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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 13 - Témoignages du 4 mars 2013


OTTAWA, le lundi 4 mars 2013

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour étudier et faire rapport au sujet des politiques, des pratiques, des circonstances et des capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense (sujet : la cybersécurité), pour examiner la question du harcèlement au sein de la Gendarmerie royale du Canada et pour étudier l'ébauche d'un budget.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs, il s'agit de la réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense pour le lundi 4 mars.

Une fois de plus, nous avons un ordre du jour chargé aujourd'hui et nous commençons par un sujet que bien des gens, je crois, trouvent assez effrayant. Le commandant du cybercommandement de l'armée américaine, qui dirige également la National Security Agency américaine, de passage récemment à une conférence, à Ottawa, a mis en garde contre un déluge grandissant de cyberattaques contre le secteur privé américain. Selon lui, la situation est alarmante, ajoutant que le gouvernement américain ne peut pas faire grand-chose pour l'instant pour y mettre fin. Les propos du général Keith Alexander donnent matière à réflexion, alors que nous voyons l'armée et le gouvernement américains faire face à des réductions des dépenses généralisées et, bien entendu, traiter avec le cyberespace est coûteux.

James Lewis est une autorité américaine en matière de cybersécurité et de cyberpolitique et il est également chercheur au Center for Strategic and International Studies, également connu sous l'acronyme CSIS, mais il s'agit d'une entité très différente du CSIS en anglais, à savoir SCRS, dans notre pays, pour dissiper tout doute.

Nous avons invité M. Lewis à se joindre à nous, l'automne dernier, mais je crois qu'une grosse tempête est survenue et nous n'avons pas pu établir le lien. Toutefois, le voici aujourd'hui par vidéoconférence.

Monsieur Lewis, je vous souhaite la bienvenue et suis heureuse que nous ayons enfin pu établir la connexion. Avez- vous une déclaration préliminaire ou bien préférez-vous que nous entrions directement dans le vif du sujet?

James Andrew Lewis, chercheur principal, directeur du Programme de technologie et de politique publique, Center for Strategic and International Studies : J'allais dire quelques mots pour commencer.

La présidente : Allez-y, je vous en prie.

M. Lewis : Permettez-moi de vous remercier pour votre invitation et je suis heureux que notre conversation n'ait pas été annulée à cause d'une tempête. N'oubliez pas qu'à Washington, une tempête de neige d'un quart de pouce suffit pour créer des dégâts.

La présidente : En tant que Canadiens, nous sommes au courant.

M. Lewis : Je suis également heureux qu'ils n'aient pas inscrit les initiales du CSIS derrière moi, car je sais que cela aurait pu vous induire en erreur.

Il s'agit d'un sujet qui est devenu un grave problème pour la sécurité nationale. Bien des pays se dotent de cyberstratégies. Le Canada, la France et le Royaume-Uni disposent tous d'une stratégie. D'autres pays, tels que l'Allemagne ou le Japon, sont en train d'en élaborer une. Les stratégies perfectionnées que nous voyons aujourd'hui ont un volet diplomatique et militaire, ainsi qu'une emphase traditionnelle sur la défense technique. Les événements des 12 derniers mois, comme vous l'avez souligné, ont ravivé les craintes du public, attirant l'attention sur l'Iran et sur la Chine. Ce sont là des choses sur lesquelles les décideurs politiques américains ont concentré leur attention.

Cela fait environ trois ans qu'a lieu un débat interne aux États-Unis, débat qui a mené à la publication d'un certain nombre de documents au cours des six derniers mois. Parmi eux, citons un document sur le rôle de l'armée et de l'exécutif pour protéger l'infrastructure critique et, un document publié la semaine dernière sur la protection des secrets commerciaux. Il y a beaucoup de développement dans ce domaine.

J'aimerais souligner le fait que de nombreux gouvernements explorent différentes démarches en matière de cybersécurité et de coopération. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos éventuelles questions.

La présidente : C'est excellent. Merci à vous d'avoir planté le décor. J'aimerais commencer et c'est justement là où je voulais en venir au départ. Récemment, dans l'émission Face the Nation sur CBS, on vous a demandé quel type de cyberdéfense existe réellement aux États-Unis et vous avez répondu que c'était une défense confessionnelle, chose que l'on a également entendu dire à propos de notre propre pays. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?

M. Lewis : Bien entendu. Si vous comparez la situation à celle d'il y a cinq ans, les États-Unis sont mieux lotis aujourd'hui. Et c'est le cas pour de nombreux pays. Il y a eu beaucoup d'efforts déployés pour renforcer les réseaux gouvernementaux, du moins du côté militaire et des renseignements. On accorde beaucoup plus d'attention à la cybersécurité, mais nous ne travaillons encore pas beaucoup avec le secteur privé. Si vous regardez qui est propriétaire de l'infrastructure essentielle, le gros des ressources économiques, ou quoi que ce soit d'autre, c'est là qu'il y a vraiment une base confessionnelle. Nous avons de la chance qu'il n'y ait encore eu personne qui se soit attaqué brutalement à nous. Il y a des problèmes du côté de l'espionnage — jusqu'à maintenant aucune attaque — mais il n'y a aucune stratégie sérieuse pour faire en sorte que le secteur privé collabore à l'élaboration d'une cybersécurité accrue.

La présidente : Cela soulève une toute autre série de questions sur les renseignements personnels et le rôle du gouvernement. Nous y parviendrons au cours de nos questions, aujourd'hui.

Le sénateur Dallaire : Je crois que nous devons établir le contexte, pour cette guerre cybernétique, ces cyberattaques et autres, d'un point de vue stratégique plus global et non pas se perdre dans les détails trop rapidement. Alors que nous entrons dans une époque où les pays ne se font plus la guerre au sens classique du terme en utilisant la force, en ayant recours à de grandes manœuvres de leurs armées et autres choses semblables — nous nous ajustons au type de conflit qui dépasse les frontières et qui peut avoir un effet sur nous par le biais de l'extrémisme et autre — ne croyez- vous pas que la guerre cybernétique est la version moderne de la guerre totale telle qu'on la faisait à la Seconde Guerre mondiale? Ce que je veux dire, c'est qu'elle est beaucoup plus inclusive de l'ensemble des sociétés à l'intérieur et à l'extérieur des frontières et que nous devrions l'aborder en fonction d'un nouveau modèle national global qui consisterait à dire essentiellement que nous sommes en guerre et de voir comment nous nous défendons.

M. Lewis : J'ai tendance à voir cela de manière beaucoup plus tranquille pour les raisons suivantes. Je conviens du fait qu'il y ait de grands changements qui constitueront des défis aussi bien pour les démocraties que pour les régimes autoritaires. J'espère que ces défis seront plus importants pour ces derniers, mais je ne crois que nous soyons dans une situation de guerre cybernétique. S'il y a une chose qui s'est dégagée depuis un an ou deux, c'est un consensus international sur ce qui constitue l'utilisation de la force dans le cyberespace, ce qui constitue une cyberattaque et cela est conforme au droit international existant. Il faut qu'il y ait de la destruction, des dégâts, des victimes et des morts. Si cela n'atteint pas de telles dimensions, ce n'est pas une guerre. Si vous regardez les activités de certains des principaux États rivaux des États-Unis, et du Canada également, je crois — à savoir la Russie et la Chine — elles se sont efforcées de rester en-deçà de ce seuil qui définit une guerre, de manière à ce que nous nous trouvions dans un nouveau type de conflit. Il s'agit d'un nouveau type de vulnérabilité pour les nations, une nouvelle source de risque, mais je ne pense pas qu'il s'agisse de guerre.

Le sénateur Dallaire : Je ne suis pas déçu par votre commentaire. Vous amenez une objectivité sur laquelle je ne m'étais peut-être pas penché ici. Toutefois, les menaces qui se serviraient des instruments de guerre cybernétique ne sont pas des menaces classiques. Elles ne se limitent pas aux nations. Elles peuvent être d'envergure globale et quasiment à la James Bond si l'on se fie à certaines perceptions autour de nous, car nous sommes extraordinairement vulnérables à cause de notre hyper-dépendance de ces systèmes.

Ne pensez-vous pas que nous devrions aborder la question de l'évaluation des menaces dans un contexte complètement différent du contexte actuel qui consiste à pointer un autre pays du doigt ou à définir un ennemi classique du passé?

M. Lewis : Vous avez mis le doigt sur un point crucial, un point qui me donne du fil à retordre. Je viens tout juste de terminer une très longue étude, que je me ferai un plaisir d'envoyer au Sénat, sur ce à quoi de réelles attaques cybernétiques ressembleraient. La conclusion de cette étude était qu'il s'agit d'un nouveau type d'armes. Il s'agit d'une arme rapide, relativement bon marché et qui a une portée globale, et qui n'est pas très destructrice. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de choses que vous pouvez faire et qui pourraient nuire à une société, mais il ne s'agit pas de l'arme la plus destructrice de l'arsenal.

Une des choses qui me laissent perplexe, néanmoins, c'est que la capacité nécessaire pour mener à bien une attaque cybernétique véritablement destructrice, par exemple désactiver le réseau électrique, perturber les services financiers, est tout à fait à la portée d'acteurs non étatiques avancés, y compris des pirates informatiques — probablement pas Anonymous; on les surestime souvent un petit peu. Toutefois, si vous regardez certains des autres groupes qui existent, ils pourraient facilement entreprendre des attaques destructrices et donc une des choses que je n'arrive pas à comprendre et pourquoi ils ne l'ont pas encore fait?

Je comprends pourquoi la Russie et la Chine n'ont pas lancé d'attaque. Elles ne veulent pas commencer une guerre. En ce sens, je crois que la politique des États, au sens traditionnel, semble toujours pertinente. Toutefois, vous avez ces nouveaux acteurs qui sont à la veille d'acquérir la capacité d'entraîner des incidents destructeurs et on ne sait toujours pas pourquoi ils ne sont toujours pas passés à l'acte.

Le sénateur Nolin : Merci d'avoir accepté notre invitation. Aujourd'hui, l'administration Obama est en train d'examiner le rôle potentiel que pourrait jouer la NSA pour défendre le pays contre les attaques cybernétiques imminentes ou continues qui menacent les ressources du secteur privé déjà dépassées par la situation. Nous avions les mêmes inquiétudes il y a 10 ans, après le 11 septembre, et c'est pour cela que je vous pose cette question. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler des retombées en matière de renseignements personnels si la NSA devait s'impliquer plus directement dans la défense du pays contre les attaques cybernétiques?

M. Lewis : Bien sûr. Il s'agit en grande partie d'une inquiétude politique et, dans une certaine mesure, d'une inquiétude juridique. Si vous faites bien les choses, l'information dont vous avez besoin pour assurer une meilleure cybersécurité ne doit pas inclure d'information identifiable personnellement. Cela ne devrait pas affecter la vie privée ou les renseignements personnels. Il s'agit ici de un et de zéro; il s'agit de tendances qui signalent des activités malveillantes; il s'agit de signatures qui impliquent des cyberattaques bien précises. Aucune de ces situations n'implique des renseignements personnels.

Il y a un petit débat concernant une chose. Veuillez m'excuser d'aborder une question technique, pendant quelques instants. Vous le savez probablement déjà, mais l'en-tête d'un courriel, par exemple — l'information sur l'expéditeur, à savoir d'où provient le courrier électronique — est le seul endroit où il pourrait y avoir un certain chevauchement avec les renseignements personnels.

Si les choses sont faites correctement, les renseignements personnels ne doivent pas en être affectés.

Le dilemme que nous avons est qu'après l'expérience de la surveillance sans mandat sous l'administration précédente, certaines personnes se méfient beaucoup du gouvernement. Comment pouvons-nous les rassurer et leur laisser savoir que ces règles sont en place? C'est là un grand casse-tête pour les États-Unis.

Le sénateur Nolin : Explorons maintenant la question des droits de propriété intellectuelle et de l'échange d'information, dans la mesure où c'est la NSA qui s'en occupe. Que pensez-vous de ce genre de domaine où le secteur privé est assez préoccupé? Au Canada, cela a été une grande source de préoccupation.

M. Lewis : C'est un grave problème. Parmi nos différents dilemmes, il y a le fait que la NSA soit en mesure d'espionner des entités militaires chinoises et soit donc en mesure d'avoir une bonne idée des renseignements qu'elles ont pu recueillir auprès d'entreprises américaines. Les choses se compliquent alors beaucoup aux États-Unis et la NSA a du mal à dire aux gens qu'elle a trouvé leur propriété intellectuelle sur des serveurs de l'armée chinoise, et cela est donc devenu en quelque sorte un handicap.

La NSA — et il s'agit des termes du général Alexander — ne saurait jouer le rôle de service incendie; elle ne peut intervenir à chaque fois qu'une entreprise connaît des problèmes. C'est la raison pour laquelle il nous faut une solution plus globale.

Cependant, je pense que la quantité de renseignements qui a été perdue par des entreprises américaines est choquante. On a récemment effectué une appréciation au renseignement national qui constitue l'un de nos documents officiels et qui détermine l'ampleur du cyberespionnage. Il cerne quatre pays, principalement la Chine, comme responsable. La NSA, ainsi que d'autres agences comme le FBI et le département de la Sécurité intérieure parviennent difficilement à étancher cette fuite.

Le sénateur Nolin : J'ai une question sur les liens d'interdépendance entre nos deux pays, mais j'attendrai mon deuxième tour.

La présidente : Nous reviendrons là-dessus. Je pense que c'est une question importante.

Je ne sais pas si vous souhaitez faire une distinction pour nous avant que nous passions à autre chose entre les renseignements exclusifs et la protection de la vie privée. Pourriez-vous nous faire une observation rapide à ce sujet avant que nous passions à notre prochaine question?

M. Lewis : Bien sûr. Les renseignements que nous qualifions de propriété intellectuelle comportent la conception technologique, les plans, ou les renseignements d'affaires confidentielles; il y a aussi les négociations de contrats, de fusion et d'acquisition. Cependant, ce n'est pas ce que nous considérons habituellement comme des renseignements privés. Dans ce cas, il s'agit de renseignements portant sur une personne précise — dossier de santé, revenu, adresse, mode de communication personnel — tous ces renseignements doivent être protégés par la loi et la NSA ne doit pas être en mesure de les consulter ou de les recueillir.

Laissez-moi vous raconter une histoire drôle que m'ont relatée mes amis de Fort Meade. Lorsqu'ils examinent des sources de renseignements étrangers — lorsqu'ils font de l'espionnage sur les espions étrangers — s'ils tombent sur des renseignements personnels d'un citoyen américain, la situation devient immédiatement beaucoup plus compliquée. Nous savons que dans certains cas des groupes de pirates ont commencé à mettre des références à des personnes américaines afin de compliquer les activités d'espionnage et d'application des lois.

La présidente : Fascinant. Merci.

Le sénateur Mitchell : Merci monsieur Lewis. Il s'agit d'une discussion très intéressante et informative, et nous l'apprécions énormément. Ce qui m'intéresse, c'est votre avis sur le cyberespace et la guerre. Martin Libicki a publié un article intitulé « Cyberspace is Not a Warfighting Domain ». Il me semble que vous faites écho à son opinion, en ce sens que ce n'est pas aussi agressif dans une certaine mesure. Cependant, il y a un aspect agressif à la cybersécurité que des pays comme le nôtre pourraient envisager, à savoir qu'il pourrait y avoir des cyberarmes qu'il serait utile d'avoir dans notre arsenal?

M. Lewis : Oui. Une partie de cela s'explique par le fait que nous sommes en période d'expérimentation, ce qui suppose notamment de faire l'expérience à la lumière de la doctrine et de la stratégie militaire, de même que la conception de ces armes.

Le ministère de la Défense est mitigé à ce sujet. On va vous dire que le cyberespace est un nouveau domaine. De hauts fonctionnaires m'ont dit que le fait de le qualifier de domaine les aide en matière de planification et de budget. Parallèlement, lorsqu'on leur parle de cyberarmes, ils vous répondent qu'il s'agit d'armes d'appui dont on peut se servir pour préparer le champ de bataille. Nous n'assisterons jamais véritablement à une cyberguerre, dans le cadre de laquelle quelqu'un se sert d'une cyberarme et à laquelle on réagit de la même façon sans qu'il n'y ait d'échanges physiques. C'est généralement considéré comme très peu probable, et c'est aussi mon avis.

Je pense que c'est une situation différente. Nous avons produit un rapport cet été. Quarante pays sont en train d'élaborer une doctrine militaire concernant le cyberespace. De ces 40 pays, 12 se dotent d'une capacité offensive. Il n'est pas surprenant de constater que ces 12 pays qui se dotent d'une capacité offensive figurent parmi les 15 pays qui dépensent le plus en matière de défense dans le monde.

Je pense que cela suit la même trajectoire que, disons, les avions, en 1914. Lorsqu'on lui a posé la question sur ce qu'il pensait des avions, le général français qui a commandé les forces alliées pendant la Première Guerre mondiale a répondu : « Ils sont très intéressants. Ils remplaceront avantageusement les bicyclettes. » Deux ans plus tard, il ne disait plus la même chose.

Nous suivons la même trajectoire avec les cyberarmes. Leurs débuts sont assez primitifs. Bientôt, je pense qu'ils seront incontournables pour toute force militaire avancée.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Au final, il serait bien de pouvoir démanteler une armée ennemie sans avoir à tuer personne, si cela peut être vraiment efficace.

Comment organise-t-on tout cela? Il y a des questions de sphères de compétences. Nous connaissons des problèmes de sphères de compétences. Il y a le secteur privé, le secteur public, les provinces et le gouvernement fédéral. Il est certain que le gouvernement fédéral prend son rôle très au sérieux pour ce qui est de l'armée. Si la Colombie- Britannique était attaquée, on ne demanderait pas à cette province de financer la guerre.

Cela dit, comment coordonne-t-on tout cela? Nous avons une infinité de cibles qui pourraient être attaquées; certaines du secteur privé, d'autres du secteur public, du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral. Comment organisez-vous la défense de tout cela aux États-Unis et comment pourrait-on s'y prendre de la façon la plus optimale possible dans un pays comme le Canada?

M. Lewis : C'est un problème majeur. La coordination est l'un des aspects sur lesquels les États-Unis travaillent depuis environ cinq ans. Avant l'administration Obama, nous n'avions pas vraiment de stratégie coordonnée. S'il y a des domaines dans lesquels des progrès ont été effectués sur le plan organisationnel, il y a la création du poste de coordonnateur en cybersécurité à la Maison-Blanche, qui est chargé de superviser tous les aspects de la politique. Le bureau a connu ses hauts et ses bas, mais il coordonne de façon efficace les différentes agences concernées.

Il y a aussi eu la création du cybercommandement. Il a été créé après un incident malheureux en 2008 au cours duquel les Russes ont été en mesure d'infiltrer l'un des réseaux sécurisés du ministère de la Défense, le SIPRNet. Cela a tellement préoccupé le ministère de la Défense qu'il a décidé de centraliser toutes ses activités de défense pour ensuite les doter d'un rôle offensif.

Aux États-Unis, les deux piliers de la coordination sont le coordonnateur de la cybersécurité de la Maison-Blanche et le Cybercommandement du ministère de la Défense. L'un des avantages — et cela sera un peu imprécis — est que l'on peut envisager la défense sur le plan national. Vous avez des réseaux nationaux, comme Bell Canada. Regardez ce que fait Bell Canada. Une agence, en collaboration avec Bell Canada, serait en mesure d'assurer une certaine défense sur le plan national.

Il est très important de trouver un moyen de coordonner l'armée, les autorités d'application de la loi et les services de renseignements, et c'est dans cette mesure que la Maison-Blanche a facilité les choses.

Nous avons nous aussi des problèmes liés au fédéralisme, et cela se traduit principalement par la difficulté que nous avons de faire obtempérer les entreprises. Prenez par exemple les compagnies électriques aux États-Unis : elles sont réglementées à l'échelon local, à l'échelon de l'État et à l'échelon national, et il n'est pas impossible de synchroniser ces trois degrés de réglementation, mais c'est un véritable défi. À l'échelon national, on a fait des progrès sur le plan de l'organisation, mais aux échelons fédéral, des États et local, il nous reste du travail à faire, mais on peut imaginer une stratégie qui s'intéresse principalement aux endroits où les entités nationales ont le plus de chance d'avoir un effet positif.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup.

Le sénateur Plett : Merci de votre présence, monsieur Lewis. Vous avez peut-être déjà répondu en partie à l'une de mes questions, mais j'ai des questions sur un certain nombre d'articles que vous avez écrits.

Dans un récent article publié dans le Foreign Policy article, vous décrivez comme fragile l'état de la cybersécurité aux États-Unis, et vous vous êtes prononcé en faveur d'un rôle de défense actif pour l'armée.

M. Lewis : Oui.

Le sénateur Plett : Seriez-vous en mesure de nous expliquer ce que suppose une « défense active » et y a-t-il des cybermenaces pour lesquelles une défense active serait inappropriée ou inadaptée?

M. Lewis : Ce sont d'excellentes questions. Du point de vue de la vulnérabilité, les choses sont pires que je le pensais. Un certain nombre d'études que nous avons consignées le mois dernier démontrent qu'environ 90 p. 100 des attaques réussies n'exigent que les techniques les plus élémentaires. Vous pouvez télécharger en toute liberté sur Internet des programmes qui vous permettront de perturber le réseau de distribution d'électricité ou une grande entreprise. C'est ce que j'ai commencé à faire avant de me dire : « Il serait gênant de voir le FBI débarquer au travail. Je devrais peut-être arrêter. »

L'état de la défense est pire que je le pensais. Il est extrêmement facile à pirater. Une fois encore, pour revenir à une question précédente, je m'inquiète de ce qui se passera lorsque des entités non étatiques découvriront qu'elles peuvent acquérir cette capacité et décideront de s'en servir.

La défense active est un peu plus complexe, et il y a des domaines dans lesquels elle est bien adaptée et dans d'autres non. Cela a donné lieu à une expérience très intéressante ici au CSIS. De toute évidence, et c'est ce qu'a dit l'ancien secrétaire à la défense Panetta dans son discours du 19 octobre, si les États-Unis, grâce à ces services de renseignement, détectaient un début de cyberattaque de l'Iran, des mesures pourraient être prises pour la contrer. Ce qui se produirait en Iran, c'est que l'on utiliserait des capacités offensives à des fins défensives. Il s'agit d'une mesure de défense.

Les États-Unis pourraient, à leurs frontières dans le cyberespace — car il y a des frontières dans le cyberespace — intercepter du trafic entrant malveillant, et il ne s'agirait pas d'une fonction du ministère de la Défense. Cette interception, un peu comme ce que fait le NORAD en matière de défense antimissile, serait une forme de défense active.

Lorsque l'on reste en dessous de ce niveau pour effectuer des activités à l'étranger, cela respecte parfaitement le droit américain. Effectuer des activités à la frontière au niveau national est tout à fait conforme au droit américain.

Lorsque l'on descend de niveau et que l'on considère des réseaux d'entreprises ou des fournisseurs de service de télécommunications, il serait inopportun de donner au ministère de la Défense un rôle à jouer dans ces structures. C'est là où l'armée ne devrait probablement pas jouer un rôle de premier plan, qu'il s'agisse d'une agence d'application de la loi ou quelque chose comme la sécurité publique au Canada. Ce n'est pas une tâche militaire.

Nous avons fait une simulation de conflits avec un certain nombre d'anciens membres du cabinet, et c'est l'un des points sur lesquels ils ont fait preuve de retenue. Ils ont dit pour ce qui était de frapper une cible étrangère, pas de problème, si les preuves sont positives, mais le fait que le ministère de la Défense aide le ConEd à Chicago n'est pas quelque chose de souhaitable à leurs yeux. Par conséquent, je pense que l'une des tâches à accomplir au cours des quelques années à venir consiste à définir les limites de la défense active.

Le sénateur Plett : Ma deuxième question a, elle aussi, trait à un article que vous avez rédigé et qui s'intitule « Raising the Bar for Cybersecurity », dans lequel vous exhortez le président des États-Unis de donner instruction aux agences du gouvernement responsables de l'infrastructure essentielle d'adopter la liste des meilleures stratégies d'atténuation des risques appuyées par la NSA et le Defence Signals Directorate de l'Australie. En outre, vous exhortez les agences et les organisations à surveiller les risques de façon continue.

Pouvez-vous nous expliquer ce que vous signifiez par « surveillance continue », et dans quelle mesure cette surveillance continue exige que les exploitants de réseaux se fient à des technologies dont la fiabilité n'a pas été assurée au moyen d'une évaluation formelle?

M. Lewis : C'est très intéressant parce que lorsque j'ai entendu parler pour la première fois de ce programme australien, le Defence Signals Directorate, je ne le croyais pas. J'ai fini par faire une bonne quantité de recherches, et j'ai parlé à un certain nombre de fonctionnaires australiens. Ils m'ont dit qu'ils avaient identifié un certain nombre de stratégies d'atténuation des risques. Ils en ont 35. Les quatre premières permettent de bloquer 85 p. 100 de toutes les attaques connues. Cela est assez impressionnant, mais pour que cela fonctionne, il faut avoir la capacité à surveiller continuellement ce qui se passe sur vos réseaux.

Dans le cas de l'Australie, je crois que c'est le ministère des Sciences et de l'Innovation qui a entrepris un programme pilote. Aux États-Unis, c'est le Department of State qui a entrepris un programme pilote, et il ne s'agit pas de technologies complexes. Certaines d'entre elles entrent dans la composition de certains programmes antivirus existants que les gens ont sur leur ordinateur et provenant de McAfee ou Symantec. Certains d'entre eux sont des simples outils dont on se sert pour gérer un réseau pour surveiller le trafic par exemple. La différence entre maintenant et il y a quelques années, c'est qu'il y a eu tant d'incidents qu'on a été en mesure de recueillir des données sur ceux-ci et d'identifier ceux qui fonctionnent.

Ce qui est le plus surprenant, c'est que des mesures d'hygiène relativement élémentaires, si on les suit de façon régulière, permettent de réduire considérablement les risques. C'était l'objet du débat aux États-Unis. Nous avons une excellente loi qui s'intitule la Federal Information Security Management Act à laquelle on a recours pour exiger que les agences examinent une fois par an leur situation.

Beaucoup de choses peuvent se produire en un an, et le fait que l'on examine un instantané, disons, du 30 septembre 2011, et qu'on en examine un autre du 30 septembre 2012, ne garantit pas la sécurité. C'est là qu'on a commencé à mettre l'accent sur la surveillance continue.

Il s'agit de technologies relativement élémentaires. C'est une étape initiale. Ce n'est pas la panacée, mais cela permet de réduire les risques.

La présidente : Avant de passer à notre deuxième série de questions, j'aimerais aborder une question qui a été soulevée par le sénateur Dallaire. Prenons par exemple un incident comme le 11 septembre, dans lequel des bâtiments ont été détruits et 3 000 personnes ont perdu la vie. Cela a eu des répercussions dévastatrices sur l'économie, le pays, l'esprit des gens et la défense, et nous avons pu voir la réaction que cela a entraînée. Cela a été considéré comme un acte de guerre. Cependant, une cyberattaque de Wall Street ou d'infrastructures essentielles comme des ponts, des aéroports, des réseaux de distribution électriques, et cetera, aurait les mêmes effets dévastateurs et pourrait entraîner des pertes de vie peut-être même plus élevées. Qu'est-ce qui permet de faire la distinction, donc, entre un acte de guerre et d'autres types?

M. Lewis : Je ne crois pas qu'avec les techniques actuelles il y aurait beaucoup de morts. Il y a rumeurs concernant quelques morts qui seraient le résultat de cyberattaques. Il y a eu un incident en Russie qui était involontaire, mais qui a entraîné la perte de 30 vies. Je ne crois pas qu'à l'heure actuelle, on puisse assister à un nombre de morts comparables à celles qu'on a connues le 11 septembre. On pourrait assister à des perturbations majeures, perturbations du secteur financier, des banques, du commerce, de la distribution électrique, et peut-être des transports. Il s'agit de cibles potentielles, mais je ne pense pas qu'on puisse assister à des pertes de vie.

La question qui consiste à savoir à partir de quand cela devient un acte de guerre est difficile. Comme vous le savez, un acte de guerre est une décision politique, donc si les Iraniens décident de faire exploser les tours Khobar, on pourrait décider que ce n'est pas un acte de guerre. Cela ne veut pas dire que nous n'y réagirions pas, mais je pense que cela revient, au final, à une décision politique.

Les États-Unis ainsi que d'autres pays visent à appliquer des normes existantes du droit international et de la pratique, cela dépendra donc de l'utilisation de la force, des victimes, et du degré de destruction. Cela dépendra de la portée et de la durée de l'attaque. J'ai discuté avec des hauts fonctionnaires de l'OTAN qui m'ont indiqué qu'en fait, les attaques qui visaient l'Estonie ne constituaient pas un acte de guerre. L'OTAN a considéré qu'elles n'ont pas déclenché l'article 5. Cependant, si elles s'étaient poursuivies pendant plus longtemps, si elles avaient entraîné un effet économique plus large, si elles avaient été davantage comme un blocus naval, elles auraient pu déclencher l'application de l'article 5; cela aurait pu être considéré comme un acte de guerre.

Nous sommes dans un domaine où nous n'avons pas beaucoup d'expérience. Je pense que nous allons l'acquérir. Désolé. Au fur et à mesure que nous acquerrons de l'expérience, nous pourrons commencer à mesurer la portée de ces questions.

La présidente : Je pense que c'est aussi notre cas, malheureusement.

Le sénateur Day : Monsieur Lewis, pouvez-vous nous parler de la publication de renseignements issus de ce que l'on décrit comme une entreprise en sécurité réseau américaine et qui décrivait ce qui s'est passé en Chine, à Shanghai, et qui a même permis d'identifier le bâtiment? Nous avons vu des photos de l'édifice. S'agissait-il d'une diffusion coordonnée d'information ou d'une diffusion unilatérale de renseignements qui avaient été acquis, et quel était l'objectif de cette publication?

M. Lewis : Ce que je trouve assez bizarre, c'est qu'il y a eu deux articles du New York Times relativement importants. Il y avait une appréciation au renseignement national, un décret-loi, et la stratégie des secrets commerciaux mise sur pied par la Maison-Blanche. La Chine sait pertinemment que c'était une approche coordonnée, mais j'ai participé à au moins trois de ces activités — vous savez comment sont les États-Unis — et ce n'était pas coordonné. En fait, j'ai été surpris par le fait que dans certains cas les gens qui s'occupaient du décret-loi n'assuraient aucune coordination avec ceux qui s'occupaient de la stratégie des secrets commerciaux, même s'ils travaillent dans le même édifice. Bienvenue au gouvernement américain. Ce n'était pas coordonné. Je pense que ce à quoi nous avons assisté était en quelque sorte une convergence d'événements, le fait que l'activité chinoise en particulier s'est considérablement accrue au cours des deux dernières années et différentes personnes s'y intéressaient au même moment et sont parvenues au même résultat, mais de façon non coordonnée.

Le sénateur Day : A-t-on adopté une approche qui vise à désigner les coupables en disant que non seulement la Chine pratiquait ce genre d'activités, que l'Iran aussi, mais en donnant des preuves plus précises de la provenance de ces attaques, de ce qui se passe? S'agit-il d'une tentative d'y mettre un terme?

M. Lewis : Je ne pense pas que ça va fonctionner. Il y a six mois, la question à laquelle je tentais de répondre portait sur la façon dont nous pouvons renvoyer à l'Iran le message que nous sommes mécontents de ce qu'ils faisaient. La question que je me pose maintenant consiste à savoir ce que nous devons faire lorsque l'Iran fera fi de notre signal? Les Chinois sont responsables. Ce ne sont pas quelques articles de presse qui vont les faire pleurer. Ils vont chercher à déterminer ce qui nous a permis d'aboutir à cette conclusion.

Le fait de désigner des coupables comme cela est une théorie. Si l'on faisait preuve de précision et qu'on prenait des mesures précises, peut-être que cela aurait certains effets, mais ce que nous avons fait jusqu'à maintenant n'est que le prélude.

Laissez-moi vous donner un exemple, car je parlais tout juste ce matin du Shanghai Institute avec quelqu'un, et il est intéressant de souligner qu'un certain nombre de professeurs qui travaillent pour l'Armée populaire de libération chinoise ont étudié aux États-Unis. Si on voulait vraiment désigner des coupables et avoir un effet, on mettrait ces gens sur une liste de surveillance et on leur interdirait l'entrée aux États-Unis. Tant que nous ne prendrons pas de mesures ciblées comme celles-ci, je ne pense pas que nous aurons beaucoup d'effet.

Le sénateur Day : Pour conclure sur cette question, pouvez-vous nous en dire davantage sur l'identité de cette entreprise, l'entreprise de sécurité-réseau américaine Mandiant? S'agit-il d'une entreprise indépendante? S'agit-il d'une agence du gouvernement? Qui est derrière cette entreprise?

M. Lewis : Il s'agit d'une entreprise indépendante. Aux États-Unis, un grand nombre d'entreprises du domaine de la cybersécurité font de l'excellente recherche et il s'agit d'acteurs du secteur privé. Elles peuvent utiliser des données qu'elles obtiennent en toute liberté sur Internet afin de cerner certains acteurs précis. Dans le cas de Mandiant, cette entreprise a conclu un contrat avec le New York Times, et est donc responsable d'aider le Times à se défendre. Je pense que c'est la raison pour laquelle cette entreprise a reçu autant d'attention.

Le sénateur Dallaire : Vous avez déclaré que nous utilisons des outils anciens ou connus pour identifier les menaces ou pour savoir si nous sommes dans un contexte de conflit ou s'il s'agit d'un acte de guerre et cetera, en se servant du droit humanitaire, du droit des conflits armés et ce genre de choses. Vous tentez d'influencer l'avenir en tentant de prévoir ce qui s'en vient sachant la rapidité exponentielle avec laquelle les choses évoluent dans ce domaine. Mon iPad était dépassé le jour où je l'ai acheté; c'est encore pire qu'une automobile.

Il est certain qu'un certain nombre d'entre nous doivent penser à établir un nouvel ensemble de règles pour déterminer si on se trouve dans un cas de conflit ou de menace, et cela nous permettra d'être mieux en mesure de nous défendre que les outils utilisés dans le cas de conflit classique, d'une nation contre une autre.

Cherchons-nous à examiner la façon dont on fait les choses depuis plus de 50 ans afin de limiter les armes nucléaires et de favoriser la non-prolifération et les problèmes que l'on connaît avec cela? Ne s'agit-il pas là d'un autre exemple de ce type de problèmes à grande échelle par opposition au général français et son observation concernant les bicyclettes et les avions?

M. Lewis : C'est un problème, mais une des choses dont se sont aperçus un grand nombre de chercheurs dans un grand nombre de pays en Europe, certains au Canada et en Asie, c'est que la plupart des activités que l'on observe actuellement peuvent être administrées par le droit international existant, soit le droit criminel ou le droit des conflits armés. Il y a certaines zones grises. L'une des choses qu'il faut surveiller, c'est de savoir si ces ambiguïtés vont s'accentuer. Vont-elles devenir plus importantes? Qui vivra verra. Pendant un certain temps, les Russes et les Chinois prétendaient qu'il fallait complètement revoir le droit des conflits armés parce que les renseignements étaient une arme. Je comprends que les renseignements puissent être une menace pour leurs régimes. Moi je leur répondais : « J'imagine que c'est le cas si on jette un journal du dimanche du haut d'un édifice et qu'il frappe quelqu'un. » Peut-être qu'à ce moment-là les renseignements peuvent être considérés comme une arme. Mais sinon, ce n'est pas le cas. C'est le principal effort qui a été fait pour élargir cela. Ce qu'il nous a fallu examiner, ce sont ces zones grises. À partir de quand un refus de service qui ne détruit rien et ne coûte aucune vie devient-il un acte de guerre? À partir de quand la participation d'acteurs non étatiques déclenche quelque chose qui va au-delà de mesures de mise en application des lois traditionnelles? C'est un domaine dans lequel on avance avec beaucoup de prudence. Une fois encore, nous n'avons pas beaucoup d'expérience. Il est certain que pour nous, la tradition de droit commun selon laquelle c'est l'expérience qui oriente les politiques et les lois est véritablement la meilleure à suivre. Tant que nous n'en saurons pas davantage, il sera difficile de savoir en quoi les lois existantes sont inadéquates, mais jusqu'à maintenant, la plupart des activités que nous avons vues peuvent être gouvernées par le droit international existant.

Le sénateur Dallaire : Lorsque Google n'en fera qu'à sa tête, d'après vous, qu'adviendra-t-il, car nous avons créé ces fonctions qui en fait nous rendent vulnérables et nous n'avons pas nécessairement toujours réagi de la meilleure façon possible? Prenez les différends entre la Bibliothèque de Harvard et Google ainsi que la position de votre gouvernement en ce qui a trait aux ouvrages épuisés et à la numérisation. Il semble qu'il n'y ait aucune structure qui soit réellement proactive. Vous êtes en mode réactif. Le niveau de complexité est énorme. Je n'ai pas toujours été d'accord avec cette proposition, mais croyez-vous que nous devrions créer une sorte de forteresse nord-américaine dans le cyberespace?

M. Lewis : Le problème se ventile en deux parties. Il y a d'abord la question de la sécurité, qui est la plus facile, car les menaces suivent une tendance relativement constante, particulièrement en ce qui concerne les États, mais aussi les acteurs non étatiques. Ils ont le même comportement, qu'ils lancent des attaques dans le cyberespace ou dans la réalité au moyen d'autres armes. Ce qui complique vraiment les choses, ce sont les enjeux tels que la propriété intellectuelle et la protection de la vie privée. Ce sont ces enjeux qui rendent le problème plus difficile à gérer.

L'une des recommandations sur lesquelles j'insisterais le plus consisterait à, dans la mesure du possible, séparer ces deux enjeux. C'est difficile, car il y a un chevauchement entre la protection de la vie privée et la protection de la propriété intellectuelle. Cependant, il est manifeste que la nouvelle technologie va façonner de nouveau la façon dont nous concevons la propriété intellectuelle. Il ne fait aucun doute que nous n'envisagerons plus la protection de la vie privée de la même façon compte tenu de tous les renseignements qui se trouvent en ligne. Des règles n'ont toujours pas été adoptées pour s'attaquer aux conséquences.

Je suis un petit peu plus à l'aise avec la question de la sécurité. On s'efforce d'assurer une coordination des interventions, non seulement entre le Canada et les États-Unis, mais également avec d'autres alliés proches, comme les États-Unis et l'Australie. Du point de vue de la sécurité, cette option est bénéfique. Quant aux autres enjeux, soit la protection de la vie privée et le commerce, ils s'avèrent beaucoup plus compliqués et difficiles à gérer.

Le sénateur Nolin : Monsieur Lewis, étant donné que nos deux pays sont étroitement liés en matière d'infrastructure essentielle, comment décririez-vous l'engagement du Canada à cet égard par rapport à votre pays?

M. Lewis : Je connais un bon nombre de personnes qui travaillent dans le milieu de la sécurité publique et je suis assez convaincu qu'ils font un bon travail de coordination avec le Département de la sécurité intérieure et le FBI. J'ai une assez bonne idée de l'efficacité de la coordination.

Pour ce qui est du renseignement, comme vous le savez, il y a une étroite coordination et collaboration qui semblent relativement bien marcher. Je ne suis pas au courant des activités sur le plan militaire, mais j'en sais davantage sur la sécurité publique et le renseignement. D'une certaine façon, ces éléments se sont avérés, jusqu'à présent, tout aussi importants, voire plus importants que l'aspect militaire.

Dans l'ensemble, la coordination semble assez efficace. Je ne dirais pas qu'il n'y a pas matière à amélioration. Il serait utile d'envisager certaines activités, comme des cyberexercices conjoints similaires à ceux qui sont organisés dans le monde réel. Dans l'ensemble, il s'agit d'un assez bon partenariat.

Le sénateur Nolin : Si vous le permettez, j'aimerais poser une dernière question au sujet de la relation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Nous connaissons aussi le même problème, et je suis certain qu'ils vous font part de ces préoccupations et expériences. À quel égard pouvons-nous bénéficier de votre expérience, et vous de la nôtre?

M. Lewis : Je crois que vous pouvez probablement plus nous aider que nous pouvons vous aider, par conséquent, n'hésitez pas à nous transmettre tout renseignement que vous voulez communiquer. Les choses se sont empirées maintenant, parce qu'auparavant on envisageait la question du point de vue étatique et local. Je crois que vous avez une longueur d'avance sur nous à cet égard également. Dorénavant, ils envisagent la question du point de vue étatique...

Le sénateur Nolin : Ce changement a eu lieu il y a plus de 10 ans, et le comité était préoccupé par cette question à cette époque.

M. Lewis : C'est une bonne chose que nous ayons ce problème en commun, par conséquent nous sommes prêts à écouter tout conseil de votre part.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Lewis. Nous apprécions grandement votre perspicacité à l'égard de cette question ainsi que votre approche assez calme par rapport à certains enjeux. Votre témoignage éclairera nos réflexions et permettra sans doute d'alimenter le débat. Je suis ravie que nous ayons fini par nous rejoindre, malgré ce que vous croyez avoir pu faire aux Chinois. Je vous remercie chaleureusement d'avoir été des nôtres.

Nous allons maintenant revenir à la question du harcèlement sexuel au sein de la GRC. Aujourd'hui, nous avons l'honneur de recevoir le Comité externe d'examen de la GRC. Il s'agit du deuxième organe civil d'examen à être entendu par le comité. La semaine dernière, nous avons entendu des représentants de la Commission des plaintes du public contre la GRC qui nous ont fait part de leur étude plutôt exhaustive.

Le Comité externe d'examen de la GRC constitue un tribunal des relations de travail indépendant qui examine les griefs, mesures disciplinaires, renvois et démotions ainsi que toute autre cause référée par la GRC et par, si je ne m'abuse, les membres également. Est-ce juste? Bien sûr, certaines de ces causes portent sur le harcèlement.

Catherine Ebbs est la présidente du Comité externe d'examen de la GRC. Elle a été nommée à ce poste par décret sous les libéraux en 2005 et son mandat de trois ans a été constamment renouvelé. Vous avez donc travaillé sur le dossier depuis un certain temps, et nous en sommes heureux. Vous avez donc une connaissance approfondie du sujet. Je vous remercie d'être venue. Mme Ebbs est accompagnée de M. David Paradiso, directeur exécutif et avocat principal. Je présume que vous avez une déclaration préliminaire. Je vous souhaite donc la bienvenue et vous cède la parole.

[Français]

Catherine Ebbs, présidente, Comité externe d'examen de la GRC : Madame la présidente et distingués membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je me réjouis d'avoir la possibilité d'expliquer le mandat du Comité externe d'examen de la GRC, l'étendue de ses pouvoirs et les raisons justifiant sa création et ses fonctions.

[Traduction]

Le Comité externe d'examen de la GRC, le CEE, a été créé en 1986 pour donner à la direction de la GRC ainsi qu'aux membres civils et réguliers un tribunal des relations de travail indépendant et autonome. Le comité a donc offert un service impartial et neutre à la GRC depuis 25 ans. Nous permettons également au grand public de connaître de façon exclusive les mécanismes de règlement de différends en matière de relation de travail au sein de la GRC.

Étant donné que la GRC est le seul service de police non syndiqué au Canada, l'indépendance de notre comité par rapport au processus interne est essentielle pour garantir que les décisions en matière de griefs et de mesures disciplinaires sont prises à la suite d'un examen équitable, exhaustif et impartial.

[Français]

Notre comité joue un rôle important dans le maintien de la confiance du public à l'égard de la GRC et veille à ce que celle-ci respecte la loi et les droits de la personne dans les relations de travail. Notre comité a pour mandat d'examiner les griefs, les mesures disciplinaires et les cas de renvoi et de rétrogradation qui sont portés à son attention par la GRC et de présenter ensuite des recommandations au commissaire de la GRC.

[Traduction]

Nous effectuons un examen complet et impartial du dossier. Dans tous les cas de griefs, de mesures disciplinaires, de congédiements et de démotions dont nous sommes saisis, notre examen s'effectue en étudiant le dossier. Nous nous penchons donc sur tous les documents originaux et les mémoires soumis par les parties avant de rendre une décision.

À cet égard, on peut considérer que notre façon de faire est similaire à un tribunal d'appel, car notre examen ne porte que sur la preuve documentaire. Toutefois, contrairement à un tribunal d'appel, les rapports que nous produisons ne constituent pas des jugements, mais bien des recommandations. Notre opinion n'a pas force de loi.

Nous rédigeons des recommandations et des constatations qui sont remises ensuite aux parties ainsi qu'au commissaire de la GRC. D'après la loi, le commissaire doit tenir compte de nos recommandations, mais il n'est pas tenu de les suivre. Dans tous les cas, le commissaire de la GRC a le dernier mot.

Historiquement, dans 85 p. 100 des cas, le commissaire a accueilli favorablement les recommandations formulées par notre comité. Si le commissaire décide de ne pas y souscrire, il est tenu de s'expliquer par écrit.

[Français]

Les cas de harcèlement en milieu de travail, qu'il s'agisse de harcèlement sexuel ou autre, constituent une préoccupation importante pour chacun d'entre nous.

[Traduction]

Au cours de ses 25 ans d'histoire, notre comité a été saisi de 117 cas de harcèlement pour examen. De ce nombre, sept cas portaient sur le harcèlement sexuel. Tous ces 117 cas comprenaient des accusations d'abus de pouvoir, de mauvaises plaisanteries en milieu de travail, d'intimidation par les pairs ainsi que de harcèlement sexuel.

J'aimerais souligner que d'après notre comité, tout incident de harcèlement en milieu de travail doit être géré de façon rapide et juste. Les responsables du traitement des plaintes doivent être formés adéquatement et il doit y avoir une uniformité dans la façon de traiter les plaintes dans toutes les régions du pays.

Nous estimons qu'il faut mettre l'accent sur la prévention, la détection précoce et l'intervention pour limiter tous les incidents de harcèlement.

Pour la plupart d'entre nous, la GRC constitue une institution nationale ainsi que l'un des services de police les mieux connus du monde. Pour les milliers de membres réguliers, de membres civils et de fonctionnaires, la GRC représente aussi un milieu de travail.

Nous savons que la qualité du milieu de travail se répercute directement sur la qualité des services rendus. Pendant 25 ans, notre comité a ajouté une impartialité et une clarté à la résolution des conflits en milieu de travail au sein de la GRC. Maintenant plus que jamais, une perspective indépendante et externe est essentielle pour garantir tant à la direction qu'aux membres que les processus internes sont solides et pour rassurer les Canadiens du fait que la GRC prend ses responsabilités d'employeur au sérieux.

[Français]

Je vous remercie de votre attention et je suis maintenant disposée à répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Merci. C'était très clair. J'aimerais obtenir une précision : n'importe qui peut s'adresser à vous? Si une décision est prise, ou non, au sein de l'organisation, l'une des parties intéressées pourra avoir recours à votre comité?

Mme Ebbs : Non, cela ne fonctionne pas vraiment de cette façon.

La présidente : Très bien. Il faut d'abord qu'une décision soit prise à un certain échelon?

Mme Ebbs : Nous sommes un organe spécialisé dans les relations de travail, c'est-à-dire les griefs, les mesures disciplinaires, les congédiements et les rétrogradations. Il faut d'abord qu'il y ait eu un processus à l'interne et qu'une décision ait été prise. Par la suite, la décision peut faire l'objet d'un appel auprès du commissaire. Le commissaire est alors obligé, en vertu de la loi, de nous renvoyer le dossier pour que nous en effectuions l'analyse en vue de présenter des conclusions et des recommandations.

La présidente : Si un grief est jugé irrecevable ou s'il est rejeté dès les premières étapes, le plaignant peut-il vous soumettre son cas?

Mme Ebbs : Il y a certains types de griefs qui nous sont renvoyés et, si un appel est interjeté à l'égard de ces griefs, le dossier nous est soumis.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Madame, vous avez dit avoir reçu 117 plaintes pour des cas de harcèlement en milieu de travail depuis les 25 ans d'existence du comité externe d'examen de la GRC?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Dallaire : Combien y en a-t-il eu dans les dernières années?

Mme Ebbs : Concernant des cas de harcèlement en milieu de travail, nous recevons davantage de plaintes aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Je ne sais pas si nous avons la réponse exacte à votre question.

Le sénateur Dallaire : Je voulais simplement connaître la tendance. Combien de cas présentés au total ont-ils été traités durant cette période de 25 ans d'existence du comité?

David Paradiso, directeur exécutif et avocat principal, Comité externe d'examen de la GRC : Environ 835.

Le sénateur Dallaire : Environ 835, donc environ un huitième concernant des cas de harcèlement; et il y a une augmentation depuis les dernières années à ce sujet.

[Traduction]

Dans le cadre de l'analyse d'une plainte, est-ce que vous entendez effectivement les plaignants ou s'agit-il uniquement d'une étude du dossier sur papier?

Mme Ebbs : Lorsqu'une plainte est renvoyée au comité, nous recevons le dossier complet. Cela comprend les documents concernant tout ce qui s'est passé au premier échelon, c'est-à-dire les mémoires soumis par les parties. En général, nous effectuons l'examen en fonction du dossier, sans la tenue d'une audience. La loi permet à notre comité de tenir une audience s'il estime que cela est nécessaire. Toutefois, historiquement, le comité a rarement exercé ce pouvoir, car jusqu'à présent, les dossiers qui nous sont transmis de la GRC sont exhaustifs et il n'y a aucun besoin de compléments d'information.

Le sénateur Dallaire : J'ai une dernière question qui porte sur vos statistiques. Sur les 117 cas que vous avez traités, combien de fois le commissaire a-t-il rejeté les recommandations que vous aviez formulées?

M. Paradiso : Je n'ai pas ces données en main, mais nous pourrons les trouver.

La présidente : Vous avez dit que, dans 85 p. 100 des cas, les recommandations avaient été acceptées; alors, comment cela se compare-t-il à ce taux?

Mme Ebbs : Cette donnée a trait à toutes nos causes; donc, par rapport aux 117 dossiers, nous pourrions certainement trouver cette statistique pour vous. Mais je ne l'ai pas en main aujourd'hui.

Le sénateur Plett : Je suis désolé, mais je n'ai pas très bien compris l'explication se rattachant à la question posée par la présidente. Comment les dossiers vous sont-ils renvoyés? Y a-t-il différentes façons de procéder? Si j'ai bien compris, une cause peut vous être renvoyée s'il y a appel de la recommandation ou de la décision prise par le commissaire, n'est- ce pas? Quelles sont les différentes façons de vous soumettre les dossiers?

Mme Ebbs : Je vais vous donner comme exemple un grief en matière de harcèlement. Après qu'une décision a été prise à l'interne sur le bien-fondé d'une plainte de harcèlement, le plaignant ou la partie mise en cause peut déposer un grief pour contester la décision. Dans le traitement de ce grief, on étudie le processus de traitement de la plainte pour harcèlement en vue de maintenir ou de rejeter la façon dont la plainte a été traitée. Ensuite, les parties ont la possibilité d'en appeler de la décision rendue au sujet du grief par le commissaire. C'est à ce moment que le dossier nous est renvoyé.

Aucun pouvoir discrétionnaire ne s'applique. La loi établit qu'un grief pour harcèlement doit être renvoyé au Comité d'examen externe de la GRC. Nous effectuons notre examen et transmettons nos conclusions et recommandations au commissaire qui, à son tour, est forcé d'en tenir compte.

Le sénateur Plett : Il est forcé d'en tenir compte, mais il n'est pas obligé d'y souscrire?

Mme Ebbs : Il n'est pas obligé d'y souscrire, mais s'il ne le fait pas, il doit s'expliquer.

Le sénateur Plett : Vous allez donc nous transmettre plus tard le nombre de fois où il a accepté les recommandations?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Plett : À la fin de votre déclaration, vous avez dit qu'il serait bon d'établir des mécanismes de détection ou de prévention précoce. Pouvez-vous nous en dire davantage? Comment peut-on détecter la possibilité de harcèlement? Comment ce mécanisme se traduirait-il dans la réalité?

Mme Ebbs : J'ai écouté avec intérêt les témoignages du commissaire et des autres membres de la GRC qui ont discuté de leurs efforts pour améliorer les systèmes actuels. Les causes qui remontent jusqu'à nous sont manifestement difficiles, car elles n'ont pas été résolues, mais elles ont passé par différentes étapes et ont fait l'objet d'un appel. Je constate que plus il faut du temps pour régler un différend, plus il est difficile d'en arriver à une résolution qui soit acceptable pour toutes les parties. Cela explique notre affirmation.

Même les politiques en place actuellement insistent sur le fait que dès qu'il y a un incident de harcèlement en milieu de travail, on doit s'en occuper immédiatement. En général, ce sont des superviseurs immédiats qui sont responsables de régler le problème. La personne qui se sent harcelée a la responsabilité, si je peux m'exprimer ainsi, de faire part de ses préoccupations; par la suite, heureusement, il y a des mécanismes en place qui permettent aux parties de s'asseoir et d'essayer de trouver une solution à l'amiable avant d'en arriver à un processus officiel.

Le sénateur Plett : Très bien, je crois comprendre. La détection signifie que dès qu'une personne laisse entendre qu'elle a été victime de harcèlement, il faut réagir très rapidement. Il ne s'agit pas de dénoncer le fait que du harcèlement pourrait avoir lieu?

Mme Ebbs : En fait, d'après la politique du Conseil du Trésor, les gestionnaires sont censés être au courant de ce qui se passe. Même lorsqu'aucune plainte n'est réellement formulée, s'ils sont témoins d'un quelconque incident de harcèlement en milieu de travail, ils sont censés intervenir pour essayer de régler le problème.

Le sénateur Plett : Je ne sais pas si vous avez des données là-dessus, mais le cas échéant, j'aimerais que vous nous transmettiez des chiffres. Nous avons établi que la GRC constitue une organisation dotée d'une chaîne de commandement. Ce n'est pas ce qu'on a l'habitude de voir dans les bureaux. Parfois, certains incidents qui pourraient être perçus comme de l'intimidation — et ce serait le cas dans un bureau ordinaire — risquent de ne pas l'être à la GRC. Avez-vous des données sur le nombre de cas où vous auriez déterminé qu'il ne s'agissait pas d'intimidation, mais plutôt d'une situation où un sergent donne à un agent de police un ordre qui aurait été perçu comme de l'intimidation?

Mme Ebbs : Je n'ai pas de données précises à ce sujet. Nous avons eu des cas où nous avons recommandé au commissaire de déterminer que l'allégation de harcèlement n'était pas fondée. Je n'ai pas de chiffres là-dessus. Toutefois, je tiens à préciser qu'en cas d'allégation de harcèlement, il y a toujours une raison très importante pour laquelle l'incident devrait être étudié de façon très approfondie en tenant compte du contexte élargi. C'est essentiel pour que les décisionnaires comprennent ce qu'il en est avant de rendre une décision sur une plainte pour harcèlement.

Le sénateur Mitchell : Cette question est si importante, et vous avez bien saisi certaines des conséquences et ramifications qui s'y rattachent. J'aimerais savoir ce qui, d'après vous, constitue un grief. Lorsque le sergent Ray a été accusé de grossière indécence, par exemple, un tribunal a été saisi de la question. Ce tribunal était composé de trois officiers. En l'espèce, la décision rendue pourrait-elle faire l'objet d'un appel auprès du commissaire?

Mme Ebbs : Je vous remercie de votre question. Le système est un peu compliqué. Notre mandat porte sur différents types de décisions relatives aux relations de travail. Vous venez de faire référence au processus disciplinaire qui est prévu pour les cas où la GRC estime qu'il y a eu inconduite de la part d'un membre. Il s'agit d'un processus très officiel qui mène à une audience devant un comité d'arbitrage. Si l'une des parties en appelle de la décision rendue par le comité d'arbitrage, le dossier nous est transmis pour que nous présentions des conclusions et des recommandations au commissaire afin d'éclairer sa décision.

Ce processus est différent de celui qui se rattache au grief. Ainsi, des griefs pouvant porter sur le harcèlement constituent un processus tout à fait différent.

Le sénateur Mitchell : Par contre, il y a bel et bien une possibilité d'appel également?

Mme Ebbs : Oui. Certaines catégories de griefs nous sont renvoyées et elles comprennent des cas de harcèlement.

Le sénateur Mitchell : Reprenons l'exemple dont j'ai fait mention. Disons que le commissaire n'est pas satisfait des résultats et estime que l'employé aurait dû être congédié; peut-il interjeter appel auprès de votre comité, ou doit-il d'abord avoir reçu une demande d'appel avant qu'il ne puisse vous renvoyer le dossier?

Mme Ebbs : Non, il faut d'abord que la décision soit prise par le comité d'arbitrage. Si un membre décide d'en appeler de la décision du comité d'arbitrage, il doit le faire auprès du commissaire de la GRC, mais à titre d'étape intermédiaire, nous formulons des conclusions et des recommandations au commissaire. Lorsque le commissaire rend sa décision, c'est l'étape finale du processus.

Le sénateur Mitchell : Peut-être que je ne me suis pas bien exprimé. Le tribunal avait décidé de ne pas renvoyer l'employé. C'est renversant qu'il n'ait pas été congédié, mais il ne l'a effectivement pas été. Manifestement, l'employé ne va pas en appeler de cette décision, puisqu'il s'en est bien tiré. Or, de l'autre côté, il n'y a personne. La personne présente au moment de l'incident n'aurait pas le droit d'interjeter appel auprès du commissaire. C'est donc terminé.

Peut-être que le commissaire peut dire : « Je vous ai demandé de le congédier. » C'est d'ailleurs ce qu'il a affirmé avoir fait. Ne pourrait-il pas ensuite interjeter appel auprès de votre groupe?

Mme Ebbs : Non.

Le sénateur Mitchell : N'a-t-il pas cette possibilité?

Mme Ebbs : Non.

Le sénateur Mitchell : En l'espèce, personne ne peut interjeter appel, car il s'en est tiré.

Mme Ebbs : C'est essentiellement vrai, mais j'ajouterais qu'à la première étape, lorsque le comité d'arbitrage rend sa décision sur les allégations d'inconduite, si le comité estime que l'allégation n'est pas fondée, l'officier en cause a l'option d'interjeter appel de la décision sur le bien-fondé d'une allégation.

Le membre peut interjeter appel que s'il a été déterminé que l'allégation est fondée. Il peut également interjeter appel de la sanction.

Le sénateur Mitchell : On nous a dit que le projet de loi C-42 donnerait au commissaire un pouvoir dont il ne disposait pas auparavant, c'est-à-dire le pouvoir de congédier des employés. À l'heure actuelle, qui s'occupe des congédiements? Manifestement, votre comité est saisi de cas où des employés ont été renvoyés sans le vouloir. Comment se fait-il que tout le monde puisse congédier des employés, sauf le commissaire?

Mme Ebbs : Je ne suis pas certaine du contexte dans lequel le commissaire a fait cette déclaration. Je ne peux répondre à votre question.

Le sénateur Mitchell : Est-ce que le commissaire peut congédier des employés?

Mme Ebbs : Seul le régime disciplinaire m'est familier. Le régime disciplinaire établit un processus dans le cadre duquel le membre a le droit d'être entendu et de se défendre avant qu'une décision ne soit prise. La décision est ensuite prise par le comité d'arbitrage et peut faire l'objet d'un appel auprès du commissaire.

Je ne sais pas à quelle circonstance faisait allusion le commissaire lorsqu'il parlait de congédiement.

La présidente : Nous lui avions parlé du projet de loi C-42 à une étape précédente. Il avait expliqué à quel point c'était difficile pour lui de renvoyer des employés, compte tenu du processus que vous venez tout juste de décrire. Ce n'est pas comme s'il pouvait se réveiller un matin et déclarer : « Bon, ça va, vous êtes viré. » Il y a tout un processus à suivre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si je comprends bien votre présentation, vous intervenez à la fin du processus, n'est-ce pas?

Mme Ebbs : Oui. Au deuxième palier, si on peut dire.

Le sénateur Boisvenu : Après vous, dans le fond, il n'y a pas d'autres instances d'appel ou de gestion des plaintes.

Mme Ebbs : Non. La décision du commissaire est la décision sans appel à l'interne. Ensuite, un membre peut se tourner vers la Cour fédérale, mais c'est la dernière étape à l'interne.

Le sénateur Boisvenu : Vous me corrigerez, madame la présidente, mais notre comité a pour but d'améliorer le processus, c'est cela?

Vous êtes au bout du tunnel ou du processus, donc vous avez vu toutes les étapes préalables à la plainte ou à la crise, toutes les étapes de gestion. Vous les avez vues parce que vous intervenez à la fin du processus. Et vous êtes assise dans le siège depuis quelques années.

Dans votre présentation, je n'ai pas entendu de recommandations. Vous avez fait un constat statistique des événements. Est-ce que vous avez des propositions à faire pour améliorer le processus de gestion de plaintes, étant donné que vous intervenez à la fin du processus et que vous voyez cela depuis des années? Où peut-il y avoir des manquements, des faiblesses dans le processus?

Mme Ebbs : Je crois que ce qui est primordial, c'est d'avoir les ressources et les moyens au début du processus pour essayer d'aider les parties à régler leur différend de façon informelle, sans qu'il y ait une plainte ou un processus formel. Je pense que cela devrait être la priorité. Également, je pense que c'est bien important qu'il y ait un système de formation.

Le sénateur Boisvenu : Quand vous parlez de ressource au début du processus, voulez-vous dire que la structure d'accueil de l'employé qui se plaint ou la structure d'accueil de la plainte n'est pas assez efficace ou performante et qu'il faudrait la revoir?

Mme Ebbs : Non. Ce que je veux dire, c'est que dès le début du processus, si un membre croit que quelqu'un d'autre est victime de harcèlement, des personnes formées pourraient l'aider à comprendre ses options, diriger le membre vers un processus de règlement de différends informel. C'est ce que je veux dire. Des personnes ressources pourraient être là pour le membre qui veut savoir ce qu'il peut faire dans une telle situation.

Le sénateur Boisvenu : C'était ma question au sous-commissaire la semaine dernière, à savoir si, effectivement, quand un employé veut déposer une plainte, y a-t-il une structure d'accueil de l'employé pour l'encourager, le soutenir ou si l'employé est laissé un peu à lui-même?

Mme Ebbs : Selon les politiques existantes, chaque département, y compris la GRC, est supposé avoir des personnes ressources à ce niveau pour informer les membres de leurs options et les aider. Et cela existe présentement à la GRC. Mais je crois que c'est ce qu'il veut améliorer. C'est l'une des parties du processus menant vers une amélioration.

Le sénateur Boisvenu : Ce processus existe depuis longtemps — 1986, donc presque 25 ans.

Mme Ebbs : Vingt-cinq ans, oui.

Le sénateur Boisvenu : Y a-t-il eu une évaluation au niveau du personnel de la GRC de leur degré de satisfaction par rapport à ce modèle? Les employés ont-ils pu contribuer à faire des propositions ou des recommandations?

Mme Ebbs : On n'a pas fait de sondage, si c'est ce que vous voulez dire.

Le sénateur Boisvenu : Le processus, c'est pour gérer la plainte du personnel. Il faudrait connaître leur point de vue. Est-ce que le système est satisfaisant pour eux et est-ce qu'ils ont des recommandations pour l'améliorer? Il ne faut pas juste que ça vienne d'en haut.

Mme Ebbs : Je comprends bien votre question. Chaque année, on a des rencontres avec certains membres de la GRC, surtout les représentants des membres, et avec le commissaire et les gestionnaires. Par ces rencontres, on sait que, pour la plupart, les membres sont bien satisfaits et trouvent que notre rôle dans le processus est bien important et crucial. On n'a pas fait de sondage comme tel, parce qu'on est trop petit comme organisme pour nous permettre de faire quelque chose comme cela.

[Traduction]

La présidente : Donc, au moins une fois par année, n'est-ce pas?

Mme Ebbs : Nos rencontres? Ce n'est pas coulé dans le béton, mais oui. Nous estimons qu'il est très important d'établir un contact.

[Français]

Le sénateur Nolin : Merci à vous deux d'avoir accepté notre invitation. Je voudrais revenir sur le projet de loi C-42 auquel mon collègue, le sénateur Mitchell, vient de faire référence. Premièrement, avez-vous été consulté dans la rédaction, la réflexion et l'élaboration de ce projet de loi?

Mme Ebbs : Non.

Le sénateur Nolin : Pas du tout?

Mme Ebbs : Non.

Le sénateur Nolin : Vous avez vu la version finale lorsqu'elle a été déposée devant le Parlement.

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Nolin : Je présume que vous l'avez lue depuis?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Nolin : Ce projet de loi vise — laissez-moi lire un petit texte :

[...] à simplifier les systèmes de mesures disciplinaires et de griefs de la GRC. Dans le cas de dossiers disciplinaires, les gestionnaires [...] disposeraient de plus d'options leur permettant de sanctionner immédiatement les employés fautifs.

Mon collègue, le sénateur Mitchell, y faisait référence en faisant référence, entre autres, au commissaire lui-même.

Dans les cas graves de faute disciplinaire renvoyés au comité interne d'examen des écarts de conduite de la GRC [...]

Je pense que ce serait une nouvelle instance qui serait créée par le projet de loi C-42 —

[...] seuls les cas où on demande le congédiement feraient l'objet d'une audience formelle.

Ma première question est simple. Je veux savoir quelles sont les incidences éventuelles que l'adoption du projet de loi C-42 pourrait avoir sur le nombre et sur votre travail à vous. Autrement dit, j'anticipe mes questions sur lorsqu'on aura formellement le projet de loi C-42. Parce que le travail qu'on fait dans le cadre du mandat qui nous est confié par le Sénat est que le projet de loi C-42 risque d'être très près l'un de l'autre, c'est pour cela que les questions viennent autant sur l'examen qu'on nous demande de faire et le projet de loi C-42.

Mme Ebbs : Merci. C'est bien difficile de prévenir en commençant. Dans votre question, vous soulevez plusieurs éléments importants, dont, premièrement, le nombre de cas qu'on peut avoir sous le système que l'on va avoir avec le projet de loi C-42 et aussi selon le genre de cas.

Comme vous le dites, dans les cas de discipline, aujourd'hui, il y a audience. L'audience est très formelle. Nous recevons même une transcription de ces audiences. Nous avons donc un dossier complet en ce qui concerne les faits et les soumissions. C'est la raison pour laquelle il est rare que le comité veuille tenir ses propres audiences puisqu'ils ont toute l'information dont ils ont besoin sur le cas.

Avec le nouveau système, on va recevoir des dossiers dans lesquels des décisions concernant la discipline auront été prises sans qu'il y ait eu d'audience.

Le sénateur Nolin : C'est cela qu'on appelle les dossiers ou les mesures informels?

Mme Ebbs : Non. Même dans des situations formelles, il peut y avoir des cas où des décisions concernant la discipline auront été prises sans qu'il y ait eu audience. Dans ces cas, il faudra évaluer l'information que nous recevons pour déterminer si nous avons toute l'information qu'il faut sinon nous serons peut-être obligés de tenir des audiences à notre niveau.

Le sénateur Nolin : Votre rôle actuel pourrait s'étendre à un rôle d'enquête beaucoup plus large que celui auquel vous êtes amenée à jouer en ce moment.

Mme Ebbs : Oui, c'est possible.

Le sénateur Nolin : Cela toujours en provenance d'un appel déposé devant le commissaire?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Nolin : Autrement dit, dans le processus disciplinaire, votre rôle ou votre position sera toujours le même.

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Nolin : De simplement faire des recommandations au commissaire?

Mme Ebbs : Cela reste toujours au niveau de l'appel. Est-ce ce que vous voulez dire?

En ce qui concerne le nombre de cas que nous pouvons recevoir, par exemple, si on parle de cas de griefs concernant le harcèlement, nous savons que le commissaire a déjà dit qu'il s'attendait à recevoir plus de plaintes à ce sujet. S'ils ont un processus plus efficace et dans lequel les membres ont plus confiance, il est possible qu'il y ait plus de plaintes et s'il y a plus de plaintes il y aura donc plus d'appels qui nous serons renvoyés.

Le sénateur Nolin : Je veux revenir à la question du sénateur Boisvenu quant à la recherche d'information ou d'opinion auprès des membres du personnel. Recevez-vous de la correspondance informelle de la part des membres de la GRC situés sous les représentants divisionnaires, vraiment les membres, ceux qui, en bout de ligne, vous recevez lorsque vous avez une plainte? Recevez-vous de la correspondance de ces gens? Sans nommer de noms, qu'est-ce que ces lettres vous disent à propos de votre processus?

Mme Ebbs : C'est dans le contexte de nos dossiers surtout, parce que dans le cas de grief, les membres nous soumettent toujours leurs représentations.

Le sénateur Nolin : Je parle beaucoup plus de la correspondance à l'extérieur de votre processus traditionnel de plainte et d'audition, des gens qui vous écrivent, des membres de la GRC qui vous disent : « J'aime bien le travail que vous faites. Dans tel dossier, il s'agit d'un de mes collègues de travail. » Est-ce que vous recevez ce genre de correspondance?

Mme Ebbs : C'est assez rare, mais nous avons des exemples.

Le sénateur Nolin : C'est positif?

Mme Ebbs : Oui, pour la plupart, mais il faut dire qu'en général, quand nous recevons une telle correspondance, c'est pour se plaindre du fait que cela prend trop de temps pour avoir une décision. C'est une des préoccupations des membres ainsi qu'une de nos préoccupations aussi.

[Traduction]

La présidente : Excellent. Voilà où je voulais en venir depuis le début. Parfois, même si cela se passe à l'extérieur du processus officiel, cela permet d'envoyer un message.

Le sénateur Campbell : Pendant plus de 25 ans, vous avez travaillé sur 117 dossiers de harcèlement. Comment se fait- il qu'il y ait tant d'autres incidents qui n'ont pas été rapportés ou qui ne vous ont pas été renvoyés? Si je me sens victime de harcèlement, qu'est-ce qui m'empêcherait de tirer avantage du Comité externe d'examen de la GRC?

Mme Ebbs : C'est une excellente question. Je n'en connais pas la réponse, mais je peux essayer d'avancer quelques pistes d'explication.

Premièrement, le processus relatif à notre comité, dans sa forme actuelle, constitue un échelon d'appel dans le processus de traitement des griefs. Il y a donc beaucoup d'étapes qui doivent être suivies avant d'en arriver jusqu'à nous. Il se peut que certaines plaintes soient déposées et réglées aux premiers paliers et, par conséquent, elles n'aboutissent pas dans nos dossiers. Il se peut aussi que des plaintes ne soient pas réglées, mais que les employés aient perdu confiance dans le processus et qu'ils aient fini par abandonner parce que c'était trop long. Cette possibilité est bel et bien vraie. Ce qui me préoccupe également, c'est que nous savons qu'il y a des membres qui estiment avoir été victimes d'inconduite ou de harcèlement et qui ne portent même pas plainte parce qu'ils font très peu confiance au processus. Je crois que c'est très malheureux.

Le sénateur Campbell : Connaissons-nous le nombre exact d'affaires qui se sont réglées à l'amiable? Évidemment, vous ne savez pas combien d'entre elles ont été abandonnées, mais pour ce qui est de celles qui ont été réglées à l'amiable, avez-vous une idée du nombre?

Mme Ebbs : Nous avons une vision très limitée parce que nous ne voyons que les cas d'appel dont nous sommes saisis. Je pense qu'il s'agissait là d'une des recommandations de M. McPhail, de la CPP, à savoir que la GRC essaie d'obtenir davantage de renseignements sur ces autres niveaux, mais nous ne sommes pas en mesure de vous répondre.

Le sénateur Campbell : Avez-vous été saisis de l'affaire du sergent de l'Alberta qui a été transféré en Colombie- Britannique?

Mme Ebbs : Si je comprends bien, en l'espèce, l'allégation aurait été jugée fondée, et on aurait appliqué une sanction en conséquence.

Le sénateur Campbell : Il n'a pas interjeté appel?

Mme Ebbs : Non.

Le sénateur Campbell : Adoptons donc la perspective de la personne qu'il harcelait.

La présidente : Pourrions-nous éviter de parler de cas particuliers?

Le sénateur Campbell : Si je suis la victime de harcèlement et que je ne suis pas satisfait des mesures qui ont été prises par la GRC, vers qui dois-je me tourner? Si je suis le plaignant, à qui m'adresser?

Mme Ebbs : Si la personne qui a porté plainte n'est pas satisfaite de la décision à ce palier, elle peut déposer un grief et porter celui-ci en appel auprès du commissaire. Ce serait donc la voie à suivre. Il y a en outre d'autres options qui s'offrent aux personnes qui se sentent harcelées. S'il s'agit d'une plainte pour atteinte aux droits de la personne, on peut s'adresser à la Commission des droits de la personne, de même qu'aux tribunaux.

Le sénateur Campbell : Que se passe-t-il lorsque quelqu'un vous présente une plainte pour harcèlement, mais qu'il s'agit en fait d'une infraction criminelle? Si cela va au-delà du harcèlement, il est possible qu'il s'agisse d'un crime. Dans quelle mesure cela vous touche-t-il?

Mme Ebbs : On s'en rendrait généralement compte à l'étape du processus interne, avant que notre comité ne soit saisi de l'affaire. La question aurait déjà été reconnue et réglée avant que le dossier ne nous soit transféré.

La présidente : On aurait choisi une autre option.

Mme Ebbs : Oui. Par « réglée », j'entends qu'au moment où la personne a présenté sa plainte, ou s'est adressée à un superviseur ou au représentant des relations fonctionnelles, on l'aurait probablement informée qu'elle avait l'option de déposer une plainte au criminel, et le processus aurait alors été complètement différent.

Le sénateur Nolin : Par conséquent, cela signifie qu'une affaire peut ne pas suivre le processus qui mène à votre comité, sans pour autant être réglée sur le plan juridique. Elle peut suivre une autre voie. C'est une possibilité.

Mme Ebbs : Vous voulez dire simultanément?

Le sénateur Nolin : Non, pas simultanément. Une affaire peut en être à l'étape du grief, puis, pour une raison ou une autre, sortir du processus interne et être transférée à un processus externe, au criminel. C'est possible.

Mme Ebbs : Oui.

La présidente : L'affaire pourrait être transférée à la filière des droits de la personne, qui est un volet distinct.

Mme Ebbs : Parfois, certains processus se déroulent simultanément.

Le sénateur Nolin : Simultanément?

Mme Ebbs : Oui, parfois.

Le sénateur Day : Je vous remercie d'être ici. Tout d'abord, je tiens à signaler que nous avons utilisé l'expression « harcèlement » sans préciser « harcèlement sexuel ». Parmi les cas dont vous avez parlé, n'est-il question que de harcèlement sexuel, ou pourrait-il y avoir du harcèlement psychologique également?

Mme Ebbs : Des 117 cas dont je vous ai parlé, la majorité ne porte pas sur le harcèlement sexuel, mais plutôt sur l'abus de pouvoir, les mauvaises plaisanteries en milieu de travail, l'intimidation et ce genre de choses. Nous recevons très peu de cas concernant le harcèlement sexuel.

Le sénateur Day : Très peu des plaintes portent sur le harcèlement sexuel?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Day : Vous procédez à votre examen, comme vous nous l'avez décrit, et vous communiquez les conclusions de votre examen d'appel, en quelque sorte, au commissaire qui doit les étudier, sans toutefois être tenu de les appliquer. Ai-je bien compris?

Mme Ebbs : Oui, c'est tout à fait cela.

Le sénateur Day : Est-ce que vos recommandations sont rendues publiques?

Mme Ebbs : Nous avons un site web, sur lequel se trouvent les résumés de toutes nos recommandations au cours des 25 années. Elles sont accessibles aux membres, à la direction de la GRC et à la population.

Le sénateur Day : Les recommandations que vous faites parvenir au commissaire sont rendues publiques, et si le commissaire décide de ne pas les mettre en œuvre, la décision sera rendue par écrit et sera publiée également, n'est-ce pas?

Mme Ebbs : Pour l'instant, les décisions ne paraissent pas intégralement sur notre site web. N'y figurent que les résumés. On y trouve donc les résumés des décisions rendues par le commissaire à l'égard de nos recommandations.

Le sénateur Day : C'est le commissaire qui met le tout par écrit, ou votre comité?

Mme Ebbs : Des décisions écrites sont rendues tant par le CEE que par le commissaire.

Le sénateur Day : Vous traitez environ 33 appels par année, n'est-ce pas?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Day : Cette tendance se maintient-elle?

Mme Ebbs : Elle fluctue en fonction de la charge de travail, mais c'est une moyenne.

Le sénateur Day : Vous êtes présidente à temps plein et vous avez une formation juridique, n'est-ce pas?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Day : Monsieur Paradiso, êtes-vous bien directeur exécutif?

M. Paradiso : Oui.

Le sénateur Day : Avez-vous également une formation juridique?

M. Paradiso : Oui.

Le sénateur Day : Quatre avocats travaillent pour vous à temps plein, plus un à temps partiel, est-ce exact? Ai-je bien compris?

M. Paradiso : Actuellement, quatre conseillers juridiques aident la présidente dans son analyse, mais aucun n'est à temps partiel; deux des postes sont dotés pour une période déterminée, et les deux autres sont permanents, soit dotés pour une période indéterminée.

Le sénateur Day : Les quatre postes sont à temps plein?

M. Paradiso : Oui.

Le sénateur Day : Lorsque vous recevez une demande d'examen ou d'appel, les conseillers juridiques n'interviennent-ils pas? Vous ne faites que passer en revue les documents issus du processus de grief, ou est-ce que les conseillers juridiques vous présentent leurs arguments au nom des parties intéressées?

Mme Ebbs : Comme vous l'avez dit, je suis la présidente, et donc la seule personne ayant l'autorité nécessaire pour formuler des conclusions et des recommandations. Il n'y a qu'une personne nommée par le gouverneur en conseil. Lorsque je formule ces conclusions et recommandations, le conseiller juridique m'apporte son aide et me fournit une analyse. Un appel touche en général à diverses questions juridiques, surtout dans le cas des appels concernant des mesures disciplinaires; par conséquent, les conseillers juridiques m'aident à étudier ces questions et à formuler des conclusions et des recommandations éclairées.

Le sénateur Day : J'essaie d'établir un parallèle avec une affaire en cour d'appel.

Mme Ebbs : Il n'y a pas d'audience. J'ai tous les documents, alors je base ma décision sur l'étude des dossiers, mais je bénéficie également de l'aide de nos conseillers juridiques. Je tiens également compte des arguments reçus des parties, mais il n'y a aucune plaidoirie.

Le sénateur Day : Il n'y a aucune représentation par des conseillers juridiques externes?

Mme Ebbs : Seulement par écrit, dans les observations.

Le sénateur Day : Je crois vous avoir entendu dire que vous examinez les dossiers.

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Day : Vous étudiez les documents issus du processus de grief et des parties?

Mme Ebbs : J'étudie tout ce qui s'est passé au cours du processus de grief, en plus des arguments présentés par les parties, qui expliquent pourquoi elles ont interjeté appel. J'ai également ces documents en main.

Le sénateur Day : Je comprends maintenant mieux le processus. Quel est votre budget annuel total?

M. Paradiso : Le CEE dispose d'un budget de base de 790 000 $.

Le sénateur Mitchell : Je crois qu'il y a deux processus différents. Dans le cas d'un tribunal, il n'y aurait pas deux parties. Il n'y aurait que la personne accusée d'exhibitionnisme, mais la victime ne comparaîtrait pas devant le tribunal. On n'aurait pas droit à une poursuite devant le tribunal. Aucune autre partie n'aurait recours à vous. Il pourrait y avoir toutes sortes de cas.

Je suis au courant d'un autre cas où, par exemple, après les contacts sexuels, le cadre supérieur n'est pas renvoyé; on ne lui retire que 10 jours de paye, mais la femme, elle, est renvoyée. Le tribunal est saisi de l'affaire. Personne de l'autre côté ne sera mécontent du fait qu'il n'a perdu que 10 jours de salaire; personne n'interjettera appel auprès de vous. Cela semble être biaisé.

Mme Ebbs : En fait, le processus disciplinaire est très antagoniste. Il y a deux parties, et le processus ressemble beaucoup à celui devant les tribunaux. D'un côté se trouve le membre présumé coupable d'inconduite et de l'autre, l'officier compétent qui a lancé l'enquête. Lorsque le comité d'arbitrage composé de trois officiers se réunit, tant le membre que l'officier compétent sont appuyés par des représentants ayant une formation juridique.

Le sénateur Mitchell : Est-ce qu'il s'agirait alors d'un représentant des relations fonctionnelles, d'un agent d'enquête?

Mme Ebbs : Non, il s'agit d'un groupe de gens différents ayant une formation juridique et représentant d'un côté le membre et de l'autre, l'officier compétent. C'est en fait un système très antagoniste.

La présidente : Sénateur Mitchell, d'autres essaient de prendre la parole sur cette question.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Quel est le pourcentage des plaintes qui se rendent jusqu'à votre instance?

Mme Ebbs : Le pourcentage de plaintes?

Le sénateur Boisvenu : Quelle est la proportion de plaintes qui ne se règlent pas dans l'organisation et qui se rendent jusqu'à vous? Est-ce la moitié des plaintes formulées? Le quart?

Mme Ebbs : C'est difficile pour nous de le savoir puisque nous sommes indépendants de la GRC. Ce serait plutôt la GRC qui pourrait vous répondre.

Le sénateur Boisvenu : Quelle est la durée du processus à partir du moment où le membre dépose une plainte, que la plainte se rend jusqu'à vous et que vous rendez une décision?

Mme Ebbs : Malheureusement, il peut s'écouler beaucoup de temps avant que le membre reçoive une décision.

Le sénateur Boisvenu : Des mois ou des années?

Mme Ebbs : Des années. Le membre présente une plainte, il reçoit une décision concernant sa plainte, suite au grief, une décision de niveau 1 est rendue. Il y a ensuite l'appel de la décision devant le commissaire et, en même temps, il y a une analyse qui se fait avant l'étape du rapport du comité. Tout ce processus peut prendre des années.

Le sénateur Nolin : J'aimerais revenir sur la question des décisions du commissaire suite à vos recommandations. Je comprends que vous publiez un sommaire, un résumé de vos recommandations. Si je comprends bien, 15 p. 100 des décisions du commissaire ou de sa succession n'ont pas abondé dans le sens de vos recommandations?

Mme Ebbs : Oui, c'est bien ce qu'on dit.

Le sénateur Nolin : Si notre comité voulait obtenir ces dossiers pour examiner chacun de ces 15 p. 100 et lire les recommandations complètes que vous avez offertes au commissaire, pourrait-on les obtenir?

Il s'agit d'ailleurs de recommandations qui, de toute évidence, n'ont pas été retenues.

M. Paradiso : Bien sûr, mais il s'agirait de copies caviardées.

Le sénateur Nolin : Je comprends tout à fait. Vous avez compris que ce ne sont pas les noms qui nous intéressent, mais que nous voulons plutôt connaître les recommandations que vous faites et pourquoi les commissaires, successivement, n'ont pas accepté ces recommandations.

Deuxièmement, vous n'êtes pas obligée de me répondre, mais il y a un nouveau commissaire depuis peu et il y en avait un autre avant lui; certains commissaires sont-ils plus enclins à accepter vos recommandations alors que d'autres moins? Ou bien cela se situe-t-il dans la moyenne?

Mme Ebbs : Parce que dans la plupart des cas le commissaire, peu importe la personne, entérine nos recommandations, il me serait bien difficile d'établir une tendance.

Le sénateur Nolin : C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question concernant les 15 p. 100, à savoir pour quelles raisons un commissaire n'a pas accepté ces recommandations. Nous examinerons cela en temps et lieu.

[Traduction]

La présidente : Permettez-moi de soulever une question d'ordre plus général. Est-ce pertinent?

Le sénateur Day : C'est une question de processus. J'étais en train de poser des questions, puis on a posé deux questions supplémentaires. Ai-je utilisé tout le temps qui m'était imparti?

La présidente : En fait, oui. Vous pouvez poser une brève question ou attendre au deuxième tour.

Le sénateur Day : Je n'avais aucunement l'intention de vous interrompre. Je voulais tout simplement savoir où nous étions rendus. J'ai perdu le fil.

La présidente : Vous en étiez déjà à votre 10e question.

Le sénateur Day : Merci à mes collègues.

La présidente : Je veux entendre la réponse. Le point soulevé par le sénateur Nolin est important, mais si nous vous avons invités, c'est pour connaître votre avis sur le projet de loi C-42. Je sais que vous avez déjà parlé de certaines questions connexes, mais que pensez-vous de cette mesure législative, dans sa forme actuelle? Pensez-vous qu'elle contribuera grandement à régler ces problèmes, ou non? Selon vous, accorde-t-elle au commissaire les pouvoirs dont il a besoin? Quelles en sont les répercussions sur votre processus?

Le sénateur Dallaire : Avant que vous ne répondiez, j'aimerais intervenir. Madame la présidente, c'est la deuxième fois qu'on parle du projet de loi C-42. Nous savons qu'il aura un effet, mais nous ne sommes pas saisis de cette mesure législative.

La présidente : C'est exact, mais elle fait partie du domaine public. C'est fondamental à cette partie de la discussion.

Le sénateur Dallaire : J'aimerais terminer de faire valoir mon argument. Nous ne sommes pas saisis de cette mesure législative, et la Chambre n'a même pas fini de l'étudier, alors nous ne savons même pas si des amendements seront apportés en troisième lecture. Le projet de loi doit ensuite passer par notre propre processus avant d'aboutir à un comité, peut-être le nôtre, mais peut-être aussi le Comité des affaires juridiques. Nous ne sommes pas vraiment prêts à étudier le projet de loi C-42, et je ne suis pas certain qu'il soit approprié sur le plan de la procédure d'analyser une mesure législative dont nous ne sommes pas encore saisis. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais que nous nous concentrions sur notre véritable mandat, tout en sachant fort bien que le projet de loi C-42 aura une incidence. Peut-être qu'il sera prêt à temps pour que nous puissions utiliser ce matériel à ce moment-là.

La présidente : Je tiens à préciser que nous avons déjà entendu le commissaire à deux reprises sur ce sujet, même si nous n'étions pas saisis de la mesure législative. Nous lui avons demandé son avis, à lui ainsi qu'à d'autres. Puisque c'est un élément central du processus dont nous parlons — et des sénateurs de votre côté ont soulevé des questions à cet égard, comme certains de mon côté —, j'essaie de donner la possibilité aux témoins de répondre, puisque de nombreuses personnes y ont fait référence dans leurs questions. Ce sera bref, et cela n'empêche aucune discussion lorsque la mesure législative nous sera présentée.

Le sénateur Dallaire : J'aimerais m'assurer que, comme pour les témoins qui ont comparu la semaine dernière, si le projet de loi C-42 nous est renvoyé, nous convoquerons ces témoins à nouveau pour en discuter.

La présidente : Le comité en discutera; c'est exact.

Allons, pourriez-vous répondre, je vous prie? Merci.

Mme Ebbs : Le CEE considère qu'il est extrêmement important que le projet de loi C-42 insiste sur l'importance d'un examen externe des processus de relations de travail à la GRC. Je crois également qu'il accordera à la GRC la flexibilité nécessaire pour renouveler, revitaliser et réformer ses processus internes, et je pense que cette modernisation du processus d'équité permettra de rétablir un peu la confiance des membres et de la population.

La présidente : Vous avez fait remarquer l'importance de la rapidité, de la formation, de la sensibilisation continue et de la surveillance. Êtes-vous satisfaite?

Mme Ebbs : Je pense qu'on est sur la bonne voie pour apporter certains changements importants qui pourraient sans nul doute aider à rétablir la confiance, et je suis enchantée que le CEE fasse partie de ce nouveau processus.

La présidente : Monsieur Paradiso, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

M. Paradiso : Je n'ai rien à ajouter à ce que la présidente a déjà dit.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Dans le cadre du processus effectué, vous faites affaire avec des membres civils et des membres en uniforme.

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Dallaire : Quelle est la proportion provenant des deux catégories pour les 117 plaintes, ainsi que pour les 835? Y a-t-il beaucoup plus de plaintes formulées par les membres en uniforme que par les membres en civil? On comprend qu'une catégorie représente deux tiers et l'autre un tiers, mais s'agit-il des mêmes proportions?

M. Paradiso : Nous n'avons aucune statistique à ce sujet.

Le sénateur Dallaire : Le processus existant est le même que vous soyez membre civil ou membre de la GRC en uniforme?

Mme Ebbs : J'aimerais clarifier quelque chose. Il y a trois catégories d'employés au sein de la GRC : il y a des membres réguliers, des membres civils et des fonctionnaires. Pour les fonctionnaires, il y a un système complètement différent.

Le sénateur Dallaire : Je sais cela. Je parle des membres réguliers et des membres civils. S'agit-il du même processus pour ces deux catégories?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Dallaire : D'après votre expérience, considérez-vous qu'un processus similaire réponde aux besoins de ces deux mondes différents qui existent à la GRC, à savoir ceux en uniforme, qui sont de nature opérationnelle, et les membres civils de la GRC? Croyez-vous, concernant ces deux entités, que votre processus réponde vraiment à leurs soucis? Selon moi, ils vivent dans deux mondes différents.

Mme Ebbs : C'est une question à laquelle je n'ai pas vraiment réfléchi. Je n'ai jamais constaté de difficultés à appliquer le système tel qu'il existe dans le cas des membres civils et des membres réguliers.

Le sénateur Dallaire : Vous êtes la dernière instance, mais pour s'y rendre il faut passer par tout un processus tout de même. Il me semble qu'il y a deux façons de voir l'emploi dans la GRC. Ces gens exercent d'une façon différente, selon moi. Cela n'a pas fait l'objet d'une réflexion?

Mme Ebbs : Non.

[Traduction]

La présidente : Sénateur Campbell, avez-vous une question supplémentaire ou souhaitez-vous faire partie du deuxième tour?

Le sénateur Campbell : Je suis sur la liste pour la deuxième série de questions.

Le sénateur Day : Tout d'abord, en ce qui concerne le projet de loi C-42, la mesure législative qui peut-être un jour se rendra jusqu'au Sénat, je suis étonné d'apprendre, dans votre réponse au sénateur Nolin, que vous n'avez pas été consultée au préalable à l'égard de ce projet de loi, alors que vous connaissez si bien le processus et que vous y travaillez depuis si longtemps. C'est une observation, puisque vous avez déjà dit que vous n'aviez pas été consultée.

J'aimerais revenir à la question que j'étais en train de poser, parce que j'essaie encore de comprendre le processus. Tout d'abord, au palier des griefs, je crois comprendre ce qui se passe lorsque votre comité est saisi de l'affaire, mais j'aimerais savoir ce qui se passe avant d'en arriver là.

Vous avez indiqué que le processus était très antagoniste. Vous en souvenez-vous? Ensuite, nous avons fait une digression. Il y aurait donc opposition entre le membre plaignant et, comme je crois vous avoir entendu le dire, l'officier compétent chargé d'enquêter.

Mme Ebbs : C'est à l'égard des mesures disciplinaires, et non pas des griefs. Dans les cas de mesures disciplinaires, c'est effectivement ainsi que ça se passe.

Le sénateur Day : Puis-je présumer qu'il y a tout autant d'opposition dans le processus concernant les griefs? Différents points de vue vous seront présentés si la décision va en appel devant la commission, n'est-ce pas?

Mme Ebbs : Le processus de grief est bien différent, mais les deux parties sont représentées. Il n'y a pas d'audience. Tout se fait par écrit. Il s'agit normalement d'une décision, par exemple. Nous recevons d'autres griefs qui ne concernent pas le harcèlement. Il peut s'agir des frais de réinstallation ou de déplacement, de postes isolés ou ce genre de choses. Dans cet exemple, on retrouverait d'un côté le membre qui a déposé un grief concernant une décision à l'égard des frais de réinstallation et de l'autre, l'intimé, soit la personne ayant pris la décision à l'égard des frais de réinstallation. Dans le processus de grief, les deux côtés présentent leur point de vue par écrit, et on en tient compte dans les décisions.

Le sénateur Day : Vous avez dit, il me semble, que le personnel avait suivi une formation juridique.

Mme Ebbs : Oui, dans le processus concernant les mesures disciplinaires, mais pas dans celui concernant les griefs.

Le sénateur Day : Il n'est donc question que des mesures disciplinaires.

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Day : C'est de cette filière que relevaient les 835 cas des 25 dernières années?

Mme Ebbs : Il s'agit d'une combinaison de griefs, de mesures disciplinaires, de renvois et de rétrogradations.

Le sénateur Day : Dans chacun de ces cas, la décision pourrait faire l'objet d'un appel devant le commissaire, puis celui-ci pourrait vous demander votre aide, n'est-ce pas? Est-ce que chacun de ces cas est renvoyé à vous et à votre groupe?

Mme Ebbs : Dans tous ces cas, une décision a été rendue au premier palier, à l'interne, puis on en a appelé de cette décision auprès du commissaire. Avant que celui-ci ne rende sa décision, nous lui fournissons des conclusions et recommandations.

Le sénateur Day : Il n'y a aucune représentation par des conseillers juridiques externes à votre palier?

Mme Ebbs : Du côté des mesures disciplinaires, oui.

Le sénateur Day : Il y en aurait.

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Day : Dans ce cas, j'aimerais que vous nous expliquiez la différence. Comment les choses se déroulent- elles? C'est ce que je veux savoir. On comprend le processus habituel d'une cour d'appel — s'assurer de bien cerner et faire valoir les divers points de vue auprès du décideur ou de la personne formulant des recommandations à l'intention du décideur. Pourriez-vous expliquer le processus dans votre cas?

Mme Ebbs : Comme je l'ai déjà dit, dans le cas des mesures disciplinaires, le processus est très officiel. Le membre est représenté par un employé de la GRC ayant reçu une formation juridique qu'on appelle représentant des membres. L'officier compétent bénéficie également des services d'un représentant, qui a lui aussi reçu une formation juridique. Lorsque le comité d'arbitrage rend sa décision, si l'une ou l'autre des parties décide d'interjeter appel, elle le fait avec l'aide de ses représentants ayant une formation juridique.

Dans le cas des griefs...

Le sénateur Day : Pourrions-nous nous intéresser tout d'abord à l'appel devant le comité d'arbitrage? Lorsque l'affaire vous est renvoyée, tout ne se fait-il que par écrit?

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Day : Il n'y a aucun conseiller juridique?

Mme Ebbs : Ceux-ci peuvent avoir aidé à rédiger les observations.

Le sénateur Day : Cependant, ils ne comparaissent ni devant vous ni devant l'autre avocat, n'est-ce pas?

Mme Ebbs : Non, il n'y a pas d'audience.

Le sénateur Day : C'est ce que j'essayais de savoir. Merci.

Le sénateur Campbell : Je n'ai qu'une brève question. À la fin du processus, est-ce qu'on donne le choix à l'officier? J'ai consulté certains de vos dossiers d'appel, et je constate que le commissaire dit qu'on a 14 jours pour démissionner. En quoi est-ce que cela est différent du congédiement? Si je démissionne, tous mes avantages et ce qui me revient sont maintenus. Si je suis congédié, est-ce que je perds tout cela?

Mme Ebbs : Je tiens à préciser que dans le cas du processus à l'égard des mesures disciplinaires, il ne s'agit là que de deux des sanctions possibles. L'une des sanctions, c'est l'ordre de démissionner dans les 14 jours, sous peine de renvoi. L'autre, c'est le renvoi. Je ne suis pas en mesure de vous expliquer les différentes conséquences qui découlent de ces deux décisions.

Le sénateur Campbell : Vous voyez de nombreux cas de ce genre.

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Campbell : Vous voyez de nombreux cas où on impose l'ordre de démissionner.

Mme Ebbs : Oui.

Le sénateur Mitchell : On a dit — et je pense que vous y avez fait référence — que vous faisiez partie de la structure de « remplacement » d'un syndicat. L'autre composante serait les représentants des relations fonctionnelles. Cependant, cette structure a ses lacunes. Les représentants des relations fonctionnelles sont représentés à l'état-major supérieur, donc ils font partie de la gestion. Ils ne sont pas indépendants. Les officiers compétents font partie de la structure; ils sont liés à la gestion, ils font partie de la chaîne de commandement. Ce n'est pas votre cas, mais vous ne pouvez pas prendre l'initiative. Vous devez attendre que la chaîne de commandement vous saisisse du dossier, et elle pourrait bien ne pas appliquer vos recommandations.

Que pensez-vous d'un syndicat? Peut-être que c'est ce dont on a besoin. Tous les autres grands corps de police du pays en ont un, et peut-être que la représentation des gens qui ne font pas partie de la chaîne de commandement n'est pas suffisante.

Mme Ebbs : Je sais que cette question est controversée. Je sais aussi que dans d'autres administrations, les forces de police sont syndiquées. Pour être honnête avec vous, je ne suis pas assez renseignée sur toutes les options pour pouvoir vous donner mon avis, pour ou contre. Je me concentre sur le système actuel, et je considère qu'un processus d'examen externe et reconnu des relations de travail est absolument essentiel pour atteindre un niveau de confiance suffisant.

Le sénateur Dallaire : J'aurais une autre question, si vous me le permettez. C'est un peu une excuse facile, dans la mesure où vous avez vigoureusement défendu, dans votre exposé, votre travail, la façon dont vous le faites, son efficacité et, selon vous, sa pertinence dans le système actuel. Est-ce qu'on vous a déjà demandé, à vous ou à vos prédécesseurs, si vous considériez qu'un autre système pourrait être plus efficace, de façon générale, que celui en place, bien qu'il soit indépendant?

La présidente : Nous en resterons là, puisque nous n'avons plus de temps. Je vous laisse répondre à cette question.

Mme Ebbs : Seulement dans le contexte de réunions comme celle-ci, où nous pouvons rendre hommage à ce que nous faisons et montrer la valeur que nous accordons à notre travail; ensuite, d'autres personnes plus au fait de toutes les options peuvent utiliser cette information et prendre une décision.

La présidente : Merci beaucoup à Catherine Ebbs, présidente du Comité externe d'examen de la GRC, qui occupe le poste depuis 2005; et à David Paradiso, directeur exécutif et avocat principal pour l'organisation. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris la peine de venir ici aujourd'hui pour répondre à toutes nos questions. Merci beaucoup.

Mme Ebbs : Merci beaucoup.

La présidente : Nous allons poursuivre la séance à huis clos pour discuter des travaux du comité.

(La séance se poursuit à huis clos.)


(La séance publique reprend.)

La présidente : Mesdames et messieurs, nous reprenons la séance. Nous aimerions maintenant passer à deux votes. Messieurs, pourrions-nous avoir un vote, s'il vous plaît, sur deux sujets différents?

Le premier vote concerne le budget pour un voyage à Washington, qui est déjà visé par un ordre de renvoi et dont nous avons discuté. Tous ceux qui sont pour?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'autre vote porte sur le projet de budget du Sous-comité des anciens combattants pour des voyages à Sainte-Anne-de-Bellevue et à Charlottetown. Vous en faites la proposition? Vous l'appuyez? Tous ceux qui sont pour?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Day : Est-ce que les deux budgets visent le prochain exercice?

La présidente : Oui.

Le sénateur Day : Je pense qu'il faut le mentionner dans le compte rendu.

La présidente : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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