deux comptes.

[Note de la rédaction : difficultés techniques — transmission vidéo]

(La séance se poursuit à huis clos.)

——————

(La séance publique reprend.)

La présidente : Bienvenue de nouveau au comité.

Le sénateur Poirier : Nous avons perdu la connexion au beau milieu d'une réponse. Nous étions en train de discuter des changements à la Bibliothèque publique de Moncton. Je vous ai demandé si, selon vous, les comptes séparés étaient plus efficaces pour eux que le compte unique qu'ils utilisaient au début.

Mme O'Halloran : Lorsque j'ai parlé à la question précédente des gens qui s'intéressaient à ce que font leurs voisins, c'est ce à quoi je faisais référence. La Bibliothèque de Moncton avait un compte Twitter bilingue auparavant. Elle avait moins de 100 abonnés sur ce compte, et c'est alors que les responsables se sont informés auprès d'autres bibliothèques et d'autres organismes dans leur secteur professionnel pour savoir ce qu'il était préférable de faire, car il n'y a pas vraiment de pratiques exemplaires. Ils ont opté pour des comptes unilingues à la lumière de ce que leur ont dit leurs collègues des autres institutions.

J'ai demandé à Chantale Bellemare si, selon elle, le fait d'avoir des comptes séparés empêchait les communautés de tisser des liens, et elle m'a répondu que non, car ceux qui veulent consulter les deux comptes s'abonnent aux deux. Selon elle, cela n'empêche aucunement les deux communautés de créer des liens.

Le sénateur Poirier : Mon autre question concerne le commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick. Vous a-t-il fait des recommandations substantielles? En avez-vous d'autres à faire?

Mme O'Halloran : Certainement. En discutant avec le représentant du Bureau du commissaire aux langues officielles l'an dernier, je me suis dit que ce serait une bonne idée d'avoir des lignes directrices du gouvernement fédéral. À l'époque, toutefois, il n'y avait pas de documentation pour y donner suite.

C'est pourquoi dans le rapport annuel publié à l'automne, on recommandait d'adopter un règlement pour guider les employés de la fonction publique dans l'utilisation des médias sociaux. On ne peut pas vraiment savoir si cela se produira.

Toutefois, il faudrait qu'il y ait une étude sur les pratiques exemplaires avant de mettre en place un règlement. La création d'un règlement n'est pas la solution, à mon avis. Il faut d'abord savoir ce que les citoyens veulent et savoir comment ils veulent interagir avec le gouvernement dans les médias sociaux. Les citoyens qui utilisent les médias sociaux sont autonomes et fonceurs, et il faut absolument les consulter avant de mettre en place un règlement avec lequel il nous faudra vivre ensuite.

Le sénateur Poirier : Pouvez-vous nous donner des exemples de ministère, soit au fédéral ou au provincial, qui, selon vous, excellent dans la façon d'utiliser les médias sociaux?

Mme O'Halloran : On peut exceller dans la façon d'utiliser les médias sociaux, mais il est plus difficile d'y arriver dans un environnement bilingue. La Bibliothèque publique de Moncton, par exemple, y parvient très bien. Il faut dire, toutefois, qu'il s'agit d'un organisme très peu complexe et que cela lui facilite la tâche.

Mon autre étude de cas portait sur la ville de Fredericton. C'est une organisation assez complexe qui compte de très nombreux abonnés sur ses comptes Twitter. Les parcs et les loisirs sont au cœur de la vie des résidants. Les responsables de l'entretien des pistes de raquette et de ski de fond en hiver envoient des mises à jour sur le fil Twitter pour informer les gens des pistes qui ont été damées, des piscines qui sont ouvertes, des patinoires qui sont prêtes.

En fait, ils offrent par le biais des médias sociaux un service remarquable aux citoyens; le problème est qu'ils ne l'offrent pas dans les deux langues officielles à cause de la forte décentralisation du format. Il se peut que les personnes qui entretiennent ces sites et ceux qui ouvrent les espaces de stockage ne soient pas bilingues. Par conséquent, le format décentralisé permet de communiquer rapidement des informations pertinentes, mais pas aux deux communautés linguistiques, et c'est le grand problème.

Je dirais qu'ils font du bon travail, mais qu'ils ne respectent pas la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Poirier : Merci pour ces informations.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Lorsqu'on parle de bilinguisme ou d'unilinguisme au Nouveau-Brunswick, cela suscite de vives passions. Quand vous parlez d'un compte unilingue, est-ce que c'est un francophone qui répond à l'appel et l'autre, l'unilingue, c'est un anglophone qui répond à l'appel? Ou encore, est-ce que c'est une personne bilingue qui répond dans une langue ou dans l'autre?

[Traduction]

Mme O'Halloran : Par exemple, à la bibliothèque municipale de Moncton, il y a un membre du personnel qui est bilingue et qui répond aux messages dans les deux comptes. Il s'agit essentiellement d'affichage de messages. Il n'y a pas beaucoup de discussions dans ce compte et plutôt que de participer aux conversations cette personne ne fait pratiquement que livrer des messages.

Quoi qu'il en soit, oui, dans ce cas particulier, un membre du personnel est bilingue.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous vivez au Nouveau-Brunswick. Vous savez que lorsqu'ils font affaire avec les ministères et qu'une personne leur répond avec un accent anglophone, la plupart des francophones, malheureusement, vont s'exprimer en anglais et c'est là ma crainte. Ce n'est pas la faute de la personne qui répond. Par peur de froisser les gens et pour expédier la conversation, souvent on s'exprime en anglais. C'est pourquoi j'estime important que ce soit un francophone qui réponde en français et un anglophone qui réponde en anglais.

[Traduction]

Mme O'Halloran : Je comprends et je connais le genre de situation que vous avez décrite. Je crois que c'est très courant. Il arrive que ce soit un francophone qui réponde à des questions dans le fil de discussion en français et un anglophone qui le fasse dans le fil de discussion en anglais. Pour des raisons de ressources en personnel, il serait difficile d'avoir deux employés, soit une personne pour chaque compte.

Autre chose, nous souhaiterions que les mêmes informations soient communiquées aux deux communautés. J'estime que tout ce qui est affiché dans un fil de discussion devrait l'être également dans l'autre fil de discussion. Je crois qu'il est important d'instaurer une certaine équité au niveau du partage de l'information.

Le sénateur Robichaud : Le partage de l'information ne me pose pas problème, mais il faudrait que la personne avec laquelle on communique ait le sentiment qu'on lui offre le service dans sa langue; ce qui est très important au Nouveau-Brunswick.

Mme O'Halloran : Absolument. Je suis d'accord.

[Français]

La présidente : Si une institution veut bien performer à l'égard des communautés de langue officielle en milieu minoritaire, selon vous quels seraient les principaux critères à respecter?

[Traduction]

Mme O'Halloran : Je crois que le commissaire aux langues officielles a officieusement dit aux institutions et organisations de publier dans les médias sociaux le message initial dans les deux langues officielles. Toutefois, en cas de question ou de commentaire se rapportant au message initial, la réponse doit être dans la même langue que celle utilisée dans la question ou le commentaire.

Mais je trouve que cela cause un problème puisqu'on empêche les relations qui pourraient se développer dans les médias sociaux; des relations que je souhaiterais voir s'établir. Par conséquent, je pense que pour que ça fonctionne, le message initial ainsi que les questions et les commentaires s'y rapportant devraient être publiés dans les deux langues officielles.

Le court délai de réponse est un autre facteur de réussite et certainement un enjeu de taille. Pour offrir un véritable service, il est important de pouvoir répondre rapidement et efficacement aux questions et de divulguer des renseignements non sensibles. Voilà ce qu'il faut faire pour réussir.

[Français]

La présidente : Est-ce que ce grand défi se compare autant au niveau provincial qu'au niveau fédéral? Est-ce que ce serait à peu près le même défi? Aussi, est-ce qu'il est réaliste de penser qu'on peut s'attaquer à ce défi?

[Traduction]

Mme O'Halloran : Ça dépend vraiment de l'approche adoptée. Si vous optez pour un modèle centralisé dans lequel une seule personne s'occupe du gazouillage et de l'affichage des messages sur Facebook pour le compte d'une organisation, ce serait, à mon avis, plus facile car cela permettrait d'avoir un meilleur contrôle. Cependant, le service pourrait être moins bon étant donné que la culture des médias sociaux est fondée sur les principes de la décentralisation des communications et de la participation de tout le monde. Tout dépendra du modèle adopté par le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial.

[Français]

La présidente : Si vous aviez une recommandation à faire au comité, quelle serait-elle?

[Traduction]

Mme O'Halloran : Je recommanderais de tenir compte de la culture des médias sociaux qui a été créée par les gens qui les utilisent. Il faudra pour cela davantage d'études et de consultations avec ces utilisateurs.

Le sénateur Mockler : Je suis du Nouveau-Brunswick. J'ai consulté la liste de vos sites, vous en avez un qui s'appelle askmeanything.ca.

Mme O'Halloran : Effectivement.

Le sénateur Mockler : Vous avez mentionné, au commencement, que l'application des médias sociaux suscite de l'enthousiasme et de l'inquiétude. Vous avez aussi dit que le Nouveau-Brunswick pourrait montrer la voie en ce qui concerne la Loi sur les langues officielles. Vous écrivez dans l'un de vos articles, celui paru dans le Telegraph Journal :

Il y a confusion aujourd'hui à propos de la meilleure façon dont les organismes gouvernementaux peuvent utiliser les médias sociaux tout en se conformant à la Loi sur les langues officielles et en adhérant à la culture des médias sociaux.

Que voulez-vous dire par là? Où se situent l'enthousiasme et l'inquiétude par rapport à ce propos?

Mme O'Halloran : Je crois que les gens qui travaillent dans les communications sont enthousiasmés par toute nouvelle possibilité de communication avec une collectivité avec laquelle ils veulent communiquer. Les médiaux sociaux peuvent être un véritable espace de créativité et c'est ça qui est excitant.

Il est aussi possible de rejoindre un très vaste public qui peut, parfois, dépasser en nombre celui visé par les médias, et ce, avec moins de ressources si on s'y prend bien au plan de la stratégie et de la planification. Le problème est que dans certaines provinces, les agents chargés de la communication dans les médias sociaux ne sont pas bilingues. Ce qui est inquiétant, c'est que les personnes unilingues ne pourront pas communiquer aussi bien dans les deux langues officielles et donc le service offert par les médias sociaux en souffrira.

Par exemple, les personnes qui entretiennent les sites à Fredericton fournissent de bons renseignements, mais ne sont peut-être pas capables de le faire dans les deux langues officielles. C'est la raison pour laquelle je propose quelques stratégies, notamment la traduction préalable des messages fréquents. Cela permettrait d'éviter les situations où le modèle décentralisé ne fonctionne pas ou ne respecte pas la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Mockler : Pouvez-vous m'expliquer ou répéter, par exemple, ce que vous entendez par entretenir les sites? Vous avez dit un mot à ce sujet. Comment pourrait-on dans un service de l'administration, prenons un ministère, améliorer les services offerts au public?

Je me souviens du lancement de Services Nouveau-Brunswick par des gouvernements précédents. Puis durant son amélioration faite par les gouvernements suivants, un accord a été conclu avec le gouvernement fédéral et ils utilisent maintenant Service Canada. En fait, le programme provient du Nouveau-Brunswick.

Pouvez-vous me citer un service que Services Nouveau-Brunswick, le ministère des Ressources naturelles ou celui de l'Environnement pourraient offrir pour atteindre le niveau de communication que nous ciblons et rehausser la qualité de vie de nos citoyens?

Mme O'Halloran : Absolument. Les médias sociaux sont utilisés plus fréquemment comme un outil de service à la clientèle, un aspect qui n'est pas mentionné dans le document, mais j'ai fait des recherches à ce sujet avec Eastlink, une compagnie de télécommunications basée en Nouvelle-Écosse.

Les médias sociaux peuvent être un formidable outil de service d'information et pourraient complémenter un numéro 800, par exemple.

Services Nouveau-Brunswick reçoit des demandes de renseignements de probablement beaucoup de personnes auxquelles sont offertes trois possibilités d'obtenir de l'information : se rendre dans un bureau; composer un numéro 800 ou consulter la page de la « foire aux questions » dans le site Web de ce service.

Les médias sociaux peuvent certainement jouer un grand rôle dans la stratégie de service à la clientèle et pour fournir de l'information; ce qui impliquerait un personnel qui répondrait aux questions ou guiderait les gens vers d'autres informations publiées dans les deux langues officielles.

D'autres compagnies ont un centre d'appels, mais à l'avenir il y aura des centres de médias sociaux où des employés attendraient de recevoir des messages Twitter et y répondraient.

Le sénateur Mockler : Je trouve intéressant ce que vous venez de dire sur les centres de médias sociaux qui communiqueraient avec Services Nouveau-Brunswick. Je vais vous donner un petit exemple que j'ai mentionné à la présidente du comité il y a quelques semaines.

On a demandé ma participation à une activité. Il s'agissait d'une maison qui avait pris feu à Grand Falls, au Nouveau-Brunswick et qui appartenait à un jeune couple dans la mi-vingtaine. En près de deux heures et demie, ils avaient collecté un peu plus de 1 500 $, et ce, par le biais des médias sociaux, de leurs amis et même d'habitants de Moncton qui ont donné 5 ou 10 $ chacun. Ils ont aussi reçu toutes sortes de vêtements, de meubles, et cetera.

J'étais à Grand Falls. Je leur ai demandé quand ils avaient envoyé un message dans les médias sociaux — car je suis député et notre présidente nous surveille de très près. Je leur ai demandé comment ils s'y étaient pris pour communiquer. Tout a été fait en anglais, alors que la majorité d'entre eux, je dirais 9 sur 10 étaient des francophones.

Mme O'Halloran : Il se développe une perception selon laquelle l'anglais est la langue qui doit être utilisée dans les médias sociaux, surtout parce les fondateurs de ces compagnies et de ces sites les ont généralement créés dans un milieu d'affaires américain, dans la Silicon Valley. Je pense que les gens pensent que l'anglais est la langue des médias sociaux. C'est regrettable, mais c'est la perception qu'ont les gens.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je comprends que, lorsque les gens communiquent entre eux, ils se servent de la langue de leur choix et de la qualité dans laquelle ils veulent s'exprimer. Là n'est pas le problème. Au Nouveau-Brunswick, toutes les communications faites par les ministères doivent être dans les deux langues, et les médias dont on parle sont en temps réel; ça se fait tout de suite, à l'instant. Alors pour avoir un message qui se communique dans les deux langues officielles, je pense qu'on a énormément de travail à faire, parce que les deux doivent être transmis avec une qualité égale dans chaque langue. Est-ce que vous avez envisagé et regardé cette situation?

[Traduction]

Mme O'Halloran : Je crois que vous avez soulevé un point intéressant car, dans la plupart des cas, les gouvernements n'offrent pas maintenant des services de traduction, nous faisons donc traduire des messages par des cabinets de traduction privés.

Par exemple, une municipalité emploie un agent de communication anglais ou anglophone qui rédige un message, le fait approuver puis l'envoie à un cabinet de traduction externe pour le faire traduire. Ce processus ne fonctionnera pas du tout pour les médias sociaux étant donné qu'il faut attendre quelques heures ou quelques jours pour recevoir la traduction du message. Donc, le message perd de son instantanéité et il n'est donc pas aussi important d'utiliser les médias sociaux.

C'est-à-dire que les institutions et organisations gouvernementales devraient se remettre à faire des traductions afin que la participation aux médias sociaux se déroule en temps réel. Cela voudrait dire que des gens soient sur place pour faire ces traductions et communiquer dans les deux langues.

Le sénateur De Bané : Avez-vous eu la possibilité d'étudier la façon dont l'Union européenne, où l'on parle une douzaine de langues, aborde ce problème? Quelle approche la Commission européenne à Bruxelles a-t-elle adoptée à l'égard des médias sociaux considérant le fait qu'il y a 27 pays et environ 12 langues officielles? Avez-vous eu l'occasion d'étudier la façon dont ils s'y prennent?

Mme O'Halloran : Je me suis effectivement penchée sur la situation dans d'autres pays qui ont plusieurs langues officielles et je n'ai trouvé aucune publication qui traitait précisément de ce sujet. Même au plan de la législation, de la loi, je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de similaire ou de comparable à la Loi sur les langues officielles que nous avons ici au Nouveau-Brunswick.

Toutefois, je parie qu'ils communiquent en anglais dans les médias sociaux, malheureusement, et que leurs sites Web affichent des liens vers des versions dans des langues différentes.

Le sénateur De Bané : C'est peut-être le cas. Je sais qu'ils ont réussi jusqu'à présent à diffuser quotidiennement des émissions dans 11 langues sur EuroNews qui a, en Europe, une plus grande audience que CCN et la BBC. Ce qui est intéressant, c'est que l'utilisation des diffuseurs nationaux de chaque pays leur permet de rapporter les nouvelles dans ces pays. Êtes-vous convaincue que leurs médias sociaux n'utilisent que l'anglais?

Mme O'Halloran : Sans l'être vraiment, je peux certainement vous dire que la diffusion d'émissions dans 11 langues exige une planification et une structure. Pour le faire chaque jour et susciter l'intérêt d'une audience, je suppose qu'ils disposent d'une structure considérable. À mon avis, il est important d'inclure les médias sociaux dans toute stratégie de communication.

S'ils utilisent aussi 11 langues pour communiquer dans les médias sociaux, c'est probablement parce que leur utilisation des médias sociaux est également très structurée et très centralisée. Et dans ce cas, je dirais que c'est la méthode et le modèle qu'ils ont choisis. C'est probablement ainsi qu'ils procéderont pour pouvoir utiliser plusieurs langues.

Le sénateur De Bané : Comme vous le savez, au Canada je peux accéder aux sites Web en anglais ou en français de grandes institutions comme les banques à charte et les institutions gouvernementales. Avez-vous étudié, vous ou votre compagnie, la possibilité d'inciter le secteur privé à faire cela afin que le choix de la langue ne soit pas limité aux institutions gouvernementales ou à des entreprises privées réglementées comme les banques? Chaque jour, nous faisons plus affaire avec le secteur privé qu'avec le gouvernement.

Mme O'Halloran : Il n'y a pas actuellement de législation à cet effet. Cependant, il est possible d'encourager les organisations du secteur privé à publier leur documentation en anglais et en français. Il faudrait un changement de culture général pour apprécier la communication dans les deux langues et les respecter. Après avoir obtenu ma maîtrise l'année dernière, j'ai passé cinq semaines au Québec et j'ai adoré parler français. Dans ma compagnie, j'ai distribué un communiqué en anglais et en français sur l'exposé que je vous présente ce soir. Pour moi, traduire le message mérite qu'on en paye le prix.

Personnellement, je n'ai pas les connaissances suffisantes pour faire moi-même la traduction, mais j'estime qu'il faut un changement d'attitude et de culture, mais pas nécessairement une modification législative. Ce genre de changement se répandra. Il faut faire des efforts dans ce domaine et je n'ai aucune idée comment s'y prendre. En ce qui me concerne, c'est mon apprentissage du français au Québec qui m'a sensibilisée.

Le sénateur De Bané : Je trouve regrettable que nous n'ayons pas encore trouvé le moyen de tirer avantage du fait que les deux langues officielles de notre pays comptent parmi les plus importantes langues du monde occidental. C'est un formidable atout pour nous tous. Merci beaucoup.

Mme O'Halloran : Merci.

La présidente : Honorables sénateurs, c'est notre dernière séance et notre dernier témoin. Je suis sûre que vous êtes d'accord avec moi pour dire que le témoignage de Mme O'Halloran était excellent et très intéressant.

Au nom du comité, merci infiniment pour le travail que vous avez accompli et pour avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Mme O'Halloran : Je vous en prie, merci.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, nous avons l'ébauche du plan; dès notre retour au mois de septembre, nous allons nous pencher sur l'ébauche du rapport. Si vous avez des suggestions, veuillez les faire parvenir à Mme Hudon. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


Haut de page