Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 14 - Témoignages du 1er octobre 2014
OTTAWA, le mercredi 1er octobre 2014
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit), se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, en vue de poursuivre l'étude du projet de loi et de poursuivre l'étude sur l'utilisation de la monnaie numérique.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
Notre séance est divisée en deux aujourd'hui. Durant la première heure, nous poursuivrons notre étude sur l'utilisation de la monnaie numérique, y compris les risques, les menaces et les avantages éventuels de ces formes de commerce. Nous consacrerons la deuxième heure à la poursuite de notre étude sur le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit).
Dans les deux cas, nous entendrons des représentants de Visa et de MasterCard, mais ce ne seront pas les mêmes témoins. En ce qui concerne le premier sujet, je me permets de vous faire un survol de notre étude sur la monnaie numérique jusqu'à présent.
Au printemps dernier, nous avons d'abord reçu des représentants du ministère des Finances, de la Banque du Canada et de l'Agence du revenu du Canada. Nous avons entendu des témoignages de professeurs d'histoire de l'économie et de la monnaie et de cryptographie. Nous avons également reçu la visite de représentants du Bitcoin Strategy Group, de la plateforme d'échange de bitcoins CAVIRTEX et de BitAccess Inc, qui est le fabricant des guichets automatiques Bitcoin.
Chers collègues, vous vous rappelez également peut-être que le 9 avril 2014 j'ai acheté 0,18 bitcoin pour 100 $ canadiens en utilisant le guichet automatique Bitcoin qui avait été transporté ici devant le comité. J'ai le regret de vous informer qu'à midi aujourd'hui 0,18 bitcoin ne valait plus que 76,89 $, si vous arrivez à trouver preneur.
Le comité a également entendu des représentants de l'Association canadienne des paiements et de trois joueurs dans les systèmes de paiement, soit Interac et PayPal, qui négocient de la monnaie fiduciaire, et BitPay, qui se veut un système de paiement Bitcoin.
Nous entendrons aujourd'hui les témoignages des deux plus importants exploitants de réseaux de paiement par carte de crédit au Canada, soit Visa et MasterCard. Nous accueillons M. Derek Colfer, qui est chef de la technologie et de l'innovation pour Visa; Mme Sherri Haymond, qui est vice-présidente principale des Voies numériques et des Nouveaux paiements; et M. Jason Davies, qui est chef des Nouveaux paiements pour le Canada, qui représentent MasterCard.
Je crois comprendre que M. Colfer a un exposé; Mme Haymond fera ensuite le sien. Monsieur Colfer, vous avez la parole.
Derek Colfer, chef de la technologie et de l'innovation, Corporation Visa Canada : Merci beaucoup, sénateur Gerstein. J'ai passé mes dernières années d'études secondaires à Ottawa; j'en garde de merveilleux souvenirs. Je me sens comme à la maison. Merci beaucoup de nous recevoir.
Bonjour, sénateur Gerstein, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de nous donner l'opportunité de témoigner devant votre comité et de contribuer à votre étude.
Comme le présent comité en est bien conscient, il y a beaucoup d'intérêt et d'enthousiasme quant à l'avenir de l'industrie des paiements et des monnaies numériques, soit le sujet d'aujourd'hui. Vous avez déjà entendu bon nombre de témoins, et la majorité d'entre eux vous ont donné de nouveaux renseignements et leurs points de vue. J'espère que je pourrai aussi contribuer à vos délibérations de manière considérable.
Je sais que votre comité étudie les questions reliées aux paiements, mais permettez-moi de vous faire un survol de notre entreprise. La marque Visa est très bien connue, mais les fonctions de base de l'entreprise le sont souvent moins et sont mal comprises, dans certains cas.
Visa est une entreprise mondiale de technologie de paiement qui fournit aux consommateurs, aux entreprises, aux établissements financiers et aux gouvernements dans plus de 200 pays et territoires des paiements électroniques rapides, sécuritaires et fiables. Nous exploitons l'un des réseaux de traitement de données les plus avancés au monde, à savoir VisaNet, qui peut traiter plus de 56 000 messages de transaction par seconde, avec une protection contre la fraude pour les consommateurs et un paiement assuré pour les commerçants.
Chaque jour, VisaNet subit et repousse en moyenne plus de 300 000 cyberattaques. En fait, durant les cinq minutes que durera mon exposé, VisaNet a le potentiel de traiter plus de 14 millions de transactions dans 175 devises locales et de repousser plus de 1 000 cyberattaques.
Visa est au Canada depuis plus de 40 ans. Au Canada, les établissements financiers ont émis plus de 32 millions de cartes Visa, et l'entreprise exploite plus de 700 000 points de vente au pays.
Visa facilite le commerce canadien en transférant de manière sécuritaire et fiable des paiements par l'entremise de notre réseau, et ce, chaque seconde de chaque journée. En tant que directeur de la technologie et de l'innovation de Visa Canada, je peux vous assurer que nous sommes profondément engagés à préserver la confiance que les consommateurs, les commerçants et les établissements financiers canadiens ont en nos produits.
La confiance est la pierre angulaire d'un système de paiement électronique, et les consommateurs font confiance à la sécurité et à l'efficacité de Visa depuis longtemps. Grâce aux investissements de l'industrie dans la sécurité, nous avons vu le taux de fraude du système de paiement de Visa diminuer de plus des deux tiers au cours des deux dernières décennies, et les taux actuels demeurent bas et stables. Toutefois, quand une fraude a lieu, les détenteurs de cartes Visa sont protégés par la politique de responsabilité zéro de Visa, qui fait en sorte que les titulaires de cartes de crédit ne sont pas tenus responsables d'une utilisation non autorisée de leur carte Visa. Les monnaies numériques n'offrent pas les mêmes protections à leurs consommateurs.
La responsabilité zéro, le paiement garanti, la sécurité et la force de notre réseau font partie des raisons pour lesquelles les consommateurs et les commerçants choisissent d'utiliser et d'accepter Visa. Ce sont également certains des enjeux dont devront tenir compte les consommateurs, les commerçants et les gouvernements lorsqu'ils penseront aux devises numériques.
Par exemple, les transactions prenant place sur le réseau Visa peuvent généralement être vérifiées en moins d'une seconde, tandis que la vérification de transactions de monnaies virtuelles populaires peut prendre plusieurs minutes. Aux divers points de vente, les commerçants qui acceptent les paiements en devise numérique assument tous les risques, alors que les commerçants qui acceptent Visa reçoivent un avis presque instantané de la capacité de payer d'un client.
Ce ne sont que quelques-uns des aspects importants des monnaies virtuelles que nous continuons de surveiller de près. L'écosystème de notre industrie a grossi de façon substantielle et inclut non seulement les commerçants et les établissements financiers, mais aussi les entreprises du secteur des technologies, les exploitants de réseaux mobiles, les fabricants d'appareils mobiles et les fournisseurs de plateformes. Visa est un réseau de paiement de confiance qui assure une acceptation globale, un réseau de sécurité supérieur et une expérience de service à la clientèle exceptionnelle. Pour toutes ces raisons, Visa continuera d'être un leader et de jouer un rôle important dans la facilitation du commerce dans l'avenir.
Je vous remercie encore une fois de cette opportunité de témoigner aujourd'hui devant votre comité. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Colfer. Madame Haymond?
Sherri Haymond, vice-présidente principale, Voies numériques, Nouveaux paiements, MasterCard : Je vous remercie de nous laisser prendre part à cette étude. Le présent sujet étant vaste et complexe, je me concentrerai sur quatre points : la situation actuelle des paiements au Canada, y compris le paiement mobile; les tendances mondiales en matière de paiement; les occasions que présente ce contexte en évolution; et les risques de la monnaie virtuelle.
Je vous parlerai d'abord de notre rôle dans le système de paiement. MasterCard est une entreprise de technologie. Notre technologie et notre expertise sont derrière 1,9 milliard de cartes acceptées dans 35,9 millions d'établissements dans plus de 210 pays et territoires. Cela permet aux gens partout dans le monde de faire des transactions sécuritaires en une fraction de seconde, ce qu'on considère souvent comme acquis.
MasterCard exploite le réseau qui rend possibles ces transactions par carte. Des banques émettent des cartes MasterCard à des consommateurs et gèrent la relation avec ses clients. Des acquéreurs relient les commerçants à notre réseau et leur permettent d'accepter les paiements par carte.
Nous avons pour but d'offrir à toutes les parties prenantes du système de paiement, c'est-à-dire les consommateurs, les commerçants et les banques, la plus grande gamme de produits à la fine pointe de la technologie pour répondre à leurs besoins, ce qui est un bon point de départ dans la discussion sur la situation actuelle du système de paiement au pays.
Je vous assurerai d'abord que la carte en plastique qui est dans vos portefeuilles ne disparaîtra pas de sitôt. Cependant, les consommateurs veulent avoir accès à de nouvelles technologies de paiement, ce qui fait partie du phénomène de délaissement du paiement en espèces. Par exemple, le paiement sans contact de MasterCard ou les caractéristiques comme la technologie Tapez et Partez sont une première étape de cette évolution.
La prochaine évolution sera basée sur la même technologie, mais elle sera incorporée dans un appareil mobile pour constituer ce qu'on appelle aujourd'hui couramment le paiement mobile. Ces transactions sont aussi sécuritaires que celles faites avec les cartes avec une puce et un NIP. La popularité du paiement mobile est encore limitée au Canada, mais l'utilisation de cette technologie devrait se répandre cette année.
Il faut rappeler que l'avènement de ces innovations n'enlèvera pas aux consommateurs et aux commerçants la possibilité de faire un choix. Le paiement mobile ne sera pas une obligation pour aucun d'entre eux.
Il existe d'autres innovations qui concourent au délaissement du paiement en espèces, dont le remplacement des chèques du gouvernement par des solutions plus efficaces comme le dépôt direct des chèques et l'utilisation de cartes prépayées, soit une méthode envisagée par le Canada.
En résumé, le Canada est sur le point de connaître des changements fascinants et prometteurs pour les commerçants, les consommateurs et les gouvernements.
Je parlerai maintenant des tendances mondiales dans le secteur des paiements et de celle qui se démarque particulièrement : le passage vers une société sans argent comptant.
L'argent comptant est un instrument de paiement inefficace et coûteux dont on se sert encore pour 85 p. 100 des transactions dans le monde. Selon nous, le passage à un système de paiement numérique présente une valeur notable non seulement pour les consommateurs et les commerçants, mais aussi pour les gouvernements. J'ai donné en exemple le remplacement des chèques du gouvernement. Le marché noir est un autre point important à étudier. L'élimination de l'argent comptant pourrait passablement ralentir les activités criminelles, dont le narcotrafic, le blanchiment d'argent et la fraude fiscale.
J'entends des histoires intéressantes concernant des pays qui sont prêts à aller de l'avant dans le domaine des paiements et à tirer parti de certaines avancées technologiques. Au Congo, par exemple, où moins de 1 p. 100 de la population détient un compte bancaire, on compte des dizaines de millions d'appareils mobiles. Pour bon nombre d'autres pays en voie de développement, le téléphone intelligent pourrait devenir le point d'entrée du système bancaire officiel, ainsi qu'un outil pour le versement des prestations gouvernementales, voire une pièce d'identité pour les gens.
Ce n'est qu'un aperçu, mais le potentiel est énorme, comme vous pouvez le voir.
Je poursuis en vous donnant un avant-goût des occasions qui se présentent aux commerçants et aux consommateurs en cette ère de changements. Voyons nos propres réalisations dans le domaine du paiement mobile. Notre service MasterPass, par exemple, permet aux consommateurs de faire des paiements en ligne en un seul clic, sans devoir entrer chaque fois les renseignements de leur carte. Cella assure une facilité pour les consommateurs et des ventes supplémentaires pour les commerçants, étant donné que nous savons que beaucoup de ventes sont perdues quand les consommateurs se heurtent à des processus de paiement en ligne trop complexes.
Les commerçants profitent aussi d'un nombre infini de possibilités d'offrir des coupons ou des programmes de fidélité liés à un appareil mobile.
Enfin, je vous entretiendrai des monnaies virtuelles. Nous craignons que le bitcoin et d'autres monnaies virtuelles non réglementées présentent de réels risques en ce qui concerne le blanchiment d'argent, les activités criminelles et l'abus à l'égard des consommateurs. Contrairement aux transactions par carte qui négocient de la monnaie fiduciaire, les transactions de monnaies virtuelles sont aujourd'hui peu réglementées. Cela signifie qu'il n'y a aucune protection pour le consommateur, aucune divulgation d'information, aucune résolution des erreurs, aucun droit de contestation et aucune protection en cas de perte ou de vol.
De plus, peu de cadres réglementaires s'appliquent aux exploitants de monnaies virtuelles. Si les exploitants font faillite ou prennent la fuite avec les bitcoins d'un consommateur, le citoyen ne bénéficiera généralement d'aucune assurance gouvernementale. Puisque la valeur des bitcoins fluctue beaucoup, les consommateurs et les commerçants qui l'utilisent courent le risque de ne pas payer ou de ne pas recevoir une juste valeur.
Quand on prend ces facteurs en considération, on constate tout de suite qu'un attrait courant que présentent les bitcoins est la non-traçabilité des transactions par bon nombre d'organismes d'application de la loi, ce qui fait de cette méthode de paiement le choix idéal pour les transactions illégales, au même titre que le paiement en espèces.
Les monnaies virtuelles non réglementées posent aussi un défi de taille aux autorités fiscales, parce qu'elles s'apparentent à de l'argent électronique et que, même si une transaction peut être récupérée, il reste difficile de trouver l'identité des parties et de percevoir une taxe. En réalité, certains des avantages d'une société sans argent comptant que je décrivais plus tôt, dont la lutte contre le marché noir, sont compromis par les monnaies virtuelles si elles demeurent non réglementées.
Je terminerai en affirmant que MasterCard croit que le passage à une société sans argent comptant présente de réels avantages. Il est cependant essentiel que des monnaies virtuelles utilisées hors de tout cadre juridique ou réglementaire ne minent pas la confiance des gens envers les paiements numériques. Pour nous, tout mode de paiement, y compris la monnaie virtuelle, doit offrir la sécurité, la stabilité et la fiabilité aux consommateurs; représenter une valeur garantie non exposée à des fluctuations et à des risques importants; et comporter toutes les protections de base auxquelles s'attendent les consommateurs.
Je vous encourage fortement à garder à l'esprit, au cours de votre étude, la différence entre les transactions numériques liées à la monnaie réelle et appuyées par un cadre réglementaire qui protège les consommateurs et qui prend en compte le risque prudentiel — comme les transactions par carte de paiement effectuées sur le réseau MasterCard — et les transactions numériques liées à des monnaies virtuelles non réglementées.
Je vous remercie, et je serai ravie de répondre à vos questions.
Le président : Merci. Madame Haymond, dans votre exposé, vous dites, et je vous cite, « la lutte contre le marché noir est compromise par les monnaies virtuelles si elles demeurent non réglementées ». Dois-je comprendre que vous prévoyez que les monnaies virtuelles continueront de croître et que vous nous recommandez de réglementer ce secteur?
Mme Haymond : Nous ne sommes honnêtement pas certains que les monnaies virtuelles continueront de croître, mais la tendance demeure qu'elles continuent de prendre de l'expansion. À la fin de l'an dernier, il y avait moins d'un million de détenteurs de bitcoins. Je ne sais pas d'où provient cette statistique, mais j'ai entendu que plus de 7 millions de personnes possèdent actuellement des bitcoins. Donc, en moins d'un an, ce marché a connu une croissance fulgurante.
Sans réglementation, ce secteur continuera de croître de manière incontrôlée. Par conséquent, nous croyons qu'il devrait être réglementé.
Le président : Merci. Passons à la liste des intervenants.
Le sénateur Black : Merci de vos exposés très utiles.
Monsieur, si vous me le permettez, j'aimerais d'abord revenir sur la fin très forte de votre exposé; vous dites vouloir jouer un rôle important dans la facilitation du commerce dans l'avenir. Croyez-vous que les monnaies numériques joueront un rôle dans le commerce dans l'avenir?
M. Colfer : Je crois que la majorité des gens autour de cette table conviennent qu'il y a actuellement un grand engouement au sujet des monnaies virtuelles. Par contre, il reste encore beaucoup d'inconnues, et c'est ce que nous essayons d'examiner et c'est aussi ce que vous essayez de faire grâce à l'excellent travail de votre comité.
Il est trop tôt pour dire comment les monnaies virtuelles évolueront. Faut-il les réglementer? Je peux dire que nous surveillons activement ce domaine pour voir comment il évolue. Nous voulons certes participer à la numérisation du commerce, et c'est bien ce que nous faisons, mais il y a aujourd'hui très peu de mesures de protection des consommateurs relativement aux monnaies virtuelles, ce que nous trouvons inquiétant.
Le sénateur Black : Si nous devions faire quelque chose, vous attireriez l'attention du Sénat sur la protection des consommateurs, n'est-ce pas? C'est ce que vous recommandez?
M. Colfer : La protection des consommateurs est un gros problème.
Le sénateur Black : Et quoi d'autre? Quels sont les autres problèmes?
M. Colfer : À mon avis, les monnaies virtuelles risquent assurément de nuire aux mesures de LBA.
Le sénateur Black : Je ne sais pas ce que cela signifie.
M. Colfer : La lutte contre le blanchiment d'argent. Il n'y a vraiment aucun moyen de retracer cette activité.
Le sénateur Black : Pourtant, on nous a dit clairement qu'il y a moyen de le faire. C'est ce que d'autres témoins ont déclaré au comité. Nous allons nous en tenir là.
M. Colfer : Bien sûr, on peut retracer les monnaies virtuelles.
Le sénateur Black : On nous a expliqué qu'il y a une empreinte numérique qui est très facile à retracer. Du moins, c'est ce qu'on nous a dit.
M. Colfer : D'accord.
Le sénateur Black : Supposons que ce soit vrai pour les besoins de notre discussion. De quoi d'autre devons-nous nous préoccuper?
M. Colfer : Je crois, sénateur Black, que la principale préoccupation pour nous est la protection des consommateurs.
Le sénateur Black : Madame Haymond, êtes-vous d'accord?
Mme Haymond : Nous estimons que la protection des consommateurs est extrêmement importante. Oui, nous savons qu'il est possible de retracer la monnaie virtuelle. Le hic, c'est qu'il faut s'en tenir à l'anonymat pour l'instant.
Aux États-Unis, les entités qui facilitent les transactions réalisées avec Bitcoin ont récemment été assujetties au régime des entreprises de transfert de fonds, et nous croyons que c'est une bonne idée.
Le sénateur Black : D'accord.
Mme Haymond : Ce régime impose des obligations, entre autres des vérifications liées à la connaissance de la clientèle et, aux États-Unis, des vérifications par rapport à la liste de l'OFAC. Selon nous, c'est ce qui contribuera à accroître davantage la sûreté de la monnaie. En plus de pouvoir la retracer sur le plan numérique, il sera possible d'identifier les personnes.
Le sénateur Black : Avez-vous d'autres suggestions quant aux points que nous devrions examiner?
Mme Haymond : D'après nous, ce sont là les principaux points qui méritent d'être examinés.
Le sénateur Black : Merci beaucoup.
Le sénateur Campbell : Je possède à la fois une carte MasterCard et une carte Visa, alors je suis neutre à cet égard. Contrairement à beaucoup de gens ici, je me souviens de l'époque où il n'y avait pas de cartes de crédit ou, du moins, on refusait de m'en accorder une. Nous avons assisté à une transition sociale : autrefois, essentiellement tout était payé par argent comptant et maintenant, nous voici dans une société où les affaires reposent sur le paiement par carte de crédit.
Je dois vous dire, d'entrée de jeu, que je suis étonné par vos chiffres sur les cyberattaques. Je n'en reviens pas. Je suis heureux de voir que vous pouvez prendre ces mesures et poursuivre sur cette voie.
L'argent comptant est actuellement utilisé pour 85 p. 100 des transactions, et il est réaliste de croire qu'à l'avenir, nous utiliserons des monnaies comme Bitcoin. Pensez-vous que la monnaie virtuelle remplacera les 85 p. 100 de transactions payées en argent comptant ou les 15 p. 100 de transactions payées, je suppose, par MasterCard, Visa, American Express et d'autres cartes? Ma question s'adresse à vous, monsieur Colfer.
M. Colfer : D'accord. J'aimerais simplement comprendre la question, sénateur Campbell, si je peux me le permettre. L'argent comptant représente 85 p. 100 des transactions, et vous voulez savoir si, à mesure que le nombre de transactions faites par Bitcoin augmentera, il y aura une diminution des 85 p. 100 de transactions payées par argent comptant ou des 15 p. 100 de transactions payées d'une autre façon?
Le sénateur Campbell : Oui.
M. Colfer : À mon avis, cela dépendra entièrement des facteurs démographiques. Je trouve qu'il serait très difficile de donner un chiffre. Selon moi, ce sera complètement tributaire des caractéristiques démographiques de ceux qui utilisent ces outils de paiement.
Mme Haymond : Je suis bien d'accord. Bitcoin est très en vogue auprès de différents groupes de personnes. Il y a des criminels qui essaient de se soustraire à la loi, et je suppose que ces activités feront partie des transactions par argent comptant.
Ensuite, il y a des investisseurs qui font des spéculations et des placements et qui, grâce aux profits qu'ils tirent de leurs investissements dans des fonds spéculatifs, finissent par acheter parfois des choses très dispendieuses. On a d'ailleurs vu, dans les nouvelles, le cas de Richard Branson, qui achète des biens avec des bitcoins. Enfin, il y a des gens dans les marchés émergents qui utilisent des bitcoins parce qu'ils ne font pas confiance à leur système bancaire. Ces types d'activités pourraient remplacer certaines des transactions par argent comptant, mais c'est seulement une hypothèse que je formule.
Le sénateur Campbell : La difficulté, c'est que nous essayons d'entrevoir l'avenir dans un domaine qui est, bien franchement, avant-gardiste pour les consommateurs.
Vous avez dit que le nombre d'utilisateurs est passé de un à sept millions, n'est-ce pas?
Mme Haymond : Approximativement, oui.
Le sénateur Campbell : Approximativement, et on parle là de combien de temps?
Mme Haymond : D'une année. Cette hausse s'est opérée sur une période d'environ un an, mais là encore, ce n'est qu'une preuve anecdotique.
Le sénateur Campbell : Il va de soi que ce dossier est dans la mire de vos compagnies.
Mme Haymond : En effet, nous le suivons de très près.
Le sénateur Campbell : J'essaie d'évaluer ou de comprendre où se situe le point de bascule. Il y a maintenant sept millions d'utilisateurs. À supposer que ce chiffre double chaque année, à quel moment Bitcoin commencera-t-il vraiment à chambouler votre marché ou celui des transactions par argent comptant? Cela dépendra-t-il de la réglementation pour amener les gens à faire confiance à ce mode de paiement, ou les gens finiront-ils par prendre le contrôle de la situation et essayer d'établir des règles par eux-mêmes?
M. Colfer : Je crois qu'une des données que nous pourrions surveiller, c'est ce dont Mme Haymond vient de parler. Il y a également ce qu'on appelle les cartes en circulation sur le marché. À ce qu'il paraît, il y a sept millions d'utilisateurs de Bitcoin à l'échelle mondiale, mais où peuvent-ils se servir de cette monnaie pour acheter des choses? Voilà l'autre élément que nous devrions certainement surveiller. Bref, l'acceptation est une donnée cruciale à examiner.
Le sénateur Campbell : Prévoyez-vous un déclin?
Jason Davies, chef des Nouveaux paiements, Canada, MasterCard : Je crois qu'il est trop tôt pour dire s'il y aura une hausse ou une baisse. Je trouve que Derek a fait valoir un excellent point : en effet, un des moteurs de croissance des monnaies numériques sera l'acceptation. Où les consommateurs pourront-ils réellement utiliser ces unités d'échange? Si on observe une augmentation du taux d'acceptation dans différents endroits, de sorte que les détenteurs puissent s'en servir dans leur vie quotidienne, il y aura sûrement un effet de contagion. À mon avis, on devrait porter attention surtout aux endroits où les bitcoins peuvent être utilisés ou acceptés. Ce sera certainement une bonne mesure qui nous permettra de prévoir l'orientation future.
Le sénateur Campbell : Merci beaucoup.
La sénatrice Ringuette : Bien entendu, vous savez que le gouvernement fédéral a la responsabilité constitutionnelle de réglementer la monnaie.
Je me souviens que, l'été dernier, sur la couverture d'une revue de Visa, on pouvait lire le titre « Visa, une monnaie numérique ». Vous avez tous deux indiqué que les monnaies virtuelles devraient être réglementées. Selon cette logique, j'en déduis donc que les cartes Visa et MasterCard devraient, elles aussi, être réglementées comme toute autre forme de monnaie.
M. Colfer : Je ne me rappelle pas avoir dit que les monnaies virtuelles devraient être réglementées, mais nous pouvons certainement vérifier les comptes rendus.
La sénatrice Ringuette : Madame Haymond, peut-être?
Mme Haymond : Nous estimons que les monnaies virtuelles devraient être réglementées, mais nous ne croyons pas que MasterCard soit une monnaie proprement dite. Nous permettons aux gens de faire des transactions, en toute sécurité, au moyen d'une monnaie fiduciaire. C'est ce que nous faisons. Nous ne représentons certainement pas une monnaie, et nous n'avons assurément jamais prétendu le contraire.
La sénatrice Ringuette : C'est intéressant d'entendre cette dualité d'opinion. Madame Haymond, vous avez dit que l'argent comptant est un instrument de paiement inefficace et coûteux. Qu'est-ce qui vous fait dire cela?
Mme Haymond : Nous croyons que c'est le cas. Je ne...
La sénatrice Ringuette : Non, non. Si vous faites une affirmation, c'est parce que vous avez des éléments de preuve pour la corroborer.
Mme Haymond : C'est bien le cas. Nous avons une grande quantité de données qui montrent à quel point les transactions par argent comptant sont coûteuses pour les gouvernements et les consommateurs. Il y a une perte d'argent. Il y a le coût...
La sénatrice Ringuette : C'est plus coûteux que les paiements par carte de crédit?
Mme Haymond : Oui, c'est plus coûteux que les paiements par carte de crédit ou par chèque. En effet, nous pourrions vous faire parvenir des documents à ce sujet.
La sénatrice Ringuette : Je vous en serais reconnaissante si vous pouviez les envoyer à la greffière.
Mme Haymond : Nous le ferons avec plaisir.
La sénatrice Ringuette : Il y a deux ans, notre comité a reçu une étude de fond réalisée par les spécialistes de la Banque du Canada et qui montrait que la méthode de paiement la moins coûteuse était l'argent comptant.
Mme Haymond : Nous avons des preuves du contraire.
La sénatrice Ringuette : Je suis très étonnée par vos résultats. Vous allez donc nous faire parvenir ces documents?
Mme Haymond : Oui.
La sénatrice Ringuette : Merci.
Lors d'une précédente réunion à ce sujet, notre comité a entendu le témoignage de certains utilisateurs du système Bitcoin. Ils nous ont dit que le phénomène de la monnaie virtuelle a vu le jour parce que des gens en avaient assez des frais bancaires et des frais de carte de crédit. Que répondez-vous à cela?
Mme Haymond : Nous n'avons entendu rien de tel. À notre connaissance, tout a commencé lorsque des gens qui n'étaient pas férus de gouvernement et de réglementation et qui préféraient l'anonymat ont cherché à créer une monnaie de rechange qui ne serait pas une monnaie fiduciaire et qui leur permettrait d'effectuer des transactions de façon anonyme. C'est ce que nous avons cru comprendre.
M. Colfer : Pour ma part, je préfère ne pas émettre d'hypothèses sur les intentions, les raisons ou les circonstances entourant la création d'une monnaie virtuelle.
La sénatrice Ringuette : Dans le cadre de notre étude, nous avons entendu des témoins nous dire cela, et vous pouvez le vérifier dans nos comptes rendus. C'est un problème. Imposer des frais excessifs aux gens n'est pas sans conséquence. Voilà pourquoi certaines personnes ont pris les mesures qui s'imposaient, en faisant preuve de créativité et d'innovation, d'où la création du marché de la monnaie virtuelle. De mon point de vue, qu'il s'agisse de Bitcoin ou, tôt ou tard, d'une autre monnaie virtuelle, je trouve qu'il s'agit d'un produit innovateur, tout comme c'était le cas il y a 40 ans lorsque Visa et MasterCard lançaient le concept du plastique fantastique. C'était un produit innovateur. Vous devrez donc faire face à la concurrence. Personnellement, j'en suis heureuse. Merci.
Le sénateur Tkachuk : Mes questions sont de nature un peu plus philosophique. Nous avons entendu beaucoup de témoignages sur la monnaie virtuelle, et je ne comprends toujours pas comment le tout fonctionne. Nous avons reçu de très bons experts en la matière, des gens qui connaissent à fond la monnaie numérique.
Je comprends l'argent comptant, parce que ce mode de paiement est appuyé par le gouvernement. Je comprends les cartes de crédit, parce qu'elles sont appuyées par les banques. Par exemple, ma banque me dit : « Je peux vous accorder un crédit d'une valeur maximale de 30 000 $, c'est tout. » Puis, les compagnies de carte de crédit déterminent comment déplacer ce crédit. Donc, je peux me rendre à un magasin et utiliser ce montant. Puis, aussi longtemps que je paie le solde à la fin de chaque mois, je peux continuer à utiliser la carte. Alors, je crois avoir compris ce principe.
Mais pourquoi les gens acceptent-ils la monnaie virtuelle, et comment peut-on réglementer quelque chose de virtuel? Je ne comprends toujours pas comment il se fait que les bitcoins valent plus cher, sachant qu'ils sont produits par un type devant un ordinateur quelque part aux États-Unis, sans l'appui de qui que ce soit. Autrement dit, il n'y a pas de troc; cela relève simplement d'un acte de foi. Je ne comprends pas comment cela fonctionne. Vous pourriez peut-être expliquer pourquoi les gens acceptent la monnaie virtuelle.
Le sénateur Massicotte : D'autres ont essayé, mais il n'a pas compris. Vous pouvez toujours essayer, si vous voulez.
Le sénateur Tkachuk : En réalité, chers témoins, si vos interlocuteurs vous affirment qu'ils comprennent, c'est qu'ils ne vous disent pas la vérité. Allez-y.
M. Colfer : En gros, cherchez-vous à comprendre comment le tout fonctionne ensemble?
Le sénateur Tkachuk : Oui.
M. Colfer : Nous vivons à une époque très intéressante. Chaque matin, on voit une manchette qui vient changer notre perception des événements de la veille, y compris dans le contexte des marchés financiers. Pour cette raison, il est très difficile d'avancer des hypothèses sur ce qui se passera demain ou même comment cela fonctionne aujourd'hui. Voilà d'ailleurs pourquoi nous insistons sur les mesures de protection des consommateurs, car nous estimons que ce sera un problème, comme je le disais au sénateur Black.
À moins d'avoir une boule de cristal, il est difficile de prévoir à quoi aboutiront les monnaies virtuelles dans l'avenir. Je sais comment elles fonctionnent sur le plan conceptuel, et je connais l'exemple de Bitcoin. Toutefois, il y a environ 13 autres monnaies virtuelles que les consommateurs peuvent utiliser à tout moment. C'est donc difficile à dire. Vous me posez là une colle. Je sais que je n'ai pas répondu à votre question, sénateur Tkachuk, mais c'est une question à laquelle il est difficile de répondre.
Le sénateur Tkachuk : Voulez-vous tenter le coup, madame Haymond?
Mme Haymond : En ce qui concerne votre question de savoir comment réglementer quelque chose de virtuel, nous croyons que le problème tient en partie à la rareté de ces ressources — et c'est sans tenir compte de la valeur car, bien franchement, je ne saurais répondre à cette question. Ces gens ont créé quelque chose qu'ils peuvent exploiter seulement un certain nombre de fois et, à mesure que le nombre diminue, cela devient de plus en plus difficile, si bien qu'il faut accroître la puissance informatique pour émettre ces bitcoins. Il s'agit d'un échange, comme dans le cas d'un produit. C'est donc ainsi que je comprends la valeur.
Pour ce qui est de votre question sur la réglementation, nous croyons à la liberté de choix des consommateurs. Si ces options sont omniprésentes, les consommateurs pourront les choisir. Nous croyons que c'est ce qu'ils feront probablement; certains choisiront peut-être de s'en prévaloir et de les utiliser. Selon nous, ces consommateurs devraient être protégés, de même que les commerçants. Si on élimine l'anonymat et qu'on traite ces échanges, ces types de transactions comme quelque chose de fiduciaire, cela permettra de diminuer de beaucoup le risque associé au système. De prime abord, cela rendra ces monnaies moins intéressantes pour les éléments véreux qui sont actuellement attirés par ce système.
Pour revenir à l'observation faite tout à l'heure par la sénatrice Ringuette, oui, il y a actuellement moins de frais associés à ce mode de paiement, mais n'oublions pas qu'il y a aussi moins de mesures de protection. Si on réglemente ce domaine — et ce n'est que mon opinion personnelle; je ne parle pas là au nom de MasterCard —, il y a lieu de s'attendre à plus de frais connexes, ce qui dissuadera les éléments véreux, les criminels et les entités qui cherchent une solution simple et peu coûteuse. Je ne suis pas en faveur de telles solutions. À mon avis, la protection des consommateurs est nécessaire, quitte à devoir payer un certain coût.
Le sénateur Massicotte : J'allais demander au sénateur Tkachuk s'il avait obtenu une réponse complète à sa question, mais je vais faire preuve de politesse. Nous pouvons interroger le prochain témoin si vous voulez.
Vous mentionnez que la crypto-monnaie ne fait l'objet d'aucun suivi et d'aucune réglementation. Certains pays estiment que l'élément auquel nous devons prêter attention est le mineur, le vendeur, si vous voulez. Il va de soi qu'il peut obtenir les données historiques, si vous en avez besoin. Serait-ce une solution au problème de la réglementation? Est-ce suffisant, ou devons-nous parler à toutes les personnes qui participent aux échanges de crypto-monnaies?
Mme Haymond : Parlez-vous des gens qui participent au minage?
Le sénateur Massicotte : Pour réglementer la monnaie numérique, autrement dit, pour éviter le blanchiment d'argent, les abus et tous les autres problèmes, suffirait-il de réglementer le mineur, c'est-à-dire la personne qui produit la crypto-monnaie?
Mme Haymond : Personnellement, je ne le crois pas. Je pense que les bourses d'échange, qui exercent une fonction semblable à celles des banques et où l'argent est transféré, doivent être réglementées. De plus, je trouve injuste qu'elles ne soient pas réglementées comme des banques. Elles convertissent une monnaie non fiduciaire en une monnaie fiduciaire. Ces bourses devraient être réglementées, comme le sont tous les échanges de devises, les bourses des marchandises et les bourses d'échange.
Le sénateur Massicotte : De nombreux échanges ne sont pas rigoureusement réglementés, selon les acteurs qui y participent, évidemment. Regardez les investisseurs institutionnels qui exercent leurs activités sur le marché boursier. Ils ont leur propre bourse d'échange qui n'est pas réglementée, parce que ce sont des investisseurs avertis.
Permettez-moi de passer à l'autre raison. Ils disent que la monnaie a un avenir prometteur, parce qu'un grand nombre de pays ne disposent pas d'un très bon système bancaire ou parce qu'ils peuvent avoir recours à une forme ou une autre de transfert d'argent, mais que ces transferts sont très coûteux dans bon nombre de régions de l'Afrique. La crypto-monnaie a-t-elle une valeur? Vous parlez souvent des mérites de votre système. Peut-il être utilisé dans ces pays pauvres? Ont-ils accès à un système bancaire, à des comptes de banque? Comment évitez-vous ce problème?
Mme Haymond : Nous pensons en fait que notre système pourrait avoir une valeur dans ces circonstances, mais, je le répète, aujourd'hui, nous préconisons que tous les gouvernements s'emploient à établir une réglementation pour encadrer cette monnaie, de manière à ce qu'elle soit sur un pied d'égalité avec d'autres types de monnaies semblables.
Le sénateur Massicotte : Je présume que vous n'essayez pas simplement d'alourdir son utilisation, afin d'accroître ses coûts et de la rendre moins concurrentielle par rapport à votre système?
Mme Haymond : Bien sûr que non. Il y a probablement des façons novatrices d'accomplir cela, mais nous ne croyons pas qu'il soit judicieux de la laisser à elle-même.
Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous offrir des solutions à ces pays pauvres, où les habitants ne possèdent pas de compte bancaire? Pourraient-ils utiliser la carte de crédit Visa ou MasterCard?
Mme Haymond : Je précise une fois de plus que nous n'offrons pas une monnaie, bien que nous nous employions quotidiennement à concevoir des idées novatrices. Notre service de recherche et de développement travaille à des projets de ce genre.
M. Colfer : Il y a des façons novatrices d'offrir des services bancaires de base aux pays en développement. La démocratisation des paiements est depuis longtemps une des priorités de Visa. Mme Haymond a mentionné plus tôt que les appareils mobiles étaient répandus dans bon nombre de ces pays.
Dans les pays en développement, où une grande partie de la population n'a ni accès à des services bancaires de base, ni la capacité d'épargner ou de transférer de l'argent, mais où un très grand nombre d'habitants disposent d'un appareil mobile, nous avons déployé de nombreux efforts dans le domaine de la démocratisation des paiements. Ces appareils mobiles offrent une excellente voie vers la démocratisation des paiements.
Il y a environ trois ans, nous avons acheté en Afrique du Sud une entreprise appelée Fundamo qui a réalisé des travaux remarquables dans les pays en développement en vue de permettre aux gens d'épargner de l'argent et de transférer des fonds à l'aide de leur appareil mobile, alors qu'il leur était impossible d'accomplir ces tâches auparavant. Outre les monnaies numériques, il y a des façons novatrices d'aider les pays en développement à bénéficier de ce que nous appelons la démocratisation des paiements.
Le sénateur Massicotte : Prenons un pays pauvre d'Afrique où les habitants n'ont pas accès à un compte bancaire. Comment ses citoyens utiliseraient-ils les services de l'entreprise que vous venez d'acheter en Afrique du Sud? Comment arrivent-ils à faire des paiements?
M. Colfer : Le service fait appel à une technologie de base appelée SMS, ou short message service. On l'appelle aussi la messagerie texte. Dans le passé, quand j'étais dans l'un de ces pays en développement et que je souhaitais envoyer 10 unités monétaires locales à mon cousin, qui habite de l'autre côté de la ville, je remettais 11 unités monétaires locales à un chauffeur de taxi ou d'autobus qui en livrait 10 et en gardait une. Maintenant, je peux utiliser SMS ou la messagerie texte pour envoyer au destinataire un message texte qui indique le numéro et la quantité d'argent que j'aimerais transférer et qui est relié par la suite à un compte bancaire. On envoie des fonds par voie électronique, et on tire parti de possibilités et de fonctions qui n'existaient pas auparavant.
Le sénateur Massicotte : Cela peut-il fonctionner sans compte bancaire?
M. Colfer : Bon nombre de ces services sont liés aux comptes fournis par les exploitants des réseaux sans fil. Par conséquent, ils peuvent être offerts sans l'existence de ce que nous appelons un compte bancaire normal.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'ai une question par rapport à votre attitude face à cette monnaie numérique qui, dans les faits, s'apparente plus à un mode de paiement, selon toutes les analyses des témoins entendus. Ce n'est pas une unité de compte proprement dite, mais plutôt un mode de paiement. Cela s'apparente effectivement à une commodité. Les bitcoins, ce n'est pas comme une carte de crédit. On sent que vous avez beaucoup d'inquiétudes concernant l'avenir des bitcoins et la façon dont ils vont évoluer par rapport à votre propre stratégie. Les bitcoins n'offrent pas de crédit, mais vous offrez du crédit. Vous avez des cartes de crédit. D'une certaine façon, il y a toute une stratégie de développement liée à vos utilisateurs.
On nous a dit que la technologie derrière le bitcoin était formidable et permettait de réduire les coûts de transaction, notamment à l'international. La jeune génération va peut-être être tentée par ce genre de produits. Par ailleurs, cela gruge le marché des transactions monétaires.
Pourquoi n'investissez-vous pas dans le domaine d'affaires des monnaies numériques? Vous pourriez offrir des services complémentaires.
Vous percevez la monnaie numérique comme étant à l'opposé de votre modèle d'affaires. Cependant, est-il possible qu'un jour vous décidiez d'utiliser cette technologie pour développer d'autres modes de paiement plus simples, en particulier à l'échelle internationale? Avez-vous pensé à cela? C'est l'esprit de ma question.
[Traduction]
Mme Haymond : Nous, les employés de MasterCard, examinons quotidiennement un grand nombre d'entreprises différentes. Si je possède de telles connaissances dans ce domaine, c'est parce que nous avons parlé à bon nombre de ces entreprises. Il va de soi que nous n'avons investi dans aucune d'entre elles et qu'en ce moment, nous n'envisageons pas de le faire. Je mentionne de nouveau que, selon moi, nous ne prendrons pas une telle mesure à moins que la monnaie, le protocole ou peu importe le nom que vous lui donnez soit réglementé. Si les transactions n'étaient pas anonymes, s'il était possible de vérifier l'identité des clients et d'assurer le suivi des transactions, et si les consommateurs étaient protégés, ces services nous intéresseraient, car ils présentent, selon nous, de nombreux aspects novateurs. Nous aimons le fait qu'ils sont peu coûteux et rapides. En toute honnêteté, nous aimons le fait qu'ils sont novateurs et, comme vous l'avez mentionné, différents de nos produits. Mais je ne crois pas que nous envisagerions de prendre une telle mesure tant que cette monnaie n'est pas reconnue par le gouvernement.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Certains représentants de l'entreprise Bitcoin nous ont dit qu'ils aimeraient, du moins certains d'entre eux, qu'il y ait une législation, un cadre réglementaire qui ressemble à la monnaie étrangère.
Si c'était le cas, considéreriez-vous investir dans ce domaine?
[Traduction]
Mme Haymond : Manifestement, je ne suis pas le directeur des finances ou le responsable du développement de notre entreprise. Toutefois, nous examinons pratiquement tout ce qui existe. Je dirais que, si les conditions étaient acceptables et que les services étaient sensés sur le plan politique, il n'y a rien dans lequel nous n'envisagerions pas d'investir.
M. Colfer : En ce qui nous concerne, nous investissons activement dans des entreprises novatrices comme Fundamo, mais, avant d'envisager activement ces considérations, je pense que certaines caractéristiques des services, comme leur envergure, leur sécurité et leur efficacité, doivent être connues. Ce sont des aspects auxquels nous tenons vraiment à prêter attention. En ce moment, on ne peut confirmer la mesure dans laquelle ces monnaies virtuelles possèdent ces trois caractéristiques, ainsi que la mesure dans laquelle elles assurent la protection des consommateurs.
Le président : Le sénateur Tkachuk aimerait obtenir une précision.
Le sénateur Tkachuk : En réponse à la question que la sénatrice Bellemare a posée à propos de la monnaie elle-même et de votre investissement dans cette monnaie, vous avez dit que vous n'iriez pas de l'avant « tant qu'elle ne serait pas reconnue par le gouvernement ». Par « reconnue », voulez-vous dire appuyée par le gouvernement? Qu'entendez-vous par « reconnue par le gouvernement »?
Mme Haymond : Je ne voulais pas dire « appuyée par le gouvernement ». À mon avis, elle ne sera jamais appuyée par le gouvernement, mais les gouvernements pourraient la reconnaître d'une façon officielle et lui fournir un cadre qui éliminerait certains des risques qu'elle présente, selon nous.
Le président : Le sénateur Tannas posera sa première question à titre de nouveau membre du Comité des banques, que nous accueillons chaleureusement.
Le sénateur Tannas : Merci, monsieur le président. Pour donner légèrement, mais peut-être plus brutalement, suite aux questions de la sénatrice Bellemare, parce que vous êtes des experts et que nous sommes ici pour prêter attention à leurs propos, je vous demande s'il s'agit d'une mode. Est-ce ce que j'aime appeler une « idée stupide dont le temps est venu »? À votre avis, cette monnaie connaîtra-t-elle le même sort que la tulipomanie des années 1800 et quelques, et est-ce que, dans les années à venir, nous étudierons tous ce phénomène?
Je comprends que vos réponses ne seront pas représentatives de l'opinion officielle de Visa ou MasterCard, mais vous êtes vous-mêmes des experts, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Deuxièmement, à supposer que ce ne soit pas une mode, quel mal vos organisations auraient-elles à reproduire exactement le service offert par ladite monnaie Bitcoin? Ont-ils recours à une sauce secrète que vous ne pourriez pas reproduire et que, si vous décidiez de pénétrer ce marché, vous seriez forcés d'acheter, au lieu de la préparer à l'aide de votre propre infrastructure, de vos propres systèmes de réglementation, et cetera?
M. Colfer : En ce qui concerne les services à la mode, les consommateurs et les marchands recherchent l'envergure, la sécurité et l'efficacité. Voilà les principales priorités de Visa. Je ne réponds pas à votre question, mais je ne voudrais pas émettre des hypothèses quant à la longévité de cette monnaie virtuelle — qu'il s'agisse de la monnaie Bitcoin ou de toute autre monnaie virtuelle offerte. L'avenir nous le dira. Nous n'en sommes qu'aux premiers jours.
Pour ce qui est de reproduire les technologies, les protocoles et les normes qui semblent avoir été mis en place pour offrir ces monnaies virtuelles, cette tâche exigerait un tableau blanc et de nombreux ingénieurs, et nous ne disposons ni de l'un et de l'autre. Nous avons peut-être accès à quelques ingénieurs, mais je ne vois pas de tableau blanc. L'argument que je fais valoir, sénateur, est que, bien que votre question soit excellente, je ne voudrais pas non plus émettre des hypothèses à son sujet.
Le sénateur Tannas : Serez-vous plus brave?
Mme Haymond : Je ne vais pas émettre des hypothèses, mais je vous citerai certains faits.
Nous pensons aussi que les paiements devraient être sûrs, simples et intelligents. Je ne suis pas certain que cette monnaie virtuelle soit une mode. Je sais que beaucoup de gens s'y intéressent. Elle fait beaucoup jaser, et je pense que c'est un enjeu auquel nous devons tous prêter attention, comme vous le faites tous en ce moment.
Nous innovons d'une manière très active. Nous possédons des brevets liés à ce domaine — c'est un fait connu du public. Aux États-Unis, nous possédons des brevets en matière de monnaies numériques, non pas parce que nous planifions de les exploiter maintenant et de lancer une monnaie numérique MasterCard ou quoi que ce soit du genre, mais pour le plaisir d'innover. Je ne sais pas vraiment si les brevets que nous possédons dans ce domaine reproduiraient la monnaie Bitcoin, mais, si nous voulions prendre des mesures dans le domaine des monnaies numériques, nous disposerions de brevets liés à ce domaine.
Le président : Après avoir posé une excellente question comme celle-là, vous avez certainement le droit de faire un suivi, si vous le souhaitez.
Le sénateur Tannas : Je vais m'arrêter ici. Merci.
Le sénateur Greene : En fait, j'ai une question un peu complémentaire à vous poser. Étant donné que vous possédez des brevets et que votre témoignage devant le comité a porté surtout sur la création d'un cadre réglementaire visant à accroître la sécurité du bitcoin et à assurer son utilisation, pouvons-nous supposer que, selon vous, le bitcoin ou les monnaies virtuelles continueront de figurer dans le paysage permanent des devises?
Mme Haymond : Nous croyons que c'est une importante innovation et que différentes formes de ces devises continueront d'évoluer. Je le répète, ce n'est pas que je refuse d'émettre des hypothèses, mais je ne fais que supposer ce qui adviendra.
Le sénateur Greene : Bien sûr.
Mme Haymond : Je précise encore une fois que cette idée intrigue beaucoup les gens. Ce service comporte des aspects positifs : il est peu coûteux, rapide et identifiable si l'on s'y prend de la bonne manière.
Donc, oui. Personnellement, je pense que des monnaies de ce genre continueront de voir le jour.
Le sénateur Greene : Fort bien. Je pense que c'est aussi notre conviction.
Je répète que tout cela relève du domaine de la conjecture, mais de la même façon que lorsque vous allez au restaurant et qu'un serveur nous apporte un appareil mobile dans lequel vous insérez votre carte — American Express, Visa, MasterCard, de débit ou autre —, pouvez-vous imaginer un moment où vous aurez aussi le choix d'utiliser ce même appareil pour payer avec des bitcoins, à supposer que cette monnaie ou une autre monnaie virtuelle mette en œuvre les mesures de protection nécessaires pour être acceptée?
Mme Haymond : Je peux imaginer un grand nombre de scénarios dans lesquels cela pourrait se produire. Si la monnaie était réglementée, nous pourrions décider de la faire fonctionner sur le système MasterCard. Elle bénéficierait ainsi des normes et des mécanismes de protection remarquables qu'offre MasterCard. Elle pourrait faire l'objet d'un réseau distinct.
J'ai le sentiment que les choses pourraient se dérouler de maintes façons, mais une grande partie de ce déroulement dépend des mesures prises par des gouvernements comme celui du Canada et des États-Unis. La Chine s'est retirée de la partie pour le moment. Tout dépend de la façon dont la monnaie évolue et de ce qui adviendra. Mais, oui, les gens pourraient utiliser cette monnaie pour faire des paiements.
Est-ce que je crois que ce sera le principal mode de paiement des gens? C'est peu probable. Je pense que cette monnaie sera utilisée dans des cas précis et qu'elle est particulièrement utile pour effectuer des transactions de pair à pair et des paiements commerciaux. Il y a des situations où il est logique de l'utiliser, mais c'est seulement mon opinion personnelle. Je ne parle pas au nom de MasterCard, mais je pense qu'il y a des cas où son utilisation est plus sensée.
Le sénateur Greene : Oui.
Mme Haymond : C'est tout. Je ne pense pas vraiment que les gens ordinaires utiliseront bientôt des bitcoins pour payer leur repas à la table.
Le sénateur Greene : Notre président n'est pas une personne ordinaire.
La sénatrice Ringuette : Pourrions-nous préciser cette pensée?
Le sénateur Greene : J'ai une dernière question à vous poser rapidement. Vous avez mentionné la Chine. Pourquoi a-t-elle décidé de se retirer de la partie?
Mme Haymond : Je l'ignore. Je sais seulement qu'ils ont déclaré que leurs banques n'étaient pas en mesure de traiter cette monnaie.
Le sénateur Greene : D'accord. Merci.
Le président : Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais exprimer notre reconnaissance à notre groupe d'experts. Vous nous avez beaucoup aidés dans l'étude que nous menons en ce moment.
Avant d'aller de l'avant, je tiens à informer les membres du comité que j'ai reçu une déclaration écrite de la part de l'un d'entre vous. J'y ai répondu de la façon suivante, et j'aimerais que ma réponse figure dans le procès-verbal.
Le sénateur Tannas a déclaré par écrit qu'il avait des intérêts personnels dans le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit). Conformément à l'article 15-7 du Règlement, la déclaration sera consignée au procès-verbal de la séance, et le sénateur ne participera pas à la discussion concernant le projet de loi.
Merci.
Aujourd'hui, au cours de la deuxième heure de notre séance, le comité discutera pour la troisième fois du projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit), qui a été présenté par notre collègue, la sénatrice Ringuette.
Les sénateurs se souviendront que le comité a amorcé son étude le 29 mai 2014, en entendant la sénatrice Ringuette, le ministère des Finances, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et le Bureau de la concurrence du Canada.
Au cours de la deuxième réunion du 19 juin, nous avons entendu les témoignages de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, du Conseil canadien du commerce de détail, de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, de la Saskatchewan Wildlife Federation et de la B.C. Wildlife Federation.
Aujourd'hui, vous entendrez des représentants des deux réseaux de cartes de paiement désignés dans la mesure législative, à savoir Visa et MasterCard.
Pendant la deuxième heure, nous accueillons deux représentants de Visa : M. Robert Livingston, président; et M. Brian Weiner, vice-président, Produit et stratégie. De MasterCard, nous accueillons M. Don Lebeuf, directeur du Service à la clientèle, Canada.
Je cède maintenant la parole à M. Livingston, qui sera suivi de M. Lebeuf.
Robert Livingston, président, Corporation Visa Canada : Merci beaucoup, sénateur Gerstein, et bon après-midi à tous. Mon nom est Rob Livingston, et je suis le président de Visa Canada. Avec moi se trouve Brian Weiner, qui dirige notre division de produits et stratégie à Visa Canada ainsi que notre fonction d'interchange depuis 2006.
Je vous remercie de l'opportunité d'être présent ici aujourd'hui.
J'aimerais profiter de cette occasion pour aborder trois sujets : l'industrie actuelle des paiements au Canada, le fonctionnement de l'interchange, ainsi que l'impact que le projet de loi S-202 aurait sur les consommateurs.
L'industrie canadienne du paiement est caractérisée par plus de choix et d'innovation aujourd'hui que jamais auparavant. L'éventail des acteurs non traditionnels continue de s'étendre. Compagnies de télécommunications, fabricants de téléphones mobiles, médias sociaux et start-up technologiques sont tous en train de pénétrer l'industrie du paiement d'ici. Les compétiteurs globaux comme American Express, Paypal et China Union Pay, sans oublier l'Interac canadien, qui détient en ce moment près du tiers du marché des paiements canadiens, offrent un nombre grandissant d'options pour les consommateurs et les commerçants. Ce sont les caractéristiques d'un environnement sain, compétitif et innovateur.
De façon tout aussi importante, des initiatives telles que le Code de conduite destiné à l'industrie canadienne des cartes de crédit et de débit ont amplifié la voix des différentes parties prenantes dans l'établissement des règles de base de notre industrie. Ce fait est pertinent a' notre discussion, puisque nous croyons que cette initiative, tout comme d'autres initiatives gouvernementales, a supplanté cet effort de régulariser les paiements.
Comme vous le savez, le code de conduite gouverne plusieurs aspects des relations entre les acteurs du système de paiements et il est actuellement en cours de révision par le ministère des Finances pour améliorer et étendre sa portée. Malgré le fait que Visa croit que son système a extrêmement bien servi le Canada, nous comprenons le besoin d'équilibrer les intérêts du nombre grandissant d'intervenants dans le fonctionnement de ce système. Dans cet esprit, nous travaillons actuellement avec le gouvernement, les commerçants et toutes les parties prenantes dans le but de développer et de raffiner ce mécanisme volontaire pour aborder les préoccupations émergentes.
Nous croyons que le code a bien fonctionné. Nous nous sommes engagés à le respecter en 2010, et nous y demeurons engagés aujourd'hui.
J'aimerais maintenant faire quelques remarques à propos de l'interchange, un mécanisme économique à la fois fondamental à l'industrie du paiement et souvent mal compris.
L'intérêt de Visa est de déterminer les taux d'interchange dans le but de maintenir un équilibre dans le système. Si les taux d'interchange sont trop hauts, les commerçants cesseront d'accepter les cartes. Si les taux d'interchange sont trop bas, les émetteurs ne seront pas compensés pour la valeur qu'ils livrent aux consommateurs et aux commerçants, et les éléments qui attirent les consommateurs et les encouragent à dépenser seront diminués. L'interchange n'est pas le prix que paye réellement un commerçant pour accepter les paiements électroniques. Les commerçants payent ce que l'on appelle l'escompte versé par les commerçants. Cet escompte est négocié lors de l'acquisition du processeur bancaire ou de paiement, et inclura d'autres coûts au-delà de l'interchange. Il est important de souligner que l'interchange n'est pas une source de revenus pour Visa.
Maintenant, j'aimerais brièvement aborder les impacts potentiels pour les consommateurs du projet de loi S-202.
Le genre de réglementation que contient ce projet de loi a déjà été mis à l'épreuve en Australie et ailleurs. Selon nous, les résultats ont été nuisibles et ont eu des conséquences inattendues sur tous les acteurs du système. En Australie, où des plafonds ont été imposés sur l'interchange dans l'intention de faire baisser le prix des biens, les consommateurs n'ont pas vu les épargnes réalisées. En fait, la Reserve Bank of Australia elle-même reconnaît que cette réglementation a mené à une augmentation des coûts aux consommateurs sans aucune preuve que les prix aux points de vente aient diminués.
La RBA indique également que « la réduction des taux d'interchange dans le système des cartes de crédit MasterCard et Visa a mené à une réduction de la valeur des programmes de fidélisation et a également augmenté les frais annuels ainsi que le prix global du prix des cartes de crédit aux consommateurs ». Ainsi que « il n'a aucune preuve... que les épargnes ont été acheminées des commerçants aux consommateurs ».
J'aimerais maintenant aborder les études déposées récemment par la sénatrice Ringuette.
L'étude préparée par David Shapiro est particulièrement silencieuse sur la question des effets globaux sur les consommateurs. Elle se concentre entièrement sur l'interchange. Elle n'analyse pas l'augmentation des coùts des consommateurs ou la réduction des bénéfices, ce qui est l'unique façon de déterminer les conséquences nettes de cette mesure législative pour les consommateurs.
Le sénateur a aussi déposé une étude par David Evans qui examine les effets de la réglementation sur le débit aux États-Unis sur les consommateurs. Evans aborde l'épargne pour les consommateurs ainsi que les coûts pour les consommateurs, et il conclut que les consommateurs ont connu une perte nette de 22 milliards de dollars suite à cette réglementation définie au sens large. Ceci démontre que la réglementation affecte négativement les consommateurs en termes réels.
Je crois que le temps qu'on m'a alloué se termine, et donc en résumé, l'industrie du paiement canadienne fonctionne comme le devrait un marché compétitif et dynamique, avec de nouveaux acteurs et de nouvelles technologies qui cherchent à répondre aux préférences des consommateurs et des détaillants. Les différends entre les parties prenantes ont été résolus, ou sont en processus d'être résolus, à travers le code de conduite. Il n'y a aucune preuve, économique ou autre, qui établit qu'une réglementation soit nécessaire. Nous croyons qu'une réglementation ne fera que nuire aux consommateurs au bénéfice des détaillants, et aucune preuve du contraire n'a été établie.
Finalement, je tiens simplement à réitérer que Visa a travaillé et continuera de travailler avec le gouvernement pour répondre aux préoccupations des commerçants à travers des mesures qui prennent en compte de manière adéquate les effets et les conséquences pour tous ceux concernés par le système de paiements.
Je vous remercie encore pour l'opportunité de prendre la parole ici aujourd'hui et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Monsieur Lebeuf?
Don Lebeuf, directeur du Service à la clientèle, Canada, MasterCard : Je vous remercie de nous donner aujourd'hui l'occasion de traiter du projet de loi S-202, qui vise l'intervention du gouvernement dans le processus de tarification qui est en cours dans notre marché et concerne plusieurs parties prenantes du secteur privé. Nous estimons que ce projet constitue une erreur et qu'il va à l'encontre des positions déjà adoptées par le gouvernement à l'égard de la réglementation du secteur financier pour favoriser la compétitivité, le choix et la transparence. Je me pencherai maintenant sur ces valeurs traditionnelles avant de passer aux conséquences non voulues de la réglementation tarifaire.
Je parlerai d'abord du choix. Nous devons nous rappeler que chaque commerçant considère le rapport coûts-avantages que présente le paiement par carte de crédit avant d'accepter ce dernier. Beaucoup le choisissent parce qu'il offre des avantages évidents, comme un volume de ventes accru, le paiement garanti, la manutention des espèces moins coûteuse et la vente en ligne. Un nombre très important de commerçants choisit le paiement par carte de crédit à cause de la valeur qu'il peut leur apporter. Parlons maintenant de la compétitivité. Lorsqu'un commerçant accepte le paiement par carte de crédit, au moins huit acquéreurs, ou traiteurs de paiement, entrent en compétition pour obtenir sa clientèle, en basant leur offre principalement sur leurs prix. De plus, des acteurs des canaux non traditionnels, dont PayPal et Square, entrent dans la compétition.
Dans une perspective plus large, MasterCard revoit constamment sa structure tarifaire pour améliorer sa proposition de valeur pour rivaliser contre les paiements par débit, au comptant et par chèque. Nous avons, par exemple, réduit les coûts afférents aux petites transactions, ce qui est de première importance pour des marchés où les achats sont peu coûteux, mais très nombreux, comme celui de la restauration rapide. L'option Payez et partez que nous offrons à de tels secteurs est beaucoup plus efficace que l'argent comptant et souvent moins cher que le débit, et cela montre le marché libre à l'œuvre.
Passons maintenant a' la transparence, qui a grandement été favorisée par le code de conduite. Les commerçants peuvent dorénavant être informés de façon claire sur les coûts associés à l'acceptation des paiements par carte de crédit grâce à des relevés mensuels qui sont émis par leurs acquéreurs et qui leur permettent de mieux constater la valeur que nous leur offrons.
Nous croyons qu'il existe un marché concurrentiel pour les produits de paiement basés sur le choix, la compétitivité et la transparence, et que le projet de loi S-202 risque d'étouffer cette compétitivité en remplaçant un mécanisme avancé de détermination des prix par des diktats gouvernementaux, ce qui entraînerait de fâcheuses conséquences pour les consommateurs et les commerçants.
Je ne veux pas dire que le système de paiements est parfait. MasterCard a pris connaissance des préoccupations des commerçants et du gouvernement concernant les prix qui ont été pris en compte dans le dernier budget. C'est dans ce but que nous coopérons avec le gouvernement pour réduire les frais des commerçants tout en protégeant les intérêts des consommateurs. Bien que je ne puisse en dire plus à ce propos, je peux souligner deux grands aspects de la présente discussion.
Premièrement, la solution proposée provient de l'industrie et non du gouvernement. Nous croyons toujours que la réponse réside dans le marché libre.
Deuxièmement, nous prioriserons toujours l'équilibre entre les intérêts des commerçants et des consommateurs. Nous ne progresserons jamais si les intérêts des commerçants sont défendus aux dépens de ceux des consommateurs. C'est ce qui nous ramène au projet de loi S-202 et à l'expérience de l'Australie, que les auteurs de la réglementation tarifaire citent si souvent malgré les effets négatifs et amplement documentés qu'ont ressentis les consommateurs et le système de paiement dans l'hémisphère Sud.
Lorsque la Banque centrale australienne a procédé à la réglementation des prix, elle présumait, sans toutefois avoir prévu de mesure à ce sujet, que les économies réalisées allaient profiter aussi aux consommateurs. II semble que les choses ne se soient pas passées ainsi. Nous sommes heureux que le gouvernement canadien ait demandé aux commerçants de faire profiter les consommateurs des économies qu'ils pourraient faire, mais l'expérience vécue ailleurs dans le monde — en Australie, au Royaume-Uni et dans de nombreux pays — ne nous permet pas d'être optimistes.
En fait, le contrôle des prix exercé en Australie a causé une réduction des revenus des émetteurs de cartes, ce qui a mené à la réduction des avantages liés aux cartes de crédit et de la disponibilité du crédit. Les frais de carte de crédit ont augmenté de 22 à 77 p. 100, ce qui s'est traduit par des coûts annuels de quelque 480 millions de dollars pour les consommateurs.
Et enfin, Amex, qui propose l'option d'acceptation de paiement par carte de crédit la plus coûteuse, n'a pas été touchée par la réglementation australienne, comme elle ne le serait pas par le projet de loi S-202. Amex a ainsi pu rehausser ses programmes d'avantages aux consommateurs, pendant que MasterCard et Visa se voyaient contraintes de diminuer les leurs. Ainsi, plus de consommateurs sont passés à Amex, ce qui a mené à une hausse des frais d'acceptation, ce qui est aux antipodes de ce que la réglementation avait pour objectif.
Un exemple plus récent nous provient des États-Unis, où le Congrès a réglementé les frais de cartes de débit en 2010. Les consommateurs ont payé en moyenne 1,5 p. 100 de plus malgré une réduction de 50 p. 100 de leurs frais de carte. Les commerçants, eux, ont réalisé des économies de 8 milliards de dollars, pendant que les consommateurs devaient assumer des frais supplémentaires ou plus élevés pour leurs services bancaires traditionnels afin que la perte de revenus soit compensée.
Ces exemples nous montrent ce qui attend le Canada si l'on donne au gouvernement le pouvoir de fixer des prix dans le secteur privé.
Ce qui rend surtout le projet de loi S-202 nuisible est qu'il favorise l'intervention du gouvernement dans un marché complexe dans l'intérêt des commerçants et non dans celui des autres parties prenantes. Ces autres dépositaires d'enjeux — surtout les consommateurs — en subiront les conséquences néfastes. Lorsque MasterCard fixe des prix, toutes les parties prenantes sont prises en considération, incluant les commerçants et les consommateurs.
Nous continuons à revoir nos structures afin d'offrir aux commerçants une meilleure valeur en matière d'acceptation de cartes. Nous avons déjà' réduit divers types de coûts et nous nous sommes engagés à répondre aux préoccupations des commerçants ainsi qu'à proposer d'autres innovations qui leur seraient profitables.
Voilà ce que peut faire le marché libre, comparativement a' la réglementation gouvernementale. Le contrôle tarifaire exercé par le gouvernement a toujours mené à l'échec. Nous exhortons donc les sénateurs à voter contre ce projet de loi pour que le Canada maintienne son approche ouverte du secteur financier.
Je vous remercie et serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup pour vos présentations.
Avant de passer à ma liste de sénateurs avec des questions, j'aimerais vous dire ce qui me traverse l'esprit. Je pense que j'ai bien saisi.
En 2010, le gouvernement a instauré un code de conduite destiné à l'industrie canadienne des cartes de crédit et de débit pour encourager le choix des commerçants, la transparence et l'équité des marchés de crédit; il était persuadé que les intervenants de l'industrie adopteraient le code de leur plein gré, ce qu'ils ont fait.
Cependant, le ministre des Finances de l'époque a dit : « La loi nous autorise à réguler l'industrie au besoin. » Cela n'a pas été nécessaire jusqu'à présent.
Ensuite, en 2013, le Tribunal de la concurrence a jugé que certaines des règles relatives aux réseaux de Visa et de MasterCard avaient une incidence négative sur la concurrence, ce qui entraînait une hausse des coûts pour les commerçants.
Ensuite, dans le budget 2014 présenté en avril dernier, le gouvernement a réitéré le besoin de réduire les coûts d'acceptation des cartes de crédit, et je cite le Plan d'action économique 2014 : « Les coûts d'acceptation des cartes de crédit au Canada comptent parmi les plus élevés au monde. »
De 2010 à 2014, quatre années se sont écoulées, et nous n'avons vraiment vu aucun changement important dans l'industrie, à part une réduction des taux d'interchange sur les transactions de moins de 10 $ et une réduction des taux d'interchange commerciaux.
Je veux être bien clair : les commerçants et les consommateurs canadiens s'attendent à ce que les choses bougent.
Monsieur Lebeuf, dans votre présentation, vous avez dit au comité que vous collaboriez avec le gouvernement à réduire les coûts que doivent assumer les commerçants tout en veillant aux intérêts des consommateurs. Vous avez parlé de travailler avec le gouvernement à réduire les coûts et vous avez mentionné que la solution devait émaner de l'industrie, sans que le gouvernement intervienne. Honnêtement, vous avez dit ce qu'il fallait, mais je crois que ce que le comité veut savoir c'est si vous joindrez le geste à la parole. Sur ce, je retourne à ma liste de sénateurs avec des questions, qui commence par le sénateur Black, suivi du sénateur Greene.
Le sénateur Black : Je vous remercie tous d'être venus et je vous remercie pour les contributions que vous avez clairement faites.
Je dois cependant dire que je suis un peu sceptique à l'égard de ce que j'ai lu dans vos présentations d'aujourd'hui. Je crois comprendre que nous avons tous des intérêts dans le dossier et que nous avons tous besoin de les faire valoir mais, comme l'a mentionné le président, nous sommes ici pour tenter d'en arriver à une sorte de solution à l'avantage des Canadiennes et des Canadiens. Je n'ai pas eu l'occasion de lire la présentation de Visa à l'avance, mais j'ai pu lire vos commentaires, monsieur Lebeuf. J'aimerais m'y reporter, si je le puis, et peut-être pourrez-vous m'aider.
Si vous pouviez vous reporter au deuxième paragraphe de la page 2, où vous dites : « Nous croyons qu'il existe un marché concurrentiel pour les produits de paiement basés sur le choix, la compétitivité et la transparence... »
Parlons de choix et de compétitivité. L'information qu'on m'a fournie à moi ainsi, je crois, qu'aux autres membres du comité, est que Visa et MasterCard contrôlent 90 p. 100 du marché canadien des cartes de crédit, et que les deux sociétés ont haussé leurs coûts d'acceptation de 30 p. 100 au cours de la dernière année. Pouvez-vous s'il vous plaît nous expliquer en quoi cela constitue, selon vous, des exemples de choix et de compétitivité?
M. Lebeuf : J'aimerais d'abord répondre à l'affirmation voulant que nos frais aient augmenté de 30 p. 100 en une seule année. Nous n'avons pas changé nos taux d'interchange depuis avril 2009.
Le sénateur Black : Merci.
M. Lebeuf : Ils sont stables, à l'exception des taux d'interchange que nous avons réduits. Alors cette affirmation est incorrecte et trompeuse.
Le sénateur Black : Merci de le préciser.
M. Lebeuf : Les choix sont nombreux.
Le sénateur Black : Contrôlez-vous 90 p. 100 du marché?
M. Lebeuf : Quatre-vingt-dix pour cent du marché des cartes de crédit. Vous devez tenir compte des cartes de débit ainsi que des paiements en espèces, car ils font une concurrence légitime, en quelque sorte. Nous essayons de supplanter les achats en espèces. Ensuite il y a les chèques, bien que les citoyens ordinaires les utilisent moins souvent que le gouvernement et les entreprises.
Alors nous faisons concurrence à nombre d'entités diverses, auxquelles s'ajoutent maintenant PayPal et Square, qu'on utilise maintenant au Canada. Bitcoin est un petit système en périphérie. Les consommateurs et les commerçants ont un certain nombre d'options de paiement à utiliser ou à accepter.
Le sénateur Black : Dans votre témoignage, vous disiez qu'il y a d'autres acteurs, mais vous n'êtes sûrement pas en train de nous dire qu'ils font vraiment concurrence à Visa et MasterCard?
M. Lebeuf : Je dirais qu'Interac est un vrai concurrent, surtout en raison de la réglementation qui le vise. Ce système peut recouvrer ses coûts grâce à un modèle dans lequel ses frais sont maintenus artificiellement à un bas niveau par un accord de consentement. C'est clair qu'Interac est un concurrent; il en va de même pour les paiements en espèces.
Le sénateur Black : Vous maintenez qu'il existe un choix réel sur le plan de la concurrence?
M. Lebeuf : Tout à fait. Nous nous livrons bataille chaque jour.
M. Livingston : J'aimerais dire quelque chose au sujet de la soi-disant augmentation de 30 p. 100. Si l'on remonte six ou sept ans en arrière, avant même que Visa ne devienne une société ouverte, notre taux d'interchange pondéré dans l'ensemble du système était de 1,59 p. 100, et aujourd'hui, il se situe à 1,65 p. 100. Cela représente une augmentation de 4 p. 100 sur six ans. J'ignore d'où proviennent ces 30 p. 100.
Le sénateur Black : Je ne le sais pas non plus, mais je vais m'informer. Merci de nous avoir donné cette précision.
Monsieur, si nous pouvions en revenir au marché concurrentiel et à votre argument concernant la transparence. J'ai cru comprendre que la transparence n'existe vraiment que parce que vous avez adhéré au code de conduite du gouvernement et qu'elle vous a été imposée.
M. Lebeuf : Nous avons adopté le code de conduite volontairement. Nous l'avons intégré à nos règles parce que c'était ce qu'il fallait faire. Il est clair que le gouvernement est habilité à réglementer en vertu de la Loi canadienne sur les paiements, mais le code avait bien du bon sens. Nous avons toujours estimé que les commerçants devraient être mieux renseignés sur leurs options de paiement et leurs coûts et qu'ils devraient comprendre ce que ces coûts comportent lorsqu'ils prennent une décision, qu'il s'agisse du cours du livrable, des frais de transaction ou du taux d'escompte du commerçant.
Le code de conduite a aligné tous les acquéreurs qui desservent les commerçants. Il a fait en sorte que les commerçants reçoivent des informations constantes et transparentes afin de bien comprendre les modalités de leur acceptation. Il leur a donné plus de renseignements que jamais, et je crois que c'est une bonne chose.
Le sénateur Black : Bien sûr que c'est une bonne chose, mais c'est parce que le gouvernement du Canada a encouragé votre industrie à le faire.
M. Lebeuf : Dans une certaine mesure, je suis d'accord avec cette affirmation.
Brian Weiner, vice-président, Produit et stratégie, Corporation Visa Canada : Je ne peux pas parler pour MasterCard, mais pour ce qui est de Visa, cette affirmation n'est pas exacte. Visa a, de sa propre initiative, publié ses taux d'interchange avant que le code de conduite n'entre en vigueur. En fait, nous avons encouragé cette initiative dans le code de conduite, qui est le fruit de la collaboration de tous les acteurs de l'industrie.
Le sénateur Black : C'est bon à savoir. Merci.
M. Lebeuf : Au sein de l'industrie, nous avons essayé de communiquer aux commerçants la valeur des paiements. Nous avons mis l'information sur nos sites Web. Cependant, nous n'avons pas le droit de maintenir les prix. Nous ne pouvons pas influencer ce qui se passe entre l'acquéreur et le commerçant. Le code de conduite a été une bonne chose en ce sens qu'il a prescrit exactement ce que l'on devait dire aux commerçants, chose que nos règles nous interdisent de faire. La réglementation en matière de maintien des prix nous l'interdit.
Le sénateur Black : Toujours au deuxième paragraphe, vous parlez des risques que représente le projet de loi S-202. Vous êtes assez clair là-dessus. Vous croyez qu'il éliminera la concurrence. Comment cela pourrait-il être possible?
M. Lebeuf : Pour être bien franc, il accorde un traitement de faveur à American Express. On a constaté dans d'autres pays que lorsque vous écartez un concurrent, il est libre d'offrir de meilleurs avantages aux clients et à en attirer de nouveaux. Ces cartes ont des frais d'adhésion plus élevés que les nôtres. Ce qui nous préoccupe surtout c'est que cela ne profite pas aux consommateurs.
Lorsque nous nous penchons sur la question de l'interchange, nous y pensons à deux fois car, comme il a été mentionné, si nos taux d'interchange sont trop élevés, les commerçants ne les accepteront pas. S'ils sont trop bas, alors nous ne pourrons pas encourager les consommateurs à utiliser une carte de crédit — moins il y a de consommateurs et moins il y a d'avantages pour le commerçant. C'est un équilibre très fragile qu'il faut garder à l'esprit. Si nous haussons trop les prix, les commerçants ne l'accepteront pas; et je pense qu'American Express l'a constaté. C'est un équilibre fragile qu'il faut maintenir, et il n'est pas dans notre intérêt de hausser les taux d'interchange à outrance. Cela ne nous serait pas utile.
Le sénateur Black : Nous en parlerons dans un instant, mais êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il est un peu extrême de dire qu'il éliminerait la concurrence?
M. Lebeuf : Il réduirait la concurrence. Il couperait l'herbe sous le pied à MasterCard ainsi, je suppose, qu'à Visa.
Le sénateur Black : Parlons maintenant des commerçants et des consommateurs. Vous avez mentionné les conséquences négatives sur les commerçants. N'est-ce pas simplement le fait qu'ils vous paieraient des frais moins élevés?
M. Lebeuf : Désolé, pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
Le sénateur Black : Si le projet de loi S-202 devenait une loi et que les commerçants vous payaient des frais moins élevés, quelles seraient les conséquences négatives pour eux?
M. Lebeuf : Pour être bien précis, il y a plus de conséquences néfastes pour les consommateurs. Que ce soit bien clair.
Le sénateur Black : Je veux d'abord parler des commerçants.
M. Lebeuf : D'accord. Encore une fois, pour en revenir aux conséquences négatives pour les commerçants, comme nous l'avons vu en Australie, il permettrait à un concurrent qui a déjà les frais d'acceptation les plus élevés sur le marché d'élargir sa clientèle et, en fait, de hausser les coûts d'acceptation que doivent payer ces détaillants en pressant le citron et en plaçant ces détenteurs de cartes dans une fourchette de prix plus élevée pour ces commerçants.
Le sénateur Black : Bien entendu, vous vous préoccupez plus de votre entreprise que des commerçants.
M. Lebeuf : Nous pensons toujours aux commerçants, mais je me préoccupe de mon entreprise, des commerçants et des consommateurs. Il faut trouver un équilibre, et les consommateurs doivent être pris en compte.
Le sénateur Black : On a aussi fait remarquer, peut-être à tort, qu'en Europe, on a plafonné les frais d'acceptation des cartes de crédit pour une longue période. En fait, le 24 juillet 2013, on a pris un règlement contraignant 28 pays européens à limiter à 0,2 p. 100 les frais que les commerçants doivent payer pour les cartes de débit et à 0,3 p. 100, ceux qu'ils doivent payer pour les cartes de crédit.
Êtes-vous d'accord pour dire que le Canada est maintenant une aberration à l'échelle internationale?
M. Lebeuf : Non. En fait, je dirais que le Canada montre comment l'industrie peut collaborer avec le gouvernement à trouver une solution.
Le sénateur Black : Nous n'avons pas trouvé de solution.
M. Lebeuf : Dans le budget et d'autres déclarations récentes, le ministre des Finances a clairement énoncé que c'est une question de mois, et non d'années. La réunion de ce comité arrive peut-être un peu trop tôt, mais nous avons déployé de sérieux efforts, de concert avec le gouvernement, pour régler cette question.
Le président : Monsieur Lebeuf, la réunion n'arrive pas trop tôt. Nous avons un projet de loi à l'étude.
M. Lebeuf : Oui, je comprends. Je me suis mal exprimé. Désolé.
Le sénateur Black : Nous vous exhortons à faire preuve de célérité. Merci beaucoup.
Le sénateur Greene : Premièrement, j'aimerais vous signaler que je suis un conservateur et, qui plus est, un conservateur de l'Est plutôt que de l'Ouest. Les conservateurs de l'Ouest ont tendance à regarder les banques et les grandes institutions financières avec méfiance, contrairement à leurs confrères de l'Est qui, en général, les aiment. Si je ne les aime pas, du moins je les respecte.
Nous avons entendu de nombreux témoignages de la part de divers groupes et associations de commerçants. Une des questions qui a retenu mon attention a été celle du choix. Vous avez fait remarquer que les commerçants n'ont pas à accepter les cartes de crédit; ils peuvent accepter les paiements en espèces. De nos jours, si vous voulez vendre quelque chose à quelqu'un, vous devez lui donner plus d'options que le paiement en espèces; vous devez lui donner la possibilité de payer par carte de crédit ou, du moins, de débit. Il est faux de dire que les gens ont un choix; à mon sens, c'est un choix qui n'en est pas un.
Vous dites qu'ils ont un choix entre les cartes mais, comme vous le savez sûrement, on demande aux commerçants d'accepter toutes les cartes et ils se sentent obligés de le faire pour rester concurrentiels. Si l'un de ses concurrents les accepte toutes, un commerçant doit donc en faire autant. Je me demande si vous pourriez dire quelque chose à ce sujet.
J'aimerais aussi que vous répondiez à une autre question. Étant donné qu'un commerçant paie différents taux en fonction des points de récompense associés aux cartes, les personnes qui choisissent une carte moins coûteuse — ou qui ne sont peut-être pas admissibles à une carte qui offre nombre de récompenses — se trouvent-elles en réalité à financer le réseau au nom de ceux qui ont des cartes de crédit plus avantageuses?
M. Lebeuf : Premièrement, un grand nombre de commerçants acceptent les cartes de crédit parce qu'ils ont choisi de le faire. Pour reprendre les paroles prononcées par un sénateur lors de ma dernière comparution en 2010 : « Personne ne les menace d'une arme ». Selon Statistique Canada, il y a 2,4 millions d'entreprises au Canada, dont environ un million qui acceptent MasterCard, alors il est clair que certaines entreprises ont déterminé qu'il n'était pas à leur avantage de les accepter. D'autres choisissent de le faire parce que leurs clients souhaitent s'en servir pour payer. C'est ainsi que fonctionne le libre marché.
Quel était le deuxième argument que vous avez soulevé dans votre question?
Le sénateur Greene : Celui de l'interfinancement.
M. Lebeuf : Les règles de MasterCard ont toujours permis aux commerçants d'accorder des rabais sur les achats en espèces ou d'autres formes de paiements si tel est leur choix — ou elles les ont orientés vers des formes de paiement moins coûteuses —, mais lorsqu'il est question d'une transaction de taille moyenne, il n'y a que quelques cents de différence entre une carte de base et une carte premium.
À franchement parler, ce qui suit équivaut à ouvrir la boîte de Pandore pour les commerçants : si un consommateur n'utilise pas une partie des services, devrait-il obtenir un rabais? Disons qu'il va dans un hôtel et n'utilise pas le Wi-Fi gratuit — devrait-il avoir droit à un rabais sur le prix de base que tout le monde paie? C'est un exemple parmi tant d'autres.
Parmi les commerçants, il n'est pas possible d'appliquer le principe selon lequel « comme vous n'avez pas mis le pied sur mon tapis, je n'ai pas besoin de le faire nettoyer, alors je n'ai pas à vous faire payer les coûts de nettoyage » ou « en utilisant la caisse libre-service, vous n'avez pas fait appel à mon personnel, alors vous méritez un rabais ».
C'est vraiment une question qui concerne les commerçants — comment faire pour modifier les prix en fonction de la quantité de services qu'un client utilise?
M. Livingston : En plus des 1,4 million de commerçants que M. Lebeuf a mentionnés, qui n'acceptent ni MasterCard ni Visa, il y a de très grands commerçants au Canada qui ont choisi de ne pas accepter l'une de ces deux cartes. Costco et No Frills n'acceptent pas Visa, seulement MasterCard. Il est clair que c'est une décision au plan économique qu'ils ont prise en fonction de la concurrence entre les deux marques.
Sur le deuxième point, j'aimerais aussi expliquer que le fait d'offrir un crédit aux consommateurs n'est pas qu'une question d'interchange. Il y a de nombreux autres facteurs qui entrent en ligne de compte, notamment en ce qui touche les dettes, les taux d'intérêt, et cetera. L'interfinancement est une question complexe qui n'est pas unidimensionnelle; il n'y a pas qu'une seule variable qui entre en ligne de compte.
La sénatrice Ringuette : ... les intérêts imposés et les frais d'adhésion aux cartes de crédit. Vous mélangez les torchons et les serviettes.
Le sénateur Greene : Lorsqu'une personne achète un service ou un objet en ligne avec une carte de crédit, comment les frais sont-ils calculés?
M. Livingston : On fonctionne pas mal de la même façon qu'on le ferait dans le cas d'une transaction en personne; le commerçant en ligne paie un taux d'escompte du commerçant à sa banque acquéreuse ou à son entreprise de traitement des paiements. Ensuite, l'une des deux transmet l'interchange à l'une des banques qui a émis la carte de crédit au consommateur.
Le sénateur Tkachuk : Je vais simplement vous poser quelques questions, car nous sommes aussi censés essayer d'instruire le public.
Si je faisais un achat de 1 000 ou de 500 $ dans un magasin de vente au détail avec ma carte Visa, quel pourcentage moyen le commerçant devrait-il payer? Vous n'avez pas à me donner de chiffre précis, mais en moyenne, quel pourcentage le détaillant aurait-il à payer?
M. Livingston : Je peux vous donner une moyenne approximative; cela peut varier grandement en fonction des arrangements individuels. Ce sera entre 20 et 30 $ pour une transaction de 1 000 $.
Le sénateur Tkachuk : Donc 2 ou 3 p. 100.
M. Livingston : Le taux d'interchange pour Visa...
Le sénateur Tkachuk : Nous y viendrons. De ces 2 ou 3 p. 100 — en passant, le maximum en Europe est de 3 p. 100 et de 2 p. 100 sur...
La sénatrice Ringuette : C'est 0,2 et 0,3.
Le sénateur Tkachuk : Quel montant prendriez-vous et quel montant la banque émettrice prendrait-elle?
M. Livingston : Je ne peux pas parler en détail des arrangements financiers entre nous et les banques. Cette information est confidentielle. Je ne le ferais certainement pas avec mon concurrent assis juste à côté de moi. Les banques prennent la majeure partie de ce montant.
Le sénateur Tkachuk : Alors elles prendraient 60 p. 100, 70 p. 100 — 50 p. 100 — quelque chose du genre?
M. Livingston : Plus que cela.
Le sénateur Tkachuk : Alors quelque chose comme 80 p. 100. Des 2 ou 3 p. 100 dont il est question, 80 p. 100 retournent à la banque émettrice — or 70 p. 100 — celle qui, dans les faits, a dit que le sénateur Tkachuk peut mettre jusqu'à 10 000 $ sur la carte de crédit qu'elle lui émet.
M. Livingston : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Pour que ce soit bien clair pour le public : vous n'avez qu'une toute petite partie du montant total, et il y a probablement 8 ou 10 banques — je ne saurais dire — qui se font concurrence dans le marché des cartes de crédit.
M. Livingston : C'est bien vrai.
Le sénateur Tkachuk : Elles pourraient imposer différents frais, ce qui faciliterait la tâche du consommateur ou du détaillant, n'est-ce pas? Autrement dit, les banques se font concurrence. Il n'est pas question de Visa et de MasterCard, mais bien de 8, 9 ou 10 banques au pays qui émettent des cartes de crédit et qui se font concurrence pour leur part du marché.
M. Livingston : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Elles se font notamment concurrence pour ce qui est de convaincre les détaillants d'accepter leur produit.
M. Livingston : C'est tout à fait vrai. Il y a de la concurrence à trois étapes de ce processus : celle où les banques acquéreuses ou les entreprises de traitement de paiements essaient d'obtenir l'adhésion des commerçants, et où elles rivalisent sur les prix et d'autres facteurs; celle où Visa et MasterCard se font concurrence pour avoir du volume, faire des arrangements avec les commerçants et faire en sorte que ces arrangements soient traités dans notre système; et celle où les banques émettrices se font concurrence pour attirer les consommateurs en leur vantant les mérites de leurs produits.
Le sénateur Tkachuk : Je vois. Je tiens à dire que je suis un Canadien de l'Ouest qui n'a rien contre les banques. Mon père était détaillant. Il arrive souvent que les gens ou les détaillants d'aujourd'hui oublient comment c'était auparavant. J'aurais aimé que mon père puisse accepter les cartes de crédit, car il avait coutume de faire lui-même crédit à ses clients, et lorsque ceux-ci ne le payaient pas, il n'avait aucun recours.
Aujourd'hui, un client peut prendre une carte de crédit, se rendre à la banque et obtenir une avance de fonds. Cela lui fait de la liquidité dans son compte en banque alors qu'avant, il aurait dû attendre — je ne sais pas — une semaine ou même plus pour encaisser un chèque. En fait, je suis assez âgé pour me souvenir de cette époque, alors je sais ce que c'est.
Alors, si le gouvernement réglemente le coût de la transaction pour le commerçant, qui doit payer la note? Vous ou la banque? Autrement dit, qui réglementons-nous?
M. Lebeuf : Je vais parler pour MasterCard. MasterCard ne tire aucun revenu direct de l'interchange. Tout ce que nous faisons, c'est de le transmettre de l'acquéreuse à l'émettrice. Nous fixons les taux d'interchange à la place de taux bilatéraux par défaut qu'elles peuvent négocier elles-mêmes. Nous fixons un taux du marché et nous partons de là.
Nous ne tirons strictement aucun revenu de l'interchange; ce sont le volume et les transactions acheminées dans le système qui nous sont profitables. Il est dans notre intérêt d'avoir le plus de transactions et de volume possible. Si l'interchange est déséquilibré, nous nous causons du tort à nous-mêmes.
Ce sont les banques en tant que telles qui sont à risque, ainsi que leurs clients. Si l'interchange était réglementé et réduit artificiellement, alors les banques auraient à compenser cet écart en coupant le crédit aux personnes dans la marge ou en augmentant les frais ou en limitant les avantages sur les produits dont les clients jouissent aujourd'hui — encore une fois, cela est conforme aux autres cas observés à l'échelle internationale dans lesquels on a constaté que les détaillants ne faisaient pas profiter les consommateurs de ces économies.
Alors bien qu'il soit question de baisser les coûts que doivent assumer les détaillants, ils n'en font pas bénéficier les clients; ce sont eux qui en profitent aux dépens des consommateurs.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une petite question.
Le président : Il y a beaucoup de personnes qui attendent de poser des questions.
Le sénateur Tkachuk : Je pense qu'il est très important que les consommateurs comprennent la ventilation des frais pour que nous ne disions pas « Eh bien, c'est Visa » ou « C'est MasterCard ». Il y a un tas de personnes concernées par ces 2 ou 3 p. 100. Il m'est arrivé quelque chose à un moment donné. Je n'aime pas parler de ma vie privée, mais je me suis retrouvé dans une situation dans laquelle...
Le président : Sénateur, s'agit-il d'une question?
Le sénateur Tkachuk : Oui, c'est une question.
Le président : C'est bien.
Le sénateur Tkachuk : J'avais loué une maison en Floride qui n'a pas répondu à mes attentes. J'avais fait un dépôt de 2 000 $ sur cette location pour mes vacances.
Le président : Votre question, s'il vous plaît.
Le sénateur Tkachuk : Visa a payé ces 2 000 $. J'ai téléphoné à Visa pour leur expliquer mon problème et on m'a donné un crédit instantanément. Qui paie pour l'assurance? Est-ce MasterCard et Visa ou les banques?
M. Livingston : Ce sont les banques qui paient pour cela. C'est votre banque qui a payé. Visa a pour politique de dire que vous avez une responsabilité zéro en cas de fraude, mais c'est en réalité la banque qui la prend en charge.
Le sénateur Tkachuk : Alors elle me couvre, même si je fais un mauvais achat, ce qui est monnaie courante pour bien des consommateurs.
M. Livingston : En effet. Cela fait partie des coûts que les banques assument, qui sont compensés, si vous voulez, par l'interchange qu'elles reçoivent dans le cadre des transactions.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Je vous souhaite la bienvenue. Si vous permettez, je vais parler un peu en français. Nous avons tout de même des téléspectateurs du Québec qui utilisent les cartes Visa et MasterCard.
J'aimerais obtenir une précision. American Express, à ce que je sache, c'est chez Costco. C'est l'endroit où, en tant qu'individu, on épargne sur les prix, parce qu'on achète en quantité. Comment expliquez-vous qu'une chaîne aussi importante que Costco utilise la carte la plus chère sur le marché? Donnez-moi la raison pour laquelle les gens l'utilisent. Pourquoi Costco s'appauvrirait-elle? Avez-vous été appelé à soumissionner avec cette chaîne? Pouvez-vous offrir le même service qu'American Express? Il est tout de même inhabituel qu'une si grande chaîne, où il y a un aussi grand débit de marchandises, utilise la carte la plus dispendieuse. Expliquez-moi cela.
[Traduction]
M. Lebeuf : Costco a négocié directement avec American Express l'utilisation d'une carte conjointe, une carte Costco-Amex associée à l'abonnement, ce qui présentait un intérêt économique pour les deux parties. Le contrat est arrivé à expiration et Costco a fait un autre appel d'offres. Diverses institutions et organisations ont fait des soumissions, ont répondu à son appel de propositions, et je suis heureux d'affirmer que c'est MasterCard qui a décroché le contrat et qu'American Express sera progressivement retirée du magasin, je crois d'ici la fin de l'année.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Donc, vous pouvez opérer à un prix plus bas? Si vous avez répondu à une compétition, cela veut dire que vous avez diminué votre prix d'interchange. Avez-vous baissé votre prix par rapport au marchand voisin?
[Traduction]
M. Lebeuf : Je ne suis pas en mesure de divulguer les termes de l'entente, mais il s'agissait d'une proposition économique de vaste portée qu'a faite MasterCard, semblable à celle qu'elle aurait faite à n'importe quel grand détaillant afin de l'avoir comme client. Et ce n'est pas seulement pour les échanges que MasterCard a soumissionné, mais pour toute une gamme de services différents. Nous avons en effet proposé une gamme beaucoup plus complète de services.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Cela signifie que vous pouvez opérer pour moins cher. Quelqu'un a parlé des frais artificiellement bas d'Interac.
[Traduction]
Que voulez-vous dire par « frais artificiellement bas »? Qu'est-ce le terme « artificiel » a à faire avec « bas »?
M. Lebeuf : Comme vous le savez probablement, Interac fonctionne aux termes d'une ordonnance de consentement imposée par le Bureau de la concurrence. Conformément à cette ordonnance, c'est une société à but non lucratif qui fonctionne selon le principe de la récupération des coûts. Les frais qu'elle impose ne représentent donc que ses frais d'exploitation et elle n'en tire pas profit. Aux termes du code de conduite et de l'ordonnance de consentement du Bureau de la concurrence, elle a le monopole des débits au Canada. Elle opère donc selon ces conditions, mais les frais qu'elle demande aux émetteurs et aux acquéreurs sont en fait le sixième d'un penny, soit douze centimes, mais c'est une autre histoire. Toujours est-il que ces frais sont artificiellement bas par rapport à la valeur de la carte de paiement sur le marché.
Partout ailleurs dans le monde, on aurait des frais différents. Ceux-ci sont artificiellement bas en raison de l'ordonnance de consentement et de l'obligation qu'elle a d'appliquer le principe du recouvrement des coûts.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est donc la bonne banque qui me fait un cadeau quand j'utilise Interac et elle devient la méchante banque quand j'utilise ma carte Visa ou MasterCard, car elle va chercher 80 p. 100 de l'interchange. C'est du moins ce que j'ai entendu tantôt.
Autrement dit, le même joueur, qui est votre partenaire, tout dépendant du fait qu'on utilise Interac ou la carte de crédit, va encaisser en termes de frais d'exploitation un montant plus raisonnable, disons.
[Traduction]
M. Lebeuf : Parlez-vous du point de vue du consommateur ou du vendeur?
La sénatrice Hervieux-Payette : Du vendeur.
M. Lebeuf : La plupart des vendeurs acceptent Interac et sont ravis de son prix qui est très bas. Mais la fonction de débit de la carte Interac n'intéresse que certains consommateurs. La majorité des gens utilisent Interac comme s'ils utilisaient leur propre argent. Quelquefois, les cartes de crédit présentent un avantage unique, surtout pour les clients bien nantis qui n'ont pas à se soucier d'avoir le montant exact de leur achat dans leur compte.
Le sénateur Massicotte : Il ne fait aucun doute que l'introduction des cartes de crédit sur le marché a eu beaucoup d'avantages pour les vendeurs, par rapport aux vols et à toutes sortes de problèmes. Mais le problème est que le Canada a l'honneur d'être au deuxième rang mondial, s'agissant des frais imposés aux commerçants. C'est là que le bât blesse.
Ce n'est pas un honneur dont nous sommes fiers. Qu'est-ce que vous proposeriez? Que peut-on faire pour réduire ces frais? La concurrence est féroce entre émetteurs. Selon certaines études, les vendeurs se sentent forcés d'accepter l'une des deux grandes cartes et ils pensent qu'il n'y a pas suffisamment de concurrence à ce niveau. Il y a beaucoup d'intervenants du côté des émetteurs, mais les banques décident du type de récompenses qu'elles offrent afin d'attirer des clients. Et les vendeurs se sentent obligés d'accepter ces conditions.
Que recommanderiez-vous pour changer cette dynamique et faire en sorte que le commerçant se sente plus libre d'accepter les cartes qu'il souhaite avoir et de réduire les frais?
M. Livingston : C'est une excellente question, monsieur. Mais il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui, les commerçants ont le choix d'accepter ou non les conditions. Comme je l'ai dit, certains grands commerçants ont choisi de ne pas accepter Visa. Plus d'un million de petits commerçants n'acceptent pas Visa ou MasterCard. C'est un choix que font chaque jour et à tous les niveaux tous les commerçants dans la collectivité.
La réponse à votre question sur ce qu'on peut faire, comporte deux volets. Premièrement, on peut continuer le dialogue amorcé avec le ministère des Finances, la communauté des commerçants et d'autres intervenants pour en arriver à une situation équilibrée où l'on tient compte des préoccupations actuelles et futures de la communauté des commerçants et des consommateurs. C'est sur cette approche que nous nous concentrons.
La deuxième approche — qui est un corollaire de la première — consiste à ne pas provoquer de réactions inattendues, qui seraient accompagnées de revirements spectaculaires. Chaque marché dans le monde a évolué de façon différente, chacun ayant son point de départ et son point d'arrivée. À notre avis, la situation au Canada est presque en parfait équilibre, avec de nombreux avantages pour les consommateurs et de nombreux avantages pour les commerçants. Le commerce numérique est sain et nous ne voudrions compromettre la situation sans avoir consulté tous les intervenants.
Le sénateur Massicotte : Vous dites que 40 p. 100 des commerçants n'utilisent pas de carte de crédit, mais cela concerne surtout des petites transactions. J'imagine que si l'on examinait la valeur totale des transactions au détail, un très grand pourcentage d'entre elles se ferait par carte de crédit. Parler de 40 p. 100 est trompeur. Il s'agit habituellement de petits dépanneurs qui acceptent l'argent liquide parce que les cartes de crédit sont prédominantes dans notre système.
M. Livingston : Vous soulevez un bon argument, monsieur. J'ajouterais toutefois qu'il y a de nombreuses transactions, par exemple pour payer des factures de services publics ou des frais d'inscription, que l'on ne peut pas faire actuellement par carte de crédit, alors que ce serait bien pratique. Beaucoup de petits commerçants ont le sentiment de ne pas pouvoir assumer ces coûts. Il y a de grandes institutions qui n'acceptent toujours pas nos produits. Nous sommes dans un marché où l'adhésion n'est pas ce qu'elle pourrait être et où nous allons devoir nous battre contre MasterCard, American Express, Interac et tous les intervenants dont je vous ai parlé, pour que Visa soit davantage acceptée.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'aimerais parler un peu du code de conduite. Vous avez dit que, en quelque sorte, le code de conduite établi de concert avec le gouvernement et les parties visait l'amélioration de la transparence. En ce qui concerne la section du code de conduite qui traite de la relation entre les marchands et les consommateurs, quels en sont les grands éléments et, à titre de sous-question, ce code de conduite améliore-t-il ou la concurrence ou pas?
[Traduction]
M. Livingston : Merci de votre question, madame la sénatrice. Mais avant d'y répondre, j'aimerais dire — et je ne l'ai pas mentionné plus tôt — que Visa est totalement en faveur du code de conduite, qui, à notre avis, a renforcé de beaucoup la transparence dans l'industrie des paiements. Mais nous pensons qu'il est encore possible de l'améliorer et de le peaufiner. Et c'est d'ailleurs ce qui se passe; et cela créera davantage de transparence, particulièrement pour la communauté des commerçants et leurs droits, s'agissant de leurs contrats avec les banques et autres fournisseurs de paiements.
Pour répondre à votre question sur les rapports qu'entretiennent consommateurs et commerçants, il y a deux exemples où le code de conduite pourrait entrer en jeu et où on l'a d'ailleurs fait intervenir. Le premier est de donner aux commerçants la possibilité de partager avec les consommateurs le coût d'acceptation des différentes cartes. Vous entrez par exemple chez votre dépanneur du coin et celui-ci vous dit : « Vous savez, je paie davantage pour cette marque que pour cette autre »; le consommateur se dira alors qu'il aime ce commerçant et qu'il ne veut pas lui faire ça. Le commerçant pourrait dire, encore aujourd'hui et conformément aux règles de Visa et d'autres associations : « Je peux vous offrir un rabais si vous payez comptant. » C'est permis.
L'autre exemple...
La sénatrice Bellemare : Est-ce que c'est autorisé dans le code?
M. Livingston : C'est permis selon le règlement de Visa et également d'après celui de MasterCard, mais je m'en voudrais de parler au nom de cette société.
Par ailleurs, les consommateurs doivent comprendre quelles conséquences a sur le commerçant l'utilisation des diverses cartes. Cela pourrait faire l'objet d'une mise à jour du code de conduite par laquelle on aviserait le consommateur qui reçoit une carte privilège, que cette carte entraîne des frais plus élevés pour le commerçant.
À notre avis, c'est une très bonne chose que les commerçants puissent faire savoir à leurs clients quels frais ils doivent assumer en acceptant telle ou telle carte. Et c'est aussi une très bonne chose que les consommateurs sachent que leurs décisions d'achat par telle ou telle carte ont des conséquences pour les commerçants.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je croyais que le code ne permettait pas cet échange d'information. Je vous remercie.
[Traduction]
La sénatrice Ringuette : Bienvenue, messieurs. Je dois dire que votre exposé m'a laissé bouche bée. Vous parlez des services formidables que vous offrez à peu de frais alors que nous avons les preuves du contraire. À propos, l'étude que je vais vous citer n'a été commanditée, ni par Visa, ni par MasterCard. Elle a été effectuée par l'European Credit Research Institute et publiée en janvier 2014. Deux brillants et éminents chercheurs ont examiné tous les enjeux et l'évolution des frais d'interchange.
Le président : Pourriez-vous déposer le rapport après la séance afin que les membres du comité puissent le consulter?
La sénatrice Ringuette : Certainement.
Dans cette étude, vos déclarations concernant l'effet de cette mesure sur American Express et les avantages qu'en auraient tirés les commerçants et que ces derniers auraient fait passer aux consommateurs, sont complètement invalidés.
Je suis donc désolée, messieurs, mais nous faisons notre propre recherche et nous nous tenons au courant des événements.
Cela dit, cela fait 14 ans que les frais d'interchange ont été plafonnés à 0,5 p. 100 en Australie. Le plafond est maintenu; or, vous fournissez toujours le service et les consommateurs continuent d'utiliser leurs cartes de crédit.
Depuis 2003, c'est-à-dire depuis 11 ans, vos deux sociétés sont constamment poursuivies en justice dans les 28 pays de l'Union européenne. À la suite de toutes ces études, de toutes ces poursuites et de toutes les preuves qui ont été présentées devant les tribunaux, ils ont décidé que c'était assez et vous ont soumis à une réglementation.
En juillet dernier, ils ont limité les frais interétatiques imposés aux commerçants à 0,3 p. 100 et en juin 2015, tous les frais d'interchange nationaux seront limités à 0,3 p. 100 pour les cartes de crédit.
Selon la déclaration publiée l'an dernier, au moment où la Commission européenne a pris cette décision et a présenté le projet de loi qui a été adopté par les 28 pays :
Le règlement imposera des plafonds pour les frais d'interchange appliqués aux cartes les plus généralement utilisées, que les commerçants ne peuvent pas refuser en pratique, à savoir, les cartes de débit et les cartes de crédit.
On impose également des limites aux cartes de débit, puisque vous occupez ce marché dans l'Union européenne.
Les niveaux de plafonnement — soit 0,2 p. 100 de la valeur de la transaction pour les cartes de débit et 0,3 p. 100 pour les cartes de crédit — sont ceux qui ont été acceptés aux termes d'engagements pris envers la Commission par Visa Europe et MasterCard, et aussi par les Cartes Bancaires en France. En contrepartie, on accorde aux commerçants une part des bénéfices découlant de l'utilisation des cartes, au lieu d'argent comptant.
Je vous pose donc, messieurs, la question suivante : « Pourquoi trouvez-vous normal d'avoir depuis 14 ans des frais d'interchange de 0,5 p. 100 en Australie et de vous engager auprès des 28 pays européens à appliquer des taux de 0,3 p. 100 alors qu'ici, au Canada, vous trouvez normal d'extorquer les commerçants et les consommateurs en leur imposant des frais de 3 p. 100? À propos, on parle d'un code de conduite aux termes duquel vous réduiriez vos frais de 0,10 p. 100. Pour moi, le chiffre a probablement été mal arrondi.
Le président : Vous avez posé une question, sénatrice Ringuette. Pourrions-nous avoir une réponse?
La sénatrice Ringuette : S'agissant des frais, les Canadiens ne peuvent pas accepter moins de votre organisation que ce que vous proposez aux commerçants et aux consommateurs australiens et des 28 pays de l'Union européenne. Vous devez arrêter de les escroquer. Ce n'est plus acceptable et le tribunal canadien a affirmé que vous devez être soumis à une réglementation.
Le président : Monsieur Livingston, monsieur Lebeuf?
M. Livingston : Bon, je vais commencer. Je ne peux pas faire de commentaire à propos de ce que Visa Europe a convenu avec la Commission européenne puisque c'est une entreprise distincte de Visa International. Autrement dit, Visa International n'a pas d'intérêt dans Visa Europe. Cela dit, sénatrice Ringuette, vous avez posé une question tout à fait valable, qui montre que d'autres marchés en sont venus à une situation très différente de celle que nous avons aujourd'hui au Canada et que nous souhaitons maintenir plus ou moins en l'état.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que, dans les marchés où l'interchange est réglementé de façon aussi stricte, le consommateur en pâtit beaucoup.
La sénatrice Ringuette : Ce n'est pas vrai, et toutes les études le prouvent.
Le président : Excusez-moi, laissez M. Livingston répondre, s'il vous plaît.
La sénatrice Ringuette : Oui, oui.
M. Livingston : En Australie, les profits découlant des cartes de crédit ont été réduits et le manque à gagner a été récupéré sous forme d'augmentation des frais annuels et autres, refilée aux consommateurs. En Europe, la situation évolue et je m'attends à ce que la même chose se produise. Selon la Reserve Bank of Australia, on n'a pas pu établir que la réglementation allait entraîner des réductions de coûts pour les commerçants. Au moins au début, ces réductions sont très réelles et elles sont refilées aux consommateurs de toute façon.
Pour en revenir à la situation au Canada, il y a un risque réel que ce type de réglementation nuise aux consommateurs, car les banques récupéreront par d'autres moyens les pertes de revenus.
M. Lebeuf : Je suis d'accord. La mesure qu'a prise l'Union européenne est en train d'arriver. L'Australie est un bon exemple des conséquences négatives auxquelles il faut s'attendre.
Certes, les frais d'interchange sont réduits, les banques ont moins de revenus pour assumer les coûts d'exploitation d'un programme de cartes de crédit pour les consommateurs. En conséquence, elles ont dû accroître d'autres frais et réduire les avantages offerts par la carte. La Reserve Bank of Australia n'a pas pu établir que les commerçants avaient refilé ces économies au consommateur. En fait, cette mesure a été une manne pour les détaillants.
En fait, certains détaillants ont imposé sur les transactions par carte de crédit une surcharge bien supérieure aux coûts liés à l'acceptation de la carte, coûts qu'ils ont dû réduire comme ils l'ont fait au Royaume-Uni. En fait, le phénomène de la surcharge est devenu incontrôlable, dépassant largement ce qu'auraient été les coûts d'acceptation de la carte, alors même qu'ils étaient réduits.
Nous voyons ici les conséquences inattendues d'un projet de loi favorable aux commerçants, mais pas au consommateur. Il faut trouver un juste milieu en tenant compte des deux parties. C'est dans cette optique que nous établissons nos prix. Nous pensons que les frais actuels et futurs d'interchange refléteront les avantages dont profitent les commerçants et les consommateurs au Canada.
Si l'équilibre penche excessivement en faveur des commerçants, ce sont les consommateurs qui en pâtiront.
La sénatrice Ringuette : J'aimerais vous donner un extrait de l'annonce faite par le président de la Commission européenne. Je le cite :
Ce type de règlement profite avant tout aux consommateurs. Ceux-ci paient aujourd'hui sans le savoir pour des services de paiement; le coût de ces services se reflète dans des prix de détail gonflés. Cela doit changer. Nous voulons que les consommateurs puissent faire des choix éclairés sur les modes de paiement qu'ils utilisent, qu'ils puissent soupeser les coûts et les avantages des différents instruments mis à leur disposition.
Je suis conscient que d'autres parties ont des intérêts dans la situation actuelle et qu'elles s'opposent à l'idée de limiter les frais d'interchange; elles tentent de faire croire aux consommateurs que la réglementation ferait augmenter les frais d'utilisation des cartes de crédit sans faire baisser les prix de détail. Au contraire, il y a tout lieu de croire que les consommateurs bénéficieront de l'élimination de frais cachés dans le prix facturé; en effet, la concurrence entre commerçants se fait sur la base de prix de détail transparents.
Le président : Sénatrice Ringuette, il ne nous reste plus de temps. Pourriez-vous poser votre question afin que nous ayons une réponse?
La sénatrice Ringuette : La question est que les 28 pays européens s'occupent de ce dossier depuis 10 ans. Cela fait 10 ans qu'ils analysent la situation et ils en sont arrivés à la conclusion qu'il fallait réglementer à la fois Visa et MasterCard en plafonnant les frais qu'ils imposent aux commerçants et aux consommateurs à 0,3 p. 100, plutôt qu'à 3 p. 100, comme ils le font aujourd'hui.
À propos, la surcharge qui viendra compenser le manque à gagner dans l'Union européenne va coûter plus de 5 milliards par an aux commerçants et consommateurs canadiens.
Le président : Avez-vous une question, sénatrice Ringuette?
La sénatrice Ringuette : Assez, c'est assez, et je continuerai de le faire savoir, vous pouvez en être certains.
Le sénateur Tkachuk : On devrait lui donner plus de temps pour intervenir. Nous avons des invités et voilà 10 minutes que j'entends le témoignage du parrain du projet de loi.
Le président : Monsieur Tkachuk, c'est moi qui ait décidé de la laisser parler.
Nous n'avons plus de temps, mais j'ai une intervention de dernière minute du sénateur Rivard qui souhaite mettre quelque chose au compte rendu.
[Français]
Le sénateur Rivard : Il y a 50 ans, au début de l'émission des cartes de crédit, il n'y avait pas de frais annuels et pas de primes de voyage ou autres avantages. Aujourd'hui, la plupart des détenteurs de cartes de crédit en ont une qui offre des points de voyage ou des rabais.
Est-ce que vous touchez un revenu de la banque émettrice de la carte lorsque, par exemple, un détenteur paie des frais annuels de 140 $?
[Traduction]
M. Livingston : Non.
M. Lebeuf : Non.
[Français]
Le sénateur Rivard : Vous allez peut-être me dire que ce sont les banques qui répondraient le mieux à cette question, mais quel est le pourcentage actuel des cartes sans frais annuels et sans avantages par rapport à celles qui exigent des frais annuels et qui offrent de l'assurance voyage, par exemple?
[Traduction]
M. Livingston : Nous devrons nous renseigner pour obtenir ces chiffres, monsieur, je ne les connais pas par cœur. Je sais qu'il y a au Canada pas mal de cartes de crédit pour lesquelles il n'y a pas de frais annuels à payer, mais je n'en connais pas le nombre exact.
Le président : Merci, monsieur. Si vous voulez bien remettre cette information à la greffière, nous la distribuerons aux membres du comité.
Nous n'avons plus de temps. Au nom des membres du comité, je vous sais gré d'être venus comparaître, merci.
La séance est terminée.
(La séance est levée.)