Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 6 - Témoignages du 3 avril 2014
OTTAWA, le jeudi 3 avril 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-444, Loi modifiant le Code criminel (fausse représentation à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public), se réunit aujourd'hui, à 10 h 32 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues, aux invités et aux membres du public qui suivent la séance d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Nous sommes réunis pour commencer notre examen du projet de loi C-444, Loi modifiant le Code criminel (fausse représentation à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public). Si le projet de loi est adopté, le fait de se représenter faussement à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public aux fins de commettre une autre infraction sera considéré par les tribunaux comme une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine.
Le projet de loi C-444 a d'abord été déposé à la Chambre des communes au cours de la dernière session, en septembre 2012, mais n'a pas été adopté avant que le Parlement soit prorogé. Le projet de loi a été déposé à nouveau au début de la session parlementaire actuelle et a été renvoyé à notre comité le 4 février de cette année. C'est la première séance que nous consacrons à ce projet de loi.
Pour commencer nos délibérations, je suis heureux de présenter au comité le parrain du projet de loi, M. Earl Dreeshen, député de Red Deer. Avec M. Dreeshen, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à Laurie Long et à sa fille Jordan.
Earl Dreeshen, député de Red Deer, parrain du projet de loi : Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que tous les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je vous remercie de me donner cette possibilité. J'aimerais également remercier le sénateur Dagenais et le sénateur Demers qui ont parrainé le projet de loi au Sénat. J'apprécie tout l'appui que j'ai reçu pour ce projet de loi.
C'est un honneur pour moi d'être ici ce matin avec deux de mes électeurs dont l'histoire, j'en suis convaincu, va vous émouvoir, tout comme elle m'a ému lorsque nous nous sommes parlé à mon bureau de Red Deer il y a près de quatre ans.
La première fois que cette question a fait l'objet d'une discussion a été au sujet du projet de loi C-576 de la 40e législature et ce projet de loi était sur le point d'être adopté en troisième lecture lorsque l'élection de 2011 a été déclenchée.
Aujourd'hui, au cours de cette 41e législature, je continue à défendre cette cause et je suis heureux de constater que les sénateurs se sont fait l'écho de l'appui unanime que ce projet a reçu à deux reprises de mes collègues de l'autre chambre. Je suis heureux d'avoir la possibilité de m'adresser à votre comité et de présenter les motifs à l'origine de la modification du Code criminel du Canada concernant le fait de prétendre faussement être un agent de police ou un fonctionnaire public.
Mon projet de loi a pour but de modifier l'article 130 du Code criminel en ajoutant une disposition relative à la peine à l'infraction réprimant le fait de prétendre faussement être un agent de la paix ou un fonctionnaire public. Le projet de loi comprend en fait trois principaux éléments.
Premièrement, il fait comprendre aux victimes de cette lâche tromperie que la société considère que ce crime est très grave et qu'on ne peut pas abîmer la confiance que nous avons dans les autorités, un sentiment qu'on nous inculque depuis notre plus tendre enfance. Nous pouvons le montrer en déclarant que le fait de se présenter faussement comme un agent de la paix dans la perpétration d'une autre infraction est considéré comme une circonstance aggravante au moment de l'imposition de la peine à un criminel.
Deuxièmement, étant donné que dans cette situation, les circonstances aggravantes sont particulières à ceux qui abusent d'une position de confiance ou d'un pouvoir, le projet de loi va introduire de la clarté dans ce domaine en déclarant que ceux qui prétendent occuper cette position de confiance ou qui l'utilisent pour dominer ou désarmer leur victime seront traités de la même façon au moment de l'imposition de la peine.
C'est là l'aspect clé de mon projet de loi. Les circonstances aggravantes exposées à l'article 718.2 ne s'appliquent pas actuellement aux délinquants qui se font passer pour des agents de la paix et je demande aux législateurs de reconnaître qu'il y a une lacune dans le droit et de travailler avec moi pour la combler en adoptant mon projet de loi d'initiative parlementaire. Grâce à cette modification, ce genre de tromperie perverse serait traité comme il se doit.
Troisièmement, en modifiant de cette façon le Code criminel, nous montrerions aussi que nous appuyons les hommes et les femmes qui mettent courageusement leur vie en danger pour nous et qui voient la confiance que leur accorde le public compromise par les actions de ces criminels sans scrupule. Le travail des policiers est déjà suffisamment difficile comme cela et en visant ce type d'activité criminelle, nous reconnaissons le préjudice que causent ces actes illégaux.
Je vais passer en revue certaines questions qui touchent le projet de loi.
C'est le tribunal qui impose la peine qu'il estime appropriée, en tenant compte de la peine maximale associée au fait de se présenter faussement comme un agent de la paix. Les peines sont un pilier de notre système de justice, et c'est à nous, les législateurs, d'adopter les dispositions relatives aux peines du Code criminel.
Lorsqu'un délinquant se fait passer pour un agent de la paix pour victimiser quelqu'un, il commet une infraction grave qui peut avoir de profondes répercussions sur la victime. La peine associée à ce genre de tromperie perverse doit dénoncer la conduite illégale et refléter l'impact grave que ce crime a sur la vie des victimes. Les victimes doivent savoir qu'il y aura des conséquences graves pour les criminels qui leur ont causé un préjudice.
La façon dont l'article 130 se lit actuellement prévoit un crime, à savoir le fait de tromper le public au sujet du statut d'agent de la paix d'une personne. Il ne fait pas de différence entre le cas où cette tromperie avait pour but de faciliter la perpétration d'un autre crime, et celui où un autre crime a effectivement été tenté ou commis. Les cas où la tromperie a pour but de faciliter la perpétration d'un autre crime encore plus grave, et facilite effectivement cette perpétration, sont un exemple extrêmement grave de l'infraction consistant à se faire passer faussement pour un agent de la paix et méritent, par conséquent, une peine plus sévère. En 2009, nous avons légiféré pour imposer une nouvelle peine maximale pour ce crime et aujourd'hui nous devons donner aux tribunaux cet outil pour qu'ils puissent imposer la nouvelle peine maximale dans les cas les plus graves.
Le fait de se faire passer pour un agent de la paix pour obliger quelqu'un à faire quelque chose est aussi grave que si l'auteur de cet acte utilisait la menace d'une arme à feu. C'est une circonstance tout aussi aggravante que le fait de s'introduire par effraction dans une résidence sachant qu'elle est occupée et toutes les situations qui tombent dans la catégorie des circonstances aggravantes.
En appuyant ce projet de loi, nous préservons également la confiance et le respect que les citoyens ont pour les vrais policiers. Lorsque les citoyens voient un policier en uniforme, leur réaction est de lui faire confiance et de respecter l'autorité qu'il représente et nos lois doivent tenir compte de cette réalité. Ce projet de loi montre que nos corps policiers ont besoin de notre appui pour lutter contre ce genre de crime.
Monsieur le président, j'ai reçu des commentaires positifs à propos de mon projet de loi. J'ai constaté, au cours de mes discussions avec des policiers, que la principale préoccupation qu'ils expriment au sujet des infractions de l'article 130 est l'atteinte portée à la confiance du public. Pour faire leur travail — l'aspect essentiel de leur travail étant de protéger la société —, il faut que le public sache que ce sont de véritables policiers et qu'il ait confiance en eux. Les policiers ont admis que l'imposition de peines plus fortes pour cette infraction sera bénéfique pour le système de justice, préservera la confiance qu'ont les Canadiens dans leurs rapports avec les vrais policiers et aidera donc ces derniers à mieux faire leur travail, à savoir assurer la protection des Canadiens.
Ce projet de loi comporte deux aspects particuliers. Récemment, l'article 718.2 a été utilisé pour ajouter une nouvelle circonstance aggravante pour toute infraction commise contre des Canadiens âgés. Certains ont demandé pourquoi ce projet de loi ne visait pas également à modifier l'article 718, plutôt que l'article 130. La raison en est qu'en modifiant l'article 130, nous visons directement le crime consistant à se faire passer faussement pour un policier et que la modification de cet article fait clairement ressortir le dommage qu'entraîne ce genre d'activité criminelle.
Le deuxième point porte sur la question de savoir pourquoi le projet de loi couvre à la fois les agents de la paix et les fonctionnaires publics? Il y a une différence entre ce projet de loi et sa forme initiale antérieure. Lorsque j'ai revu ce projet de loi avec les rédacteurs législatifs, ils m'ont recommandé de couvrir ces deux catégories de personnes. Étant donné que les fonctionnaires publics et les agents de la paix sont tous les deux définis dans le Code criminel, le fait de se présenter faussement comme l'une ou l'autre de ces personnes est une infraction aux termes de l'article 130, et étant donné que ces définitions sont semblables et se chevauchent, il a été décidé qu'il serait souhaitable de les inclure dans le projet de loi.
Si vous le permettez, j'aimerais vous présenter quelques citations tirées des débats de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-576, le projet de loi initial, et sa nouvelle version, le projet de loi C-444.
Le 4 novembre 2010, Serge Ménard, du Bloc Québécois, a déclaré :
Je dois avouer que la recherche qu'a faite le député qui présente le projet m'a impressionnée. Je pense bien que ce qu'il propose, comme il le dit lui-même, couvre un manquement dans le Code criminel. Par conséquent, nous l'appuierons.
Il poursuit :
Je préfère son travail patient, précis et intelligent. Il a relevé une lacune dans le Code criminel, il l'a bien exposée et documentée.
Le 9 février 2011, l'honorable Marlene Jennings a déclaré :
J'ai eu l'occasion de participer au débat sur ce projet de loi d'initiative parlementaire à une étape antérieure et d'expliquer, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, la position que j'invite les membres de mon caucus à adopter à son égard, c'est-à-dire l'appuyer.
Le même jour, Joe Comartin, du NPD, a déclaré :
Nous ne pouvons pas sous-estimer la nécessité pour le Parlement de manifester très clairement son appui pour le système de justice pénale en général et pour ses divers intervenants. Il est très important de veiller à ce que le public canadien appuie nos juges, nos procureurs, nos avocats de la défense et, bien sûr, les agents de police, et à ce qu'ils éprouvent une grande confiance à leur égard.
La dernière citation est du 30 janvier 2013, et je reproduis les paroles de Mme Boivin, du NPD, qui portent directement sur notre discussion :
Le NPD a l'intention d'appuyer à 100 % le projet de loi du collègue de Red Deer. On aura certainement des discussions intéressantes, pas nécessairement pour faire changer des points, mais pour bien faire comprendre l'importance du projet de loi aux gens qui nous écoutent.
Elle poursuit :
Pour une fois, je salue un projet de loi. En effet, on a, la plupart du temps, droit à des projets de loi qui imposent une façon de voir aux tribunaux. En fait, ils court-circuitent le travail du juge lors d'un procès, qui est de bien faire valoir les différents points de vue et d'essayer de déterminer la bonne sentence compte tenu du cas en l'espèce et des faits qui seront prouvés et démontrés.
Monsieur le président, de très bons juristes ont appuyé ce projet de loi. Ils en ont reconnu le caractère non partisan, parce qu'il a été élaboré de cette façon, ainsi que la gravité des dommages causés aux victimes par ce genre de violation.
Pour terminer, permettez-moi également de remercier les membres des divers organismes policiers, y compris les nombreux membres qui sont mes collègues, à la fois à la Chambre et au Sénat, pour l'appui qu'ils m'ont donné. Je vous remercie énormément. Le moment venu, nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Madame Long, je crois savoir que vous aimeriez faire également une déclaration. Allez-y.
Laurie Long, à titre personnel : Merci de nous avoir invitées. Je m'appelle Laurie Long et voici ma fille, Jordan. Nous venons de Penhold, en Alberta.
Le jeudi 26 février 2009, à 21 h30, Jordan est partie faire le plein de son camion et acheter des jus parce qu'elle avait mal à la gorge. Elle ne s'était pas sentie très bien de toute la journée, mais avait décidé qu'elle n'allait pas manquer l'école le lendemain. Elle avait 16 ans et conduisait depuis trois mois; elle profitait des libertés que cela apporte après cette étape clé de la vie.
C'est cette nuit-là qu'a commencé une terrible épreuve pour elle et notre famille, parce qu'elle a été vue à la station-service par un homme qui l'a suivie jusqu'à notre maison; il était vêtu comme un membre de la GRC, et il l'a obligée à quitter son véhicule et à monter avec lui en la menaçant de son arme. Il lui a couvert les yeux avec des lunettes de ski noircies, lui a coupé le visage avec un couteau tout en lui criant : « Tu es en état d'arrestation; tu es en état d'arrestation. » Il l'a finalement ligotée et placée dans le coffre de sa voiture, et il a conduit environ 30 kilomètres pendant une nuit où il faisait -32. Il s'était emparé d'elle dans notre cour à moins de huit mètres de la fenêtre de ma chambre où je me trouvais. Il l'a ligotée, il lui a bandé les yeux et l'a agressée à plusieurs reprises.
Elle a disparu pendant environ 47 heures. C'était terrifiant, le pire cauchemar pour les parents et certainement, le pire cauchemar pour une jeune femme.
Le samedi 28 février, vers 20 h 45, nous avons reçu chez nous un appel provenant d'un téléphone public. Espérant contre toute attente que c'était Jordan, mon mari a répondu. C'était Jordan, et pendant qu'il essayait de comprendre où elle se trouvait, il lui a dit de ne pas bouger et que la police allait arriver. Sa réponse nous a stupéfaits. Elle a déclaré : « Papa, c'est un policier qui m'a fait ça. »
Nous avons appris le lendemain que cet homme n'était pas un policier, mais qu'il était habillé comme un policier, avec la tunique, le chapeau de fourrure et les insignes sur l'épaule. Il avait emprunté la voiture blanche de sa mère et avait placé un gyrophare à l'intérieur. Il s'était arrêté juste derrière le véhicule de Jordan dans notre cour et lui a dit qu'elle avait commis une infraction en matière d'assurance. Par la suite, un membre de l'escouade des crimes graves d'Edmonton a déclaré qu'il pensait que l'uniforme de cet homme paraissait si authentique que sa propre femme aurait eu de la difficulté à savoir si l'homme était membre de la GRC ou pas. L'aspect essentiel est qu'il n'aurait jamais pu se rapprocher autant d'elle comme il l'a fait, sans qu'elle utilise son téléphone cellulaire pour demander de l'aide ou pour essayer de tenter de se réfugier dans la maison, s'il n'avait pas été habillé comme un agent de la paix.
Au cours du procès, il a répondu au chef d'accusation d'avoir faussement prétendu être un policier. Nous avons été stupéfaits d'apprendre qu'à l'époque, la peine maximale pour cette infraction était six mois de prison. Cette infraction a été modifiée et elle est devenue une infraction mixte avec une peine maximale de cinq ans. Constituer le fait de se faire passer pour un policier en circonstance aggravante permettrait au tribunal d'imposer une peine correspondant au crime commis.
En 1954, Abraham Maslow a publié sa recherche et ses conclusions en matière de motivation. Il l'a appelée « la hiérarchie des besoins humains ». Cette idée simple constitue un cadre fondamental pour comprendre la motivation des gens et comment ils peuvent réussir et être productifs. La hiérarchie est représentée sous la forme d'un triangle comprenant plusieurs divisions, chaque division devant être atteinte avant de pouvoir passer à la division supérieure. La base d'un triangle représente les besoins physiologiques — air, eau, nourriture, et cetera — suivis par la sécurité, et le niveau suivant est le niveau social, ensuite il y a l'ego, l'indépendance et la réalisation de soi. La sécurité fait partie de la base de ce triangle. S'il n'y a pas de sécurité, tout disparaît.
Le sentiment de sécurité qu'avait Jordan a été détruit par quelqu'un qui devait, d'après elle, assurer sa sécurité parce que c'est ainsi qu'il s'était présenté.
C'est la police qui assure notre sécurité; nous sommes convaincus que c'est ce qu'elle fait. Nous disons à nos enfants que, s'ils ont un problème, ils doivent s'adresser à un policier ou appeler la GRC. La personne qui se déguise en policier pour victimiser ou contrôler quelqu'un abuse de la confiance de la population. Je ne peux pas dire à mes enfants de ne pas faire confiance aux policiers. Ils jouent un rôle utile et nécessaire dans notre société. Cet uniforme et ce rôle sont sacrés et nous, les citoyens de cette société, l'exigeons. Notre monde est devenu beaucoup plus petit avec les médias sociaux et les nouvelles en continu, mais un événement de ce genre ne touche pas seulement une personne; il en touche des milliers. C'est la raison pour laquelle nous avons communiqué avec M. Dreeshen, en mai 2010, pour attirer son attention sur l'importance de cette question. Il ne nous a pas laissés tomber, il a rédigé un projet de loi dans lequel il demandait que le Code criminel soit modifié pour que le fait de prétendre faussement être un policier constitue une circonstance aggravante.
J'aimerais dire merci à M. Dreeshen parce qu'il a beaucoup travaillé sur ce projet de loi et aussi merci au comité. Qu'une citoyenne de Penhold, en Alberta, puisse venir à Ottawa pour être entendue par les dirigeants de son pays est un immense privilège pour moi.
Jordan continue à mal réagir à la présence d'une personne qui porte un uniforme, que ce soit un membre de la GRC, un policier, un agent de la paix ou de sécurité. Elle aura probablement ce genre de réaction pour le restant de sa vie. Comme nous l'a dit un autre membre de la GRC avec qui nous parlions de cette question : « Il est facile de comprendre sa réaction; même nous, membres de la GRC, réagissons lorsque nous voyons des gyrophares dans notre rétroviseur, mais pour elle, c'est une tout autre histoire. »
Les membres de la GRC ont collaboré avec nous pour signaler l'immatriculation du véhicule de Jordan pour que, dans le cas où elle serait arrêtée pour une infraction au Code de la route, les policiers sachent qu'elle voudra faire un appel téléphonique pour confirmer leur identité. Les policiers étaient aussi accablés que nous en pensant que quelqu'un puisse commettre un crime aussi horrible tout en se faisant passer pour un policier. Elle a en fait été contrôlée par la police environ trois mois après son enlèvement, ce qui l'a fait paniquer. Cependant, elle a déclaré qu'étant donné qu'il y avait deux policiers et qu'elle avait trois amies avec elle, elle a réussi à se calmer. Elle ne fait jamais d'excès de vitesse désormais. Elle respecte toujours le code de la route. Elle ne voudrait pas donner à un policier une raison de la contrôler parce qu'elle se méfie énormément des personnes en uniforme.
Ce n'est pas de cette façon que nous souhaitons que l'on voie les policiers dans notre pays. Nous demandons à ces gens de faire leur travail et peut-être de donner leur vie pour protéger les citoyens; c'est pourquoi la pénalité associée au fait de prétendre faussement être un agent de la paix doit être très lourde. Il faut qu'elle se rapproche de la peine maximale plutôt que de la peine minimale.
L'année dernière, Jordan et son ami Jimmy — maintenant son fiancé — rentraient à la maison après m'avoir apporté une boisson à mon travail. Il était assez tard, parce que je travaillais la nuit comme infirmière dans notre salle d'urgence locale. Sur le chemin du retour, ils ont vu un accident impliquant un seul véhicule dont le conducteur paraissait en état d'ivresse. Ils ont fait ce qu'il fallait faire et ont appelé la police. Cinq voitures de patrouille de la GRC sont arrivées quelques minutes après, avec les gyrophares allumés, et Jordan a eu un gros flashback et a commencé à paniquer et à pleurer de façon incontrôlable. Les personnes auxquelles les citoyens doivent s'adresser en cas d'urgence ne font maintenant qu'exacerber son trouble de stress post-traumatique.
Heureusement qu'une policière sensible a demandé à Jimmy ce qui se passait et lorsqu'il lui a appris que Jordan était la fille de Penhold — ils savent tous qui est la fille de Penhold et ce qu'elle a vécu — qui avait été enlevée par une personne vêtue comme un policier, elle a fait le tour des voitures de patrouille pour faire éteindre tous les gyrophares et elle a ensuite laissé Jordan rentrer chez elle dans la voiture de Jimmy, en reconduisant plus tard Jimmy chez nous.
Je veux faire comprendre que cette crainte de la GRC et des policiers en général est permanente. Elle ne s'est pas atténuée et je doute fort qu'elle ne s'atténue jamais. Notre société est fondée sur les lois et sur ceux qui protègent et font respecter la loi; il est peu probable que Jordan puisse vivre sa vie sans jamais voir un autre membre de ces professions.
Cet homme, et tous ceux qui commettent des crimes déguisés en policier abusent de la confiance de la population. Notre société ne peut fonctionner si la population ne peut faire confiance aux services de police. Nous devons indiquer clairement que le fait de prétendre faussement être policier est non seulement une infraction au Code criminel, mais va à l'encontre de toutes les valeurs de la société. C'est la raison pour laquelle cela devrait constituer une circonstance aggravante, pour que les juges puissent imposer une peine appropriée et faire en sorte qu'elle corresponde à la nature horrible de ce crime.
Je vous remercie.
Le président : Merci. Nous sommes très heureux que vous soyez ici avec votre fille.
Le sénateur Baker : Tout d'abord, monsieur le président, j'aimerais féliciter le député d'avoir présenté ce projet de loi et aussi pour avoir fait preuve d'une grande persévérance; je remercie également la famille Long pour l'exposé qu'elle a livré aujourd'hui pour appuyer cette demande de mesure législative.
Le projet de loi, comme le député l'a fait remarquer, a reçu l'appui unanime de tous les partis politiques dans l'autre endroit. Je pense qu'il en ira de même dans la chambre haute, le Sénat.
Monsieur Dreeshen, les efforts que nous déployons pour adopter des mesures législatives sont parfois réduits à néant parce que certaines mesures législatives récentes que nous avons adoptées ont été annulées par la Cour suprême du Canada. Nous avons adopté récemment dans cette chambre un projet de loi qui autorisait la prolongation des peines des cols blancs en détention pour avoir commis des fraudes. Normalement, ils sont libérés lorsqu'ils ont purgé un sixième de leur peine, comme vous le savez. Nous avons prolongé cette période et cela a été annulé la semaine dernière par la Cour suprême du Canada. Nous avons une obligation supplémentaire ici, ce qu'on appelle la chambre de réflexion, qui consiste à examiner la constitutionnalité des dispositions pour être sûr qu'elles respectent la loi.
Madame Long, je présume que dans l'affaire à laquelle vous avez fait référence, l'infraction prévue à l'article 130 du Code criminel qui réprime le fait de prétendre faussement être un fonctionnaire public était seulement une des accusations qui avaient été portées, il y en avait d'autres. Les principales accusations étaient celles de voies de fait et d'agression, est-ce bien exact?
Mme L. Long : Oui.
Le sénateur Baker : Normalement, lorsque nous examinons la présence de circonstances aggravantes, comme vous l'avez fait remarquer, l'examen s'effectue aux termes de l'article 718.2 du Code criminel. Autrement dit, pour l'infraction principale d'agression, d'agression sexuelle, et ce genre de choses, la circonstance aggravante est décrite dans le Code criminel. Vous avez raison de dire qu'elle ne figure pas dans l'article 718.2, mais il se trouve des mots dans la version anglaise qui indiquent que, malgré la généralité de ce qui précède, les éléments suivants en font partie. Dans les affaires de ce genre, le juge applique les circonstances aggravantes à la peine qu'il impose pour l'infraction principale.
Autrement dit, si je regardais la jurisprudence, je chercherais une affaire dans laquelle une personne aurait été déclarée coupable de voies de fait, par exemple, après avoir prétendu faussement être un agent de police. Il y aurait une accusation reliée au fait d'avoir prétendu faussement être un policier. Il y aurait une autre accusation de voies de fait, par exemple, et la circonstance aggravante serait le fait que cette personne a prétendu faussement être un policer. C'est la façon dont les jugements sont rendus.
Vous proposez cependant ici quelque chose de différent. Vous proposez que le seul fait de prétendre faussement être un policier oblige le tribunal à considérer comme circonstance aggravante ce fait, mais uniquement pour l'article 130, pas pour les autres aspects.
Craignez-vous que, dans le cas où la personne qui a prétendu faussement être un agent de la paix — et cela pourrait être n'importe qui, un maire ou toutes les autres personnes visées par cette disposition — et qui ne serait en fait déclarée coupable d'aucune infraction, mais simplement d'avoir prétendu faussement être un agent de la paix, le tribunal ne soit obligé de tenir compte d'une circonstance aggravante, à savoir le fait que l'accusé prétendait faussement être un agent de la paix, mais pour la seule perpétration de l'infraction prévue à l'article 130? Avez-vous pensé que cette mesure législative pourrait être interprétée de cette façon?
M. Dreeshen : Si je comprends bien où vous voulez en venir, vous avez mentionné que dans ce cas il n'y avait pas d'autre infraction, mais si une autre infraction avait été commise, est-ce que cela s'appliquerait toujours?
Le sénateur Baker : Et que la personne n'ait pas été déclarée coupable, mais innocente.
M. Dreeshen : Dans la situation qui nous intéresse, il s'agit bien sûr de la perpétration d'une autre infraction. C'est le seul cas où cette disposition s'appliquerait.
J'ai parlé avec des représentants de la Justice et ce sont là des sujets dont nous avons également discuté. Encore une fois, il y avait deux aspects. Le premier aspect est, bien sûr, la prise en compte de ce que contient l'article 718.2. J'ai ainsi repris la formulation retrouvée dans cette disposition où il est mentionné qu'il y a circonstance aggravante en cas d'abus de confiance ou d'autorité. Encore une fois, c'était là l'argument; il s'agit de l'abus d'une position de confiance ou d'autorité et que, pour cette raison, cela ne pouvait s'appliquer.
Je connais la partie que vous avez mentionnée dans l'alinéa 718.2a) où la disposition, dans sa version anglaise, énonce « Without limiting the generality of the foregoing » (sans limiter la généralité de ce qui précède). Cependant, l'élément important était la prise en compte de l'article 130, étant donné que le fait de prétendre faussement être un agent de la paix était l'intention exigée pour cet article 130. Ensuite, en introduisant cette nouvelle mesure, il faut démontrer que le moyen utilisé visait à faciliter la perpétration d'une autre infraction. C'est la raison d'être de cette disposition sur laquelle nous avons travaillé avec les fonctionnaires de la Justice et c'est l'avis que j'ai obtenu. Cela serait inclus et pour cette raison, le genre de préoccupation que vous avez n'est pas justifié.
Le sénateur Baker : Cette disposition n'aurait donc pas cet effet? Cela ne serait pas possible?
M. Dreeshen : Si vous dites qu'il y aurait un autre crime ou pas d'autre crime...
Le sénateur Baker : L'accusé n'est pas déclaré coupable d'un autre crime, mais uniquement de l'infraction d'avoir prétendu faussement être un agent de la paix. L'accusé est déclaré innocent de toutes les autres accusations. Avec la formulation que l'on trouve dans ce projet de loi, le tribunal doit considérer qu'il s'agit là d'une circonstance aggravante.
M. Dreeshen : S'il y a eu perpétration d'une autre infraction.
Le sénateur Baker : Uniquement s'il y a eu perpétration d'une autre infraction?
M. Dreeshen : C'est la formulation que nous avons adoptée; par conséquent, il faut qu'une autre infraction ait été commise. C'est la raison d'être de cette disposition.
Encore une fois, les fonctionnaires de la Justice m'ont déclaré que cela aurait les deux effets dont nous parlons de façon à pouvoir poursuivre.
Le sénateur Baker : Pourquoi n'avoir pas modifié l'article 718.2 et avoir ajouté, comme nous l'avons fait récemment, ainsi que vous l'avez fait remarquer, le fait qu'une personne est âgée? Auparavant, nous avions ajouté le fait que la personne a moins de 18 ans. Monsieur le président, vous vous souvenez de cette mesure. Nous avons ajouté différentes choses. Pourquoi n'avez-vous pas simplement dit que le fait de se présenter faussement comme un agent de police dans la perpétration d'une infraction est une circonstance aggravante et l'avoir déclarée ici? Cela aurait visé toutes les possibilités.
M. Dreeshen : Dans les discussions que j'ai eues avec la famille Long, nous avons examiné la façon dont les accusations ont été portées et le reste. Comme vous le savez, pour un mineur, c'était déjà une circonstance aggravante avec tout le reste. Vous auriez pu tout simplement déclarer qu'il y avait toutes ces autres circonstances aggravantes, alors pourquoi le faire?
La différence est que là il y avait un outil, un moyen. C'était l'arme à feu. C'est l'aspect qui a permis la perpétration de cette infraction. Par conséquent, l'infraction était le fait de prétendre faussement être un agent de police. C'est la raison pourquoi nous sommes revenus à l'article 130. Nous avons estimé que c'était bien là qu'il fallait introduire ce changement. Par conséquent, si l'on voulait apporter une modification, il serait préférable de l'introduire dans l'article 130 plutôt que dans l'article 718.2. Si le fait d'avoir des lois comme celle-ci où nous savons ce qui se passe et connaissons le préjudice infligé, si cela est grave, alors le fait de prétendre faussement être un agent de police est une circonstance que les gens devraient connaître. C'est la raison pour laquelle nous avons alors choisi de procéder de cette façon plutôt que par le biais de l'article 718.2.
Le sénateur Baker : En conclusion, les représentants du ministère de la Justice, monsieur le président, ne comparaîtront pas devant le comité. Ils ont refusé de le faire. Ils ne comparaissent pas devant les comités lorsqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire.
Je voulais simplement m'assurer de certaines choses. Le ministère de la Justice a accepté votre formulation :
Le tribunal qui détermine la peine à infliger à la personne déclarée coupable d'une infraction prévue à l'article 130 est tenu de considérer comme circonstance aggravante [...]
Mais cela s'applique uniquement si une autre accusation a été portée, si elle a donné lieu à une condamnation, parce qu'il s'agit ici d'imposer une peine.
M. Dreeshen : Oui. Pour répondre à cela, si nous reprenons l'ensemble de l'article, nous constatons qu'il énonce :
Le tribunal qui détermine la peine à infliger à la personne déclarée coupable d'une infraction prévue à l'article 130 est tenu de considérer comme circonstance aggravante le fait que l'accusé a prétendu faussement être un agent de la paix ou un fonctionnaire public, selon le cas, en vue de faciliter la perpétration d'une autre infraction.
C'est l'autre aspect de cette disposition, et c'est l'aspect essentiel dont nous avions parlé.
Je vous remercie d'avoir posé cette question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Mes propos seront plus un commentaire qu'une question. Je remercie le député de présenter le projet de loi. Comme vous l'avez mentionné, je vais parrainer le projet de loi.
J'imagine que vous savez que j'ai été policier pendant 39 ans. Au cours des premières années, j'étais policier-éducateur. Je parcourais les écoles primaires, secondaires et les collèges pour établir un lien de confiance entre les étudiants et la police. Je leur disais que s'il leur arrivait quoi que ce soit et qu'ils ne savaient pas où s'adresser, qu'ils s'adressent à un policier.
Vous l'avez très bien expliqué, monsieur Dreeshen. C'est que ces gens-là, en personnifiant le rôle de policier, anéantissent en partie le travail qu'on fait. C'est un crime odieux. C'est une supercherie et je peux comprendre, madame Long, que lorsque vous voyez un policier maintenant votre climat de confiance peut en être grandement affecté. Il est certain que le projet de loi est appuyé par les partis de l'opposition. On ne peut pas être contre la vertu, mais avant tout, il faut protéger les citoyens et aussi les policiers. Il est difficile de faire le travail d'un policier et d'établir un climat de confiance, et il ne faut qu'une flammèche pour anéantir le travail des policiers. Je vous remercie et je parraine avec plaisir ce dossier qui me touche particulièrement.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie tous pour vos exposés.
Monsieur Dreeshen, vous êtes un député très actif. Je note que cela fait quelques années que vous travaillez sur ce projet de loi et qu'il est mort au Feuilleton à la suite de l'élection de 2011.
Lorsqu'on examine le projet d'article 130.1 du projet de loi C-444, deux mots me viennent à l'esprit, comme vous l'avez fait remarquer à juste titre : « circonstance aggravante », telle que définie à l'article 718.2 du Code criminel.
Aux termes du code, comme vous le savez, il existe de nombreuses infractions qui amènent le tribunal à examiner la présence de circonstances aggravantes lorsqu'il prononce la peine. Par exemple, une infraction reliée à un agent de la paix constitue une circonstance aggravante, comme le fait de commettre des voies de fait contre un agent de la paix, des voies de fait contre un agent de la paix avec une arme ou le fait de commettre des voies de fait graves contre un agent de la paix. En d'autres termes, lorsque le tribunal impose une peine pour ce genre d'infraction, il doit privilégier les objectifs de dénonciation et de dissuasion.
Ce projet de loi ne traite pas directement des agents de la paix. Il parle de la personne qui prétend faussement être un agent de la paix. Cela dit — et je crois que vous avez sans doute répondu à la question — je pense que la raison à l'origine de cette modification vient du fait que les infractions reliées aux agents de la paix constituent une circonstance aggravante, puisque le délinquant a abusé de sa position d'autorité sur la victime — et j'insiste sur le mot « victime » — telle que définie à l'article 718 du code. Est-ce bien là en réalité le principe ou la raison à la base de cette modification?
M. Dreeshen : Oui, effectivement. Bien sûr, c'est là qu'il semblait y avoir une lacune. Lorsque vous examinez cet aspect, vous constatez que cela a déjà été établi, soit par le biais d'une autorité ou d'un professeur, enfin d'une personne qui est en position d'autorité. Cet élément est à lui seul une circonstance aggravante. Vous l'avez également pour un agent de police de bonne foi. S'il s'agissait d'un agent de police, bien sûr la situation serait traitée de façon différente. Oui, c'est à cause des termes que l'on retrouvait dans cette disposition.
La situation qui nous occupe est celle où une personne usurpe cette identité. C'est pour cette raison que cela ne s'appliquait pas. Cela ne faisait pas partie de l'article 718.2. Encore une fois, comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est à cause de la gravité du fait de prétendre faussement être un policier et que ce soit là le moyen utilisé pour dominer quelqu'un d'autre, c'est la raison pour laquelle nous avons choisi l'article 130.
Le sénateur McIntyre : Exactement. Autrement dit, encore une fois, l'accusé a abusé de sa position d'autorité sur la victime, telle que définie à l'article 718 du code.
Très brièvement, le projet d'article 130.1 contient les termes « en vue de faciliter la perpétration d'une autre infraction ». De quelles infractions s'agit-il? Autrement dit, cela comprend-il les infractions au Code criminel, les infractions prévues par les lois fédérales, par les lois provinciales ou ces trois catégories?
M. Dreeshen : D'après moi, ce serait les trois catégories. Il ne s'agit pas là d'une disposition impérative. Ce nouvel article donne au tribunal le pouvoir de rendre sa décision en tenant compte de ce facteur.
Le sénateur Patterson : Monsieur le président, c'est un privilège de siéger à votre comité. J'aimerais féliciter M. Dreeshen et remercier la famille Long d'être venue ici et d'avoir partagé avec nous cette histoire horrible.
J'aimerais vous poser une question qui porte sur le long parcours que vous avez suivi pour en arriver à ce projet de loi. Je pense que, lorsque vous avez déposé le projet de loi, l'article 130 du Code criminel prévoyait uniquement une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. Ce n'est que plus tard que la loi a été modifiée par notre gouvernement pour transformer le fait de prétendre faussement être un policier est une infraction mixte, ce qui porte maintenant la peine maximale à cinq ans plutôt qu'à six mois.
Maintenant que le fait de prétendre faussement être un agent de la paix est une infraction mixte qui entraîne une peine plus lourde, pensez-vous qu'il soit encore nécessaire de modifier le Code criminel pour en faire une circonstance aggravante?
M. Dreeshen : Oui, je le pense. Comme je l'ai dit, l'article 718.2 ne donne pas la certitude qui est associée avec cette mesure. Ce projet de loi fait savoir à la population la gravité de ce genre de tromperie lorsqu'elle est utilisée pour faciliter une autre infraction. Je pense que c'est bien le cas.
Vous avez parlé d'un long parcours. Je sais ce qui est arrivé sur le plan de la peine. À cette époque, elle n'était que de six mois; mais elle a été modifiée par le projet de loi S-4 qui l'a portée à cinq ans.
Nous n'avons jamais parlé en détail de la peine qui avait été imposée. C'est la raison pour laquelle j'étais si fier de pouvoir continuer ce parcours pendant la 41e législature après l'arrêt que nous avions connu avec la fin de la 40e législature. Ce projet de loi vise l'avenir. Dans la même situation, nous savons que si l'infraction est commise contre un mineur, il y a là une circonstance aggravante. Nous avons examiné tous les différents aspects de cette question. La peine de six mois était simplement l'état du droit à ce moment-là. L'idée n'était pas de revenir en arrière et d'essayer de changer quelque chose. L'idée était de modifier les choses pour l'avenir et pour faire en sorte qu'une personne qui se trouve dans ce genre de situation bénéficiera de tout l'appui dont elle a besoin. Si quelqu'un profite de ce pouvoir usurpé en prétendant faussement être agent de la paix, alors il y a quelque chose dans la loi qui traitera directement de ce cas pour que les gens puissent dire : « Ce n'était pas de ma faute; cela s'est produit parce que quelqu'un a faussement prétendu être un agent de la paix. » Cela se trouvera peut-être dans une autre loi et peut-être que, lorsque cela se produira, les gens s'adapteront, mais ils pourront toutefois dire : « C'est la raison pour laquelle cela s'est produit. » Et c'est pour cette raison que l'article 130 a été choisi.
Le sénateur Patterson : Je tiens à préciser qu'en posant ma question je ne voulais pas mettre en doute la validité de la disposition proposée.
Félicitations, vous avez reçu un large appui au Parlement et je suis sûr que vous l'obtiendrez également de la part du Sénat, d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui.
Je sais que vous regardez plutôt l'avenir que le passé, mais pouvez-vous faire des commentaires sur les discussions que vous avez eues avec cette famille au sujet du caractère approprié de la peine qui a été prononcée par le tribunal dans le cas qui concernait les infractions commises contre Jordan Long?
M. Dreeshen : Nous avons parlé de la peine — peine concurrente, peine consécutive. Nous avons parlé de tout cela et des circonstances de l'affaire. La Bibliothèque du Parlement possède un document qui décrit tous les différents aspects de la peine et mentionne ce qui a été considéré comme une circonstance atténuante ou une circonstance aggravante dans cette affaire particulière. J'ai examiné la situation qui s'était produite, mais je ne suis pas à leur place et il m'est donc difficile de dire si le chiffre retenu était le bon. Si cela avait été à moi de décider, j'aurais examiné la question de ce point de vue. Il y a eu une discussion; nous avons examiné les aspects atténuants, les aspects aggravants et la peine imposée reflétait la situation à l'époque. Nous allons de l'avant pour que le préjudice qui a été causé soit pris en compte et pour qu'à l'avenir, les autres soient davantage en sécurité.
Le sénateur Patterson : Je crois que vous pensez que la peine aurait été plus lourde si cette modification avait été en vigueur à cette époque?
M. Dreeshen : Il y a deux aspects à cette question. La différence entre six mois et cinq mois et cinq ans, je crois que cela aurait pu changer cet aspect. Pour parler franchement, lorsque vous vous rendez compte qu'il y aurait une circonstance aggravante parce que la personne est mineure, je pense que cela était déjà pris en compte, mais je ne m'intéresse pas à ce qui s'est passé. Je dis simplement — et c'est la raison pour laquelle je suis si fier de pouvoir poursuivre cette initiative — qu'il ne s'agissait pas de moi et de ma situation personnelle. C'est pour les autres, pour l'avenir, pour veiller à ce que cela soit reconnu pour ce que c'est — et aussi pour que l'article 130 fasse comprendre à la population que prétendre faussement être un agent de la paix est la principale raison de cette mesure et explique pourquoi quelqu'un est arrêté et subit un préjudice.
La sénatrice Batters : Monsieur Dreeshen, merci d'avoir présenté un projet de loi aussi important et d'avoir poursuivi votre initiative malgré ce qui se passe sur le plan politique lorsqu'on déclenche une élection. C'est une modification très importante.
Je remercie Laurie et Jordan d'être venues aujourd'hui. J'ai noté que dans vos remarques préliminaires, madame Long, vous avez mentionné que Jordan était connue comme étant la « fille de Penhold ». Je pense que la fille de Penhold sera désormais connue comme étant la fille qui a aidé à ce que l'on introduise un changement très important dans le Code criminel du Canada. C'est un très bel héritage que vous laissez là.
Monsieur Dreeshen, lorsque vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes, est-ce que Laurie et Jordan ont également eu la possibilité de prendre la parole devant ce comité?
M. Dreeshen : Oui.
La sénatrice Batters : Vous avez été suffisamment courageuse pour venir raconter aujourd'hui votre histoire, qui n'est pas facile à raconter, et j'espère que cela vous aidera à poursuivre votre guérison. Je sais que cela s'est produit il y a quelques années, mais j'espère que cela va vous aider.
Monsieur Dreeshen, le projet de loi vise les agents de la paix et les fonctionnaires publics. Il me semble que vous avez peut-être ajouté la notion de fonctionnaire public parce que la disposition viserait ainsi expressément le fait de se prétendre faussement être un membre de la GRC alors qu'agent de la paix employé seul n'aurait peut-être pas cet effet. Est-ce bien exact?
M. Dreeshen : Oui, c'est exact. Comme je l'ai mentionné, nous nous sommes inspirés du projet de loi C-576. Au cours d'autres discussions — et c'est la raison pour laquelle il est important de revoir cette disposition — il a été décidé d'inclure les deux catégories pour relier la modification à la formulation de l'article 130, qui parle des deux. C'est la raison pour laquelle cela a été inclus et le libellé modifié. La disposition aurait quand même visé ce que nous souhaitions. C'est l'avis que j'ai eu à l'époque, mais nous avons revu tout cela encore une fois d'un autre point de vue et en ayant davantage d'expérience avec ce processus.
La sénatrice Batters : Dans le cas de Jordan, la personne en question prétendait faussement être un agent de la GRC; c'est pourquoi il est bien évidemment très important de veiller à ce que cette possibilité soit incluse.
Encore une fois, félicitations pour le travail que vous avez fait dans ce domaine et je vous remercie d'être venu aujourd'hui.
M. Dreeshen : Merci.
Le sénateur Baker : Nous avons tellement modifié le code, monsieur Dreeshen, que, si vous regardez l'expression « fonctionnaire public » dans le Code criminel et voyez la définition, toutes les personnes qui sont visées par la définition de fonctionnaire public sont également définies comme étant des « agents de la paix »; toutes, parce que le code parle d'« officier de police ».
En d'autres termes, le sénateur Dagenais, qui est bien connu dans ce pays parce qu'il a occupé un des plus hauts postes qu'un policier peut occuper dans la province de Québec, est visé en tant qu'agent de la paix. Il n'est pas visé à titre de fonctionnaire public, selon le Code criminel, mais tout le reste l'est.
Voici la remarque que je voulais faire, monsieur Dreeshen : je comprends maintenant pourquoi vous avez présenté cette modification de cette façon, parce que si l'on examine les affaires albertaines, par exemple, on constate que l'article 130 du Code criminel est une infraction qui habituellement est concurrente; la peine est une peine concurrente avec les autres infractions et par conséquent, n'entraîne pas une peine à son seul titre. À l'heure actuelle, le fait qu'une personne prétende faussement être un policier et pour d'autres infractions est une circonstance aggravante, c'est ce que vous faites ici. Le projet de loi garantit désormais que c'est une circonstance aggravante qui est centrée sur la perpétration de l'infraction prévue à l'article 130 du Code criminel, qui est l'élément clé de tout ceci.
À première vue, lorsque j'examine la disposition, je pense qu'il y a des problèmes, mais après avoir écouté vos explications, je dois dire que cela semble assez logique. Le problème qui apparaît si l'on examine la disposition et son libellé est qu'une personne pourrait se voir infliger une peine pour une infraction qu'elle n'a pas commise parce que cela serait inconstitutionnel. Votre point de vue est que, dans la perpétration de l'autre infraction, si la personne est déclarée coupable aux termes de l'article 130, alors automatiquement, quelle que soit l'infraction, cela est considéré comme une circonstance aggravante. Je vous remercie.
M. Dreeshen : Merci.
Le président : Voulez-vous ajouter quelque chose avant de terminer?
Au nom du comité, monsieur Dreeshen, je vous remercie pour votre excellent travail et pour les réponses que vous avez fournies aujourd'hui aux questions des membres du comité.
Madame Long et Jordan, je pense que les membres du comité vous ont bien montré combien nous avons apprécié votre comparution ici aujourd'hui et le courage dont vous avez fait preuve. Encore une fois, je vous remercie pour votre contribution à nos délibérations. Nous l'apprécions énormément.
Pour notre deuxième panel, j'aimerais présenter Kevan Stuart, surintendant du Service de police de Calgary, et Michael Spratt qui représente la Criminal Lawyers' Association, une personne qui a déjà comparu devant le comité — je suis heureux de vous revoir. Je crois que vous souhaitez tous les deux faire des déclarations préliminaires.
Monsieur Spratt.
Michael Spratt, représentant, Criminal Lawyers' Association : Je comparais aujourd'hui pour le compte de la Criminal Lawyers' Association, qui, comme vous le savez peut-être, est un organisme à but non lucratif fondé le 1er novembre 1971. La CLA, c'est ainsi que nous la désignons, regroupe plus de 1 200 avocats de la défense, dont la plus grande partie pratique en Ontario, mais nous avons des membres qui viennent de toutes les régions du pays.
La CLA s'est vu accorder la qualité pour agir en appel dans d'importantes affaires pénales, ainsi que dans d'autres instances judiciaires. Par exemple, nous avons obtenu la qualité pour agir et nous avons participé aux travaux de la Commission qui examinait le cas de Guy Paul Morin, également connu sous le nom d'enquête Kaufman. Nous avons également obtenu la permission d'intervenir dans de nombreux appels entendus par la Cour d'appel de l'Ontario, et dans d'autres appels devant la Cour suprême du Canada.
La CLA est régulièrement consultée par divers comités parlementaires, comme le vôtre, pour que nous présentions notre point de vue sur les projets de loi touchant le droit pénal et le droit constitutionnel. La CLA appuie par principe les projets de loi qui sont nécessaires, de portée modeste, équitables, constitutionnels et qui sont étayés par des éléments de preuve.
J'aurais commencé en remerciant le comité de nous avoir invités à présenter des commentaires sur ce projet de loi. L'étude détaillée d'un projet de loi et son évaluation par le Sénat est une mesure extrêmement utile et nous sommes toujours heureux de comparaître pour présenter notre opinion.
J'aimerais commencer par reconnaître que ce projet de loi ne contient pas certains éléments contestables de certaines politiques qui nous ont fait problème par le passé et qui ont été déclarés inconstitutionnels — par exemple les peines minimales obligatoires — et je crois qu'il y a lieu de se féliciter du fait que ce projet de loi a une portée mesurée. Cette mesure législative soulève néanmoins certaines préoccupations, et je crois que ce sont des préoccupations qui méritent d'être examinées.
Nous sommes bien sûr favorables à l'intention du projet de loi, mais nous remettons en question sa nécessité. Tout simplement, notre position est que, compte tenu de la jurisprudence, cette mesure législative n'est pas nécessaire.
Je sais que le projet de loi a été rédigé à la suite de la perpétration d'un crime en Alberta dans lequel l'accusé a prétendu faussement être un policier, il a enlevé et tragiquement agressé sexuellement une jeune fille — un crime horrible, il est vrai, et le tribunal qui a imposé la peine en a tenu compte. Finalement, je crois savoir que l'auteur de l'infraction a été condamné à 18 ans de prison pour cette infraction.
L'immense majorité des infractions où l'accusé s'est fait passer pour un policier, en particulier lorsque cela a pour but de faciliter la perpétration d'une autre infraction, sont punies de façon appropriée et avec sévérité.
À notre avis, l'ajout de la circonstance aggravante proposé n'est vraiment pas nécessaire. Il peut y avoir de nombreuses circonstances aggravantes. La liste est en fait infinie, lorsqu'on y pense. Il n'est vraiment pas nécessaire d'énumérer toutes les circonstances aggravantes possibles. Je dirais simplement que les tribunaux l'ont déjà compris.
En 1992, la Cour d'appel de l'Alberta a confirmé à la fois la peine et la condamnation dans une affaire intitulée Minaker. Elle se trouve dans le journal de l'Alberta numéro 863. L'affaire Minaker concernait une situation de fait semblable à celle qui est à l'origine du projet de loi, dans laquelle une personne s'était fait passer pour un policier et avait commis une agression sexuelle. Dans cette affaire, qui remonte à 1992, le tribunal a finalement imposé une peine de sept ans de prison; mais, l'aspect important est que la Cour d'appel de l'Alberta a déclaré ce qui suit :
Il existe de nombreuses circonstances aggravantes; le fait que l'infraction ait été soigneusement planifiée; l'existence d'une condamnation antérieure pour une infraction semblable même si elle était moins grave; l'enlèvement en pleine rue de la victime dans le but de la violer; le fait de lui avoir mis des menottes, le fait de se faire passer pour un policier pour rassurer la victime pendant qu'elle était enlevée et les menaces faites contre la victime et ses enfants [...]
Les tribunaux reconnaissent déjà que le fait de prétendre faussement être un policier est une circonstance aggravante, et c'est la raison pour laquelle nous affirmons qu'il n'est pas nécessaire de légiférer une pratique existante. Le Code criminel est une loi longue et complexe. Je l'ai devant moi sur mon bureau et j'ai en fait du mal à le soulever avec ma main gauche. Je ne sais pas si cela vient de la faiblesse de mon bras ou du volume du code, mais il est très gros; je crois que nous pouvons tous en convenir.
Nous estimons que nous devrions nous efforcer de rationaliser et de simplifier le Code criminel. Lorsqu'on ajoute de la complexité au code, cela augmente les coûts et complique les instances. Il y a bien sûr le fait que nul n'est censé ignorer la loi et le fait qu'ajouter des dispositions complexes au code va à l'encontre de cet important principe.
Je dirais tout simplement que, si l'intention à l'origine du projet de loi est louable, celui-ci n'aura guère d'effet pratique devant les tribunaux, mais il alimentera la tendance qui consiste à augmenter la complexité du droit pénal.
D'après certains commentaires, le projet de loi va aider à prévenir la perpétration de certaines infractions ou va dissuader certaines personnes de les commettre. Je ne pense pas que ce soit là l'objet principal du projet de loi, mais certains commentateurs ont déclaré que ce pourrait être là un des effets de cette mesure. J'aimerais réfuter cette idée. Toutes les études indiquent que l'alourdissement des peines n'a aucun effet dissuasif. C'est la certitude d'être arrêté, et non pas la certitude d'être puni, ni la gravité de la punition qui importe. Je n'ai vu aucun élément, que ce soit devant le Sénat ou devant la Chambre, qui indique le contraire et je possède des études auxquelles je peux vous référer si vous le souhaitez.
Un autre sujet de préoccupation pourrait être l'application concrète de cet article. Premièrement, je constate que le projet d'article 130.1 fait suite à l'article 130 et ne se trouve pas à l'article 718, où l'on trouve les circonstances aggravantes habituelles.
Un autre aspect préoccupant est que cette circonstance aggravante s'applique lorsque quelqu'un se fait passer pour un agent de la paix dans le but de commettre une infraction. Cela veut dire que, même si l'accusé est acquitté de cette autre infraction — ou de l'infraction consistant à s'habiller comme un policier, par exemple, pour faciliter la perpétration de celle-ci — même si cette personne a été déclarée non coupable de cette infraction, la peine aggravée aux termes du projet de l'article 130.1 risque de s'appliquer — ce qui revient à punir l'accusé pour une infraction dont il a été déclaré non coupable, ce qui me paraît être contraire aux principes du droit pénal.
En fin de compte, nous avons un projet de loi qui reflète d'excellentes intentions. Les preuves ne permettent pas d'affirmer que ce projet de loi réduira la criminalité de sorte qu'en fin de compte, d'après moi, il s'agit d'un projet de loi qui traite pour l'essentiel des peines.
Les preuves indiquent que, lorsqu'on examine les infractions prévues à l'article 130, le fait de se faire passer pour quelqu'un d'autre est habituellement relié à la perpétration d'une autre infraction; les tribunaux imposent de lourdes peines dans ce genre d'affaires, même s'ils ne mentionnent pas expressément qu'il s'agit là d'une circonstance aggravante; mais surtout, les tribunaux reconnaissent déjà, par l'application de la common law, qu'il s'agit là d'une circonstance aggravante. Il est tout simplement inutile d'ajouter cette complexité au Code criminel, compte tenu des effets nuisibles qu'entraîne une complexité accrue.
Le président : Merci, monsieur Spratt.
Monsieur Stuart.
Kevan Stuart, surintendant, Service de police de Calgary : Je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui. Je voulais qu'on m'invite à comparaître pour donner le point de vue des policiers au sujet des changements apportés par le projet de loi. Je ne serai peut-être pas aussi éloquent que M. Spratt, mais je serai un peu différent.
Je me suis levé aujourd'hui et j'ai sans doute rencontré une douzaine de personnes nouvelles depuis que je suis arrivé à Ottawa ce matin. Les personnes qui travaillent dans le restaurant, celles qui travaillent pour le service de sécurité et certaines qui sont ici. Parmi les 12 personnes que j'ai rencontrées, il n'y en a probablement que deux qui étaient stressées lorsqu'elles m'ont rencontré et c'étaient Laurie et Jordan Long. Je ne les avais jamais rencontrées et elles ne m'avaient jamais vu, mais lorsque je me suis identifié comme étant un policier, j'ai pu constater qu'elles étaient très stressées dans le vestibule.
C'est un des effets à long terme qui peuvent se produire. Les services de police ne produisent pas des biens manufacturés ou des ressources naturelles. Nous produisons un bien qu'on appelle la confiance de la population, comme dans n'importe quel service public. Lorsque la confiance de la population a été trompée ou compromise, le bien que nous offrons à la société perd de sa valeur et cela a un effet négatif sur notre capacité à faire notre travail et sur le caractère légitime de celui-ci.
La confiance du public vient de notre capacité à faire notre travail et à servir la société — les gens qui ont cette confiance en nous — de la meilleure façon possible. Notre autorité vient de la confiance du public. Elle nous donne le pouvoir de faire notre travail et de servir la société. Cette autorité vient du caractère légitime et légal de notre travail. C'est ce dont il s'agit ici : la légitimité et la légalité du service fourni par les policiers et les corps policiers à la société, de la meilleure façon possible.
Le fait de se présenter faussement comme policier vise habituellement à obtenir un avantage — un avantage sur le plan de l'information. Quelqu'un pourrait se faire passer pour un policier pour simplement arrêter une voiture pour obtenir des renseignements, pour une raison ou une autre, sur la personne qui conduit le véhicule. Ce pourrait être également pour obtenir un avantage physique sur la victime. Cela pourrait être également pour obtenir un avantage psychologique sur la victime.
Le fait de se faire passer faussement pour un policier est une opération sophistiquée; bien souvent, il faut se procurer de l'équipement comme un véhicule et il faut le modifier pour qu'il ressemble à une voiture de police — uniformes, vêtement. Ce pourrait être une personne en blue jean et en t-shirt ou une personne qui porte un costume qui a simplement obtenu quelque chose qui ressemble à un insigne de police. Je pourrais simplement dire « Je suis un policier » et quelqu'un me croirait et me donnerait sa confiance pour que je le protège.
Les policiers ont une obligation : l'obligation de prendre soin des citoyens. C'est l'obligation de prendre soin des personnes qui sont sous notre garde, ainsi que des personnes qui sont détenues et arrêtées. Nous sommes chargés de répondre à leurs besoins émotionnels, mentaux et physiques ainsi que de respecter nos obligations légales. La société est convaincue que nous agissons de cette façon.
Comme le sénateur Dagenais l'a déclaré, nous inculquons très tôt chez nos jeunes l'idée qu'il faut en cas de besoin s'adresser aux policiers et aux corps policiers et c'est vers eux qu'il faut aller si vous n'avez pas d'autres solutions et c'est là qu'intervient la confiance du public. C'est le bien que nous fabriquons.
Il faut donc planifier en détail l'opération consistant à se faire passer pour un policer. Ce n'est pas un crime de situation; c'est un crime qui exige une bonne planification. Certains aspects sont complexes.
Nous avons vu en Alberta et à Calgary des personnes qui se font passer pour des policiers pour obtenir des renseignements. Elles interceptent un véhicule pour savoir qui se trouve à l'intérieur. La société fait confiance à l'information qui se trouve entre les mains de la police. Nous avons en Alberta une loi très stricte sur le respect de la vie privée et la liberté de l'information. Les policiers doivent rendre des comptes lorsqu'ils ne respectent pas les règles en matière de protection de la vie privée. Pour obtenir ces renseignements privés, il suffit d'intercepter un véhicule, de demander au conducteur son permis de conduire, la carte d'immatriculation du véhicule et l'assurance. Il est ainsi possible de se procurer des renseignements privés que l'on peut utiliser par la suite.
On trouve dans les dossiers relatifs au crime organisé des gens qui se font passer pour des policiers. Nous avons effectué des perquisitions dans des résidences et des locaux du crime organisé et nous y avons trouvé des vestes pare-balles, des matraques, des insignes de police et des uniformes. Ils s'en servent pour commettre d'autres crimes. Par exemple, nous le voyons avec les cambriolages de résidences. Il y a eu à Calgary de nombreux cambriolages de résidences au cours desquels, en pleine nuit, des membres du crime organisé sont entrés dans des résidences et ont commis d'autres crimes comme des vols qualifiés ou des agressions. Il arrive souvent qu'ils n'aient pas eu à entrer de force dans ces résidences. Ils y ont pénétré en s'identifiant comme étant des policiers. C'est une façon de pénétrer dans une résidence.
Au Canada, la police effectue son travail avec le consentement de la population. Ce n'est pas la police qui dit à la société comment elle va faire son travail; c'est la société qui lui dit comment elle souhaite que les services de police soient fournis. Là encore, cela met en cause la confiance de la population. Et quand cette confiance est compromise, et que les gens ne savent plus qui est un policier et qui ne l'est pas, alors cette confiance disparaît. Il est alors pour nous beaucoup plus difficile de faire notre travail légitime, de servir légitimement la société, de la façon dont elle souhaite et mérite être servie.
Le président : Merci. Je vais commencer les questions avec le vice-président du comité.
Le sénateur Baker : J'aimerais remercier les deux témoins et dire dès le début que M. Stewart a présenté des faits très intéressants qui appuient la modification apportée au Code criminel que nous étudions aujourd'hui. J'aimerais toutefois poser une question. Je ne veux pas faire un commentaire à ce sujet; je veux simplement savoir ce qu'il pense, parce que c'est un spécialiste du droit pénal.
Si je vous ai bien compris, monsieur Spratt, vous dites qu'à l'heure actuelle, en Alberta, vous avez cité la Cour d'appel de l'Alberta — si quelqu'un se fait passer pour un policier et commet une infraction comme des voies de fait ou une agression sexuelle, cela constitue une circonstance aggravante pour ce qui est de la peine; ce serait une circonstance aggravante influant la peine prononcée en raison de l'article 718.2 du Code criminel. Est-ce bien exact?
M. Spratt : Oui, c'est le droit en Alberta et dans l'ensemble du Canada par l'effet de la common law. J'aurais beaucoup de mal à soutenir qu'une telle circonstance n'est pas une circonstance aggravante.
Bien sûr, les circonstances aggravantes sont énumérées à l'article 718.2 — cette liste n'est pas exhaustive. Si c'est un facteur aggravant dans l'affaire en question, alors oui, je dirais que le fait de se faire passer pour un policier serait considéré actuellement, non seulement en Alberta, mais dans l'ensemble du Canada, comme une circonstance aggravante pour déterminer la peine.
Le sénateur Baker : C'est à cause de la rédaction de la version anglaise de l'article 718.2 qui contient au début des paragraphes énumérés, l'expression « without limiting the generality of the foregoing » (sans limiter la portée de ce qui précède). Ce sont là les mots exacts de la version anglaise. De sorte que si vous examinez la jurisprudence, vous constatez que le fait de prétendre faussement être un policier pour perpétrer une infraction principale comme des voies de fait ou une agression sexuelle est considéré par le tribunal comme une circonstance aggravante au moment d'imposer la peine relative à l'infraction principale.
M. Spratt : Oui. En outre, en se fondant sur ce qu'a déclaré M. Stuart, le fait de commettre une infraction sur une victime particulièrement vulnérable est également une circonstance aggravante. S'il existe des éléments indiquant que la confiance de la population dans la police est compromise ou que la confiance de la victime en question dans la police est compromise, cela serait une circonstance aggravante supplémentaire, tout comme le fait de commettre une infraction en abusant de la confiance de la victime ou de son autorité sur elle.
Je dirais que la Couronne aurait tout à fait raison de soutenir que le fait de se faire passer pour un policier touche la confiance et les pouvoirs qui sont attribués aux policiers et dont ils dépendent. C'est pourquoi je pense que cela serait une circonstance aggravante dans l'ensemble du Canada pour une multitude de raisons.
Le sénateur Baker : Oui, c'est ainsi que je comprends également la jurisprudence. C'est tout à fait comme vous le dites. Le projet de loi tente de faire autre chose, comme vous l'avez fait remarquer : il énonce que, si vous êtes déclaré coupable aux termes de l'article 130 d'avoir prétendu faussement être policier, il y a une présomption à savoir que vous l'avez fait pour commettre une autre infraction.
Bien sûr, une telle présomption n'est pas inhabituelle dans le Code criminel. Prenez l'introduction par effraction avec l'intention de commettre un acte criminel. L'introduction par effraction n'est pas une infraction; il faut qu'il y ait l'intention de commettre un acte criminel. Il y a une présomption. Mais pour la deuxième partie de l'article 384, on peut lire « en l'absence de preuve contraire ». Il y a une disposition d'exception tout comme à l'article 253, pour la conduite avec les facultés affaiblies, il y a la même présomption.
Vous dites qu'une personne pourrait être déclarée coupable de l'infraction prévue à l'article 130 — prétendre faussement être un policier —, mais innocente de l'autre infraction dont elle est accusée. Selon la formulation de la disposition, le tribunal devrait alors considérer qu'il y a une circonstance aggravante pour l'infraction de l'article 130 et donc alourdir la peine imposée pour une infraction que cette personne n'a pas commise. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Spratt : Tout à fait. La peine pourrait être augmentée, même si la personne était acquittée de l'infraction principale qu'elle voulait commettre en se déguisant en policier. Le problème est que la peine pourrait être augmentée en se basant sur un objet ou une tentative qui ne constituerait pas nécessairement une infraction indépendante.
Le sénateur Baker : De sorte qu'en droit, vous ne pouvez pas être déclaré coupable d'une infraction que vous n'avez pas commise.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Spratt, je vous ai écouté, et premièrement, il est certain qu'un nouveau projet de loi peut comporter certaines imperfections. Toutefois, lorsqu'un nouveau projet de loi est déposé, c'est pour améliorer les lois qui sont en place. Quant à moi, celui-ci représente une nette amélioration par rapport à la loi actuelle.
Vous avez mentionné aussi que le projet de loi a pour but parfois de rendre complexe l'application de la justice, et que ce sera plus compliqué. Donc, indirectement, vous mentionniez que les lois devraient être plus simples dans leur application. Mais ne pensez-vous pas que le fait de simplifier les lois se ferait nécessairement au détriment des victimes?
[Traduction]
M. Spratt : Je pense que la simplification du Code criminel est une opération qui permet d'atteindre plusieurs objectifs très importants. Les tribunaux peuvent ainsi fonctionner en appliquant des principes généraux et en imposant ainsi la peine appropriée. Cette simplification permet également, lorsque nous disons que les gens connaissent le Code criminel, que les gens le comprennent, qu'il est possible d'appliquer cette présomption.
Ce qu'il convient d'éviter, à mon avis, c'est d'ajouter des lois et de légiférer sur toutes les possibilités imaginables. Par exemple, on peut penser à un grand nombre de circonstances aggravantes. Il n'est pas nécessaire que la loi dise que tel élément constitue une circonstance aggravante. Bien évidemment, il ne faudrait pas que la loi déclare que certains facteurs sont aggravants et que d'autres ne le sont pas et peut-être renforcer l'importance de certains pour réduire l'importance d'autres circonstances aggravantes, ce qui est la raison pour laquelle je dirais que ce droit est très clair au Canada. La Cour d'appel de l'Alberta a bien raisonné et elle a appliqué correctement le droit.
C'est la raison pour laquelle je mets en doute la nécessité de ce projet de loi, étant donné qu'il n'existe pas de preuve indiquant qu'il y a là un problème récurrent ou que les tribunaux n'ont pas fait de cette circonstance, une circonstance aggravante.
Le sénateur McIntyre : Messieurs, merci pour vos exposés. Comme nous le savons tous, l'article 130 est une infraction mixte, ce qui veut dire que la Couronne peut procéder par déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou par voie de mise en accusation. Si elle procède de cette dernière façon, l'infraction est punissable par une peine de cinq ans d'emprisonnement.
Il existe d'autres infractions mixtes, comme le vol d'identité, cinq ans; la fraude liée à l'identité, 10 ans, et la liste continue.
J'estime que la raison pour laquelle l'article 130 a été transformé en infraction mixte était que l'on voulait que la peine maximale associée au fait de se prétendre faussement un policier soit conforme à celle des autres infractions mixtes, comme le vol d'identité, la fraude à l'identité, de façon à mieux refléter la gravité de l'infraction.
Cela dit, le projet d'article 130.1 du projet de loi C-444 va plus loin. Comme vous l'avez tous les deux fait remarquer à juste titre, il contient les mots « circonstance aggravante » dont le tribunal doit tenir compte pour déterminer la peine, et ceci est à mon avis tout à fait conforme au sous-alinéa 718.2(iii), qui énonce :
iii) que l'infraction perpétrée par le délinquant constitue un abus de confiance de la victime ou un abus d'autorité à son égard.
La raison de cette disposition est qu'il s'agit ici d'agents de la paix et qu'à l'heure actuelle, une infraction reliée à un agent de la paix constitue une circonstance aggravante, comme les voies de fait commises contre un agent de la paix, l'agression armée contre un agent de la paix, ou le fait de causer des lésions corporelles ou de commettre des voies de fait graves contre un agent de la paix.
La raison pour laquelle les mots « circonstance aggravante » figurent dans le projet de loi est pour établir un lien avec l'article 718.2. Qu'en pensez-vous?
M. Spratt : Cela semble effectivement être le cas. Encore une fois, je tiens à préciser très clairement dans mes remarques que faire une circonstance aggravante du fait de se faire passer pour un agent de la paix n'est nullement inapproprié. Cette disposition n'a rien d'inconstitutionnel. Sur certains points, cette disposition a une portée limitée et plus modeste que d'autres mesures législatives que j'ai examinées.
Le sénateur McIntyre : Vous ne pensez pas qu'elle a pour but de préciser le libellé de cette disposition législative?
M. Spratt : Je pense que cette précision existe déjà. Je pense qu'il est clair, avec l'article 718, que le fait d'abuser d'une position de confiance ou d'autorité — et j'estime que cela comprend le fait d'abuser d'une position apparente de confiance et d'autorité — constitue une circonstance aggravante parmi la liste des circonstances aggravantes et vous avez tout à fait raison, cela relie ces deux dispositions.
Il serait également important de noter que, lorsqu'il s'agit de choisir entre procéder par mise en accusation ou par déclaration sommaire de culpabilité pour l'infraction, ce choix dépend de la perpétration d'autres infractions. Cette infraction était-elle reliée à une autre infraction, et de quelle gravité? En outre, le projet de loi ne limite aucunement le pouvoir discrétionnaire des tribunaux et les juges qui déclarent l'accusé coupable d'avoir prétendu faussement être un agent de la paix et d'avoir commis d'autres infractions ont toujours le pouvoir de déclarer que les peines seront purgées de façon consécutive.
Je pense que vous avez raison; cela relie ces deux aspects. Il faut alors se demander lorsqu'on ficèle le paquet, s'il faut vraiment faire un double nœud ou si nous n'avons pas déjà ce dont nous avons besoin par l'effet de la common law?
Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Spratt.
Monsieur Stuart, voulez-vous commenter?
M. Stuart : Lorsque les choses commencent vraiment à démarrer devant le tribunal, je crois qu'à l'heure actuelle, c'est probablement un aspect qui se négocie entre le poursuivant et l'avocat de la défense pour ce qui est des autres infractions pénales qui ont été commises. À l'heure actuelle, je crois que c'est un argument de négociation en vue d'obtenir un plaidoyer de culpabilité; les parties n'examinent pas véritablement la gravité que représente le fait de prétendre faussement être un policier ou un agent de la paix.
J'ai été heureux d'entendre M. Spratt dire qu'il fallait simplifier le Code criminel, parce qu'il est très complexe. Il ne s'agit pas simplement de simplifier la législation. Il faut également simplifier la façon dont elle est utilisée. Les complications que nous rencontrons viennent du grave problème que pose la communication de la preuve et qui existe dans l'ensemble du pays pour ce qui est de porter les affaires devant les tribunaux. Nos problèmes viennent des règles en matière de perquisition et de saisie, qui compliquent le travail des policiers au Canada.
Pour nous, ce n'est pas très compliqué. C'est ce qui arrive après le dépôt des accusations qui l'est. C'est là où les complications de notre système le ralentissent vraiment, nous coûtent beaucoup d'argent et de temps et nous voulons correctement servir les personnes qui nous ont donné leur confiance pour que nous le fassions.
La sénatrice Frum : Monsieur Stuart, vous, et en fait mon collègue, le sénateur Dagenais, avez parlé de façon très éloquente et très claire du préjudice qui découle de ces situations et de la raison pour laquelle le projet de loi est si important pour éviter les répercussions d'une perte de confiance dans les figures d'autorité. Cela m'amène à réfléchir et à essayer de comprendre toute cette question. Dans le cas où un véritable agent de la paix commet une infraction, est-ce que cela est considéré comme une circonstance aggravante, s'il a utilisé sa position d'autorité?
M. Stuart : Oui. Il y a une accusation prévue par le Code criminel, abus de confiance. Aux termes du Police Act — et je parle pour l'Alberta, mais je pense que cela vaut également pour les autres provinces et territoires — vous devez rendre des comptes. Le Police Act permet de porter de nombreuses accusations, par exemple, pour abus de confiance, corruption et le reste; mais la personne qui commet une infraction doit également rendre des comptes aux termes du Code criminel du Canada.
À Calgary, il y a, à l'heure actuelle, un de nos membres qui a été traduit devant les tribunaux pour une telle accusation.
Dans le poste que j'occupais avant celui-ci, où je ne suis en fonction que depuis trois mois, j'étais responsable de l'unité des normes professionnelles des affaires internes du Service de police de Calgary qui est chargée de faire enquête sur les allégations d'inconduite policière. Nous prenons ces choses très sérieusement et exigeons que nos officiers respectent des normes très strictes. Ils le savent lorsqu'ils entrent dans la police. Oui, il y a des policiers qui violent le Code criminel et abusent de cette confiance et leur conduite est jugée par rapport à cette norme très stricte. Ils font l'objet d'une enquête pour abus de confiance et certains d'entre eux font l'objet d'accusations.
La sénatrice Frum : Quel est l'ordre de grandeur des peines les plus fortes imposées dans ce genre d'affaires? Qu'est-ce qui serait ajouté à la condamnation ou à la peine infligée à l'accusé?
M. Stuart : Cela dépend de chaque affaire.
La sénatrice Frum : Cela est-il conforme à ce que nous avons ici?
M. Stuart : Oui, on parlerait d'une peine d'emprisonnement et bien sûr, de perdre son emploi. C'est une accusation très grave.
La sénatrice Batters : Merci tous les deux d'être venus.
Monsieur Spratt, vous avez fait un commentaire qui a piqué ma curiosité. Vous disiez que, même lorsque l'accusé est acquitté de l'infraction commise au moment où il se faisait passer pour l'agent de la paix ou un fonctionnaire public, sa peine serait aggravée. La peine porterait sur quoi? S'il a été acquitté, il n'y aurait pas de condamnation permettant d'infliger une peine.
J'ai ensuite examiné de plus près la modification proposée et celle-ci commence, dans la version anglaise, de la façon suivante : « If a person is convicted of an offence under section 130 », (la personne déclarée coupable d'une infraction prévue à l'article 130) prétendre faussement être un agent de la paix, « the court imposing the sentence », (le tribunal qui détermine la peine à infliger) et cetera. Cette modification exige donc que l'accusé ait été déclaré coupable de s'être fait passer pour un agent de la paix et cette infraction est à elle seule très grave. Même si l'accusé était acquitté d'une accusation d'agression sexuelle ou de quelque chose du genre, le fait qu'il ait prétendu faussement être un agent de la paix pour avoir accès à la victime, ce seul fait justifie de lui imposer une peine supplémentaire et suffit à fonder la déclaration de culpabilité. Ne pensez-vous pas que cela est une façon équitable de procéder?
M. Spratt : Aux termes de l'article 130, vous pouvez être accusé d'avoir prétendu faussement être un policier. Je parle de policier parce que c'est le cas habituel. Il pourrait être allégué que vous l'avez fait pour faciliter une introduction par effraction ou une autre infraction.
La personne pourrait être acquittée de cette autre infraction, l'introduction par effraction, mais être néanmoins déclarée coupable aux termes de l'article 130 pour avoir faussement prétendu être un policier. Dans un tel cas, la personne serait, selon le droit actuel, punie d'après les faits présentés au juge pour l'infraction prévue à l'article 130, conformément à la procédure choisie et aux circonstances de l'infraction.
Avec la modification, l'accusé serait puni pour le fait de s'être déguisé en policier, et ensuite, sa peine serait alourdie encore une fois pour s'être fait passer pour un policier même s'il a été acquitté de l'élément « en vue de faciliter la perpétration d'une autre infraction ». L'accusé pourrait donc être acquitté de l'autre infraction, déclaré coupable d'avoir prétendu faussement être un policier et une peine lui serait imposée; mais avec le projet de loi, il serait possible que l'accusation dont l'accusé aurait été acquitté ou déclaré innocent puisse aggraver la peine imposée pour le chef d'accusation dont il a été déclaré coupable.
La sénatrice Batters : Je pense que je ne souscris pas à cette interprétation parce qu'il me semble, qu'en réalité, cette disposition aurait, dans ce genre de cas particulier dans lequel la personne est acquittée d'une infraction, mais déclarée coupable de celle qui est prévue à l'article 130, pour effet d'augmenter cette peine qui, à l'heure actuelle, n'est pas très sévère.
M. Spratt : Je dirais qu'il est bien sûr toujours possible de ne pas s'entendre sur une interprétation, mais c'est ce que je voulais faire ressortir. C'est là un exemple de la complexité dont je parlais. Cela va susciter des litiges alors qu'à mon avis il n'est pas nécessaire d'introduire une telle complexité, des litiges, l'augmentation des coûts, si l'on pense que dans l'immense majorité des cas — et en fait des cas que j'ai examinés avant de venir ici — les tribunaux n'hésitent aucunement à reconnaître qu'il s'agit là d'une circonstance aggravante et d'imposer de lourdes peines. Même si l'on remonte en 1992, avant qu'il soit reconnu qu'il convenait d'imposer des peines plus fortes pour les infractions de nature sexuelle, les tribunaux ont imposé des peines très lourdes.
La sénatrice Batters : Vous disiez plus tôt que vous n'étiez pas sûr qu'il était vraiment nécessaire de faire un double nœud, mais je dirais qu'il est nécessaire de faire un double nœud pour protéger la sécurité de la population, dans ce cas-ci, pour que les victimes puissent se faire entendre plus clairement. Ce n'est pas une mauvaise chose. Je pense particulièrement aux victimes aujourd'hui, parce que notre gouvernement va présenter une mesure législative importante à ce sujet, la déclaration des droits des victimes.
Merci d'avoir comparu devant le comité.
M. Spratt : Je ferai un seul bref commentaire; lorsque nous parlons de la sécurité de la population, il est important de regarder les preuves empiriques. Je serais heureux de communiquer certaines de ces études au comité. Il y en a une, qui est toute récente, qui traite de l'aspect sécurité de la population et ce projet de loi ne semble pas pouvoir véritablement la renforcer. Il va peut-être aggraver les peines en fin de compte, mais il est peu probable qu'il y ait d'autres infractions aux termes de cet article.
Encore une fois, comme les études semblent l'indiquer, ce n'est pas la peine finalement imposée, ni même la certitude d'être puni qui importe; c'est davantage la certitude d'être arrêté. Ce projet de loi ne traite pas de l'arrestation; il traite de la peine finale. Je crois qu'on peut se demander si ce projet de loi va véritablement renforcer la sécurité de la population, mais il va certainement alourdir les peines.
La sénatrice Batters : À mon avis, si l'accusé demeure en prison plus longtemps, il ne pourra commettre d'autres infractions graves et, je dirais que cela protège bien la population.
Le président : J'aimerais poser une question supplémentaire au surintendant.
Je regardais des articles de journaux qui venaient de Calgary et il semble qu'il ne soit pas rare que des gens se fassent passer pour des policiers; vous avez connu un certain nombre d'affaires de ce genre ces derniers temps. Je me demande si vous partagez le point de vue de M. Spratt à ce sujet. Je pense que ce n'est pas le cas. Il soutient, je crois, devant le comité que ce problème est suffisamment circonscrit par les dispositions actuelles et que les tribunaux en tiennent compte. J'ai l'impression que votre point de vue est différent.
M. Stuart : Mon point de vue est très proche de celui du député qui a présenté le projet de loi ainsi que celui de la sénatrice Batters. Le fait de se faire passer pour un policier est un crime grave, qui est habituellement relié à la perpétration d'autres infractions. Cependant, si l'accusé est acquitté d'un de ces crimes, cela ne veut pas dire qu'il ne l'a pas commis, mais qu'il les a préparés en commettant le premier crime consistant à se faire passer pour un policier. S'il n'avait pas eu accès à certains renseignements ou exercé des pressions physiques ou psychologiques sur la victime, il n'aurait pas été en mesure de commettre le crime. En violant cette disposition, cela devient un élément dont il faut tenir compte.
Le sénateur Meredith : Merci, messieurs, pour vos exposés.
Monsieur Spratt, vous avez déclaré que ce projet de loi n'était pas en fait nécessaire et que l'article 130 permettait déjà d'imposer une peine aux personnes qui se font passer pour un agent de la paix ou un policier.
Que diriez-vous alors aux victimes pour dissiper leurs craintes? Par exemple, Jordan, qui était là il y a un moment, a affirmé qu'il y avait suffisamment de lois qui s'appliquaient à ce genre de situation. Que diriez-vous aux personnes comme Jordan et aux autres auxquelles s'adresse cette mesure législative au sujet des personnes qui se font passer pour des policiers?
M. Spratt : La première chose que je dirais aux victimes, en particulier pour ce qui est de cet article du Code criminel, est que leurs préoccupations sont tout à fait valides. Bien sûr, je pense que les infractions qui sont commises par une personne qui se fait passer pour une personne en autorité sont choquantes et devraient être punies.
Je dirais tout d'abord aux victimes que ce projet de loi ne va probablement pas les empêcher d'être victimisées par des personnes qui vont se déguiser en policier. Il n'aura pas pour effet de réduire le nombre de ces infractions.
Je leur dirais également que nos tribunaux prennent déjà ce genre d'affaires très au sérieux et qu'ils imposent de lourdes peines. En fait, dans des situations comme les leurs, nos cours d'appel et notre common law reconnaissent qu'il s'agit là d'une circonstance aggravante en matière de peine et que cela va déjà augmenter la peine imposée à l'accusé.
Je ne suis pas sûr de vouloir avoir avec elles une longue discussion des études criminologiques universitaires applicables à ce projet de loi. Je leur dirais que nous ne devrions pas essayer d'accroître la complexité de ces lois, si les préoccupations très valides qu'elles entretiennent sont déjà prises en compte par nos tribunaux pour ce qui est de l'application du droit.
Le sénateur Meredith : Vous pensez vraiment que le comité peut accepter votre témoignage lorsque vous dites que cela revient à soulever le Code criminel, et je pense que vous êtes un homme qui a beaucoup de force. Pour ce qui est de l'idée que ces lois existent déjà, nous essayons toujours de défendre les droits des victimes et de trouver la meilleure façon de présenter un projet de loi qui les protégera et dissuadera les personnes qui auraient tendance à violer la loi et à victimiser des personnes innocentes comme Jordan.
M. Spratt : Je ne pense pas que cette loi aura un effet dissuasif. Une des conséquences qu'elle aura sera d'augmenter la complexité du droit et les coûts de mise en œuvre. Nous savons bien sûr que les sommes dont nous disposons pour investir dans les services de police, la justice et les tribunaux ne sont pas inépuisables. Si cette complexité augmente les coûts, peut-être en n'apportant aucun avantage réel, je dirais qu'il serait peut-être préférable d'affecter ces ressources à une augmentation de la présence policière, à cibler les services policiers, ce qui aura pour effet de réduire vraiment les infractions pénales ou d'être affectées à un aspect très important, celui des services aux victimes et de veiller à ce qu'il existe des ressources pour elles.
Le sénateur Baker : J'aimerais poser une brève question pour savoir exactement ce que veut dire M. Spratt.
Vous souvenez-vous avoir lu une décision récente, l'année dernière, rendue par un juge de la cour provinciale, Fradsham, qui a résumé le droit comme vous l'avez exposé ici aujourd'hui?
M. Spratt : J'ai lu la décision. Je ne l'ai pas revue avant de venir.
Le sénateur Baker : Il dit exactement ce que vous dites. Fradsham n'est qu'un juge provincial, mais je pense que c'est lui qui a le mieux réussi à résumer le droit sur cette question.
Votre principal argument est le suivant : vous affirmez au comité qu'un accusé pourrait être déclaré coupable d'une infraction aux termes de l'article 130 et que pour imposer la peine relative à l'article 130, il pourrait faire l'objet d'une peine supplémentaire en se fondant sur une infraction qui n'a pas été établie, une infraction pour laquelle il n'existe aucune preuve que l'accusé en question l'ait commise, ce qui va donc à l'encontre du principe qu'il ne faut pas punir quelqu'un pour une infraction qu'il n'a pas commise.
M. Spratt : C'est certainement une possibilité.
Le président : J'aimerais remercier les deux témoins d'avoir comparu aujourd'hui.
Monsieur Spratt, il est agréable de vous revoir. Nous apprécions toujours votre contribution.
Monsieur le surintendant, je vous remercie d'être venu de loin pour aider le comité aujourd'hui. Nous l'apprécions beaucoup.
Mesdames et messieurs les membres du comité, nous allons conclure sur cette note. Je pense que nous allons nous plonger dans l'étude du projet de loi C-23 la semaine prochaine avec l'étude préliminaire. La sénatrice Frum va parrainer ce projet de loi.
Je tiens à rappeler aux membres du comité de direction qu'il y aura une réunion après la fin de celle-ci. Je voulais simplement le rappeler à nos membres.
Je vous rappelle que, si la motion est adoptée, elle accorde l'autorisation de siéger et que l'horaire des séances sera établi par le comité de direction. La greffière vous dira la forme que cela prendra, mais je peux vous garantir que, si cet horaire est adopté, la semaine qui va précéder le congé sera très occupée.
Pour ce qui est de l'étude article par article du projet de loi, j'espère que nous pourrons le faire rapidement. C'est une question que le comité de direction peut trancher et nous essayerons de la soumettre au comité le plus rapidement possible.
(La séance est levée.)