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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 20 - Témoignages du 3 décembre 2014


OTTAWA, le mercredi 3 décembre 2014

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été saisi du projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur les marques de commerce et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Nous tenons aujourd'hui notre deuxième réunion relativement au projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur les marques de commerce et d'autres lois en conséquence, également appelée la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits. Cette loi a pour but de lutter contre la contrefaçon, en renforçant l'application de la loi et en créant de nouveaux motifs de poursuites au civil et de nouvelles infractions criminelles.

Lors de notre première réunion sur ce sujet, jeudi dernier, nous avons entendu le ministre de l'Industrie, James Moore, ainsi que des fonctionnaires du ministère de l'Industrie. Cet après-midi, nous accueillons plusieurs témoins de l'extérieur que nous allons diviser en deux panels d'une heure chacun.

Du premier panel, j'ai le plaisir de vous présenter M. Kevin Spreekmeester, directeur du marketing à Canada Goose. Bon nombre d'entre vous savent que Canada Goose est une véritable réussite canadienne, ayant décidé de garder son effectif de fabrication ici, au Canada. De Produits alimentaires et de consommation du Canada, nous entendrons Carla Ventin, vice-présidente, Relations avec le gouvernement fédéral; du Conseil canadien de la propriété intellectuelle, Scott Smith, directeur, Propriété intellectuelle et politique d'innovation, Chambre de commerce du Canada; et Philippe Bensimon, criminologue. Nous sommes ravis de vous accueillir.

Nous commencerons par les observations liminaires de M. Spreekmeester, puis des autres membres du panel. Je rappelle à nos témoins qu'ils auront chacun cinq minutes pour leurs observations, afin que nous ayons suffisamment de temps pour les questions des sénateurs. Monsieur Spreekmeester, vous avez la parole.

Kevin Spreekmeester, directeur du marketing, Canada Goose : Je vous remercie de m'avoir invité. C'est pour moi un grand plaisir que de pouvoir vous parler de ce projet de loi au nom de Canada Goose. Vous avez tous reçu le document que nous avons préparé. Je ne vais pas le lire. Il est là si vous avez des questions ou à titre de référence.

J'aimerais vous parler un peu de nous et de ce qui m'a amené ici aujourd'hui. Je suis avec la compagnie depuis huit ans, mais elle existe depuis 1957.

Depuis mon arrivée chez Canada Goose, j'ai constaté que le problème de la contrefaçon s'est amplifié, passant de deux ou trois déclarations par mois qui pouvaient être réglées par mon adjointe administrative pour devenir un enjeu mondial qui nous oblige à dépenser des centaines de milliers de dollars par année pour neutraliser des faussaires à l'échelle mondiale, qui s'en prennent à des marques sur des sites comme Alibaba, ou les contrefaçons dans les médias sociaux et Internet.

Nous investissons des ressources faramineuses dans la protection de notre propriété intellectuelle tout en protégeant les consommateurs canadiens qui pensent acheter un produit authentique, qui sont convaincus de soutenir un produit bien canadien et croient contribuer au succès d'une grande entreprise, mais qui pourtant reçoivent des marchandises provenant souvent de Chine qui peuvent être très néfastes pour la santé parce que fabriquées avec des matières et selon des normes qui seraient inacceptables en Amérique du Nord; et, en plus, les manteaux ne tiennent même pas au chaud.

Nous avons envoyé quatre manteaux contrefaits à Feather Industries Canada, auprès de qui nous nous procurons notre duvet, en leur demandant d'analyser la qualité du duvet. Trois des manteaux ne comportaient pas la moindre trace de duvet, mais plutôt diverses matières qui auraient pu se trouver dans l'usine au moment de la fabrication, et c'était couvert de moisissures et de bactéries. Non seulement un tel manteau ne tient-il pas chaud, mais si on est sujet aux allergies ou sensible aux maladies, c'est un risque pour la santé. Dans certains cas, il était même impossible d'identifier la matière du col. Dans d'autres, il était fait de ce qu'on appelle du chien viverrin. Je n'ai aucune idée de ce que c'est, et je ne veux pas le savoir. En partie à cause de la traduction, mais c'est ainsi qu'a été identifiée cette espèce. Nous utilisons du coyote parce que c'est une partie fonctionnelle du manteau. Les différentes mèches de poils coupent le vent à l'approche du visage et créent un tourbillon devant lui, ce qui, en fait, réchauffe l'air et contribue à prévenir les engelures.

Nos vestes sont fonctionnelles et sont fabriquées au Canada. Nous continuons à déployer de grands efforts pour reconstruire l'infrastructure manufacturière du Canada qui a été décimée dans les années 1980, période pendant laquelle bon nombre de sociétés ont délocalisé leurs usines. Nous sommes déterminés à rester au Canada. Nous sommes fiers de notre bilan.

Le projet de loi reprend certaines des activités qui ont cours en Europe et qui nous aident à freiner l'entrée en Europe de produits contrefaits. C'est un premier pas positif, selon nous. Il ne réglera pas tous nos problèmes, car bon nombre de nos problèmes surviennent en ligne et il faudra s'y attaquer un jour ou l'autre, mais c'est une bonne première étape et nous l'accueillons favorablement.

Le président : Merci beaucoup.

Carla Ventin, vice-présidente, Relations avec le gouvernement fédéral, Produits alimentaires et de consommation du Canada : Juste avant de venir m'asseoir à la table, j'ai montré avec fierté mon authentique veste d'hiver Canada Goose qui me garde bien au chaud et qui est certainement l'un des meilleurs présents que m'a offert ma douce moitié.

Produits alimentaires et de consommation du Canada est heureux de pouvoir contribuer à l'étude du projet de loi C- 8. C'est la deuxième occasion que nous avons de le commenter, car nous avons également témoigné quand le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie l'a étudié l'année dernière.

PACC est la plus grande association industrielle nationale au Canada et représente des entreprises qui fabriquent et distribuent des aliments et des produits de consommation vendus dans les épiceries et les pharmacies partout au pays. Nos entreprises membres ont des installations situées dans 170 circonscriptions fédérales partout au Canada. Notre industrie est le principal employeur du secteur de la fabrication au Canada, employant environ 300 000 Canadiens dans 6 000 unités de production situées dans toutes les régions du Canada, ce qui fait de nous une industrie véritablement nationale.

Nous sommes très heureux que le gouvernement ait pris des mesures pour s'attaquer à la présence croissante de produits contrefaits sur le marché canadien. La priorité de notre industrie est la sécurité et l'intégrité de nos produits et nous sommes donc favorables au projet de loi C-8 et attendons impatiemment son adoption.

Nous sommes de plus en plus préoccupés par la présence croissante de produits contrefaits et non conformes au Canada et nous attirons l'attention du gouvernement fédéral sur cette question depuis un certain temps. Nous nous inquiétons particulièrement de l'effet de ces produits sur la santé et la sécurité des Canadiens. Nous nous inquiétons également des répercussions négatives sur les fabricants canadiens, surtout pour ce qui est de la réputation des marques.

PACC est fière d'être membre du Réseau anti-contrefaçon canadien, qui représente une coalition de particuliers, d'entreprises et d'associations qui se sont unis pour lutter contre la contrefaçon de produits et le piratage des droits d'auteurs au Canada et à l'étranger.

Le fait que le projet de loi C-8 prévoit de nouveaux pouvoirs permettant aux agents des services frontaliers de retenir les expéditions suspectes et de transmettre cette information aux détenteurs de droits est un élément essentiel du projet de loi. Fait important, cette mesure législative permet également aux entreprises de présenter une demande d'aide auprès du gouvernement concernant des expéditions suspectes. Ce nouveau cadre permettra, pour la première fois, aux agents des services frontaliers et aux détenteurs de droits de communiquer l'information et de travailler de concert. Nous soutenons entièrement cette nouvelle approche collaborative.

À l'heure où le gouvernement accentue ses efforts à la frontière, les ressources adéquates détermineront si nous réussirons à réduire le nombre de produits contrefaits entrant au Canada. Nous avons donc été rassurés, le 27 novembre, d'entendre l'Agence des services frontaliers du Canada indiquer à ce comité qu'elle a suffisamment de ressources pour mettre en œuvre efficacement le projet de loi. C'est un élément important.

Nous devons aussi nous assurer que le projet de loi C-8 vise un équilibre juste et raisonnable entre les détenteurs de droits respectueux des lois et des règles et ceux qui font des profits au détriment des autres et de la sécurité de ces derniers. Par conséquent, nous avons été heureux de voir le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie apporter un changement important à ce projet de loi pour attribuer une responsabilité accrue à l'auteur du délit. Pendant notre présentation au comité, le 20 novembre 2013, nous avons exposé nos préoccupations concernant le paragraphe 51.01(1), sous infractions et peines, qui prévoit qu'une nouvelle infraction en lien avec une marque de commerce est limitée aux situations où les auteurs savent que la marque de commerce est enregistrée et que leurs actes contreviennent à la Loi sur les marques de commerce. Le retrait, par le comité, de l'alinéa 51.01(1)c) signifie qu'il n'est plus nécessaire de prouver que l'accusé savait qu'il contrevenait aux articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce. Nous félicitons le comité d'avoir fait cet amendement, car il améliore le projet de loi C-8 en fournissant une approche plus pragmatique à l'égard de la disposition sur l'intention qui responsabilise davantage la personne impliquée dans une activité de contrefaçon illégale.

Pour ce qui est de nous assurer que le projet de loi est équilibré et juste, nous sommes encore préoccupés par le fardeau financier et la responsabilité des accusations. Aux termes du paragraphe 44.07(1), le détenteur des droits est responsable des coûts associés à l'entreposage, à la manutention et à la destruction des biens retenus. Nous nous opposons à ce que les détenteurs de droits qui respectent les règles aient à payer pour les coûts associés aux activités illégales des autres. Les fabricants canadiens ont déjà des difficultés énormes, et nous nous opposons à tous les nouveaux frais qui constitueraient un fardeau injuste pour les entreprises respectueuses des lois. Nous soutenons entièrement la recommandation du Réseau anti-contrefaçon canadien visant à amender cette disposition de façon à attribuer la responsabilité principale des coûts aux auteurs du crime plutôt qu'aux détenteurs de droits.

J'aimerais aussi profiter de cette occasion pour commenter la façon dont les nouveaux pouvoirs et outils importants exposés dans le projet de loi C-8 pourraient aider notre industrie à aborder une préoccupation semblable concernant une augmentation des produits mal étiquetés sur les tablettes des magasins. Même si ces produits ne sont pas contrefaits, ils proviennent d'autres régions du monde et ont des étiquettes qui ne respectent pas les règlements canadiens. Cette situation peut donc induire les consommateurs en erreur ou prêter à confusion. Plus grave encore, certains de ces produits contiennent des ingrédients dont l'utilisation n'est pas approuvée au Canada ou qui ne sont pas clairement identifiés ou divulgués sur l'emballage. L'inexactitude des étiquettes risque de compromettre la santé et la sécurité des Canadiens, en particulier les personnes atteintes d'allergies.

À l'instar des produits contrefaits, la présence de produits présentant des étiquettes inadéquates et illégales a aussi un effet négatif sur les fabricants canadiens qui prennent le temps de se conformer aux règles et aux règlements du Canada concernant la composition, l'étiquetage et l'emballage des produits. Pour dissiper cette inquiétude, nous suggérons que les entreprises soient autorisées à utiliser la demande d'aide pour signaler aux agents des services frontaliers, non seulement les produits contrefaits, mais aussi les produits présentant des étiquettes illégales. Nous aimerions discuter plus en détail de la façon dont nous pouvons nous fier aux nouveaux outils et pouvoirs prévus dans le projet de loi C-8 pour protéger les consommateurs et les fabricants canadiens.

Enfin, pour renchérir sur l'observation de Kevin, nous aimerions savoir comment le projet de loi s'appliquera à la vente de produits contrefaits sur Internet. Nous devons être préparés aux façons différentes et changeantes par lesquelles les produits illégaux entrent sur le marché canadien.

En résumé, la sécurité et l'intégrité de nos produits demeureront une priorité pour notre industrie, et nous sommes impatients de continuer à travailler avec le gouvernement et de discuter de partenariats dans des domaines comme la formation afin de donner aux agents des services frontaliers l'information dont ils ont besoin pour la mise en œuvre.

Merci encore de prendre des mesures dans ce dossier important. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Scott Smith, directeur principal, Propriété intellectuelle et politique d'innovation, Chambre de commerce du Canada, Conseil canadien de la propriété intellectuelle : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, merci de nous avoir invités à vous faire part de nos observations sur le projet de loi C-8. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui au nom du Conseil canadien de la propriété intellectuelle, une unité distincte de la Chambre de commerce du Canada. Comme vous le savez sans doute, la Chambre de commerce est le plus grand organisme de gens d'affaires au Canada, et son réseau regroupe plus de 450 chambres de commerce représentant 200 000 entreprises dans toutes les régions et toutes les provinces.

Le CCPI compte des représentants du secteur manufacturier, de l'industrie du divertissement, d'entreprises pharmaceutiques et de sciences de la vie, de détaillants, d'importateurs et d'exportateurs, et d'associations de gens d'affaires. C'est un groupe de coordination.

Depuis sa création en 2008, l'un des grands objectifs du CCPI est d'obtenir que l'on accorde à l'Agence des services frontaliers du Canada des pouvoirs d'office lui permettant d'interdire l'entrée au pays de produits dont on soupçonne qu'ils portent atteinte aux marques de commerce et aux droits d'auteur.

Nous avons eu une petite conversation avant la réunion et nous avons parlé de statistiques. On me demande souvent quels sont les coûts de la contrefaçon pour l'économie canadienne. Il y a beaucoup de chiffres qui circulent et il est difficile de les mettre en contexte. À l'échelle mondiale, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle tient des données, tout comme l'OCDE. Selon certains calculs, le marché des produits de luxe et de mode contrefaits, à lui seul, atteindrait 600 milliards de dollars à l'échelle mondiale, soit le double de la valeur du marché mondial des drogues illicites. Pour les titulaires de droits, ces coûts représentent environ 10 p. 100 de la valeur de leurs produits hauts de gamme.

Selon d'autres calculs, la valeur des biens contrefaits vendus au Canada se situe à 30 milliards de dollars, mais on ne parle pas seulement de l'industrie de la mode. Ces ventes englobent les jouets d'enfants et les piles qu'ils utilisent, les disjoncteurs de votre panneau électrique, les freins de votre voiture, les étuis qui protègent vos appareils électroniques, les médicaments sur ordonnance que vous prenez et même les aliments que vous consommez. Il existe un marché pour tous les types de produits contrefaits.

Permettez-moi de vous donner un exemple concret. En tant que Canadiens, un grand nombre d'entre nous, moi du moins, ont le hockey dans le sang. Comme le ministre vous l'a indiqué la semaine dernière, les chandails de nos équipes sont une cible des contrefacteurs. Pendant les Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver, quelque 35 000 chandails contrefaits étaient en vente sur le marché, selon Hockey Canada. Pendant ces jeux, les agents de sécurité et d'application des lois sur les marques de commerce ont réussi à en saisir environ 17 000. On pense que 60 à 80 p. 100 des chandails de l'équipe de hockey du Canada étaient contrefaits. Ces chandails étaient offerts en ligne, où les chandails des différentes équipes étaient vendus pour environ 20 $. En guise de comparaison, les chandails authentiques que portent les joueurs sur la glace coûtent environ 450 $. De bonnes raisons expliquent cette différence de prix. Mais en fin de compte, les nombres importent peu. Les marques ont une propriété qui requiert un investissement et de l'intégrité de la part des titulaires de la propriété intellectuelle.

Chaque année, les articles contrefaits coûtent des milliards de dollars à l'économie canadienne, que ce soit en raison des pertes de revenus et d'emplois, et de la dévaluation des marques. Ils représentent aussi un risque pour la santé et la sécurité des Canadiens. Les produits de qualité inférieure qui ne sont ni testés, ni certifiés mettent en danger la santé et la sécurité des Canadiens et contribuent à la prolifération du crime organisé. Lorsque des biens sont saisis, cela entraîne des coûts liés à l'entreposage, à l'énergie, à l'enfouissement, sans compter les coûts pour l'environnement, car les biens contrefaits ne sont pas toujours aussi recyclables que les produits qu'ils imitent et peuvent contenir des matières dangereuses qui ne sont pas indiquées sur les étiquettes. Que peut-on faire de ces produits? Et qu'en est-il de ceux qui manipulent ces matières dangereuses?

À l'heure actuelle, la contrefaçon n'est pas un crime au Canada. Le crime est lié à la perpétration d'une fraude, ce qui est souvent difficile à prouver.

Le projet de loi C-8 propose différentes mesures qui contribueront de manière importante à protéger les Canadiens contre les produits trompeurs et non sécuritaires et à protéger les chiffres d'affaires des entreprises. D'abord, le projet de loi interdira la vente, la distribution, la possession, l'importation et l'exportation de produits contrefaits, et ces infractions seront passibles d'amendes et peut-être même d'emprisonnement. De plus, le projet de loi créera de nouvelles infractions en ce qui a trait à la possession ou à l'exportation de biens contrefaits à des fins de vente dans la Loi sur le droit d'auteur, ce qui permettra à la GRC de saisir ces biens. Le projet de loi rend aussi illégal le fait de produire, d'importer et d'exporter ou de posséder des étiquettes contrefaites. Souvent, les contrefacteurs importent les produits sans étiquette et les étiquettes séparément et apposent les étiquettes au Canada, ce qui leur permet de contourner la loi.

En deuxième lieu, en créant un nouveau régime d'application de la loi à la frontière, le gouvernement autorise l'ASFC à retenir des marchandises et à partager de l'information. C'est important pour les propriétaires de marques parce que ça n'a pas été le cas ces dernières années.

Troisièmement, le projet de loi permettra aux titulaires de marques de commerce d'intenter un recours avant que les biens contrefaits ne soient vendus sur le marché. Plus précisément, ils pourront prendre des recours civils dans les cas de fabrication, de distribution et de possession de produits contrefaits à des fins de vente.

Du point de vue des titulaires de marques de commerce, le projet de loi C-8 n'est pas parfait. Nos membres s'interrogent sur le processus de demande d'aide. Vous trouverez plus de détails dans un mémoire précédent, dont j'ai envoyé un exemplaire au comité. N'hésitez pas à y jeter un coup d'œil. Il reviendrait au détenteur de marques de commerce plutôt qu'aux importateurs de produits contrefaits, qui sont ceux qui commettent les crimes, d'absorber les coûts administratifs.

Nos membres craignent également que l'exclusion explicite des marchandises en transit ait une incidence négative sur nos partenaires commerciaux clés, particulièrement les États-Unis, dont l'ambassadeur est venu vous parler, je crois.

Nos membres redoutent également que le projet de loi s'étende seulement aux envois importants de marchandises qui entrent au Canada par les principaux ports. Les mesures prévues n'auront aucun effet sur la prolifération des petits envois de biens contrefaits qui arrivent au Canada par des portails en ligne. L'ironie du sort étant que Postes Canada accuse des pertes atteignant 10 millions de dollars par année en raison de timbres contrefaits.

Nous sommes également préoccupés par l'absence de dispositions visant à combattre le piratage en ligne. Nous sommes dans une ère numérique où la musique, les films et les logiciels peuvent facilement être reproduits et représentent une cible de choix pour ceux qui veulent profiter du travail des autres. Ces activités comportent des coûts pour notre économie.

Par exemple, au cours des 10 dernières années, il y a eu une baisse importante des recettes dans l'industrie de la musique. De 2007 à 2011, les produits de la vente de supports matériels — c'est-à-dire les CD — ont chuté de 50 p. 100. Même si les ventes de produits numériques ont presque triplé durant cette période — elles étaient effectuées à partir de plateformes en ligne de type iTunes — elles étaient loin d'être suffisantes pour contrebalancer les pertes de revenus relatives à la vente de supports matériels. L'année dernière a en fait été un point tournant pour l'industrie de la musique. C'était la première fois qu'il y avait une augmentation des ventes, mais seulement après avoir pris en compte la baisse de 50 p. 100 des cinq années précédentes. L'augmentation était de l'ordre d'environ 10 p. 100.

Malgré ces réserves, le CCPI estime que, tout compte fait, les mesures proposées dans le projet de loi relatives aux infractions criminelles, aux pouvoirs d'office et aux recours civils sont importantes pour l'économie canadienne, c'est pourquoi nous encourageons le gouvernement à adopter le projet de loi le plus rapidement possible. Je compte bien continuer de travailler avec le gouvernement pour trouver des solutions satisfaisantes aux questions qui ne sont pas abordées ici.

Le président : Je vous remercie. Monsieur Bensimon, s'il vous plaît.

[Français]

Philippe Bensimon, criminologue, à titre personnel : Honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité. Compte tenu du court laps de temps qui m'est imparti, j'aimerais brièvement vous rappeler que la protection des œuvres d'art sous leurs formes les plus diverses, y compris dans le cadre de conventions internationales, est née de ce que la barbarie pouvait causer aux hommes à travers les guerres.

D'une génération à l'autre, au-delà de ce que nous sommes, nous laissons derrière nous quelques traces de notre très bref passage sur Terre. Ces traces, entre l'homme de la préhistoire et l'homme d'aujourd'hui, seront regardées par tous ceux qui nous suivront, d'où l'importance de protéger notre patrimoine culturel.

Le Canada, pays qui a participé aux plus grandes guerres de tous les temps, est conscient de la fragilité des œuvres de l'esprit et du fait que le monde est en constante évolution.

Depuis 1921, date où fut créée la toute première loi fédérale sur le droit d'auteur, le projet de loi C-8 en est la continuité. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette avancée. Cependant, la route n'est pas terminée, car même si le Canada figure au rang des jeunes nations où l'espoir de mieux vivre demeure un exemple partout dans le monde, il vieillit et a besoin de protéger son patrimoine culturel, qu'il soit directement issu de l'intérieur ou de l'extérieur de ses frontières par l'intermédiaire du marché de l'art.

Comme vous le savez, à l'origine d'une loi, cinq sources peuvent se faire entendre. La première provient du public, de ses préoccupations, de ses inquiétudes, que ces dernières soient exprimées par des particuliers, des groupes représentatifs ou des chercheurs qui ont consacré une partie de leur existence à contribuer à l'édifice social. En 1995, ma thèse de doctorat dénonçait l'absence de mesures spécifiques devant un délit criminel comparable à nul autre : celui des faux en peinture. Je vais vous expliquer pourquoi existe cette spécificité.

Vous vous demandez sans doute pourquoi on retrouve ce phénomène en peinture et non en littérature, en musique, ou en sculpture. La raison est fort simple. Ce qui fait la force d'une œuvre littéraire ou musicale, c'est sa multiplicité. En sculpture, même plus d'un siècle après leur mort, on continue à produire des œuvres originales numérotées, en toute légalité, de Rodin, Maillol, Claudel, entre autres. Il s'agit de séries numérotées pour lesquelles seul le moule ayant servi à couler le bronze demeure le seul et unique original.

Le caractère d'unicité de la peinture réside essentiellement dans le fait qu'un tableau n'existe qu'en un seul exemplaire. Il ne peut être admiré qu'en un seul endroit à la fois et par un nombre très restreint de personnes, contrairement à la littérature et à la musique. Détruisez-le, volez-le, il n'en restera qu'une simple photo. Il n'y a pas d'étiquetage, d'emballage, de marque de commerce, de modèle de fabrication industrielle et protégée dans le domaine de la peinture. La peinture n'est ni une marchandise quelconque servant de décoration, ni ne peut être contrôlée par nos services douaniers comme on le ferait avec le trafic de drogue. C'est la raison principale pour laquelle les tableaux, plus que toute autre forme d'expression artistique, demeurent l'une des principales voies d'accès au blanchiment d'argent pour le crime organisé.

Certains me diront que seule une minorité de gens peuvent s'acheter une œuvre d'art. À ceux-là, je répondrai que la majorité des musées nord-américains sont constitués à partir des dons. Et qui dit don dit déduction fiscale. Par voie de conséquence, lorsqu'une œuvre contrefaite entre dans un musée, ce sont tous les contribuables canadiens qui en sont victimes.

[Traduction]

Le président : Désolé de vous interrompre, monsieur Bensimon, mais voulez-vous faire un lien avec le projet de loi C- 8?

[Français]

Oui, ce je voulais dire, c'est que le projet de loi C-8 est extrêmement important; je viens de le dire, c'est une avancée. Mais pour lutter contre le crime sous toutes ses formes, il faut travailler pour le droit, la propriété intellectuelle, et de l'inscrire dans le Code civil, la common law et le Code criminel.

Pour terminer, pour pouvoir lutter contre un délit criminel, il faut pouvoir le définir sans la moindre ambiguïté. En ce qui concerne le Code criminel canadien, par exemple, il y a une vingtaine d'articles qui concernent le faux : fausse monnaie, faux passeport, faux titre de transport, fausse représentation, faux nom, faux document; mais il n'y a rien qui soit proche du monde du faux dans le domaine des arts. En common law ou en droit civil, on évoquera la bonne foi du vendeur; on parlera aussi de délai de recours entre le moment où l'œuvre est vendue et la découverte du fait qu'il s'agit d'un faux. En général, cela va de deux semaines à trois mois, alors qu'un faux reste faux et qu'il risque fort de vieillir à l'ombre de nos musées, les endroits pourtant les mieux gardés de nos institutions.

Sachez, pour terminer, qu'aucun musée au monde n'est épargné. Tous les tableaux que vous voyez autour de vous sont le fruit de dons par les plus grands musées, et donc, il n'y a pas de contrôle vraiment rigoureux quant au trafic des œuvres d'art. Il nous appartient donc à tous de prendre les mesures qui s'imposent pour lutter contre le crime sous toutes ses formes.

Je vous remercie, honorables sénateurs, de votre attention.

[Traduction]

La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur Smith, je présume que vous avez proposé les mêmes recommandations au comité de la Chambre. Des changements ont-ils été apportés à la suite de votre présentation, ou dites-vous maintenant tout simplement que ceci vaut mieux que rien? Nous sommes chargés d'étudier ce projet de loi. Avez-vous disposé de suffisamment de temps? Est-ce vous l'auteur des recommandations? Êtes-vous d'avis que les instances concernées étaient réellement motivées à apporter les améliorations que vous avez proposées?

M. Smith : Au Comité de l'industrie, nous avons mis l'accent sur le régime de publication, ou plutôt sur le fait qu'il n'y en ait pas, et le processus de demande d'aide. En fait, j'étais accompagné pour faire l'exposé. Il n'y a eu aucun changement considérable à ces processus. Le seul changement que je proposerais et qui a été effectué, c'est d'obtenir un engagement de la part de l'ASFC de travailler plus étroitement avec les entreprises. Nos préoccupations visent toujours les coûts connexes. Une fois qu'on signe à titre de titulaire de marque de commerce, on devient responsable des coûts d'entreposage et de destruction, de même que des coûts juridiques. Ça peut finir par coûter extrêmement cher, surtout lorsqu'on a un envoi qui est relativement petit inclus dans un grand conteneur.

Par exemple, on peut obtenir un envoi par conteneur de la taille d'un camion, et à bord de ce camion vous n'avez que 100 paires de chaussures. Vaut-il la peine pour le titulaire de la marque de commerce de ces chaussures d'intenter des poursuites? Probablement pas, car il n'y a pas suffisamment de marchandises à bord de ce camion pour justifier les coûts. L'obligation découle de la demande d'aide. Il reste donc beaucoup de travail à faire pour déterminer comment ce processus va fonctionner.

Au bout du compte, pour nos membres, il est important que les mesures mentionnées dans le cadre de cet exposé soient adoptées.

La sénatrice Hervieux-Payette : Il y a une chose qui me dérange, et je crois que ça a déjà été mentionné au comité : les États-Unis ne sont pas du tout contents de la façon dont nous avons procédé. On a l'impression que nous n'apportons pas de changements. Certaines personnes m'ont dit que nous pourrions devoir faire face à des frais spéciaux pour faire le travail une deuxième fois, ce qui veut dire que ce qui aurait dû être fait n'a pas été fait. Évidemment, le travail devra être fait. Les conséquences seraient considérables pour les gens qui importent au Canada pour ensuite en acheminer une partie vers les États-Unis. Est-ce une préoccupation pour vous?

M. Smith : C'est une préoccupation en ce sens que la plupart de nos membres sont des multinationales, et ils s'attendent à ce que toute partie prenante au commerce international respecte les procédures générales entreprises par d'autres parties. Le Canada sera l'un des seuls à ne pas traiter les expéditions en transit.

La sénatrice Hervieux-Payette : Où nous situons-nous mondialement? Lors de notre dernière rencontre, on nous a dit qu'aux États-Unis, 1,5 milliard de dollars américains étaient recueillis et qu'en Europe, une somme considérable était également recueillie. Dans notre cas, on parle de 30 millions de dollars sur cinq ans; nous ne faisons donc plus partie de ce groupe. En ce qui me concerne, vous parlez des importateurs et de la chaîne connexe. En ce qui me concerne, n'encourageons-nous pas le transit par le Canada?

M. Smith : Les chiffres que vous avez obtenus relativement aux saisies par la GRC sont tributaires des ressources affectées à l'application de la loi. On fait ce qu'on peut avec les ressources à sa disposition. Le but de ce projet de loi est de trouver des façons d'améliorer les outils qui sont disponibles pour assurer l'application de la loi.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma question s'adresse au représentant de Canada Goose. Il est reconnu au Canada et à l'extérieur que vous fabriquez des produits de très haute qualité. Je comprends très bien le problème auquel vous devez faire face, et que cela représente une perte d'argent pour votre entreprise et une perte de qualité pour les Canadiens et les Canadiennes qui achètent ces produits, qui sont assez dispendieux, mais de très grande qualité, il faut le reconnaître.

Comment le consommateur se fait-il escroquer? Il achète un produit de mauvaise qualité, il n'a pas pris le temps de regarder l'étiquetage et on lui offre, dans un magasin, un paletot de Canada Goose à moitié prix de ce que vos détaillants autorisés vendent. On lui dit que c'est bien du Canada Goose, sauf que c'est moins cher. Lui prétend que le vendeur fait un double bénéfice, et qu'il mettra peut-être la moitié du paiement dans ses poches. Comment peut-il se défendre contre cela?

[Traduction]

M. Spreekmeester : J'ai quelques arguments à soulever. Vous avez dit que le Canada perd de l'argent et que les consommateurs canadiens se faisaient possiblement berner, mais Canada Goose est dans une position enviable — touchons du bois — de sorte que la demande dépasse de loin notre capacité à approvisionner alors que nous continuons à construire nos infrastructures de fabrication canadiennes. Le but n'est pas de récupérer les revenus perdus. Nous vendons tout ce que nous produisons chaque année, et nous avons de la chance. Nous visons à protéger la propriété intellectuelle et les citoyens canadiens. Je tenais simplement à ce que ce soit clair. L'argent que nous dépensons pour contrer la contrefaçon est une ressource que nous dépensons volontairement pour protéger notre marque de commerce et les consommateurs.

Maintenant, le défi pour les consommateurs est d'autant plus grand parce que la majeure partie des marchandises contrefaites vendues, comme on l'a dit plus tôt, proviennent en petites cargaisons de la Chine et sont achetées sur Internet.

Par exemple, d'août à novembre de cette année, nous avons tenté de fermer 700 sites web de contrefaçon. Nous sommes des marques les plus cherchées mondialement, tout comme Rolex, Louis Vuitton et Chanel. Ce phénomène s'explique en partie par la grande demande pour notre produit, dont nous sommes fiers.

Actuellement, une bonne partie de nos ressources sont consacrées à la sensibilisation des consommateurs. Nous consacrons beaucoup de temps et d'espace sur notre site web pour informer les consommateurs sur les critères à respecter et les endroits où acheter. Nous les dirigeons vers des détaillants autorisés, et nous parlons beaucoup des détaillants qui ne le sont pas.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'ai une autre question à vous poser. Compte tenu de la qualité et du prix du produit, serait-il possible que vos vendeurs autorisés puissent installer à l'entrée du magasin une affiche Canada Goose qui indiquerait comment reconnaître le vrai du faux? De cette manière, le consommateur ne se ferait pas prendre deux fois. Serait-il possible de faire cela?

[Traduction]

M. Spreekmeester : Oui, je serai ravi d'offrir toute l'information aux détaillants, et nous tenons de nombreuses séances pour expliquer aux consommateurs les critères à respecter. Nous leur donnons du matériel sur les points d'achat. Nous ne pouvons pas légiférer ce qui est vendu par les détaillants. Comme vous devez le savoir, l'espace en magasin des détaillants est d'une grande valeur, nous devons donc les convaincre de vendre les marchandises, mais nous sommes heureux de fournir l'information. Nous avons beaucoup de matériel d'information pour les consommateurs.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. La question de la contrefaçon est très importante. Mon épouse a des boutiques de mode et vend des produits Canada Goose, mais la contrefaçon est telle que les ventes de tous les détaillants sont touchées. Revenons aux enjeux soulevés.

Trois ou quatre enjeux ont été soulevés aujourd'hui, lesquels sont importants à mon avis. Il y a la question de l'efficacité du recours, si on veut. Monsieur Smith, je crois que vous avez soulevé la question, alors je vais m'adresser à vous. Vous dites qu'il est encore trop encombrant de prendre des recours pour les produits de contrefaçon, mais vous devez reconnaître qu'il s'agit d'une infraction criminelle et que les peines peuvent atteindre 1 million de dollars ou six mois de prison, ce qui est grave. On pourrait faire valoir que vous avez raison et que c'est toujours très encombrant, mais les peines sont telles que j'imagine que certaines personnes sont dissuadées de continuer à importer ces marchandises ou à les fabriquer. J'imagine que vous n'y croyez pas. Vous trouvez toujours que le processus est trop encombrant.

M. Smith : Je suis davantage préoccupé par les coûts du processus que par son caractère encombrant. Il faut faire la nuance. Je crois que la plupart des entreprises ne sont pas dissuadées par l'idée d'un fardeau administratif. Elles se demandent plutôt à combien vont s'élever les frais juridiques? Quel sera le coût d'entreposage? Quels seront les coûts de destruction? Combien de temps le processus juridique prendra-t-il?

Vous avez raison, le projet de loi comporte certaines mesures qui pourraient régler le problème. Par exemple, les titulaires de marques de commerce peuvent intenter des procédures contre l'importateur pour tenter de récupérer ces coûts. Le problème, dans bien des cas, c'est que ces importateurs sont éphémères. Dès qu'ils se font prendre, ils disparaissent, et ce, s'ils se font réellement prendre. Parfois, on ne peut pas les retrouver. C'est pourquoi nous faisons valoir qu'il devrait y avoir un processus de publication. Ça n'a pas à figurer dans la mesure législative. On peut trouver d'autres moyens.

Le sénateur Massicotte : C'est ce que vous dites, mais un des témoins nous a dit qu'on devrait faire comme en Europe, c'est-à-dire que si on trouve des produits de contrefaçon, c'est l'importateur qui a la responsabilité de prouver que ça ne l'est pas. Donc ça marche de façon négative. Vous n'êtes pas d'accord. Vous dites qu'on peut le faire par le biais de règlement, au lieu de modifier la loi?

M. Smith : Je n'ai pas dit « règlement; » j'ai dit « enregistrement » — c'est-à-dire une base de données pour les produits et leur numéro d'identification. Il y a des façons de le faire sans qu'on ait besoin de toucher à la loi.

Le sénateur Massicotte : Il y a une association qui n'a pas comparu ici, mais je crois qu'elle a communiqué avec la chambre de commerce à propos des produits « en transit. » Ai-je raison? C'était un de vos sous-groupes. Il a critiqué le projet de loi. Selon le libellé actuel, la modification proposée, des produits en transit contrôlés par les services frontaliers peuvent être très clairement des produits de contrefaçon, mais ces produits ne seront pas illégaux s'ils ne sont pas destinés aux consommateurs canadiens. Vous avez dit que ce n'est pas approprié. Pourriez-vous nous en parler un peu plus?

M. Smith : La plupart des pays qui ont des protections à la frontière pour les produits de contrefaçon ne permettront pas l'expédition de ces produits en transit s'il s'agit de produits de contrefaçon. Tout ce que nous disons, c'est qu'en tant que partenaire commercial qui agit de bonne foi, nous aurions espéré que le Canada agirait de la même façon.

Le sénateur Massicotte : C'est ce que vous dites. Est-ce que c'est vrai aux États-Unis?

M. Smith : Oui.

Le sénateur Massicotte : Les États-Unis ne font pas comme nous?

M. Smith : Non.

Le sénateur Massicotte : En êtes-vous certain?

M. Smith : À ce que je sache, oui.

Le sénateur Massicotte : Notre gouvernement est de l'avis que chaque pays a des lois différentes. Prenons l'exemple de l'aspirine. L'aspirine est un produit générique aux États-Unis. Il s'agit d'une marque de commerce de Bayer au Canada. On ne peut pas empêcher l'importation d'un produit générique d'aspirine, qui est un produit de contrefaçon lorsqu'il arrive à destination, parce que ce n'est pas un produit illégal en vertu de leurs lois. C'est seulement illégal au Canada. Ils se servent de cet exemple pour dire que c'est difficile pour nous d'imposer des lois qui ne sont pas cohérentes avec nos autres lois.

M. Smith : Je ne veux pas nécessairement vous contredire, mais un produit générique n'est pas considéré comme étant un produit de contrefaçon au Canada, je ne crois pas que ce projet de loi puisse...

Le sénateur Massicotte : Au Canada, il s'agit d'une marque de commerce. Aux États-Unis il s'agit d'un produit générique.

M. Smith : Ce serait un produit de contrefaçon si le fabricant de génériques apposait une étiquette Bayer sur le produit. S'ils le vendent comme produit générique, il ne s'agit pas d'un produit de contrefaçon.

Le sénateur Black : Merci à vous tous d'être ici pour appuyer ce projet de loi très important. J'ai deux questions. J'aimerais d'abord que vous m'aidiez à comprendre s'il y a des façons de résoudre le problème de l'importation des produits de contrefaçon par le biais d'Internet. Vous avez dit que c'est une question importante. C'est bien. Je comprends que c'est un problème, mais que feriez-vous? Avez-vous des suggestions constructives?

M. Smith : Il y a un programme géré par la GRC. Un ancien agent de la Police provinciale de l'Ontario est actuellement responsable d'un programme qui vise les comptes commerciaux des faussaires. Il utilise les entreprises de paiements, par exemple, Visa et MasterCard, pour fermer les comptes commerciaux des importateurs. Cela marche assez bien.

C'est parfois difficile de mettre fin aux opérations de ces sites web, car ils réapparaissent parfois sous une nouvelle forme. Cela arrive très rapidement. C'est facile d'obtenir l'adresse d'un site, mais c'est beaucoup plus difficile d'obtenir un numéro de compte commercial. À mon avis, ce serait une bonne idée d'octroyer de nouvelles ressources à la GRC pour qu'elle puisse agir en ce sens.

Le sénateur Black : Autres propositions à cet égard?

M. Spreekmeester : J'appuie les propos de Scott. Nous travaillons avec cet agent de la GRC. Nous avons participé à des projets pilotes avec lui; il a été une ressource des plus précieuses pour nous. Plus nous pourrons l'aider, mieux ce sera.

Il faudra aussi rendre les médias sociaux responsables des publicités en ligne.

Le sénateur Black : S'agirait-il d'une infraction?

M. Spreekmeester : Cela serait utile. Je parle de Facebook et d'autres médias sociaux utilisés par ces producteurs de produits de contrefaçon pour faire de la publicité. Ces médias sont aussi utilisés par bien des consommateurs.

Le sénateur Black : Madame Ventin, ainsi que d'autres intervenants, a souligné un problème. Si un produit de Canada Goose s'avère ne pas être authentique, les frais d'entreposage et de destruction du produit, ainsi que les frais juridiques, doivent être assumés par Canada Goose. Voilà de quoi il s'agit.

Je comprends que c'est un fardeau. Cependant, si ce fardeau n'est pas porté par l'organisme lésé, par qui le sera-t-il?

Mme Ventin : Nous en avons parlé en comité. Comme Scott l'a mentionné, il est difficile de retracer les importateurs. Nous devons faire mieux. Les importateurs au Canada doivent être tenus responsables. Il faut savoir de qui il s'agit et comment les retracer.

À mon avis, les importateurs devraient être responsables des coûts administratifs liés à la confiscation.

Le sénateur Black : Certains importateurs se sont plaints du fait qu'eux aussi ont été dupés. Voilà le problème. Que cela soit juste ou non, je me demande si, dans le monde d'aujourd'hui, ces coûts seraient tout simplement impossibles à éviter pour ceux qui essaient de protéger ces marques.

Mme Ventin : Il est normal de s'attendre à ce que les gens d'affaires se familiarisent avec les produits en vente et avec les lois en vigueur.

La sénatrice Ringuette : J'ai deux questions. L'une a rapport aux importations commerciales, qui sont au cœur de la réglementation et du projet de loi. Vous avez dit, qu'Alibaba est un importateur commercial au Canada. Cette entreprise est passée du nom d'Alibaba à celui d'AliExpress, qui effectue de la vente au détail. Rien dans ce projet de loi ne concerne les entreprises non commerciales, les détaillants.

J'ai une deuxième question. Depuis très longtemps, différents organismes demandent à l'Agence canadienne d'inspection des aliments de vérifier non seulement la qualité des aliments, mais aussi l'étiquetage des aliments importés au Canada. Ce projet de loi ne traite pas des importations d'aliments. J'aimerais que vous vous exprimiez au sujet de ces deux questions, s'il vous plaît.

M. Spreekmeester : À propos d'Alibaba et d'AliExpress, je ne connais pas AliExpress, je m'en excuse.

La sénatrice Ringuette : Il s'agit de la nouvelle extension d'Alibaba qui fait de la vente au détail. J'ai récemment étudié la question, et, aux États-Unis, AliExpress dépasse Amazon et eBay dans le domaine des ventes en ligne au détail.

M. Spreekmeester : Si AliExpress utilise le stock d'Alibaba, cela ne me surprend pas. C'est estomaquant, les milliers de vestes que nous retrouvons sur Alibaba.

La sénatrice Ringuette : Ce projet de loi ne mentionne pas le commerce au détail en ligne.

M. Spreekmeester : J'imagine que l'application de la loi sur Internet constitue la prochaine mesure que le gouvernement prendra afin d'aider les fabricants canadiens.

Mme Ventin : J'aurais quelque chose à dire à propos de votre question sur l'ACIA et les produits alimentaires, en particulier. Ça nous préoccupe grandement. Comme je l'ai mentionné, ce ne sont pas seulement les produits de contrefaçon qui nous inquiètent, mais aussi les produits vendus au détail qui ne sont pas convenablement étiquetés. C'est un problème parce qu'on ne marque pas toujours très exactement ce qui est présent à l'intérieur ou à l'extérieur de la boîte. Nous avons besoin d'un système d'étiquetage conforme à la réglementation.

Des compagnies membres m'appellent souvent pour me dire qu'il y a des produits non conformes au règlement sur les étagères des magasins. Les entreprises me demandent quoi faire. L'ACIA a une approche fondée sur les plaintes : si une entreprise de vente au détail fait l'objet de beaucoup de plaintes, l'agence envoie un inspecteur. C'est une situation difficile, car il y a beaucoup de magasins et de produits à examiner. Le système est difficile.

En ce moment, une importante initiative de modernisation est en cours au sein de l'ACIA. C'est la première initiative du genre depuis des décennies. On aurait dû l'entreprendre bien avant. Dans l'année à venir, l'ACIA devrait mettre en œuvre un nouveau système d'octroi de permis aux importateurs. Avec ce nouveau système, les importateurs seront de nouveau tenus responsables. On n'attendra pas l'envoi des produits au magasin. Les importateurs seront tenus responsables; il existera une documentation permettant de retrouver l'importateur d'un produit donné.

Espérons que cette initiative sera mise en œuvre bientôt.

Le sénateur Tannas : J'aimerais demander à nos témoins, et à M. Spreekmeester en particulier, de m'aider à mieux comprendre les chiffres. Il y a des petites quantités vendues en ligne. Ces produits ne sont pas acheminés par les ports importants, évidemment. Il y a des produits qui sont acheminés par les ports les plus importants. Il y a des gens qui achètent des produits dans un marché à puces à New York. D'autres achètent une veste en ligne. Pouvez-vous nous offrir un aperçu des volumes ou des pourcentages de votre produit dans chacune de ces catégories, ou dans d'autres catégories, s'il en existe?

M. Spreekmeester : Je suis heureux de me prononcer au nom de Canada Goose. À peu près 85 p. 100 de nos imitations proviennent de Chine et sont acheminés par colis individuels. Le reste proviendrait de marchés aux puces, de centres commerciaux et ainsi de suite.

Le sénateur Tannas : Cela ne me surprend pas. Aux autres témoins, êtes-vous d'accord en ce qui concerne la source de la majorité de ces imitations?

M. Smith : Comme la sénatrice Ringuette l'a dit, la situation évolue. Alibaba, Amazon, eBay et même Kijiji permettent aux faussaires de vendre leurs produits plus facilement. Les produits sont acheminés par des services de messagerie légitimes et par Postes Canada. Il faut absolument agir.

Le sénateur Tannas : Un à la fois.

M. Smith : Oui. Le projet de loi n'aborde pas cette question. Nous le comprenons, mais cela rend la pratique illégale.

Le sénateur Tannas : Cela rend la pratique illégale pour ceux qui n'habitent pas au Canada, malheureusement. C'est ça?

M. Smith : Oui.

Le sénateur Tannas : Le sénateur Massicotte a parlé des États-Unis. En vous basant sur vos propres expériences, quel volume de votre produit a été saisi par les douanes américaines et vous a été rendu? Avez-vous reçu préavis de ces saisies? Est-ce que ce système de tri américain marche?

M. Spreekmeester : Très peu.

Le sénateur Tannas : Très bien. C'est intéressant que des Américains nous demandent de faire quelque chose qui ne semble pas marcher très bien de leur côté, n'est-ce pas?

M. Spreekmeester : Sans vouloir vous contredire, ce système nous a été utile en Europe. Les agents de patrouille frontalière danois nous en avisent lorsqu'un colis est acheminé vers la Suède et se fait saisir par les Danois pour une raison quelconque. De même pour les colis passant par le Royaume-Uni. Voilà d'où nous provient la grande majorité de nos informations. Nous n'avons pas reçu beaucoup d'information de la part des Américains.

Le sénateur Tannas : Pour nous au Canada, il ne s'agira pas d'expéditions à destination des États-Unis en passant par le Danemark; il s'agira plutôt d'expéditions qui transiteront par le Canada dans les deux sens.

M. Spreekmeester : En effet.

Le sénateur Campbell : Merci de votre présence aujourd'hui. Je ne sais vraiment pas par où commencer. Je suppose qu'on pourrait commencer par s'assurer que le premier ministre demande un entretien long et sérieux lors de sa prochaine visite chez Alibaba. Évidemment, le commerce nous intéresse; nous en convenons tous, mais vous parlez de 600 milliards de dollars. Je ne suis pas d'accord avec le sénateur Massicotte, puisque six mois d'emprisonnement n'est pratiquement rien. On s'en tire avec une peine de six mois pour six plants de marijuana.

Ma question est la suivante : si on se fait prendre et condamner, comment faire pour que l'individu aboutisse en prison? Si nous considérons cette activité plus grave que le trafic de drogues, sur le plan financier, comment nous y prendre? J'ai l'impression que nous ne faisons qu'effleurer le problème. Nous ne disons pas, bon, allons sévir contre cette activité. Mobilisons les agents de sécurité frontalière. Comment faire pour en arriver là? Ou faut-il continuer à progresser discrètement, petit à petit?

M. Smith : Ce serait une question de volonté politique.

Le sénateur Campbell : C'est tout ce qu'il me faut.

Ma deuxième question est la suivante : j'ai pas mal de difficulté avec cette notion de diligence raisonnable. Quel maillon de la chaîne des produits contrefaits — producteur, importateur, vendeur — est responsable de la diligence? On ne peut pas toujours rejeter la faute sur l'exportateur chinois. Il y a des entreprises canadiennes qui importent et vendent ces produits. Où est-ce que la diligence raisonnable entre en ligne de compte?

Ce qui me préoccupe vraiment, c'est de savoir ce qui arrivera lorsque des produits d'origine étrangère et mal étiquetés se retrouveront sur les tablettes d'un grand supermarché. Attendons-nous un autre scandale des aliments pour chiens? C'est très préoccupant. Qui en assumera la responsabilité? Ne devrait-il pas incomber au propriétaire de l'épicerie de s'assurer que les produits qui arrivent sont canadiens et bien étiquetés? Qui en assume la responsabilité?

Mme Ventin : L'importateur devrait assumer la responsabilité de tout produit qu'il importe. Il doit se familiariser avec ces produits. Les détaillants bien établis et bien respectés connaissent très bien leurs fournisseurs. Ils leur font confiance.

Le sénateur Campbell : Manifestement, cela ne suffit pas, si des produits contrefaits se retrouvent toujours sur les tablettes. Je vous dirais que l'importateur est responsable de la diligence raisonnable. On ne peut pas se contenter de dire simplement : « Eh bien, je fais affaire avec eux depuis 60 ans et je leur fais confiance » parce que le monde évolue si rapidement. Nous aimerions tous revenir 60 ans en arrière, mais cela n'arrivera pas.

Il faudra aussi que les gens commencent à prendre leurs responsabilités. On ne peut pas toujours s'en remettre au gouvernement. On ne peut pas toujours s'en remettre à quelqu'un d'autre, ailleurs. De toute évidence, l'UE l'a déjà fait; pourquoi ne pas lui emboîter le pas? Je suis d'accord pour dire que tout dépend de la volonté politique. Ce n'est pas juste un parti ou un autre. À 600 milliards de dollars — et même à 30 milliards —, si nous n'en faisons pas cas, nous serons dans de beaux draps. Je pense que nous devons faire plus, et plus vite.

Pour terminer, savez-vous quoi? La qualité d'un produit correspond normalement au prix qu'on paie. Quiconque croit qu'on peut acheter un manteau Canada Goose pour 20 $ mérite les bactéries qu'il renferme.

Le sénateur Tkachuk : J'étais parrain de ce projet de loi au Sénat et je veux vous poser une question sur les biens qui traversent la frontière vers les États-Unis, parce que c'est un des aspects qui m'intéressait. Je crois que si un produit est expédié à Chicago et que c'est un faux produit, alors l'Agence des services frontaliers aviserait les autorités à Chicago pour qu'elles soient vigilantes lorsque ce produit entre sur leur territoire, si elles l'ont déjà identifié.

Avec un peu de chance, si l'agence fait bien son travail, les Américains en feront autant et donc le marché nord- américain sera protégé. Ça serait intéressant de revoir la situation d'ici un an ou deux pour déterminer si tout va bien. Peut-être, à ce moment-là, on pourrait effectuer une autre étude là-dessus, car les produits de contrefaçon m'intéressent depuis les jours lointains où j'étais musicien. Pourriez-vous commenter là-dessus s'il vous plaît?

M. Smith : Effectivement, pour ce qui est du partage des renseignements, c'est un des points importants de ce projet de loi, étant donné que ce dernier permet aux agences des services frontaliers de partager ces renseignements avec d'autres organisations. Ce projet de loi s'applique aux titulaires de marques de commerce et aux agences d'application de la loi, y compris des agences de services frontaliers à l'étranger, par exemple aux États-Unis. Donc vous avez raison. Ce projet de loi leur permettra de partager ces renseignements.

Autre souci, je crois, au sujet des marchandises en transit, c'est qu'un importateur peut déballer ses marchandises, défaire le contenant et remballer le tout pour que cela ressemble davantage au produit d'origine. Cela leur permet de rassembler les étiquettes et les produits. Donc, les produits de contrefaçon sont beaucoup plus difficiles à identifier et c'est là ce que nous craignons concernant les dispositions régissant les marchandises en transit.

Le sénateur Tkachuk : Au sujet d'Alibaba, qui vient de lancer un important premier appel public d'épargne, il me semble que c'est le genre de chose qui enfreint les lois en matière de sécurité. Il doit y avoir d'autres façons de procéder. Cette entreprise a peut-être réussi à fabriquer des produits de contrefaçon jusqu'à présent, mais en devenant une compagnie publique, elle a d'autres obligations. Les gouvernements du Canada et des États-Unis pourraient peut-être exercer d'autres moyens de pression.

À mon avis, il s'agit d'un complot criminel. Ce sont des gens qui collaborent afin de vendre des produits de contrefaçon et d'amasser des profits énormes, tout simplement parce qu'ils sont à l'extérieur du Canada et qu'ils peuvent utiliser Internet afin de vendre leurs produits.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'aimerais poser la question de la répartition des coûts pour faire en sorte qu'on n'ait pas de contrefaçon. Dans ce projet de loi, ce qu'on comprend, c'est que c'est aux propriétaires de droit de propriété de payer pour l'entreposage et pour faire respecter leurs droits. Ma question s'adresse probablement à M. Smith, mais peut-être que d'autres voudront intervenir.

En tant qu'association, monsieur Smith, vous n'avez pas pensé, ou peut-être qu'on y a pensé et que ce n'est pas possible de le faire, de mutualiser ce risque-là auprès des détenteurs de droit de propriété. Comme il y a beaucoup de dollars en jeu, des milliards de dollars, ne serait-ce pas intéressant de partager ce risque avec les membres de votre association? Il est probable que le coût lié à la mutualisation de ce risque-là soit plus faible que tous les bénéfices que vous pouvez en retirer.

[Traduction]

M. Smith : J'espère que j'ai bien compris votre question. Je crois que vous voulez savoir s'il est juste que les entreprises qui sont titulaires des marques de commerce doivent assumer les coûts liés à la protection de leurs propres produits, et est-ce qu'on devrait par la suite trouver un moyen de répartir ce coût parmi tous les titulaires de marques de commerce, autrement dit, à titre de collectif?

La sénatrice Bellemare : Oui.

M. Smith : Ce n'est pas quelque chose qui a été discuté par notre association. Nous croyons certainement que ce sont les fabricants de contrefaçon qui devraient payer ces coûts, plutôt que les titulaires de marques de commerce qui se font voler leur propriété intellectuelle.

On pourrait certainement discuter de votre idée d'un collectif. Je ne sais pas si cette idée serait fortement appuyée en ce moment. Peut-être que Kevin pourrait en parler davantage.

M. Spreekmeester : Si d'autres marques veulent partager les coûts de Canada Goose, je serais ravi de les distribuer. J'imagine qu'il y aura quelques marques qui dépensent beaucoup et le fait de se réunir afin de partager ces coûts pourrait engendrer une discussion difficile, et il faut tenir compte de la volonté d'accepter des seuils pour la saisie, l'entreposage et des choses comme ça.

Je serais aussi très content d'en discuter. Je pense que ça risque d'être difficile, cependant.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Les importateurs ne sont pas toujours identifiables, d'une part, et ne sont nécessairement toujours responsables. Le gouvernement, quant à lui, se dit que ce sont les détenteurs de droits de propriété qui doivent payer pour les faire respecter. Enfin, ce n'est qu'une suggestion.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue au président du Comité sénatorial des finances à notre Comité des banques, le sénateur Day.

Le sénateur Day : J'ai une question et je serais reconnaissant de votre aide à ce sujet. Les statistiques que j'ai vues indiquent que la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada ont augmenté leurs activités en matière de saisie de manière très importante au cours des dernières années, donc des choses se passent sans ce projet de loi. Monsieur Smith, vous avez dit craindre qu'une fois votre demande d'aide déposée, vous vous exposez à beaucoup de coûts d'entreposage, de déplacement, de tribunaux, et cetera. Que se passe-t-il si vous ne déposez pas la demande d'aide?

M. Smith : Vous avez soulevé la question de la GRC. La GRC se concentre sur des cas qui concernent clairement la sécurité publique. Elle ne s'intéresse généralement pas aux cas qui traitent strictement de protection de marques, sauf si on en lui transmet un, autrement dit quelqu'un d'autre aura fait le travail d'enquête et c'est facile à poursuivre en justice. La plupart du temps, la GRC ne le fait pas.

Les statistiques montrent que les ressources supplémentaires que la GRC a consacrées à l'application de la loi ont généré un nombre beaucoup plus élevé de saisies. Aussitôt que ces ressources sont retirées, comme ça a été le cas au cours des deux dernières années, ces chiffres retombent.

Le sénateur Day : Donc que se passe-t-il maintenant si ce projet de loi est adopté et qu'on ne fait pas de demande d'aide auprès des services frontaliers?

M. Smith : Vous courez le risque que vos biens ne seront pas saisis.

Mme Ventin : Les produits se retrouvent ensuite sur les étagères des magasins au Canada.

Le sénateur Day : Vous croyez qu'ils ne feront rien sans cette demande d'aide?

Mme Ventin : Je pense — et Scott peut intervenir — que ces coûts sont assumés par les détenteurs de droits, donc ils doivent prendre la décision. Premièrement, ils doivent détecter s'il y a des produits douteux qui rentrent et deuxièmement ils doivent décider si ça vaut le temps, le coût et les ressources de présenter une demande d'aide. Si la réponse est non, ces produits vont probablement entrer et se retrouver dans des magasins au Canada.

M. Smith : J'aimerais ajouter que les entreprises peuvent faire preuve d'ingéniosité lorsqu'elles travaillent avec les systèmes actuels, donc il se peut que cela prenne du temps, mais je pense que les entreprises trouveront probablement des manières de travailler dans le cadre de ce régime et de le rendre plus efficace. Ce ne sera pas efficace immédiatement.

Le sénateur Day : Merci, monsieur le président.

Le président : Le sénateur Massicotte a une très brève question.

Le sénateur Massicotte : Madame Ventin, vous avez mentionné dans votre rapport que le projet de loi indique très clairement pour le droit d'auteur et la marque de commerce que la personne qui contrevient à la loi doit savoir qu'il y a un droit d'auteur ou une question de droit. Si vous lisez plus loin dans le projet de loi cependant, un autre paragraphe dit que le procureur n'a pas besoin de prouver que l'individu qui a enfreint la loi en est conscient.

À la lecture de la loi, quelle serait l'affirmation exacte? Une personne n'est pas coupable à mois de savoir qu'elle contrevient à la Loi sur le droit d'auteur; pourtant, si les tribunaux sont saisis de l'affaire, le procureur n'est pas tenu de prouver qu'elle savait contrevenir à la Loi sur le droit d'auteur.

Mme Ventin : Bonne question. À ce que je comprends, avec la modification apportée, les poursuites vont être plus faciles, parce qu'on n'a plus à prouver que la personne impliquée dans des activités illégales savait effectivement être en contravention à la Loi sur les marques de commerce. La suite des événements, je l'ignore.

Le sénateur Massicotte : C'est une modification que votre association a demandée, n'est-ce pas?

Mme Ventin : Nous n'avons pas été les seuls à la demander. Par contre, j'ignore quelles sont les conséquences en aval, une fois les tribunaux saisis d'une affaire.

Le président : Merci. Au nom du comité, je voudrais remercier tous les témoins ayant comparu dans ce panel. Leur apport a été grandement apprécié et nous sera très utile lors de nos délibérations.

Nous avons trois autres témoins de l'extérieur dans le deuxième panel. Je suis heureux de vous présenter, de l'International Trademark Association, David Lipkus, président, Sous-comité canadien du Comité de lutte à la contrefaçon; de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, Ryan Evans, vice-président, Comité anticontrefaçon; et de l'Association du Barreau canadien, Georgina Danzig, présidente, Comité de la contrefaçon et des infractions relatives aux échanges, Section de la propriété intellectuelle.

Nous commencerons par les remarques d'ouverture de M. Lipkus, avant de passer la parole aux autres dans l'ordre. Je rappelle à nos témoins de bien vouloir s'en tenir à cinq minutes pour leurs remarques, s'ils le veulent bien.

David Lipkus, président, Sous-comité canadien du Comité de lutte à la contrefaçon, International Trademark Association : Bonjour. Je m'appelle David Lipkus et je suis avocat au cabinet Kestenberg Siegal Lipkus, à Toronto. C'est à titre de président du sous-comité du Canada du Comité de l'INTA sur la lutte contre la contrefaçon que je représente ici aujourd'hui l'International Trademark Association ou INTA. Je suis ravi de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce pour exprimer les vues de l'INTA sur la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits.

L'INTA appuie le projet de loi et estime qu'il s'agit d'un pas important en vue de mieux protéger les consommateurs contre la contrefaçon au Canada. Nos membres croient toutefois que le projet de loi C-8 pourrait aller plus loin pour protéger la population canadienne si l'on y prévoyait des mesures de dissuasion plus sévères, ainsi que des mesures plus serrées à la frontière pour empêcher l'entrée au Canada de produits contrefaits.

L'INTA est une association sans but lucratif qui regroupe 6 400 organismes membres dans plus de 190 pays. Au Canada, nous comptons 179 organismes membres. Les membres de l'INTA proviennent de tous les secteurs de l'industrie. Ils sont unis dans la défense des marques de commerce et de la propriété intellectuelle, leur but étant de protéger les consommateurs et de promouvoir des pratiques commerciales justes et efficaces.

Notre message est simple : la contrefaçon est un crime; elle met en danger la santé du public; c'est un vol qui touche les entreprises canadiennes; elle réduit les recettes du gouvernement; et elle prend de l'ampleur au Canada.

Différents types de biens contrefaits font courir un danger pour la santé et la sécurité, par exemple les produits qui comportent des risques d'incendie, d'asphyxie, de bris de matériel, et cetera. Il n'y a aucun doute que les produits pharmaceutiques contrefaits posent des risques, comme l'indiquent des incidents survenus par le passé au Canada. Par exemple, dans R. c. Nasr, un pharmacien de Hamilton était accusé de vendre des médicaments contrefaits qui avaient contribué, selon le médecin légiste, au décès de plusieurs personnes.

En outre, le commerce de produits contrefaits de toutes sortes, incluant les produits pharmaceutiques, continue de poser un problème. On l'a constaté récemment à Toronto, quand le Service de police a découvert des médicaments contrefaits dans le cadre de l'exécution d'un mandat de perquisition contre un récidiviste vendant des produits de luxe.

Si vous tenez compte de nos suggestions concernant le projet de loi, nous pourrons agir de manière importante sur ce problème grandissant. Laissez-moi mentionner trois éléments particulièrement préoccupants. J'ai été heureux de constater, plus tôt, que vous posiez de nombreuses questions à ce sujet.

Les dommages-intérêts préétablis : l'INTA recommande l'ajout de dispositions à la Loi sur les marques de commerce afin de permettre aux tribunaux d'octroyer des dommages-intérêts considérables au titre de la loi aux frais des contrefacteurs et ainsi tenir compte des situations où il est difficile, voire impossible, pour les détenteurs de la marque de commerce de prouver une perte monétaire ou d'autres dommages mesurables. Cela découragera la vente de marchandises contrefaites dans nos pays. Souvent, les contrefacteurs ne gardent pas de registre des ventes et ne prennent que du comptant. Pour les contrefacteurs qui enfreignent la loi et vendent des biens contrefaits, les dommages-intérêts minimes ordonnés par les tribunaux ne sont que les coûts insignifiants de faire des affaires. Cela ne les empêche aucunement de poursuivre sur leur lancée.

Le concept de dommages-intérêts préétablis par la loi est accepté au Canada si l'on se fie au libellé de la Loi sur le droit d'auteur. Le projet de loi autorise l'imposition de dommages-intérêts punitifs, mais il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire rarement exercé par les tribunaux. Il est donc essentiel de prévoir dans la loi des dommages-intérêts élevés pour prévenir la vente de produits contrefaits par les entreprises, petites et grandes, au Canada de manière à protéger le public.

Produits en transit : l'INTA recommande que l'article de la Loi sur les marques de commerce interdisant explicitement à l'Agence des services frontaliers du Canada d'intercepter et de saisir des biens contrefaits en transit soit éliminé du projet de loi C-8. Il faut pouvoir arrêter l'acheminement de biens contrefaits à tout point de transit ou pouvoir les saisir à leur arrivée à destination.

À l'heure actuelle, par exemple, le gouvernement des États-Unis empêche la vente de produits contrefaits au Canada : les produits destinés à notre marché sont bloqués par les douanes américaines. En tant que gouvernement, ne seriez- vous pas contrarié que votre voisin du Nord ne vous rende pas la politesse? Moi, si. Or nous choisissons de ne pas empêcher la vente de produits destinés peut-être aux États-Unis.

Si l'on permet aux produits contrefaits de passer par le Canada, on encourage le crime organisé à se servir de notre pays comme point de transit. Les contrefacteurs font passer leurs marchandises par de tiers pays, car il s'agit d'un moyen détourné de faire entrer leurs produits illégaux dans les marchés ciblés. L'interdiction prévue dans le projet de loi porte préjudice aux entreprises locales dont les produits sont contrefaits et distribués au pays et l'étranger, sans compter les produits contrefaits en transit qui sont réimportés au Canada. Par exemple, les pièces de voiture contrefaites qui sont expédiées aux États-Unis peuvent facilement être installées dans des voitures conduites au Canada, augmentant les risques graves pour la sécurité.

Étant donné l'intégration du secteur manufacturier en Amérique du Nord, il est logique d'intercepter les biens contrefaits au moment et à l'endroit où ils sont découverts. Avoir des lois nationales qui permettent aux douaniers de saisir des biens contrefaits en transit est une arme importante dans la lutte internationale contre les contrefaçons. Il n'est pas dans l'intérêt d'un pays d'appuyer la contrefaçon. Lorsque l'on permet à des biens contrefaits de passer par le Canada, on a malheureusement pour effet d'appuyer le commerce mondial de biens contrefaits.

Régime administratif : s'il y avait à la frontière du Canada un régime administratif permettant la destruction définitive des biens contrefaits, on pourrait réduire considérablement les coûts et les ressources affectées aux produits contrefaits saisis à la frontière. L'autre solution, les procédures judiciaires, prend beaucoup de temps. Les coûts engagés lorsqu'une demande d'aide et d'entreposage est présentée seront sans doute très élevés pour les détenteurs des droits et les contribuables puisqu'une décision judiciaire doit être rendue après chaque saisie.

S'il y avait un régime administratif, on pourrait éliminer bien des coûts inutiles, surtout lorsque l'importateur ne répond pas à l'avis de saisie et que l'on a la confirmation qu'il s'agit de biens contrefaits.

Un grand nombre de pays ont en place un régime administratif pour détruire rapidement les produits contrefaits saisis à la frontière. Les agents de douane de l'Union européenne, de l'Australie, du Royaume-Uni et des États-Unis éliminent un fort pourcentage de biens saisis à la frontière conformément à un régime administratif. Le 1er janvier 2014, l'Union européenne a adopté un nouveau règlement pour améliorer les procédures simplifiées concernant les petits envois, par exemple les articles achetés auprès d'entreprises telles qu'AliExpress.

Selon le projet de loi actuel, il semble que les biens contrefaits seront dédouanés et pourront entrer sur le marché canadien si le titulaire du droit dont le bien est contrefait présente une demande d'aide sans intenter de poursuites judiciaires. En l'absence de demande d'aide, lorsque l'ASFC confirme dans le cadre de ses fonctions qu'il s'agit de produits contrefaits, il reviendrait à l'importateur d'éliminer le bien, étant donné que les détenteurs de droit ne peuvent intenter de procédures en se fondant sur les informations reçues de l'ASFC et que les dispositions de la Loi sur les douanes donnent à l'importateur le choix d'abandonner les marchandises ou de les réexporter.

Par conséquent, un régime administratif dans le projet de loi C-8 serait avantageux non seulement pour le propriétaire de marques, mais aussi pour le gouvernement et les consommateurs canadiens.

L'INTA remercie le Comité sénatorial des banques et du commerce des efforts qu'il déploie et de l'attention qu'il portera à notre témoignage. Il nous faut des lois efficaces pour contrer ces crimes qui portent préjudice au public et pillent nos entreprises. Qui plus est, la contrefaçon est un enjeu mondial et les mesures que prendra le Canada en la matière auront des conséquences internationales. Le Canada doit se préoccuper des produits contrefaits avec le même sérieux que ses partenaires commerciaux. Le Canada a l'avantage de pouvoir étudier les systèmes qui existent déjà aux États-Unis et en Union européenne pour tirer des leçons des données disponibles.

Je répondrai volontiers à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Lipkus.

Monsieur Evans, à vous.

Ryan Evans, vice-président, Comité anticontrefaçon, Institut de la propriété intellectuelle du Canada : Bon après-midi. Je suis avocat au cabinet Dimock Stratton. Je pratique exclusivement le droit de la propriété intellectuelle. Je suis également vice-président du Comité anti-contrefaçon de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada ou IPIC. Je suis heureux de comparaître aujourd'hui au nom de l'IPIC. Nous vous remercions de nous avoir invités.

L'IPIC est une association qui compte plus de 1 700 professionnels canadiens dans le domaine de la propriété intellectuelle de partout au pays. Nos membres pratiquent au privé, en entreprise, dans la fonction publique et en milieu institutionnel. Leurs clients sont des personnes ou groupes de partout au pays et ailleurs qui s'intéressent aux droits en matière de propriété intellectuelle au Canada.

Nous sommes heureux de voir que le gouvernement donne suite à son engagement d'aider à enrayer la contrefaçon et à protéger les consommateurs ainsi que les entreprises canadiennes au moyen d'amendements proposés dans le projet de loi C-8. Ce projet de loi est une mesure encourageante qui vise à garder un environnement rentable et à respecter l'engagement à l'égard de la sécurité du public.

Ce projet de loi contient selon nous deux aspects qui devraient être amendés. J'estime que les points communs et les thèmes que vous avez entendus plus tôt ne passent pas inaperçus.

Notre première préoccupation porte sur l'absence d'une procédure simplifiée dans le cadre du système de demande d'aide. En vertu de ce système, les biens contrefaits qui ont été saisis par les douaniers seront dédouanés après 10 jours à moins que des poursuites ne soient entamées.

Trop souvent, les importateurs qui doivent traiter des biens contrefaits ne se présentent pas en cour pour se défendre. Ce sont plutôt les titulaires de droits qui doivent demander un jugement par défaut. Ces requêtes épuisent les ressources déjà limitées des tribunaux et ce sont les titulaires de droits qui doivent s'acquitter tant des coûts de poursuite que des coûts d'entreposage et de manutention des biens saisis jusqu'à ce que l'affaire soit réglée.

Nous recommandons la mise en œuvre d'une procédure qui permettrait d'éviter ces poursuites inefficaces dans les cas où les biens sont manifestement contrefaits. Le système proposé permettrait à l'importateur de se défendre contre toute allégation de contrefaçon — le fardeau de la preuve incomberait toujours au titulaire de droits — mais il permettrait aussi d'éliminer les inefficacités lorsque les poursuites sont laissées en suspens.

En général, au cours de la première étape de la procédure, le titulaire de droits devrait reconnaître si les produits saisis sont contrefaits ou non. Dans le cas de produits contrefaits, un avis de saisie serait remis à l'importateur, celui-ci devant répondre par écrit en cas de différend par rapport à la contrefaçon. Finalement, si un différend existe, les titulaires de droits seraient obligés d'entamer des procédures juridiques comme c'est le cas à l'heure actuelle. S'il n'y a pas de différend par contre ou si l'importateur ne répond pas, l'envoi serait confisqué. Cette procédure s'arrimerait à celle d'un grand nombre de partenaires commerciaux du Canada, y compris l'Union européenne, le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis.

Le second aspect du projet de loi dont j'aimerais vous parler porte sur l'exemption générale des marchandises en transit accordée aux termes du projet de loi C-8.

Lors des audiences de la semaine dernière, l'honorable sénateur Tannas a parlé de la réussite des ports canadiens qui a stimulé les importations de marchandises destinées aux États-Unis à partir de l'Asie, en passant par le Canada. Il existe cependant un risque réel que les produits contrefaits arrivent au port de la région de Vancouver par exemple et soient destinés à un entrepôt aux États-Unis pour ensuite revenir au Canada pour la vente aux consommateurs.

L'IPIC estime que l'ASFC devrait avoir le pouvoir de traiter les produits contrefaits qui passent par le Canada, en coopération avec les titulaires de droits canadiens et les partenaires commerciaux disposés à agir. Il est plus facile de repérer et d'arrêter de telles marchandises au point d'entrée initial avant qu'elles ne soient distribuées dans le marché ou incluses comme composantes dans d'autres produits qui pourraient poser un risque pour les Canadiens.

Les marchandises contrefaites ne se limitent pas aux montres et aux sacs à main de luxe. En 2012, plus de 30 p. 100 des incidents signalés à la GRC portaient sur des produits de contrefaçon impliquant ce qu'on pourrait décrire comme des « produits nocifs ». Cela comprend des produits de soins personnels, des pièces automobiles et des composantes électriques non testés et de qualité inférieure.

Même les produits qui semblent inoffensifs peuvent poser un risque. Par exemple, Santé Canada a émis une mise en garde à l'égard de brosses à dents contrefaites dans le marché canadien, car elles présentent un risque d'étouffement si les soies ne sont pas bien attachées.

Nous ne demandons pas que le Canada agisse à titre de douanier pour les États-Unis. Nous sommes préoccupés par l'exemption prévue au projet de loi C-8 qui fait en sorte que le système de demande d'aide ne puisse s'appliquer aux expéditions en transit. La semaine dernière, l'AFSC a expliqué que le gouvernement ne paiera pas les coûts liés au système de demande d'aide. Ce seront plutôt les titulaires de droits qui devront assumer les coûts associés à la retenue des marchandises. Or, il faut noter que l'exemption pour les marchandises en transit fait en sorte que les titulaires de droits ne peuvent se prévaloir du système de demande d'aide.

L'exemption est également contraire à ce que font certains de nos grands partenaires commerciaux. L'Union européenne, par exemple, a donné son approbation préliminaire à des règlements proposés afin de permettre la retenue des marchandises contrefaites en transit. De même, les douaniers américains arrêtent à l'heure actuelle les expéditions en transit de marchandises contrefaites destinées au Canada et en avisent les autorités canadiennes ainsi que les titulaires de droits.

Nous recommandons que ces produits contrefaits qui passent en transit soient frappés d'une interdiction de traverser les frontières canadiennes et que le projet de loi C-8 soit amendé pour donner aux titulaires de droits les outils nécessaires pour cibler ces expéditions.

Je répondrai volontiers à toutes questions que vous aurez relativement à ces sujets au moment qui vous convient. Merci.

Le président : Je vous remercie.

Georgina Danzig, présidente, Comité de la contrefaçon et des infractions relatives aux échanges, Section de la propriété intellectuelle, Association du Barreau canadien : Je suis partenaire au cabinet Kestenberg Siegal Lipkus à Toronto, et ma pratique porte exclusivement sur le domaine de l'application de la loi relative à la contrefaçon. Je suis ravie d'être ici aujourd'hui au nom de l'Association du Barreau canadien.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente 36 000 juristes, y compris des avocats, des notaires, des professeurs de droit et des étudiants en droit partout au Canada. Le principal objectif de l'association est notamment d'améliorer le droit et l'administration de la justice.

Je suis ici au nom de la Section de la propriété intellectuelle de l'Association du Barreau canadien pour vous dire que nous avons étudié le projet de loi et que nous avons, dans notre mémoire, formulé neuf suggestions pour rendre le régime législatif de lutte à la contrefaçon plus efficace. Compte tenu du temps qui m'est imparti, je vais limiter mes commentaires à la mise en œuvre du nouveau régime d'application à la frontière et plus précisément à notre demande que la mesure législative, d'abord, prévoie une procédure simplifiée au régime de l'application à la frontière, soit un thème commun aujourd'hui. Ensuite, nous préconisons l'interdiction de réexportation de biens contrefaits. Troisièmement, prévoir expressément la présentation d'une demande d'aide globale avant l'importation et de façon accélérée après la communication avec les douanes.

Pour atteindre l'équilibre approprié entre les droits et les obligations des importateurs et les droits et obligations des titulaires de droits de propriété intellectuelle, l'Association du Barreau canadien recommande la mise en œuvre d'un régime administratif parfois appelé procédure simplifiée. Peter Hill, vice-président associé de la direction des programmes à l'Agence des services frontaliers du Canada a témoigné devant le comité la semaine dernière. Il a dit que le modèle d'application à la frontière examiné dans le projet de loi est un modèle de confiscation, contrairement à ce qu'il a appelé le modèle de saisie américain. Il a aussi indiqué que le gouvernement du Canada n'est pas responsable de payer les coûts associés aux biens confisqués ou saisis. Les coûts sont la responsabilité des titulaires de droits.

L'Association du Barreau canadien remet en question le bien-fondé d'un modèle qui exige des détenteurs de droits qu'ils intentent une poursuite devant les tribunaux comme seul mécanisme à leur disposition pour mandater la saisie et la destruction, par les douanes, de biens contrefaits importés.

Cette recherche de l'équilibre approprié entre les intérêts et les obligations des importateurs et des titulaires de droits et la volonté de maintenir un système qui n'ait pas d'incidence sur les recettes du gouvernement a mené l'Association du Barreau canadien à se demander s'il y avait une approche moins coûteuse et plus équilibrée et qui prendrait moins de temps en matière de saisie et de destruction. L'Association du Barreau canadien estime qu'il existe une telle approche.

Tel que rédigé, le projet de loi impose la responsabilité et les coûts complets de l'application des droits et de la saisie et de la destruction des biens contrefaits aux titulaires de droits de propriété intellectuelle. En revanche, le projet de loi n'impose aucune obligation — économique, procédurale ou autre — aux importateurs. En fait, tel que rédigé, le projet de loi récompense un importateur de biens contrefaits qui ne se manifeste pas. En dépit de ce silence, et même d'un affidavit préparé par le détenteur des droits confirmant que les biens de l'importateur sont contrefaits, les biens ne peuvent pas être confisqués au-delà de la période prescrite de 10 jours par les douanes à moins que le titulaire de droits n'entame une poursuite.

De nombreux pays, y compris les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, ont adopté des régimes de procédure simplifiée. Dans le cadre de ces régimes, les douanes peuvent saisir et détruire les biens contrefaits sans intervention des tribunaux dans les cas qui ne sont pas contestés. Si une objection est soulevée par l'importateur, il faut obtenir une détermination judiciaire avant la saisie et la destruction. Nous estimons qu'il s'agit d'un système simplifié juste et équitable pour les deux parties — soit l'importateur et le détenteur de propriété intellectuelle — qui n'est pas trop compliqué, qui est efficace et qui ne constitue pas un obstacle au commerce légitime.

Pour ces raisons, l'Association du Barreau canadien recommande l'adoption d'une procédure simplifiée intégrée au régime d'application à la frontière proposé, ce qui permettrait la saisie et la destruction de biens contrefaits confirmés sans intervention judiciaire dans les cas de confession ou de silence de la part de l'importateur.

Pour ce qui est du deuxième point, l'Association du Barreau canadien recommande que le projet de loi soit modifié pour interdire la réexportation de biens contrefaits confirmés inchangés. Nos membres sont très au courant du temps et des ressources investies dans le cadre de poursuites, et les propriétaires de droits de propriété intellectuelle ne présenteront pas tous une demande d'aide. Si un titulaire de droits de propriété intellectuelle ne présente pas de demande d'aide et confirme que les biens sont contrefaits, car un mécanisme autorise la divulgation d'une quantité modeste d'informations même si une demande d'aide n'est pas présentée, s'il peut confirmer que les biens sont contrefaits, actuellement les douanes n'ont que trois options quant au traitement de ces biens. Elles peuvent disposer des biens si les mesures législatives sous-jacentes le permettent, et ni la Loi sur les marques de commerce ni la Loi sur le droit d'auteur ne le permettent sans ordonnance d'un tribunal; l'importateur peut abandonner les biens; ou l'importateur peut exporter les biens. Ce sera probablement l'option choisie par l'importateur.

Comme le projet de loi ne prévoit pas la saisie ni la destruction de biens contrefaits à moins que le titulaire des droits de propriété intellectuelle n'entame une poursuite, les douanes pourraient n'avoir d'autre choix que de permettre aux importateurs de réexporter les marchandises contrefaites. Or, l'exportation de biens contrefaits est interdite et constitue une infraction en vertu de la Loi sur le droit d'auteur et de la Loi sur les marques de commerce.

Le président : Vous avez deux minutes pour conclure, s'il vous plaît. Il faut garder du temps pour les questions.

Mme Danzig : L'Association du Barreau canadien s'attend à ce que ce soit une conséquence non voulue du projet de loi tel que rédigé. Si le gouvernement reconnaît comme politique valable la nécessité de protéger la société ici et à l'étranger contre les biens contrefaits et les œuvres piratées, il devrait aussi partager la responsabilité de protéger ses citoyens et ses partenaires commerciaux mondiaux en ne réexportant pas les biens contrefaits confirmés.

Finalement, l'Association du Barreau canadien recommande que le projet de loi soit modifié pour interdire l'exportation de biens contrefaits confirmés non modifiés.

Compte tenu de l'importance de protéger les Canadiens contre les produits contrefaits, et reconnaissant qu'un régime solide d'application de la loi à la frontière est une façon efficace de traiter les activités commerciales liées à la violation du droit d'auteur et à des marchandises de marques contrefaites, l'Association du Barreau canadien demande respectueusement que le comité examine sérieusement les suggestions présentées dans notre mémoire et dans le cadre de notre exposé oral aujourd'hui. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de témoigner et nous sommes prêts à répondre à toute question que vous pourriez avoir.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Black : Je vous remercie tous les trois de votre excellente présentation. Je suis arrivé ici en me disant que ce sujet était assez simple. Eh bien, de toute évidence, il ne l'est pas. Pour me préparer aux délibérations qu'aura le comité, j'aimerais avoir votre avis sur un résumé que j'ai préparé.

Pour ce qui est de la mesure législative, vous dites que pour les importations de quantité importante qui arrivent, disons, au port de Vancouver, vous croyez que la mesure constitue une amélioration, un pas dans la bonne direction, mais qu'on pourrait aller plus loin. Vous estimez que la mesure comporte des lacunes à certains égards, y compris l'application et les conséquences non voulues possibles. Vous croyez aussi que, de façon générale, les pénalités ne sont pas assez sévères. Il s'agit de mon interprétation de ce que vous et le groupe de témoins avant vous avez dit relativement aux cargaisons importantes.

Quant à l'excellente question posée par notre collègue le sénateur Tannas sur la ventilation de l'origine des biens, à notre connaissance de nombreux biens qui entrent au Canada, en fait la majorité d'entre eux, n'entrent pas par le port de Vancouver par exemple. Ainsi, même si nous soulevons cette question, nous ne touchons toujours pas au cœur du problème qui, à notre connaissance, porte sur l'importation de produits au Canada achetés sur Internet, et dont cette loi ne parle absolument pas de sorte que cela constituera un défi pour l'avenir. Est-ce une évaluation exacte de ce que vous nous dites?

M. Lipkus : Pour ce qui est des envois volumineux, avant cette loi, l'Agence des services frontaliers du Canada n'avait pas l'autorisation de retenir ou de saisir la marchandise de contrefaçon. Dans la version actuelle de la loi, l'ASFC sera autorisée à retenir des marchandises, mais en l'occurrence, il y aura une fenêtre de 10 jours pendant lesquels le détenteur des droits doit, premièrement confirmer qu'il s'agit d'un produit de contrefaçon et, deuxièmement, intenter une poursuite contre l'importateur.

Le sénateur Black : Nous comprenons cela. Pour vous, il s'agit donc d'un pas dans la bonne direction, mais la mesure n'est pas suffisante.

M. Lipkus : C'est exact. L'AFSC doit avoir la possibilité de saisir et de détruire la contrefaçon à la frontière sans intervention des tribunaux. C'est pourquoi nous parlons de cette procédure administrative, parce qu'elle permet de faire d'une pierre deux coups, d'abord, si un importateur ne répond pas à une demande d'aide. Ainsi, si des biens sont retenus au Canada dans le cadre de cette procédure et que l'importateur décide qu'il va abandonner la cargaison, pourquoi ne pas permettre la destruction immédiate? À l'heure actuelle, le détenteur de droits doit convaincre un juge et en payer le coût.

Le sénateur Black : Nous avons compris cela.

M. Lipkus : Deuxièmement, s'il existe une procédure simplifiée, tous les petits envois, c'est-à-dire les articles achetés sur Internet peuvent être traités de la même façon. Ainsi, vous êtes en mesure de traiter les cargaisons importantes de même que les petits envois qui passent à la frontière que ce soit dans des postes frontaliers ou ailleurs. Nous vous soumettons respectueusement dans notre mémoire que le régime administratif est un outil utile et nécessaire, dont les services frontaliers ne disposent malheureusement pas à l'heure actuelle. Présentement, nous n'avons que les tribunaux. C'est ainsi que la loi est rédigée.

Le sénateur Campbell : Ma question s'adresse à Mme Danzig. Pourquoi le Canada fait-il bande à part sur cette question? Il me semble que dans les autres pays, et plus particulièrement dans l'Union européenne, mais également aux États-Unis, cette question a été réglée. Pourquoi ce décalage et est-ce que nous pourrons uniformiser nos pratiques?

Mme Danzig : Ce n'est pas à moi d'expliquer la façon dont le gouvernement justifie la situation.

Je voudrais cependant me faire l'écho de ce qui a été dit, à savoir que c'est un pas dans la bonne direction. Si on examine ce que nous avons à l'heure actuelle et que nous étudions le projet de loi tel que présenté, je pense que la plupart des gens qui luttent contre la contrefaçon diraient que finalement nous avançons dans la bonne direction. Le Canada figure sur des listes de contrôle et n'a pas été un modèle de lutte à la contrefaçon par le passé. Cela dit, le fait de reconnaître la nécessité de disposer d'office de pouvoirs de mise en application à la frontière est un pas dans la bonne direction. Mais de dire que ces pouvoirs d'office vont assez loin, ce n'est pas le message que nous essayons de transmettre.

Le sénateur Campbell : Si je suis à la frontière et que je saisis trois livres d'héroïne, mais que je n'arrive pas à déterminer qui les a importées ou quel est le destinataire, je les détruis, c'est tout, fin de la conversation. Il me semble que ce cas-ci n'est pas différent. Il s'agit de produits illégaux, même si ce sont des pièces de vêtement ou de la nourriture peu importe, donc pourquoi ne pas disposer du pouvoir nécessaire de sorte que lorsque les gens en nient la propriété, il ne soit pas nécessaire de continuer de conserver ces biens? Quoi faire si on ne les détruit pas? Nous nous disons alors : « Très bien, expédions les dans un autre pays. »

Mme Danzig : Peut-être que c'est parce que nous avons analysé le problème du point de vue théorique selon lequel nous avons deux entreprises commerciales légitimes qui estiment chacune avoir le droit de détenir le produit. Lorsqu'il s'agit d'une infraction ou bien lorsque chaque partie a des intérêts légitimes, à ce moment-là l'analyse est tout à fait différente. Lorsqu'il s'agit de contrefaçon, ce sont des produits illégaux et je suis tout à fait d'accord, monsieur le sénateur, et je pense que le Canada pourrait aller beaucoup plus loin pour ce qui est d'accélérer le processus.

Le sénateur Campbell : Je reviens donc à la dernière question : qui est responsable? Pour ce qui est de l'importateur, on lui dit qu'il ne pourra pas réexpédier le produit, que l'on va intenter des poursuites et que son PDG risque de purger une peine d'emprisonnement. Mais personne n'assume la responsabilité.

Mme Danzig : À l'heure actuelle, nous choisissons la solution de facilité en faisant porter la responsabilité au dernier intervenant en possession du produit contrefait. S'il s'agit du détaillant, c'est vers lui que nous nous tournons et à partir de ce moment-là, il doit en assumer la responsabilité.

Le sénateur Campbell : En tant qu'ancien agent de police, il faut savoir qu'on essaie toujours de régler les dossiers les plus faciles, mais on ne veut pas s'y attarder trop longuement parce que les choses se gâtent très rapidement.

Mme Danzig : C'est le point de vue adopté lorsque le produit est déjà au pays.

Si on veut parler d'efficacité, des études ont montré sans contredit, par exemple, en ce qui a trait à nos partenaires commerciaux, comme l'Union européenne, que les régimes les plus efficaces arrêtent la marchandise à la frontière parce que dès qu'elle entre au pays cela devient un jeu de chaise musicale. Qui est responsable?

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question est simple. On a entendu plusieurs témoins et on est d'accord sur le fait que le projet de loi n'est pas aussi efficace qu'on le souhaiterait, car il s'appuie sur les détenteurs qui doivent faire valoir leur droit de propriété. Si on allait vers un régime administratif, comme vous semblez le proposer, il y a des coûts qui y sont associés.

Avez-vous une formule de partage de ces coûts qui pourrait être acceptable pour tous les partenaires, tous les bénéficiaires de la lutte à la contrefaçon? Avez-vous des suggestions à faire à ce sujet?

[Traduction]

M. Evans : Je pense que le régime administratif, c'est-à-dire la procédure simplifiée qui est proposée, contribue grandement à réduire les coûts. Les coûts de litige sont énormes pour le détenteur de droit. Ainsi, uniquement grâce à cette mesure, nous pourrions réduire considérablement les coûts.

Il y a aussi d'autres façons d'amender le projet de loi pour permettre la réduction de coût. Par exemple, il semble que la position par défaut lorsqu'on détient des biens, c'est de les placer dans un entrepôt de stockage. S'il s'agissait uniquement d'un entrepôt régulier, les coûts seraient 10 fois moins élevés. Encore une fois, on demande aux détenteurs des droits de payer un montant considérable pour détenir les biens, toujours sous le régime actuel, pendant qu'ils attendent la fin des poursuites.

Avec une procédure par défaut ou une requête de jugement sommaire, on parle d'une attente de huit mois, tandis qu'en ayant recours à une procédure administrative, on parle d'un délai de 10 jours à un mois où le détenteur de droit a confirmé qu'il s'agit de contrefaçon et que l'importateur le confirme lui aussi ou bien qu'il n'a pas répondu et à ce moment-là les produits sont détruits. Voilà les deux amendements mineurs proposés.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Selon vous, la procédure que vous recommandez n'impliquerait pas ou peu de coûts à récupérer sur le genre d'entrepôt pour le gouvernement. Est-ce que c'est bien ce que vous affirmez?

[Traduction]

M. Evans : En fonction du témoignage de l'ASFC, qui dit que les coûts sont transmis aux détenteurs de droits, aux termes du système de demande d'aide, les deux propositions que j'ai faites permettraient de réduire considérablement les coûts.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Oui, en ce qui concerne les détenteurs de droits de propriété, mais si on prend des mesures administratives, j'imagine que c'est le gouvernement qui en assumera les coûts. Alors ma question était de savoir qui va partager les coûts de cette responsabilité accrue pour le secteur public. Ce que j'ai compris — et dites-moi si je me trompe —, c'est que votre procédure accélérée réduirait les coûts même pour le gouvernement. Il est sûr que cela réduirait les coûts pour les détenteurs de droits de propriété, mais cela réduirait les coûts aussi pour le gouvernement, qui n'aurait pas besoin d'entrepôt.

[Traduction]

M. Evans : Je suis désolé. J'avais mal compris. Cela s'appliquerait également au gouvernement. Ainsi, s'il n'est pas nécessaire d'avoir recours aux tribunaux et qu'on peut résoudre la question immédiatement, cela permet de supprimer ces coûts à long terme.

La sénatrice Ringuette : Madame Danzig, vous avez dit que vous avez envoyé un mémoire, mais je ne l'ai pas reçu et j'aimerais bien en prendre connaissance. Je ne sais pas si c'est le cas pour tous mes autres collègues. Peut-être pourriez- vous le transmettre au greffier du comité, parce que vous formulez d'excellents arguments.

Mon autre question s'adresse à vous trois, qui connaissez le dossier comme votre poche. Le ministère vous a-t-il consultés avant de faire déposer ce projet de loi à la Chambre des communes?

M. Lipkus : Non, je n'ai pas été consulté. Notre association a envoyé une lettre demandant que des modifications soient apportées, et croyez-moi ou non, c'était deux semaines avant que les dispositions législatives soient annoncées. Il y a eu des consultations après la rédaction de l'ébauche du projet de loi, mais pas du tout avant.

M. Evans : Que je sache, non.

Mme Danzig : Si je ne m'abuse, l'ébauche du projet de loi découle d'une gamme de consultations avec les intéressés du secteur et d'autres parties, mais l'Association du Barreau canadien, que je sache, n'a pas été consultée.

La sénatrice Ringuette : Je comprends tous vos arguments et je les accepte. Toutefois, les rouages de l'appareil gouvernemental sont lents. Vaudrait-il mieux amender ce projet de loi, le renvoyer à la Chambre des communes et tâcher de trouver une meilleure solution au problème des produits contrefaits ou vaudrait-il mieux de dire que nous sommes d'accord, que ces dispositions valent mieux que rien et que nous devrions attendre encore cinq ans pour agir?

M. Lipkus : C'est là le problème. Je vais vous donner mon point de vue personnel. Je pense que tous les témoins que vous avez entendus disent d'entrée de jeu qu'ils appuient le projet de loi, mais c'est parce qu'ils craignent que nous maintenions le système déjà en place, dans lequel les douaniers n'ont absolument aucun pouvoir.

Cela dit et du même souffle, j'ajouterai que ce projet de loi exige des modifications. Il faut prévoir un régime administratif. Ce sont les outils dont les douaniers ont besoin pour empêcher que les contrefaçons se retrouvent sur les tablettes des magasins. Il faut donc établir un équilibre entre les divers intérêts et même si je ne suis pas un expert en la matière, il faudrait, si ce projet de loi est adopté, revoir les statistiques au cours de l'année qui vient.

Il y a un avantage au fait que le Canada réagit assez tard. Nous pouvons prendre connaissance de ce que les autres pays ont fait. Dans l'Union européenne, nous savons qu'en 2013, 77 p. 100 des cargaisons de produits contrefaits ont été saisis par les douaniers et ont fait l'objet d'une procédure simplifiée. Sachant que cette méthode produit des résultats dans l'Union européenne et sachant qu'aux États-Unis, on procède à des saisies et à la destruction immédiate des produits contrefaits et que cela donne des résultats, pourquoi en tant que gouvernement, ne tirerions-nous pas des leçons de tout cela? C'est ma question.

M. Evans : À propos de la suggestion de M. Lipkus, il faudrait peut-être songer, certainement du point de vue de la procédure administrative, à amender le projet de loi pour prolonger la période de 10 jours avant la libération des produits, étant entendu qu'il s'agit d'une procédure administrative qui sera réglementée.

La sénatrice Ringuette : Si en effet la période de 10 jours est prolongée, ne faudrait-il pas un amendement portant qu'à la fin de la période prolongée, si aucun processus n'a été engagé, les produits sont détruits?

M. Evans : Je pense que oui. Selon le libellé actuel, si rien n'est fait après 10 jours — excusez-moi vous avez parlé de destruction, n'est-ce pas?

La sénatrice Ringuette : Oui.

M. Evans : Nous proposons que s'il n'y a aucune réaction ou si l'importateur a reconnu que les produits sont contrefaits, alors la destruction s'impose en effet.

La sénatrice Ringuette : Merci. Madame Danzig, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Danzig : Je suis de façon générale en accord avec ce qu'ont dit les autres témoins. Je ne voudrais pas que ces remarques soient présentées au comité en vain. Le temps est limité, si bien que l'Association du Barreau canadien a voulu concentrer ses remarques sur les enjeux les plus pressants. Toutefois, il faut bien dire que l'association reconnaît que le projet de loi comporte des améliorations très valables et conséquentes. C'est la première fois que la Loi sur les marques de commerce va prévoir des dispositions créant une infraction en ce qui concerne la contrefaçon de marques de commerce. Nous avons dû attendre longtemps pour cela et c'est une disposition très importante pour les Canadiens et pour l'application de la loi et la protection de la société canadienne.

Le thème, ce sont les intérêts concurrents, et je pense que la position générale est d'essayer d'avancer de la meilleure façon possible.

La sénatrice Ringuette : Et attendre cinq ans de plus au coût de 30 milliards de dollars par année.

Le sénateur Tkachuk : Merci beaucoup pour votre témoignage aujourd'hui. Tout a été très instructif.

Aidez-moi un peu à comprendre ce que font les Américains lorsqu'ils empêchent des biens d'entrer au Canada, par exemple. S'ils se doutent qu'une cargaison à direction de Toronto et qui passe par le port de Los Angeles contient des biens contrefaits, est-ce qu'ils la détruisent?

M. Lipkus : Je vais répondre. Souvenez-vous, je ne suis pas un expert, évidemment, sur le système américain, mais je peux parler sur la base de mon expérience, et disons par exemple, qu'il y a une cargaison saisie à la frontière américaine à destination du Canada et qu'il y a une inscription de la part d'un titulaire de droits aux États-Unis, semblable à notre demande d'aide au Canada. Donc, il y a une inscription aux douanes et les biens sont saisis par le gouvernement américain. Le titulaire de droits confirmera que les biens sont contrefaits et ils sont détruits. Le titulaire de droits doit verser une modeste somme pour participer au système, qui est très différent du nôtre. Chez nous, les douanes retiennent les biens et nous entamons des procédures judiciaires. Chez eux, les douanes saisissent et détruisent. Voilà comment le système fonctionne.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que ce serait un titulaire de droits canadien ou américain qui leur dirait cela? Les lois sont différentes dans les deux pays. Un produit est peut-être contrefait et illégal aux États-Unis, mais permis au Canada.

M. Lipkus : C'est exact, alors aux États-Unis, on se basera sur les enregistrements de marques déposées américaines, comme dans le système canadien, on se base sur les enregistrements de marques déposées canadiennes, et les biens contrefaits, comme des médicaments, qui sont illégaux sont détruits aux États-Unis.

Le sénateur Tkachuk : Ce serait donc un Américain qui entamerait les poursuites et qui communiquerait avec les douanes?

M. Lipkus : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Qu'en est-il si les biens passaient par ici en direction de Chicago? Est-ce que l'entreprise canadienne ne ferait pas la même chose si elle croyait qu'il y avait des biens contrefaits en direction de Chicago?

M. Lipkus : Non. Au Canada, il y a une exclusion pour les cargaisons en transit. S'il y a des biens contrefaits au Canada à destination du marché américain, selon la loi telle qu'elle est rédigée, ils seraient exportés aux États-Unis.

Le sénateur Tkachuk : Donc, les Canadiens informent les Américains que ce produit s'en va chez eux et c'est eux qui s'en occuperont. J'avais compris d'un témoignage précédent, c'est que ce n'est plus un problème pour les douaniers canadiens d'informer les Américains qu'il y a de mauvais produits qui s'en vont chez eux.

M. Lipkus : C'est exact. Quel que soit l'état des communications entre les gouvernements, et je suis certain qu'il est excellent, présentement, le gouvernement américain saisit la marchandise contrefaite à destination du Canada et protège notre population, mais nous ne le faisons pas. Nous leur disons : « Désolés, nous allons laisser passer la cargaison, mais nous allons vous appeler pour vous en informer. »

En tout respect, ce n'est pas suffisant, et ce n'est pas une façon canadienne de faire les choses. Je ne sais pas exactement quels termes utiliser, mais voilà pourquoi c'est aussi difficile d'accepter la situation.

Le président : Je suis désolé, monsieur Lipkus, il nous reste sept minutes et nous avons trois questions et une question supplémentaire rapide du sénateur Campbell.

Le sénateur Campbell : J'ai besoin d'un éclaircissement. J'aimerais savoir quand les douanes américaines saisissent des biens qui s'en viennent au Canada, parce qu'ils ne passent pas par les douanes américaines; ils passent par les douanes canadiennes. Ils ne les arrêtent pas du côté américain.

M. Lipkus : Dans les cas que j'ai vus, lorsqu'il y a un avis de saisie aux douanes pour des biens à destination du marché canadien, ce qui se passe — et j'utiliserai la Chine comme exemple, parce que c'est tellement commun — c'est qu'une entreprise de Toronto décide d'importer de la marchandise contrefaite. Elle arrive de l'étranger à un port américain. Les douanes américaines l'examinent, constatent un problème et voici ce qui se produit. Le titulaire de droits qui a déposé son inscription...

Le président : Merci, monsieur Lipkus, vous avez répondu à la question.

Le sénateur Massicotte : Deux questions. Je pense que nous tous, ou moi à tout le moins, constatons un grave problème par rapport au fardeau et au recours en matière de biens contrefaits. Vous avez beaucoup parlé des biens contrefaits et de la marchandise en transit.

Vous avez dit que le gouvernement ne vous a pas demandé votre opinion, mais j'imagine que vous devez savoir pourquoi ils ne vous ont pas demandé conseil sur ces deux sujets? Vous avez discuté avec lui. Quelle était sa réponse? Parfois, on apprend qu'il y a des bons arguments justifiant pourquoi le gouvernement n'a pas mis en œuvre ces choses. Est-ce que quelqu'un le sait?

M. Lipkus : Je ne sais pas, mais à nouveau...

Le président : Est-ce la réponse à la question : je ne sais pas? Merci. Question suivante, sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Il faut essayer de contrôler l'offre. Mais qu'en est-il de la demande? Est-ce qu'il y a des endroits dans le monde — je pense que la France en est un exemple — où il est illégal pour le consommateur, d'acheter de tels biens? Est-ce une bonne suggestion? Devrions-nous examiner cela?

Mme Danzig : Le projet de loi, dans sa forme actuelle, a été modifié afin qu'il ne soit pas permis de posséder ces biens à des fins commerciales.

Le sénateur Massicotte : Pas permis de posséder.

Mme Danzig : De posséder des biens contrefaits.

Le sénateur Massicotte : Je parle du consommateur. Ce n'est pas illégal pour le consommateur de posséder des biens contrefaits, mais pourquoi avoir cette exception si le consommateur est au courant?

M. Evans : Cela présente deux difficultés. Premièrement, vous demandez aux entreprises de poursuivre certains de leurs clients de façon individuelle. Comme nous l'avons mentionné, les poursuites coûtent très cher et vous me demandez de poursuivre chaque personne dans cette salle parce qu'elle possède des biens contrefaits, mais seulement si elles le savent. Je ne veux pas vous manquer de respect ni vous accuser d'acheter des biens contrefaits.

Deuxièmement, les consommateurs croient souvent qu'ils achètent des biens authentiques. J'ai entendu un exposé d'un avocat qui a dit qu'il avait acheté un produit contrefait et un produit authentique pour son directeur et celui-ci ne pouvait pas les différencier. Il a fallu un microscope à électrons pour dire lequel contenait l'ingrédient essentiel et était le vrai shampoing.

La sénatrice Hervieux-Payette : On parle d'importation. Qu'en est-il des Canadiens qui fabriquent des biens contrefaits? Quel est le pourcentage de biens importés par rapport à ceux que l'on envoie à l'étranger? Ce secteur est-il très actif, ou peut-être que ce n'est pas payant au Canada d'être faussaire? Comment les attrape-t-on?

Mme Danzig : Nous les attrapons en utilisant les mêmes méthodes policières et d'enquêtes que pour les autres activités criminelles. Je pense que le marché canadien est beaucoup plus touché par les importations de biens contrefaits. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de biens contrefaits fabriqués ici, parce qu'il y en a.

La sénatrice Hervieux-Payette : Quelqu'un est venu nous parler de la contrefaçon dans le domaine des arts, surtout des tableaux de maîtres. Avons-nous les outils pour s'attaquer à ce problème?

Mme Danzig : Pour les examiner?

La sénatrice Hervieux-Payette : Pas seulement les examiner, mais si quelqu'un traverse la frontière avec de telles choses. Quelqu'un a dit qu'il fallait des experts et de l'équipement. Lorsqu'on parle d'œuvres d'art qui valent beaucoup d'argent, il faut des experts et de l'équipement spécial. Comment est-ce que les gens à la frontière identifient ces œuvres? Tout ce qui passe à la frontière sera automatiquement considéré comme étant légitime.

Mme Danzig : On s'attend à ce qu'il y ait d'autres indices que peut détecter le personnel à la frontière pour déterminer si une chose est authentique ou contrefaite, comme la valeur déclarée du produit aux douanes, et d'autres choses.

Si on détecte de tels indices ou si on a des raisons de croire qu'un produit entrant au pays est contrefait ou piraté, le projet de loi permet de demander l'aide d'experts pour faire l'évaluation. Les choses ne s'arrêtent pas aux douaniers; elles commencent avec le douanier.

La sénatrice Hervieux-Payette : Mis à part le fait qu'on a besoin d'une procédure plus rapide, avons-nous suffisamment de gens qui ont les connaissances et la capacité de détecter ces problèmes, ou y a-t-il une pénurie de main- d'œuvre?

Mme Danzig : C'est une question qu'il faudrait poser aux douanes. Je ne connais pas la réponse.

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous ne savez pas qu'il n'y a presque pas d'inspections à la frontière parce qu'il n'y a pas assez de gens pour s'en occuper.

Mme Danzig : Quel que soit le pourcentage d'inspections qui sont faites actuellement, le projet de loi donnera aux douaniers la possibilité d'inclure dans l'inspection la détection des biens contrefaits ou piratés, et ils pourront agir en conséquence. Le projet de loi ne prévoit pas d'augmentation des ressources pour s'attaquer au problème, mais au moins pour ce pourcentage de marchandises examinées, ils pourront inclure cet aspect.

Le président : Merci, madame Danzig. Nous n'avons plus de temps, mais nous avons une dernière question du président du Comité sénatorial des finances, le sénateur Day.

Le sénateur Day : J'avais des questions sur certains points que vous présentez si clairement. Ce projet de loi sur les produits fabriqués au Canada n'a pas été élaboré au Canada, mais reflète la convention internationale dont nous sommes signataires; et il y a des lois modèles. Connaissez-vous la convention internationale sur le piratage et la contrefaçon?

Mme Danzig : Je connais certaines conventions internationales... Oui.

Le sénateur Day : Le Canada l'a signée, mais elle a été rejetée par le Royaume-Uni et l'Europe. Dans le projet de loi que nous examinons, y a-t-il des points qui vous préoccupent à cause de nos obligations en vertu de cette convention internationale?

Mme Danzig : Je crois que l'une des conventions internationales est l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l'ADPIC. L'ADPIC exigeait que le Canada crée un système qui donnait des pouvoirs d'office aux douanes. Nous croyons que le projet de loi découle en partie de la nécessité de se conformer à nos obligations en vertu de l'ADPIC.

Je ne suis pas au courant qu'il y ait des obligations portant sur une procédure administrative. Peut-être que mes collègues le sont.

Le sénateur Day : Ou pas.

Mme Danzig : Oui.

M. Lipkus : Malgré tout le respect que je dois au rédacteur du projet de loi, il s'agit ici des pouvoirs minimums prévus pour se conformer à l'accord commercial sur la contrefaçon. Si on voulait vraiment empêcher les biens contrefaits d'arriver chez nous, tous les changements que nous demandons auraient été inclus, parce qu'il s'agirait alors de vraiment bloquer ces biens contrefaits.

M. Evans : Je ne pense pas avoir quelque chose à ajouter.

Le sénateur Day : Merci beaucoup.

Le président : À nos témoins : vous avez été d'excellents témoins très utiles pour le comité. Au nom de chaque membre du comité, je veux vous faire part de notre reconnaissance d'avoir comparu aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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