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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 15 - Témoignages du 9 octobre 2014


OTTAWA, le jeudi 9 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit), se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous tenons aujourd'hui notre quatrième séance sur le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit). Ce projet de loi a été proposé par notre collègue, la sénatrice Ringuette.

Chers collègues, vous vous rappellerez que nous avons amorcé notre étude en recevant la sénatrice Ringuette et des représentants du ministère des Finances, de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et du Bureau de la concurrence du Canada. Lors de notre deuxième réunion, nous avons entendu un certain nombre d'utilisateurs : la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, le Conseil canadien du commerce de détail, la Fédération des chasseurs et pêcheurs de l'Ontario, la Saskatchewan Wildlife Federation et la BC Wildlife Federation.

La semaine dernière, nous avons reçu la visite des deux exploitants de réseaux de cartes de paiement désignés dans le projet de loi, c'est-à-dire Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated.

Aujourd'hui, nous avons deux panels de témoins qui représentent des commerçants et des consommateurs. Je vais commencer par vous présenter notre premier panel. Nous accueillons des représentants de la Canadian Independent Petroleum Marketers Association. Nous avons Tricia Anderson, qui est présidente-directrice générale; et Allan MacEwen, qui est président sortant du conseil d'administration et président de MacEwen Petroleum, à Maxville, en Ontario.

Je suis persuadé que les membres du comité seront intéressés d'apprendre que les membres de cette association vendent annuellement 18,5 milliards de litres, ce qui représente 27 p. 100 de tout le pétrole et 23 p. 100 de tout le carburant vendu au Canada.

Nous entendrons Mel Fruitman, qui est vice-président de l'Association des consommateurs du Canada. Bon retour devant le comité, monsieur Fruitman. Vous avez témoigné à plusieurs reprises devant notre comité. Cette association a été fondée en 1947, et son mandat consiste à informer et à sensibiliser les consommateurs sur des questions ayant trait au marché, à défendre les intérêts des consommateurs auprès du gouvernement et de l'industrie et à collaborer avec le gouvernement et l'industrie pour trouver des solutions aux problèmes liés au marché. M. Fruitman a également été vice-président de la politique et de l'administration pour le Conseil canadien du commerce de détail durant 19 ans et le propriétaire exploitant d'une petite chaîne de magasins de jouets.

Nous avons aussi Pierre-Alexandre Blouin, qui est vice-président des affaires publiques; et Isabelle Tassé, qui est présidente régionale de l'Outaouais pour l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Mme Tassé possède des supermarchés à Gatineau et à Cantley, au Québec. Cette association représente les intérêts de quelque 8 000 détaillants en alimentation dans la province.

Je cède la parole à Mme Anderson, puis ce sera le tour de M. Fruitman, et nous terminerons par l'exposé de M. Blouin.

Tricia Anderson, présidente et directrice générale, Canadian Independent Petroleum Marketers Association : Bonjour et merci de nous accueillir aujourd'hui. Comme l'a mentionné le sénateur Gerstein, je m'appelle Tricia Anderson, et je suis présidente-directrice générale de la Canadian lndependent Petroleum Marketers Association, ou la CIPMA. La CIPMA est une association commerciale nationale sans but lucratif qui représente les intérêts particuliers des négociants indépendants non raffineurs de produits pétroliers. Nos membres vendent et distribuent des carburants pétroliers et renouvelables sur les marchés commercial, agricole, industriel, de gros et de détail, et ce, dans toutes les régions du Canada.

Environ 80 p. 100 des membres de la CIPMA vendent au détail. Nos membres sont souvent les petites ou moyennes entreprises qui sont la pierre d'angle de toute l'industrie de la distribution et de la mise en marché des carburants au Canada.

La question des frais de carte de crédit suscite de l'intérêt chez nos membres. Actuellement, les frais de carte de crédit au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Les détaillants canadiens paient de 5 à 7 milliards de dollars par année aux banques en frais cachés; ce sont les frais qu'ils assument, parce qu'ils acceptent les cartes de crédit.

Les frais d'utilisation élevés des cartes de crédit sont un problème de longue date qui compromet la viabilité des entreprises et augmente les prix au détriment de tous les consommateurs, même ceux qui n'utilisent pas les cartes de crédit, puisque les détaillants n'ont souvent pas d'autre choix que de vendre plus cher pour compenser.

Généralement, et l'expérience le confirme, la marge de profit des entreprises indépendantes dans le secteur de la commercialisation du pétrole se situe entre 5 et 8 cents le litre.

Lorsque le prix de l'essence augmente, nos membres n'en profitent pas, mais ils doivent tout de même payer des frais accrus de traitement des paiements par carte de crédit. En effet, ces frais sont calculés en fonction d'un tarif ad valorem; c'est donc dire que, si le prix du plein d'essence monte, les frais de traitement des paiements par carte de crédit montent aussi, tandis que la marge de profit diminue. Nos membres nous signalent que près de la moitié de leurs clients règlent leurs achats au moyen d'une carte de crédit. On peut donc estimer que près du tiers de la marge de profit de nos membres est grugé par ces frais de traitement.

Le reste de la marge devant couvrir tous les autres frais d'exploitation, les profits sont souvent au bout du compte très maigres, voire inexistants. Il ne reste pas d'argent pour engager de nouveaux employés, suivre des formations importantes ou faire croître l'entreprise.

Nous voulons aussi réitérer que les frais de carte de crédit découlant de la taxe prélevée sur les achats d'essence représentent un lourd fardeau pour les négociants indépendants de produits pétroliers. En effet, les taxes sur l'essence sont considérablement plus élevées que celles imposées aux autres produits de consommation, et nos membres doivent consacrer des ressources importantes à la collecte et au versement de ces taxes au nom des gouvernements. La CIPMA estime que les frais de carte de crédit des négociants indépendants de produits pétroliers s'élèvent à environ 90 millions de dollars par année. De cette somme incroyable, environ 30 millions de dollars servent uniquement à couvrir les frais liés aux taxes.

Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral a fait un pas important dans la bonne direction lorsqu'il a établi un code volontaire de conduite il y a quelques années pour l'industrie des paiements. Toutefois, ce code ne suffit pas à éliminer le problème important que les frais de carte de crédit continuent de représenter pour les entreprises du Canada. Comme le Bureau de la concurrence l'a signalé, l'impact de ces frais qui sont de 5 à 7 milliards de dollars a un effet disproportionnel sur la marge des petites et moyennes entreprises.

En tant que représentants d'entreprises indépendantes, nous saluons l'engagement qu'a pris le gouvernement, dans le dernier budget fédéral, de réduire les frais des cartes de crédit. Nous avons vu dans cette annonce une indication que le gouvernement reconnaissait qu'il devait, comme l'ont fait d'autres pays, apporter une solution au problème systémique des frais élevés et que c'était imminent.

Cependant, nous trouvons déconcertant que le gouvernement propose, pour la réduction des frais de carte de crédit, une approche « volontaire ». Nous croyons qu'il faut plutôt instaurer un cadre réglementaire de manière à ce que les frais de carte de crédit soient justes et transparents de manière permanente. Ainsi, le Canada suivrait l'exemple des autres pays, où les frais de carte de crédit sont généralement beaucoup plus bas, ce dont profitent les commerçants et les consommateurs.

Si l'on optait plutôt pour un cadre réglementaire, son observation incomberait à l'industrie des paiements, ce qui serait juste, compte tenu des vastes ressources financières et humaines à sa disposition.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Nous vous sommes reconnaissants de nous consulter et de nous permettre de vous faire part de nos défis, de nos préoccupations et de nos recommandations.

Mel Fruitman, vice-président, Association des consommateurs du Canada : Le sénateur a déjà présenté notre organisme. Je ne vais donc pas répéter cette information, mais je commencerai mon exposé par une déclaration très directe. Nous nous opposons à ce projet de loi.

Il s'agit d'un projet de loi conçu pour les commerçants. Nous comprenons mal pourquoi le gouvernement se propose d'intervenir dans le marché des cartes de crédit en adoptant des mesures qui placent les intérêts des commerçants avant ceux des consommateurs. Nous sommes aussi fatigués d'entendre des affirmations selon lesquelles le gouvernement et les détaillants agissent dans l'intérêt des consommateurs, alors que l'enjeu ne concerne pas les consommateurs.

Nous croyons que ce projet de loi va à l'encontre des intérêts des consommateurs pour diverses raisons et qu'ils en seront les grands perdants. Premièrement, les institutions financières vont tenter de contrebalancer les pertes en augmentant d'autres frais. Deuxièmement, les consommateurs perdront de nombreux avantages associés à l'utilisation de leurs cartes de crédit. Troisièmement, nous ne croyons pas que les détaillants canadiens soient aussi altruistes qu'ils veulent le faire croire et nous doutons que les économies profitent en fin de compte aux consommateurs.

Dans leur mémoire, les détaillants évaluent à environ 5 milliards de dollars les coûts annuels pour les commerçants canadiens. Nul besoin d'être économiste pour comprendre que si les institutions financières perdent cette source de revenus, elles chercheront à la remplacer. Quiconque a déjà fait un budget sait que, si les revenus baissent, il faut soit trouver une autre source de revenus, soit réduire les dépenses.

Les institutions financières choisiront probablement la première option; elles augmenteront les frais des consommateurs tant pour des services non liés aux cartes de crédit que pour les cartes de crédit proprement dites. Elles pourraient aussi réduire les avantages liés à l'utilisation de leurs cartes et réduire l'accès au crédit pour les comptes marginaux ou moins rentables.

Lors du témoignage de représentants du Conseil canadien du commerce de détail devant votre comité, le président a demandé sans ambages : « Pour situer cette question, considérez-vous qu'elle touche les consommateurs ou les marchands? » Il a demandé du même souffle s'il existe des éléments qui prouvent que des frais d'acceptation moins élevés se traduisent par une baisse des prix à la consommation. Les témoins n'ont pas vraiment répondu à la première question et ont ensuite renvoyé le comité à une étude américaine, qui a, soit dit en passant, été réalisée pour le compte de l'Association des marchands-détaillants. Cette étude indique que 69 p. 100 des économies avaient profité aux consommateurs.

J'espère que les sénateurs n'accorderont pas trop de crédit à ces renseignements, étant donné que les conclusions se fondaient sur de l'information secondaire provenant d'une étude non liée, ainsi que sur des prévisions plutôt que des données probantes. Notre scepticisme est alimenté par des événements qui ont récemment eu lieu chez nous. Est-ce que l'un d'entre vous autour de cette table se souvient d'une réduction des prix de vente à la suite de la réduction de la TPS? Avez-vous remarqué une baisse des prix au Canada lorsque notre dollar a atteint la parité avec le dollar américain et l'a même dépassé pendant quelque temps? Bien sûr que non. De plus, si le gouvernement met sur pied des organismes chargés d'en trouver la raison, c'est qu'il s'en inquiète aussi manifestement.

Pour renforcer notre certitude que les économies ne profiteront pas aux consommateurs, lorsque le sénateur Massicote a dit que les économies ne seront donc pas transférées aux consommateurs, le Conseil canadien du commerce de détail a semblé indiquer que ce serait peu probable en répondant : « Peut-être dans certains cas. » Ensuite, la représentante de la FCEI en a convenu en ajoutant qu'elle ne pensait pas que ces frais feraient l'objet d'une réduction équivalente.

Il convient aussi de noter que, dans certains pays, les commerçants ont été autorisés à imposer des frais supplémentaires sur les opérations de carte de crédit par des gouvernements qui ont plié aux demandes des groupes de commerçants. En Australie et au Royaume-Uni, certains commerçants en ont même profité pour imposer des frais supplémentaires atteignant 10 p. 100 dans certains cas, obligeant les autorités à intervenir pour encadrer cette pratique.

Nous sommes surpris que les détaillants souhaitent maintenant que les frais imposés aux commerçants soient traités différemment des autres coûts. Depuis de nombreuses années, des Canadiens proposent que les consommateurs qui veulent payer comptant et ne pas profiter des offres des cartes de crédit obtiennent un rabais équivalant à ces frais. La réponse est toujours la même : les frais imposés aux commerçants ne sont qu'un des nombreux coûts d'une entreprise et ne devraient pas être considérés distinctement. Le consommateur ne peut pas dire, à sa guise, qu'il ne veut pas utiliser ce service et qu'il réclame donc un rabais.

De plus, si les commerçants sont maintenant disposés à laisser les gouvernements intervenir dans la gestion de leurs entreprises en adoptant des mesures législatives pour établir les frais que leurs fournisseurs peuvent leur imposer, il conviendrait d'en faire autant pour ce qui est des montants que les détaillants peuvent demander pour leurs produits ou d'imposer un plafond à l'égard de leur marge.

Pour conclure, nous approuvons la suggestion du sénateur Massicotte, à savoir que le projet de loi devrait être amendé pour nous assurer que le gouvernement fédéral exerce une surveillance à cet égard afin de confirmer que les économies profitent aux consommateurs. En fait, nous y apporterions une légère modification, en recommandant que le projet de loi soit amendé de manière à y inclure un article exigeant une réduction des prix. À cet égard, il faudrait que le projet de loi comporte une disposition formulée à peu près comme suit : le prix de vente de base moins les frais d'acceptation de 1,7 p. 100, par exemple, nous donne le prix de vente pour le consommateur.

Merci de votre temps. Je serai ravi de répondre à vos questions.

[Français]

Pierre-Alexandre Blouin, vice-président, Affaires publiques, Association des détaillants en alimentation du Québec : Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter nos doléances.

Le dossier des frais de transaction est un dossier que l'on mène depuis 2008. Pour nous, c'est le dossier qui a la plus grande importance sur la rentabilité de nos commerces.

L'Association des détaillants en alimentation du Québec représente 8 000 détaillants. Nous sommes la voix des détaillants propriétaires. On les décrit souvent, en anglais, comme les commerces mom and pop; ce sont des gens présents dans toutes les régions du Canada. On représente les détaillants du Québec d'un peu partout, mais il y a des gens comme nous dans tout le Canada.

Nous appuyons le projet de loi S-202, parce qu'il est important de fixer des tarifs sur les frais des cartes de crédit au détail. Nous sommes en faveur de la proposition de fixer un tarif de 0,5 p. 100 de la valeur de l'opération. Nous ne nous objectons pas non plus à l'idée que les organismes de charité et les institutions gouvernementales bénéficient d'un taux préférentiel. Au-delà des taux en tant que tels, nous souhaitons que les taux soient les plus bas possible. Cependant, comme nous n'avons pas les compétences pour définir ce que pourraient être des taux justes, en dehors de la comparaison qui pourrait être faite avec d'autres juridictions, que ce soit en Europe ou en Océanie, dans des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, nous croyons qu'un encadrement de la procédure doit être mis en place. C'est pourquoi nous voyons d'un bon œil la proposition selon laquelle revient au ministre le rôle de supervision, d'examen et d'enquête, tel qu'il est stipulé à l'article 13.

Sans l'encadrement rigoureux du processus, tel que le propose le projet de loi S-202, et la supervision des comportements des géants du paiement, comment pourrions-nous veiller à ce que les commerçants canadiens ne soient pas constamment à la traîne des nouvelles pratiques d'affaires qui leur sont toujours plus défavorables? Il nous apparaît évident que tous les commerçants ne sont pas égaux dans le rapport de force face aux géants du paiement. Le gouvernement du Canada ne peut laisser à eux-mêmes les détaillants indépendants et autres petits commerçants.

Par ailleurs, sans une analyse indépendante, sérieuse et transparente des coûts, comment pouvons-nous nous assurer que les taux demeurent justes au fil du temps et qui ne seront pas, à une certaine échéance, indûment au bénéfice du détaillant? Parce que cela pourrait être le cas.

Parlons justement du juste taux : quel est-il? L'Europe a statué un taux de 0,3 p. 100, et l'Australie, de 0,5 p. 100. Pour y arriver, chacune de ces juridictions a réalisé une analyse rigoureuse, indépendante et transparente des coûts réels du système de paiement. L'ADA ne voit tout simplement pas comment le Canada peut éviter une telle analyse, et il devra répéter périodiquement le processus, tel que le propose le projet de loi S-202. Au-delà de la diminution nécessaire de leurs frais, qui sont parmi les plus élevés au monde, les détaillants canadiens désirent obtenir un service à la hauteur de ce qu'il leur en coûte. Dans le monde toujours plus compétitif du commerce de détail, les commerçants réclament des taux justes aujourd'hui, mais encore plus pour demain.

Notons, par ailleurs, que l'approche volontaire actuellement privilégiée au Canada oblige les seuls détaillants à identifier et à dénoncer les pratiques délinquantes, mais n'assure aucune reddition de comptes des pratiques du monde bancaire. Il est facile de comprendre pourquoi le secteur bancaire s'accommoderait relativement bien d'une approche volontaire, voire même d'une possible diminution temporaire des taux chargés aux détaillants. Les commerçants canadiens paient plus de 5 milliards de dollars par année en frais pour l'acceptation des paiements par carte de crédit. Il s'agit d'un frein majeur au développement des entreprises et à leur implication dans leur communauté respective. Les libérer de ce fardeau financier démesuré serait une excellente façon de stimuler l'économie des régions. En avril dernier, les frais d'acceptation pour les frais de paiement ont été plafonnés par la Commission des affaires économiques et monétaires de l'Union européenne. À terme, les frais imposés aux commerçants ne pourront pas excéder 0,3 p. 100 de la valeur totale de la facture.

En ce qui a trait aux paiements par carte de débit, les taux sont fixés à 0,07 euro ou 0,02 p. 100 en fonction du montant le plus bas. Nous considérons qu'une analyse indépendante des coûts du système canadien est plus pertinente que jamais afin de mettre en place un système de paiement basé sur les coûts réels au Canada. On vous a soumis différents exemples dans le cadre de capsules que nous avons réalisées. Vous vous doutez que ces capsules ont été réalisées il y a maintenant près de deux ans. Depuis, les taux ont évolué, et les proportions de types de transactions ont évolué à la faveur du crédit. On voit aussi apparaître d'autres nouveaux modèles de paiement, comme les paiements mobiles, où il est question non pas d'un nouveau mode de paiement en tant que tel, mais d'une migration de la structure de coûts et du modèle de paiement du crédit vers un autre outil. Nous sommes extrêmement préoccupés par cela. C'est la raison pour laquelle ma collègue, Isabelle Tassé, est ici, avec nous. Elle a deux commerces et elle pourra répondre à vos questions plus précises sur les taux.

En conclusion, nous appuyons le projet de loi S-202. Nous appuyons une analyse indépendante des frais du système. Nous comprenons les craintes exprimées par les opposants au projet de loi, mais ce ne doit pas être une raison pour fermer les yeux et refuser de voir la situation actuelle, qui est en défaveur des commerçants et des consommateurs. Merci.

[Traduction]

Le président : Avant de passer à ma liste de sénateurs qui ont des questions, j'aimerais avoir des précisions. Monsieur Fruitman, lorsque je vous ai présenté, j'ai mentionné que votre association avait été fondée en 1947 et que son objectif est d'informer et de sensibiliser les consommateurs sur des questions ayant trait au marché. Pourriez-vous brièvement nous parler davantage de l'Association des consommateurs du Canada? Avez-vous des membres? Avez-vous des membres associés? Je vois que vous en êtes vice-président. Y a-t-il un président? Expliquez-nous brièvement comment vous obtenez les renseignements dont vous nous avez fait part dans votre exposé. Effectuez-vous des sondages auprès des gens?

M. Fruitman : Comme vous l'avez mentionné, sénateur, notre organisme existe depuis plus de 65 ans. Il a évolué au fil du temps, comme l'ont également fait la société et les situations financières. Nous sommes un organisme bénévole avec un conseil d'administration. Nous ne recevons aucune aide du gouvernement, même si nous en avons déjà reçu.

Le président : Combien de personnes siègent au conseil d'administration?

M. Fruitman : Nous sommes huit au pays. Certains appuient notre organisme en nous versant des contributions. Lorsque la situation le demande et que nous arrivons à trouver les fonds nécessaires pour réaliser des sondages, nous en faisons. Autrement, nous nous fondons sur les renseignements que nous arrivons à glaner de sources primaires et secondaires. En ce qui concerne précisément le sujet en question aujourd'hui, il y a suffisamment d'informations sur ce qui est arrivé par le passé et ailleurs dans le monde pour nous permettre d'exprimer notre crainte au nom des consommateurs.

Le président : Avez-vous des membres? Ou est-ce...

M. Fruitman : Ce n'est plus le cas. Par le passé, ce l'était.

Le président : Par contre, ce n'est plus le cas maintenant.

M. Fruitman : Ce n'est plus le cas. Comme nous nous plaisons à le dire, nous représentons 33 millions de personnes.

Le président : Vous avez huit directeurs. Y a-t-il d'autres agents dans votre organisme?

M. Fruitman : Non. Il n'y en a pas d'autres.

Le président : N'avez-vous pas de président?

M. Fruitman : Oui, mais il est issu du conseil d'administration. Je suis vice-président, et il y a aussi un secrétaire- trésorier.

Le président : Il y a un président.

M. Fruitman : Oui. Je croyais l'avoir mentionné.

La sénatrice Hervieux-Payette : Merci de nous aider dans nos travaux. Je remercie également ceux qui appuient le projet de loi. Ne convenez-vous pas que, s'il y avait des lignes directrices, des règlements ou de la surveillance gouvernementale, les économies profiteraient aux consommateurs? Voilà ma première question. Voici ma deuxième. Convenez-vous également que les quelque 50 000 petites entreprises dans l'industrie alimentaire, étant donné que ce sont les acteurs de ce secteur que j'ai rencontrés, en ce qui concerne leurs profits, travaillent beaucoup d'heures pour un très maigre salaire?

M. Fruitman : Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. Je ne conteste nullement votre affirmation. Nous nous opposons au projet de loi en raison des répercussions que le tout aura sur les consommateurs. Il y a des gens présents qui sont disponibles pour défendre les intérêts des personnes dont vous avez parlé. En ce qui a trait à votre premier point, je crois que vous avez omis un petit quelque chose dans votre question.

La sénatrice Hervieux-Payette : Surveiller le tout et nous assurer que les avantages profitent principalement aux consommateurs.

M. Fruitman : Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous croyons qu'une telle disposition devrait être ajoutée au projet de loi, au lieu d'en être exclue. Si le projet de loi comprenait une disposition qui force les entreprises à faire profiter aux consommateurs des économies, notre position serait évidemment différente. Nous ne craindrions plus que les économies ne profitent pas aux consommateurs et que les modifications finissent par leur coûter plus cher.

La sénatrice Hervieux-Payette : En fait, si nous proposons un amendement, votre association serait d'accord pour appuyer le projet de loi au nom des consommateurs, n'est-ce pas?

M. Fruitman : Au nom des consommateurs, évidemment, en présumant que l'amendement aurait l'effet souhaité, oui.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je crois que c'est assez clair

[Français]

Monsieur Blouin ou madame Tassé, est-ce que l'un de vous deux pourrait me donner un aperçu des gens que vous représentez? Est-ce que ce sont de grandes entités? Est-ce qu'on parle de plusieurs employés? Ou parle-t-on plutôt de PME dans le cas présent?

M. Blouin : Nous représentons à la fois des supermarchés, des épiciers de quartier, des commerces spécialisés tels que des fruiteries, des boucheries, des épiceries, des dépanneurs. Dans le cas de Mme Tassé, il s'agit d'un supermarché et d'un dépanneur. Elle peut sûrement vous donner une description de son entreprise.

Isabelle Tassé, présidente régionale de l'Outaouais, Association des détaillants en alimentation du Québec : À Gatineau, notre épicerie est un Provigo qui compte environ 55 employés, et à Cantley, c'est un marché indépendant avec station-service qui compte 18 employés.

La sénatrice Hervieux-Payette : Quelle est la marge de profit habituelle dans le domaine de l'alimentation?

Mme Tassé : En ce moment, cela se situe, je dirais, entre -0,5 et 1 p. 100 de marge nette. C'est à peu près ce qu'on vit présentement.

La sénatrice Hervieux-Payette : Seriez-vous d'accord, à ce moment-là, qu'on donne la majeure partie de cette marge aux consommateurs, mais qu'une certaine partie soit allouée aux commerçants?

Vous attendez-vous à ce qu'il y ait une règle d'équité pour les marchands qui doivent accepter les cartes de crédit pour les très petites transactions, afin qu'ils puissent, eux aussi, en recevoir une petite part? Par exemple, si on passe de 3 p. 100, actuellement, à 0,5 p. 100, que dans ce 0,5 p. 100, il y ait 0,1 ou 0,05 p. 100 qui soit versé au marchand et que le reste soit versé au consommateur.

M. Blouin : Je pense que votre question à ma collègue est assez révélatrice. On parle de magasins qui ont en moyenne une profitabilité de -0,5 p. 100 à 0,5 p. 100. C'est peu. Tout ce qu'on peut remettre aux consommateurs pour rester compétitif, on le remet. On offre des articles de réclame, on offre des produits au rabais de façon marquée. Si vous regardez les circulaires, vous verrez qu'il y a certains produits qu'on vend au même prix qu'en 1980, même s'il y a eu de l'inflation. Oui, il y a certains prix de produits, parce que les intrants coûtent plus cher, mais on a généralement tendance à remettre le plus possible, parce que si on n'est pas compétitif, on ferme nos portes.

Peut-on dire la même chose du système de paiement? Non. Au contraire, c'est celui qui va être le moins performant, celui qui va coûter le plus cher, qui prévaut sur le marché, c'est celui qui donne le plus de points, celui qui dégage le moins d'économies dans le reste de la filière.

La sénatrice Hervieux-Payette : Est-ce que je peux en déduire, madame Tassé, que si j'utilise ma carte de débit, vous êtes beaucoup plus sereine devant les coûts que lorsque j'utilise ma carte de crédit?

Mme Tassé : Effectivement. J'ai vérifié les chiffres, et pour 56 p. 100 de mes transactions qui sont faites en débit, il y a 21 p. 100 de mes transactions en crédit, et cela me coûte 27 fois plus cher pour les frais de crédit. Donc, pour 400 000 $ de transactions faites en débit, cela m'a coûté 86 $ de frais, et pour 170 000 $ de transactions faites en crédit, cela m'a coûté 2 600 $ de frais pour un mois.

La sénatrice Hervieux-Payette : Bon. Donc, on a déjà plus ou moins une espèce d'équilibre qui pourrait permettre une certaine équité dans le système, on pourrait faire bénéficier aux deux parties des économies de façon équitable en apportant un amendement au projet de loi de ma collègue. Je suis certaine qu'elle serait ouverte à cette proposition.

Je vous remercie de votre présentation.

[Traduction]

Le sénateur Black : Merci beaucoup à tous nos témoins de leur excellent exposé.

Avant de poser mes questions, j'aimerais faire un tour d'horizon, parce que vous avez passé en revue les témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent. Nous avons entendu des témoins nous dire que, si nous allons de l'avant avec la réduction des frais d'acceptation, les consommateurs n'en profiteraient pas nécessairement. Ce sont les témoignages que nous avons entendus. M. Fruitman a souligné ce concept aujourd'hui. C'est sur cet aspect que j'aimerais me concentrer. J'aimerais explorer un peu ce concept.

Monsieur Blouin, si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur votre exposé et précisément le paragraphe qui commence par « Les commerçants canadiens paient plus de 5 milliards de dollars par année en frais ». Vous faites là une déclaration très intéressante. Il s'agit d'un frein majeur à la croissance des entreprises et à la participation communautaire. Libérer les commerçants de ce fardeau financier démesuré serait une excellente façon de stimuler l'économie des régions. Vous faites trois affirmations intéressantes dans ce paragraphe. Pouvez-vous nous prouver que ce serait le cas ou que c'est en fait le cas?

[Français]

M. Blouin : C'est toujours le cas. Si vous prenez le tissu d'entreprises indépendantes, en particulier en alimentation, qu'il y a aux quatre coins du Canada — je connais mieux le Québec, évidemment, mais on a de bonnes relations avec nos collègues canadiens —, vous pouvez voir le nombre d'emplois, et le nombre d'achats avec les fournisseurs locaux qui se font.

L'impact économique qu'ont les détaillants-propriétaires est extrêmement important pour le Canada. Si on n'offre pas le contexte suffisant pour protéger ces entreprises, vous allez avoir uniquement des commerces corporatifs avec des modèles corporatifs et des politiques corporatives. Si c'est le modèle qu'on veut développer au Canada, parfait, mais je vous dirais que le tissu d'entreprises est évident. Lorsque les commerçants font des investissements, rénovent des magasins, ils en font bénéficier directement leur communauté, c'est intrinsèque.

[Traduction]

Le sénateur Black : Votre preuve est donc que, si les frais d'acceptation étaient moins élevés, le commerçant aurait plus d'argent dans ses poches pour acheter d'autres biens et services.

M. Blouin : Exactement.

Le sénateur Black : De plus, une partie de ces profits supplémentaires pourraient servir à réduire les prix à la consommation, n'est-ce pas?

[Français]

M. Blouin : Nous croyons qu'il va y avoir un effet direct. Les frais de transaction actuellement sont plus élevés que notre marge de profits. Faites la relation que vous voulez, faites les calculs que vous voulez. On est prêt à ouvrir nos livres, c'est ce qu'on dit depuis le début de l'étude menée sur ce sujet en 2008. On constate que des gens refusent qu'on ouvre les livres. On ne comprend pas. Il est question d'avoir un modèle plus transparent basé sur les coûts réels. On ne comprend pas l'objection des gens. On a peut-être tort, mais on pourra nous prouver qu'on a tort. On connaît très bien notre sommaire à la fin de chaque mois. On voit le nombre de transactions par carte de crédit augmenter de mois en mois, et on ne voit pas la fin de cette situation. On va être obligé de mettre les clés sous la porte. C'est le poste de dépenses qui augmente le plus rapidement, plus rapidement que le salaire minimum, plus rapidement que toute autre dépense liée à nos commerces.

[Traduction]

Le sénateur Black : Merci beaucoup de votre réponse. Lorsque vous dites qu'il faut « mettre en place un système de paiement basé sur les coûts réels », comment proposez-vous que nous ou le gouvernement du Canada obtenions l'information relative aux coûts réels? Quel processus nous conseilleriez-vous d'utiliser pour y arriver?

[Français]

M. Blouin : Je ne suis pas spécialiste, mais ce qu'on a pu comprendre en communiquant avec nos collègues dans d'autres pays où le processus a été réalisé, c'est que l'on confie le mandat à une organisation crédible et indépendante. Celle-ci ouvre les livres et elle analyse les coûts engendrés et où va l'argent. Par exemple, dans nos frais, si l'on paie 2 p. 100, quel pourcentage sert à payer réellement la transaction électronique, quel montant sert à payer des programmes de fidélisation, quel montant sert à faire du marketing pour les banques. À la fin, dans les juridictions où ce travail a été fait, on convient que, avec un taux aussi bas que 0,05 p. 100 ou de 0,3 p. 100, il reste une profitabilité pour le secteur bancaire. C'est là qu'on se questionne. On comprend que le Canada est un grand pays, mais comment peut-il en coûter davantage ici qu'en Australie pour faire des transactions électroniques?

[Traduction]

Le sénateur Black : Vous proposez que le gouvernement embauche des experts externes pour le conseiller à ce sujet.

[Français]

M. Blouin : C'est à vous de nous dire quel est le bon organisme. Nous ne voulons pas être biaisés et vous proposer un organisme que vous n'accepteriez pas.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être parmi nous, c'est très important. Vous avez une expérience à partager avec nous.

Je vais vous expliquer mon raisonnement et voir votre réaction à celui-ci. Il sera très difficile, même si la loi est modifiée, de confirmer que toute l'épargne est passée au consommateur. C'est un marché qui bouge beaucoup. Je comprends qu'il y a des pressions énormes sur les détaillants depuis quelques années et que les marges de profit ont été réduites. Il sera difficile de vérifier cela.

Pour le consommateur, il y a beaucoup de choix : il y a beaucoup de cartes de crédit. Les consommateurs sont mal informés; toutefois, il y a des sites web qui nomment toutes les cartes de crédit, tous les frais, et même les journaux peuvent afficher le montant de ces frais. Il y en a qui ont peu de frais, certaines ont peu d'intérêt. La difficulté est du côté du marchand. Il paraît que 40 p. 100 des gens n'acceptent pas de carte de crédit. Ce sont les petits marchands. Dans le cas des gros détaillants, il n'y a pas de choix. Le problème est là, même le Bureau de la concurrence l'a dit clairement. Je crois beaucoup au marché; il est fluide et il est très important. Avant de légiférer le marché, il faut faire très attention. Chaque fois qu'on l'a fait, il y a eu des conséquences néfastes, qui n'étaient pas prévues, et cela n'a pas fonctionné. On l'a vu en Australie. Il faut être très prudent avant de commencer à manipuler le marché, car cela ne fonctionne pas.

Quelle est la solution? La solution, au départ, est d'essayer d'inciter la compétition, et de faire en sorte que le marchand ait plus de choix. Le gouvernement a déjà permis aux marchands de donner des rabais à ceux qui paient comptant. Au moins, cela offre une certaine flexibilité.

Toutefois, cela n'a pas fonctionné adéquatement. Cela n'a pas donné de solution. Peut-être devrions-nous essayer non seulement de permettre cela, mais de permettre une surcharge lorsque quelqu'un paie avec une carte de crédit, peut-être au moyen d'une loi? Devrions-nous permettre aux marchands de refuser certaines cartes de crédit? Celles dont les frais atteignent 0,04 p. 100. Devrions-nous leur permettre de dire non? Est-ce que cela aiderait? Est-ce que ce serait une solution à essayer avant de manipuler le marché, ce qui est toujours très difficile?

[Traduction]

Allan MacEwen, président sortant, conseil d'administration, Canadian Independent Petroleum Marketers Association : Nous aimerions offrir des rabais pour les paiements en espèces, même si nous sommes persuadés que cela ne fonctionnerait pas, parce que le pourcentage que représentent les paiements par carte de crédit est tellement élevé que nous ne pensons pas qu'une telle mesure pourrait avoir l'effet escompté. Nos transactions en espèces seraient à un niveau plus bas. Nous réduirions donc nos profits sur ces ventes, lorsque nous en faisons. Nous sommes également persuadés que dans le marché la concurrence égalerait nos prix pour les paiements en espèces et réduirait en même temps ses prix pour les paiements par carte de crédit.

Le sénateur Massicotte : Il en va de même pour les frais supplémentaires?

M. MacEwen : Je crains que oui. Nous avons une opinion très tranchée à ce sujet. Une partie du problème, c'est que nous sommes en concurrence avec Suncor, Imperial Oil et Shell. Ces sociétés ne paient pas de frais d'interchange. Si on tient compte des frais supplémentaires, notre coût moyen représente un taux de 1,88 p. 100, et nous ne savons pas ce que les autres paient, mais les grands raffineurs déboursent certainement beaucoup moins que nous, d'autant plus qu'ils peuvent s'appuyer sur d'autres marges.

[Français]

M. Blouin : Je suis un peu surpris de la proposition d'une surcharge. Tout à l'heure, on était généralement plus préoccupé par l'idée que le consommateur ne se retrouve pas avec la facture. S'il y a une surcharge, c'est automatiquement le consommateur qui recevra la facture.

Je crois qu'on évolue dans un système vicié. Il faut avoir la capacité de se demander si on regarde réellement la situation dans son ensemble. Est-ce qu'on analyse l'ensemble des coûts engendrés? Qui paie quoi? Où va l'argent? Où les flux monétaires se déplacent-ils? Je crois qu'il faut se poser ces questions.

Est-ce qu'on est en faveur de la surcharge? Tout à l'heure, je vous disais qu'on représente les détaillants- propriétaires. Si le Walmart de la ville d'à côté décide de faire une publicité, nous ne surchargerons pas notre consommateur, comme au magasin d'Isabelle Tassé. Vous voyez le genre d'effet qu'on aura sur le marché. Il est évident qu'il faut tenir compte de la nature compétitive de notre secteur — on revient toujours à cela; notre secteur est extrêmement compétitif. On ne peut pas dire la même chose pour les modes de paiement. Il n'y a pas de compétition. Le marché d'Interac, le modèle canadien à faible coût, efficace, sécuritaire est en déclin, parce que la carte de crédit est en train de gruger graduellement tout son marché. Voulons-nous une variété d'offres dans les modèles de paiement, ou plutôt un système comme celui que nous avons actuellement avec Visa et MasterCard, qui vont finir par venir à bout de notre modèle canadien de paiement Interac?

Le sénateur Massicotte : Je comprends qu'il y ait une compétitivité énorme dans votre secteur, mais on ne ressent pas tellement de pitié. Le système capitaliste fonctionne bien, parce qu'il y a une compétition. Quand il n'y a pas de compétition, c'est là où réside le malaise. C'est dans ces cas que le gouvernement intervient. Peut-être que, en ce qui a trait à Visa et à MasterCard, le Bureau de la concurrence affirme qu'il y a un manque de compétition. La crainte, d'un point de vue politique, est que vous puissiez être intéressés à prendre une portion de cette épargne, si le projet de loi est adopté. C'est correct, si le marché détermine que la compétition dicte cela, mais il faut s'assurer que l'on atteint tout d'abord le but principal de veiller à ce qu'il y ait une compétition.

Il est difficile de faire des lois pour essayer de déterminer où ira le profit. Y a-t-il d'autres intervenants qui ont dit que le système capitaliste ne fonctionne pas bien? On verra bien ce qui arrivera en Europe. Y a-t-il un autre moyen, à part celui de la législation, pour aborder la question des frais que les marchands doivent payer?

[Traduction]

Y a-t-il d'autres solutions, d'autres moyens que nous pouvons utiliser pour y arriver, sans essayer de légiférer la réponse du marché à ces frais, ce qui ne fonctionne pas d'habitude?

M. MacEwen : C'est une situation très difficile. En tant que consommateur, j'ai bien sûr une carte de crédit. J'aime bien les points et les quelques soi-disant voyages gratuits en avion. J'ignore en quoi consistera la solution, mais dans l'état actuel des choses, il n'y a vraiment aucune concurrence du côté des sociétés émettrices de cartes de crédit. Si elles nous disaient qu'elles vont hausser leurs frais d'un autre point de pourcentage, nous n'aurions d'autre choix que de l'accepter.

Il n'y a pas que les banques qui sont en cause; les consommateurs sont accrocs à ces points, ce qui fait monter le coût. S'ils ne reçoivent pas de points l'année prochaine, ils ne seront pas contents, eux non plus.

Le sénateur Massicotte : Nous parlons souvent de Visa et de MasterCard, parce que c'est ce à quoi se résume le système de paiements, mais vous rendez-vous compte que 70 ou 80 p. 100 des frais imposés aux commerçants vont aux banques? On pourrait d'ailleurs soutenir qu'il y a un peu de concurrence, surtout si on tient compte du nombre de cartes de crédit. Ce n'est pas le choix qui manque. Le consommateur n'est pas informé, mais il a beaucoup de choix.

Faisons-nous tout cela pour tenter de récupérer les 30 points de base que Visa et MasterCard exigent? Pourquoi ne pas se concentrer sur les banques? D'aucuns diraient que la concurrence dans le secteur bancaire est peut-être suffisante. C'est dire qu'il s'agit d'une situation qui fluctue sans cesse, et chaque fois qu'on essaie de légiférer une réponse intentionnelle sur le marché, cela ne fonctionne pas; en effet, si on recourt à la voie législative avec beaucoup d'hésitation, cela entraînera toutes sortes de conséquences négatives. Il vaudrait donc mieux chercher à trouver une solution avant d'en arriver là.

[Français]

M. Blouin : Lorsqu'on décide de s'acheter une maison, on la fait inspecter avant.

Je vous dis aujourd'hui que nous devons analyser le système de paiement de façon transparente. Nous pourrons ensuite définir qui profite d'une position dominante, les détaillants, les banques ou les compagnies de crédit, et si ce sont les consommateurs qui sont lésés dans le processus. Je suis convaincu que, pour le gouvernement conservateur australien, qui avait mis en place le processus de réglementation, il ne s'agissait probablement pas de sa première option, lorsqu'il a décidé d'élaborer un règlement. Il a fait faire une analyse indépendante et, suivant les résultats obtenus, il lui est apparu nécessaire de mettre en œuvre une réglementation, qu'il a adaptée au fil du temps. Une réglementation n'est jamais statique. Il reste toujours d'autres possibilités.

De plus, dans le projet de loi S-202, j'apprécie le fait que le ministre ait la capacité d'effectuer des modifications tant à la réglementation qu'aux montants des frais. Nous y sommes donc tout à fait favorables.

Le sénateur Maltais : Monsieur Fruitman, vous représentez, comme vous l'avez dit dans votre mémoire, 33 millions de consommateurs. Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Fruitman : Oui, 33 millions de consommateurs — autrement dit, toute la population du Canada —, dont certains nous appuient financièrement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Quand a eu lieu la dernière assemblée générale de ces 33 millions de consommateurs?

[Traduction]

M. Fruitman : Je regrette, mais nous n'avons pas tenu de réunion avec 33 millions de consommateurs.

[Français]

Le sénateur Maltais : Qu'est-ce qui vous donne l'autorité morale d'être contre ce projet de loi?

[Traduction]

M. Fruitman : Je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi vous parlez d'autorité morale.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais reformuler ma question. À l'annonce de chaque budget, au provincial ou au fédéral, les journalistes se font toujours un plaisir d'aller chercher un de vos représentants qui est toujours contre une partie du budget. Je n'ai jamais entendu un représentant de votre organisation dire qu'il était d'accord à ce que les banques viennent récupérer 5 milliards de dollars si jamais le projet de loi était adopté. Vous l'avez dit tantôt, les banques vont aller le chercher d'une façon ou d'une autre, parce qu'elles n'accepteront pas de perdre cette somme. Comment vont- elles s'y prendre? Comment une association de protection des consommateurs comme la vôtre pourrait-elle être défavorable au fait qu'il y ait 5 milliards de dollars de frais qui reviennent à chacun des consommateurs, parce que les distributeurs de consommation sont des entrepreneurs? Il faut les appeler par leur nom, ce sont des entrepreneurs, qu'ils soient restaurateurs, épiciers, dépanneurs, vendeurs de pneus, garagistes ou autres, ce sont tous des entrepreneurs. Pourquoi l'Association des consommateurs du Canada s'objecterait-elle à ce que 5 milliards de dollars reviennent à ces petits entrepreneurs qui les redistribueront aux consommateurs d'une quelconque façon, soit en embauchant du personnel supplémentaire, en faisant des rénovations ou autres? Ils trouveront sûrement une façon de la réinjecter dans la société. C'est cela que je comprends mal de votre association. Pourriez-vous m'expliquer cela?

[Traduction]

M. Fruitman : Je peux certes répondre à cette question. D'après notre expérience dans d'autres situations au Canada et d'après l'expérience d'autres pays, nous ne pensons pas que ces 5 milliards de dollars reviendront aux consommateurs.

J'ai ici un article paru la semaine dernière dans The Economist, sous la plume de M. Durbin, qui parle de la situation américaine. Selon l'auteur, cette situation a coûté entre 6,6 et 8 milliards de dollars aux banques, et les détaillants semblent avoir empoché une bonne partie des profits, tout comme c'était le cas en Australie lorsque le gouvernement a réduit les frais d'interchange. L'auteur ajoute que les banques ont essayé de compenser les revenus perdus en imposant des frais plus élevés pour d'autres services, notamment les frais mensuels pour les cartes de débit, et cetera.

Nous n'essayons pas d'empêcher les gens de gagner leur vie; notre position repose tout simplement sur la conviction et la crainte que le projet de loi, une fois adopté, engendre des coûts pour les consommateurs, plutôt que des économies, contrairement à ce que prétend viser cette mesure législative. C'est aussi simple que cela.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si les banques, les émettrices de cartes de crédit, décident de récupérer ces 5 milliards de dollars, ce sera au législateur d'y mettre un frein. Votre article, je veux bien croire que les États-Unis l'ont adopté, mais on parle du Canada, de consommateurs directs et de PME. Les PME sont des consommatrices, elles aussi. Elles ne plantent pas toutes leurs tomates; elles doivent aller les chercher chez Provigo, en acheter des producteurs. Ce sont des consommateurs. Si les banques décidaient de récupérer cela, premièrement, ce serait du chantage fait à l'égard du gouvernement et, deuxièmement, si c'était le cas, le législateur pourrait apporter une correction.

[Traduction]

M. Fruitman : Je regrette, mais encore une fois, les institutions bancaires ne constituent pas notre seule source de préoccupation. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises déjà, nous craignons que les banques profitent de la situation en augmentant leurs frais afin de contrebalancer les pertes. Mais en même temps, nous ne croyons pas que les détaillants veuillent refiler les économies. Armés de leurs propres données, les détaillants ont essayé de vous faire croire que 70 p. 100 des économies iraient aux consommateurs. Cette information provenait d'une étude qui n'avait rien à voir avec ce genre de situation. C'était donc faux, déjà en partant.

Par ailleurs, tout indique que les détaillants ont bel et bien maintenu leurs gains. J'ai même une citation de l'Electronic Payments Coalition, qui renvoie aux propos du président-directeur général de l'Independent Community Bankers of America, un groupe évidemment partial, mais bon, voici ce qu'on peut lire : « Lorsque le Congrès intervient dans une querelle entre deux industries pour savoir qui paie quoi, c'est presque toujours le consommateur qui en sort perdant [...] : les consommateurs paient la note, alors que les détaillants gardent leurs profits. »

Une étude réalisée par l'Université de Chicago révèle le même constat.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous arrête parce que, à Edmundston, au Nouveau-Brunswick, la chambre de commerce a obtenu un taux de 3 p. 100, et il n'y a toujours pas de banque qui ait fait faillite. À titre de président de l'Association des consommateurs du Canada, êtes-vous au courant de cela?

[Traduction]

M. Fruitman : Je n'ai pas dit que les banques feraient faillite. Je regrette, sénateur. Je ne vois pas trop où vous voulez en venir.

Le sénateur Tkachuk : Bienvenue et merci. J'ai beaucoup de sympathie pour les détaillants en ce qui concerne les frais de carte de crédit découlant de la taxe prélevée pour la vente au détail de l'essence, mais pour ma part, la dernière chose que je veux voir, c'est une bande de bureaucrates qui sillonnent le pays pour s'assurer que les économies de 1 ou 2 p. 100 sont retournées aux consommateurs. Je ne pense pas que nous voulions une intervention du gouvernement sur le marché.

Voici ma question : En ce qui concerne les gens qui utilisent leurs cartes de crédit, luttez-vous contre les banques ou contre Visa et MasterCard, lesquelles exigent des frais peu élevés pour les transactions? Ce sont les banques qui émettent les cartes de crédit, et non pas Visa et MasterCard. Que se passe-t-il quand vous parlez à vos banquiers? Que vous disent-ils? Pourquoi ne parlez-vous pas aux banques à ce sujet?

M. MacEwen : Nos demandes restent lettre morte. Nous n'interagissons pas directement avec les banques pour les frais de cartes de crédit, mais plutôt avec Global et Moneris. Je crois que ces deux sociétés sont contrôlées, en grande partie, par les banques. De toute évidence, il s'agit d'un oligopole. Il n'y a aucun pouvoir de négociation. Pour nous, l'idée de nous adresser aux banques, et nous l'avons déjà fait, est vouée à l'échec.

Le sénateur Tkachuk : D'après les témoignages que nous avons entendus, une grande partie du taux exigé par Visa et MasterCard va à la société émettrice de la carte de crédit, c'est-à-dire la Banque Royale, CIBC, Toronto Dominion, et tout le reste. Il s'agit donc des banques.

Pour autant que je sache, le coût lié aux cartes de crédit fait partie des coûts d'exploitation d'une entreprise. C'est comme tout autre coût des intrants. Dans votre cas, en l'occurrence un restaurant, il y a le coût du bœuf ou des légumes que vous achetez, le coût du loyer, les taxes élevées que vous devez payer, l'impôt foncier, les taxes proprement dites, l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. Tous ces coûts sont des intrants, et il en va de même pour ces frais. Les paiements par carte de crédit entraînent des frais, mais cela fait partie de vos coûts d'intrants, n'est-ce pas, dans les deux cas?

M. MacEwen : D'une certaine façon, oui.

Le sénateur Tkachuk : C'est oui ou c'est non.

[Français]

M. Blouin : Je vais reprendre l'exemple de votre collègue, le sénateur Maltais, au sujet des tomates. Quand les tomates ne sont plus à notre satisfaction, que ce soit en termes de qualité ou de prix, nous allons en chercher chez un autre compétiteur sur le marché.

Dans le cas des frais de transaction, il n'y a pas d'alternative moins dispendieuse. Les seules autres avenues sont plus coûteuses. Ce n'est pas un vrai marché ni une libre concurrence. C'est une surenchère de frais toujours plus élevés. On se retrouve à gauche avec un taux élevé ou à droite avec un taux élevé. Lequel choisir? Notre problème, c'est de ne pas avoir de pouvoir de négociation par rapport aux banques.

Vous avez raison, on a essayé d'approcher les banques pour en discuter, mais le système est tellement complexe. Elles sont à la fois émettrices et réceptrices de la transaction. Donc elles font une marge de profit à droite et à gauche. Entre les deux, elles critiquent Visa et MasterCard en disant que c'est de leur faute, mais c'est tout le système bancaire qui crée cette inflation.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Vous demandez donc au gouvernement de contrôler un coût. Quand on loue une propriété qu'on aime bien, on est essentiellement pris avec le loyer, ou alors on déménage. C'est le choix du locataire. C'est, en gros, la même chose avec une carte Visa. Si vous n'aimez pas le coût, alors vous pouvez tout simplement dire : « Je n'accepte que les paiements en argent comptant. » Et c'est ce que vous faites. Vous ne réduisez pas le coût pour les consommateurs, ce qui signifie que vous faites un peu plus d'argent avec les paiements en argent comptant qu'avec les paiements par Visa et MasterCard. Votre coût moyen ne peut pas représenter 2 ou 3 p. 100 de vos ventes, parce que le tiers de vos coûts seraient liés aux transactions en argent comptant. Je ne vois pas pourquoi vous voudriez que le gouvernement intervienne pour contrôler et imposer un coût particulier relativement à un produit que vous achetez de votre propre chef. Cela fait partie du coût d'exploitation. N'en tenez-vous pas compte au moment de préparer votre plan d'affaires?

[Français]

M. Blouin : Si vous me permettez de vous donner encore un exemple, je vous parlerais d'une des trois capsules, qui porte sur Michel Dépatie, un marchand qui est propriétaire d'un magasin Métro, à Laval. Dans la capsule, il était question de frais de transactions de 150 000 $ pour les transactions par carte de crédit. Cette année, il prévoit que ces transactions atteindront de 210 000 $ à 220 000 $. Il est seulement à hauteur de 30 p. 100 ou de 31 p. 100 de ses transactions en cartes de crédit.

Ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a une évolution dans le marché qu'on ne peut plus compenser. Les 5 milliards de dollars dont on parle depuis tout à l'heure, c'est le consommateur qui les paie, pas les banques. C'est le consommateur, par l'entremise du prix des produits qu'ils viennent acheter. La facture va augmenter d'année en année et, si on ne règle pas le problème, c'est encore le secteur bancaire qui va profiter de ces 5 milliards de dollars de ponctions exagérées sur le consommateur.

C'est la raison pour laquelle des groupes d'entreprises, qui n'ont pas l'habitude de demander qu'on mette en place une réglementation, viennent vous dire qu'ils n'ont plus la capacité de négocier dans un marché libre. Ce n'est plus la réalité actuelle.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Je comprends cela, mais vous voyez bien la difficulté à laquelle nous faisons face. En même temps, dans vos deux industries, vous avez remarqué sans aucun doute une baisse spectaculaire du taux d'intérêt exigé par les banques au cours des 10 dernières années. Les taux d'intérêt n'ont probablement jamais été aussi bas que maintenant. Je doute que ces économies soient refilées aux consommateurs. Chose certaine, les coûts de vos services bancaires, en ce qui concerne les taux d'intérêt, ont considérablement diminué. Évidemment, si la banque consent un prêt à une personne qui souhaite bâtir son restaurant, les coûts en capital seront réduits. Tous ces frais ont diminué, et il se peut que les frais de Visa et MasterCard n'aient pas changé. En réalité, je ne suis pas sûr si vos coûts totaux des intrants sont plus ou moins élevés qu'ils ne l'étaient il y a, disons, 10 ans.

Mme Anderson : Je suis d'accord pour dire qu'il y a différents intrants qui entrent en ligne de compte dans le prix du produit que vendent les membres de notre organisation. Notre secteur se caractérise par une concurrence féroce. Les colonnes des plus et des moins sont d'une grande importance dans divers secteurs.

C'est un point sur lequel j'aimerais insister : la concurrence est extrêmement vive dans notre secteur en particulier, où les prix sont affichés sur des pylônes de 25 pieds pour que tout le monde puisse bien les voir. En fait, le secteur a toujours contrebalancé toute réduction survenue sur le plan du coût global, souvent au détriment du négociant indépendant. Je pense qu'Allan pourra parler de la situation surtout dans la région d'Ottawa, où la concurrence est si féroce.

J'estime que dans le contexte où évoluent bon nombre de nos commerçants, et sachez que le nombre de participants y est très élevé, il y a lieu de s'attendre à une réduction, compte tenu de la concurrence extrême dont nous sommes témoins. Comme Pierre-Alexandre le disait, c'est très différent d'un contexte où il y a quatre banques ou deux sociétés émettrices de cartes de crédit. Les petites et moyennes entreprises partout au Canada doivent faire face à une forte concurrence à l'échelle locale. Je le répète : notre secteur en particulier, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, est soumis à une concurrence féroce, comme l'attestent les affiches de prix qui sautent aux yeux et la présence d'un marché où les consommateurs sont prêts à faire quatre kilomètres de route, au beau milieu de la nuit, pour économiser un dollar.

Le président : Merci. Je vais demander à Mme Tassé de conclure.

[Français]

Mme Tassé : Le fait que l'utilisation de la carte de crédit augmente et que les frais pour les marchands augmentent aussi, cela pourrait nuire au modèle d'affaires du marchand-propriétaire de PME.

S'il y avait réglementation des frais de cartes de crédit, cela pourrait peut-être nous permettre de demeurer compétitifs et, possiblement, nous permettre de rester en affaires aussi.

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : Tout d'abord, je tiens à vous remercier de votre présence. Je suis surprise de voir que certains membres assis autour de la table, qui étaient là lorsque nous avons mené une étude de six mois sur les frais d'interchange, ne comprennent toujours pas que ces frais sont établis par Visa et MasterCard, lesquelles négocient ensuite le partage des profits avec les banques. C'était un fait bien connu dans le cadre de notre étude de six mois.

Il y a un autre fait que je trouve quand même surprenant : il y a 14 ans, l'Australie a imposé un plafond aux taux maximums des frais d'interchange. Le gouvernement australien les a examinés à deux reprises. La première fois, il a fait passer le taux de 0,95 à 0,5. Puis, au terme du deuxième examen, il a décidé de maintenir le même taux.

Dix ans plus tard, la Commission européenne a emboîté le pas. En effet, après plusieurs contestations judiciaires opposant différents pays européens à Visa et MasterCard, la Commission européenne a décidé que c'en était trop, et elle impose maintenant des frais d'interchange de 0,3 p. 100.

Voici donc ma question : en tant que Canadiens, sommes-nous plus tolérants que les Australiens, les Néo-Zélandais et les Européens face aux abus de ce genre? Même notre Tribunal de la concurrence a indiqué bien clairement qu'il fallait réglementer cette question.

Cela dit, j'ai beaucoup de sympathie pour les détaillants indépendants de produits pétroliers, parce qu'il est vrai que vous êtes pris dans un étau : d'une part, il y a le taux de pourcentage de l'impôt provincial et fédéral sur le coût d'un litre d'essence et, d'autre part, il y a le taux de pourcentage lié aux frais d'interchange. Votre marge de manœuvre est pratiquement inexistante. Vous avez dit qu'il s'agit d'une taxe sur une taxe. Cependant, j'aimerais que vous commentiez l'observation suivante que vous avez faite : « Nous trouvons déconcertant que le gouvernement propose, pour la réduction des frais de carte de crédit, une approche volontaire. » Pourriez-vous nous en parler davantage, s'il vous plaît?

Mme Anderson : Nous estimons qu'il s'agit d'un problème bien enraciné qui persiste depuis longtemps. Selon nous, un code volontaire ferait porter le fardeau de la preuve aux créanciers, car ils auraient à assumer la responsabilité de signaler tout incident et de prouver qu'il y a injustice, ce qui accaparerait de précieuses ressources. Nous jugeons donc qu'un code volontaire n'est pas la bonne approche, puisque cela n'aboutira à aucun changement systémique et ne procurera aucun avantage à long terme ni aux commerçants ni aux consommateurs.

La sénatrice Ringuette : Merci.

Monsieur Fruitman, en 2011, avez-vous reçu un financement de la part de Visa Canada pour produire un rapport de recherche?

M. Fruitman : C'est fort possible. Je ne suis pas tout à fait au courant.

La sénatrice Ringuette : Dans un article que j'ai ici, vous dites que oui, vous avez reçu une contribution, et Visa Canada a confirmé ce fait.

J'ai lu une autre observation très intéressante de la part de votre association. C'était dans le cadre d'un communiqué de presse du ministère des Finances Canada, en date du 7 août 2013. On peut lire en manchette : « Le gouvernement Harper surveillera les économies réalisées par les consommateurs canadiens grâce aux nouveaux allègements tarifaires ». On y rapporte les propos du président, M. Cran, qui affirme ceci : « L'Association des consommateurs du Canada appuie les efforts que fait le gouvernement afin de réduire les droits de douane et les coûts pour les consommateurs. »

Si votre association estimait qu'une réduction des droits de douane pour le commerce de détail — un des objectifs du projet de loi omnibus d'exécution du budget — permettrait, comme vous l'avez dit au gouvernement, d'abaisser les coûts pour les consommateurs, en quoi cela diffèrerait-il de la réduction des frais d'interchange pour obtenir le même résultat?

M. Fruitman : Je crois qu'il s'agit là d'une situation bien particulière, car on a affaire à des droits de douane sur des produits précis. Nous parlons de plus de 1 ou 2 p. 100. Nous aurions peut-être eu droit à un taux allant jusqu'à 10, 15 ou 20 p. 100 sur certains produits. Là encore, c'était une préoccupation à sens unique. Je m'explique; je vois que vous froncez les sourcils. Nous avions espéré que cette réduction du coût de la marchandise serait refilée aux consommateurs, advenant l'élimination des droits de douane et la réduction des coûts imposés aux détaillants.

Nous sommes peut-être moins convaincus que ce petit pourcentage sera refilé aux consommateurs, et il est question ici d'un ensemble beaucoup plus grand de frais. Nous craignons également que le secteur bancaire cherchera à obtenir une forme de compensation en essayant de récupérer de l'argent. Cela n'a pas été le cas avec les tarifs douaniers.

La sénatrice Ringuette : Votre argument vise les consommateurs, si je ne m'abuse.

M. Fruitman : Oui.

La sénatrice Ringuette : La réduction moyenne des tarifs douaniers pour les marchandises du commerce de détail était d'environ 2,5 p. 100.

À quoi tient la différence entre une réduction probable des tarifs douaniers pour les consommateurs et des frais d'interchange? Je pose la question car j'ai également sous les yeux un document qui montre qu'à la suite de ces réductions tarifaires, les coûts pour les consommateurs ont été réduits. Je m'en rappelle car je siégeais au comité lorsque nous nous penchions sur tous ces tarifs douaniers et ainsi de suite.

On s'intéressait particulièrement à l'équipement de hockey. Nous avons ici une réduction de prix pour le consommateur de 3 $ pour un casque Bauer avec visière, de 5 $, pour des épaulières, et de 5 $, pour des protège-coudes.

Le président : Pourriez-vous poser la question, je vous prie?

La sénatrice Ringuette : Je l'ai déjà fait, et le problème ici, c'est malheureusement que si le gouvernement réduit les tarifs douaniers afin de réduire le prix pour les consommateurs, rien ne prouve qu'une réduction des frais d'interchange entraînerait une réduction des prix à la consommation.

Le président : La question s'adresse à M. Fruitman, s'il vous plaît.

M. Fruitman : Là encore, je ne suis pas certain d'avoir entendu une question mais, comme je l'ai dit, ces situations sont bien différentes. D'une part, on parle d'un pourcentage beaucoup plus élevé sur un nombre très limité d'articles et, d'autre part, on a un faible pourcentage qui est pratiquement universel. En ce qui concerne les tarifs douaniers, il est beaucoup plus facile de surveiller si ces économies seront refilées aux consommateurs, et j'ignore quelle partie du pourcentage des économies réalisées sur les tarifs douaniers l'a été. Il y a eu des cas flagrants où les consommateurs ont pu bénéficier d'une partie de ces économies à tout le moins.

Je ne pense pas du tout que nous comparons les mêmes situations.

Le président : Voilà qui met fin à la première série de questions. Il nous reste cinq minutes pour deux questions rapides au deuxième tour. Je vois maintenant qu'il ne reste plus de temps. Nous pouvons donc revenir au programme.

Au nom du Comité des banques, j'aimerais vous remercier sincèrement d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

Au nom du comité, je suis ravi de souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins. De l'Ontario Restaurant Hotel and Motel Association, nous accueillons M. Tony Elenis, président et directeur général. Il s'agit de la plus grande association de services d'accueil provinciale au Canada, avec plus de 4 000 membres qui représentent plus de 11 000 établissements.

De la Fédération canadienne des épiciers indépendants, nous accueillons M. Gary Sands, vice-président, Politique publique. Cette association commerciale représente plus de 4 000 épiciers indépendants. M. Sands est également le président de Small Business Matters, une coalition nationale qui représente les petites et moyennes entreprises du Canada.

Je vais maintenant céder la parole à M. Elenis, après quoi nous entendrons M. Sands. Monsieur Elenis, la parole est à vous.

Tony Elenis, président et directeur général, Ontario Restaurant Hotel and Motel Association : Je suis le président- directeur général de l'Association des restaurants d'établissements hôteliers et moteliers de l'Ontario, connue sous son acronyme ORHMA. Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole sur cette loi très importante qui a une forte incidence sur nos membres et notre industrie.

Avec 11 000 établissements, l'ORHMA est la plus grande association provinciale de l'industrie de l'accueil au Canada. Elle représente les intérêts des secteurs ontariens de la restauration et de l'hébergement. L'ORHMA a pour mission de favoriser un environnement propice aux affaires pour l'industrie dans toutes les collectivités de l'Ontario. Plus de 65 p. 100 de nos membres représentent de petits exploitants indépendants de restaurants, d'hôtels et d'autres entreprises d'hébergement.

Les frais d'acceptation des cartes de crédit imposés au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Le gouvernement fédéral doit mettre en place une politique équitable pour tous afin d'encadrer les systèmes marchands.

L'ORHMA entend continuellement ses membres protester contre les frais de carte de crédit élevés et leur incidence extrême sur leur chiffre d'affaires. Ils considèrent que ces frais leur volent leur personnel et leur revenu durement gagné. Cette iniquité est encore plus grave dans le secteur de l'accueil qui lutte pour subsister en Ontario.

Bien qu'elle soit une composante importante de l'économie et du caractère particulier de l'Ontario, l'industrie du tourisme d'accueil est vulnérable à l'instabilité économique. Ces dernières années, le secteur a subi de fortes pressions dues à des événements et à des mesures, comme le 11 septembre, le SRAS, les problèmes frontaliers, le manque de confiance des consommateurs et l'insuffisance du revenu disponible. Le Canada a peut-être survécu à la dernière récession mondiale, mais il n'y a pas de doute que le secteur de l'accueil a changé en Ontario, mais pas pour le mieux.

Des pressions économiques sans précédent ont forcé l'industrie à faire preuve de plus d'ingéniosité, à faire plus avec moins. Assaillis par des hausses incessantes de coût de la main-d'œuvre, des aliments et de l'énergie, les restaurateurs sont toujours confrontés à la menace de marges d'exploitation en déclin. Depuis l'an 2000, le secteur de l'hébergement de tout l'Ontario fonctionne avec une réduction de 50 p. 100 des marges bénéficiaires, alors que les restaurants ontariens ont une marge de profit de 2 p. 100 avant impôt, voire peut-être moins dans bien des cas. En effet, certains secteurs d'activité dans certaines parties de la province commencent à voir une tendance à la hausse, mais il ne s'agit plus de croissance de revenus; il s'agit de la pression des charges qui affectent les résultats nets.

En ces temps difficiles, l'industrie de l'accueil voit que les sociétés de carte de crédit profitent des propriétaires d'entreprise en exploitant certaines lacunes qui les avantagent. Les entreprises du secteur de l'accueil et d'autres secteurs sont lésées par les actions des grandes sociétés de carte de crédit. Ces dernières continuent de se remplir les poches sans aucun contrôle gouvernemental.

Plusieurs gouvernements ont examiné les répercussions des frais élevés de carte de crédit et voté des réformes dans le secteur du paiement. Par exemple, un modèle mis en place par la Banque de réserve de l'Australie en 2002 a fixé un plafond pour les frais de traitement de 0,5 p. 100 de la valeur d'une transaction, ce qui rapporte pour les Australiens chaque année des gains nets de 100 à 150 millions de dollars aux commerçants de détail.

Au Canada, les frais d'acceptation sont parmi les plus élevés au monde. Le projet de loi S-202 fixera des balises à 0,5 p. 100 pour les transactions courantes, à 0,3 p. 100 pour le gouvernement et à 0 p. 100 pour les organismes caritatifs. Présentement, avec une moyenne de 2,5 p. 100, ces frais d'acceptation coûtent aux Canadiens environ 9 milliards de dollars. Grâce à l'adoption de cette loi, les marchands et consommateurs canadiens pourraient épargner jusqu'à 7,2 milliards de dollars chaque année.

Les petites et moyennes entreprises sont les piliers de l'économie canadienne. Elles favorisent la concurrence et offrent un choix au consommateur canadien. Toutefois, tant que les frais élevés de paiement par carte de crédit continueront de diminuer les marges de profit de ces entreprises, leur survie sera toujours en danger et la croissance de l'emploi en sera aussi affectée. Nous demandons au Sénat ainsi qu'au Parlement d'appuyer le projet de loi S-202.

Au nom de l'ORHMA, je vous remercie de votre attention. Nous vous prions d'appuyer le projet de loi.

Gary Sands, vice-président, Politique publique, Fédération canadienne des épiciers indépendants : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis le vice-président de la Fédération canadienne des épiciers indépendants et membre de la Coalition Small Business Matters. Certains de ses membres ont témoigné devant vous ce matin.

Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le comité pour parler de l'effet des frais de carte de crédit pour les détaillants. J'aimerais tout d'abord vous présenter brièvement les deux organismes que je représente aujourd'hui, soit la Fédération canadienne des épiciers indépendants, la FCEI, et la Coalition Small Business Matters.

La FCEI, créée en 1962, est une association nationale qui représente des épiciers et des distributeurs indépendants et franchisés. Nos membres sont propriétaires de petites et de moyennes entreprises, une partie importante de la mosaïque que forment les nombreuses collectivités de notre pays.

La consolidation du secteur de la vente au détail constitue un enjeu important pour le secteur de l'épicerie au détail, mais ce n'est pas de cela qu'il est question ici, du moins pas aujourd'hui. Les distorsions que les fusions et les acquisitions causent sur le marché créent une pression concurrentielle supplémentaire pour les épiciers indépendants. Il ne faut pas oublier que la marge des épiciers de détail, soit d'environ 1 à 1,5 p. 100, est très serrée et inférieure à celle des autres secteurs de la vente au détail.

Dans un tel contexte, vous comprendrez que le paiement continu des frais élevés des cartes de crédit pour les petites et moyennes épiceries est critique et réduit leurs marges d'une manière tout simplement insoutenable.

Le gouvernement fédéral a pris une mesure importante, que nous appuyons, en établissant un code de conduite volontaire. Cela a permis de mettre en place un processus et une structure qui pourraient contribuer à régler certaines pratiques ou politiques de l'industrie des paiements.

Comme nous le savons tous, je ne fais que répéter ce que vous avez sans doute déjà entendu à maintes reprises : le code n'a pas permis d'atténuer les effets permanents et importants des frais liés aux cartes de crédit pour les petites entreprises canadiennes. Comme le Bureau de la concurrence l'a souligné, les effets des frais et des politiques des sociétés émettrices de cartes de crédit prennent des proportions disproportionnées très importantes pour les petites entreprises.

Par ailleurs, les frais liés aux cartes de crédit sont plus élevés au Canada et, à l'heure actuelle, trois acteurs fouillent dans les poches des détaillants : la société émettrice de la carte, comme la banque ou la caisse populaire, les réseaux, soit Visa et MasterCard principalement, et les acquéreurs, c'est-à-dire les sociétés de traitement qui fournissent des services de réseau aux détaillants.

Si l'un de ces acteurs augmente ses frais, c'est invariablement le détaillant qui les assume en fin de compte. En avril 2013, par exemple, lorsque Visa a augmenté les frais d'évaluation facturés aux sociétés de traitement, les détaillants ont dû payer la facture. Le comité est conscient du montant global estimé des frais payés par les détaillants, qui s'élève à 6 ou 7 milliards de dollars — et j'ai entendu parler de 5 milliards —, mais c'est important de ventiler ces frais pour en comprendre les répercussions pour le magasin.

L'un de nos membres, dont le magasin est situé dans la région de Toronto, en est l'exemple parfait. Le montant des achats payés par carte de crédit et le montant des achats payés par carte de débit est le même. Pourtant, le détaillant paie 210 000 $ par an en frais de carte de crédit, contre 6 000 $ pour les opérations de débit. Les consommateurs, eux, achètent les mêmes produits, dans le même magasin, et reçoivent le même service. C'est indéfendable. Il faut réduire cet écart.

La situation est répandue dans tous les secteurs de la vente au détail et c'est pour cette raison que la FCEI et bien d'autres associations se sont regroupées pour former la Coalition Small Business Matters. Nous représentons actuellement plus de 90 000 entreprises au Canada, et leur nombre va en augmentant. Il s'agit d'entreprises qui n'ont pas l'ampleur de Costco, par exemple, qui vient de négocier une entente particulière avec MasterCard. Nos membres savent qu'il n'y a pas de règles du jeu équitables, mais à défaut de réduire les frais de manière considérable, plusieurs petites entreprises ne seront même plus en mesure de participer au jeu.

Les petites entreprises représentées par la coalition vivent une réalité différente de celle de Visa et de MasterCard. En plus du déséquilibre concurrentiel, les entreprises que nous représentons n'ont d'autre choix que d'accepter ces deux cartes de crédit. Refuser de nombreux consommateurs parce qu'ils paient par carte de crédit n'est tout simplement pas une solution d'affaires viable, et quiconque prétend le contraire se trompe. La coalition veut faire comprendre au Parlement et aux consommateurs que cela profitera autant aux consommateurs qu'aux détaillants.

C'est pourquoi la coalition représente plus de 90 000 entreprises au pays, qui appuient à l'unanimité l'engagement suivant :

Les membres de la Coalition Small Business Matters, qui représente des milliers d'entreprises partout au Canada, demandent avec instance au gouvernement de réduire les frais de carte de crédit et de faire en sorte que l'industrie des paiements soit juste et transparente.

De leur côté, nos membres prennent l'engagement que la réduction des frais de carte de crédit profitera aux consommateurs et aux communautés partout au Canada, grâce à une concurrence accrue, davantage d'investissement, la création d'emplois et la réduction des prix aux consommateurs.

Il s'agit d'un engagement important pour les consommateurs. Ils doivent comprendre le lien entre les frais et la capacité des petites entreprises de leur localité de demeurer viables. Lorsqu'une petite entreprise ferme ses portes, c'est définitif. Les consommateurs n'y gagnent absolument rien et les localités de tout le pays y perdent.

Les petites entreprises indépendantes ne demandent pas à être protégées contre la concurrence. C'est leur réalité, jour après jour. Ils comprennent et appuient un marché concurrentiel libre. Cependant, le paysage concurrentiel de l'industrie des paiements est bien différent de celui des petites entreprises. Et lorsque deux sociétés contrôlent plus de 92 p. 100 du marché, cela ne favorise pas un marché concurrentiel libre.

On peut en tirer une seule conclusion : le Canada doit prendre la même direction que les autres pays et réduire les frais. Si le projet de loi S-202 a permis encore une fois de mettre cette question au premier plan du débat public, alors au nom des petites entreprises, nous vous en sommes reconnaissants.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Je vous souhaite la bienvenue au comité. Vous soutenez également le fait que les organisations sans but lucratif ne paient aucuns frais, de même que les gouvernements municipaux, je suppose, et même les institutions, comme les universités, qui ont à payer ces tarifs, parce que nombre d'étudiants paient leurs frais avec une carte de crédit. Donc, cela coûte énormément cher. On utilise, à l'heure actuelle, une gradation, c'est-à-dire à 0,3 et à 0,5 p. 100. Cette tarification vous convient-elle?

[Traduction]

M. Sands : Le taux de 0,5? Oui, il nous convient. Je dois tout d'abord dire que si les taux ailleurs sont fixés à 0,3 ou à 0,5, alors peu importe celui en vigueur au Canada, tout le monde devrait être préparé à fournir une excellente explication aux milliers de détaillants de partout au pays pour justifier pourquoi les taux doivent être différents ou plus élevés au Canada. Quelle en est la raison?

Je peux parler au nom de mon secteur. Je ne veux pas dire que je parle au nom de la Coalition Small Business Matters mais, d'après les données du ministère de l'Agriculture, nous avons perdu des milliers d'épiciers indépendants au Canada. Si nous ne progressons pas au même rythme que les autres pays, nous allons avoir un problème sur les bras.

M. Elenis : Dans l'industrie de l'accueil en Ontario, nous avons perdu plus de 22 millions de visiteurs étrangers depuis le 11 septembre. Ces pertes se sont révélées catastrophiques pour les petites entreprises de partout en Ontario, et nous estimons que le taux de 0,5 est adéquat. Il représentera une contribution de près d'un demi-milliard de dollars aux profits de l'industrie de l'accueil de notre province.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Entre le consommateur et le fournisseur de services, selon vous, qui des deux en profitera?

[Traduction]

M. Sands : Je suis ravi qu'on m'ait posé cette question, car je mourrais d'envie d'intervenir lorsqu'elle a été posée au groupe de témoins précédents. Nous croyons, et l'engagement que nous avons pris en est la preuve, que chaque cent de réduction sera profitable aux consommateurs. Nous pouvons tenir une discussion. Je parlerai au nom d'autres membres. Si nous pouvons avoir plus d'argent pour investir et rénover nos magasins, embaucher plus de gens dans la collectivité et réduire les prix, nous pensons que la collectivité en sortira gagnante.

Tout l'argent servirait à réduire les prix? Non, une partie pourrait servir, comme je l'ai dit, à investir dans votre magasin, votre commerce. Les entreprises doivent pouvoir investir pour demeurer concurrentielles. Ce sont là les avantages dont nous bénéficions.

Ce qui nous distingue de l'Association des consommateurs du Canada, c'est qu'elle semble avoir du mal à faire les liens nécessaires. Elle ne perçoit pas la capacité des propriétaires de petites entreprises indépendantes de rester en affaires comme étant un avantage quelconque pour les consommateurs, et nous espérons que le comité est tout à fait contre cette prémisse.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Nous présumons que tous les témoins qui comparaissent devant notre comité sont de bonne foi. Par contre, lorsqu'il s'agit de finances et d'argent, les intérêts particuliers ont préséance, en général, sur ceux du public.

Nous sommes préoccupés de l'intérêt public et vous, de celui de vos membres. C'est pour cela que, tantôt, je suggérais, si la réduction de 0,5 était adoptée, qu'il y ait une limite à ce que le marchand puisse retenir dans ses tiroirs. De cette façon, nous pourrions nous assurer qu'une partie des revenus aille véritablement au consommateur.

Vous me dites que non. Vous ne me confirmez pas que ces économies auront des retombées pour le consommateur et que, automatiquement, ce qui sera gagné par rapport à la situation actuelle restera strictement dans les mains du consommateur. D'ailleurs, en termes d'équité entre tous les commerçants, il faudrait que cette norme soit établie à l'avance. À ce moment-là, après consultation, parce qu'il a été question de consultations avec le panel antérieur, on verrait quelle devrait être la répartition de l'épargne que le consommateur et le marchand partageront.

S'il n'y a aucune norme, on ne pourra peut-être pas atteindre l'équilibre et veiller à ce qu'il y ait une bonne compétition pour les différents éléments. En ce qui concerne l'étude indépendante du dossier, que j'approuverais, il faudrait s'assurer que la répartition des économies soit faite de façon équitable. Êtes-vous d'accord avec cette approche?

[Traduction]

M. Elenis : Sénatrice, il y a tellement de facteurs à prendre en considération lorsque nous parlons d'augmentations des prix. Le consommateur en profitera certainement. Comme mon collègue l'a dit, les investissements dans les établissements seront avantageux pour les consommateurs, qui profiteront d'un meilleur service et de produits de meilleure qualité, et qui seront protégés contre des hausses de prix futures.

Au sujet de l'industrie de l'accueil, les hôtels ont atteint seulement récemment, cette année, le taux moyen qu'ils ont enregistré en 2000. C'est ce qui s'est produit dans de nombreux secteurs. Les services alimentaires ont très peu de latitude pour ce qui est d'établir les prix. On augmente de 5 cents le prix d'une tasse de café et on perd des clients. La hausse des prix n'est pas au sommet des préoccupations pour les services alimentaires, et la seule raison pour laquelle ils augmentent les prix, c'est pour survivre. Toute aide pour accroître le chiffre d'affaires contribuera à minimiser les hausses de prix dans l'avenir, ce qui va plus ou moins dans le même sens que votre question.

Le sénateur Tkachuk : Je vais poser plusieurs questions. Je ne veux pas vous donner l'impression que j'appuie les banques et pas les entreprises indépendantes. J'ai grandi dans un foyer où mon père était un homme d'affaires indépendant. Nous étions dans la vente au détail de l'essence. Je sais à quel point c'est difficile, et j'ai beaucoup d'expérience dans le monde des affaires, mais je veux aborder la question d'un gouvernement qui dicte les coûts car, à partir de ce que nous avons fait ici, nous savons que le prix de détail que l'on paie englobe les frais de réseau, les frais de Visa et de MasterCard et les frais bancaires, qui constituent la majeure partie du prix.

Donc, du point de vue du consommateur, les frais de carte de crédit demeureront inchangés. Si le détaillant ne lui impose pas ces frais, il aura à les payer plus tard. Les frais seront prélevés par la banque ou directement de mon compte bancaire.

J'aimerais entendre vos observations à ce sujet, puis je vais vous poser quelques questions complémentaires.

M. Elenis : Merci, sénateur. Je répondrais qu'avec un taux de pénétration sur le marché de plus de 92 p. 100, il faut un degré de concurrence faible. C'est la forme que cela prend. Ce n'est pas plus simple. C'est un monde de créanciers. Je pense qu'il incombe au gouvernement d'assurer l'équité lorsqu'il y a un duopole. Lorsque cela se produit, comme vous le savez, le Bureau de la concurrence examine la situation et dit, « Un instant, ce n'est pas ainsi que les choses devraient se passer ». Elles ne peuvent certainement rien faire sans cadre gouvernemental, qui doit être examiné par des experts, que ce soit le réseau, les frais d'interchange de la source jusqu'au consommateur. De plus, les frais devraient être ventilés.

En 2008, il y avait un simple frais que tout le monde comprenait. Ce n'est plus le cas. Nous sommes dans le secteur et nous avons du mal à le comprendre.

M. Sands : Je pense que là où je ne suis pas d'accord avec vous, c'est sur ce que l'association représente. Nous sommes des petites et moyennes entreprises. Nous croyons dans un marché libre. Nous ne sommes pas en faveur d'une intervention gouvernementale massive, mais il reste que nous n'évoluons pas dans un marché libre et concurrentiel. C'est le problème avec votre prémisse. Vous avez deux entreprises qui en ont le contrôle. Le gouvernement a déclaré forfait avec horreur à cause du manque de concurrence dans le secteur du sans-fil. Pourtant, la concurrence dans l'industrie des paiements est moindre et rien ne se passe. Nous avons donc du mal à comprendre.

Vous avez parlé tout à l'heure avec le groupe de témoins précédent de négocier avec les banques. J'aimerais beaucoup que vous assistiez à l'une des réunions de notre association, et je vais laisser le moteur de la voiture en marche lorsque vous vous empresserez de dire aux membres qu'ils ont le même pouvoir de négociation que Costco, Loblaws, Walmart ou Sobeys. La réunion sera de courte durée. L'entente conclue avec Costco il y a quelques semaines en est un exemple parfait.

Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord avec vous pour dire que vous n'avez pas ce pouvoir, mais les petits épiciers indépendants doivent faire face à Costco et à Walmart. Ils ont des avantages concurrentiels et achètent les produits en grandes quantités. Par conséquent, ils les achètent à meilleur prix que les épiciers indépendants, ce qui complique les choses. Ils peuvent négocier de meilleurs baux car ils louent de plus grands espaces. Ils ont toutes sortes d'avantages concurrentiels par rapport à un petit commerce, et ce n'est seulement qu'une petite partie du problème.

M. Sands : Une petite partie?

Le sénateur Tkachuk : Oui, je pense que c'est une petite partie. Pourquoi voulez-vous que nous intervenions dans cette partie du processus mais pas dans les autres?

M. Sands : C'est parce qu'il n'y a pas de climat concurrentiel libre. Comme vous l'avez dit aux témoins précédents, nous paierons plus pour des tomates et certains autres produits. Nous savons comment rester en affaires, et c'est en offrant des produits différents, en achetant davantage de produits locaux, par exemple, en fournissant plus de services et en embauchant plus de gens dans la collectivité qu'une chaîne ne le ferait. Mais ce que les chaînes peuvent faire sur le marché pour réduire leurs coûts, et ce que les détaillants indépendants ne peuvent pas faire, nous ne sommes pas là pour résoudre ces problèmes, à savoir ceux que vous venez d'énumérer, mais nous n'avons pas la possibilité de négocier une nouvelle carte avec Visa ou MasterCard. Nos clients doivent l'accepter. Nous ne pouvons tout simplement pas leur dire : « Nous n'acceptons pas votre carte de crédit ». Nous pouvons décider de ne pas de vendre une sorte de tomates si elle coûte plus cher que d'habitude ou si elle est plus chère que le prix vendu par un concurrent, mais nous ne sommes pas en mesure de gérer cette situation en utilisant les règles normales du marché concurrentiel.

Ces règles ne fonctionnent pas, et c'est justement le problème. Le cas échéant, c'est à ce moment-là que le gouvernement doit intervenir. Si vous dites qu'il n'a pas un rôle à jouer à cet égard...

Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas ce que je dis.

M. Sands : Ce que je dis, hypothétiquement, c'est que si vous adoptez cette position, alors il faudrait que vous vous adressiez au caucus conservateur pour lui dire, « Nous avons tort en ce qui concerne l'industrie du sans-fil; nous ne devrions pas intervenir dans ce secteur non plus. » La concurrence dans ce secteur est un peu plus diversifiée que dans l'industrie des paiements. Nous traitons avec deux entreprises et nous n'avons aucune influence.

M. Elenis : Il y a peu de gens qui savent mieux contrôler les coûts qu'un restaurateur.

Le sénateur Tkachuk : J'ai étudié. J'ai fait bien des choses dans ma vie.

M. Elenis : Quand on ne peut pas contrôler une dépense et qu'on se trouve à la merci de quelqu'un, du réseau, c'est malheureux, et je pense que c'est là où le gouvernement doit intervenir.

Le sénateur Tkachuk : La carte de débit avait ceci d'avantageux qu'elle permettait de réduire les coûts. Les gens utilisent leur carte de débit plutôt que leur carte de crédit. Ils préfèrent la carte de plastique à l'argent comptant.

Les gens utilisent-ils leur carte de crédit parce qu'ils ont besoin de crédit, parce qu'ils veulent obtenir des points ou parce qu'ils trouvent cela pratique? Une carte de débit est tout aussi pratique qu'une carte de crédit si on a l'argent en banque, alors pourquoi utiliser une carte de crédit?

M. Elenis : Pour ces trois raisons, je dirais.

M. Sands : Je pense — et je ne peux que répéter ce que nos membres nous disent — qu'il faut le souligner ici, Interac et les cartes de débit ne peuvent pas faire concurrence aux gadgets, aux points, et cetera, que les sociétés de cartes de crédit offrent.

Le sénateur Tkachuk : Les banques.

M. Sands : Eh bien, les négociations ont lieu au sein même de l'industrie des paiements. Nous ne sommes pas à la table lorsqu'on partage la tarte. Tout ce qu'on sait, c'est que la tarte reste la même, et il faut en laisser aller une autre portion.

Nous assistons à une érosion du marché du débit et du comptant en faveur du marché du crédit, et encore une fois, c'est parce qu'on offre toujours plus de gadgets et de points bonis aux consommateurs, qui finissent par se laisser tenter. Ils ont l'impression que c'est gratuit.

Le sénateur Tkachuk : Il faudrait qu'il y ait des rabais pour ceux qui, comme moi, paient comptant.

M. Elenis : Certains pays européens et l'Australie mettent en place d'excellentes réformes. Le Canada est le deuxième plus grand utilisateur de cartes de débit après la Suède, alors cela vous montre que nous poussons dans cette direction au sein de nos entreprises.

M. Sands : Au sein de notre association, nous sommes contre les suppléments et contre les rabais. Je ne sais pas trop quel rabais vous proposeriez avec une marge de profit de 1 p. 100. Encore une fois, j'adorerais que vous veniez en faire la proposition à une de nos réunions.

Le sénateur Tkachuk : Mais est-ce 1 p. 100? Vous versez à Visa 1 p. 100.

M. Sands : Mais nos...

Le président : Monsieur Sands, nous allons passer à la prochaine question, s'il vous plaît, et céder la parole à la sénatrice Ringuette.

La sénatrice Ringuette : Je suis heureuse que vous soyez venus nous parler des problèmes que vous avez à surmonter au quotidien depuis de nombreuses années. Je demande qu'on examine cette question depuis six ans. Le Tribunal de la concurrence s'est penché sur la question, et pendant qu'il l'examinait, Visa et MasterCard ont haussé leurs taux de 30 p. 100. Ils possèdent 92 p. 100 du marché. Ils sont rois.

Monsieur Elenis, vous avez dit que 1 100 établissements faisaient partie de l'ORHMA, n'est-ce pas?

M. Elenis : Nous avons 4 000 membres qui représentent 1 100 établissements, oui.

La sénatrice Ringuette : Quatre mille membres. Combien y a-t-il d'employés dans ce groupe?

M. Elenis : En Ontario, 400 000 personnes travaillent dans l'industrie du tourisme d'accueil. Je ne sais pas combien font partie de ce groupe, toutefois.

La sénatrice Ringuette : Il y a donc beaucoup de gens qui dépendent de votre industrie pour assurer leur gagne-pain. Je pense que cela accroît l'importance de votre présence ici et de ce que nous voulons accomplir.

M. Elenis : Quarante-cinq pour cent des jeunes travaillent dans l'industrie du tourisme d'accueil.

La sénatrice Ringuette : Et c'est le groupe où l'on trouve le plus de chômeurs à l'heure actuelle au Canada. Merci.

Monsieur Sands, vous avez mentionné que la coalition représente 90 000 petites entreprises au Canada.

M. Sands : C'est maintenant un peu plus de 94 000.

La sénatrice Ringuette Quatre-vingt-quatorze mille entreprises. Combien d'employés cela représente-t-il? Combien de revenus familiaux cela représente-t-il?

M. Sands : C'est une excellente question. Je peux obtenir l'information auprès de chacun des membres de la coalition. Je n'ai pas l'information avec moi et j'en accepte la responsabilité, mais j'ai bien demandé à chaque association de me fournir par écrit le nombre de membres qu'elle représente.

La sénatrice Ringuette : C'est important de le savoir, car les gens doivent comprendre l'ampleur du problème ici.

Monsieur Sands, l'organisation que vous représentez, la Small Business Matters Coalition, a publié un communiqué de presse le 5 août 2014 — j'en ai une copie ici — dans lequel vos 90 000 entreprises indépendantes s'engagent, comme vous l'avez mentionné dans votre exposé, à faire en sorte que les consommateurs profitent de la réduction des frais liés aux cartes de crédit.

J'ai aussi ici devant moi une lettre, aussi rendue publique, que vous avez envoyée au ministre des Finances, M. Joe Oliver, au même moment où le communiqué a été publié...

M. Sands : Oui.

La sénatrice Ringuette : ...et qui parlait de l'ampleur du problème et de l'engagement pris par les 90 000 entreprises auprès des consommateurs canadiens. Avez-vous reçu une réponse à la lettre que vous avez fait parvenir au ministre le 5 août?

M. Sands : Non.

La sénatrice Ringuette : Avez-vous eu une rencontre avec le ministre depuis?

M. Sands : Non, mais je tiens toutefois à être juste ici. Nous avons rencontré des membres du cabinet du ministre et du ministère. Les rencontres ont été très productives et positives. Je ne veux pas donner l'impression qu'ils font la sourde oreille à nos points de vue. J'ai toujours eu l'impression qu'on nous écoutait. Je pense que nous n'avons pas la même philosophie pour ce qui est de l'approche volontaire, mais cela étant dit, ils sont très ouverts et nous écoutent.

La sénatrice Ringuette : Un des témoins précédents représentait aussi les petites entreprises, les détaillants d'essence.

M. Sands : Oui, Tricia Anderson.

La sénatrice Ringuette : Oui. On a parlé de cette rumeur que l'on entend au sujet d'une réduction volontaire de 10 p. 100, qui réduirait votre 3 p. 100 à 2,7 p. 100, une solution inacceptable aussi, puisque cela ne serait qu'un écran de fumée.

Quel est le point de vue de vos associations sur cette question?

M. Elenis : Quand il s'agit d'une question aussi sérieuse et cruciale que celle-ci, je ne pense pas qu'une réduction volontaire soit la réponse. Le 10 p. 100 permettra de réduire les taux, mais cela me fait penser à des entreprises précises qui réduisent les taux pour voler la clientèle des autres et qui les remontent un an plus tard.

La sénatrice Ringuette : Oui.

M. Sands : Au sein de notre association, nous sommes contre l'approche volontaire, car nous connaissons les réalités de l'industrie. De plus, nos membres m'ont demandé de vous transmettre le message clair que si le taux n'est pas important et qu'il est plus élevé qu'ailleurs, ils aimeraient bien savoir concrètement pourquoi.

La sénatrice Ringuette : La semaine dernière, nous avons entendu des représentants de Visa et MasterCard. Je leur ai parlé du cas de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de divers pays de l'Union européenne, et ils m'ont répondu que Visa Europe n'est pas Visa Canada. Ils semblent dire que les choses sont différentes ici et que c'est pour cette raison qu'ils n'ont pas d'autre choix que d'accepter la réglementation gouvernementale.

Monsieur Elenis, je suis certaine qu'en étant dans l'industrie du tourisme d'accueil, vous avez l'occasion de rencontrer des homologues d'autres pays. Que pensez-vous de cela?

M. Elenis : Quand on dit que Visa en Europe est différent de Visa aux États-Unis, c'est un peu comme acheter des tomates en Italie et les transporter jusqu'ici, et si vous arrivez à voir la différence entre les tomates, à moins de faire une sauce au goût vraiment différent, je dirais qu'elles sont très semblables. Je pense qu'il s'agit d'une bien piètre excuse et, personnellement, je ne pense pas que cela soit justifié.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je sais que le temps file. Je comprends que MasterCard et Visa représentent environ 90 à 95 p. 100 du marché, et que des domaines aussi compétitifs que l'alimentation et les détaillants des produits pétroliers ne peuvent pas accepter les cartes comme American Express et Diners Club, parce que les marges de profits sont trop petites.

Je ne m'adresserai pas aux témoins, pour une fois, mais plutôt à la marraine du projet de loi, la sénatrice Ringuette.

Pourquoi ne pas avoir inclus dans le projet de loi S-202... à moins qu'elle ne veuille pas répondre.

[Traduction]

Le président : Voulez-vous répondre à la question, sénatrice Ringuette?

La sénatrice Ringuette : Je n'y vois pas d'inconvénients.

[Français]

Le sénateur Rivard : Sénatrice Ringuette, pourquoi ne pas avoir inclus les cartes American Express et Diners Club dans le projet de loi? Je comprends que leur part de marché est très basse, mais pourquoi avoir prévu seulement Visa et MasterCard?

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : La réponse est facile, mais elle va prendre du temps.

[Français]

Le sénateur Rivard : À la prochaine rencontre, peut-être, monsieur le président.

[Traduction]

Le président : Je pense qu'il est préférable de poser des questions aux témoins et non pas aux autres membres du comité.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je me tourne vers les témoins : avez-vous une opinion sur cette question?

[Traduction]

Le président : Avez-vous une opinion sur la question? Si ce n'est pas le cas, je vais passer au sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : J'ai une question complémentaire sur vos organisations. Je sais que la Fédération de l'entreprise indépendante a négocié un taux particulier avec Chase et Visa pour sa clientèle. Vos organisations ont-elles tenté d'en faire autant pour obtenir un rabais?

M. Elenis : Oui, nous l'avons fait, avec un fournisseur. Nous le faisons dans de nombreux programmes pour maintenir la rentabilité, notamment pour le taux facturé aux marchands pour l'utilisation d'une carte de crédit, bien sûr. En ce qui a trait aux frais qu'exigent les sociétés de cartes de crédit, ils sont refilés par le fournisseur. Peu importe le système négocié avec le fournisseur, il y a toujours des frais pour l'utilisation d'une carte de crédit et ils sont refilés au consommateur. Ces frais peuvent être un peu moindres, ou ne pas l'être, mais c'est tellement compliqué et intégré que cela coûte une somme énorme.

Le sénateur Tkachuk : Je ne comprends pas encore très bien ce que vous voulez dire.

M. Elenis : Les frais d'interchange...

Le sénateur Tkachuk : C'est une très petite partie des frais que vous payez. Ce sont des frais bancaires en grande partie.

M. Elenis : Tout dépend sans doute des termes qu'on utilise pour décrire les frais. La plupart des gens parlent des frais, et c'est la grande portion. D'autres parlent de l'escompte, qui est combiné. Ici on parle et on utilise différents termes. Imaginez l'exploitant dans tout cela.

Le sénateur Tkachuk : Exactement. C'est une façon de nous mélanger, oui.

M. Elenis : C'est toujours refilé au marchand.

M. Sands : Le nom de notre association porte aussi à confusion parce que nous représentons aussi les franchisés. Même si on négociait un taux, nos franchisés auraient un taux différent par l'entremise de leur franchiseur, et c'est pourquoi nous évitons de négocier quoi que ce soit.

Pas cette année, mais au cours des dernières années, nous avons tenté de négocier différents éléments, que ce soit les assurances, les taux d'énergie, et cetera, pour nous rendre compte finalement que nous ne sommes pas capables de concurrencer.

M. Elenis : L'ORHMA a pu négocier les meilleurs taux au Canada avec son fournisseur, même mieux que ceux des associations nationales. Nous mettons tout en œuvre pour rendre nos membres prospères.

Le sénateur Tkachuk : Je comprends. Merci.

Le président : Merci à nos témoins. C'est ce qui met fin à nos questions.

Au nom des membres du Comité sénatorial des banques, je vous remercie sincèrement de votre présence aujourd'hui. Vous nous avez beaucoup aidés dans nos délibérations.

(La séance est levée.)


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