Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 2 - Témoignages du 3 décembre 2013


OTTAWA, le mardi 3 décembre 2013

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à tous les honorables sénateurs et à tous les membres du grand public qui assistent ici même à cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou suivent ces délibérations sur CPAC ou sur le Web.

Je m'appelle Dennis Patterson. Je viens du Nunavut et je préside le comité, dont le mandat est d'étudier les lois et autres questions qui concernent les peuples autochtones au Canada en général. Pour comprendre les préoccupations de ceux que nous représentons, nous invitons régulièrement des témoins qui peuvent nous renseigner sur les sujets qui revêtent actuellement de l'importance pour nous et pour eux.

Ces séances sont précieuses. Elles aident le comité à choisir les études qu'il va entreprendre pour servir au mieux la collectivité autochtone.

Les témoins d'aujourd'hui ont été invités pour fournir de l'information générale sur la grande question du financement des infrastructures dans les réserves : les projets d'immobilisations, les écoles ou le logement, notamment. Ce matin, nous entendrons des représentants de l'Association nationale des agents du bâtiment des premières nations.

Je dois dire au comité que nous devions accueillir un témoin du Conseil national de développement économique des Autochtones. Il devait être parmi nous ce matin, mais le retard de son vol et des retards attribuables à la météo l'empêcheront de comparaître ce matin.

Avant de passer à l'audition des témoins, je demande aux membres du comité d'avoir l'obligeance de se présenter à tour de rôle.

Le sénateur Moore : Bonjour. Wilfred Moore, sénateur libéral de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dyck : Bonjour. Je suis la sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

La sénatrice Lovelace Nicholas : La sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Watt : Le sénateur Watt, du Nunavik.

La sénatrice Raine : La sénatrice Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Tannas : Le sénateur Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Beyak : La sénatrice Lynn Beyak, du Nord-Ouest de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Champagne : Bonjour, je m'appelle Andrée Champagne, sénatrice du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le président : J'invite les membres du comité à se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue aux premiers témoins. De l'Association nationale des agents du bâtiment des premières nations, nous accueillons Keith Maracle, vice- président aux Relations gouvernementales, et John Kiedrowski, gestionnaire de projet. Nous avons hâte d'entendre votre exposé, qui sera suivi des questions des sénateurs.

Keith Maracle, vice-président, Relations gouvernementales, Association nationale des agents du bâtiment des premières nations : Merci beaucoup. C'est un plaisir de vous rencontrer tous. Au nom de mes collègues et de la direction de l'Association nationale des agents du bâtiment des premières nations, je tiens à remercier le comité sénatorial de nous donner cette occasion de vous parler de cette question très importante pour notre peuple.

Je suis probablement l'une des personnes qui ont le plus d'expérience au Canada en matière de logement autochtone. J'ai commencé à travailler dans ce domaine en 1974, travaillant dans le logement pour ma propre Première nation. En 1980, je devenais inspecteur en chef du bâtiment en Ontario grâce à une entité que nous avions montée et qui s'appelait le Bureau d'inspection des logements des Indiens. À l'époque, c'était un projet pilote financé par les Affaires indiennes et en partie par la SCHL.

Je suis allé partout au Canada. J'ai travaillé du Labrador jusqu'en Colombie-Britannique et j'ai vu de très nombreuses Premières nations. Nous avons tous exactement les mêmes problèmes. Lorsque je vais dans l'Est, tout le monde me demande ce qu'un type de l'Ouest peut connaître du logement dans l'Est. Lorsque je vais dans l'Ouest, je me fais demander ce qu'un type de l'Est connaît du logement là-bas. Nous sommes tous aux prises avec les mêmes problèmes.

J'ai vu de bonnes choses. Il y a eu beaucoup de bons changements au fil des ans, et j'ai vu aussi des choses qui laissent songeur. On se demande comment on a pu tolérer cela.

Aujourd'hui, nous allons tenter de vous présenter de l'information dont vous pourrez discuter. Et si nous pouvons vous éclairer pendant la période des questions, nous n'allons pas y manquer. Mon ami et collègue, John Kiedrowski, dira un mot des principaux domaines où il y a des difficultés. Il est gestionnaire de projet pour notre association.

Je vais vous donner quelques renseignements généraux sur l'ANABPN, c'est-à-dire l'Association nationale des agents du bâtiment des premières nations. Il s'agit d'une organisation sans but lucratif fondée sur le bénévolat qui s'est constituée en 2003. Si nous nous sommes tous réunis, c'est que, en voyageant et en travaillant dans tout le Canada avec mes collègues, dans les différentes provinces, j'ai observé d'énormes différences dans la façon d'offrir les services. C'était incroyable. On pouvait faire telle chose dans une province et pas dans l'autre. Nous étions tous au service du même gouvernement fédéral. Que se passait-il donc?

Nous nous sommes donc regroupés. Nous avions pour nous aider un gestionnaire de projet de la SCHL. Nous avons élaboré une proposition, et c'est alors que John s'est joint à nous et nous avons lancé l'association. Nous examinons la construction et les plans des maisons et nous conseillons les collectivités des Premières nations. Dans la plupart des cas, nous sommes plutôt des gestionnaires de projet auprès d'elles. Nous les aidons à entamer la réalisation de leurs projets.

Le ministère des Affaires indiennes a changé de nom tellement de fois. Ne vous y méprenez pas, mais pour moi, je parle toujours des Affaires indiennes. AADNC, ou quel que soit le nom du ministère aujourd'hui, et la SCHL nous ont accordé des fonds par projet au fil des ans. Nous en avons obtenu en 2013 : environ 60 000 $ des Affaires indiennes pour une série de projets et 15 000 $ de la SCHL. Nous ne recevons pas beaucoup d'argent pour développer les capacités. Il faut obtenir l'argent dans le cadre de projets. Lorsque les projets sont achevés, nous prélevons un peu d'argent pour arriver à nous débrouiller, et nous devons aussi payer les factures. C'est typique de la façon de faire : nous obtenons de l'argent et le distribuons non seulement parmi nous, mais aussi avec les services de logement autochtone.

Nous sommes une organisation nationale. AADNC aide une ou deux autres organisations nationales. L'une d'elles reçoit 1,4 million de dollars par année. Nous n'avons pas de ressources durables sinon le bénévolat. Nous sommes la seule organisation nationale non politique qui se consacre au logement. Aucune association ne met l'accent sur cette question comme nous le faisons.

Je voudrais que John parle de la notion d'autorité compétente. C'est tout un dossier en ce moment. Nous avons beaucoup circulé. Je suis allé un peu partout au Canada et j'ai fait des exposés en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et dans les Maritimes au sujet des autorités compétentes. Je laisse la parole à John.

John Kiedrowski, gestionnaire de projet, Association nationale des agents du bâtiment des premières nations : L'autorité compétente, c'est, pour qu'on comprenne cette notion, un organe directeur qui a reçu un pouvoir. Dans tout ce qui concerne le logement, par exemple, cela permet à la municipalité, qui est toujours l'autorité compétente en matière de logement, de jouer son rôle et de fournir des codes du bâtiment, d'assurer des inspections et une gouvernance pour faire en sorte que les logements soient sûrs et salubres dans le territoire qui relève de sa compétence.

On s'est efforcé de transposer cette idée dans les Premières nations. Cela a débuté en 1983, à l'époque où les accords globaux entre les Premières nations et le gouvernement fédéral ont changé la donne et ont confié aux Premières nations la responsabilité de leurs projets d'immobilisations. Tout a été imposé par un accord global.

À l'époque, il n'a jamais été clair, et ce n'est toujours pas clair aujourd'hui, dans la politique ou les lois, comment les Premières nations sont venues l'autorité compétente. Tout au long d'une série d'exposés présentés aux chefs et aux conseils, nous avons constaté qu'ils sont fermement convaincus que les logements bâtis sur les terres des Premières nations sont la responsabilité du gouvernement fédéral. Or, à cause des accords globaux, cette responsabilité est revenue aux chefs et aux conseils.

C'est presque un bouc émissaire, sur le plan politique, pour les Premières nations, puisqu'elles peuvent s'en prendre au gouvernement fédéral et lui reprocher la qualité médiocre des logements et de l'infrastructure. En réalité, c'est leur responsabilité. Je ne crois donc pas qu'il y ait un grand débat parmi ceux qui comprennent qui est l'autorité compétente. Le problème, c'est qu'il a été difficile d'apporter les capacités et qu'il faut voir ce que cela veut dire lorsqu'il s'agit de projets de construction. Selon nous, c'est là le problème évident que personne ne veut voir, lorsqu'on discute de logement, des instances qui ont l'autorité et de responsabilité en matière de logement, et du transfert de fonds entre le gouvernement fédéral et les Premières nations pour garantir que les maisons soient bâties conformément aux normes du Code national du bâtiment.

Nous avons constaté que certaines collectivités des Premières nations ont admis qu'elles sont les autorités compétentes. Elles sont allées de l'avant, elles ont pris des règlements et elles mènent des inspections. Elles sont passées outre au discours politique sous-jacent en matière de logement dans les collectivités des Premières nations. La question n'est plus liée à des votes ou à des amitiés ni à quoi que ce soit d'autre excepté le souci de faire construire des maisons. Ces collectivités sont bien rares.

Quelles sont les collectivités qui ont assumé la compétence et pris des règlements, si on se fie aux règlements soumis au gouvernement fédéral? Une vingtaine l'ont fait pour s'assurer que les logements sont construits aux normes du Code national du bâtiment. Il y a un écart énorme entre la plupart des collectivités et on peut le constater lorsqu'on examine la gouvernance.

Je rends la parole à Keith pour qu'il traite plus longuement des codes du bâtiment.

M. Maracle : Nous avons beaucoup de mal à faire respecter les codes du bâtiment chez les Premières nations parce que l'inspecteur en bâtiment n'a aucun pouvoir. Je me rends dans une localité, examine une maison et dresse un rapport pour signaler une lacune. Quand j'y retourne la fois suivante, rien n'a changé. On n'a rien fait. L'entrepreneur a été payé et il est parti. Nous nous retrouvons avec une maison de plus qui est délabrée, et elle est délabrée dès le départ. L'un de nos problèmes, c'est que les Premières nations n'ont pas l'impression d'avoir le pouvoir d'exercer un contrôle et qu'elles ont beaucoup de mal à le faire. C'est pourquoi nous allons faire des présentations.

Sur le plan politique, tous ceux qui sont sur le terrain, comme les coordonnateurs du logement et les responsables des programmes de logement dans les bureaux, comprennent parfaitement la situation. Ils ont aussi besoin d'aide pour accomplir leur travail. En effet, supposons que le chef ou un conseiller vienne dire : « Mon copain Bill a bâti cette maison et vous retenez l'argent. Donne-le lui. » Que peut-on faire? On le donne.

Lorsque nous allons faire une inspection et que notre rapport d'inspection ne plaît pas, nous pouvons nous faire demander de le modifier. Je me suis fait demander de modifier des rapports d'inspection : « Marque simplement que c'est fait. » Je n'ai jamais fait un rapport d'inspection sur une maison terminée, et je m'occupe d'inspections depuis 1980. Je ne l'ai jamais fait, parce que les maisons ne sont jamais tout à fait terminées.

Un autre problème qui se présente est celui de la distinction entre « qualifié » et « accrédité ». On parle simplement de « professionnel qualifié ». Aucune définition. Simplement « professionnel qualifié ». Qu'est-ce que cela veut dire? Lorsque j'essaie d'encourager les gens à se joindre à l'association et à se regrouper pour mettre les choses en bonne voie, je me fais répondre : « Pourquoi prendre la peine de me joindre à votre association, à 100 $ par année, alors que je peux livrer de la pizza le vendredi et, après une élection le samedi, être l'inspecteur des bâtiments le lundi? Et la SCHL et les Affaires indiennes vont accepter ma signature sur un rapport d'inspection. » Voilà pourquoi nous réclamons l'accréditation depuis un certain nombre d'années.

Lorsque nous abordons la question avec la SCHL, nous nous faisons répondre : « Nous ne nous occupons pas de ces choses-là; tout ce que nous voulons, ce sont des inspections garantissant la conformité. » Nous allons donc sur les lieux, et nous posons des questions. « Le toit est-il installé? » « Oui. » « Les bardeaux ont-ils été installés? » « Oui. » « Sont-ils installés correctement ou de travers? » « Peu importe. » Ils sont sur le toit, et c'est tout ce qu'ils veulent savoir.

Si on s'adresse à AADNC à ce sujet, voici la réponse qu'on obtient : « La SCHL s'occupe de cela. » Malgré les efforts que nous essayons de faire, nous nous faisons renvoyer de l'un à l'autre.

Pardonnez-moi si je donne l'impression de mordre la main qui me nourrit, mais il y a quelque chose qui cloche. Nous avons besoin d'un certain développement de la capacité pour nos propres gens, pour les inspecteurs. Il faut qu'il y ait chez nous un certain professionnalisme.

Nous avons demandé des fonds à RHDCC pour former un plus grand nombre d'inspecteurs du bâtiment. La réponse? Le ministère ne considère pas cela comme une profession. Je fais ce travail depuis 1974, mais évidemment, je n'ai fait aucun travail professionnel. J'ai fait quelque chose d'autre. Nous avons ce genre de réponse.

Parmi ceux à qui nous demandons des fonds pour améliorer les compétences des inspecteurs et des administrateurs du logement, personne n'a rien à nous offrir ou alors une aide limitée. Voilà le problème.

Dans vos documents, vous demandez quatre inspections par maison. Si vous avez jamais bâti quoi que ce soit dans la province, vous savez qu'il faut sept ou huit inspections. On ne passe pas à la suite des travaux tant qu'une étape n'est pas terminée, et, si l'inspection relève des irrégularités, il faut les corriger avant de passer à l'étape suivante. Nous n'avons rien de tel. Nous n'avons aucun moyen qui nous aide à exercer un contrôle, à faire avancer les choses.

Les Canadiens, autochtones ou non, ont la capacité de bâtir la maison parfaite. La SCHL possède toute l'information, mais le Code national du bâtiment ne touche que les questions de santé et de sécurité. Il ne prévoit rien au sujet de l'efficacité énergétique, par exemple. Il se limite à la salubrité et à la sécurité, ce qui est bien. Des entrepreneurs arrivent dans une réserve et disent au chef et au conseil : « Nous savons que vous ne bâtissez pas vos maisons correctement; nous allons les bâtir conformément au code du bâtiment. » Je leur réponds : « Ce que le code du bâtiment veut dire, c'est qu'on peut se satisfaire du pire, à condition que la maison ne s'écroule pas, du strict minimum qui permet d'éviter que la maison ne s'effondre. » C'est ce qu'on trouve à la partie 9 du Code national du bâtiment. Nous devons prévoir des incitatifs, des mesures pour relever les normes. Dès qu'on va chez une Première nation et qu'on dit qu'on peut faire telle chose ici et telle chose là, on se fait répondre : « Nous n'avons pas l'argent qu'il faut. » On ne peut s'adresser à personne pour avoir de l'argent. Il y a des mesures incitatives proposées par les compagnies d'électricité, mais la part des Premières nations est limitée à 10 p. 100.

Le dossier du logement chez les Autochtones est coincé entre les autorités fédérales et les autorités provinciales. J'entends dire constamment : « Vous êtes de compétence fédérale et nous n'y pouvons rien. » Cela devient tellement ennuyeux et exaspérant. Je le répète, je m'occupe de ce secteur depuis des années, et je vois des Premières nations qui veulent mieux se débrouiller, mais ne savent pas comment s'y prendre. Je suis un entrepreneur qui travaille pour la SCHL. J'offre des cours de formation. La société a créé un certain nombre de cours de formation pour les peuples des Premières nations : élimination des moisissures; assainissement de l'air; guide de l'entretien pour le propriétaire; une maison mieux construite; ce genre de chose. Ma participation s'étale sur trois ou quatre jours. Je peux aviver l'intérêt de ces gens. Ils veulent faire mieux les choses, mais je ne les revois jamais. Il n'y a aucun suivi. Pourquoi? Pas d'argent pour le faire. Je les vois donc une fois, je suscite beaucoup d'enthousiasme, et je m'en vais. Ils commencent donc à penser que je ne vaux pas plus que les autres. Ils commencent à me qualifier de « bonne âme », mais j'arrive à capter leur attention parce que je suis membre d'une Première nation. Pour cette raison, je peux leur dire ce qui en est. Ils m'écoutent. Ils me comprennent et je peux les comprendre.

Telle est la situation. Tel est le problème. M. Kiedrowski pourra peut-être apporter plus de précisions.

M. Kiedrowski : Nous avons réalisé une étude sur le cycle de vie des maisons chez les Premières nations. Elle s'est étendue à la plupart des collectivités. Nous avons distingué trois aspects : aucune gouvernance, aucune autorité, aucune politique sur les compétences. Nous avons constaté que, sur 50 ans, la maison moyenne de 180 000 $ est bâtie cinq fois environ à cause des réparations à faire parce qu'il n'y a pas de codes du bâtiment, parce que les fondations s'effondrent, que les toits coulent, que les murs intérieurs ne sont pas construits selon les normes du code. Au bout de cinq ans, cette maison coûte 900 000 $, en théorie.

Considérons la gestion par un tiers chez les Premières nations. Si on y recourt, c'est notamment à cause de politiques de logement médiocres et des coûts liés au logement. Il ne faut pas oublier que beaucoup de Premières nations n'exigent aucun loyer. Il n'y a pas de frais d'entretien pour habiter dans ces maisons. Pour ces maisons des Premières nations, il n'y a donc ni entrée ni sortie de liquidités. L'argent emprunté pour construire, c'est tout ce qu'on a. Si des réparations s'imposent, il faut malheureusement aller puiser dans une autre enveloppe, comme celle de l'éducation ou celle de la santé, pour payer le logement.

Il serait facile de régler le problème. Je peux comprendre qu'il soit difficile de payer un loyer, mais les occupants pourraient payer des frais pour l'entretien. Ils pourraient payer un type quelconque de frais pour y habiter et compenser les coûts de l'entretien.

Je voudrais conclure sur l'un des enjeux clés. J'ai distribué un schéma qui comprend quatre carrés. Il résume vraiment les difficultés des Premières nations. Si on considère ce schéma du logement dans les Premières nations sous l'angle des mesures incitatives et désincitatives, on constate que la plupart des Premières nations qui se trouvent dans le carré inférieur gauche suivent les politiques actuelles. Pourquoi? À cause d'incitatifs négatifs. Rien n'encourage le chef ni le conseil à assumer la compétence. Rien ne pousse le gouvernement fédéral à modifier ses politiques pour assurer la cohérence entre AINC et la SCHL de sorte que ces politiques s'harmonisent. Tout concourt à décourager les régions d'adopter des politiques identiques, une compréhension et des interprétations communes.

En même temps, le rendement est très faible. Il n'y a ni mesures ni indicateurs de rendement pour les Premières nations. Le gouvernement fédéral verse des fonds aux Premières nations. Il n'a aucune mesure du rendement pour s'assurer que les fonds sont dépensés judicieusement.

Prenons l'idée des dépenses hors des réserves. Si on veut emprunter pour bâtir une maison, la banque veille à ce que la maison se construise. Avant de débloquer les fonds, elle s'assure que, si vous obtenez un prêt de 200 000 $, la maison vaut autant. On ne trouve pas l'équivalent chez les Premières nations.

Il y a également un niveau de risque très élevé. Aucune évaluation du risque, aucune compréhension du risque. Les entrepreneurs établissent eux-mêmes leur contrat, pour peu qu'il y en ait un. Il n'y a pas d'appel d'offres pour les marchés. Aucune transparence, aucune procédure d'approvisionnement. Les fonds arrivent, et il faut construire rapidement. Le code n'est pas respecté. Tout cela présente des risques très élevés.

Il y a toutefois des collectivités qui se trouvent dans le quadrant du haut du schéma et qui se tirent très bien d'affaire. Elles exercent leur autorité et elles assument leur compétence. Elles ont très peu à voir avec le gouvernement fédéral pour le financement des maisons. Elles se servent des revenus des casinos et de l'intérêt perçu sur les revenus provenant du pétrole et du gaz. Elles ont progressé. Ce sont des collectivités où tout le monde voudrait vivre. Elles se portent extrêmement bien.

Comment amener les collectivités, les plus nombreuses, du quadrant le plus bas au plus haut? Voilà la difficulté. C'est le problème auquel le comité doit trouver une solution. Comment s'y prendre?

Quelqu'un a dit qu'on a besoin d'outils. Pas uniquement. Des idées comme celle de la signature de déclarations s'appliquent bien hors des réserves, mais leur impact est minime dans les réserves parce que l'appareil, les structures, la gouvernance n'existent pas.

Le président : Voulez-vous conclure, monsieur Maracle?

M. Maracle : S'il vous plaît. Si on me le permet.

J'ai suivi les délibérations à la télévision, sur la chaîne CPAC. L'autre soir, il était question du développement des compétences, et le ministre était ici. Il parlait de la formation des Autochtones. Un monsieur a été rude avec le ministre et il a dit que nous avions de la formation pour les Autochtones. Le problème de la formation pour les Autochtones sur le terrain, c'est qu'on pense que c'est la même chose pour tout le monde. Elle marche bien dans le sud du Canada et moyennement dans la zone intermédiaire, tandis que dans le Nord, c'est nul. Ils disent sans cesse qu'ils veulent des partenaires de l'industrie, mais il n'y en a pas, là-haut. Il y en a très peu dans le Canada central. Tous ceux avec qui j'ai collaboré en Ontario exigent que les stagiaires touchent des prestations d'aide sociale ou de chômage pour s'inscrire au programme d'apprentissage de quatre ans. Dès que cessent les prestations, le stagiaire doit quitter le programme. C'est un programme de quatre ans, mais il n'y a des fonds que pour une année. L'année suivante, c'est un autre groupe qui commence, car il y en a un nouveau. Nous n'avons jamais pu obtenir assez d'argent. Je me suis adressé à la SCHL et aux Affaires indiennes vers la fin des années 1980 et au début des années 1990 pour essayer d'obtenir un engagement sur quatre ans pour cinq personnes. Peine perdue. On ne peut tout simplement pas y arriver.

Il y a des stratégies, mais il faut les régionaliser ou trouver une autre solution de cet ordre, puisqu'elles ne donnent rien. Le témoin a dit : « Il nous reste un certain montant du programme de trois ans de l'an dernier, et nous allons le reporter au prochain programme de trois ans. » Pourquoi reste-t-il de l'argent? Parce que personne ne s'inscrit. Voilà pourquoi. Il faut voir pourquoi les gens ne s'inscrivent pas. Vous apprendrez qu'ils n'y arrivent pas parce qu'ils ne peuvent pas trouver de partenaires pour les accompagner dans l'industrie : charpentiers, électriciens, plombiers, entrepreneurs chauffagistes et même inspecteurs en bâtiment. Il n'y a rien là-bas.

Le président : Je remercie les deux témoins d'une présentation très instructive et franche. Elle sera très utile au comité.

Monsieur Kiedrowski, vous avez parlé d'une analyse de la situation d'ensemble que vous avez réalisée dans le domaine du logement. Pourriez-vous la communiquer au comité?

M. Kiedrowski : Oui.

Le président : Monsieur Maracle, pourriez-vous nous donner une brève description de votre organisation avant que nous ne passions aux questions. Quelle est sa composition et comment se finance-t-elle?

M. Maracle : L'Association nationale des agents du bâtiment des premières nations, comme je l'ai dit au départ, est une organisation de bénévoles. Cette année, nous avons reçu 15 000 $ de la SCHL. Autrefois, nous avions droit à environ 50 000 $. Le montant a diminué d'année en année. Cette année, c'est la catastrophe. Ce sont peut-être de nouveaux responsables, une nouvelle façon de voir les choses, une nouvelle orientation.

Nous avons des membres dans toutes les provinces. Notre conseil d'administration compte un membre de chaque province et notre comité de direction est composé des membres de chacune des provinces.

Nous n'avons pas de fonds pour nos réunions. Nous recueillons un peu d'argent au moyen de nos projets, mais, comme je l'ai dit, on nous donne 15 000 $, et nous devons réaliser des projets au moyen de cet argent. Nous prélevons de 15 à 20 p. 100 pour l'administration. Nous n'avons donc pas beaucoup d'argent. Nous essayons d'aller dans les conférences pour nous faire connaître et amener les gens à mieux nous comprendre, mais aller aux conférences, ce n'est pas gratuit, et on a arrêté de nous financer pour ces activités. Nous ne pouvons plus participer parce que, disons, les responsables ne pensent pas que cela donnait les résultats voulus, les résultats que nous recherchions.

Dans l'état actuel des choses, nous avons un conseil d'accréditation. Au Canada, nous sommes le seul groupe d'inspection qui soit doté d'un conseil d'accréditation. Les inspecteurs de maison commencent tout juste à y arriver. Les inspecteurs municipaux font des efforts dans le même sens, mais, comme vous le savez probablement, ils sont régis par les lois provinciales. La situation est donc entièrement différente pour eux. Nous essayons donc d'en arriver là. Nous avons des membres accrédités un peu partout au Canada, mais nous n'avons rien à offrir à nos membres.

Nous n'arrivons même pas à réunir tous nos membres à un endroit sans une conférence téléphonique. Nous avons eu quelques assemblées générales annuelles dans l'Ouest, puisque la majorité de nos appuis se trouve en Alberta et en Saskatchewan. Je me suis rendu là-bas à mes propres frais, puisqu'il n'y a pas de fonds pour les déplacements. Lorsque j'ai demandé aux gens de la SCHL ici s'ils pouvaient m'aider en payant mon billet d'avion — je ne me soucie pas de la restauration, puisque je n'ai pas besoin de manger, de toute façon — ou ma chambre de motel, ils m'ont répondu qu'ils ne pouvaient pas utiliser leurs fonds pour ce genre de chose.

D'une façon ou d'une autre, l'ANABPN a besoin d'obtenir une certaine reconnaissance, ne fût-ce que pour les années de travail que nous y avons consacrées et pour les années pendant lesquelles nous allons apporter une contribution précieuse aux collectivités autochtones dans un avenir pas trop éloigné.

M. Kiedrowski : L'ANABPN est une association nationale qui se consacre au logement. Il n'y a pas d'autres associations ou collectifs qui s'intéressent à la fois à l'infrastructure et au logement. En effet, nous examinons des projets résidentiels, mais il ne faut pas oublier non plus les projets d'infrastructure comme les routes, les réseaux d'égout et les grands projets commerciaux. Il n'y a aucune coordination pour ces activités et les autorités fédérales injectent des montants considérables dans l'infrastructure. Nous avons discuté avec Affaires indiennes et du Nord et la SCHL de la possibilité de mettre sur pied des associations comme celles qui existent déjà, par exemple, l'Association des agents financiers autochtones. C'est une excellente organisation qui peut servir de modèle, mais il faudrait que le gouvernement débloque 1,3 ou 1,4 million de dollars pour établir ce type d'association, et ce ne semble pas être une priorité à ce stade-ci.

Le président : C'est à cette organisation que vous songiez lorsque vous avez dit que d'autres organisations obtenaient des fonds importants?

M. Kiedrowski : Oui. L'AAFA est une excellente organisation qui a reçu une contribution de quelque 1,3 million de dollars pendant plusieurs années. Elle a un personnel à temps plein, et elle est vraiment bien organisée. Elle offre des conférences qui sont probablement parmi les meilleures. Elle propose une formation aux administrateurs de bande qui donne droit à l'accréditation. C'est semblable à ce que nous avons essayé de faire au fil des ans, mais, malheureusement, nous n'avons pas de revenus.

M. Maracle : Un mot encore, si on me permet, au sujet de ce que John disait. Il y a un problème à régler à l'égard des projets d'infrastructure : on confie au renard la surveillance du poulailler. C'est le constructeur qui engage l'inspecteur. L'inspecteur va-t-il aller dire à l'entrepreneur que quelque chose ne va pas, qu'il n'a pas utilisé le bon type de gravier, qu'il n'a pas installé des conduites d'égout de la bonne taille? Il ne va rien dire. S'il le fait, il va perdre son poste. Il est dit dans l'accord que l'entrepreneur, l'ingénieur ou l'architecte doit fournir les inspecteurs. C'est le renard qui est chargé du poulailler. Cela n'a jamais marché et ne marchera jamais.

La sénatrice Dyck : Merci de votre exposé de ce matin, messieurs. Vous avez soulevé bien des questions. J'en suis étourdie. On dirait qu'il y a beaucoup de situations sans issue. Je commencerai par des questions sur l'inspection. Vous avez soulevé un certain nombre de problèmes. D'abord, la dernière question qui me soit venue à l'esprit.

Le processus d'inspection semble avoir beaucoup d'imperfections et vous dites qu'il n'y a pas assez d'argent pour l'ANABPN, ni pour la formation. Ne peut-on pas soutenir que les économies réalisées grâce à de bonnes inspections, puisque les maisons seraient construites selon les normes du code et seraient plus durables, seraient plus importantes que les dépenses engagées pour former davantage d'inspecteurs pour accroître les capacités? Est-ce un argument qui se défend?

M. Maracle : Tout à fait, et nous l'avons utilisé par le passé, mais cela ne nous a menés nulle part. Nous avons essayé de montrer que les maisons dureraient plus longtemps et seraient moins difficiles à entretenir. Dans la majorité des Premières nations, on attend que les cinq premières années soient passées, puis on se prévaut du PARELR pour prolonger de 15 ans la durée de la maison. Vous avez raison de dire qu'il faut agir de cette manière, mais j'ignore comment on peut y arriver.

La sénatrice Dyck : Je n'ai pas très bien compris. Vous avez dit que la majorité des Premières nations prolongent la durée des maisons en recourant au PARELR?

M. Maracle : Il s'agit du Programme d'aide à la remise en état des logements ruraux. On ne peut se prévaloir de ce programme que lorsque la maison a cinq ans. On bâtit la maison, qui a des déficiences dès le départ. Au bout de cinq ans, on fait appel au programme. Voilà pourquoi, comme M. Kiedrowski l'a dit, on dépense tellement d'argent pour reconstruire sans cesse les maisons.

La sénatrice Dyck : Il faut que les incitations visent le chef et le conseil, mais aussi AADNC et la SCHL.

M. Maracle : Effectivement.

La sénatrice Dyck : Vous dites que rien n'encourage le chef et le conseil à agir. Qu'en est-il d'AADNC et de la SCHL?

M. Maracle : Je vais laisser M. Kiedrowski le soin de répondre. Je n'ai pas le fini qu'il faut pour parler à ces gens-là.

M. Kiedrowski : Selon nous, vous avez des politiques. Voyez le rapport de Deloitte sur Attawapiskat. Il décrit brièvement fort bien comment les fonds sont transférés entre la SCHL et les Premières nations, et il décrit les accords de financement d'Affaires indiennes et du Nord avec les Premières nations. Il y a un effet dissuasif parce que, si une maison n'est pas bien construite, l'argent est tout de même transféré. Rien n'encourage la construction de maisons conformes au code. L'argent arrive quand même dans les localités, même si les maisons ne sont pas à la hauteur. Il y a des signatures d'autorisation, mais il s'agit essentiellement de vérifier le respect des objectifs en matière de logement et d'autoriser les paiements progressifs, mais cela ne veut pas nécessairement dire que l'inspection garantit le respect du code.

Si une Première nation n'a pas de règlement qui exige le respect du code, il suffit de construire conformément aux exigences de la politique, puisqu'il n'y a pas de capacité d'exécution. M. Maracle n'a pas le pouvoir de dire : « Un instant, ces fondations vont se fissurer; elles sont construites en zone marécageuse. Il ne faut pas bâtir à cet endroit. » Si l'inspection du site est faite, on ne peut pas interrompre les travaux de construction. Si on bâtit hors des réserves, et je suis sûr que nous avons tous signé des contrats, les travaux sont interrompus si le code n'est pas respecté. Il faut apporter des correctifs, à défaut de quoi, il y a des recours contre les entrepreneurs. Nous avons un problème à cause de cet effet dissuasif.

Pour le financement des immobilisations dans le cadre des ententes globales, il faut une politique d'approvisionnement. Il faut lancer des appels d'offres. Dans le domaine du logement, pour les petits projets d'immobilisations, les projets n'ont pas à faire l'objet d'appels d'offres. Il y a donc des lacunes partout, depuis les politiques de la SCHL et d'AINC jusqu'aux politiques sur le processus de construction chez les Premières nations.

La sénatrice Dyck : Quelle solution recommanderiez-vous?

M. Kiedrowski : Je regarde l'heure. Je suis sûr que nous pouvons trouver le temps d'aborder certaines des principales difficultés.

Je dirais qu'il faut adopter une loi nationale, semblable à celle qui porte sur les réseaux d'égout et de distribution d'eau, une loi qui dirait que les Premières nations doivent adopter une mesure analogue à la loi des Premières nations sur la construction de maisons sûres. Il faut respecter le code du bâtiment et le code de prévention des incendies. Tous les fonds doivent être affectés au financement de politiques qui exigent le respect du code. Si des Premières nations ne peuvent se conformer à un code du bâtiment, une tierce partie peut se charger de la construction à leur place. Nous en avons discuté dans un groupe de réflexion dont les délibérations seront communiquées au comité. Certaines collectivités n'ont pas la capacité voulue et ne l'auront jamais, peu importe ce qu'on fera, peu importe l'argent qu'on injectera. On peut dépenser des milliards; cela ne réglera pas le problème.

Dans ces cas-là, pourquoi un tiers, une maison d'ingénieurs ne se chargerait pas de construire les maisons conformément au code pour le compte de la bande? Que peut-il se passer si la bande veut se charger des travaux et recourir à un tiers comme agence de placement? Nous comprenons cela, et il est important de si prendre ainsi. Mais lorsque le chef et le conseil engagent des parents non accrédités pour bâtir les maisons, ou lorsqu'ils prêtent l'argent à la famille parce que « mon père ne pouvait pas bâtir » et versent l'argent sans que la maison soit construite, il faut appliquer des contrôles plus rigoureux. En ce moment, c'est n'importe quoi.

Il y a d'excellents exemples sur le terrain, À Kamloops ou à Kelowna, il y a d'excellentes pratiques en matière de construction chez les Premières nations. Comme je l'ai déjà dit, je déménagerais là-bas dès demain. Les maisons sont vraiment bien construites. Elles sont conformes au code. La structure est solide. Le financement se fait correctement. Il n'y a pas de politiques en matière de logement, ce qui, selon moi, est à la source de beaucoup de ces problèmes.

Le sénateur Tannas : Merci de votre présence et de votre présentation franche. Il est évident que nous avons affaire ici à des gens qui sont en première ligne.

Vous avez parlé de Kamloops et de Kelowna. Pourriez-vous nous donner d'autres exemples de réussite?

M. Kiedrowski : Il faudrait y réfléchir. Comment déterminer ce qu'est une réussite? La Première nation de Westbank se débrouille bien. Comme vous le dites, Kelowna a de bons résultats aussi. Il y a aussi la collectivité de M. Maracle, Tyendigana, jusqu'à un certain point, et les Six-Nations, en grande partie. À Kamloops, un accord a été conclu avec la municipalité pour qu'elle fournisse les services d'inspection. La Première nation compte sur les services d'inspection municipaux grâce à cet accord. Je crois que la Première nation de Westbank, au départ, faisait aussi appel à la municipalité de Kelowna pour obtenir ces services, jusqu'à ce qu'elle se dote de cette capacité.

Il est vraiment difficile de dire combien de collectivités obtiennent la note de passage. Prenons le Grand conseil de Prince Albert. C'est un modèle intéressant. Il est responsable de 20 collectivités. Le chiffre m'échappe toujours. Le conseil veut offrir cette capacité pour l'infrastructure. Dans le cadre des exigences qu'il doit satisfaire et de son mandat, le conseil cherche à offrir des services d'inspection et des services d'infrastructure à toutes les collectivités qu'il sert. Dans la région du conseil, Lac la Ronge a vraiment de bons logements, mais pourquoi? Parce que la gouvernance est bonne. Il y a là un cadre correct, et il existe aussi un lien entre gouvernance et bon logement.

Whitecap est un autre bel exemple. On y trouve d'excellentes structures en matière de logement.

Nous avons fait une étude chez les Tsuu T'ina, en périphérie de Calgary. On y construit des maisons de vraiment bonne qualité. Il y a de solides structures, une saine gouvernance.

Le sénateur Meredith : Merci beaucoup, messieurs, de votre présentation.

Monsieur Maracle, je suis renversé d'apprendre aujourd'hui que des membres des Premières nations habitent dans des maisons qui sont construites avec des imperfections dès le départ. Nous savons que des codes régissent les modalités d'excavation, l'installation des fondations et la construction de maisons convenables qui sont de niveau. Vous avez expliqué, non sans humour, comment la SCHL considère une maison en construction. La SCHL a comparu devant le comité, et on dirait qu'il y a une sorte de va-et-vient en ce qui concerne les codes. Elle dit ne pas être responsable de cette question.

Que faudrait-il faire désormais pour s'assurer que les maisons sont construites correctement? Expliquez-moi un peu plus le PARELR et le fait qu'on en arrive là de façon délibérée. Est-ce un stratagème pour mettre la main sur des fonds supplémentaires parce qu'on sait que, dans cinq ans, la maison va tomber en pièces?

J'ai une question à poser à M. Kiedrowski au sujet de cette maison qui finit par coûter 900 000 $ alors que, si elle était construite correctement, elle coûterait 180 000 $ et durerait en moyenne 25 ans. Pour la maison type, il y a une sorte de garantie de 25 ans. Pourriez-vous expliquer davantage et me dire ce que nous pourrions faire à l'avenir?

Je reviendrai dans un instant à M. Kiedrowski au sujet de son idée de recourir à un tiers.

M. Maracle : Comme je l'ai déjà dit, il faut que, d'une façon ou d'une autre, les inspecteurs des Premières nations aient une sorte de pouvoir. Je le répète, je peux faire une inspection, établir un rapport, et rien ne se fait. J'ai été appelé dans une localité pour inspecter un projet réalisé par un entrepreneur hors réserve quatre étoiles. Les travaux étaient terminés et j'ai été appelé comme inspecteur indépendant par la Première nation. Pour chaque maison, la liste des lacunes faisait trois pages. Et ce sont les lacunes que j'ai pu constater. Je n'ai pas vu celles que l'entrepreneur avait dissimulées.

Dans une maison, on avait descendu la chaudière au sous-sol et on l'avait placée à un certain endroit. Le chauffagiste l'a raccordée là où elle se trouvait. Il fallait se pencher pour passer sous le tuyau d'évacuation, par exemple. C'était un entrepreneur quatre étoiles. La Première nation s'était dit : « Cette fois-ci, nous n'allons pas faire appel à nos gens parce que nous ne leur faisons pas confiance; nous allons engager un entrepreneur qui va faire les choses correctement pour nous. » Et voilà le résultat.

Voilà un cas où c'est le renard qui surveillait le poulailler. L'entrepreneur s'était chargé des inspections. On en revient là à l'intervention d'un tiers.

Il faut développer les capacités de notre peuple. Je suis de ceux qui ont besoin de savoir pourquoi les choses se font de telle ou telle façon. J'ai besoin de savoir pourquoi on fait telle chose et à quelle fin, mais même mes propres collègues ne se tiennent pas à jour parce qu'ils doivent le faire à leurs frais. Ils ne font pas partie du conseil tribal ni de telle ou telle autre chose, et il n'y a pas d'argent pour la formation.

Nous avons fait une demande à RHDCC. Si nous avions une association bien établie, nous pourrions nous charger du recyclage de nos gens tous les cinq ans.

Je suis membre du Programme de formation technique en énergie du bois, ou WETT, pour l'installation de poêles à bois et de cheminées. Tous les cinq ans, je reçois une note : « Vous devez suivre ces deux cours et obtenir telle note, faute de quoi vous ne pourrez pas conserver votre permis. » Il se peut que je me trompe, mais il me semble que nous avons besoin de ce genre de chose pour nos gens. Avec ce genre d'accréditation, nous pourrions nous faire respecter davantage dans l'industrie, et pas seulement par nos propres gens, mais aussi par la SCHL, les Affaires indiennes et des organismes de l'extérieur.

Le président : D'où tient-on le pouvoir de laisser l'entrepreneur se charger de l'inspection?

M. Maracle : Je crois que cela est prévu dans l'accord signé avec les Affaires indiennes et la SCHL au sujet des projets de logement.

Le président : Cela fait-il partie des ententes globales de financement?

M. Maracle : Oui, c'est bien cela.

M. Kiedrowski : L'entente dit que l'inspecteur doit être qualifié, mais elle ne fixe aucun paramètre qui préciserait ce que cela veut dire. Keith a donné un exemple : un jour, on est livreur de pizzas et le lendemain, on fait des inspections. Aucun paramètre, aucune compréhension commune.

Regardez le rapport Deloitte sur Attawapiskat. Il conteste que la notion de « professionnel qualifié », très semblable à ce dont nous avons parlé, soit une accréditation solide.

Si je peux en revenir aux propos du sénateur Meredith, je dirai qu'il y a deux autres grandes questions. En ce moment, deux organisations sont responsables du logement des Premières nations : AINC, c'est-à-dire Affaires indiennes et du Nord, et la SCHL. A-t-on vraiment besoin de deux organisations pour administrer un programme?

Prenons Affaires indiennes et du Nord. Les maisons sont financées dans le cadre des petits projets d'immobilisations. Il s'agit d'un fonds global versé à la collectivité, mais aucune mesure du rendement n'est rattachée à ce versement.

Selon moi, le ministère doit faire en sorte que le logement ne relève pas des petits projets d'immobilisations et il doit en faire un dossier distinct. De la sorte, il pourrait assortir ces fonds de mesures de rendement et de reddition de comptes. En ce moment, dans le cadre des petits projets d'immobilisations, il y a fort peu de comptes à rendre sur ces fonds.

Le sénateur Meredith : Il y a aussi votre autre idée, qui est de légiférer.

M. Kiedrowski : Absolument.

Le sénateur Meredith : Est-ce la seule façon d'arriver à bâtir des maisons de bonne qualité pour les Premières nations, des maisons inspectées en fonction du code?

M. Kiedrowski : Je m'occupe de ce dossier depuis un bon moment, et je travaille comme criminologue. Je ne suis pas en faveur de l'imposition de lois. Je préfère les codes d'application volontaire.

Le sénateur Meredith : C'est la vie des gens qui est en cause.

M. Kiedrowski : Exact. Le taux élevé de morts causées par des incendies chez les Premières nations est le résultat d'une mauvaise application du code. Les Premières nations ont le taux le plus élevé en Amérique du Nord de décès et de brûlures causés par des incendies. C'est attribuable à la mauvaise construction des maisons.

La prévention des incendies est un tout autre problème qui ne se rattache pas à la question à l'étude, mais il faut voir comment les maisons sont bâties, sans que le code soit respecté. Ce sont des pièges mortels. Considérez ces incendies. Ils ne touchent pas les grands bâtiments comme les bureaux de la bande. Ces bâtiments sont construits conformément au code, puisqu'il s'agit de grandes immobilisations. Les inspections sont faites par des ingénieurs, qui apposent leur signature. Les bâtiments sont bien construits. Mais les maisons, qui sont en réalité cédées aux Premières nations parce qu'elles ont la compétence à cet égard, ne respectent pas le code.

Le sénateur Meredith : Le chef et le conseil sont un autre élément. À quel point souhaitent-ils ce genre de changement? C'est le nœud du problème. Ils vont perdre le contrôle.

J'ai quelque chose à dire, monsieur le président. Parce que le leadership n'est pas à la hauteur, je dois me préoccuper de la vie des gens. Je ne veux critiquer personne. Je dirai sans détours que ces incidents sont trop fréquents. Nous avons vu les rapports sur de jeunes enfants qui se font brûler, et cetera. Il faut que cela cesse. Le chef et le conseil ont-ils envie qu'on prenne vraiment des mesures qui auront un effet dans les collectivités?

M. Kiedrowski : Je crois que vous aurez du mal sur le plan politique. Pour ma part, je me ferai dire : « S'il te plaît, donne-moi une excuse pour que je puisse bâtir de meilleures maisons et aller de l'avant; fais disparaître la politique dans le domaine du logement dans les collectivités et je pourrai aller de l'avant. » Je crois qu'il y aurait une bonne adhésion, et il y aurait la capacité, la formation et le cadre voulus. Je crois que les gens diraient : « Merci de m'avoir sorti d'une situation dans laquelle j'essaie de contenter tout le monde dans la collectivité. Et j'essaie de faire de mon mieux, mais, parce qu'il y a maintenant un cadre, je dois me conformer. »

Pour répondre à votre question, je dirais qu'il se dessine un mouvement en ce moment : des Premières nations retiennent les services d'avocats et intentent des poursuites contre des membres de Premières nations parce que des maisons ont été mal construites. Elles sont dangereuses, elles sont pleines de moisissures. Des membres des Premières nations intentent des poursuites contre d'autres membres de leur collectivité : « Vous m'avez donné une maison qui n'est pas sûre, et ma grand-mère vient de tomber dans l'escalier parce qu'il n'y a pas de rampe. » Il y a donc un mouvement de fond. Beaucoup de membres des Premières nations qui ont vécu hors des réserves et y reviennent connaissent leurs droits et ils veulent les faire respecter.

Le sénateur Meredith : Excellent. Merci beaucoup.

La sénatrice Dyck : Vous avez parlé de personnes qui ont habité en dehors des réserves et y reviennent, et ils portent plainte pour atteinte aux droits de la personne, mais ma question est la suivante : percevez-vous une tendance, par exemple chez les membres des Premières nations qui sont à la retraite, qui ont vécu hors des réserves et ont récupéré leur statut, chez les jeunes professionnels qui ont fait leurs études et souhaitent revenir et dont les exigences en matière de logement sont peut-être différentes de celles des gens qui ont toujours vécu dans la réserve? Y a-t-il une tendance?

M. Kiedrowski : Excellente question. Nous croyons qu'il y a effectivement une tendance. Les gens qui ont bâti des maisons et vécu hors des réserves connaissent les structures. Ils savent qu'ils doivent se procurer un permis et avoir des inspections; ils connaissent le processus. Lorsqu'ils rentrent dans leur collectivité, ils reçoivent leur droit foncier et veulent se bâtir une maison. Ils vont voir le chef et le conseil, disent qu'ils veulent bâtir une maison et demandent ce qu'il faut faire. Ils se font répondre qu'ils n'ont qu'à construire. Il n'y a pas de code à respecter, pas de structure en place. Lorsque des membres reviennent dans la réserve, il y a beaucoup plus de comptes à rendre dans bien des Premières nations.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Qui a la responsabilité d'instruire et de former les Premières nations pour la construction de maisons?

M. Maracle : Nous l'ignorons. C'est l'une des questions auxquelles il faut répondre.

La sénatrice Lovelace Nicholas : N'est-ce pas le rôle du gouvernement de s'assurer, au moyen de l'éducation et de la formation, que les maisons sont construites correctement?

M. Maracle : Si le gouvernement veut ces maisons, et il les veut, je ne le conteste pas, alors il doit mettre en place la capacité nécessaire. La capacité, c'est la formation.

L'autre soir, j'ai écouté lorsqu'il était question des fonds pour la formation. Cela ne donne pas de résultats parce que les fonds sont mal ciblés. Il y a de la formation qui est proposée, mais les moyens de l'obtenir, le parcours à suivre pour l'obtenir sont si obscurs que la plupart y renoncent.

Il y a un autre aspect : un certain nombre d'entre nous qui sommes bénévoles dans cette organisation sont des autodidactes pour bien des choses. J'ai reçu un tas de formations de la SCHL au fil des ans. Il y avait des programmes pour nous aider à nous perfectionner sur le plan technique, mais tout cela commence à se tarir. J'ai 68 ans. J'ai presque fini de travailler, mais, lorsque je regarde un peu autour, je constate qu'il n'y a pas de relève. Je vais devoir travailler jusqu'à 100 ans pour continuer à diffuser le message parce qu'il n'y a pas de fonds pour inciter les gens à assumer ce rôle.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Vous avez parlé des difficultés qui surgissent entre le gouvernement, le chef et le conseil sur la façon de bâtir les maisons. Croyez-vous qu'un des problèmes tient au fait que, si un tiers intervient, les fonds sont coupés?

M. Maracle : Je ne me situe pas sur ce plan, mais je conviens que la difficulté, c'est ce que pensent les gens. On peut amener certains à comprendre et à collaborer avec soi, mais ceux qui n'ont pas grand-chose sont ceux qui se demandent : « Si nous remettons ces fonds à un tiers, n'allons-nous pas les perdre? »

La sénatrice Lovelace Nicholas : Exactement, oui.

M. Maracle : Il y a une trentaine d'années, j'ai rencontré un aîné lorsque je suivais un cours. Il m'a dit une chose que je n'ai jamais oubliée : « Tu sais quoi, Keith? Tu seras un bon formateur parce tu sais raconter des histoires et que notre peuple apprend de ses conteurs. C'est ainsi que nous apprenons et progressons. Tu dois te rappeler une chose : pendant des milliers d'années, le logement, pour les Premières nations, c'était un abri. Nous n'habitions pas dans des maisons. Cela, c'est européen. Nous habitions dans des abris, à l'extérieur. Depuis 200 ans, on essaie de nous faire vivre dans des maisons à l'européenne. »

C'est un grand combat. Dans le sud du Canada, nous avons sans doute accompli beaucoup de choses, dans le Canada central, pas grand-chose et dans le Nord, à peu près rien. Ces milliers d'années nous habitent encore et influencent notre façon de penser.

Le sénateur Watt : Merci de votre exposé.

Vous avez parlé des autorités qui ont compétence en matière de logement en régime de gouvernement autonome. Estimez-vous que votre organisation a ces autorités au niveau régional et aussi au niveau national? Est-ce de cela que vous voulez parler?

M. Kiedrowski : Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

Le sénateur Watt : Dans votre exposé, vous avez parlé des autorités compétentes en matière de logement dans les gouvernements autonomes. Vous avez ajouté qu'il faudrait songer à un cadre pour assurer la conformité à la loi, les autorités compétentes étant clairement précisées, et ce cadre s'accompagnerait d'une capacité de financement.

Votre organisation pourrait-elle devenir le moyen d'offrir ce dont vous parlez, à propos des codes à respecter, étant donné que toutes les collectivités au Canada sont aux prises avec beaucoup de problèmes, non seulement dans le Sud, mais aussi dans le Nord?

M. Kiedrowski : Bonne question. C'est ce que nous avons préconisé auprès de la SCHL et, en somme, du gouvernement fédéral. Les Premières nations ont réclamé l'autonomie gouvernementale et l'autodétermination. Les autorités compétentes sont probablement l'un des meilleurs exemples d'autonomie gouvernementale, car elles assumeraient le contrôle du logement. Elles prendraient des règlements, instaureraient des systèmes de permis et élaboreraient des structures pour faire en sorte que les maisons soient construites conformément aux normes du Code national du bâtiment et à toutes les autres normes. C'est probablement le meilleur exemple d'autonomie gouvernementale.

Nous comprenons que bien des collectivités n'auront jamais cette capacité. Oui, la loi nous donne les pouvoirs, et nous proposons d'avoir des autorités compétentes, mais certaines collectivités n'auront pas cette capacité parce qu'elles sont trop petites ou trop éloignées.

Nous avons également soutenu qu'un groupe comme l'ANABPN, ou même une organisation tierce, pourraient exercer la responsabilité. Par exemple, Keith pourrait être engagé pour assurer des services d'inspection et apporter les capacités voulues à ces collectivités. Notre association peut donner ce type de service. Selon nous, ce serait la solution pour beaucoup de collectivités qui n'auront jamais les capacités nécessaires. Et c'est une bonne proportion des collectivités.

Les collectivités qui se trouvent près des centres urbains peuvent s'adapter facilement et se donner ces capacités — des gens qui habitent dans la réserve, d'autres qui habitent en dehors ou autre chose. Dans les régions éloignées, il sera difficile d'appliquer la notion d'autorité compétente.

Le sénateur Watt : Je présume que vous évoluez vers l'établissement d'un réseau national.

M. Kiedrowski : Absolument.

Le sénateur Watt : Pour cette raison, nous exhortons le gouvernement à légiférer pour qu'il soit parfaitement clair que les entrepreneurs qui viennent dans les collectivités ne doivent pas se comporter comme ils le font d'habitude pour diminuer les coûts.

M. Kiedrowski : Exact.

Le sénateur Watt : Cela arrive non seulement dans le Sud, mais aussi assez régulièrement dans le Nord. En somme, vous dites au comité que, lorsqu'il formulera ses recommandations, il ne doit pas oublier les choses qui ne se passent pas comme elles le devraient, en dehors du fait que le code n'est pas respecté.

M. Kiedrowski : Du point de vue de la gestion du risque, on peut dire qu'un grand nombre de ces collectivités n'ont ni politique d'approvisionnement, ni entrepreneurs. Si on veut s'affirmer comme autorité compétente, on devrait avoir une politique et des entrepreneurs. Si l'argent des contribuables sert à bâtir des maisons, il faut qu'il y ait une politique d'approvisionnement pour optimiser les dépenses. Et elle n'existe pas.

Le sénateur Watt : Pour ce qui est d'établir des alliances avec les dirigeants dans la collectivité, j'imagine que vous devrez vous réaligner pour qu'ils soient prêts à vous céder l'autorité.

Autre question à ne pas perdre de vue : qu'est-ce que l'autorité a d'inacceptable si elle est mise en place correctement avec une loi qui encadre tout? Le gouvernement provincial a déjà des codes qui sont acceptables pour le Canada. Vous engageriez-vous dans l'avenir à négocier avec le gouvernement provincial, avec les chefs dans la collectivité?

M. Kiedrowski : Prenons l'exemple de Kamloops. Les autorités y sont en place et il y a des règlements — c'est la même chose à Westbank —, et je crois me rappeler qu'elles ont adopté les textes de leur choix. Dans leur cas, il s'agit du code du bâtiment de la Colombie-Britannique. Beaucoup d'autorités ont le choix, et elles adoptent soit le Code national du bâtiment, soit le code provincial comme point de référence.

Nous ne devons pas oublier que les codes du bâtiment ne proposent que des normes minimums, et nous avons préconisé l'établissement de devis techniques nationaux pour les Premières nations afin de relever la barre bien plus haut que les exigences du code. Certaines collectivités qui sont installées dans des zones très venteuses doivent appliquer de meilleures méthodes pour installer les bardeaux, par exemple.

L'autorité serait un minimum, mais il faut tout de même la capacité voulue pour fournir les devis techniques que les collectivités peuvent adopter facilement.

Le sénateur Watt : Ce que vous préconisez, autrement dit, c'est la présence d'un inspecteur sur les lieux de la construction. Nous avons déjà beaucoup de problèmes dans le réseau des réserves et aussi dans l'Arctique, parce qu'il n'y a pas d'inspecteur sur place lorsque les travaux se font. Je crois que c'est une nécessité.

M. Kiedrowski : Oui.

Le sénateur Watt : Le gouvernement a fini par dépenser beaucoup d'argent pour rénover des maisons dont certaines n'avaient que trois, quatre ou cinq ans. Dans le Nord, par exemple, la rénovation d'un bâtiment peut parfois coûter près d'un demi-million de dollars. J'ai eu cette information il y a environ trois semaines. J'ai été renversé lorsqu'on m'a dit combien d'argent on dépensait pour la rénovation. On éviterait ces dépenses si on avait des inspecteurs sur place.

Vous avez dit aussi que vous deviez retourner sur place pour vous occuper de choses laissées en plan après la construction. Il n'y a pas d'argent pour ces contrôles.

Une dernière question par simple curiosité. J'entends ici deux messages. L'un est lié à une activité sans but lucratif et l'autre à une activité qui rapporte. Pourquoi avez-vous opté pour une société sans but lucratif plutôt qu'avec but lucratif? Je vous laisse sur cette réflexion, mais vous n'avez pas à répondre.

Le président : Voulez-vous essayer de répondre, monsieur Kiedrowski?

M. Kiedrowski : La question est valable. L'association, l'ANABPN, est sans but lucratif aux fins de l'impôt, mais sa structure — M. Maracle y a fait allusion — est telle qu'elle pourrait facilement être une association qui fait avancer le dossier du logement et travaille pour réaliser des bénéfices. Même si elles sont qualifiées de « sans but lucratif », les associations sont rentables par définition. Nous sommes bien positionnés pour aller de l'avant dans les prochaines décennies, nous occupant non seulement de logement, mais aussi d'infrastructure.

Le sénateur Watt : Merci.

Le sénateur Moore : Je remercie sincèrement les témoins d'être parmi nous. Vous nous avez beaucoup renseignés.

Monsieur Kiedrowski, vous avez dit que vous êtes criminologue. Êtes-vous actif à l'ANABPN depuis ses débuts, en 2003? Quels sont vos antécédents? Vos liens avec l'association?

M. Maracle a décrit ses antécédents. Quels sont les vôtres?

M. Kiedrowski : Quels sont mes antécédents, et comment ai-je commencé à collaborer avec les inspecteurs des Premières nations? J'ai participé à l'élaboration d'un cadre réglementaire pour régir l'action des inspecteurs de maisons et des responsables municipaux du logement au moyen de codes d'application volontaire et de systèmes d'autoréglementation. Voilà ce qu'ont été les premiers liens. Depuis, je collabore avec les inspecteurs des Premières nations. Depuis 1999, je crois. Je suis donc là depuis le début.

Le sénateur Moore : J'essaie de voir par où commencer. Il y a tant d'éléments fondamentaux. Le président a posé une question tout à fait essentielle. Nous avons appris que c'est le constructeur qui engage l'inspecteur de la construction. C'est ce que vous avez dit, je crois, et le président a demandé qui permet cela ou qui a établi cette règle. Je ne sais pas trop si vous avez dit que c'était la SCHL ou les Affaires indiennes. Les deux? Qui est responsable?

M. Maracle : C'est prévu dans l'accord de financement.

Le sénateur Moore : Cela dépend du ministère qui fournit les fonds.

M. Maracle : Oui.

Le sénateur Moore : Lorsque l'inspection est faite et le rapport terminé, peu importe son contenu, qui en reçoit des exemplaires?

M. Maracle : Je ne m'occupe pas de beaucoup de bureaux ni de ce genre de chose. Je ne peux donc pas répondre directement, mais nous remettons nos rapports au service du logement, au chef et au conseil.

Le sénateur Moore : De la réserve?

M. Maracle : De la Première nation, oui.

Le sénateur Moore : Mais vous n'avez pas à le communiquer à la SCHL ou aux Affaires indiennes. Vous n'êtes pas tenus de leur faire parvenir un exemplaire.

M. Maracle : Pour le logement, non. Je le répète, je ne m'occupe pas des bureaux des bandes, des garderies ni d'autres installations semblables. Dans ces cas-là, il faut qu'il y ait un inspecteur. Je ne suis pas au courant de ce processus, monsieur.

Le sénateur Moore : Je songe uniquement aux logements, puisque c'est ce qui prend le plus de place dans nos échanges ce matin, semble-t-il.

Monsieur Maracle, qui vous donne l'autorisation de venir dans une réserve et de jouer le rôle d'inspecteur en bâtiment pour une maison?

M. Maracle : L'accord de financement exige un minimum de quatre inspections du logement, sur les lieux : les fondations, la charpente, le pare-vapeur et la finition. Dans ce cadre-là, on m'appelle pour que je fasse un examen à ces stades.

Le sénateur Moore : Qui vous fait venir?

M. Maracle : La Première nation.

Le sénateur Moore : Bien, mais celui qui assure le financement, soit la SCHL, soit les Affaires indiennes, vous a donné l'autorisation d'y aller. Ce n'est pas la Première nation, n'est-ce pas?

M. Kiedrowski : Non. Aux termes de l'accord global, pour respecter cet accord, le chef et le conseil appellent M. Maracle à titre d'« inspecteur qualifié » pour qu'il fasse ces quatre inspections. Ils assument leur responsabilité aux termes de l'accord.

Le sénateur Moore : Quand vous faites cette inspection, envoyez-vous une copie de votre rapport à l'organisation qui assure le financement?

M. Maracle : Non. Une copie de mon rapport va à l'administrateur du logement de la Première nation.

M. Kiedrowski : Nous avons soutenu que l'inspecteur devrait avoir la capacité, lorsqu'il fait un rapport, d'en faire parvenir un exemplaire à la source de financement, un à l'entrepreneur, un à celui qui pourrait occuper la maison et un au conseil de bande. Comme M. Maracle l'a signalé, dans l'état actuel des choses, le rapport n'est remis qu'au gestionnaire du logement, qui le communique à l'organisme de financement, mais l'inspecteur n'a pas d'accès direct.

Le sénateur Moore : Aux termes de cet accord de financement, l'agent ou le service du logement est-il tenu de communiquer un exemplaire du rapport de l'inspecteur à la SCHL ou aux Affaires indiennes? Le savez-vous?

M. Kiedrowski : Le rapport est envoyé, puisque c'est cela qui permet à la Première nation de recevoir ses versements progressifs.

Le sénateur Moore : D'accord.

J'ai trouvé intéressant le passage suivant de votre mémoire : « En 1983, dans la foulée du transfert de responsabilité aux Premières nations, le conseil de bande est devenu l'autorité compétente pour les maisons construites sur son territoire. » Vous avez pourtant dit que les Premières nations ne considèrent pas qu'elles ont l'autorité en matière de logement.

M. Kiedrowski : C'est juste.

Le sénateur Moore : Comment cela se fait-il? Cette dévolution remonte à 1983, il y a 30 ans. Pourquoi n'ont-elles pas l'impression d'être responsables du logement dans les réserves.

M. Maracle : La plupart des Premières nations estiment que le logement est un droit issu des traités.

Le sénateur Moore : Lorsque cette prétendue dévolution de la responsabilité a eu lieu, en 1983, est-ce que ce fut une transaction à sens unique ou les Premières nations ont-elles conclu un accord avec le gouvernement fédéral à ce sujet?

M. Kiedrowski : Je crois comprendre que ce fut une orientation politique imposée d'en haut.

Le sénateur Moore : Le gouvernement a donc imposé la décision aux réserves?

M. Kiedrowski : C'est exact.

Le sénateur Moore : Il n'y a pas eu de discussions pour arriver à une solution d'un commun accord?

M. Kiedrowski : Je crois qu'il n'y a pas eu de discussions.

Le sénateur Moore : A-t-on essayé de concilier cette position sur le droit issu des traités et cette dévolution à sens unique?

M. Kiedrowski : Je crois que certaines collectivités qui sont profondément convaincues des droits issus de traités soutiennent : « Nous comprenons les droits issus de traités, mais il nous faut aller de l'avant. » Certaines collectivités restent attachées aux droits issus de traités, et d'autres essaient d'aller de l'avant et de s'attaquer au problème du logement.

Nous avons une politique qui a été confiée aux Premières nations, et ce que cela veut dire n'a jamais été très clair. Même à l'occasion de présentations que nous avons faites récemment, il y avait des chefs et des conseils qui croyaient que c'était au gouvernement fédéral de veiller à ce que les maisons soient bâties conformément au code. Si estomaqués que nous puissions être, il existe de solides convictions en ce sens sur le terrain.

Je me suis entretenu avec quelques chefs et conseils et je leur ai demandé le pourquoi de cette conviction. Ils ont répondu : « Personne ne nous a vraiment expliqué ce que veut dire cette ``autorité compétente'' ni ce que cela nous permet de faire. » Bien qu'ils cherchent à prendre des décisions dans l'intérêt supérieur de la collectivité, souhaitent-ils évoluer vers les codes du bâtiment et de la prévention des incendies? Là réside la difficulté.

Le sénateur Moore : On nous a appris qu'il y avait 633 Premières nations au Canada. Quelqu'un a-t-il jamais fait une étude de leur répartition entre celles qui résistent, celles qui sont réceptives et celles qui ont pris leur décision et qui sont allées de l'avant? Savons-nous quelle est la répartition?

M. Kiedrowski : La seule mesure que nous ayons, c'est le nombre des collectivités qui ont adopté chez elles les structures du code du bâtiment et les codes de prévention des incendies et ont, logiquement, accepté d'être l'autorité compétente. Cela doit faire au mieux une vingtaine de collectivités.

Le sénateur Moore : La question que le président a posée est tout à fait fondamentale. Ça sent le conflit d'intérêts. Nous ne nous débrouillons pas aussi bien que nous le devrions. Vous le savez tous les deux et votre organisation le sait aussi.

Écrivez-vous à quelqu'un pour le signaler, ou l'avez-vous déjà fait? Si oui, quelle réponse avez-vous eue?

M. Kiedrowski : Au fil des années, nous avons produit un certain nombre de rapports qui abordaient cette question d'autorité compétente. Nous en avons discuté avec le ministère des Affaires indiennes et j'ai eu l'impression qu'il comprenait les problèmes.

La vraie question est la suivante : y a-t-il une volonté politique d'apporter des changements au moyen des structures gouvernementales également? Le rapport Deloitte a fait les mêmes recommandations : il doit y avoir des changements fondamentaux dans la prestation des programmes à la SCHL et aux Affaires indiennes et du Nord pour relever les défis de l'amélioration du logement chez les Premières nations, et il y a là une responsabilité. Même le rapport Deloitte arrive à la conclusion que nous faisons valoir depuis des années.

Le président : Monsieur Maracle, vous avez dit que vous alliez faire une première inspection, mais que vous ne pouviez pas faire de suivi parce qu'il n'y avait pas d'argent pour payer votre travail à la deuxième, à la troisième, à la quatrième inspection que vous voudriez faire, normalement. Qui fournit les fonds pour la première inspection?

M. Maracle : Aux services de logement des Affaires indiennes... Je travaille pour un conseil tribal qui a reçu un certain montant par inspection. Je ne connais pas la formule; je ne suis pas tellement un administrateur. S'il s'agissait de travail pour la SCHL, j'étais payé par inspection. C'était 587 $ pour toute l'inspection, avec le nombre de passages voulu, mais la SCHL en voulait quatre.

Le sénateur Moore : Bien entendu, vous suiviez le code du bâtiment et observiez les structures dont vous vouliez qu'elles soient correctes.

M. Maracle : Oui.

Le sénateur Moore : Vous faites donc une inspection. Et quoi ensuite? Vous retournez et dites : « Messieurs, je suis prêt pour la prochaine inspection. » Et ils répondent : « Désolés, il n'y a plus d'argent. » Vous devez donc laisser tomber?

M. Maracle : La façon dont ça marche, monsieur, c'est qu'on m'appelle pour la prochaine inspection. Si je vais inspecter les fondations et si quelque chose ne va pas, je remets un rapport et je m'en vais. Je ne retourne que lorsqu'on m'appelle.

Dans tout cela, il faut comprendre que, comme inspecteur en bâtiment, il faut que je sois invité par la Première nation. Je ne peux pas y aller de mon proche chef : « Je suis venu vérifier votre maison la semaine dernière, et il y avait un problème. Je suis de retour pour vérifier de nouveau. » Je serais expulsé par résolution du conseil de bande de la Première nation. Il faut que je sois invité. Je suis donc invité pour l'inspection suivante. Lorsque j'y vais, je constate que la première défectuosité signalée n'a pas été corrigée. Je demande : « Pourquoi n'avez-vous pas fait ça? » On me répond : « Le constructeur a dit que ce n'était pas un gros problème. » Très bien.

Le sénateur Sibbeston : J'allais poser une question sur les fondations, car je sais que de solides fondations, c'est la base d'une bonne maison qui va durer beaucoup plus longtemps.

Dans le Nord, nous avons constaté que, lorsque le gouvernement est venu bâtir des maisons pour les Autochtones, il a essayé de les bâtir le plus économiquement possible. Invariablement, il cherchait à éviter de construire des fondations. Dans l'est de l'Arctique et plus haut dans l'Arctique, il y a du pergélisol, mais dans la région du Nord d'où je viens, il y a du sol ordinaire avec des arbres, et il n'y a pas de pergélisol. Invariablement, le gouvernement cherchait à bâtir des maisons sans sous-sol.

Le même problème se pose-t-il dans le Sud, chez les Premières nations? Dans quelle mesure? Le gouvernement essaie-t-il de réduire les coûts, d'éviter de construire de bonnes fondations et des sous-sols?

M. Maracle : Comme M. Kiedrowski l'a dit, c'est la Première nation qui construit les maisons. Elle fait les choix qu'elle veut.

Le premier problème que nous avons, c'est qu'on construit sur des terrains trop humides. Les constructeurs essaient de mettre un vrai sous-sol, et on se retrouve avec un problème de moisissures. Ils aménagent un vide sanitaire, mais ils ne le font pas correctement.

J'ai donné dans les Maritimes un atelier sur la construction pour une bande de Premières nations. J'avais 25 constructeurs devant moi. Je leur ai demandé d'abord pourquoi on construisait des fondations. Environ 23 d'entre eux m'ont dit que c'était pour soutenir la maison. Si 23 d'entre eux m'ont fait cette réponse, cela veut dire qu'ils venaient de bâtir 23 maisons de mauvaise qualité. Comme vous l'avez dit, sénateur, les fondations, c'est tout.

C'est là une chose que l'autorité compétente — selon moi, le chef et le conseil — a le pouvoir de réglementer. Mais il n'y a pas de règlement de zonage, aucun des règlements dont M. Kiedrowski a parlé, aucune gestion de risque. Les constructeurs bâtissent là où ils trouvent un bout de terrain dégagé. Or, 90 p. 100 du temps, ce n'est pas du bon terrain dégagé. Le sol n'est pas propice, et c'est ce qui explique une bonne partie des problèmes.

La sénatrice Raine : Pourriez-vous m'expliquer brièvement l'Initiative des services d'inspection pour les Autochtones, ou l'ISIA? J'ai lu votre document d'information, et je m'y perds. On dirait qu'il s'agit d'inspections de la SCHL pour des programmes dans les réserves, pour établir des programmes, avec des inspecteurs des Premières nations qui satisfaisaient à une des exigences de qualifications techniques minimums. De toute évidence, cela n'a pas vraiment bien servi le parc immobilier. Le programme existe-t-il toujours? Peut-on espérer que l'ISIA, l'Initiative des services d'inspection pour les Autochtones, deviendra une organisation solide pour le renforcement des capacités? Ou bien l'abandonneriez-vous pour recommencer à zéro?

M. Maracle : L'initiative avait un potentiel convenable. Je crois savoir qu'elle a été abandonnée. Elle a été mise en place pour que la SCHL puisse contrôler deux ou trois programmes. Ceux qui adhéraient au programme pouvaient aller sur son site web et faire certaines choses concernant les inspections, y verser certains renseignements au sujet des différents programmes pour lesquels ils faisaient des inspections. Ceux qui n'étaient pas inspecteurs de l'ISIA ne pouvaient aller sur le site web pour y verser des renseignements.

M. Kiedrowski : Le programme ISIA était un excellent effort de la SCHL visant à combler les lacunes. Il s'agissait de renforcer les capacités des inspecteurs pour qu'ils puissent au moins respecter ses exigences afin que les maisons soient bâties aux normes de la politique, et non aux normes du code du bâtiment. Il a été fait allusion tout à l'heure au fait que la SCHL n'exige pas une conformité stricte, mais lorsqu'elle donne des fonds, elle veut savoir comment on forme ces gens-là. Je crois qu'elle a fait un excellent travail en essayant de former les inspecteurs, de s'assurer que, dans certaines régions, pour être un inspecteur ISIA, il fallait, par exemple, réussir la partie 9 du code du bâtiment de la Saskatchewan.

Chaque région a ses propres exigences. L'une des difficultés de l'ISIA, c'est qu'un inspecteur dans une région donnée a des qualifications moindres que dans une autre région. Je pense qu'avec les années, la SCHL va chercher les moyens de moderniser l'ISIA. Cela dépend de l'orientation de la SCHL.

À notre avis, l'initiative a apporté de bonnes capacités à beaucoup d'inspecteurs, mais c'était le seul programme qui dispensait la formation. Et c'était seulement pour les maisons dont la SCHL s'occupait. Il ne faut pas oublier qu'il y a deux programmes, celui de la SCHL et celui des Affaires indiennes et du Nord. D'après moi, ce ministère n'a fourni aucune capacité en formation pour ses propres inspections de maisons. Ce qui s'est passé, c'est que les inspecteurs de l'ISIA ont été engagés pour assurer la conformité des maisons pour le ministère. Au départ, l'ISIA a fourni la capacité initiale, et je suppose que c'est maintenant une question d'orientation. Je sais qu'il a été envisagé de laisser tomber le programme, d'amener les inspecteurs des Premières nations au même niveau que les inspecteurs hors des réserves ou, à l'inverse, de faire en sorte que des inspecteurs hors des réserves viennent faire des inspections dans les réserves. Je n'ai pas la certitude que cette solution puisse s'appliquer à cause de problèmes d'assurance et de responsabilité.

L'ISIA était un excellent programme, et je crois qu'on est en train de le moderniser. C'est aussi un programme qui coûte cher.

La sénatrice Raine : Dans un monde idéal, votre organisation de spécialistes devrait déterminer comment les inspections des maisons doivent se faire. Voyez ce que l'Association des agents financiers autochtones a réussi à faire. Si vous aviez les mêmes possibilités, avec les mêmes fonds, votre organisation pourrait-elle passer à un stade supérieur pour que les inspections des bâtiments chez les Premières nations soient de la même qualité que celles qui se font hors des réserves?

M. Kiedrowski : Ce sera mieux. Si je dis cela, c'est que nous avons demandé à la SCHL que notre association se charge du programme ISIA. Le problème, c'est qu'il faut créer la capacité, engager un directeur général et du personnel et assumer aussi toutes sortes d'autres coûts.

Je crois que l'AAFA est très bien dirigée et constitue un bon modèle pour les Premières nations, mais je crois que nous pouvons aller plus loin parce qu'une bonne partie de ce que l'AAFA a fait, nous avons déjà commencé à le faire et à le réaliser comme groupe de bénévoles. Nous pourrions nous projeter beaucoup plus loin, surtout si nous nous chargeons aussi de l'infrastructure.

La sénatrice Raine : C'est une avenue prometteuse. Je n'arrive pas à comprendre que vous ne receviez que 15 000 $. C'est ridicule.

La sénatrice Beyak : Merci de nous faire profiter de vos compétences et de vos connaissances dans ce domaine. J'ai appris beaucoup de choses.

Ma question ne se limite pas au logement. Je songe à ces dizaines d'années pendant lesquelles le gouvernement fédéral, quelle que soit son allégeance, a consacré des milliards de dollars aux questions autochtones. Avec votre vaste expérience et la compréhension que vous avez de ces choses-là, si vous pouviez faire une seule chose et si notre comité sénatorial pouvait faire une seule recommandation, estimez-vous qu'il serait avantageux de revoir tout le financement des Autochtones? Il me semble qu'il y a une question de qualité et de volume. Il y a là beaucoup d'argent, mais il ne semble pas se retrouver aux bons endroits, d'après ce que j'ai entendu. Vous avez tous les deux une longue et vaste expérience. À qui devrions-nous nous adresser, si nous entreprenions un travail comme celui-là? À qui faudrait-il demander? Par où faudrait-il commencer?

M. Kiedrowski : En ce moment, le logement est financé dans le cadre des petits projets d'immobilisations et de toute cette structure. Nous en avons discuté avec divers groupes. On peut injecter des milliards et des milliards de dollars sans pour autant régler le problème. On comprend les problèmes de pauvreté, de surpeuplement et de drogues, qui sont déplorables, mais il y a un impact sur le logement. Quant à la façon de répartir les fonds, je rappelle qu'il y a deux organisations qui donnent des fonds pour atteindre le même objectif. On peut même se demander si elles s'entendent sur l'objectif. Faudrait-il examiner la question? Selon moi, il appartient aux ministères fédéraux de chercher le moyen de rationaliser les coûts lorsqu'il s'agit d'offrir un seul programme, celui du logement. Il serait intéressant d'étudier la question.

Le vérificateur général a signalé certains problèmes et parlé des programmes, mais la recommandation que vous proposez serait intéressante. Je me demande si cela n'a pas déjà été proposé dans d'autres rapports.

M. Maracle : Je vais parler d'une Première nation qui a fait la manchette, celle d'Attawapiskat. Je suis allé là-bas bien des fois. Cette réserve a une excellente capacité. Le problème, c'est qu'elle ne peut pas s'en servir. Lorsque les maisons arrivent, aux termes du programme de la SCHL ou d'un autre, peu importe, on envoie un entrepreneur de l'extérieur. Le marché, c'est qu'il engage six Autochtones pour qu'ils se forment. La dernière fois que je suis allé là- haut, j'ai cherché deux hommes avec qui j'avais travaillé, puisque je m'étais lié d'amitié avec eux. Quelqu'un m'a dit qu'ils se trouvaient par là-bas, dans la dernière maison. J'y suis allé et je les ai trouvés là. Ils jouaient aux cartes. « Que se passe-t-il, les gars? » « Ils nous ont dit de venir ici et d'attendre qu'ils aient besoin de nous, qu'ils nous appelleraient. » L'entrepreneur de l'extérieur travaille donc là-bas. Il ne se fait aucun transfert de connaissances. Ces gars qui étaient assis là, je pourrais bâtir avec eux une bonne maison, meilleure que ce qu'on était en train de construire, mais on ne leur donnait pas la chance.

Le problème, dans le Nord, c'est qu'on y envoie un million de dollars, mais que 900 000 $ de cette somme vient de la Première nation. L'argent ne reste pas dans la Première nation. L'entreprise donne à ces gars-là le salaire le plus bas possible, et tout s'arrête là.

Toutes ces collectivités, comme celle d'Attawapiskat, ont la capacité de faire le travail, mais on a tellement rabaissé ces travailleurs, on leur a tellement dit qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient qu'ils ont fini par le croire. C'est triste.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

La sénatrice Dyck : Merci de cette observation.

Serait-il possible d'élaborer une politique qui dirait que, quand on construit une maison, il doit y avoir de la formation, qu'il doit y avoir une signature attestant et prouvant qu'il y a vraiment eu de la formation, de façon à prévenir ce genre de chose? Y a-t-il un moyen de garantir que, si on s'engage à former ou à embaucher des travailleurs sur place, ces gens font effectivement le travail et reçoivent la formation qu'on est censé leur donner?

M. Maracle : Au milieu des années 1980, un programme a été lancé dans l'île Manitoulin, et on a produit un carnet sur ce programme de formation. Nous ne cherchions pas à former des charpentiers, des plombiers ni des électriciens. Nous voulions former des hommes à tout faire. C'est de cela qu'une Première nation a besoin, parce qu'il n'y a pas assez de travail pour tenir un électricien occupé à longueur d'année. Il y avait dans le carnet un endroit où on indiquait le travail accompli. L'ouvrier avait installé du revêtement extérieur. Il avait installé de l'isolant. Le charpentier principal, qui avait son permis, pouvait signer. Au bout du compte, l'ouvrier obtenait une accréditation de travailleur de la construction des Premières nations. Il y a eu un projet pilote, mais ce n'est jamais allé plus loin. J'ai encore les documents à la maison. C'est le genre de vérification dont vous avez parlé.

Le sénateur Tannas : Je voudrais revenir à la case du haut, dans votre schéma. Vous avez dit que deux des caractéristiques de la réussite, en ce qui concerne l'exercice de l'autorité et le fait d'être l'autorité compétente, ce sont une source propre de financement et de solides structures de gouvernance déjà en place. Percevez-vous d'autres éléments qui seraient des caractéristiques propres? D'une part, il y a le fait qu'on s'engage personnellement, qu'on injecte son propre capital qu'on a acquis d'une manière ou de l'autre, et, d'autre part, il y a un solide leadership et une bonne gouvernance. L'un de vous a dit que, dans beaucoup de Premières nations, on ne paie pas de loyer. Est-ce là un autre élément? Je ne veux pas vous faire dire des choses qui ne découlent pas de vos observations personnelles, mais y a- t-il autre chose, à propos de cette case du haut, en dehors de la solide gouvernance et du fait d'engager ses propres capitaux, que vous considéreriez comme le propre de ce groupe?

M. Kiedrowski : Dans des collectivités comme celle de Kamloops, on fait appel à des inspecteurs professionnels et accrédités. Elles ont des programmes qui permettent d'interrompre les travaux pour manquement au code du bâtiment. Elles peuvent donc arrêter les travaux s'il y a des lacunes.

Je crois qu'il y a un solide leadership en ce qui concerne la location et la politique des loyers. Certaines collectivités ont essayé de percevoir des loyers, mais, dans l'ensemble, un grand nombre d'entre elles accusent un arriéré. J'ai discuté avec les responsables d'une collectivité qui ont décidé d'engager une agence de recouvrement pour percevoir les loyers. On leur devait 3 millions de dollars en loyers résidentiels et commerciaux.

Je sais que les loyers sont un grand sujet de discussion ailleurs, mais les collectivités qui se retrouvent dans le quadrant supérieur ont de bonnes politiques sur la location et les loyers, et elles font en sorte que les membres de la collectivité apportent leur contribution.

Il y a un autre élément : un système d'inspection axé sur le risque. Ce système veille à ce que les inspections se fassent, à ce qu'il y ait un bon règlement de zonage, à ce que les maisons soient construites là où elles doivent l'être et à ce que les réseaux d'égouts fonctionnent correctement. Ce sont autant d'éléments que nous tenons pour acquis dans nos collectivités. Ils ont été bien mis en place dans ces collectivités, qui se tirent très bien d'affaire.

La sénatrice Champagne : Je me sens moins stupide maintenant que ce matin. Chaque fois qu'on passe près d'une réserve ou qu'on voit des photos de leurs maisons à la télévision, on l'impression d'être devant une zone sinistrée. On se dit, bien entendu, que vu tout l'argent que le gouvernement confie aux Affaires indiennes et à la SCHL, les Autochtones devraient avoir des maisons convenables. Comment se fait-il que, au bout de quelques années, on se rend compte qu'il n'y a eu aucun entretien, que tout est en désordre, au point qu'on dirait qu'il y a eu une tornade, même s'il n'y en a eu aucune?

J'apprends aujourd'hui que, dès le départ, les maisons ne sont pas construites correctement. Les bons codes ne sont pas respectés et les inspections qui devraient se faire ne se font pas. Je suis plus informée maintenant que je ne l'étais à 9 heures ce matin. Merci de m'avoir expliqué, monsieur.

M. Maracle : Lorsque je discute avec les chefs et les conseils, je leur donne l'exemple d'une maison neuve ou d'une voiture neuve qu'on donnerait à quelqu'un. La voiture s'accompagne d'un manuel. Nous montrons au consommateur comment s'en servir.

Quand il s'agit d'une nouvelle maison, on ne montre rien du tout au consommateur. Il a vécu jusqu'à maintenant dans une cabane et nous l'installons dans une maison moderne. Nous ne lui expliquons rien. Nous ne lui disons rien. Nous ne lui expliquons pas ce qu'il faut faire. C'est comme une voiture neuve. Si elle a une transmission automatique, tout le monde peut la conduire. Si elle a une transmission manuelle, il faudra à un moment donné remplacer l'embrayage, remplacer la transmission. Il faudra des réparations parce que le conducteur ne sait pas comment appuyer sur la pédale d'embrayage, au risque de frapper quelqu'un.

J'ai une ou deux collectivités en Ontario où, avant d'emménager dans une maison neuve, il faut suivre une séance de formation d'une journée que je leur offre sur l'entretien que le propriétaire doit faire. Je visite la maison avec eux. Je leur explique : « Voici le ventilateur-récupérateur de chaleur, et voici comment il fonctionne. Voici le tableau électrique, et il fonctionne comme ceci. Et voici le réseau de plomberie. Si telle chose se produit, il faut faire ceci; s'il arrive autre chose, voici ce qu'il faut faire. Vous avez des questions? » Je passe une journée sur les lieux. La dernière fois que je suis allé là-bas, j'y ai passé quatre jours parce que les gens revenaient sans cesse pour en apprendre davantage. Ils n'avaient jamais vu ça.

La SCHL m'a payé pour aller là-bas une journée parler de l'entretien de base d'une maison. Lorsqu'on retourne voir les responsables, ils disent que leur budget ne leur permet de payer qu'une journée.

La sénatrice Champagne : Je sais que, dans la région d'Oka, la plupart des belles maisons qui bordent la rivière et où les gens ne se rendaient que l'été ont été construites par un Mohawk. C'est curieux, je sais, son nom est cri, mais c'est un Mohawk. Il a bâti des maisons extraordinaires. De toute évidence, les Indiens savent comment bien construire une maison. Pourquoi font-ils de bonnes maisons, de belles maisons pour des gens de l'extérieur qui viennent vivre près d'eux tandis qu'ils ne réparent pas les leurs ou ne les construisent même pas correctement? Pouvez-vous me l'expliquer? J'essaie très fort de comprendre.

M. Maracle : Le mécanicien qui répare votre voiture a probablement la pire voiture de la rue.

La sénatrice Champagne : Le cordonnier mal chaussé.

M. Kiedrowski : Vous soulevez une excellente question. Il y a quelques problèmes que je connais. Prenons ces maisons construites à Oka ou ailleurs. Il faut se poser la question suivante : la maison est-elle construite pour quelqu'un qui paie lui-même? Dans ce cas, il veillera à ce qu'elle soit bien construite. Par contre, si la maison est destinée au conseil de bande, comme M. Maracle me l'a dit, certains entrepreneurs perdent tous leurs moyens intellectuels dans la réserve parce qu'ils n'ont pas à respecter les exigences du code du bâtiment. Rien ne les y oblige. S'ils bâtissent pour des particuliers, ils construiront probablement les plus beaux palais qu'on ait jamais vus. S'ils construisent pour un conseil de bande, ce ne sera pas nécessairement le cas.

La sénatrice Champagne : Nous pourrions essayer de trouver un moyen de les amener à suivre le code du bâtiment. Il doit bien y avoir un moyen. Tant qu'ils continueront à bâtir pour eux-mêmes des maisons qui ne valent rien, qui ne garderont pas leur valeur parce qu'elles n'ont pas été bien construites, nous ne nous en sortirons pas. L'État et les contribuables donnent sans cesse plus d'argent. Nous nous demandons pourquoi, lorsque nous travaillons avec les bandes indiennes, elles n'ont jamais assez d'argent, que l'État et les contribuables ne leur donnent jamais assez d'argent pour qu'ils habitent dans des maisons correctes. Or, elles ont de l'argent, elles se bâtissent des maisons, mais elles ne le font pas correctement. Alors excusez-moi, mais je ne me sens pas très coupable.

Le président : Sénatrice Champagne, merci beaucoup d'avoir résumé cette excellente discussion.

Messieurs, nous avons beaucoup aimé votre présentation.

Notre témoin qui devait se déplacer est arrivé. Nous devrions avoir le temps d'entendre son exposé.

Bienvenue, madame Madahbee. Merci de venir aujourd'hui nous faire profiter de vos compétences. Nous sommes à court de temps. Il faut absolument s'arrêter à 11 h 30. Malheureusement, nous pourrons seulement entendre votre déclaration liminaire. J'en suis désolé. Merci des efforts que vous avez faits pour venir jusqu'ici. Allez-y, je vous en prie. Nous irons le plus loin possible.

Dawn Madahbee, vice-présidente, Conseil national de développement économique des Autochtones : Bonjour et merci. Je m'appelle Dawn Madahbee et je suis vice-présidente du Conseil national de développement économique des Autochtones. Le conseil a été mis sur pied en 1990 par décret et chargé de conseiller le gouvernement concernant les orientations stratégiques et les programmes qui ont trait au développement économique des Autochtones. Le conseil réunit des dirigeants, sur le plan communautaire et commercial, des Premières nations, inuits et métis de toutes les régions du Canada pour conseiller au gouvernement fédéral des moyens d'accroître la participation des Autochtones, hommes et femmes, à l'économie canadienne.

Le conseil se réjouit d'apprendre que les membres du comité envisagent d'entreprendre une étude sur les moyens de répondre aux besoins en matière d'infrastructure, notamment le logement et les écoles, afin de stimuler le développement économique. Je crois que nous partageons une idée commune : le logement et le développement de l'infrastructure sont en corrélation directe avec le développement économique des collectivités, car la construction de logements et d'infrastructures soutient un grand nombre d'entrepreneurs, autochtones ou non.

Grâce à la démarche fédérale visant à susciter la participation au sujet du Cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones et grâce aux analyses et recherches réalisées ces dernières années, un consensus a émergé : le déficit au plan des infrastructures est l'un des principaux obstacles qui freinent le développement économique des Autochtones et les investissements, notamment dans les réserves et dans les collectivités septentrionales éloignées.

Trois des activités récentes et à venir du conseil traitent expressément des infrastructures, abordées dans le Rapport d'analyse comparative, qui présente le tableau des résultats économiques des Autochtones et traite notamment du surpeuplement des logements et des réparations majeures à y effectuer. Le deuxième rapport, ce sont les Recommandations pour financer l'infrastructure des premières nations, série de recommandations présentées au gouvernement en février 2012. Ce document traite de problèmes précis auxquels le gouvernement fédéral devrait s'attaquer. Une étude prochaine sur l'infrastructure dans les collectivités autochtones du Nord et dans les environs cernera les principaux obstacles qui freinent le développement économique, élaborera des stratégies et formulera des recommandations pour qu'on puisse composer avec ces obstacles ou les contourner.

Je voudrais parler plus longuement du Rapport d'analyse comparative, qui a été publié en juin 2012 et est le premier document complet de cette nature qui réunisse des indicateurs et établisse des points de repère permettant de mesurer le bien-être social et économique des Premières nations, des Inuits et des Métis au Canada. L'objectif du rapport est d'évaluer l'économie autochtone au Canada en fonction d'un certain nombre d'indicateurs clés, dont l'emploi, le revenu, la richesse et le bien-être à un moment précis, soit en 2012. À partir de là, nous entendons suivre l'évolution des Autochtones au fil du temps, en fonction de ces indicateurs. Nous espérons produire un rapport d'étape en 2015.

D'après les constatations principales de l'étude comparative, l'accès à l'eau potable, le surpeuplement des logements, l'accès aux réseaux de communication et le réseau électrique sont des facteurs qui présentent un tableau global des déterminants et indicateurs de la capacité des collectivités autochtones de conserver un milieu de vie sain et de fournir les soutiens nécessaires au développement économique. J'allais énumérer des chiffres, mais je me contenterai de dire que, chez certaines Premières nations, surtout dans le Nord, le taux de surpeuplement est sept fois plus élevé que le taux chez les non-Autochtones, d'après cette étude.

Nous savons tous que, d'un bout à l'autre du Canada, les administrations locales ont de plus en plus de mal à relever les défis de la gestion de la demande à l'égard de l'infrastructure, ce à quoi il faut ajouter les retards de plus en plus considérables dans les travaux d'entretien, par exemple dans des domaines comme la remise en état des sites miniers. La Fédération canadienne des municipalités affirme que beaucoup de municipalités sont toujours dans une situation critique, car les revenus n'évoluent pas aussi vite que la demande, si bien que la qualité de vie générale et la compétitivité sont compromises. D'après cette fédération, les conséquences d'investissements insuffisants dans l'infrastructure locale sont immenses, et si ces investissements demeurent au niveau actuel, le Canada sera incapable d'exploiter son plein potentiel économique. Vous pouvez imaginer que, dans les collectivités des Premières nations et les collectivités autochtones éloignées, la situation est encore plus désastreuse.

Dans son rapport de février 2012, notre conseil national a exhorté le gouvernement à élaborer une approche plurielle du financement de l'infrastructure des Premières nations, approche qui mettrait l'accent sur l'accès à d'autres avenues de financement, renforcerait la capacité d'exploiter des sources de financement différentes et une planification locale complète pour soutenir une planification durable et à long terme des immobilisations. En outre, le conseil national recommande que le gouvernement fédéral simplifie l'approbation par les services administratifs, fasse appel à des partenariats pour maximiser l'investissement et s'attaque au problème croissant des lacunes de l'infrastructure des Premières nations.

Plus précisément, nos recommandations proposent que le gouvernement fédéral aide les collectivités à produire leurs revenus propres, notamment par la fiscalité, les redevances, les frais aux usagers et le développement des entreprises, pour permettre un partage plus important des revenus et un engagement accru du secteur privé et des autres ordres de gouvernement. Nous recommandons également de donner des garanties aux collectivités qui produisent leurs propres revenus : leur financement de base ne sera pas réduit et elles ne seront pas pénalisées.

Il est également recommandé de trouver des moyens d'accélérer le processus par lequel les collectivités peuvent profiter des fonds fournis par l'Administration financière des Premières nations, notamment pour l'infrastructure et les aménagements immobiliers, et d'injecter un minimum de 100 millions de dollars dans cette administration pour aider à lui donner une bonne cote de crédit sur les titres appuyés par les revenus propres des Premières nations. Cela permettrait à l'Administration financière des Premières nations de commencer à combler le déficit infrastructurel, dont on prévoit actuellement qu'il devrait atteindre 3 milliards de dollars.

Nous proposons aussi de renforcer la capacité des institutions financières autochtones de réaliser des gains dans le financement à long terme de projets d'infrastructure et d'émettre des obligations là où la capacité a été renforcée. Une IFA au Québec a été mise sur pied à cette fin.

Je tiens à signaler également à cet égard qu'il me semble important, à propos du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations, que vous songiez à ce que le réseau des institutions financières autochtones offre les prêts hypothécaires résidentiels sur le marché et débloque les fonds sur le terrain. Ces institutions sont déjà situées à des endroits où elles peuvent se charger de ce type de financement, qui serait plus facile à offrir que le financement commercial dont elles s'occupent. Elles ont déjà investi plus de 1,4 milliard de dollars dans des entreprises autochtones. Elles possèdent donc la capacité voulue pour proposer ce crédit hypothécaire résidentiel.

Je tiens à vous faire savoir aussi que notre conseil s'intéresse de plus près aux besoins en infrastructure dans le Nord, dans les collectivités et aux alentours — par exemple dans les trois territoires : Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut, et dans les régions touchées par les revendications territoriales globales dans le Nord — pour les aider à chercher des moyens d'atteindre leur plein potentiel économique, nous assurant qu'il est impérieux qu'elles soient dotées d'une infrastructure suffisante, ce qui comprend évidemment les transports. Il y a une abondance d'exemples de problèmes de transport et de cas où les créneaux sont limités pour l'acheminement de matériaux de construction et d'approvisionnements. Nous devons étudier cette question.

Nous devons examiner les télécommunications. Il existe toujours un problème de connectivité dans tout le Nord, comme nous le savons tous. On y a aussi besoin d'une infrastructure sociale. On constate que 32 p. 100 des Inuits du Nunavik vivent dans des logements surpeuplés alors que la moyenne nationale est de 1,9 p. 100.

Il y a aussi les services ordinaires à fournir : garderies, écoles, établissements de formation, bibliothèques, services de santé, bref, tout. Dans de nombreuses régions du Canada, nous sommes dans une situation tout à faire désespérée pour ce qui est du déficit en matière d'infrastructures.

Le président : Madame Madahbee...

Mme Madahbee : Je sais que mon temps de parole tire à sa fin. J'ai fait ce que j'ai pu. J'ai omis le plus de choses possible, mais je tiens à vous remercier du temps que vous m'avez accordé. J'aurais bien voulu avoir cinq minutes encore. J'ai quitté l'île Manitoulin, chez moi, ce matin à 2 h 30 pour venir ici. J'avançais bien jusqu'à ce que le brouillard tombe sur Ottawa. Je vous remercie de m'avoir accordé du temps, mais je ne sais pas combien de temps vous pourrez consacrer à l'étude de ces questions. Je vous remercie vraiment du temps que vous m'avez accordé.

Le président : Nous vous sommes extrêmement reconnaissants des efforts que vous avez faits pour venir jusqu'ici et nous regrettons que le temps ne nous permette pas de poursuivre.

Félicitations de nous avoir donné une excellente vue d'ensemble. Nous allons revenir sur ces rapports avec l'aide de notre personnel très compétent, et je suis persuadé que nous voudrons communiquer de nouveau avec le Conseil national de développement économique des Autochtones. Il est évident que vous vous êtes donné comme priorité d'étudier exactement ce que nous allons examiner. Votre exposé d'aujourd'hui est donc très précieux pour notre travail.

Je dois vous présenter mes excuses, mais notre horaire est strict. Il faut céder la salle à quelqu'un d'autre. Au nom du comité, je vous remercie beaucoup d'avoir fait l'effort de venir à Ottawa et des renseignements précieux que vous avez pu nous communiquer en fort peu de temps. Merci également aux interprètes d'avoir rendu ce travail possible.

Merci encore.

Mme Madahbee : Merci.

Le sénateur Meredith : Monsieur le président, le témoin s'apprête à partir. Mme Madahbee pourrait-elle nous laisser un exemplaire de ses observations?

Mme Madahbee : Nous avons des exemplaires disponibles.

Le président : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


Haut de page