Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 4 - Témoignages du 16 novembre 2011
OTTAWA, le mercredi 16 novembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel l'on a renvoyé le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur les transports au Canada en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 18 h 32, pour examiner ce projet de loi.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Ce soir, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications commence son examen du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur les transports au Canada en conséquence. Le ministre est en retard à cause d'un vote à la Chambre. Si vous êtes d'accord, nous allons commencer avec M. Luc Bourdon, directeur général, Sécurité ferroviaire, et Mme Carla White-Taylor, directrice, Secrétariat de la sécurité ferroviaire, qui nous présenteront l'historique du projet de loi. Une fois que le ministre pourra quitter la Chambre et aura terminé les votes, nous allons demander aux fonctionnaires du ministère d'attendre, s'ils sont d'accord — même s'ils ne le sont pas, nous le ferons quand même — et nous allons passer au ministre. Le ministre s'est engagé à passer 30 minutes avec nous ce soir.
Luc Bourdon, directeur général, Sécurité ferroviaire, Transports Canada : Bonsoir. Je vais faire un bref résumé expliquant pourquoi nous sommes ici et où tout cela a commencé. En gros, cela a débuté en 2005 lorsqu'il y a eu plusieurs accidents très médiatisés. Le gouvernement de l'époque a décidé qu'il était temps de lancer un examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Il n'y en avait pas eu depuis 1994. M. Cannon a nommé un comité de quatre personnes, avec comme président Douglas Lewis, l'ancien solliciteur général et ministre des Transports; Pierre-André Côté, un avocat, de l'Université de Montréal; Gary Moser, un ancien SMA ou SM de la Colombie-Britannique, et Martin Lacombe, un travailleur des chemins de fer ayant beaucoup d'expérience. Ils ont tenu 15 rencontres publiques partout au pays. Ils ont entendu plus de 70 personnes et employés qui sont venus faire des exposés. Ils ont reçu 185 mémoires et mené 81 réunions bilatérales avec divers partis intéressés, des syndicats et des entreprises. À la fin, ils ont produit un rapport intitulé Renforcer les liens : un engagement partagé pour la sécurité ferroviaire, qui comprend 12 chapitres et 56 recommandations.
Pendant la même période, le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités a aussi fait son propre examen de la sécurité ferroviaire, et il a proposé 14 recommandations. En tout, notre ministère a reçu 70 recommandations, qui ont toutes été acceptées par le ministre.
Qu'avons-nous fait avec ces recommandations? La plupart étaient des recommandations conjointes, entre le ministère, l'industrie et les syndicats. Nous avons créé six groupes de travail, et nous avons divisé les recommandations conjointes entre ces groupes. Il y en avait un qui s'occupait du système de gestion de la sécurité, un pour les règlements, l'environnement, la proximité et les activités, la technologie, et la collecte, l'analyse et la dissémination des renseignements. Dans tous ces groupes, il y avait des représentants de Transports Canada, de l'industrie et des syndicats. Les six groupes de travail ont rempli leur mandat. Il n'en reste que deux qui devront déposer leur rapport le mois prochain à la prochaine réunion du comité directeur. En gros, des 56 recommandations, le ministère en a appliqué environ 46,5, parce que nous n'avons appliqué que la moitié de la recommandation no 5. La plupart des recommandations du CPTIC ont été adoptées également. Ensuite, 21 ou 22 recommandations ont mené à des modifications de la réglementation, c'est pourquoi nous avons préparé le projet de loi que vous avez devant vous.
Nous avons comparu devant le CPTIC cette année, en mars, et nous avons obtenu un appui unanime de tous les députés pour ce projet de loi. Il y a eu environ huit amendements proposés soit par les syndicats ou les membres du comité. Ils sont tous inclus dans le projet de loi. Voilà son historique.
Le président : Merci. Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Merchant : Merci. Mes questions concernent la sécurité. Les entreprises réglementées comme les chemins de fer continuent d'essayer d'obtenir des tribunaux qu'ils considèrent que si une entreprise a respecté la loi, par exemple, dans ce cas, les règlements sur la sécurité, alors l'entreprise ne peut pas ou ne devrait pas être considérée comme négligente. Les tribunaux ont généralement rejeté ces demandes. Je me demandais si les amendements touchent la façon dont les tribunaux rendent des décisions à ce sujet. Voilà ma première question.
M. Bourdon : À ma connaissance, jusqu'à maintenant, il y a eu environ 10 poursuites depuis 1998. Auriez-vous un exemple d'un tel cas? Je n'en connais pas. Peut-être qu'il est arrivé que nous n'avions pas de motifs suffisants pour poursuivre. Je me souviens d'un exemple.
Le sénateur Merchant : Le problème est que les entreprises pensent que si elles ont suivi la loi, elles ne peuvent pas être considérées comme négligentes. Cependant, que se passe-t-il s'il y a négligence? Les tribunaux n'ont pas accepté cet argument. C'est pourquoi je me posais la question.
Je viens de la Saskatchewan, et je sais que récemment trois garçons à Montréal ont été tués par un train, et je sais qu'il y a eu un déraillement à Weyburn, en Saskatchewan, il y a quelques années. Il y a eu des poursuites à la suite de ces accidents. À North Battleford, en Saskatchewan, il y a eu plusieurs accidents dans les gares de triage. Je connais les poursuites qui ont cours. J'aimerais savoir si les rapports provenant des employés des chemins de fer envoyés au Bureau de la sécurité des transports, le BST, ou à Transports Canada seront, premièrement, des documents protégés, pour qu'il n'y ait pas de preuve de punition, s'ils sont protégés, et deuxièmement, ne puissent être admis en cour pour démontrer la négligence. En bref, devraient-ils être considérés secrets?
M. Bourdon : Ce sont des rapports confidentiels.
Le sénateur Merchant : Le problème est que si vous ne protégez pas les communications, les rapports ne diront pas la vérité.
M. Bourdon : Oui.
Le sénateur Merchant : Si vous protégez les communications, alors les entreprises y auront accès.
M. Bourdon : Non, elles n'y auront pas accès. Ce sont des rapports confidentiels. Le premier amendement au projet de loi avait trait à une disposition en vertu de l'article 47 pour que les employés qui déclarent ces incidents à l'employeur ne fassent pas l'objet de mesures disciplinaires, mais il y a eu un amendement déposé au comité pour qu'ils nous soient transmis. C'est strictement confidentiel. Nous en recevons déjà, en fait. Pas régulièrement, mais de temps en temps, il y a des employés qui nous appellent. Nous faisons enquête, et nous ne donnons jamais leur nom.
Le sénateur Merchant : Ainsi vous obtenez des rapports qui contiennent la vérité.
M. Bourdon : Exactement. Le BST a déjà un programme en place qui s'appelle SECURITAS et qui fonctionne d'une façon semblable. Souvent on nous demande de faire enquête et nous ne savons pas qui est l'employé.
Le sénateur Merchant : Je comprends. Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'aurais quatre questions rapides à vous poser. Premièrement, y a-t-il des événements qui vous ont conduits vers une modification législative sur la Loi sur la sécurité ferroviaire?
M. Bourdon : Oui. Cela a débuté le 3 août 2005 à la suite d'un déraillement au lac Wabamun alors que 800 000 litres de combustible de soute et 88 000 litres de créosote étaient déversés dans le lac. Il s'agissait du Canadien national. Deux jours plus tard, le 5 août 2005, un autre déraillement s'est produit dans le canyon de Cheakamus, causant un déversement d'hydroxyde de sodium. Dans les deux cas, toute la végétation a été détruite ainsi que ce qu'il y avait dans les cours d'eau. Quelques autres incidents sont survenus par la suite et c'est là que la décision de revoir la loi a été prise.
Le sénateur Boisvenu : La dernière révision remontait à quand?
M. Bourdon : La Loi sur la sécurité ferroviaire est entrée en vigueur en 1989. À la section 51 de la loi, il était prévu une révision après cinq ans. Une première révision a eu lieu en 1994. Un livre bleu intitulé Sur la voie a été publié. Le ministre de l'époque, M. Collenette, a commandé une étude à l'interne et la loi a été amendée en 1999; des amendements mineurs par contre.
Le sénateur Boisvenu : Donc, de 1999 à aujourd'hui?
M. Bourdon : C'est la même loi, pratiquement.
Le sénateur Boisvenu : Pourquoi ne l'a-t-on pas révisée en 2005 ou en 2004?
M. Bourdon : À ce moment-là, les statistiques de profil de conformité de la plupart des entreprises étaient relativement satisfaisantes, mais il s'est passé quelque chose puis on dirait que cela s'est précipité et on a décidé de regarder cela.
Le sénateur Boisvenu : Cette nouvelle législation va-t-elle toucher toutes les entreprises ferroviaires, incluant le transport régional et touristique qui se développent de plus en plus?
M. Bourdon : Si on compare avec la loi qu'on a présentement en vigueur, notre juridiction est limitée aux chemins de fer qui...
Le sénateur boisvenu : Nationaux?
M. Bourdon : Pas nationaux, mais qui possèdent un certificat d'aptitude de l'Office canadien des transports. C'est comme ça qu'ils déterminent qu'un chemin de fer est de compétence fédérale. Il y a trois conditions, soit traverser les frontières américaines et canadiennes, soit faire du transport entre les provinces ou si c'est jugé pour le bien du pays. Ce sont des chemins de fer sur lesquels on a juridiction.
Quand il y a des compagnies de chemins de fer de compétence provinciale qui roulent sur des voies fédérales, on est obligé, quand elles sont en non-conformité, d'aller au chemin de fer propriétaire de la voie. Si on prend l'exemple de l'Agence métropolitaine de transport de Montréal, si elles sont en non-conformité, on va au Canadien national ou au Canadien Pacifique. Cette loi va changer ou va maintenant faire en sorte que tout chemin fer qui opère sur une voie fédérale va devoir obtenir un certificat de sécurité de nous. Cela ne change rien quand ils sont sur des voies provinciales. Donc, cela va augmenter de beaucoup le nombre de chemins de fer qu'on va réglementer.
Le sénateur Boisvenu : Avez-vous fait une estimation des coûts que cela peut entraîner pour les entreprises?
M. Bourdon : On n'a pas fait d'estimation, mais présentement, toutes les entreprises doivent soumettre ce qu'on appelle un système de gestion de la sécurité. C'est probablement l'outil qui va être jugé approprié pour déterminer si la compagnie a tout en place pour nous démontrer qu'elle opère de façon sécuritaire.
Le sénateur Boisvenu : Je suppose que les compagnies qui n'étaient pas assujetties avant la loi vont devoir l'être et il va y avoir des coûts reliés à cela?
M. Bourdon : Il va y avoir des coûts, mais c'est vraiment de bonnes pratiques de gestion de la sécurité ou cela met en place le choix des règles qui vont s'appliquer à eux, parce que les règles diffèrent parfois d'un chemin de fer à l'autre. Les règlements s'appliquent à tous les chemins de fer. Ils vont devoir nous démontrer qu'ils impliquent les employés dans les décisions qu'ils prennent, qu'il y a un système de gestion des risques, qu'il y a un système pour rapporter les accidents et les enquêter. C'est un bon outil et je pense qu'on est gagnant en fin de compte.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : Je m'inquiétais de la protection des employés du chemin de fer qui déclarent à qui que ce soit des accidents liés à la sécurité.
M. Bourdon : Nous ne divulguons jamais qui ils sont.
Le sénateur Cochrane : Les noms ne sont pas publiés?
M. Bourdon : Non.
Le sénateur Cochrane : Vous l'avez dit, merci. Est-ce que la création de ce système de gestion de la sécurité, le SGS, amènera des coûts supplémentaires pour les entreprises de chemin de fer?
M. Bourdon : Présentement, tous les chemins de fer réglementés par le gouvernement fédéral ont un système de gestion de la sécurité en place. Les chemins de fer provinciaux sur courte distance qui utilisent les chemins de fer fédéraux devront en mettre un en place. Certains nous ont déjà envoyé leur SGS il y a des années pour démontrer leur engagement envers la sécurité.
Le sénateur Cochrane : Y aura-t-il des coûts supplémentaires?
M. Bourdon : Il y a toujours un peu de travail associé à cela, mais il est bon pour la gestion de la sécurité d'avoir un tel plan en place.
Le sénateur Cochrane : Répondez-vous oui ou non?
M. Bourdon : Si je pense à mon expérience avec les chemins de fer fédéraux lorsque j'étais au ministère de l'Industrie, la plupart des chemins de fer avaient déjà toutes ces choses en place. Il ne suffit plus que de les rassembler dans un même système.
Le sénateur Cochrane : Je m'en remettrai à vous à ce sujet. Ma prochaine question concerne les amendements. Est-ce que ces amendements toucheront les organisations régionales de transport en commun qui offrent des services de train de banlieue sur des chemins de fer qui sont la propriété d'entreprises régies par le gouvernement fédéral?
M. Bourdon : Oui, elles auront besoin d'obtenir un certificat d'exploitation de chemin de fer.
Le sénateur Mercer : Merci à vous deux d'être là. Je suis bien conscient du fait qu'on vous pose plus de questions que ce à quoi vous vous y attendiez probablement ce soir.
Cette loi contient une disposition prévoyant l'obtention d'un certificat d'exploitation de chemin de fer. J'ai été étonné d'apprendre dans le cadre d'une séance d'information qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir de certificat auparavant, comme cela doit être le cas pour les compagnies aériennes ou les compagnies d'autobus.
En ce qui a trait au pouvoir accru que vous aurez maintenant — la grande menace de retirer le certificat d'exploitation — quel sera le mécanisme en place pour assurer la gestion et la surveillance?
M. Bourdon : Tout d'abord, le certificat d'exploitation de chemin de fer, qu'on appelle CECF, sera défini par un règlement. Le règlement sera élaboré d'après la directive du cabinet sur la règlementation simplifiée qui assure la participation des intervenants à toutes les étapes du processus. Il y aura consultation avec l'industrie afin qu'elle puisse donner ses observations pour l'élaboration du règlement.
Pour répondre à votre question, cela dépendra de la gravité de la situation. Pour autant que je sache, il n'y a jamais eu de situation jusqu'à maintenant où nous aurions eu à retirer un certificat d'exploitation si la mesure avait été en place.
Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné au début de votre exposé qu'il y a deux rapports comportant 70 recommandations au total. Je crois ensuite vous avoir entendu dire que 46,5 des 56 recommandations ont été mises en œuvre. Je ne vois pas où sont les autres recommandations?
M. Bourdon : Celles du CPTIC?
Le sénateur Mercer : Oui.
M. Bourdon : La plupart d'entre elles ont été intégrées. Le comité nous a demandé de revenir parler des progrès réalisés au sujet de trois ou quatre de ces recommandations, mais étant donné qu'il y a eu des élections entre temps, les choses en sont restées là. Par contre, toutes les autres recommandations ont été intégrées.
Le sénateur Mercer : J'avais du mal à saisir comment le tout s'additionnait.
En ces temps modernes, nous avons la chance d'avoir peu d'accidents. Au cours de ma vie, un des accidents les plus connus est le déraillement à Mississauga en 1979, qui a lancé la carrière du plus grand politicien municipal sans doute de l'histoire du Canada, le maire McCallion.
À votre avis, est-ce que cela aurait changé quelque chose si cette loi avait été en place avant l'accident à Mississauga? Si cela n'avait rien changé, est-ce que cette loi aurait pu aider à régler ce qui s'est mal passé à Mississauga après l'accident?
M. Bourdon : C'est difficile à dire, car une des mesures qui a été prises après l'accident à Mississauga a été la mise en place de scanners pour détecteurs de boîte chaude. Ils ont installé un plus grand nombre de scanners afin de détecter ces boîtes chaudes. C'est probablement quelque chose qui aurait pu être fait dans le cadre de la loi qui était en vigueur à l'époque.
Le sénateur Mercer : Ils n'avaient peut-être pas de scanners en 1979.
M. Bourdon : J'étais au secondaire à l'époque, alors je ne m'en souviens pas vraiment. Je sais simplement qu'ils en ont davantage aujourd'hui. C'est une des choses qu'ils ont commencé à faire.
Le sénateur Mercer : Une autre chose qui me préoccupe au sujet de ce projet de loi, et je l'appuie, c'est qu'on discute du fait qu'il faut avoir une méthode de mise en œuvre de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Après les blagues sur les scanners, je reste persuadé qu'il n'y avait pas de scanners du genre qu'on trouve aujourd'hui.
Existe-t-il un mécanisme d'examen qui vous permettrait, non pas sur une base annuelle, mais sur une base pluriannuelle, d'examiner le règlement et la technologie que vous utilisés afin d'assurer la mise en application et la mise en œuvre de ce projet de loi?
M. Bourdon : La loi que nous avons à l'heure actuelle donne toute la marge de manœuvre nécessaire à l'introduction d'une nouvelle technologie. Nos instruments réglementaires sont généralement des règles. À l'article 22, certaines dispositions prévoient qu'une compagnie de chemin de fer peut déposer une demande d'exemption à la règle. En général, si ces compagnies veulent mettre en œuvre une nouvelle technologie, nous participons à l'exercice. Ces compagnies évaluent la technologie et procèdent à une évaluation des risques. Lorsque ces évaluations sont terminées, elles nous soumettent le tout, et si nous constatons que la sécurité s'améliore ou reste au même niveau, nous donnons le feu vert à la nouvelle technologie.
Le sénateur Mercer : Est-ce que le Bureau de la sécurité des transports a eu l'occasion d'exprimer son opinion et son point de vue au sujet de ce texte de loi?
M. Bourdon : Je ne sais pas. Peut-être qu'on en parle à la fin du rapport. J'ai donné aux responsables une séance d'information complète sur le projet de loi. Mais je ne sais pas s'ils ont été consultés en vue de la rédaction du rapport.
Le sénateur Mercer : Il me semble qu'il leur reviendra de réparer les pots cassés si les choses tournent mal.
M. Bourdon : Je sais qu'ils ont eu droit à une séance d'information complète à ce sujet.
Le sénateur Mercer : Je comprends cela, mais j'étais préoccupé au sujet de la consultation.
M. Bourdon : Ils ont également été consultés.
Le sénateur Zimmer : Monsieur Bourdon, je vous remercie de votre exposé.
Y a-t-il des mesures que vous voudriez voir ajouter à ce projet de loi ou que vous proposeriez pour améliorer la sécurité du transport ferroviaire? Recommanderiez-vous que certaines mesures additionnelles soient ajoutées?
M. Bourdon : Honnêtement, je crois que le projet de loi est très complet. J'en suis satisfait.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Pour les chemins de fer, contrairement à l'aviation, ou l'avion, après avoir décollé, ne roule plus sur rien, il y a le roulant et le fixe, les rails. Les rails ne sont pas nécessairement la propriété des chemins de fer. Comment ce projet de loi concilie-t-il les responsabilités du propriétaire de l'immobilier, le rail, par rapport aux propriétaires qui roulent, ou les locataires qui louent leur passage.
Comment se concilient les responsabilités des deux? Parce que je peux avoir un bon certificat de sécurité, mais qu'arrive-t-il si le propriétaire du rail ne fait pas son travail?
M. Bourdon : Dans le cas que vous mentionnez, le propriétaire du rail est une compagnie de compétence fédérale. À ce moment-là, cette compagnie doit avoir un système de gestion de la sécurité en place, et s'il y a une autre compagnie qui utilise les rails, on s'attend à ce que le système de gestion de sécurité souligne le fait que quelqu'un d'autre utilise ces voies.
Quand on va faire une vérification de ce système, on va s'assurer qu'il y a un lien entre les deux.
Le sénateur Boisvenu : Vous allez élargir les clientèles visées?
M. Bourdon : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vous prévoyez un comité d'harmonisation?
M. Bourdon : Présentement, les chemins de fer de compétence provinciale qui opèrent sur des voies fédérales doivent opérer en conformité avec les règlements fédéraux. Il n'y aura pas de changement, sauf pour une question d'imputabilité. Dans l'exemple que j'ai donné plus tôt, si un chemin de fer de compétence provinciale est en non- conformité, on aura le pouvoir d'aller voir directement cet opérateur pour lui demander des mesures correctives.
Le sénateur Boisvenu : Vous élargissez donc l'application du règlement. J'ai vu aussi qu'à l'alinéa 3.1e), vous l'élargissiez à d'autres domaines comme l'environnement.
M. Bourdon : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Il y aura un impact financier. Si vous élargissez vos responsabilités, cela veut dire qu'il y aura un impact au plan des ressources humaines et autres?
M. Bourdon : C'est une bonne question. J'ai oublié de le mentionner dans mes commentaires liminaires. Suite au dépôt des rapports, on a reçu en 2009, 72 millions de dollars sur cinq ans, dont environ 15 millions de dollars par année, ce qui nous a donné 56 personnes année supplémentaires. On a eu toutes les ressources humaines et financières nécessaires pour tout le travail supplémentaire que ce projet de loi a occasionné.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Le sénateur Boisvenu a soulevé un aspect intéressant auquel je n'avais pas pensé. Cela arrive bien souvent qu'une société ferroviaire emploie le rail d'un autre exploitant. En cas d'accident, qui est responsable? Si la compagnie X circule sur le rail de la compagnie Y et qu'un accident se produit, il y aura un coupable, mais qui sera-t- il?
M. Bourdon : D'après la loi actuelle, notre domaine de compétence s'arrête aux chemins de fer de ressort fédéral. En l'espèce, ce serait la compagnie hôte.
Le sénateur Mercer : Les propriétaires du rail?
M. Bourdon : Oui, l'entreprise propriétaire du rail qui permet à une autre société de faire circuler ces trains grâce à des droits de circulation ou à une ordonnance de l'OTC. Manifestement, ce projet de loi aura préséance sur toute autre entente entre les deux sociétés de chemin de fer.
Le sénateur Mercer : Il me semble qu'il s'agit d'une entreprise assez risquée puisque nous avons deux grands exploitants au Canada, soit le CN et le CP. On leur fait confiance, car elles sont en service depuis si longtemps et qu'on présume qu'elles respectent le règlement. Or, si d'autres sociétés ferroviaires n'avaient pas la même longévité et expérience au Canada, qu'arriverait-il si l'une d'elles n'assume pas sa responsabilité?
M. Bourdon : La seule réponse que je peux vous donner c'est qu'on ne s'attend pas à ce qu'il y ait davantage de sociétés ferroviaires. Pour nous, ce n'est qu'une question de reddition de comptes.
Actuellement, pour tous les transporteurs ferroviaires provinciaux sur courtes distances qui circulent sur les rails fédéraux, la loi fédérale s'applique et cela n'a jamais posé problème. La seule différence, c'est qu'en cas de non-conformité, nous serons capables de les rappeler à l'ordre plutôt que la compagnie hôte. Voilà ce qui va changer.
Elles sont déjà en conformité aux règles du régime. Elles connaissent les règles d'exploitation et entretiennent leur équipement en fonction des mêmes normes. Ce n'est pas vraiment un problème.
Le président : Je tiens à rappeler au public que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a entamé son étude du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur les transports au Canada en conséquence.
Mardi prochain, nous entendrons des témoins représentant la Compagnie des chemins fer nationaux du Canada, le Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, l'Association des chemins de fer du Canada ainsi que VIA Rail Canada. Mercredi, nous recevrons un deuxième groupe de témoins représentant les Teamsters, la Ville d'Ottawa et Transport Action Canada.
J'ai oublié de présenter M. Bourdon et Mme White-Taylor à nos sénateurs.
[Français]
Nous avons le sénateur Verner, de la ville de Québec, le sénateur Boisvenu, du Québec, le sénateur Eaton de l'Ontario, les sénateurs Greene et MacDonald, de Halifax, et plus précisément du Cap-Breton pour ce dernier, le sénateur Zimmer, du Manitoba, le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve, le sénateur Martin de Vancouver, le sénateur Merchant de la Saskatchewan et le sénateur Mercer de Halifax.
Le ministre est rendu à son quatrième vote. Je ne sais pas si vous avez encore des questions.
J'aimerais revenir sur le comité des bonnes pratiques. Vous m'avez dit qu'il n'existe pas actuellement de comité regroupant les différents responsables concernant les pratiques sécuritaires.
M. Bourdon : Un comité fédéral-provincial se rencontre généralement une à deux fois par année. Ce comité a été créé dans le but d'avoir une harmonisation la plus complète possible au niveau des règles et règlements. La province de l'Ontario, entre autres, a adopté notre régime réglementaire en entier et la majorité des provinces ont adopté les mêmes règles et les mêmes règlements.
D'ailleurs, sur huit provinces où des chemins de fer opèrent, nous faisons du travail pour six de ces provinces, tel que leur fournir des services d'inspection. C'est donc en fonction d'à peu près les mêmes normes que nous et il y a une bonne harmonisation. C'est important, surtout quand les chemins de fer sont appelés à circuler sur des voies fédérales, qu'ils parlent le même langage.
Le sénateur Boisvenu : Ce comité va donc continuer à fonctionner après?
M. Bourdon : Absolument. Ensuite, après la révision de la loi, on a créé le Conseil consultatif de la sécurité ferroviaire, lequel se rencontre environ trois fois par année. Les quatre syndicats y siègent, ainsi que des représentants des chemins de fer de classe 1, qui sont CN-CP et Via, et également un représentant des chemins de fer du Canada, un représentant des municipalités, en plus des fournisseurs. Nous sommes environ 19 au total et il y en a quatre de mon bureau. Un représentant des provinces est aussi présent.
Le sénateur Boisvenu : En quoi cette loi va-t-elle permettre aux propriétaires, aussi bien du chemin de fer que du roulant, d'être plus proactifs et d'éviter des situations comme celles que vous avez vécu à répétition depuis cinq ou six ans?
M. Bourdon : D'abord, il y a l'obligation d'obtenir un certificat d'exploitation. Actuellement, quand vous voulez débuter un chemin de fer, vous devez demander à l'Office canadien des transports.
Le sénateur Boisvenu : Moi je pensais qu'on les fermait, les chemins de fer.
M. Bourdon : Il y en a encore quelques-uns. Vous allez donc à l'Office canadien des transports et puis vous obtenez un certificat d'aptitude. La seule chose qu'ils vérifient, c'est si vous avez suffisamment d'argent pour couvrir les dommages. Il n'y a pas de vérifications si vous avez de bonnes règles en place. Le premier outil qu'on aura avant de permettre à un chemin de fer d'opérer, c'est une certitude qu'il a tout ce qu'il faut pour opérer de façon sécuritaire.
Dans le projet de loi actuel, on ne peut pas donner d'amende. Quand se présente une situation à haut risque, on va imposer des restrictions opérationnelles. Par exemple, si la voie n'est pas en bon état et que c'est une voie où normalement on peut circuler à 60 milles à l'heure, on va réduire la vitesse à 20 ou 30 milles à l'heure. Si c'est encore plus sérieux, on devra poursuivre et aller en cour. Cela coûte beaucoup d'argent et ça prend du temps.
Les deux autres modes de transport, la marine et l'aviation, eux ont la possibilité d'émettre des amendes; donc ça devient un outil qui se situe un peu entre les deux. Ce projet de loi va nous permettre de donner des amendes jusqu'à 50 000 dollars à un individu qui serait coupable de négligence ou jusqu'à 250 000 dollars pour une entreprise. Cela nous donnera des outils supplémentaires pour vérifier la conformité dont nous ne disposons pas présentement.
Cela ne sera pas fait de façon aléatoire avec des inspecteurs qui vont se promener avec des carnets. C'est déjà prévu dans le budget que des gens y seront attitrés. L'inspecteur va regarder la situation, va soumettre une recommandation. Ce sera envoyé à quelqu'un qui sera spécialisé pour examiner cela. L'amende sera déterminée ensuite. Si la compagnie de chemin de fer juge que l'amende est trop salée ou non justifiée, il aura la possibilité de l'amener au tribunal d'appel des transports.
Le président : Y a-t-il une distinction entre le transport passager, le transport de marchandises traditionnel et le transport dangereux? La vérification est-elle différente dans les trois cas?
M. Bourdon : Par exemple, pour les normes d'opération, à savoir comment on déplace le train du point A au point B, il n'y a aucune différence. Tout le monde est assujetti aux mêmes règlements d'exploitation.
Si vous opérez un train de passagers, à ce moment-là il y a un règlement supplémentaire, à savoir de s'assurer que les passagers soient en toute sécurité dans le wagon. On parle de mesures d'urgence, d'évacuation, de fenêtres qui doivent se briser. Quand vous prenez Via, les gens qui sont près des sorties de secours sont sensibilisés.
Quand vous parlez de marchandises dangereuses, il y a la Loi sur les marchandises dangereuses, qui s'assure que les wagons soient bien placardés et que, par exemple, s'il y a un déraillement, il y ait un plan d'urgence qui soit amorcé de suite pour pouvoir contenir tout cela, s'il y a des évacuations. Il y a des normes différentes à certains niveaux, mais, pour d'autres choses, c'est parfaitement harmonisé.
[Traduction]
Si le comité le permet, nous allons remercier les témoins de leur participation et de leur témoignage. Le ministre en est au cinquième et dernier vote, cela prendra donc quelques minutes tout au plus.
[Français]
Nous vous remercions de votre présence.
Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications rouverte.
[Traduction]
Aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications continue son étude du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire.
[Français]
L'honorable Denis Lebel, ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités est ici pour nous faire une présentation et, par la suite, nous passerons à la période des questions.
L'honorable Denis Lebel, C.P., député, ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités : Merci beaucoup. Bonsoir, Mesdames et Messieurs.
[Traduction]
Merci de m'avoir invité à prendre la parole sur ce texte de loi qui est fort important. Le projet de loi en question, qui s'intitule Loi améliorant la sécurité ferroviaire, modifie et renforce la Loi sur la sécurité ferroviaire de 2001 tout en concrétisant l'un des engagements de notre gouvernement, à savoir d'assurer la sécurité, la fiabilité et la viabilité de notre réseau ferroviaire de transport de passagers et de fret.
Tout d'abord, sachez que tous les intervenants concernés soutiennent depuis le début les modifications proposées. Dans le cadre du débat en seconde lecture à la Chambre des communes, des députés de tous les partis ont parlé des questions de préjudices économiques et environnementaux ainsi que des tragédies personnelles découlant d'accidents ferroviaires survenus dans leur circonscription. Les modifications au texte de loi ont été très bien accueillies.
Le soutien accordé à cet important texte de loi portant sur des questions de sécurité est le reflet de notre volonté commune de nous assurer que notre réseau de transport ferroviaire national — élément essentiel de nos infrastructures économiques — reste l'un des plus sécuritaires au monde. La sécurité et la prospérité des Canadiens revêtent une importance primordiale pour nous tous.
[Français]
Avant d'aller plus loin, j'aimerais rappeler au comité l'origine et l'objet de ce projet de loi.
En 2005 et 2006, des déraillements très médiatisés au Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique ont causé des décès, des blessures graves et de sérieux dégâts à l'environnement et ont eu également des conséquences économiques néfastes sur les compagnies de chemin de fer et sur les collectivités. De tels accidents préoccupent le public et le gouvernement tout en attirant l'attention de tout le pays sur la sécurité ferroviaire.
À la suite de ces déraillements, le ministre des Transports de l'époque a nommé un comité indépendant pour faire l'examen de l'actuelle Loi sur la sécurité ferroviaire pour cerner les lacunes possibles et pour formuler des recommandations afin d'améliorer la Loi et la sécurité ferroviaire en général.
Pendant un an, ce comité a voyagé d'un océan à l'autre pour recueillir les avis d'un éventail complet d'intervenants, dont les compagnies de chemin de fer et leurs associations, les syndicats de cheminots, les expéditeurs, les fournisseurs, les municipalités et d'autres organisations nationales, bien sûr, les autres ordres de gouvernement et le public ont aussi été consultés.
Le rapport final du comité intitulé Renforcer les liens : Un engagement partagé pour la sécurité ferroviaire a été déposé dans l'autre Chambre par le ministre des Transports, en mars 2008. Dans ce rapport, les experts faisaient remarquer que la Loi sur la sécuritéx ferroviaire et ses principes étaient fondamentalement solides, mais que d'autres mesures s'imposaient, dont l'apport de plusieurs mesures législatives. Le rapport contenait à ce moment 56 recommandations pour améliorer la sécurité ferroviaire au Canada.
[Traduction]
Le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, qui a également mené un grand nombre de consultations auprès des différents intervenants, a accepté les recommandations du comité et déposé son propre rapport en Chambre en mai 2008, lequel est assorti de 14 recommandations, largement inspirées de l'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire.
Nous sommes d'accord avec les recommandations contenues dans ces rapports et avons commencé à les mettre en œuvre par l'entremise d'une panoplie d'initiatives gouvernementales, sectorielles et syndicales, et par l'entremise des modifications législatives proposées à la Loi sur la sécurité ferroviaire, lesquelles sont nécessaires pour donner suite aux recommandations clés et mettre en place un grand nombre des initiatives visant l'amélioration de la sécurité que nous préconisons.
En résumé, les modifications proposées permettront d'améliorer la sécurité ferroviaire au Canada à long terme. C'est l'aboutissement de deux études importantes et de consultations menées à large échelle. Les objectifs visés sont d'accroître la sécurité des Canadiens et des collectivités canadiennes; d'alléger le fardeau économique du secteur en réduisant les risques d'accidents et de retards coûteux; de permettre aux intervenants externes, notamment les provinces, les municipalités, les transporteurs et les voyageurs de mieux tirer leur épingle du jeu. Le dernier objectif visé, et non le moindre, est de pouvoir offrir à tous les Canadiens une économie renforcée, des infrastructures modernes, tout en ménageant l'environnement.
[Français]
Cela dit, j'ai le grand plaisir de vous informer que le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, le même comité qui a lancé son propre examen de la sécurité ferroviaire et qui a formulé de nombreuses recommandations reflétées dans ce projet de loi, a examiné attentivement le contenu des modifications proposées et a donné son assentiment unanime au projet de loi avec quelques changements mineurs. Durant son examen, le comité a pris note du ferme appui à l'égard de ce projet de loi exprimé par des intervenants clés, dont les compagnies de chemin de fer, les syndicats et les municipalités
J'aimerais souligner que l'élargissement des options de rapports visant les violations en matière de sécurité constituait la seule modification importante apportée par le comité à la version originale du projet de loi, qui lui a été soumise après la seconde lecture. Le comité a apporté sept autres modifications qui englobent de petits ajustements techniques et des clarifications de définition.
Personnellement, je crois qu'il s'agit d'une réalisation très impressionnante car très peu de projets de loi passent l'étape de l'étude en comité avec un accord aussi considérable.
Finalement, le comité a noté un appui ferme visant à faire avancer ce projet de loi aussi rapidement que possible, de sorte que nous puissions commencer la mise en œuvre d'un régime de sécurité ferroviaire amélioré qui offrira des avantages manifestes à l'industrie, à la main-d'œuvre, aux collectivités ainsi qu'au grand public canadien que sont les utilisateurs.
[Traduction]
En réduisant les risques d'accident, nous permettrons aux compagnies ferroviaires d'accroître leur compétitivité, d'améliorer la sécurité des Canadiens et de renforcer la protection de notre environnement naturel.
Ni l'objet ni le contenu du texte de loi ne suscitent la controverse. En effet, tout le monde veut que la sécurité ferroviaire soit renforcée au Canada et le projet de loi est en fait un mode d'emploi pour y arriver.
Les modifications proposées sont prioritaires pour le gouvernement. Dans son budget de 2009, le gouvernement s'est engagé à renforcer la sécurité et la fiabilité de notre système de transport en consacrant 71 millions de dollars sur cinq ans à la mise en œuvre d'importantes mesures, dont des initiatives législatives, visant la sécurité ferroviaire. Les amendements proposés à la Loi sur la sécurité ferroviaire sont l'aboutissement de cet engagement.
[Français]
Depuis le lancement de l'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire en 2007, Transports Canada a travaillé sans relâche — et j'ai le plaisir d'être accompagné aujourd'hui par Mme White et M. Bourdon qui font partie de cette merveilleuse équipe — avec les intervenants par le biais du Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire, de groupes de travail technique conjoints et de consultations individuelles dans l'ensemble du pays pour veiller à ce que ce projet de loi réponde aux besoins de toutes les parties engagées dans l'industrie ferroviaire. Le résultat net est un projet de loi solide et ouvert sur l'avenir qui actualisera les autorités réglementaires existantes, qui harmonisera la législation ferroviaire avec celle d'autres modes et qui améliorera de façon notable la sécurité de nos chemins de fer dans l'intérêt de tous les Canadiens.
Ce projet de loi n'est pas seulement essentiel, il est opportun. Notre industrie ferroviaire est en pleine expansion, et cette croissance se traduit par une hausse du nombre de possibilités d'accidents. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Les compagnies de chemin de fer ainsi que leurs usagers disent que ce projet de loi aurait dû être adopté il y a longtemps et qu'il doit être mis en œuvre maintenant. Je suis entièrement d'accord. Un autre déraillement grave est simplement inacceptable.
Les accidents sont toujours possibles, mais tout faire pour les éviter, c'est notre but.
[Traduction]
Autrefois, notre croissance nationale dépendait dans une large mesure de notre réseau ferroviaire; ce dernier continuera à influer sur notre prospérité dans l'avenir.
Avec votre consentement, nous pourrons avancer à grands pas pour améliorer la sécurité de notre réseau ferroviaire, renforcer notre économie et nos infrastructures, tout en protégeant les Canadiens. Ne laissons pas passer cette occasion d'améliorer la sécurité ferroviaire dans notre pays.
Merci beaucoup, mesdames et messieurs.
[Français]
Le président : Merci, monsieur le ministre. Comme vous le savez, nous avons eu le plaisir de poser des questions à vos fonctionnaires avant, donc plusieurs questions ont été posées par les membres du comité, mais j'ai sur la liste les sénateurs Eaton, Martin et Boisvenu qui aimeraient vous poser des questions additionnelles.
Le sénateur Eaton : Monsieur le ministre, quels sont pour vous les modifications les plus importantes de ce projet de loi?
M. Lebel : La responsabilisation des compagnies ferroviaires est importante. Le fait que l'ensemble des compagnies ferroviaires, lorsqu'elles utiliseront les chemins de fer de compétence fédérale devront être accréditées, « fédéralement » parlant. Par le passé, lorsqu'il y avait un problème sur une partie d'une voie ferrée qui appartenait au fédéral, que ce soit un chemin de fer pour le transport en commun ou autres, nous devions interpeller les compagnies que sont le CN et le CP.
Avec ce projet de loi, on pourra aller directement vers ces compagnies. Notre volonté n'est pas d'exiger des amendes des compagnies, mais lorsqu'il y a des éléments qui nous incitent à être plus rigoureux dans les opérations, cela va assurément nous apporter de meilleurs résultats, et il y aura moins d'impact sur notre environnement et, par conséquent, moins d'accidents.
Le sénateur Eaton : Parlons d'impact sur l'environnement. Quelles sont les modifications proposées qui contribueront à mieux protéger l'environnement?
M. Bourdon : Ce sera l'obligation de déposer des plans environnementaux auprès de Transport Canada, lesquels seront par la suite vérifiés pour la conformité. Présentement, il n'y en a pas. Il y a aussi des modifications au plan des émissions polluantes de locomotives, où il devra y avoir toutes les données disponibles pour savoir comment les chemins de fer se conforment au règlement qui devra être promulgué bientôt, ainsi que de mettre les autocollants sur l'équipement pour certifier qu'il est en conformité. Le gros changement est de soumettre des plans environnementaux a Transports Canada.
[Traduction]
Le sénateur Martin : Merci, monsieur le ministre, et merci à vos collaborateurs qui ont déjà répondu à plusieurs questions. Je suis de la Colombie-Britannique et je me réjouis de l'objectif de ce projet de loi qui met l'accent sur la nécessité de garantir la sécurité des passagers et des biens qui sont transportés.
Ma question porte sur l'outil pour ce qui est du respect de la conformité. De nouveaux outils à cet égard tiennent une place proéminente dans les dispositions du projet de loi. Parfois, un outil peut être trop cinglant. Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'outil qui servira à la mise en application? Trouvez-vous satisfaisants ce qu'il permettra d'accomplir et l'usage qu'on en fera?
M. Lebel : Comme je l'ai dit, notre objectif n'est pas d'y avoir recours mais qu'ils existent. Cet été, j'ai eu l'occasion de me rendre dans votre magnifique province pour rencontrer les responsables du CN et du CP et visiter leurs installations. Ils sont déterminés à ne pas avoir à débourser de l'argent en raison d'accidents. Toutefois, ils comprennent qu'ils auront cette responsabilité et nous sommes certains que ces outils nous aideront à offrir un service plus sûr à toute la population.
M. Bourdon : Nous avons parlé tout à l'heure des sanctions administratives pécuniaires qui peuvent atteindre 50 000 $ pour un particulier et 250 000$ pour une compagnie mais nous multiplions également par cinq les sanctions judiciaires. Dans le cas d'une déclaration sommaire de culpabilité, le particulier jusqu'à maintenant encourait 5 000$ d'amende mais désormais ce sera 25 000$ et une compagnie passible d'une amende de 100 000$ sera désormais passible d'une amende de 500 000$. Dans le cas d'une mise en accusation, l'amende qui était de 10 000$ auparavant passe à 50 000 $ et celle d'une compagnie qui était de 200 000$ passe à 1 million de dollars. Et cela est une amende imposée pour chaque jour de non-conformité.
Le sénateur Martin : Ce sera sûrement une mesure incitant à garantir la sécurité ferroviaire et à s'y conformer. Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. Sans être flagorneur, je veux d'abord vous féliciter pour avoir fait adhérer vos partenaires provinciaux à ce projet de loi, ce n'est pas toujours évident, et également de l'avoir élargi au domaine de l'environnement. Cela montre les préoccupations de notre gouvernement pour l'environnement. Félicitations aussi d'avoir introduit un outil de sanctions administratives qui était, à mon avis, presque obligatoire.
Je ne discuterai peut-être pas du projet de règlement. Le Canada est un très grand pays, et l'industrie du chemin de fer devrait être, à mon avis, l'industrie de base dans le transport des marchandises, entre autres, surtout avec la crise de l'énergie qu'on voit poindre et qui risque de se maintenir.
Vous êtes du Lac-Saint-Jean, vous avez connu, comme moi, un Abitibien, un recul énorme du transport ferroviaire des marchandises, une désaffection des voies ferrées, utilisées à des fins récréatives. Je pense que c'est une perte d'actifs importante pour le Québec et le Canada.
Vous l'avez dit d'entrée de jeu, c'est une industrie en grand développement. Vous, en tant que ministre des Transports au Canada, comment voyez-vous cette industrie dans l'avenir et le rôle du gouvernement pour vraiment la rendre dynamique et vivante?
M. Lebel : Cela a peut-être été dit tout à l'heure, mais j'aimerais vous rappeler qu'en 2007, le ministre de l'époque avait formé un comité avec l'honorable Doug Lewis, M. Pierre-André Côté, Martin Lacombe et Gary Moser qui ont fait le travail, des gens d'un peu partout au Canada.
C'est clair, comme dans d'autres secteurs d'activités, que le coût de l'énergie au Canada ou dans des parties du pays, où il est moins élevé favorise une utilisation de certains combustibles qui ne sont pas utilisés dans d'autres pays du monde pour être capable de produire cette énergie. Quand on paie l'essence ou le pétrole deux ou trois fois plus chers dans d'autres pays, cela limite l'accès à l'utilisation de la voiture, qui est encore très utilisée malgré les grandes distances. Je pense qu'il y a une cause à effet quant à certaines restrictions aux approvisionnements dans certains secteurs qui sera favorable, mais pour nous, d'ores et déjà, nous avons la volonté de sensibiliser et d'amener davantage l'utilisation des systèmes de transport qui nous permettront de diminuer les émanations de bas gaz à effet de serre, de travailler d'abord sur le transport en commun partout, dans tous les projets au ministère des Transports, que ce soit l'annonce de la construction de ponts ou autres. On prévoit toujours l'utilisation maximale du transport en commun partout. On prévoit l'utilisation d'infrastructures qui permettront de l'améliorer.
On a annoncé il n'y a pas longtemps la nomination d'un facilitateur pour faire la revue sur le transport des marchandises — M. Dinning qui est au travail pour une période de six mois — pour nous permettre d'améliorer encore les services donnés aux utilisateurs qui se servent du train pour le transport de leurs marchandises : tout cela, dans le but d'arriver à la fin avec un meilleur service selon un principe de gagnant-gagnant pour que les utilisateurs y trouvent leur compte et pour que les compagnies de transport ferroviaire trouve des ententes afin que lorsqu'il y a des problèmes ou des mésententes qu'on ait une plateforme pour les élucider et les régler, dans le but d'améliorer l'économie de notre pays, de favoriser le transport ferroviaire et diminuer nos gaz à effet de serre pour améliorer l'environnement du pays.
Le sénateur Boisvenu : Je voudrais saluer la compétence de vos deux collaborateurs qui ont répondu de façon impeccable à nos questions.
M. Lebel : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : Merci d'être venu. Je sais que vous avez dû aller voter et que cela vous a valu des allées et venues. Je vous remercie d'être venu.
Je me demande si vous voyez des progrès du côté d'une réduction du transport routier. Nos routes sont de plus en plus abimées dans bien des régions. Constatez-vous qu'on délaisse le camionnage au profit, disons, du chemin de fer?
M. Lebel : Cela fait partie de l'équation. Il est vrai que le camionnage est un secteur important au Canada. Toutefois, c'est toujours l'usager qui décide du moyen de transport pour l'expédition de ses biens. Nous devons offrir le meilleur réseau ferroviaire possible, mais il est parfois possible de faire autrement et d'avoir recours au transport routier. Nous allons toujours préconiser l'utilisation du meilleur moyen pour le transport des biens, mais il ne faut pas oublier qu'en fin de compte ce sont les usagers, ceux qui paient pour le service, qui décident.
Le sénateur Cochrane : J'espère que vous intensifierez la publicité.
M. Lebel : Nous allons essayer. Nos deux principales compagnies ferroviaires ont un rôle central à jouer et elles ont besoin de publicité. Comme elles suivent de près les intérêts de leurs clients, elles essaient sans cesse d'améliorer leurs services.
Le sénateur Cochrane : Une somme de 71 millions de dollars a été réservée pour cinq ans. Avez-vous réparti cette somme à des secteurs précis comme par exemple la sécurité, l'approvisionnement et les ressources humaines? Avez-vous pris des décisions à cet égard?
M. Bourdon : Oui. Une somme de 28 millions de dollars a été affectée au programme d'amélioration des passages à niveau, ce programme défrayant les responsables à hauteur de 80 p. 100 des coûts admissibles pour améliorer la sécurité des passages à niveau. Nous aidons les municipalités et les compagnies à améliorer la sécurité des passages à niveau très dangereux et nous avons réservé 28 millions de dollars à cette fin, c'est-à-dire environ 6,5 millions de dollars par année. La première année, nous avions 4 millions de dollars, la même somme la deuxième année, et le montant est passé à 6,5 millions de dollars. Ce niveau sera maintenu et on ajoutera les 7,5 millions de dollars déjà prévus, si bien que pour ce programme d'amélioration des passages à niveau, près de 13 ou 14 millions de dollars seront dépensés chaque année.
Le montant restant de 44 millions de dollars était dédié au personnel supplémentaire, soit 56 ETP de plus. De ces 56 employés, 25 étaient destinés aux systèmes de gestion de la sécurité, 5 aux communications, un certain nombre d'ingénieurs au Programme d'amélioration des passages à niveau, des agents responsables de l'application de la loi et des analystes. La répartition s'est faite en tenant compte des compétences qu'il fallait rassembler afin de réaliser le mandat.
Le sénateur Cochrane : Combien d'employés au total?
M. Bourdon : Cinquante six. Il y en a 23 à Ottawa et 33 dans les régions.
Le président : Merci, monsieur Lebel et monsieur Bourdon.
J'aimerais rappeler au public que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a commencé son examen du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur les transports au Canada en conséquence. Mardi prochain, nous entendrons des témoins de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, du Chemin de fer Canadien Pacifique, de l'Association des chemins de fer du Canada et de VIA Rail Canada. Mercredi, nous recevrons des témoins des Teamsters, de la Ville d'Ottawa et de Transport Action Canada.
(La séance est levée.)