Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 12 février 2014


OTTAWA, le mercredi 12 février 2014

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 18, pour étudier la capacité des particuliers à se prévaloir d'un régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI), notamment la représentation par un avocat et la capacité des particuliers à conclure un contrat.

La sénatrice Céline Hervieux-Payette (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Je souhaite la bienvenue à nos distingués invités. Aujourd'hui, le comité tient sa huitième séance dans le cadre de son étude sur les régimes enregistrés d'épargne-invalidité, ou REEI, mettant l'accent sur la représentation par un avocat et la capacité des particuliers à conclure un contrat en vue de souscrire un à régime enregistré d'épargne-invalidité.

Le comité a débuté son étude en décembre et a entendu le témoignage du ministre d'État aux Finances et des représentants du ministère des Finances, des organisations qui travaillent auprès des personnes handicapées ainsi que des institutions financières et des institutions de planification financière.

Aujourd'hui, le comité en apprendra davantage concernant certains aspects légaux reliés à l'étude. Les membres du comité ont soulevé certaines questions lors des réunions précédentes concernant, par exemple, l'admissibilité à ouvrir un régime enregistré d'épargne-invalidité, la représentation par un avocat et la capacité des particuliers à conclure un contrat, et les lois provinciales ou territoriales concernant la nomination d'un représentant juridique.

Nous avons donc bien hâte d'entendre les spécialistes du droit qui sont avec nous aujourd'hui et d'avoir l'occasion de leur poser des questions. Vous avez tous des observations préliminaires à nous livrer, nos distingués invités, et je vous prie de vous présenter lorsque vous débuterez vos présentations. À la suite des cinq présentations, je donnerai la parole aux sénateurs qui poseront des questions. Je cède la parole à nos témoins. Monsieur Desmarais, la parole est à vous.

[Traduction]

Sébastien G. Desmarais, avocat, Tierney Stauffer LLP, à titre personnel : Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m'appelle Sébastien Desmarais, et je travaille pour le cabinet d'avocats Tierney Stauffer, à Ottawa. Je suis spécialisé en fiscalité et succession. Je tiens à vous remercier de m'avoir donné la possibilité de venir m'exprimer sur les REEI. Du point de vue de ma pratique, la mise en œuvre, dans le budget de 2007, du REEI est une excellente initiative de la part du gouvernement. Il est indéniable que les familles et le gouvernement ont la responsabilité de venir en aide aux personnes handicapées. Pour les parents, c'est particulièrement important au chapitre de l'aide financière. Je pense que l'outil financier que représente le REEI permet de répondre à ces préoccupations; il offre au moins une nouvelle possibilité aux gens dont l'enfant ou un membre de la famille est handicapé.

J'ai lu qu'environ 70 000 REEI ont été ouverts depuis 2008. Il s'agit d'un chiffre intéressant, mais nous devons le comparer au nombre de gens qui sont admissibles à l'ouverture d'un REEI. J'ai aussi lu qu'environ un demi-million de personnes seraient admissibles; il faut donc mesurer la réussite de cette initiative en comparant le nombre de gens qui s'en prévalent par rapport à ceux qui y sont admissibles. M. Jean Sylvain, qui a comparu devant vous il y a quelques semaines, a indiqué que la cotisation totale moyenne à un REEI est de 15 000 $. On peut donc se demander pourquoi si peu de comptes ont été ouverts et pourquoi les gens n'y cotisent pas plus. Une partie de la réponse réside dans la difficulté de créer un compte, mais encore faut-il avoir la capacité d'en ouvrir un. Je serais ravi de répondre à ces questions.

Nimali Gamage, associée, Goddard Gamage Stephens LLP : Je vous remercie de m'avoir invitée à discuter de ce sujet important et intéressant. Je m'appelle Nimali Gamage, et je suis avocate au cabinet Goddard Gamage Stephens, à Toronto. J'exerce ma profession depuis 14 ans. J'ai consacré la majeure partie de ma carrière à pratiquer dans le domaine des fiducies, des successions et de l'incapacité mentale. Mon cabinet possède une expérience approfondie dans le domaine de la prise de décisions au nom d'autrui, notamment les demandes de tutelle contestées et non contestées, les litiges liés aux procurations et la rédaction de procuration; j'exerce aussi dans le créneau spécialisé des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, en particulier lorsqu'il s'agit de préserver ces prestations dans le contexte des successions et des lésions corporelles.

Avant de vous faire part de mes observations concernant les REEI, j'aimerais vous parler de mes clients types, sans utiliser leur vrai nom, bien sûr, afin que vous compreniez le contexte dans lequel je travaille chaque jour. C'est d'ailleurs à partir de ce contexte que je vous ferai part de mes observations sur les REEI.

Les parents du jeune Michael âgé de 23 ans ont retenu mes services parce que leur fils a subi un grave traumatisme crânien à la suite d'un accident de voiture. Il touchera une somme de 2 millions de dollars à titre de règlement pour lésions corporelles. Ce montant servira à couvrir les coûts de ses soins pour le reste de ses jours, mais les coûts s'élèveront facilement à plus de 2 millions de dollars, étant donné son jeune âge et l'étendue de ses blessures. Ses parents sont venus me voir car ils veulent présenter une demande de tuteur aux biens afin d'aider Michael à gérer son règlement pour lésion corporelle.

Il y a aussi la fille d'un médecin âgé et retraité qui a retenu mes services pour engager des poursuites contre sa sœur qui a obtenu une procuration relative aux biens de son père à un moment où il était, de toute évidence, incapable de donner une telle procuration. La sœur utilise la procuration pour vider les comptes en banque de son père, modifier les titres de propriété de la maison et du chalet du père pour les détenir en propriétés conjointes et interdire à ma cliente de voir son père. Je ne pratique pas en droit de la famille, mais c'est tout de même à des familles que j'ai affaire.

Il y a aussi les cas qui concernent le POSPH : Bill, un homme de 35 ans, souffre d'un trouble bipolaire et d'un trouble de la personnalité. Son état fluctue de très grave à modérément grave. Par conséquent, il n'arrive pas à conserver un emploi rémunérateur. Les prestations de 800 $ par mois du POSPH sont sa seule source de revenu. Il vient d'apprendre que sa grand-mère lui a laissé un héritage qui n'est pas suffisamment important pour assurer sa subsistance, mais qui est trop élevé pour qu'il puisse continuer d'avoir droit aux prestations du POSPH, la valeur des actifs étant un des critères d'admissibilité du programme. Il a aussi appris que sa grand-mère n'avait pas prévu, dans son testament, la mise en place d'une fiducie qui lui aurait permis de maintenir son admissibilité au POSPH tout en touchant son héritage. Bill est donc venu me consulter pour savoir s'il existait une façon de toucher cet héritage tout en maintenant son admissibilité au POSPH.

Vous avez certainement constaté que dans tous ces cas, je n'ai fait aucune mention du REEI. Je ne prétends pas être une experte en REEI ni en matière d'impôt sur le revenu; je suis donc ravie que M. Desmarais ait fait référence à sa pratique en fiscalité. Les commentaires que je formulerai au sujet des REEI sont fondés sur mon expérience avec ce type de clients et de cas.

Le premier problème est la question de l'énigme du représentant juridique. Comme le comité l'a déjà entendu, si une personne est incapable mentalement d'ouvrir un REEI auprès d'une institution financière, un représentant juridique peut en ouvrir un pour lui. En Ontario, cela pose un problème parce qu'il y a trois façons de s'y prendre. Tout d'abord, on peut nommer un représentant au moyen d'une procuration relative aux biens. Le problème, en Ontario, c'est que les critères pour déterminer la capacité mentale en vue d'accorder une procuration relative aux biens sont très élevés, et un important pourcentage des personnes aux prises avec des déficiences développementales ou psychiatriques et des lésions cérébrales acquises ne peuvent pas répondre à ces critères.

Deuxièmement, en vertu de la tutelle sous régime législatif, le tuteur et curateur public devient leur représentant dans le cadre du processus de tutelle sous régime législatif. Dans certains cas, un membre de la famille présente ensuite une demande pour remplacer le tuteur et curateur public à titre de tuteur; mais il y a des problèmes. Tout d'abord, il faut une déclaration d'incapacité à gérer ses biens, ce qui entraîne des conséquences majeures qui ne sont pas nécessairement justifiées; ensuite, bien que la tutelle sous régime législatif décrite dans la Loi sur la prise de décisions au nom d'autrui soit censée être une voie extrajudiciaire, moins coûteuse et plus simple, ce n'est pas ainsi, selon mon expérience, que cela se passe. Il faut parfois plusieurs mois et beaucoup de formalités administratives pour arriver au résultat; parfois, après plusieurs mois d'attente, on découvre qu'on ne peut pas compléter le processus et qu'on doit opter pour la désignation par la Cour.

La troisième façon d'avoir un représentant en Ontario est la tutelle d'origine judiciaire; dans ce cas, une personne demande à la Cour d'être désignée le tuteur aux biens d'une personne. Le premier problème, tout comme pour la tutelle sous régime législatif, c'est qu'il faut une déclaration selon laquelle la personne est incapable de gérer ses biens, ce qui, dans certains cas, n'est pas nécessaire ou justifié. Le deuxième problème associé au processus de tutelle d'origine judiciaire dans le contexte qui nous intéresse est le fait que cette démarche coûte cher, nécessite le recours à un avocat et peut durer plusieurs mois, parfois même plus.

Cela nous amène à la discussion sur la solution de rechange à la désignation d'un représentant juridique. Mme Mason-Case, Mme Watts et M. Dodek, qui sont ici présents, vous expliqueront plus en détail les suggestions à l'égard de cette solution de rechange. J'aimerais vous faire part de points importants qui, selon moi et selon mes clients, doivent être pris en considération, quelle que soit la solution retenue.

Qu'est-ce que j'ai appris et entendu de mes clients dans les cas de tutelle, de procuration et de prestation du POSPH? La crainte d'abus financier par le représentant juridique est vive. Je vois les meilleurs et les pires scénarios. D'un côté, il y a les parents de Michael qui a subi un traumatisme crânien et dont je vous ai parlé un peu plus tôt; ils font tout dans le seul intérêt de leur fils. Ils n'imagineraient jamais tirer profit des pouvoirs qui leur sont accordés par la tutelle. Ils ont du mal à croire que chacun de leurs gestes sera désormais examiné à la loupe et qu'ils devront rendre des comptes. Ils devront retourner devant les tribunaux tous les deux ans pour faire examiner leurs comptes et prouver qu'ils n'ont pas pigé dans les fonds de Michael, ce qui, pour eux et pour d'autres parents, est une indication grotesque et insultante.

D'un autre côté, je constate malheureusement ce qu'il y a de pire dans la société : les personnes qui utilisent le poste de confiance qui leur a été confié pour profiter d'un membre de la famille vulnérable dans leur propre intérêt. Souvent, les gens ont du mal à croire ce que je leur raconte, le type d'affaires auquel je suis confrontée, car nous aimerions tous croire qu'il ne peut y avoir de gens si méchants. Mais malheureusement, il y en a. Et étant donné qu'au cours des prochaines décennies, notre société assistera au plus important transfert de patrimoine d'une génération à la suivante, le risque d'abus financier augmentera.

Donc, s'il est possible de trouver une approche simplifiée à la représentation juridique pour ouvrir un REEI, voici quelques-uns des points à examiner. Qui vérifiera le formulaire ou la demande? Le tribunal? Le gouvernement? Une agence privée? L'institution financière? Est-ce que les services d'un avocat seront nécessaires pour aider à remplir le formulaire ou à présenter la demande et, le cas échéant, qui donnera les directives à cet avocat? La personne handicapée ou le représentant juridique proposé? Si la personne handicapée n'est pas mentalement capable de choisir le représentant juridique, qui le fera? Le représentant sera-t-il autodésigné ou sera-t-il désigné par l'organisme qui examinera la demande?

Est-ce que le représentant juridique pourra faire autre chose que simplement ouvrir le REEI? Pourra-t-il gérer le REEI et prendre des décisions à l'égard des retraits? Pourra-t-il gérer les fonds qui sont retirés du REEI? Le cas échéant, comment le tout sera-t-il structuré? Et de quelle façon l'obligation de rendre compte et les mesures de protection seront-elles mises en œuvre et appliquées?

Selon l'expérience de mes clients, j'ai aussi appris que si une personne est informée dès le départ de son rôle et de ses tâches en tant que représentante juridique — des limites, de quoi elle sera tenue responsable, de la façon de s'occuper de la gestion courante des biens de la personne incapable, de tenir des registres exacts et détaillés —, les risques que la personne abuse de ses pouvoirs seront alors considérablement diminués.

Souvent, lorsqu'on me demande de lutter contre un subrogé malintentionné, comme dans l'affaire des deux filles du médecin, le subrogé en question n'avait pas reçu ce genre de conseils au moment de l'obtention du document de procuration.

Quand on dit que l'une des solutions possibles au problème de la représentation juridique est d'accorder une procuration simplifiée nécessitant un seuil de capacité mentale peu élevé, certaines personnes souffrant d'un handicap sont incapables de s'exprimer et leur capacité est si limitée qu'elles ne pourraient même pas atteindre ce seuil de capacité.

Une autre préoccupation souvent formulée par des clients qui veulent ouvrir un REEI pour protéger leur admissibilité au POSPH réside dans le fait qu'ils n'ont personne à qui faire confiance. Ils ne peuvent nommer personne en vertu d'une procuration pour agir à titre de représentant juridique. Ou encore, ils n'ont personne qui se porte volontaire pour agir à titre de tuteur. Bon nombre de ces clients se sont brouillés avec leurs familles ou sont complètement isolés de la société, souvent en raison de leur handicap. Alors, trouver quelqu'un qui fera fonction de représentant juridique est souvent l'obstacle à l'ouverture d'un REEI. La somme d'argent en question n'est pas suffisante pour justifier le recours à une société de fiducie qui servira de représentante juridique. Ces gens ne veulent pas que le tuteur et curateur public se mêle de leurs affaires, et il n'existe pas de particuliers ou de sociétés dignes de confiance pour accepter ce type de désignation.

Il y a ensuite la question de trouver le juste milieu entre l'accessibilité du REEI et la reddition de comptes.

Lesquels de mes clients ont accès ou souhaitent avoir accès au REEI? Les personnes qui toucheront un héritage ou le produit d'une assurance-vie d'une personne décédée et qui veulent protéger leur admissibilité au POSPH, malgré l'entrée de ces fonds.

En Ontario, une personne peut toucher un héritage ou le produit d'une assurance-vie tout en continuant d'avoir droit aux prestations du POSPH si l'héritage ou la prestation de décès est placé dans un type de fiducie dans le testament de la personne décédée — communément appelé fiducie de type Henson — et, si les fonds ne sont pas placés dans une telle fiducie par la personne décédée, le bénéficiaire des prestations du POSPH peut maintenir son admissibilité en structurant adéquatement l'héritage ou le produit de l'assurance-vie. Il peut notamment placer cet argent dans un REEI, qui constitue un avoir exclu conformément aux règlements du POSPH.

D'autres clients qui souhaitent avoir accès au REEI sont ceux qui recevront un règlement pour les lésions corporelles et qui viennent me rencontrer, non pas parce que je fais du droit pour lésions corporelles, parce que ce n'est pas le cas, mais bien parce qu'ils ont besoin d'un tuteur désigné pour gérer les fonds reçus pour lésions corporelles. Ou encore ils veulent établir une fiducie pour déposer les fonds ou ils désirent mon aide pour préserver leurs prestations du POSPH, tout en recevant le règlement pour lésions corporelles. Dans certains cas, le tuteur ou la personne elle-même veut ouvrir un REEI.

Dans tous les cas, il est important que mon client ne rencontre aucun obstacle pour ouvrir un REEI. Il me tient donc à cœur que l'Ontario et toutes les autres provinces trouvent une approche simple, abordable et accessible pour la représentation juridique dans le contexte d'un REEI. Cependant, si l'on autorise un représentant juridique à ouvrir, et peut-être à gérer un REEI pour une personne, il est tout aussi important que ce représentant juridique soit tenu de rendre compte de chaque dollar auquel il a accès et que des mesures de protection soient mises en place pour prévenir, détecter et corriger tout abus financier.

En fait, je suggérerais que plus on facilitera le processus permettant à un individu de devenir représentant juridique, plus on devra mettre en place des mesures de protection rigoureuses pour prévenir les abus. Oui, le processus de désignation d'un tuteur par la cour est long et coûteux, mais c'est parce que des mesures de reddition de comptes et de protection sont mises en place au tout début du processus. Si on supprime ces mesures au début du processus, il faudra qu'on les insère ailleurs.

Il y a ensuite le problème lié au fait qu'un faible pourcentage de personnes souffrant d'un handicap possède un REEI. Comme Sébastien l'a indiqué, en lisant les transcriptions des dernières séances du comité, je constate que le faible nombre de Canadiens souffrant d'un handicap qui ont ouvert un REEI est une question qui a été soulevée à plusieurs reprises. Selon mon expérience, mes clients souffrant d'un handicap qui n'ont pas de REEI sont les suivants : les personnes qui n'ont pas la capacité mentale d'ouvrir un REEI, qui ne veulent pas ou qui n'ont pas besoin d'un tuteur aux biens désignés, étant donné la perte d'autonomie et de droits qui en découlent, ou qui n'ont pas de personne de confiance pour agir à titre de représentant juridique.

Il y a aussi les personnes qui ont la capacité mentale d'ouvrir un REEI, mais qui ne peuvent économiser le moindre dollar parce que les coûts de leur handicap les ont littéralement appauvries, ainsi que leurs familles.

Il y a aussi les personnes dont la gravité de leur handicap fluctue, ce qui fait que leur crédit d'impôt pour personnes handicapées fluctue. Cette situation est extrêmement problématique pour certains de mes clients qui veulent ouvrir un REEI dans le cadre d'un plan pour préserver leurs prestations du POSPH. Comme les critères médicaux pour être admissible au POSPH sont inférieurs aux critères médicaux pour être admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées, une personne peut continuer de recevoir les prestations du POSPH même si son handicap fluctue, au point de ne pas avoir droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées. Cependant, lorsqu'elle n'a plus droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées, cette personne doit fermer son REEI, ce qui entraîne la perte des prestations du POSPH.

Désolée pour tous les sigles, mais si vous me suivez, la seule façon dont ces personnes peuvent conserver leurs prestations du POSPH est de déposer leurs économies dans un REEI, et si elles n'ont plus droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées, elles doivent fermer leur REEI. Cela entraîne la perte de leurs prestations du POSPH.

Il faut donc prévoir une certaine souplesse pour ces personnes ou, au moins, un délai de grâce au cours duquel la sévérité de leur handicap peut fluctuer avant qu'elles ne perdent leurs droits à un crédit d'impôt pour personnes handicapées.

Enfin, il y a les personnes qui ont touché un règlement pour lésions corporelles supérieur à 100 000 $ ou tout montant pour pertes économiques. Il s'agit ici d'un domaine très précis des règles du POSPH sur lequel je n'ai pas le temps de m'attarder. J'aimerais par contre souligner que la procédure relative aux lésions corporelles est traitée différemment dans les règles sur l'avoir du POSPH. Une personne qui obtient un règlement pour légions corporelles peut conserver son admissibilité au POSPH uniquement dans certaines circonstances précises. À ce jour, les règlements du POSPH à cet effet n'ont pas été mis à jour de manière à inclure le REEI comme une option possible, ce qui fait que ces personnes n'ont pas accès au REEI.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous et je serais ravie de répondre à vos questions.

La vice-présidente : Je pense que c'était très clair; merci de nous avoir donné un aperçu de tous les problèmes rencontrés par vos clients. Le temps file, alors j'aimerais demander à Mme Watts de nous faire part de ses observations?

Laura Tamblyn Watts, agrégée supérieure de recherche, Centre canadien d'études sur le droit des aînés, British Columbia Law Institute : Merci de m'avoir invitée ici aujourd'hui. Je suis agrégée supérieure de recherche au Centre canadien d'études sur le droit des aînés ainsi qu'au British Columbia Law Institute, qui est l'entité de réforme du droit de la Colombie-Britannique.

Je diviserai mes observations en trois parties. Tout d'abord, je vais vous donner un peu de contexte afin d'introduire le sujet. Ensuite, on m'a demandé de centrer mes propos sur le modèle de la Representation Agreement Act, soit la loi sur la convention de représentation de la Colombie-Britannique, ce qui, d'après ce que j'ai pu comprendre après avoir examiné les procès-verbaux du comité, est un sujet qui a suscité l'intérêt du comité. Enfin, je conclurai avec quelques observations sur la constitutionnalité, pour ensuite vous faire part des recommandations que j'ai à formuler.

Le British Columbia Law Institute est l'organisme de réforme du droit de la province. Il s'agit d'un organisme de bienfaisance à but non lucratif qui travaille dans le domaine de la réforme du droit depuis plus de 20 ans. Il a succédé à la British Columbia Law Reform Commission. C'est un organisme non partisan et apolitique.

Mis sur pied en 2003, le Centre canadien d'études sur le droit des aînés est une entité de recherche à but non lucratif et non partisan qui étudie le droit et les défis liés au vieillissement. C'est dans cette perspective que je parlerai du contexte pancanadien. En ce qui concerne l'examen de la convention de représentation mené par la British Columbia Law Reform Commission, je vais limiter mes observations à la perspective du British Columbia Law Institute.

Le comité a exprimé le souhait d'en apprendre davantage sur la Representation Agreement Act, soit la loi sur la convention de représentation de la Colombie-Britannique, et j'ai été invitée à parler du contexte de la loi, de son fonctionnement et de la façon dont on peut la concilier, ou non, avec le régime enregistré d'épargne-invalidité, le REEI. Je vais commencer par aborder cet aspect.

Le présent sujet porte sur la prise de décisions assistée. Je sais que le comité se débat avec cette notion et essaie de la comprendre, tout comme cela a été le cas pour nous. Le problème est, bien sûr, très clair : si on n'a pas la capacité de conclure un contrat, on ne pourra peut-être pas conclure de REEI.

En Colombie-Britannique, la solution a été de créer ce qu'on appelle une convention de représentation, qui suppose, pour parler en termes familiers, un niveau moindre de capacité. Je préfère parler de différents critères pour déterminer la capacité. La convention ne requiert pas la capacité de conclure un contrat, mais elle exige plutôt un éventail de capacités qui permettent de participer à des activités fonctionnelles, telles la prise de décisions assistée ou la prise de décisions au nom d'autrui, ce qui, si vous voulez, n'est pas aussi exigeant que les obligations qu'on doit satisfaire pour préparer une procuration. À cet égard, il s'agit d'un document plus fonctionnel.

On peut produire une convention de représentation même si l'adulte n'est peut-être pas capable de conclure un contrat, de gérer ses soins de santé, ses soins personnels, ses affaires juridiques ou même ses opérations financières courantes. On détermine la capacité en prenant en considération un grand éventail de facteurs. Contrairement à d'autres provinces, où l'on analyse la capacité de comprendre le modèle utilisé dans plusieurs champs d'application et dans notre common law, en Colombie-Britannique, on a changé le seuil. On a établi un ensemble de facteurs très précis qui peuvent être pris en considération. Une personne qui aurait — et je n'aime pas ce terme — un seuil moins élevé de capacité pourrait conclure une convention de représentation, même si elle a exprimé le souhait d'avoir recours à un assistant à la prise de décisions, un souhait qui peut être communiqué de différentes façons.

Il peut s'agir d'un souhait, c'est-à-dire de l'expression d'un choix, d'une préférence, d'une approbation ou d'une désapprobation. On peut indiquer son souhait de différentes façons. Les personnes concernées doivent démontrer qu'elles comprennent que la convention de représentation aura une incidence sur elles, mais la compréhension claire de la mesure dans laquelle elles seront touchées n'est pas requise; elles doivent seulement comprendre qu'elles seront touchées par la convention.

Voici un des points les plus importants : la relation établie avec l'assistant à la prise de décisions est fondée sur la confiance. C'est la notion de confiance qui, je crois, guide nos discussions sur le REEI.

En gardant cela à l'esprit, je voulais parler au comité d'un projet de recherche qui vient de se terminer. Le Centre canadien d'études sur le droit des aînés a entrepris une analyse quantitative faisant participer des experts et des personnes ayant de l'expérience avec la prise de décisions assistée et son fonctionnement en pratique. Sachant que le comité se demande si la prise de décisions assistée constitue une structure fonctionnelle qui se prête bien au REEI, je peux vous faire part des nouvelles données de recherche qui ont été révélées aujourd'hui.

Nous avons conclu ceci : la prise de décisions assistée en vertu de la convention de représentation est une très belle initiative en théorie et elle offre des possibilités et des ressources importantes à un groupe limité de personnes. C'est peut-être suffisant. Les conventions n'ont pas suscité beaucoup d'intérêt et n'ont pas été aussi largement adoptées que les procurations dans le domaine des soins personnels, comme c'est le cas en Ontario. En effet, l'élaboration de la convention de représentation a été litigieuse. Elle était, selon moi, au cœur des réflexions, au pays, sur la façon d'élaborer des documents juridiques sur la prise de décisions au nom d'autrui ou la prise de décisions assistée et, en conséquence, je pense qu'on a fait une bonne partie du travail, car il s'agissait d'une première.

Le processus a suscité beaucoup de tensions entre la collectivité juridique et la collectivité qui représente les intérêts des handicapés tandis qu'elles se demandaient comment concilier l'idée d'offrir des outils très faciles d'accès et les inquiétudes bien réelles concernant le risque d'abus. Par conséquent, l'adoption des conventions de représentation en Colombie-Britannique a exigé beaucoup de temps. Une fois adoptées, les conventions ont suscité encore plus d'intérêt après la mise à jour de la loi afférente conformément au rapport MacLean, ce qui a permis de resserrer certaines des dispositions.

Les conventions de représentation et la prise de décisions assistée constituent des possibilités importantes pour les personnes atteintes de troubles cognitifs et d'autres déficiences intellectuelles, car elles leur permettent de faire de bons choix. Or, ces initiatives n'ont pas suscité l'intérêt que nous avions anticipé. Il est important de noter que l'utilisation de conventions de représentation dans les institutions financières permettra parfois de conclure un REEI, mais le REEI ne fait pas partie des instruments clairement énumérés qui peuvent être établis au moyen d'une convention de représentation. J'aimerais que ce soit bien clair. Il existe une liste bien précise dans la réglementation de la gestion des opérations financières courantes, mais cette liste ne comprend pas des instruments qui pourraient sembler évidents, comme les REER, les FRR, les paiements de factures, et j'en passe. Il s'agit pourtant d'une liste exhaustive.

La Representation Agreement Act est toutefois entrée en vigueur avant le REEI. Le REEI ne figure pas sur la liste. Lors de nos consultations auprès d'institutions financières, d'avocats, de tuteurs et de curateurs publics, du Conseil des Canadiens avec déficiences, d'Inclusion B.C., de PLAN, et cetera, nous avons posé la question suivante : « Est-ce que les gens s'en servent? Est-ce que les gens utilisent les conventions de représentation pour établir des REEI? » Les réponses obtenues étaient très variées.

Je dirais qu'il ne s'agit pas vraiment d'une panacée. Le REEI ne figure pas clairement sur la liste. S'il existe une relation de confiance entre une institution financière, une personne et son aidant, on a constaté qu'il y a moyen de contourner l'absence du motif de capacité énoncé. Si cette relation de confiance n'existe pas, les institutions financières refusent.

Je vais passer à la troisième partie de mes observations pour vous fournir quelques recommandations.

Comme mes collègues, je siège également à la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada et à la Fédération des organismes de réforme du droit du Canada. C'est dans ce contexte que nous nous sommes interrogés sur l'harmonisation de la loi concernant la prise de décisions assistée et la prise de décisions au nom d'autrui. J'ai eu la possibilité de participer à un projet destiné à harmoniser les lois régissant les procurations dans l'Ouest du Canada. L'harmonisation comporte des difficultés inhérentes et va à l'encontre des attentes des Canadiens. Les Canadiens s'attendent à pouvoir établir un REEI, à transférer un bien-fonds ou à prendre des décisions médicales ou personnelles selon les mêmes règles au Québec, en Nouvelle-Écosse, au Yukon, en Colombie-Britannique ou n'importe où au Canada. Voilà les attentes. Toutefois, la réalité est tout autre. Nous devons composer avec une courtepointe de règles difficiles à comprendre. J'ai obtenu l'opinion juridique du professeur Peter Hogg, et j'ai eu l'occasion de passer en revue les mémoires de PLAN et du professeur Pooran. Le Centre canadien d'études sur le droit des aînés appuie fortement le REEI. Nous vous informons toutefois que l'expérience vécue avec la Representation Agreement Act paraît excellente en théorie, mais son adoption présente des inquiétudes et des défis à relever.

Je dirais que le Centre canadien d'études sur les droits des aînés enjoint le comité à envisager l'aspect national proposé dans l'argument constitutionnel du professeur Hogg, lequel fait valoir qu'une participation restreinte serait tout à fait appropriée dans les circonstances et permettrait d'éviter les nombreux pièges qu'entraîneraient des systèmes distincts qui seraient, selon moi, inéquitables à l'égard des personnes que nous essayons d'aider.

Adam Dodek, membre, Conseil des gouverneurs, Commission du droit de l'Ontario : Bonjour, je suis ravi de représenter la Commission du droit de l'Ontario en qualité de membre du Conseil des gouverneurs et d'être ici avec ma collègue, Sarah Mason-Case, avocate de recherche à la Commission du droit. Je parlerai brièvement de la Commission du droit de l'Ontario et de la genèse du projet, après quoi je donnerai la parole à Mme Mason-Case, qui fera des observations techniques.

La Commission du droit de l'Ontario est un organisme indépendant et non partisan mis sur pied en septembre 2007. Il s'agit d'un partenariat entre la Fondation du droit de l'Ontario, l'Université York, l'Osgoode Hall Law School, le ministère du Procureur général de l'Ontario, le Barreau du Haut-Canada et les doyens des facultés de droit de l'Ontario. Nous entreprenons des projets sur un large éventail de domaines juridiques et d'aspects techniques du droit et sur des enjeux de justice sociale à grande portée.

En mai 2012, le gouvernement de l'Ontario nous a demandé de réfléchir à un processus simplifié à l'intention des adultes atteints de troubles de santé mentale et de déficience intellectuelle et de formuler des recommandations ayant pour but de permettre à ces personnes d'établir des REEI. Le gouvernement a eu recours à nos services parce que les travaux de ce projet tirent profit de deux projets exécutés sur commande qui ont abouti à la création de cadres du droit touchant les personnes handicapées et les personnes âgées, ainsi que de notre projet actuel sur la capacité, la tutelle et la prise de décisions.

Je cède maintenant la parole à Mme Mason-Case, qui abordera les aspects plus techniques de notre projet.

Sarah Mason-Case, avocate de recherche, Commission du droit de l'Ontario : J'aimerais remercier le comité sénatorial d'avoir invité la Commission du droit. Je prendrai quelques minutes pour vous fournir des renseignements sur le projet de la Commission du droit, y compris l'objectif et les étapes du projet. Je ferai également un résumé du contenu de notre document de consultation qui vient d'être publié.

Comme le professeur Dodek l'a dit, la Commission du droit mène un projet sur plusieurs années à propos des problèmes liés à la capacité juridique, à la prise de décisions et à la tutelle. Le projet se veut un examen exhaustif du cadre législatif de l'Ontario en ce qui concerne les questions de capacité et de la représentation juridique. Conscient de ce travail, le gouvernement de l'Ontario nous a demandé d'examiner de quelle façon les adultes atteints de déficience mentale pourraient avoir un meilleur accès au REEI. Notre projet sur le REEI repose sur un projet à plus grande échelle, bien que nous ayons établi une portée plus restreinte pour ce projet pour répondre aux besoins du REEI, un projet qui sera terminé et remis en fonction d'un échéancier prioritaire.

Le projet sur le REEI de la Commission du droit vise à étudier la création d'un processus afin que les bénéficiaires de REEI en Ontario soient représentés par un avocat. Aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, les parents peuvent établir un REEI et déterminer les modalités du régime pour l'enfant. Les bénéficiaires qui ont atteint l'âge de la majorité peuvent définir ces modalités eux-mêmes. Toutefois, si un adulte est jugé incapable de contracter un régime d'épargne-invalidité avec une institution financière qui offre le REEI, un « responsable », au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, doit le faire en son nom. Une institution financière pourrait remettre en question la capacité d'un adulte; en outre, un adulte ou une autre personne, comme un membre de la famille, pourrait souhaiter nommer un représentant juridique. Un « responsable » peut être un tuteur ou un particulier qui est « légalement autorisé à agir au nom du bénéficiaire ». En Ontario, les responsables comprennent les substituts pour la prise de décisions, comme les tuteurs et les procureurs aux biens, qui peuvent être désignés aux termes de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d'autrui.

En décembre 2013, la Commission du droit a publié un document de travail réexaminant la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d'autrui. Cela faisait suite aux préoccupations portées à l'attention du gouvernement fédéral par des défendeurs de l'autonomie sociale, leurs familles et d'autres parties intéressées. Dans le but de répondre à ces préoccupations, nous avons analysé une gamme de lois, de politiques et de programmes de rechange disponibles en Ontario et dans d'autres provinces. Nous avons également proposé plusieurs options de réforme à la province de l'Ontario, et nous nous ferons un plaisir de les résumer pour le comité sénatorial.

La publication de notre document de travail était une étape importante dans le processus de notre projet. Nous avons lancé le projet en mai 2013. Le mois suivant, nous avons commencé à mener de vastes consultations préliminaires, et nous avons entamé des recherches internes. Nous avons interrogé à peu près 40 personnes et groupes. En juin 2013, nous avons créé un comité consultatif composé de représentants de plusieurs des collectivités intéressées. Le comité consultatif nous a depuis fourni des informations essentielles sur l'étendue du projet et sur la rédaction de notre document de travail. Nous allons demeurer une source d'examen et de conseil durant le reste du projet.

À la suite de la publication du document de travail en décembre, la Commission du droit a lancé une phase de consultations publiques à grande échelle, qui se poursuivra jusqu'à la fin de février 2014. Nous avons invité les citoyens à soumettre des mémoires écrits, et nous sollicitons activement les commentaires de plusieurs collectivités clés dans le cadre de groupes de discussion que nous organisons partout en Ontario, ainsi que par l'entremise d'entrevues individuelles. Les résultats de nos consultations publiques et de notre recherche permanente seront pris en considération lors de la rédaction des recommandations dans un rapport final, que nous comptons présenter au ministère du Procureur général en juin 2014.

J'aimerais maintenant vous résumer le document de travail de la Commission du droit. Le document de travail est axé sur des questions clés qui ont été soulevées à plusieurs reprises dans le cadre de nos consultations et de notre recherche préliminaire. La première grande question, soit le processus général permettant de désigner un représentant juridique pour les bénéficiaires du REEI, se trouve au cœur même du projet. Les autres questions clés portent sur les divers aspects d'une telle entente qui méritent une analyse approfondie. Mme Gamage a soulevé plusieurs de ces questions : premièrement, les rôles respectifs de l'adulte, du représentant juridique et des tiers; deuxièmement, la question de savoir si des organismes communautaires devraient pouvoir être nommés représentants juridiques; et troisièmement, les mesures de protection contre les abus financiers.

Comme nous l'avons dit, nous avons examiné et analysé des lois en Ontario et dans d'autres provinces afin d'obtenir des idées sur la création d'un processus de rechange en Ontario. Nous tenons compte de lois qui portent sur la prise de décisions, telle la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d'autrui; les fiducies; et les secteurs du soutien du revenu et des avantages sociaux, lesquels prévoient un moyen intégré au programme pour désigner une personne comme étant autorisée à recevoir des paiements de soutien du revenu.

Les options de réforme proposées dans le document de travail s'inspirent d'éléments qui se trouvent dans les ententes existantes et elles tiennent compte également de critères d'évaluation, des étalons de réforme; à notre avis, un processus rationalisé en Ontario devra respecter ces critères pour être efficace. Au total, nous avons proposé neuf options pour réformer le processus de nomination d'un représentant juridique. Plusieurs des options sont des processus de nomination personnelle qui pourraient être utilisés par un adulte lui-même pour désigner quelqu'un.

Comme l'a dit Mme Gamage, certains adultes ayant une incapacité mentale risquent d'avoir du mal à remplir le seuil de la capacité nécessaire pour donner une procuration relative aux biens en Ontario. Résultat : chaque nomination personnelle que nous envisageons comme option s'appuie sur une définition différente de « capacité ». Par exemple, nous tenons compte de définitions assorties de critères moins détaillés que ceux prévus dans la loi en Ontario. Nous examinons également des normes basées sur des facteurs tels l'expression de souhaits et de préférences et la présence d'une relation de confiance avec le représentant d'un adulte.

En plus des processus de nomination personnelle, nous avons demandé si un processus de nomination externe pouvait être possible sous la forme d'une demande simplifiée auprès d'une cour, d'un tribunal ou d'un bureau gouvernemental. Un processus de nomination externe pourrait être lancé par un adulte ou une autre personne, comme un membre de la famille. Nous reconnaissons que tout processus de nomination externe doit être juste, abordable et facile à utiliser pour surmonter les obstacles dont nous avons entendu parler.

J'aimerais souligner qu'à ce stade-ci, la Commission du droit n'a pas encore préparé de recommandations sur le processus à privilégier pour nommer un représentant juridique. Cependant, nous nous attendons à être mieux placés, à l'issue de notre phase de consultation, pour examiner les options qui pourraient être mises en œuvre en Ontario et qui seraient assez souples pour répondre aux besoins des bénéficiaires du REEI et de ceux qui subviennent à leurs besoins.

[Français]

La vice-présidente : Je vous remercie tous de vos présentations. Nous avons pris 45 minutes; il nous reste encore un peu plus d'une heure.

[Traduction]

Le sénateur Black : Je remercie chacun d'entre vous; les exposés ont été absolument formidables et, bien que nous n'ayons pas encore pu résoudre le problème, nous espérons qu'avec l'indulgence de la présidente, nous ferons avancer le dossier.

J'aimerais aussi féliciter la greffière et ses adjoints d'avoir réuni un groupe de témoins aussi extraordinaires, parce que je crois que c'est l'élément qui nous manquait jusqu'ici.

Madame Tamblyn Watts, je m'intéresse à ce que vous avez dit concernant la possibilité d'une solution fédérale. Vous dites que si on pouvait en trouver une, on éviterait la nature hétérogène de ce problème, qui ressemble à une « courtepointe » — pour reprendre l'image que vous avez utilisée, je crois. Je ne connais pas l'avis du professeur Hogg; peut-être devrais-je le connaître, mais ce n'est pas le cas. Croyez-vous, vous et les autres témoins, que le gouvernement du Canada a le pouvoir constitutionnel de mettre en œuvre une solution nationale?

Mme Watts : J'ai le privilège de faire partie du Centre canadien d'études sur le droit des aînés, ce qui fait que je peux examiner la question de façon plus générale. C'est dans ce contexte que je vous réponds aujourd'hui.

Bien que je ne sois pas du tout experte en droit constitutionnel, j'ai eu le privilège d'examiner les avis. Même les meilleures d'entre nous ont du mal à comprendre comment trouver une approche harmonisée pour les régimes très différents qui existent au pays dans le domaine de la prise de décisions au nom d'autrui et la prise de décisions soutenue — et maintenant la prise de décision conjointe et la prise de décisions assistée. Je crois respectueusement que l'inclusion limitée dont le gouvernement fédéral aurait besoin serait appuyée par des arguments constitutionnels. Le raisonnement du professeur Hogg est fondé sur les cas de dispositions contestées qui sont normalement réservées aux champs de compétences provinciales ou territoriales, comme l'affaire Multiple Access Ltd. c. McCutcheon. Ce cas s'appuyait sur l'affaire General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing et sur d'autres cas jusqu'en 2005.

En gros, l'argument est le suivant : lorsqu'il y a une raison nationale de mettre en œuvre un régime qui normalement serait dans un champ réservé aux droits provinciaux et territoriaux en vertu de l'article 92, le gouvernement fédéral peut le faire si l'intérêt public le dicte et que cette inclusion est très limitée et assortie d'un objectif précis.

S'il s'agissait de transférer au gouvernement fédéral toutes les questions de capacité, ma réponse serait très différente. Mais s'il s'agit d'établir un programme fédéral semblable aux autres programmes comme les REER, les REEE, les FERR, et cetera — s'il s'agit d'appuyer une norme d'équité nationale —, alors il est justifié de mettre en œuvre une solution nationale dans ce domaine limité.

Le sénateur Black : Quelqu'un d'autre voudrait-il ajouter quelque chose?

Mme Gamage : Je peux parler du point de vue de mes clients; il ne s'agit donc pas d'un argument constitutionnel, mais du point de vue pratique de mes clients et de leur expérience. Ils se déplacent de plus en plus, même si beaucoup de mes clients vieillissent et perdent leur mobilité. Les Canadiens en général et leurs proches se déplacent de plus en plus. Alors, les enfants des personnes âgées se retrouvent un peu partout au pays, et il y a tous ces différents régimes pour la prise de décisions au nom d'autrui.

Bien que ma pratique se concentre sur le droit de la prise de décision au nom d'autrui, même moi, je ne connais pas tous les régimes à l'extérieur de l'Ontario. Je les connais un peu, mais je ne peux pas fournir de conseils juridiques à un membre de la fratrie de mon client de l'Ontario, membre qui se trouve en Alberta, sur les mesures qu'ils devraient prendre pour leur mère qui habite à Terre-Neuve.

Alors il s'agit de toute une courtepointe. Du point de vue de mes clients, je peux voir l'avantage d'une solution nationale à ce problème précis.

M. Desmarais : Sans ouvrir la boîte de Pandore qu'est le droit constitutionnel, les REEI sont assujettis à la Loi sur l'impôt sur le revenu. C'est un aspect du crédit d'impôt pour les personnes handicapées, et il y a peut-être une façon de « contourner » — et j'utilise le terme au sens large — chaque compétence relativement à la capacité. Nous pourrions donc peut-être élaborer un critère ou une définition de capacité aux fins d'un REEI et l'insérer dans la Loi sur l'impôt sur le revenu.

Ainsi, on n'empiète pas sur les compétences; on limite le tout à la Loi fédérale sur l'impôt sur le revenu. Je conseille des clients qui veulent offrir une sécurité financière au moyen du REEI, mais qui ne savent pas où se tourner. Voilà peut-être une solution.

M. Dodek : Il est important pour la Commission du droit de l'Ontario d'apporter une précision — la question de la constitutionnalité ne serait pas dans la portée de notre projet. En vertu de notre mandat, nous nous limitons à l'Ontario et au droit de l'Ontario, et c'est le gouvernement de l'Ontario, sous réserve de sa compétence constitutionnelle, qui nous a demandé de présenter les recommandations sur le meilleur programme dans ce domaine.

Le sénateur Black : À supposer que nous puissions régler les questions constitutionnelles — et c'était là une suggestion très intelligente et d'excellentes observations —, il s'agit maintenant de trouver la bonne façon, comme vous l'avez souligné à juste titre, de trouver un équilibre entre l'accès et les possibilités d'abus.

Alors, l'Ontario est le centre du Canada. Il y a neuf options, et vous n'avez pas dit laquelle vous préférez, mais d'après vous, quel serait le meilleur mécanisme? Oubliez les caméras et les microphones.

Mme Mason-Case : Malheureusement, je ne crois pas que nous puissions oublier les caméras et les microphones. Et ce n'est pas seulement une question de caméras et de micros, mais il ne faut pas prendre de décisions prématurées.

Le sénateur Black : Je respecte cela.

Mme Mason-Case : Nous en sommes actuellement à l'étape des consultations. Nous consulterons neuf groupes de discussions différents, dont cinq regrouperont des adultes atteints ayant un handicap mental et leurs familles. Nous voulons donc entendre ce qu'ils aimeraient comme processus.

Nous consultons également les institutions financières pour connaître leurs opinions surtout sur la question de responsabilité et de recours à un représentant juridique, de même que le gouvernement provincial et les organisations communautaires et de défense des droits. Alors, il s'agirait d'élaborer une position théorique afin de choisir la meilleure option dans l'immédiat.

Le sénateur Black : J'ai essayé.

Est-ce le 14 juin que votre rapport sera publié?

Mme Mason-Case : Oui.

[Français]

La vice-présidente : J'aimerais m'assurer que nous nous comprenions bien. La semaine dernière, une personne aveugle a comparu. Les gens qui sont aveugles ne sont pas nécessairement des personnes incapables mentalement.

Aujourd'hui, il me semble qu'on a traité strictement des personnes qui n'avaient pas la capacité mentale. Il faut penser que le programme existe pour toutes les personnes dont les capacités sont définies plus ou moins dans la loi, mais si vous avez d'autres commentaires concernant d'autres types d'incapacités, je vous invite à nous en faire part.

Si on dit qu'il y en a 500 000, il y a un certain pourcentage qui comprend des handicapés mentaux et un pourcentage qui comprend des handicapés physiques.

Je veux juste clarifier cette question parce qu'on s'adresse à un groupe encore plus petit que strictement toutes les personnes qui pourraient être atteintes d'un handicap.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : J'abonde dans le sens du sénateur Black; vos exposés ont été très édifiants. Nous en venons enfin au fond de la question. Malheureusement, tout semble si fragmentaire, qu'il nous faudra la sagesse de Salomon pour y parvenir.

Selon vous, serait-il exact de dire que la plupart des personnes qui profitent de cet avantage jouissent du soutien de leur famille, ou encore d'un système d'appui auquel elles peuvent faire confiance?

Selon votre expérience, diriez-vous que la majorité de ceux qui profitent du programme sont épaulés par un groupe de soutien?

Mme Tamblyn Watts : Merci, sénateur. Nous avons eu l'occasion de poser ce type de question dans le cadre des projets de recherche que nous venons de mener à terme. En tant que chercheuse, je tiens à préciser que je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter avec tous les intervenants du domaine; j'ai néanmoins pu en parler avec des intervenants clés. C'est effectivement le cas; les personnes qui se prévalent d'un REEI jouissent, en grande majorité, de l'appui d'un groupe de soutien. En outre, il s'agit principalement de personnes de classe moyenne. En ce qui concerne le vieillissement, les différentes étapes de la vie posent problème. Les REEI sont-ils établis à un âge approprié? Les personnes atteintes de troubles cognitifs résultant d'une prédisposition génétique ont parfois une espérance de vie beaucoup plus courte que les autres, et leur vieillissement se fait beaucoup plus rapidement. À titre d'exemple, l'âge génétique d'une personne de 50 ans qui vit avec le syndrome de Down est de 83 ans; à 40 ans, cette même personne est plus à risque de souffrir d'un début de démence.

C'est pourquoi nous étudions, d'une part, la corrélation entre le taux de participation et l'existence de groupes de soutien — l'expérience du Centre canadien d'études sur le droit des aînés et du British Columbia Law Institute — mais également dans certaines périodes de la vie, plutôt que tout au long de la vie, comme on pourrait s'y attendre.

Le sénateur Campbell : Comment aider ceux qui n'ont pas ce type d'appui, ou encore ceux dont le handicap les rend incapables de s'occuper de ces questions. Je trouve qu'il y a beaucoup d'obstacles. Selon moi, on devrait simplement reconnaître qu'ils n'en ont pas la capacité. Ce n'est pas de leur faute; ce n'est que la réalité. On semble leur mettre des bâtons dans les roues au lieu d'admettre qu'ils n'en ont clairement pas la capacité, qu'un jour ces personnes auront 50 ans et que leurs parents seront décédés. Que faire alors? Il existe une série d'obstacles; on devrait plutôt dire : « C'est vrai, cette personne n'en a pas la capacité. En tant que parents, allez-y, établissez un REEI. » Comment y parvenir? Je ne sais pas. Il s'agit de questions constitutionnelles. Mais qu'en est-il des personnes que nous tentons d'aider? Je crois bien que le gouvernement fédéral peut y parvenir, mais comment faire avancer ce dossier?

Mme Tamblyn Watts : On a peut-être déjà fait part au comité de cette suggestion qui a définitivement déjà été formulée lors des examens précédents du REEI. Il s'agit de la création automatique. Lorsqu'une personne se prévaudrait de certaines prestations d'invalidité, il y aurait création automatique d'un REEI, et le gouvernement y ferait directement des versements. Si la personne peut y ajouter des fonds, tant mieux, et cela pourrait varier tout au long de la vie en fonction des ressources financières. Si vous cherchez une approche directe, il s'agirait là d'un bon système : le gouvernement pourrait établir le REEI de manière automatisée, et y verser des fonds.

Mme Gamage : Selon moi, les campagnes d'information constituent l'autre aspect clé, lorsqu'il s'agit de personnes qui n'ont pas de réseau de soutien. L'initiative d'établir un REEI pour un proche handicapé est, dans la plupart des cas, prise par ce réseau de soutien. Il est plus rare que les personnes handicapées s'en occupent elles-mêmes. Lorsqu'il s'agit — et je remercie la présidente de ses commentaires à cet égard — de personnes atteintes d'un handicap psychiatrique ou développemental, il est encore plus rare qu'elles rencontrent leur conseiller financier et que ce dernier leur demande si elles ont entendu parler des REEI. En l'absence de groupe de soutien, comment en entendront-elles parler? Pour ce qui est des solutions, je ne suis pas non plus en position de préconiser une des neuf options dont nous discutons.

Cette solution devrait comprendre la mise sur pied d'une espèce d'organisme ou d'agence qui aurait la responsabilité d'aider, d'appuyer les personnes qui n'ont pas d'autre soutien, de mener des campagnes d'information et de sensibilisation auprès des personnes handicapées, mais également de leur représentant juridique, afin d'y inclure l'aspect éducatif, ce qui permettrait en outre de réduire les risques d'abus dont j'ai parlé tout à l'heure.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'aimerais poser une question supplémentaire. J'aurais aimé qu'on précise davantage l'hypothèse que vous venez de formuler, à savoir que le gouvernement fédéral devrait avoir une espèce de pro forma. Je suis nouvellement membre de ce comité, alors je suis comme le cheveu sur la soupe et je n'ai peut-être pas toute l'information nécessaire pour comprendre. Mais vous venez de dire quelque chose d'intéressant et j'aurais aimé en savoir un peu plus sur l'aspect concret de cette idée que vous venez d'apporter.

Mme Tamblyn Watts : Merci pour la question.

[Traduction]

Au sein du système fédéral, nous avons la possibilité d'être créatifs, en liant l'ouverture d'un REEI à l'obtention de certaines prestations d'invalidité, sans que la personne ne soit pénalisée, et en éliminant le problème soulevé plutôt par ma collègue, à savoir les cas où l'obtention d'un type de prestation en fait perdre un autre. J'admets ne pas être experte ni en sécurité du revenu ni en prestations complexes, mais je me réjouis de l'occasion de pouvoir m'y intéresser. Selon moi, le modèle australien ainsi que certains modèles néo-zélandais pourraient nous donner des idées, surtout dans le domaine de la gestion des invalidités, mais également de manière plus générale pour ce qui est de l'ouverture automatique d'autres comptes. Si l'objectif du gouvernement fédéral est de fournir, ce qui selon moi, constitue un avantage très utile et généreux aux personnes qui en ont besoin, avantage qui leur permet en outre d'acquérir de l'indépendance et de la dignité, alors il existe de nombreux mécanismes qui permettent à une personne handicapée — atteinte d'un handicap mental, d'une déficience cognitive, intellectuelle, psychosociale — de se prévaloir de certains avantages. L'infrastructure existe. Je serais heureuse d'avoir la possibilité de me pencher davantage sur cette option et d'en faire rapport ultérieurement au comité.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Vous parlez donc d'un programme universel pour les personnes souffrant d'un handicap et qui pourrait être intégré à des programmes d'aide existants au niveau provincial. On aurait alors un système universel, un compte, où peut-être les parents pourraient en ajouter, si j'ai bien compris. Il y aurait donc une allocation universelle du gouvernement fédéral dans un compte. Les détails sont à penser; c'est de cette idée dont vous parlez. Je trouve cela intéressant.

Mme Tamblyn Watts : Oui, c'est exact.

[Traduction]

Le sénateur Black : Merci beaucoup de nous offrir d'étudier la question plus en profondeur. J'allais vous demander — et vous y avez également fait allusion — si d'autres gouvernements s'étaient penchés sur la question. Il nous serait fort utile de savoir ce que vous pensez des mesures prises par d'autres pays afin de régler la question à l'échelon national.

Mme Tamblyn Watts : Je le ferai avec plaisir, sénateur, merci de cette recommandation.

J'aimerais plus particulièrement attirer votre attention — et je pourrai vous faire parvenir des renseignements additionnels à cet égard — sur l'excellent travail du Mental Disability Advocacy Centre, le MDAC, organisation hongroise qui jouit d'un statut au sein de l'Union européenne. Le centre participe à l'élaboration de stratégies de défense des droits et de soutien à l'échelle internationale. Je pourrai également fournir au comité des renseignements au sujet des modèles européens.

Le sénateur Black : Ce serait très utile; merci beaucoup.

La sénatrice Ringuette : Je tiens à répéter ce qu'ont dit mes collègues : l'éminent groupe de témoins que nous entendons aujourd'hui nous permet d'aller au fond des choses.

On peut mettre en place un mécanisme de création automatique de compte, mais cela ne règle pas la question de l'octroi de la tutelle et de la responsabilité du compte. Comment entrevoyez-vous l'administration de la création automatique d'un compte à l'échelle nationale? Je ne crois pas qu'il y ait de problème majeur de ce côté-là, mais la question de la tutelle ou de la responsabilité de la gestion du compte est une autre paire de manches. Là est la question. Comment élaborer une politique nationale liée au programme qui permettrait, à la fois, de créer le compte et d'en désigner la tutelle?

Mme Tamblyn Watts : Notre merveilleux système de partage des pouvoirs permet au gouvernement fédéral, en plus de légiférer dans ses secteurs de compétences, de faire de légères incursions dans ceux des autres. Selon moi, les provinces et les territoires devraient en déterminer les modalités. Cela permettrait d'apporter les modifications nécessaires aux lois provinciales et territoriales. Je tiens à souligner l'accessibilité du modèle mis en place en Colombie- Britannique qui comprend, entre autres, une liste de « personnes de confiance » et des notions de « capacité fonctionnelle ». Mais ce n'est pas à moi de dire aux provinces et aux territoires comment légiférer en matière de tutelle, de prise de décisions au nom d'autrui, d'appui en ce qui concerne la prise de décisions, de prise de décisions assistée et de prise de décisions conjointe.

À mon avis, si les comptes étaient établis en fonction des politiques et des règlements fédéraux, il pourrait incomber aux provinces de veiller à ce que tout se fasse dans le respect de ces lois. Je tiens à souligner le caractère plus accessible du modèle en place en Colombie-Britannique.

La sénatrice Ringuette : Vous avez pourtant dit que le modèle britanno-colombien était bien beau en théorie, mais qu'on desservait une clientèle restreinte et que le taux de participation était faible.

Je comprends fort bien l'avantage d'instaurer un mécanisme de création automatique de REEI. On s'occuperait ainsi de la clientèle dont la surveillance relève des organisations gouvernementales, entre autres, et qui ignore l'existence du programme. Par contre, cela ne réglerait pas la question de la tutelle. La tutelle est un secteur de compétence provinciale, et la loi est différente d'un endroit à l'autre. Vous avez fait allusion aux modèles australien et néo-zélandais. Pourrions-nous nous inspirer de leur politique en matière de tutelle? J'en demande peut-être trop, mais quel serait le taux de participation à de tels comptes en Australie et en Nouvelle-Zélande? Madame la présidente, les exposés d'aujourd'hui nous amènent à poser une nouvelle série de questions. Nous voulons nous assurer que ce programme fonctionne pour tous ceux qui pourraient s'en prévaloir, pas seulement pour une minorité.

Mme Tamblyn Watts : Je répondrai à votre question en trois temps.

Je vais d'abord vous parler des campagnes d'information et de sensibilisation et des raisons qui expliquent le faible taux de participation, en Colombie-Britannique, au modèle de prise de décisions assistée et de prise de décisions au nom d'autrui. J'aborderai ensuite la première solution qui est la question constitutionnelle, puis la deuxième solution, soit celle qui consiste, en quelque sorte, à tout laisser entre les mains des provinces et des territoires.

Je pourrais littéralement passer mes journées, au travail et dans ma vie privée, à parler de la prise de décisions au nom d'autrui, mais ça ne sera jamais suffisant. Je constate une soif de connaissances dans le domaine qui n'a pas encore été étanchée. Comme l'ont indiqué mes collègues, on remarque un intérêt accru parmi le petit groupe de personnes qui tentent d'établir des REEI et de concilier les notions de consentement et de prises de décisions assistées ou de prises de décisions au nom d'autrui; de plus, comme l'a si bien souligné le sénateur Campbell, la question des avantages qui y sont associés est très complexe. Selon moi, là où de réels efforts de communication avec les collectivités, les professionnels et le gouvernement ont été déployés, les gens étaient mieux informés et les taux de participation ont augmenté.

Par contre, lorsqu'il y a une diminution des activités de mobilisation, le programme est méconnu. Nous l'avons constaté en Colombie-Britannique dans le cadre des efforts de communication suite à l'adoption de la nouvelle loi. Même chose en Ontario, où mes collègues ont insisté sur l'importance de mener des campagnes d'information et de sensibilisation lors de l'adoption de la Loi sur la prise de décisions au nom d'autrui. Un exemple plus récent est celui de l'Alberta, dans le cadre de la révision de la législation.

Les experts que nous avons interrogés ont tous dit que lorsque les ressources venaient à manquer, ou encore en l'absence d'une organisation qui s'occupe des campagnes d'information et de la mobilisation des collectivités, le message ne passait pas. Je ne pourrai jamais insister suffisamment sur l'importance d'informer les gens au sujet de la prise de décisions, du consentement et de la capacité; et nous disposons des outils pour le faire. C'est une question de volonté et de financement. Nous savons comment faire passer le message, encore faut-il en avoir les moyens. C'est une démarche qu'il nous tarde de mettre en branle au sein des collectivités des quatre coins du pays.

Je dirais que, dans le cas plus précis de la convention de représentation — la prise de décisions assistée — deux types de prise de décisions sont possibles. Dans certains cas, on a recours à la prise de décisions assistée : la personne concernée demande à quelqu'un de l'aider, mais elle agit en tant que décideur et peut prendre une décision de manière autonome; dans d'autres cas, on désigne quelqu'un d'autre, et il s'agit d'une approche plus conventionnelle. On peut également passer d'un type de prise de décisions à l'autre, ce qui fonctionne bien chez les personnes dont le degré de capacités fluctue.

C'est un concept qui est encore relativement méconnu, autour duquel il n'y a pas encore suffisamment de formation. Il s'agit, selon moi, du modèle de l'avenir, puisqu'il est si fortement appuyé par l'article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Le Canada, qui a signé et ratifié la convention, se trouve maintenant aux prises avec la modernisation de la loi. Mes collègues de la Commission du droit de l'Ontario s'intéressent à la question des différents modèles de prise de décisions et font un excellent travail. Le fait est que nous savons comment informer et sensibiliser les gens. Certains des enjeux sont nouveaux. Si la mobilisation était solide, nombreux seraient ceux qui y adhéreraient.

Passons maintenant à la seconde partie de ma réponse, soit l'aspect constitutionnel. La question est la suivante : si le gouvernement fédéral instaure un mécanisme de création de comptes automatisés, comment déterminer de qui il relève? C'est une question de fonctionnement. Une des possibilités serait de mettre sur pied, comme mes collègues l'ont évoqué, un organisme particulier d'appui, de surveillance ou de soutien. Il existe divers modèles dont nous pourrions nous inspirer et qui ne serviraient qu'aux fins du REEI. Mes collègues de la Commission du droit de l'Ontario ont étudié d'autres exemples dans le cadre du contexte ontarien, ce qui est fort utile. Il serait possible d'en élaborer une ébauche. Cela ne servirait qu'aux fins du REEI.

Pour ce qui est de la deuxième option, soit le modèle où on laisse tout entre les mains des provinces, je soumettrai respectueusement que le problème relève des provinces. Nous nous débattons, car nous aimerions trouver une solution globale. Je dirais que la mobilisation des provinces est inégale, mais grâce à une intensification des campagnes d'information et de sensibilisation, les gens seront de mieux en mieux informés et réclameront l'avènement de solutions stratégiques. Ça ne fait pas partie du mandat du comité; il ne nous reste qu'à miser sur une coopération fructueuse avec nos homologues des provinces et territoires. Ça ne sera pas facile, madame la sénatrice, mais il s'agit là d'une autre solution.

La sénatrice Ringuette : Je sais que nous vous en demandons beaucoup, mais seriez-vous en mesure de nous fournir un libellé qui pourrait servir de politique, faire partie du programme de REEI et de sa création? Je n'entrevois aucun problème au chapitre de la mise en place du système; selon moi, les provinces devraient pouvoir fournir des listes de noms sans déroger à la Loi sur la protection des renseignements personnels. On aurait la liste de tous ceux qui sont reconnus par la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada au titre du crédit d'impôt pour personnes handicapées; il s'agit là de la plupart des personnes concernées. Des suggestions quant au libellé du texte utilisé pour le cadre ainsi qu'au type de « tutelle », si le mot est approprié, nous seraient fort utiles.

Mme Tamblyn Watts : Sachez, madame la sénatrice, que la rencontre annuelle de la Federation of Law Reform Agencies of Canada se tiendra sous peu. Si le comité le désire, je peux porter la question à l'ordre du jour, afin de recueillir leurs commentaires. Je crois que la réunion aura lieu la semaine prochaine.

[Français]

La vice-présidente : C'est une excellente idée et je suis sûre que vous ferez rapport de votre rencontre. Certains collègues et moi-même sommes du Québec. Je connais les programmes du Québec; la Régie des rentes du Québec administre les rentes d'invalidité au Québec. On ne peut pas être un peu, moyennement ou très invalides. On l'est ou on ne l'est pas, et il est déjà déterminé des bénéfices financiers assez importants. Je ne vois donc pas pourquoi on a mis autant de barrières, que ce soit les banques ou tout le monde, alors que la personne est déjà déterminée invalide.

De plus, la personne invalide qui a des problèmes mentaux a déjà quelqu'un qui administre ses affaires; il y a des curateurs et toutes sortes d'institutions. Je pense qu'on doit commencer par examiner des solutions grâce auxquelles on n'invente pas une autre organisation ou d'autres fonctions, mais que nous devons plutôt faciliter et surtout enlever les barrières qui ne servent à rien.

Des spécialistes ont déjà déterminé que telle personne est invalide et il s'agit d'ajouter à la pension ou à l'aide; il y a des gens adultes qui n'ont personne et qui ont des problèmes mentaux, mais il y a quelqu'un qui gère ces gens. À part ceux qui sont dans la rue pour lesquels c'est moins bien géré, je dois le dire. Mais pour ceux qui ont déjà un encadrement, je pense que ces gens remplissent déjà toutes les conditions pour faire partie de ce programme.

Ce qui est étonnant, c'est qu'on recommence tout le processus et que tout le monde met des freins à leur accès alors qu'ils devraient automatiquement avoir droit au programme à l'instant où ils sont déterminés invalides. C'est une démarche de simplification qu'on vous demande.

Lorsque vous consulterez vos gens la semaine prochaine, pourriez-vous en arriver à une solution pratique qui s'applique en conjonction avec des programmes existants?

En Ontario, il y a aussi une organisation qui gère les gens qui sont déjà handicapés et à qui vous donnez déjà des prestations; en fait, vous leur permettez de vivre la vie de tous les jours.

Je pense que ce qu'on attend des gens du secteur, c'est de nous donner une façon de faciliter l'accès aux prestations et également de moduler cet accès afin que cela s'applique — vous avez parlé des gens aux prises avec le syndrome de Down — en fonction des handicaps des personnes.

Si on veut avoir une réponse claire, ça prend une question claire, surtout quand on rencontre des spécialistes comme vous allez le faire. Si c'est dans ces termes, vous allez nous permettre de faire une recommandation au gouvernement visant à ne pas ajouter d'autres mesures, mais plutôt à simplifier celles en place. Peut-être peut-on en enlever aussi. Si une province a décidé qu'une personne était handicapée, je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral n'en ferait pas autant; je pense que c'est la même personne. On essaie de prendre toutes sortes de chemin, mais le principe de l'universalité aussi s'applique. Les provinces ne prennent pas toutes le même chemin pour arriver à déterminer que ces personnes sont handicapées, mais on devrait être en mesure, avec la province qui a son propre programme et ses mécanismes originaux, de travailler dans le même sens que proposé au début du projet entrepris avec les provinces.

Sénateur Tkachuk, je vous donne la parole.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Je crois vous avoir entendu dire qu'il y avait environ 500 000 personnes admissibles au REEI au Canada. Combien d'entre elles auraient besoin d'en établir un et seraient considérés comme n'ayant pas la capacité mentale de prendre ce type de décision? Voilà où réside le problème, n'est-ce pas?

Mme Gamage : Votre question est très pertinente, sénateur, mais je ne crois pas que nous disposions de chiffres exacts, ou même de pourcentage.

Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous les obtenir?

Mme Gamage : Oui, très bon point.

Nous ne discutons pas aujourd'hui des 500 000 personnes qui sont admissibles à un REEI; nous nous intéressons plutôt à un petit sous-groupe. Et ce sous-groupe comprend un autre sous-groupe encore plus petit, car parmi les personnes qui n'ont pas de représentants juridiques, certaines peuvent avoir la capacité mentale nécessaire pour certaines choses, mais pas d'autres. Le concept d'incapacité n'est pas global; une personne incapable d'accomplir certaines choses peut être capable d'en accomplir d'autres.

À titre d'exemple, une personne peut être capable d'octroyer une procuration, mais incapable de gérer ses avoirs. En Ontario, la Loi sur la prise de décisions au nom d'autrui prévoit un critère distinct pour chacun de ces cas.

Lorsque vous demandez de qui nous parlons aujourd'hui, il ne s'agit pas en fait du sous-groupe de personnes ayant un handicap intellectuel, il s'agit plus précisément du groupe encore plus restreint composé de ceux qui n'ont pas la capacité de conclure un contrat avec l'institution financière afin d'établir un REEI.

J'aimerais également revenir sur ce qu'a dit la présidente. Elle a invoqué la possibilité de simplifier la question au lieu de la complexifier, d'y ajouter des couches. Qui voudrait rendre la Loi de l'impôt sur le revenu encore plus compliquée? Elle l'est déjà bien suffisamment.

Pour en revenir à ce que j'ai dit plus tôt, je ne rendrais pas service à mes clients si j'omettais de marteler ce point : plus le processus sera simple, plus on risquera d'en abuser.

Vous parlez d'exclure la tutelle de la question. Le processus de tutelle intègre une série de mesures de protection : lorsqu'une personne présente une demande afin d'être désignée en tant que tuteur, le tribunal procède à des vérifications. À l'instar de l'Ontario, les vérifications se font dans plusieurs provinces par le Bureau du Tuteur et curateur public.

Tous les membres de la famille immédiate de la personne handicapée doivent soumettre leur demande à ce bureau. De nombreuses personnes examinent la demande et l'approuvent en amont. Personne ne peut être nommé sans passer par tout ce processus.

M. Desmarais : Selon moi, on s'est inspiré d'autres plans enregistrés lors de la mise sur pied du REEI, notamment du régime enregistré d'épargne-retraite. J'aimerais attirer votre attention sur le régime enregistré d'épargne-études, qui cible les jeunes enfants. Pendant que l'enfant est aux études, les parents tentent de financer son éducation. Le plan est établi au profit du bénéficiaire, soit l'enfant. Nous ne demandons pas aux parents de transférer le compte. Ces plans ne sont pas surveillés de près. Je crois que nous devrions faire preuve de la même souplesse dans le cas du REEI que dans le cas des REEE. Ces derniers servent à financer l'éducation d'un enfant. Les REEI, pour leur part, servent à assurer la sécurité financière de la personne handicapée.

Mme Gamage : J'aimerais souligner une importante différence entre les deux. Dans le cas du REEE, l'argent versé n'appartient pas à l'enfant. Par contre, dans le cas du REEI, il s'agit de l'argent du bénéficiaire. On ne peut pas éliminer les mesures de protection et calquer le processus sur celui des REEI, car il ne s'agit pas de l'argent des parents.

Le sénateur Tkachuk : Vous n'avez pas parlé d'adopter le même mode de fonctionnement, mais plutôt d'en adopter un semblable.

M. Desmarais : Exactement. Je suis tout à fait d'accord avec ma collègue, les mesures de protection sont absolument nécessaires. Mais on a utilisé d'autres régimes enregistrés d'épargne en tant que modèle lors de la mise sur pied du REEI, et cela pourrait constituer une bonne piste de réflexion. J'abonde dans le sens de mes collègues : il faut absolument que des mesures de protection soient en place afin de protéger le bénéficiaire.

Le sénateur Tkachuk : Je vais revenir sur ce chiffre, ce nombre restreint de personnes concernées. Si vous avez quelque chose à ajouter à cet égard, allez-y, car j'aimerais pouvoir passer à une autre question.

Mme Tamblyn Watts : Sénateur, j'ajouterais brièvement que le Planned Lifetime Advocacy Network, de concert avec un autre regroupement d'organisations importantes qui se penchent sur la question des personnes handicapées, a mené deux études à l'échelle nationale. Les commentaires de 1 200 personnes ont été recueillis dans le cadre de l'une de ces études nationales, ce qui en fait une cohorte appropriée. Selon cette étude, au moins 10 p. 100 des personnes handicapées ont évoqué un problème de capacité comme étant la raison principale pour laquelle elles n'ont pas de REEI. Je comprends bien que cela ne répond pas totalement à votre question.

Le sénateur Tkachuk : C'est quand même un bon élément de réponse.

Mme Tamblyn Watts : Sénateur, je pourrai fournir au comité une copie de ces deux études nationales.

Le dernier point que je voulais aborder est celui du mécanisme qui serait mis en place dans le cas où l'on opterait pour la solution constitutionnelle. Je soumets respectueusement qu'il faudrait élargir la définition de personnes admissibles en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il existe déjà des recommandations à cet égard. Je peux également transmettre ces renseignements au comité. Nombre d'organisations clés se sont déjà exprimées au sujet de la notion de « personne admissible ». Le modèle s'articule autour de la notion de capacité accessible et comprend des mécanismes de surveillance et de protection. Il s'inspire du modèle britanno-colombien, mais l'inclut dans la définition de « personne admissible », définition qui existe déjà en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est pourquoi, selon moi, nous pourrions avoir recours à ce mécanisme.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais poser une autre question.

Madame Mason-Case, vous avez parlé du travail que vous faites et d'autres possibilités en matière de tutelle. Qu'entendez-vous par là? Cela peut-il inclure un groupe religieux? Y a-t-il des gens qui tentent d'être admissibles? J'aurais tendance à penser que si j'avais un enfant handicapé, les gens en qui j'aurais confiance seraient les membres de mon église, par exemple, pour administrer la fiducie si mon épouse et moi décédions. S'agit-il là des possibilités que vous envisagez?

Mme Mason-Case : Nous avons envisagé cette possibilité, effectivement. Nous avons examiné la question de savoir si des organisations communautaires, plus particulièrement des organisations sans but lucratif, pouvaient agir à titre de représentant d'adultes qui n'ont pas accès à une personne de confiance comme un membre de la famille ou un ami, mais qui souhaitent avoir recours au système de tutelle en se faisant représenter par le tuteur et curateur public.

Nous avons entendu des opinions mitigées à ce sujet. Le fait de désigner une organisation communautaire est un peu plus complexe que de désigner un particulier. Cela a trait à des questions de reddition de comptes de l'organisation et de la façon de sélectionner une organisation adéquate, de même qu'au fait qu'un représentant de l'organisation puisse avoir le droit de conclure une transaction avec une institution financière car l'organisation communautaire ne peut le faire à ce titre. Seul un particulier peut conclure un contrat avec une institution financière.

Le sénateur Tkachuk : Cela va être davantage problématique, s'il n'y a pas de familles. Il y a des parents sans enfants ou des parents avec un seul enfant. Il est très possible que l'enfant décède avant les parents. S'il ne reste qu'un seul parent et que l'autre est atteint de démence, que va-t-il se passer? Qui va s'occuper de ces gens? Qui va s'occuper de prendre toutes leurs décisions?

J'ai une question supplémentaire, monsieur le président. Je suis quelque peu préoccupé; on ne veut pas entrer dans les questions constitutionnelles. Ce qu'il y a avec les provinces et le gouvernement fédéral, c'est qu'il est toujours plus facile de proposer une solution fédérale, mais j'aime bien la solution de Pearson et de Diefenbaker. Si l'on incitait les provinces à légiférer, cela nous offrirait une plus large gamme de possibilités. Vous avez le modèle de la Colombie- Britannique. Que se passerait-il si le gouvernement fédéral disait : « Voici le genre de subvention ou d'aide financière auxquelles vous seriez admissibles pour vous occuper de ces gens car il faut qu'on s'en occupe? » J'ai déjà travaillé au sein d'un gouvernement provincial. Ils aiment tous recevoir de l'argent. C'est le plus grand incitatif parmi tous. Le gouvernement fédéral pourrait adopter une loi qui prévoit que si les provinces allaient dans cette voie en légiférant, elles obtiendraient des fonds. Je ne sais pas, mais il me semble qu'il y a certainement une façon d'y parvenir en évitant toutes les tracasseries constitutionnelles qu'entraînerait ce geste. Il faudrait alors avoir recours aux tribunaux, et le Québec ne serait pas d'accord. Cela se solderait par un désastre.

La vice-présidente : Ils ne sont jamais d'accord.

Le sénateur Tkachuk : Exactement, cela ne verra donc jamais le jour. Il faut qu'on s'arrange pour que les provinces le fassent elles-mêmes. Je me demande si les têtes pensantes de votre organisation pourraient nous faire part de leurs idées sur la façon dont on pourrait encourager les provinces à adopter une loi qui permettrait de résoudre ce problème. C'est ma dernière question.

La vice-présidente : Sénateur Campbell, vous souhaitiez ajouter quelque chose?

Le sénateur Tkachuk : Peut-être qu'ils ont des commentaires à faire. Je ne sais pas si c'est le cas, mais c'est possible.

Mme Gamage : Je dirais qu'il serait certainement utile aux provinces de recevoir un message du gouvernement fédéral dans lequel il expose les préoccupations entourant le problème et les solutions possibles. S'il doit incomber aux provinces de s'occuper de la gestion de cela, s'il est possible de régler plus facilement la question de l'accessibilité dans le cadre de la Loi de l'impôt sur le revenu, eh bien c'est fantastique. C'est un énorme obstacle à surmonter. Ensuite, si la question de la gestion continue doit être laissée aux provinces, il serait certainement utile de leur envoyer un message uniforme indiquant le problème à régler et proposant certaines solutions.

Le sénateur Tkachuk : Un modèle.

Mme Gamage : Voici un modèle. Voici les préoccupations que nous avons entendues et voici les préoccupations auxquelles vous devez répondre.

[Français]

Le sénateur Rivard : M. Desmarais a répondu de façon partielle à la question de mon collègue. On a fait des comparaisons avec les régimes enregistrés d'épargne-études où il y a contribution du parent, et on sait que le fédéral ajoute une subvention annuelle et qu'au Québec, la province en ajoute aussi.

Dans le cas des REER, c'est de l'impôt reporté. L'impôt qu'on ne paie pas durant l'année est reporté à plus tard, au moment de la retraite. Le CELI connait un succès incroyable. Environ 8 millions de Canadiens ont déjà au moins un CELI.

Alors pourquoi la popularité du REEI n'est-elle pas aussi grande? Vous parlez de 70 000 sur une possibilité de 500 000. Est-ce à cause des conditions d'admissibilité ou d'une méconnaissance de la part des citoyens qui ne savent pas que le programme existe et qui n'en connaissent pas le contenu?

J'aimerais ouvrir une autre parenthèse. On a reçu les banquiers il y a quelques semaines. À la question que j'ai posée : qu'est-ce qu'on peut faire pour mieux faire connaître le programme? Ils ont répondu qu'ils ne reçoivent pas de Statistique Canada les noms des personnes handicapées et que l'Agence du revenu du Canada ne publie pas les noms.

Premièrement, pourquoi n'est-ce pas plus populaire? Deuxièmement, avez-vous des suggestions pour que les gens connaissent mieux le programme?

M. Desmarais : Merci. Je pense que vous frappez sur le clou du problème, c'est-à-dire qu'il y a un manque de connaissance du programme et de sa disponibilité. S'enregistrer au programme peut paraître complexe pour certaines personnes. Les parents doivent faire demande pour recevoir le certificat d'invalidité, premier critère. Il faut savoir qu'il y a certaines conditions à respecter aussi.

Pour certains, cela peut être décourageant. Il y a aussi une partie de la responsabilité qui revient à certains professionnels : des conseillers financiers, des avocats et ceux qui assistent les personnes invalides. Ils ont un rôle à jouer pour faire la promotion du programme et offrir de l'information sur le programme. Ma collègue et moi nous spécialisons en succession. Nos firmes s'occupent également de dossiers sur les blessures corporelles. Les clients doivent être mis au courant de la disponibilité de ce programme, parce que les bienfaits du programme sont importants. Les contributions du gouvernement sont plus qu'importantes. Cela peut aller jusqu'à 300 p. 100, ce qui est presque impossible à recevoir en retour dans n'importe quel autre investissement.

Ce sont des qualités qui font en sorte qu'une plus grande promotion et une plus grande connaissance, tant de la part des professionnels que des gens impliqués, permettra de soutenir définitivement le programme, car il y a possibilité d'aider grandement les gens.

Le sénateur Rivard : Comment les banquiers ou ceux qui mettent cela en banque peuvent-ils trouver leurs clients? Avec des dépliants aux comptoirs des banques? Dans certaines provinces, il existe des associations de personnes handicapées que l'on peut rejoindre, mais la question est de savoir comment les rejoindre.

M. Desmarais : Oui. Il y a deux points là-dessus. Premièrement, pour être admissible au crédit d'invalidité selon la Loi de l'impôt sur le revenu, il faut faire une demande. Cela pourrait être le point de départ. Toute personne qui réclame le crédit d'impôt est automatiquement admissible. C'est peut-être là le point de départ pour la promotion.

La Loi de l'impôt sur le revenu est précise. C'est l'article 118.3 qui gère ce point. Toute personne admissible au crédit d'impôt l'est automatiquement au régime d'épargne-invalidité. Ce sont ces personnes qu'on doit viser en premier. C'est le point de départ.

La sénatrice Bellemare : On devrait avoir un portrait financier, ce n'est peut-être pas possible de le faire, de l'état des revenus des personnes invalides à l'âge adulte — on parle éventuellement de 500 000 personnes, ce qui inclut les enfants, j'imagine — simplement pour voir à quel type de personne on essaie d'offrir un produit. Ce genre d'information est-il disponible?

[Traduction]

M. Desmarais : Le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées est inflexible sur le revenu. Si vous voulez un point de départ en Ontario, une personne qui bénéficie du POSPH peut obtenir, si ma mémoire est bonne, 6 000 $ de revenus annuels. Bien sûr, le POSPH fournit de l'aide financière à ces gens, mais ils vivent avec un revenu annuel minimal. C'est exactement la raison pour laquelle, selon moi, le fait que le REEI soit un actif exonéré leur permet de s'assurer une sécurité financière à plus long terme à l'avenir. Pour le POSPH, les critères sont relativement rigoureux pour ce qui est du revenu annuel.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Vous touchez un point qui me vient en tête. Est-ce que les familles et les personnes invalides ont les moyens de contribuer même si les bénéfices du gouvernement dans le cadre de ces programmes sont très généreux? Est-ce qu'ils ont les moyens d'épargner à l'aide de ce régime?

[Traduction]

M. Desmarais : Dans le budget de 2012, nous avons accordé une plus grande souplesse en permettant de reporter une partie des REER. Et c'est quelque chose qu'on peut prévoir dans un testament pour la personne handicapée. Il s'agit d'excellents points de départ.

Ce qui préoccupe mes clients, c'est qu'ils souhaitent s'assurer qu'après leur mort, leur enfant, leur frère ou leur sœur recevront les soins dont ils ont besoin. S'ils ne peuvent le faire alors qu'ils sont en vie, ils peuvent fournir de l'aide plus tard, et c'est possible.

[Français]

La sénatrice Bellemare : La clientèle à laquelle on s'adresse, ce ne sont pas les 500 000 personnes, ce sont les enfants en fait. Ce programme aura un impact plus tard, quand les enfants auront vieilli et qu'ils pourront retirer le fruit de ces épargnes.

M. Desmarais : Je vais apporter une clarification. Le chiffre de 500 000 correspond aux personnes admissibles. La distinction est importante. C'est ce que j'ai lu, 500 000 personnes admissibles. La façon dont j'interprète cela est que ce sont 500 000 personnes qui ont droit à un crédit d'invalidité selon la Loi de l'impôt sur le revenu. Combien en ont besoin?

La sénatrice Bellemare : Tous âges confondus.

M. Desmarais : Toute personne pouvant réclamer le crédit d'impôt est admissible au programme.

La sénatrice Bellemare : Cela pourrait vouloir dire que beaucoup de ces gens reçoivent de l'assistance provinciale.

M. Desmarais : Oui.

La sénatrice Bellemare : Merci beaucoup.

La vice-présidente : Parmi les 500 000 personnes, les jeunes de moins de 18 ans puis les adultes, en majorité, n'auraient pas grand revenu.

Madame Gamage, j'ai un problème. On peut difficilement parler d'abus ici envers des gens qui n'ont pas d'argent ou qui sont pauvres. On peut abuser s'il y a des successions et si les gens héritent.

Tous les programmes peuvent avoir des normes faisant en sorte que si la personne hérite d'une somme importante, certains mécanismes se mettront en branle, sans traiter tout le monde sur un même pied d'égalité, riche et pauvre.

C'est fait pour les parents qui ont un enfant handicapé, qui ont les moyens et qui mettent de l'argent de côté pour leur enfant. Tout l'argent qui va dans le fonds vient des parents et non de l'enfant. Si on a un enfant handicapé et qu'on commence à investir alors qu'il est à un très bas âge, cet argent pourra peut-être atteindre un montant plus élevé, mais on parlait tantôt d'une moyenne, après sept ans, de 15 000 $ par année. On fait des normes comme s'ils avaient tous un million de dollars.

Le programme à l'heure actuelle suit les mêmes normes et respecte les mêmes précautions, que les gens aient de l'argent ou n'en aient pas ou très peu. Il est important de prévoir que dans les modalités d'application, lorsque les sommes d'argent sont considérables, il y ait un mécanisme qui s'enclenche et qu'on ait plus de protection pour ces personnes, pour qu'elles puissent faire appel à des services de la part de gens qui structureront cela de façon à ce que la personne handicapée mentale, dans le cas présent, soit protégée.

La personne handicapée physique n'a pas besoin de ça; elle gérera elle-même. Pour un enfant handicapé qui est quadriplégique, rien n'empêche cet enfant d'étudier; ça ne l'empêche pas de faire un cours de comptabilité. Ces gens pourront bénéficier de ces programmes.

Là, on met tout sur un pied d'égalité. On semble vouloir parler d'universalité, oui; mais que dire de l'universalité quand on sait que les abus peuvent avoir lieu peut-être dans 5 p. 100 des cas, puis qu'on applique une règle à 100 p. 100 à tout le monde comme s'ils étaient tous des gens avec des moyens importants? J'aimerais avoir votre point de vue, à savoir s'il ne pourrait pas y avoir des seuils qui feraient en sorte qu'on puisse enclencher un protocole de sécurité quand les sommes sont considérables. Parce qu'autrement, on complique la vie de gens qui n'ont pas beaucoup d'argent, qui n'en mettent pas beaucoup de côté et qui, en fin de compte, ne contribueront pas du tout. Si on veut que le programme fonctionne, il faut quand même le rendre accessible et peut-être prévoir des mesures spéciales pour les personnes ayant un handicap mental qui auront besoin de protection sur les avoirs dont ils hériteront ou qu'on leur donnera de notre vivant. Voulez-vous faire des commentaires à ce sujet?

[Traduction]

Mme Gamage : J'ai deux points à souligner. Je suis contente que vous ayez soulevé cette question.

La première chose, c'est que oui, nous parlons de gens qui n'ont peut-être que de très petites économies qu'ils seraient en mesure de déposer dans un REEI. Mais pour un grand nombre de mes clients qui reçoivent un revenu fixe et qui sont atteints de ce type de handicap, même 10 000 $ est un montant d'argent considérable. Ils peuvent par exemple l'avoir reçu en héritage, en un cadeau ou autrement, mais pour eux, c'est quand même un montant considérable.

Le terme « abus » est subjectif et peut s'appliquer à quelqu'un qui dispose d'un million de dollars ou de 10 000 $. Si la personne qui gagne 10 000 $ dépense 800 $ par mois, ce montant de 10 000 $ représente un million de dollars à ses yeux. Il peut donc y avoir des abus, quel que soit le montant d'argent dont on parle.

Le deuxième point a trait à votre observation concernant les parents qui économisent de l'argent pour leurs enfants. Bien sûr, ces parents font tout leur possible pour leur enfant atteint d'un handicap. Ils s'efforcent de subvenir aux besoins de cet enfant, d'économiser pour lui, et de traiter la large majorité des bonnes gens en appliquant la même norme qu'au 5 p. 100, disons — on parle de pourcentage, mais ne me prenez pas au mot. Est-il juste de traiter ces parents de la même façon que les 5 p. 100 de parents qui vont commettre des abus?

Je ne sais combien de fois je me suis retrouvée assise à mon bureau devant les parents d'un enfant atteint de lésions cérébrales catastrophiques, en pleurs, en raison de tout ce qu'ils ont vécu — six ans de litiges pour lésions corporelles, une réadaptation et un rétablissement difficiles de leur enfant qu'ils ont pensé perdre au moment de l'accident — et qui ont encore leur enfant dans leur vie, assis en face de moi, et je dois leur dire ceci : « Maintenant il vous faudra passer de nouveau au tribunal pour faire une demande de tutelle. Ah, mais attendez, ce n'est pas tout; il y a autre chose. Lorsque vous aurez terminé ce processus éprouvant de demande de tutelle, il vous faudra retourner au tribunal tous les deux ans pour prouver que vous n'êtes pas un criminel, que vous ne faites pas partie de ces 5 p. 100. »

C'est terrible d'avoir à dire cela à la majorité des gens. Je ne sais pas comment on peut s'en sortir avec un tel système, car pour attraper les 5 p. 100, il faut appliquer la même norme à tout le monde.

La sénatrice Ringuette : Pour ce qui est du problème d'avoir à retourner devant le tribunal tous les deux ans, j'ai cru comprendre que c'est une disposition en Ontario. Cependant, si l'on revient à l'idée d'un système national automatique, et cetera, la Loi de l'impôt sur le revenu pourrait aussi prévoir une vérification annuelle de ces comptes.

Mme Gamage : C'est exactement cela : les mesures de protection n'ont pas à être aussi rigoureuses qu'elles le sont pour le processus de tutelle. C'est à cela que nous pensons lorsque l'on parle d'une solution : avoir des mesures de protection qui soient raisonnables et qui ne constituent pas des obstacles qui nuisent à l'accessibilité du produit.

Mme Tamblyn Watts : J'aurais quelque chose à dire à ce sujet. Pour ce qui est de la solution nationale, une telle solution permettrait de désigner une ou plusieurs personnes admissibles — c'est ce qui est déjà libellé dans la Loi de l'impôt sur le revenu — qui peuvent agir à titre de codétenteurs du REEI conjoint dans leur rôle de tuteur représentant.

Un formulaire a été créé et proposé par le Planned Lifetime Advocacy Network et par l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, que je vous recommande d'examiner. Ce formulaire pourrait être utilisé dans l'ensemble du pays.

J'ai beaucoup d'empathie pour les institutions financières qui doivent fonctionner dans ce système. Je passe une grande partie de mon temps à tenter d'isoler et de gérer les problèmes associés aux procurations, la prise de décisions dans le cadre de la tutelle, et cetera, du point de vue bancaire. J'ai beaucoup d'empathie pour cela.

Je dirais que les institutions financières en sont les éléments clés. Il se peut qu'elles veuillent mettre sur pied ce système, mais elles sont dans une situation où elles sont liées par des dispositions législatives provinciales floues. Si elles avaient les mêmes garanties qu'avec des REER, les FERR et autres régimes d'épargne pour personnes handicapées, d'éducation ou de retraite, il leur serait facile d'utiliser le formulaire qui a été proposé. Cela irait de pair avec la capacité contractuelle du modèle de la Colombie-Britannique.

Pour ce qui est des abus que vous avez mentionnés, ce qui me tient particulièrement à cœur, le modèle qui a été proposé permettrait l'intervention d'un tiers. Il exige des normes auxquelles doit souscrire la personne qui souhaite le faire, y compris l'hypothèse d'une norme fiduciaire.

Donc, un modèle a été proposé. Il existe déjà dans le domaine fédéral et permet d'obtenir une solution simple et claire tout en permettant aux institutions financières et, je pense, aux systèmes en jeu de gérer les choses sans empiéter sur les compétences provinciales.

Je suis déjà présente dans ces tranchées provinciales, et je peux vous dire que c'est très complexe et que la mosaïque ne disparaîtra pas de sitôt. Alors j'aimerais vous donner l'occasion de réfléchir à la façon dont vous pouvez réduire la bureaucratie, comme notre président l'a mentionné. Et je crois qu'une solution nationale est entre vos mains.

[Français]

La vice-présidente : Merci à tous les témoins. Vous avez éclairé notre lanterne et on a beaucoup avancé au chapitre des barrières et des opportunités pour finalement permettre de donner accès à ces 500 000 personnes. Votre rôle a été extrêmement important pour le travail de notre comité. Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer et de partager vos connaissances avec nous.

[Traduction]

Merci encore des travaux que vous ferez après cette réunion.

(La séance est levée.)


Haut de page