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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 8 - Témoignages du 1er mai 2014


OTTAWA, le jeudi 1er mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour examiner la teneur du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence et pour étudier un projet d'ordre du jour.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue, chers collègues et invités. Je souhaite également la bienvenue aux membres du public qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous poursuivons l'étude préalable du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence. Le projet de loi vise à modifier de nombreux aspects de la Loi électorale du Canada.

Nous tenons aujourd'hui notre huitième séance sur la question. Avant de commencer, je voudrais signaler aux membres du comité que nous avons eu une annulation de dernière minute : le témoin du Congrès des peuples autochtones ne comparaîtra pas, mais nous avons reçu des exemplaires de leur mémoire. Je rappelle également aux membres que, après avoir entendu les témoins d'aujourd'hui, nous nous réunirons à huis clos pour discuter d'autres affaires.

Nous commençons ce matin par accueillir Ian Lee, professeur adjoint, Sprott School of Business, Université Carleton, et Louis Massicotte, professeur à l'Université Laval, qui comparaissent tous deux à titre personnel.

D'après ce que je comprends, vous avez chacun une déclaration préliminaire à faire. Professeur Massicotte, souhaitez-vous commencer?

Louis Massicotte, professeur, Université Laval, à titre personnel : Quand vous voudrez.

Le président : Allez-y, je vous en prie.

M. Massicotte : Merci, monsieur le président. Je vais faire mon exposé en français, mais répondrai aux questions dans l'une ou l'autre langue.

[Français]

Monsieur le président, je vous remercie pour l'invitation que votre comité m'a adressée.

Le projet de loi dont vous êtes saisi a fait l'objet d'une controverse intense qui a débordé les cadres du Parlement, ce qui est assez inhabituel pour ce genre de mesure. Ce projet de loi reflète une tension peut-être plus destructrice que créatrice entre le Parlement et Élections Canada.

Mon parcours professionnel inclut justement ces deux institutions. J'ai été attaché de recherche à la Bibliothèque du Parlement pendant une dizaine d'années, au service notamment du Comité permanent des privilèges et des élections, celui qui étudiait les lois électorales. J'ai ensuite travaillé au Bureau du directeur général des élections à divers titres pendant cinq ans.

Il y avait un point commun entre ces deux institutions; c'était la neutralité politique. Un recherchiste s'était fait demander par un sénateur — question embêtante — s'il était satisfait du résultat des dernières élections, ce à quoi le recherchiste a répondu : « Sénateur, la Bibliothèque du Parlement est heureuse du résultat de toutes les élections. » J'ai retrouvé la même mentalité à Élections Canada.

À titre d'universitaire, connaissant raisonnablement bien les questions de réforme électorale, j'ai effectué des travaux de recherche pour le compte d'Élections Canada. Le dernier en date portait sur l'évolution des tâches des scrutateurs et des secrétaires de scrutin, telles que définies dans les lois électorales depuis 1920. Dans l'atmosphère actuelle, il est peut-être préférable de le mentionner. Le rapport est disponible sur le site web de l'organisme. Certains pourraient penser que, pour cette raison, je devrais m'abstenir de parler de ce sujet. J'ai effectivement hésité à m'impliquer dans le débat. Mais vous m'avez invité, alors celui qui demande mon opinion court le risque de l'avoir.

J'étais en Australie pendant la majeure partie du débat sur le projet de loi C-23 et, comme vous le savez, dans ce pays, on ne parle à peu près jamais du Canada. C'est donc avec beaucoup de surprise qu'un matin, en ouvrant mon journal, j'ai lu un article qui portait sur la réforme de la loi électorale australienne, où on disait ceci :

[Traduction]

Le gouvernement du Canada se heurte à une levée de boucliers après avoir privé du droit de vote 120 000 électeurs, dans la foulée des modifications apportées aux normes d'identification. C'est un exemple de ce qu'il faut éviter de faire en matière de réforme électorale d'envergure. En Australie, les changements devraient être impulsés par le Parlement et son comité permanent mixte sur les questions électorales.

[Français]

Je retiens surtout la remarque portant sur le processus, et c'est justement sur cette question de processus pour de modification de la Loi électorale que vont porter mes commentaires préliminaires. Soit dit en passant, j'ai appris, avec les années, qu'au Canada surtout, la procédure est presque aussi importante que le contenu de la réforme. En matière de réforme de la Loi électorale, le Parlement, depuis près de 80 ans, a presque toujours procédé de la manière suivante : un comité parlementaire spécial sur la Loi électorale était constitué; lui étaient renvoyés le rapport statutaire du directeur général des élections, les projets de loi de simples députés et les suggestions du grand public portant sur le sujet. Les députés de tous les partis représentés en Chambre, après avoir entendu le directeur général des élections et d'autres témoins, adoptaient des recommandations qui, parfois, prenaient la forme même d'un avant-projet de loi. Par la suite, le gouvernement présentait un projet de loi reprenant substantiellement les recommandations du comité. C'était un processus collégial qui évitait les surprises et facilitait les consensus.

Pourquoi procédait-on de la sorte? À mon avis, c'est tout simplement parce que, auparavant, on avait essayé d'autres méthodes plus expéditives, mais que cela avait plutôt mal tourné. Donc, sans vous raconter toute l'histoire de la Loi électorale, je mentionnerai simplement qu'en juin 1934, le premier ministre du temps, M. Bennett, avait sorti de son chapeau, deux semaines avant la fin de la session, deux énormes projets de loi qui créaient notamment une liste permanente des électeurs ainsi qu'un organisme distinct — le directeur général du registre électoral — pour compiler ce registre.

Les députés de l'opposition ainsi que le directeur général des élections de l'époque, M. Castonguay, ont pris connaissance de ces deux textes le jour même de leur présentation en Chambre. L'adoption de ces deux textes s'est faite en une semaine. Bingo! Sauf que, par la suite, un comité des Communes, après trois ans de travaux, a conclu — et c'était une conclusion unanime — que les réformes adoptées à toute vapeur en 1934 avaient, dans la pratique, donné de très mauvais résultats, et on a dû abolir ces réformes et revenir à ce qui existait auparavant.

C'est peut-être instruit de cette mauvaise expérience que le Parlement a pris l'habitude, depuis la deuxième moitié des années 1930, de procéder de la façon plus collégiale que je viens de décrire.

Les rares fois où on s'est écarté de cette procédure au cours des dernières années ont été, à mon avis, des erreurs. En 1986, le gouvernement a publié un livre blanc sur la réforme de la Loi électorale, devenu, par la suite, le projet de loi C-79, un projet plein d'excellentes idées, mais les partis de l'opposition se sont méfiés d'un texte rédigé sans leur participation. Finalement, il a fallu attendre sept ans et le rapport d'une commission royale d'enquête pour que les réformes soient adoptées.

Le deuxième exemple que je vais vous citer implique un gouvernement d'une autre couleur politique. En 2003, M. Chrétien a choisi la voie de l'unilatéralisme pour sa réforme du financement politique. Vous connaissez la suite : les subventions aux partis politiques, instituées malgré l'opposition du parti de l'Alliance canadienne, ont été abolies par le gouvernement suivant, et ce, d'une façon tout aussi unilatérale.

Les consensus interpartisans, je le sais, sont plus longs à bâtir, mais ils ont la chance d'être plus durables. Le consensus n'est pas toujours possible; cependant, dans un domaine comme celui des règles du jeu électoral, il demeure, à mon humble avis, hautement souhaitable. Ce qu'un gouvernement aura imposé, un autre gouvernement pourra le défaire de la même façon. "Crash through or crash", comme disent les Australiens, « ça passe ou ça casse », comme on dit chez nous. Ce n'est pas la meilleure façon de procéder dans ce domaine, surtout dans un pays comme le nôtre. La Loi électorale n'est pas la propriété des professeurs, n'est pas la propriété d'Élections Canada, n'est pas la propriété des députés de l'opposition, mais je soumets humblement qu'elle n'appartient pas non plus au gouvernement du moment.

Votre comité a contribué à alléger l'atmosphère en réalisant une étude préliminaire et en suggérant des amendements. Le gouvernement a également décidé, vendredi dernier, de jeter du lest, et je m'en réjouis. J'espère que ce projet de loi, à défaut d'être retiré purement et simplement, sera à tout le moins amputé des dispositions les plus controversées qu'il contient.

Je suis maintenant prêt à répondre aux questions plus spécifiques que vous voudrez m'adresser.

[Traduction]

Ian Lee, professeur adjoint, Sprott School Business, Université Carleton : Merci de m'avoir invité à comparaître devant votre auguste comité, dans cette illustre enceinte qu'est la Chambre haute du Parlement du Canada. Je suis un Canadien qui appuie le Sénat du Canada et j'ai publié des lettres d'opinion à cet égard. Comme le disait Carly Simon, vous avez devant vous un ami.

Aujourd'hui, je parlerai seulement de la preuve d'identité par un répondant, question à laquelle j'ai consacré 250 heures de recherche. Selon moi, les critiques ne comprennent pas qu'il s'agit d'un débat sur les politiques d'identification de grandes institutions publiques ou privées dans une société moderne complexe et sur l'étendue, l'aspect systématique et les chevauchements de ces multiples systèmes d'identification personnelle.

Autrement dit, les arguments invoqués par les partisans du système de répondants reposent, même si cela reste implicite, sur la supposition selon laquelle il existe bon nombre de Canadiens sans carte d'identité. Or, au Canada aujourd'hui, toute grande organisation, publique ou privée, dispose d'une tenue de dossiers entièrement numériques, y compris pour les employés et les renseignements personnels.

Ainsi, j'estime que M. Mayrand et M. Neufeld, accompagnés maintenant de plus de 400 professeurs d'université, ont considérablement surestimé, par inadvertance, le nombre de Canadiens n'ayant aucune carte d'identité, à cause d'une méconnaissance apparente des systèmes d'identification considérables exploités aujourd'hui par les organismes et ministères gouvernementaux ainsi que par les sociétés privées. Ils n'ont pas non plus fait de recherche sur cette question.

Ils semblent avoir établi une adéquation entre le recours à un répondant lors des dernières élections et l'absence de carte d'identité. Exprimé en termes logiques, l'argument des critiques est le suivant : la présence de A, soit le recours à un répondant, prouve l'absence de B, les cartes d'identité.

Voici un exemple. Ian Lee est propriétaire d'une bicyclette; cela prouve donc que Ian Lee n'est pas propriétaire d'une voiture. Vous comprendrez bien que c'est une logique spécieuse, en raison d'une corrélation erronée entre deux conditions ou facticités sans lien.

Contrairement à Mayrand, à Neufeld et aux 400 professeurs d'université, j'avance, en m'appuyant sur mes considérables recherches appliquées empiriques, qu'il est aujourd'hui impossible pour quelqu'un au Canada, tant sur le plan juridique que factuel, d'être numériquement invisible, sans aucune identité dans une base de données quelque part. Autrement dit, il est impossible qu'un nombre considérable de Canadiens ne soient pas enregistrés ou suivis par un organisme gouvernemental ou une société privée.

Je vais maintenant présenter des éléments probants de nature empirique du côté des organismes gouvernementaux et des lois qui exigent la tenue de dossiers sur les Canadiens et qui fournissent des cartes d'identité. À l'heure actuelle, au Canada, des bureaucraties modernes, dotées d'ordinateurs centraux d'une puissance inouïe et reliée en temps réel, s'affairent à créer, dans les secteurs public et privé, de gigantesques bases de données interreliées dans lesquelles sont versés des renseignements sur nous, les gens. Dès que nous venons au monde, un dossier électronique est créé à notre nom et consigné dans la base de données d'un hôpital. Les lois provinciales sur l'état civil exigent, partout au pays, l'enregistrement de toute naissance, de tout mariage et de tout décès dans les registres de la province; c'est ce qui constitue la base des certificats de naissance, de décès et de mariage.

Notre numéro d'assurance sociale figure dans la base de données fédérale. Les établissements d'enseignement primaire et secondaire enregistrent, en vertu de la loi, notre progression dans le système d'éducation, et délivrent des cartes d'identité. Les vaccins qu'on nous administre sont inscrits dans la base de données du ministère de la Santé. Les bases de données municipales enregistrent les cartes de bibliothèque.

À vrai dire, les Canadiens possèdent des dossiers dans de multiples bases de données d'identification numérique qui se recoupent et des cartes d'identité correspondantes qui en découlent. Toutes ces pièces d'identité — cartes d'assurance-maladie, permis de conduire, cartes d'étudiant, cartes d'employé, certificats de naissance, passeports, cartes d'assurance sociale, cartes de propriété de véhicule, cartes de bibliothèque, cartes de débit, cartes de crédit, cartes d'identité autochtone — sont autant d'ensembles qui se chevauchent pour former des diagrammes de Venn, au centre desquels ne figure aucun Canadien n'ayant aucune forme d'identité.

On vous fournira mon document comportant tous les URL des organismes gouvernementaux auprès desquels j'ai obtenu ces renseignements. Je vais en faire un survol.

Premièrement, chaque Canadien doit avoir une carte d'assurance-maladie pour avoir accès aux soins de santé au Canada. J'ai passé en revue les organismes gouvernementaux de cinq provinces et ceux des trois territoires, et mon examen a révélé très clairement qu'on ne peut avoir accès à un médecin, à une clinique ou à un hôpital sans carte d'assurance-maladie.

Deuxièmement, l'article 237 de la Loi de l'impôt sur le revenu rend obligatoire l'obtention d'une carte d'assurance sociale et impose une pénalité de 100 $ aux Canadiens qui s'en abstiendraient. Et cela ne sert pas seulement à l'emploi. Il faut une carte d'assurance sociale pour la Subvention canadienne pour l'épargne-études, le REEE, le REER, l'assurance-chômage, le RPC, le RRQ, la Sécurité de la vieillesse, le SRG, la prestation fiscale pour enfants, les prêts étudiants, les remboursements de la TPS, les prestations d'assurance-sociale, les prestations d'ancien combattant et l'indemnisation des accidentés du travail.

Troisièmement, l'ACFC, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, établie par les parlementaires, a constaté que 96 p 100 des Canadiens adultes possèdent un compte bancaire.

Quatrièmement, l'ACFC a observé que 94 p. 100 des Canadiens ont une carte de débit. Ce sont des chiffres étonnamment élevés.

Cinquièmement, selon l'Association des banquiers canadiens, 71 millions de cartes de crédit sont en circulation au Canada. Notez que seuls 12 millions de personnes ont voté en 2011. Cela représente donc environ six fois le nombre de personnes ayant voté. Manifestement, les Canadiens détiennent de multiples cartes de crédit, mais la question est de savoir si nous avons une absence d'identité.

Sixièmement, Statistique Canada indique que 69 p. 100 des Canadiens adultes sont propriétaires de leur maison, ce qui signifie qu'ils ont des titres de propriété. Toutes les personnes ici présentes savent en effet qu'on ne peut pas conclure une opération immobilière avec un contrat verbal. Il faut des traces écrites; chaque propriétaire de maison au pays a donc un titre de propriété comportant son nom et l'adresse de sa propriété.

Septièmement, d'après Statistique Canada, 31 p. 100 des Canadiens adultes louent un logement, avec un bail écrit, comme l'exigent les lois sur les propriétaires et les locataires partout au pays.

Huitièmement — et c'est un élément qui m'a particulièrement frappé —, Transports Canada rapporte qu'il y a, au Canada, 29 millions de véhicules enregistrés : voitures, camions et motocyclettes. Chaque certificat de propriété d'une voiture, d'un camion ou d'une motocyclette doit comporter un nom et une adresse. C'est trois fois le nombre de personnes ayant voté en 2011.

Neuvièmement, voici des renseignements publics que je viens d'obtenir, après avoir insisté un peu auprès de Transports Canada. J'ai le tableur complet avec ventilation par province, par âge, par segment, et cetera. Il y a, au Canada, 23,8 millions de conducteurs avec permis. Si on en soustrait ceux qui n'ont pas l'âge de la majorité, cela laisse 22 millions de détenteurs de permis de conduire au Canada. Mais cela n'a pas empêché M. Mayrand d'avancer que seulement 85 p. 100 des 18 millions d'électeurs admissibles détenaient un permis de conduire, soit 15 millions.

Il y a un écart entre les 15 millions avancés par M. Mayrand et les données empiriques de Transports Canada indiquant qu'il y a, au Canada, 22 millions de détenteurs de permis de conduire majeurs. Ce nombre est supérieur à celui des électeurs admissibles, soit 18 millions. M. Mayrand avançait que seuls 85 p. 100 avaient un permis de conduire et que ce n'était donc pas un outil universel. J'avance, quant à moi, que c'est plus qu'universel, vu que c'est supérieur au nombre d'électeurs. Je ne vois pas vraiment comment c'est possible, mais c'est un fait.

Dixièmement, Passeport Canada indique dans son rapport de 2012 que 70 p. 100 des Canadiens ont un passeport, une augmentation par rapport à 45 p. 100 en 2008. Pourquoi cette montée en flèche? Parce qu'en 2008, et je cite ce qu'on trouve sur le site web du département de la Sécurité intérieure des États-Unis :

L'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental a été conçue pour traiter les risques présentés par l'acceptation des déclarations de vive voix et les nombreux documents pouvant être peu sûrs qui étaient présentés à la frontière.

Le résultat de ce changement pour les Canadiens? Nous avons tous changé notre comportement et nous nous sommes procuré des passeports. Le bureau des passeports indique que c'est un chiffre qui va d'ailleurs continuer d'augmenter.

Onzièmement, on entendait dire que les étudiants étaient privés de droit de vote parce qu'ils n'avaient pas de pièces d'identité. Cela m'a fait rire, moi qui suis professeur d'université. Je surveille mes propres examens, comme nous sommes tenus de le faire, si bien que les professeurs n'auraient pas dû croire ces histoires. Tout collège ou université au pays exige que chaque étudiant fournisse une pièce d'identité avec photo pour écrire tout examen final pour tout cours. L'idée qu'on puisse se présenter à un examen, sans pièce d'identité avec photo, est ridicule.

Statistique Canada indique que 2 millions de personnes étudient dans des collèges et universités. Chacune d'entre elles se voit délivrer une pièce d'identité avec photo, qu'il faut présenter pour passer un examen.

Douzièmement, voici les bases de données que je vous présente pour réfuter l'assertion qu'il existe des gens sans identité. Travaux publics, le ministère chargé de tous les bâtiments fédéraux au Canada, exige une pièce d'identité avec photo de toute personne qui souhaite entrer dans un édifice gouvernemental, y compris, tenez-vous bien, Élections Canada. J'ai donc besoin d'une pièce d'identité avec photo pour entrer dans le bâtiment d'Élections Canada, ce que j'ai trouvé intéressant.

Treizièmement, au Parlement du Canada, je viens juste de devoir présenter une pièce d'identité avec photo. Et on n'accepte pas de factures de services publics, soit dit en passant.

Quatorzièmement, prenons Affaires autochtones Canada. Le ministère a distribué 800 000 cartes d'identité autochtones, qui sont nécessaires pour tout Autochtone canadien qui souhaite se prévaloir des nombreuses prestations auxquelles il a légitimement et pleinement droit, y compris le remboursement de la TVH. On ne peut pas se pointer et dire : « Donnez-moi ça encore une fois », sans carte d'identité.

Quinzièmement, selon Statistique Canada, Air Canada et WestJet ont assuré, en 2012, 2 millions de vols, requérant chaque fois une pièce d'identité avec photo. Nous savons tous combien il est désagréable de voyager aujourd'hui et combien il est nécessaire de présenter une pièce d'identité avec photo à plusieurs reprises.

Seizièmement, l'Association canadienne des bibliothèques indique sur son site web que 360 millions de visites en personne ont été effectuées aux bibliothèques : 164 millions de visites à des bibliothèques publiques, 88 millions à des bibliothèques universitaires et 108 millions à des bibliothèques scolaires d'un bout à l'autre du Canada. Or, nous savons tous qu'il faut une carte de bibliothèque pour emprunter des documents d'une bibliothèque.

Dix-septièmement, abordons l'argument selon lequel les Canadiens à faible revenu sont privés de voter, étant vulnérables de façon disproportionnée. J'avance le contraire, en fait. Ma recherche montre que les personnes à faible revenu ont besoin de plus de pièces d'identité, pas moins, pour avoir accès à la panoplie de prestations gouvernementales offertes au pays. Les exigences sont très contraignantes.

Par ailleurs, l'Association canadienne de l'autobus, dans un mémoire présenté au groupe de travail provincial-fédéral sur les services d'autobus interurbain — je crois d'ailleurs que le Sénat a également publié un bon rapport sur la question —, dresse un portrait des 3 p. 100 de la population qui voyagent par autocar et indique sans ambages qu'il s'agit de Canadiens marginaux, à faible revenu. Mais qu'est-ce que j'ai constaté en allant sur le site web de Greyhound? Que pour acheter un billet et pour embarquer dans un autocar Greyhound, il faut une pièce d'identité avec photo. Vraiment!

Dix-huitièmement, d'après l'Association des banquiers canadiens, pour ouvrir un compte, en vertu de la Loi sur les banques adoptée par les parlementaires, il faut présenter deux pièces d'identité de base, soit un certificat de naissance, un passeport ou une chose de ce genre — pas une facture de services publics.

Dix-neuvièmement, à titre d'exemple représentatif de tous les gouvernements provinciaux, j'ai fait des recherches sur Ontario au travail, le ministère des Services sociaux et communautaires. Voici les exemples de preuve d'identité qu'il faut fournir pour demander — je ne dis pas pour obtenir, mais seulement pour demander — de l'aide sociale : carte d'assurance sociale, carte d'assurance-maladie, certificat de naissance, relevé bancaire, contrat de location ou hypothèque, relevé d'emploi ou talons de chèque de paie les plus récents, un exemplaire de la prestation fiscale pour enfants, le cas échéant, des renseignements sur les sources de revenus, comme une pension de retraite, et des renseignements sur les actifs. C'est nettement plus lourd que toute exigence dans le projet de loi relatif aux élections.

Quelle est ma conclusion, après avoir consacré plus de 250 heures de recherche à la liste sans cesse croissante des systèmes d'identification au Canada? Tout d'abord, que personne d'autre n'avait tenté de fournir un résumé exhaustif des systèmes d'identification existant au Canada. Je recommande au comité — et d'ailleurs à tout comité parlementaire ou à tout journaliste interrogeant une personne qui fait des allégations sur un aspect quelconque de politique publique — de suivre le sage conseil donné par Cuba Gooding Jr. dans le merveilleux film Jerry Maguire : « Jerry, tu es mon ami, mais je demande à voir. »

Je mets au défi M. Mayrand, M. Neufeld et les 400 professeurs d'université de vous montrer — à vous, parlementaires — ce que vous demandez à voir : une preuve empirique d'un nombre substantiel de Canadiens n'ayant aucune pièce d'identité. L'argument que je vous présente aujourd'hui est que cette assertion est une légende urbaine montée de toutes pièces et exempte de tout fondement dans la réalité. Je vous remercie.

Le président : Merci, professeur. J'ai une liste de membres du comité qui ont indiqué vouloir poser des questions. Nous allons commencer par le vice-président du comité.

Le sénateur Baker : Merci à nos deux témoins. Je souhaite tout particulièrement la bienvenue à la personne que l'on surnomme « Lee l'omniscient ». J'ai récemment fait un bref exposé devant une classe de science politique 101. Après avoir montré un extrait vidéo de l'un de nos débats — qu'on appelait « les débats Baker-Lee », il y a des années —, le professeur du cours a parlé de vous comme du sage de l'Est, parce qu'il était d'accord avec vous sur la question et en désaccord avec moi. Il a sans doute choisi le mauvais débat, mais je n'insisterai pas plus.

Monsieur Lee, le comité a entendu hier le témoignage d'une directrice de scrutin. En réponse à une question qui lui avait été posée quant à la constitutionnalité du projet de loi, les directeurs de scrutin ont dit que priver quiconque de son droit de vote constituerait une contravention à l'article 3 de la Charte, nonobstant l'article 1, si bien que la loi serait invalidée comme allant à l'encontre de la Constitution. L'intention de la question était la suivante : une personne est-elle susceptible de perdre la chance de voter, même si elle fait preuve de diligence raisonnable?

Elle a donné l'exemple d'un couple âgé — pour reprendre ses termes, sauf erreur de ma part — où l'épouse n'avait pas de pièce d'identité, ne recevait jamais de courrier, et cetera — et je vois le sénateur Plett secouer la tête, mais je peux vous montrer la transcription prouvant que c'est bien ce qu'elle a avancé. Bref, l'épouse ne serait pas en mesure de voter, sauf si on autorisait la preuve d'identité par répondant aux termes du projet de loi, à moins qu'elle ait une pièce d'identité.

Vous affirmez, quant à vous, qu'il n'existe pas un Canadien aujourd'hui, en âge de voter, qui n'ait aucune pièce d'identité à montrer au bureau de scrutin. C'est bien cela?

M. Lee : Oui. Et je vous remercie de vos aimables remarques, sénateur Baker. Je parle toujours avec beaucoup de respect de vous partout où je vais et dans mes cours à Carleton, à titre de réciprocité.

Il y a une chose que j'ai omis de préciser dans mes observations préliminaires, parce que je savais que j'aurais l'occasion de l'indiquer : je n'avance pas qu'il n'y a jamais personne qui se présente au bureau de scrutin sans aucune pièce d'identité. Je me suis moi-même rendu chez le médecin deux fois en trois ans sans ma carte d'assurance-maladie de l'Ontario. Dans les deux cas, je me suis fait dire que, malheureusement, je ne pourrais pas voir le docteur, qu'il fallait que je rentre chez moi chercher ma carte avant de revenir. Et c'est ce que j'ai fait.

Il m'est aussi arrivé d'oublier mon portefeuille chez moi et de prendre la voiture sans permis de conduire, de façon purement accidentelle, sans m'en apercevoir. Cela ne veut pas dire que je n'ai pas de pièce d'identité, mais simplement que je l'ai oubliée à la maison.

Je ne suggère donc pas que jamais personne n'oublie sa pièce d'identité, mais qu'il n'y a personne sans aucune pièce d'identité. La pièce d'identité peut être dans la voiture ou dans une boîte à gants...

Le sénateur Baker : Quelle pièce d'identité aurait la femme dont il est question?

M. Lee : En tant que personne âgée?

Le sénateur Baker : Oui, ou en tant que particulier.

M. Lee : J'ai déjà montré qu'il y avait, au Canada, plus de 22 millions de détenteurs de permis de conduire.

Le sénateur Baker : Mettons qu'elle n'ait pas de permis de conduire.

M. Lee : Les statistiques montrent le contraire, par contre. Je tenais à le souligner.

Il y a 18 millions d'électeurs admissibles et 22 millions de Canadiens de plus de 18 ans détenteurs de permis de conduire. Il y a 29 millions d'automobiles, de camions et de motocyclettes, et la plupart des gens portent sur eux leur permis de conduire, leur certificat de propriété et d'assurance, parce que c'est requis par une autre loi.

Le sénateur Baker : Vous dites que cette femme aurait accès à des soins de santé.

M. Lee : Elle aurait accès aux soins de santé, parce que c'est universel.

Permettez-moi de soulever un dernier point. Vous êtes avocat, si bien que je vais m'en remettre à vous, mais n'oubliez pas que si on invoque la Charte, elle garantit la liberté de circulation et d'établissement, ainsi que la liberté d'association, ce qui va à l'encontre de l'obligation de fournir une pièce d'identité avec photo pour embarquer dans un avion ou franchir la frontière. Je crois qu'on estime alors que c'est une restriction raisonnable en vertu de la Charte, mais je m'en remets à vous, étant donné que vous êtes avocat.

La sénatrice Frum : J'ai une question pour chacun d'entre vous. Je vais commencer par M. Lee. Au bout du compte, c'était un exposé particulièrement convaincant, un véritable tour de force, et je suis d'accord avec vous. J'ai donc deux questions à vous poser.

Quand vous évoquez la légende urbaine exempte de tout fondement dans la réalité, c'est-à-dire les Canadiens dépourvus de toute pièce d'identité, vous vous en prenez à une position que nous avons entendu défendre par Élections Canada et 400 professeurs, l'un d'entre eux étant présent ici aujourd'hui. Tous ont présupposé qu'il existe un problème de pièce d'identité au Canada. D'où vient ce présupposé? Pour quelle raison Élections Canada insiste-t-il sur le fait qu'il y a des gens sans pièce d'identité?

M. Lee : Je vous remercie de la question. J'espérais qu'on me la poserait.

Je ne veux pas laisser entendre que M. Mayrand manque de professionnalisme ou qu'il agit pour induire les gens en erreur. Loin de moi cette idée.

Je vais évoquer votre lettre d'opinion. J'espérais que le sénateur Baker pose la question, parce que votre lettre d'opinion m'a particulièrement plu. En effet, il y a des années que j'avance cet argument dans mes cours et pas seulement à propos d'Élections Canada, mais aussi à propos de toutes les entités quasi judiciaires qui ne sont pas astreintes aux mêmes normes juridiques rigoureuses de diligence raisonnable et de preuve. Je suis loin d'être un inconditionnel des entités quasi judiciaires, qu'il s'agisse du Tribunal de la concurrence, de celui des droits de la personne ou d'autres. Je tenais à l'indiquer.

Pour répondre à votre question, la position de M. Mayrand s'inscrit dans la logique de sa compassion et de sa préoccupation en tant que défenseur du droit de chacun à voter, ce qui l'a amené à porter un jugement hâtif. Quand on effectue un travail de vérification quelconque ou qu'on est un fonctionnaire analysant une politique, il y a toujours un risque, selon moi, d'être séduit par la mission de l'organisation, de ne pas conserver son sens critique. Il faut quand même être en mesure de se dire : « Attendez un peu. Ce que je raconte est-il sensé? » Je pense que le problème naît de la confusion des fonctions de vérification et de défense des droits, confusion qui serait impensable dans le domaine des banques. Jamais on ne demanderait à des vendeurs de prêts de s'occuper de la vérification du banquier octroyant les prêts — je peux l'affirmer en tant qu'ancien banquier. C'est pourquoi je suis si troublé par les entités quasi judiciaires. Elles abritent, au sein d'un même organisme, des défenseurs de droits et des personnes censées faire respecter la loi, ce qui constitue un conflit d'intérêts institutionnel. Je pense que M. Mayrand et M. Neufeld, en raison de grand dévouement à la mission de l'organisation — et je ne suggère pas de malfaisance ni d'acte répréhensible —, croient si profondément en ce qu'ils font qu'ils ont perdu leur sens critique et leur esprit de recul.

Pour ce qui est des 400 professeurs, la plupart d'entre eux — le professeur Massicotte faisant exception à la règle — vont de l'école secondaire au premier cycle universitaire, puis de la maîtrise au doctorat, sans jamais acquérir d'expérience du monde. Je peux l'affirmer, vu que je travaille dans une université. Permettez-moi de mentionner une statistique. En Amérique du Nord, dans les écoles de commerce, qui sont censées réunir toutes les personnes ayant l'expérience des affaires, il y a en moyenne, au Canada et aux États-Unis, seulement un professeur sur trois qui possède une véritable expérience dans le domaine. Deux sur trois n'en ont pas, alors que les écoles de commerce sont beaucoup plus appliquées que d'autres facultés universitaires. Ces professeurs ne sont pas mauvais; ils n'ont simplement pas de compréhension du monde concret ni de connaissance de choses comme les systèmes d'identification. Selon moi, c'est pour cela qu'ils se sont fourvoyés. Par ailleurs, autant que je puisse en juger par les témoignages, aucun d'entre eux ne s'est avisé de se pencher effectivement sur les systèmes d'identification au Canada. J'espère que l'un ou l'autre d'entre vous pourra mettre MM. Mayrand et Neufeld sur la sellette en demandant : « Où est la preuve qu'il existe des gens sans pièce d'identité au pays? » Selon moi, elle n'existe pas. Je pense qu'ils s'appuient sur les 100 000 personnes ayant eu recours à un répondant et qu'ils ont court-circuité la logique, estimant que si ces gens avaient eu recours à un répondant, c'est parce qu'ils n'avaient pas de pièce d'identité. Je ne crois pas que ce soit une preuve. Je suis propriétaire et d'une bicyclette et d'une automobile. A n'empêche pas B.

La sénatrice Frum : Professeur Massicotte, je suis peut-être la première à aborder la question de notre histoire, de notre tradition de consensus sur les projets de loi relatifs aux élections. Il s'agit, selon moi, d'une idée pour le moins discutable, et je peux y revenir lors de la deuxième série de questions.

J'aurais une autre question à vous poser. Vous avez bien raconté comment la Bibliothèque du Parlement est satisfaite du résultat de toutes les élections, ce qui laisse entendre, évidemment, qu'Élections Canada est du même avis.

Vous accordez beaucoup de respect, à juste titre, à l'importance pour Élections Canada de projeter une image impartiale, non partisane et objective, de donner l'impression à la population d'être parfaitement indépendante, et vous avez souligné l'importance du consensus au Canada. Élections Canada est un organisme du Parlement qui n'a pas hésité à se faire entendre et à intervenir pour adopter une position ferme à l'égard du projet de loi C-23. Étant donné votre expérience à l'égard du rôle que doit jouer un organisme du Parlement relativement à un projet de loi de ce genre, où doit-on tirer la ligne? On pourrait faire valoir que l'organisme a adopté une position tout à fait partisane à l'égard du projet de loi, et peut-être même outrepassé les limites. Qu'en pensez-vous?

M. Massicotte : Lorsqu'on s'attaque à une institution comme le gouvernement l'a fait à l'égard d'Élections Canada ces derniers mois, je ne m'étonne pas que certains s'offusquent et fassent valoir que c'est faux. Les agents du Parlement sont des êtres humains. Si j'avais été accusé par un sénateur d'avoir fait quelque chose alors que ce n'est pas le cas, je m'en serais certainement plaint. Avec tout le respect que je dois au Parlement, en tant qu'êtres humains, citoyens du Canada et professionnels, nous avons le droit de nous défendre contre ces accusations; si Élections Canada avait adopté une approche tout à fait partisane, je comprendrais.

J'ai vu personnellement certains directeurs généraux des élections — que je ne nommerai pas —, dans d'autres administrations, aller trop loin. Personne n'est à l'abri de telles failles.

Vous aurez compris que je suis un peu déchiré par l'opposition entre le Parlement et Élections Canada, car, étant donné mon parcours personnel, j'éprouve un sentiment de loyauté à l'égard des deux institutions.

Cependant, et c'est malheureux, je ne suis pas convaincu que ce soit Élections Canada qui soit marqué des plus grandes tares. Ce que je vois aujourd'hui est vraiment sans précédent dans l'histoire canadienne.

La sénatrice Frum : Je comprends la nuance d'une attaque personnelle. Les gens ont tendance à se défendre lorsqu'ils sont attaqués. Cependant, ce n'est pas ce dont je parle. Je vous parle d'attaques politiques, d'une critique affichée sur le site web d'Élections Canada à l'égard d'un projet de loi que le Parlement a le droit et l'obligation de déposer. Cela ne relève-t-il pas de la partisanerie?

M. Massicotte : Avec tout le respect que je vous dois, madame la sénatrice, je me demande où vous avez été ces 10 dernières années. C'est plutôt courant.

J'essaie de comprendre la situation actuelle. Quelqu'un se demande ce que le directeur général des élections a dit au Parlement, mais il ne peut pas trouver cette information sur le site de l'organisation? Ces gens gardent-ils le secret? Ont-ils honte de ce qu'ils ont enseigné? Il me semble évident qu'ils ont tout à fait le droit d'exprimer leurs points de vue et, évidemment, le Parlement a le droit d'en faire fi. Personne ne le nie. Cependant, devraient-ils se taire ou se cacher parce que le gouvernement était satisfait de leur comportement? Avec tout le respect que je vous dois, je pense que vous allez beaucoup trop loin en matière de loyauté.

La sénatrice Frum : Il ne s'agit pas de loyauté.

Le sénateur Moore : Je tiens à remercier les deux témoins de leur présence ici.

J'aurais quelques brèves questions pour le professeur Lee. Vous avez cité diverses sources pour étayer votre position aujourd'hui; en ce qui concerne les affaires autochtones, vous dites qu'on compte 800 000 cartes d'identité autochtone. Ces cartes comprennent-elles l'adresse du détenteur?

M. Lee : Je ne le crois pas. Les nouvelles cartes d'identité autochtone comprennent une photo. Apparemment, les anciennes cartes étaient inadéquates. Je ne fais que reprendre les propos du ministère : la nouvelle version est infalsifiable, comme les nouveaux permis de conduire. Il s'agit d'une pièce d'identité qui comprend le nom et une photographie, mais non l'adresse.

Le sénateur Moore : Quand le sondage a-t-il été effectué?

M. Lee : En 2012.

Le sénateur Moore : Merci. Il sera peut-être utile de préciser qu'un certain nombre de Canadiens ont plus d'un permis de conduire : un permis pour véhicule motorisé, un permis de chauffeur, et cetera. Voilà qui explique peut-être l'écart par rapport au nombre de permis émis.

M. Lee : Sept millions?

Le sénateur Moore : Je ne sais pas. Je connais des gens qui ont deux ou trois permis. Cela pourrait contribuer à expliquer l'écart. M. Mayrand peut s'expliquer lui-même. Ce que je dis, c'est que c'est un élément évident qui n'a peut-être pas été pris en considération dans vos données.

Quant aux passeports, comme vous le savez, ils ne comprennent pas l'adresse. J'ai fait partie du groupe qui a travaillé là-dessus et qui a réussi à convaincre les États-Unis de participer à l'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental.

Vous en avez parlé dans vos remarques sur le projet de loi dans l'autre endroit, mais il vous faut bien l'admettre que le droit de traverser la frontière n'est pas issu de la Constitution, alors que, comme le sénateur Baker l'a fait remarquer, c'est le cas du droit de vote. Je ne crois pas que ce soit un bon exemple de dire qu'une pièce d'identité... parce que le droit de vote est constitutionnel, mais le droit de passage à la frontière ne l'est pas.

M. Lee : Sénateur Moore, je faisais référence à la liberté d'association, qui implique qu'on puisse se déplacer. Ainsi, je peux prendre l'avion, mais je dois présenter une pièce d'identité avec photo à quatre reprises avant de pouvoir le faire.

Le sénateur Moore : La plupart d'entre nous n'ont à le faire qu'une seule fois. Pourquoi quatre?

M. Lee : Premièrement, à l'étage, pour s'enregistrer; deuxièmement, pour enregistrer ses bagages; troisièmement, pour passer à la sécurité; et quatrièmement, à la porte. Je suis revenu il y a trois jours.

Le sénateur Moore : Professeur Massicotte, à la fin de votre exposé, vous avez dit que vous aimeriez que le projet de loi soit retiré, du moins que certaines dispositions soient modifiées. De quelles dispositions s'agirait-il, et que voudriez-vous qu'on modifie?

M. Massicotte : Il me serait ardu d'énumérer toutes les dispositions que je trouve contestables.

J'aimais une chose de ce projet de loi, et c'est l'idée qu'on ajoute un jour de vote par anticipation. Je crois qu'il s'agit là d'un pas dans la bonne direction, parce qu'au fil de mes recherches, j'ai constaté que les Canadiens sont de plus en plus nombreux à voter par anticipation, et ils sont un nombre impressionnant à le faire. Cela contribue à accroître la charge de travail des membres du personnel de scrutin. Par conséquent, je pense que c'est une bonne idée.

J'ai tendance à préférer la plus grande ouverture et accessibilité possible. Pourquoi? Parce que selon moi, le principal problème auquel est confronté notre système électoral, c'est la diminution de la participation au scrutin. Dans le bon vieux temps de M. Diefenbaker et de M. Pearson, il arrivait que 82 p. 100 des Canadiens votent, et le point de référence était de 75 p. 100 la plupart des années, jusqu'en 1988, inclusivement. Depuis, comme vous le savez, le pourcentage de Canadiens exerçant leur droit de vote diminue.

En passant, j'ai entendu les analystes et les politiciens donner toutes sortes d'explications, pas toujours très intéressantes, mais la meilleure, c'est le désintérêt des jeunes. Selon moi, c'est préoccupant.

Élections Canada, pendant les quelques années où j'y ai travaillé, semblait s'inquiéter de ces tendances et vouloir faire ce qu'il pouvait pour faciliter l'exercice du droit de vote. Maintenant, la question qui se pose, c'est : est-ce que les Canadiens sont allés trop loin? Est-ce que nous — l'État — avons été trop ouverts dans l'adoption d'exigences?

Voici l'approche que je privilégie : si vous pouvez prouver une fraude massive, je ne vais pas m'objecter à ce qu'on applique strictement les exigences en matière d'identification. Permettez-moi de vous donner un exemple. Au Québec, jusque dans les années 1980, les usages étaient les mêmes que partout ailleurs au Canada. On ne faisait que demander aux gens : « Êtes-vous un tel? » On faisait confiance aux gens. C'est ce qu'on appelait le principe d'intégrité.

En 1994, et plus tard, en 1998, deux élections provinciales se sont tenues dans des circonscriptions : Bertrand, après 1994, et Anjou, après 1998. Dans les deux cas, on détenait des preuves indubitables que des gens avaient profité de l'ouverture de la loi pour commettre de la fraude. La réaction des législateurs au Québec a été appropriée. Ils ont exigé des pièces d'identité, ce qu'on n'exige pas, si je comprends bien, et c'est ce qui semble être le problème. La question n'est pas de savoir si on exige des cartes d'identité. Je crois que la question a été réglée il y a déjà longtemps. Il s'agit plutôt de savoir si l'adresse devrait figurer sur la carte d'identité, puisque ce n'est pas le cas de toutes les cartes. Voilà, selon moi, en quoi consiste le problème.

Le sénateur Moore : Ces deux exemples sont tirés des élections provinciales.

M. Massicotte : Oui. Même après ces cas de fraude... Vous êtes des politiciens chevronnés; vous savez qu'après une élection, l'adversaire soulève toujours des allégations, surtout s'il a perdu : l'adversaire a triché, et toujours « massivement ». J'aurais des centaines d'histoires de ce genre, mais en tant que professeur, je m'en tiens aux preuves judiciaires solides. Si les allégations sont prouvées en cour, dans ce cas, mettons de côté les belles idées d'ouverture. Je conviens d'imposer des restrictions, puisque de toute évidence, des gens ont profité de l'ouverture prévue par la loi.

En l'espèce, combien d'élections fédérales ont été déclarées nulles ces dernières années? Je les ai comptées : il y en a très peu. La dernière fois, c'était à Etobicoke. Le résultat a d'abord été annulé, puis je pense que la Cour suprême du Canada a infirmé cette décision.

A-t-on des preuves solides de fraudes massives? Je n'en vois pas, et c'est pourquoi je penche pour le maintien de la loi actuelle.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Lee, j'aimerais revenir sur le point no 14, dans votre exposé :

Affaires autochtones Canada : 800 000 cartes d'identité autochtone nécessaires pour obtenir des avantages comme le remboursement de TVH.

Ma question donne suite à celle du sénateur Moore concernant les Autochtones.

Je vois que vous avez fait vos recherches en ce qui concerne le vote par voie de répondant chez les Autochtones. Comme vous le savez, dans le cas des Premières Nations, certaines bandes tiennent des élections en conformité avec les dispositions électorales de la Loi sur les Indiens, tandis que d'autres ont recours à un code électoral coutumier.

J'ai récemment lu un article dans lequel le directeur général national, Peter Dinsdale, disait :

L'attestation de résidence par voie de répondant vaut mieux que l'élimination complète du vote par voie de répondant puisqu'ainsi, un Autochtone doté, par exemple, d'une carte de statut d'Indien où ne figure pas l'adresse, pourrait présenter une pièce d'identité puis signer un serment.

Ma question est la suivante : dans quelle mesure les Autochtones ont-ils recours au vote par voie de répondant? Par exemple, s'en sert-on lorsque des élections sont tenues conformément aux dispositions électorales de la Loi sur les Indiens et en vertu de codes électoraux coutumiers?

M. Lee : Je ne sais pas. Je ne me suis pas renseigné à ce sujet. Ce que je voulais vérifier, c'est l'existence de systèmes d'identification pour de nombreux groupes de Canadiens — pas seulement pour les gens riches, mais aussi pour les gens marginalisés qui prennent l'autobus et qui, selon l'Association de l'autobus, sont des gens à faible revenu. Je voulais étudier la situation des Autochtones et des étudiants, parce qu'on a allégué que ces groupes n'avaient tout simplement pas les pièces d'identité requises.

Je travaillais dans une banque il y a des années, et l'Association autochtone nationale à l'époque était l'un de mes clients. Je m'en souviens très bien. Les banques ont toujours insisté sur l'identification. On n'a jamais pu entrer dans une banque et dire : « Je n'ai pas de pièce d'identité, mais donnez-moi mon argent. »

C'était bien avant l'ère informatique ou numérique et les transactions bancaires en ligne. Les banques ont toujours porté une attention particulière à l'identification. Ce n'est que ces 10 dernières années que nous avons commencé à nous intéresser davantage à l'identification. Bon, aux frontières en raison des attaques du 11 septembre. Les universités n'ont commencé à demander des pièces d'identité avec photo pour subir des examens qu'il y a 10 ou 15 ans.

Dans une société moderne et avancée, il est devenu de plus en plus important d'établir un système normalisé d'identification. Évidemment, toutes sortes d'organisations ont relevé le défi et ils ont produit des pièces d'identité, notamment la carte d'identité autochtone dont vous parliez.

[Français]

Le sénateur Rivest : J'aimerais me référer à la discussion que vous avez eue avec la sénatrice Frum.

Élections Canada relève du Parlement. On ne peut pas reprocher par exemple au vérificateur général du Canada de publier, sur son site web, des critiques sur l'administration gouvernementale et en faire un acte de déloyauté. C'est dans la nature même de l'institution. Je vous remercie, monsieur Massicotte, d'avoir rappelé fondamentalement, dans votre présentation, que le directeur général des élections et Élections Canada ne sont pas au service du parti gouvernemental, mais au service de l'ensemble des partis. Le fait d'avoir une majorité parlementaire ne confère aucun privilège ou droit particulier à l'égard du directeur général des élections.

Il y a une pratique au Québec sur les amendements à la Loi électorale selon laquelle les partis politiques se réunissent périodiquement avec le directeur général des élections pour convenir d'amendements. Beaucoup de gens ont reproché au gouvernement d'avoir procédé d'une façon unilatérale. Vous avez rappelé, monsieur Massicotte, que cela c'est fait également dans le passé, sous l'administration du premier ministre Bennett, et sous celle du premier ministre Chrétien. Même au Québec, la Loi sur le financement des partis politiques de René Lévesque a été faite unilatéralement. De même, une loi aussi fondamentale, en termes électoraux, que la Loi sur la consultation populaire, a été faite, elle aussi, de façon unilatérale; c'est une loi sur laquelle se fondent les exercices référendaires. Mais il y a quand même une pratique qui s'est installée. Madame Marois a, par exemple, modifié la Loi sur le financement des partis politiques, et dans ce cas, il y a eu un consensus et une étude.

Vous avez rappelé, et c'était très intéressant, la pratique d'usage au sein du gouvernement canadien. Est-ce que, dans les autres provinces du Canada, d'une façon générale et sommaire, lorsqu'on amende la Loi électorale ou le statut du directeur des élections, en ce qui concerne les diverses modalités qui entourent le projet de loi, on procède par consultations avec les autres partis avant de déposer le projet de loi? Ou est-ce que la pratique est discontinue et analogue à celle que suit le gouvernement canadien?

M. Massicotte : Malheureusement, sénateur Rivest, on ne pourra pas m'appeler l'« omniscient professeur », parce que je ne suis pas en mesure de répondre à votre question relativement aux autres provinces canadiennes, ni même aux autres pays du monde, parce qu'ils n'ont pas fait l'objet d'études. Très franchement, l'étude comparative, d'un point de vue international, des processus de réforme de la Loi électorale demeure un très beau sujet de recherche.

Je l'ai fait dans le cas d'Élections Canada parce que le directeur des élections m'avait demandé de retracer la source de tous les changements importants qui avaient été apportés à la Loi électorale depuis les années 1920. À cette occasion, cela m'a obligé à me rapporter aux comités parlementaires, et c'est là que j'ai pu constater cette différence d'approche d'avant et après M. Bennett, et que j'ai relevé cette constance de consultation.

Vous avec cité la Loi sur le financement des partis politiques et la Loi sur la consultation populaire, et je constate que vous avez une excellente mémoire, parce que j'ai dû m'obstiner avec d'éminents éditorialistes pour leur rappeler que la Loi sur la consultation populaire n'était pas du tout le fruit d'un consensus, et qu'elle avait été adoptée moyennant l'objection, l'opposition du Parti libéral du Québec lors de la deuxième lecture. Vous vous souvenez peut-être des relations entre M. Lavoie et M. Burns à cette époque.

Donc, la Loi du financement des partis politiques est un parfait exemple d'erreurs collectives qui ont été commises en 1978. J'en parle avec une certaine passion parce que, pendant des années, j'ai examiné le fonctionnement de cette loi, tenant pour acquis que les politiques l'avaient respectée.

On a entendu de plus en plus, au fil des années, des remarques selon lesquelles il y avait tout un système parallèle qui s'était établi. À l'heure actuelle, cette perception s'est étendue au grand public depuis deux ou trois ans; cette loi a été une erreur monstrueuse qui a été adoptée. L'opposition n'était pas manifeste, mais on la sentait très sourdement; elle a été ignorée à cause du contexte de l'époque. Il aurait été souhaitable que l'on examine, à cette époque, de façon calme, les postulats qui sous-tendaient cette loi vertueuse, à savoir qu'il était possible de financer les partis politiques simplement au moyen des contributions d'individus supposément désintéressés. Comme vous le savez, on s'est aperçu, au fil des années, que tout était tourné et que les rapports ne reflétaient absolument pas la réalité.

Donc, effectivement, je pense que, pour ce qui est des questions de réforme électorale, il y a toujours des gens qui se disent qu'ils ont une idée, que c'est ainsi que le monde doit fonctionner et qui fonce dans cette direction. D'autres se diront plutôt qu'avant d'agir, ils vont examiner les données empiriques pour s'interroger si ce qu'ils affirment est fondé sur quelque chose de réel, des recherches scientifiques, des décisions de tribunaux. Personnellement, je pense que cette approche peut prendre un peu plus de temps si on décide de tenir compte de toute cette contribution, mais cela me paraît donner de meilleurs résultats.

[Traduction]

Le président : Je demanderais, aux témoins surtout, de bien vouloir répondre de façon plus concise. J'ai fait preuve d'une plus grande latitude aujourd'hui parce que notre deuxième groupe de témoins ne comparaîtra pas, mais nous avons tout de même un autre point à l'ordre du jour. À moins qu'on ne s'y oppose vivement, je donnerai 10 ou 15 minutes de plus pour que tous les sénateurs puissent poser leurs questions. J'espère que vous accéderez à cette demande.

Le sénateur Plett : Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais corriger les faits. Le sénateur Baker savait que j'allais soulever ce point.

Je pense que Mme Giesbrecht, dans ses remarques — et on pourra vérifier le compte rendu — parlait des gens qui n'ont pas de pièce d'identité sur laquelle figure leur adresse, et non pas des gens sans adresse. Lorsque je lui en ai parlé, elle a convenu qu'il s'agissait de dames pour lesquelles tout est au nom de leur époux. Évidemment, ces femmes avaient des pièces d'identité, mais sans adresse.

Comme nous le savons tous, l'une des modifications portait sur cette question, et je ne crois plus qu'il s'agisse d'un problème.

J'aimerais apporter une autre correction. Le sénateur Moore a parlé du permis de conduire. Il connaît des gens qui en ont deux, trois ou même quatre. Dans ce cas, il devrait les dénoncer, parce que je pense qu'il est illégal d'en avoir plus d'un. Mon permis de conduire me permet d'être chauffeur, de conduire un autobus, une ambulance et un tracteur routier avec système de freinage pneumatique. Il s'agit d'un permis qui vous permet plusieurs choses. C'est la catégorie sur le permis qui compte, et non pas le nombre de permis. Enfin, sa province délivre peut-être des permis spéciaux, mais pas la mienne.

Professeur Massicotte, dans vos propos — et vous venez d'y faire à nouveau référence — vous avez parlé du premier ministre Bennett et du fait qu'il avait fait adopter à la hâte une mesure législative. Vous avez en quelque sorte laissé entendre, je pense, que c'était peut-être ce qu'on faisait ici.

Cette question a évidemment été étudiée en profondeur en comité au Parlement. L'étude est d'ailleurs toujours en cours. Je crois qu'elle ne va nulle part. Nous réalisons actuellement une étude préliminaire; il ne s'agit pas d'une étude finale. Il s'agit d'une étude préliminaire, et le président a indiqué que nous allions tenir huit séances à cette fin.

Nous avons proposé un certain nombre d'amendements et, bien entendu, le ministre en a accepté certains. Cette question sera étudiée plus en profondeur au Parlement avant l'étape de la troisième lecture. À un moment donné, le projet de loi sera renvoyé au Sénat pour la première et la deuxième lectures avant de retourner encore une fois à notre comité pour d'autres séances. J'espère, bien sûr, qu'après ces séances du comité le projet de loi sera lu une troisième fois et adopté.

Je dirais, et vous pourrez me dire ce que vous en pensez, qu'il ne s'agit pas exactement d'un examen à la hâte en une semaine, comme ce que le premier ministre Bennett aurait fait, d'après ce que vous avez laissé entendre. Pourriez-vous ne pas nous dire si vous appuyez le projet de loi? Selon EKOS, 90 p. 100 des Canadiens appuient cette démarche; vous seriez donc parmi les 10 p. 100 qui ne l'appuient pas. Pourriez-vous nous dire plutôt si vous croyez que nous allons trop vite ou si nous avons pris de bonnes mesures de précaution?

M. Massicotte : Sénateur, nous nous entendrons sur une chose. Je n'ai pas laissé entendre que M. Bennett avait agi à la hâte. J'ai dit que c'était le cas; c'était un fait. Pour rester dans les faits, je crois que ce que nous avons fait ces dernières années n'est certainement pas aussi reprochable que ce que le premier ministre Bennett a fait dans les années 1930.

Le sénateur Plett : Je vous remercie à tout le moins de nous donner un D plutôt qu'un F.

Professeur Lee, je vous remercie beaucoup de votre soutien à l'égard du projet de loi. Encore une fois, pour revenir à ce que le sénateur Baker a dit, j'aimerais à tout le moins, encore une fois, pour ma tranquillité d'esprit, poser la question, même si je connais déjà la réponse.

Pour ce qui est du vote par voix de répondant, de l'attestation de l'identité, et cetera, les personnes âgées mentionnées par la directrice de scrutin obtiennent probablement des chèques de pension de vieillesse. Elles ont probablement besoin d'une pièce d'identité pour toucher leurs chèques de pension de vieillesse.

M. Lee : Je suis allé à Service Canada. Peut-être que je ne l'ai pas indiqué; je vais faire circuler un document modifié. J'ai beaucoup de renseignements de base pour étayer ce document.

Je suis allé à Service Ontario et à Service Canada. Service Canada fournit une liste des pièces d'identité requises pour faire une demande d'assurance-emploi, de pensions de vieillesse, de prestations du Régime de pensions du Canada et de Supplément de revenu garanti. C'est beaucoup plus exigeant, et on le comprend. Voilà l'argument que je tenais à faire valoir. Je ne l'ai pas indiqué dans mes commentaires, mais je l'ai dit au comité de la Chambre des communes lorsque j'y ai témoigné.

Il est extraordinairement naïf de croire que toute personne puisse faire une demande à quelque ordre de gouvernement de ce pays, en se présentant et en disant : « Je veux des prestations de cet organisme gouvernemental. Je n'ai pas de pièce d'identité. Je ne vais pas vous dire qui je suis. Maintenant, s'il vous plaît, donnez-moi des prestations d'aide sociale, de logement social, de sécurité de la vieillesse, de Régime de pensions du Canada. » Ça ne fonctionne pas comme ça. Les organismes gouvernementaux ne fonctionnent pas ainsi. Aucun organisme aujourd'hui n'offre des prestations sans qu'on lui fournisse d'abord des pièces d'identité irréfutables.

Le sénateur Plett : C'est surprenant, la façon dont on peut trouver une pièce d'identité quand on veut obtenir de l'argent.

M. Lee : En fait, il faut présenter une pièce d'identité pour obtenir ces prestations; absolument.

Le sénateur Moore : J'aimerais savoir, compte tenu des talents de conducteur du sénateur Lee...

Le sénateur Plett : Je suis, en fait, le sénateur Plett.

Le sénateur Moore : Je suis désolé, sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Avec le soutien que M. Lee vient de nous accorder, nous pourrions le nommer au Sénat.

Le sénateur Moore : Il y travaille; c'est évident.

Cette question me préoccupe. Si j'ai tort, je suis désolé, mais j'aimerais savoir une chose : dans les données de Transports Canada, le nom du sénateur Plett figurerait-il pour chaque permis qu'il détient, ou une fois seulement pour tous les permis?

M. Lee : C'est une excellente question. Il s'agit en fait d'un tableau Excel. Je vais le faire parvenir à la greffière du comité et elle pourra vous le distribuer. Les données sont ventilées par province. Je ne peux pas répondre à votre question, parce que je n'ai pas examiné la base de données de près. Je tentais de trouver des bases de données et le nombre de personnes qui y sont contenues, et non pas comment elles ont été dressées ou comment le dénombrement a été effectué.

Le sénateur Moore : Je trouve que la portée est très large. C'est pourquoi je posais la question. À mon avis, il n'est pas sensé d'avoir une si vaste portée.

Monsieur Lee : De toute façon, il y a correspondance. Je n'en ai pas parlé. J'ai consulté le recensement de 2011 de Statistique Canada, parce que je voulais savoir combien de personnes étaient âgées de plus de 18 ans, et les chiffres de Transports Canada le confirment. On parle un peu de pommes et d'oranges, parce que Statistique Canada tient compte de tous les gens au pays, qu'ils soient ou non des citoyens canadiens ayant le droit de vote, tandis que M. Mayrand parlait d'électeurs admissibles. J'ai posé, quant à moi, une question différente : combien de personnes sont détentrices d'un permis de conduire? Pourquoi? Parce que les noms et adresses figurent sur les permis. Il y a 23,8 millions de Canadiens, mais seulement 22 millions d'entre eux sont âgés de plus de 18 ans.

Le sénateur Moore : Je veux savoir comment ils sont inscrits. C'est tout.

Le sénateur Plett : Je tiens simplement à dire que j'ai un permis de conduire du Manitoba. Je vais aussi faire une vérification, et je suis certain que mon nom figure une fois.

La sénatrice Batters : La première chose que je voulais dire, monsieur Massicotte, c'est que vous avez indiqué que la Loi électorale n'est pas la propriété des professeurs ni des fonctionnaires d'Élections Canada. Je ne sais pas si vous en êtes vraiment venu à cette conclusion, mais je présume qu'elle relève du peuple.

Je vous pose la question à tous les deux; je ne sais pas si vous avez entendu parler du sondage dont les résultats ont été publiés tard jeudi soir. Il s'agit d'un sondage mené par Ipsos Reid pour le compte de CTV News. On a découvert que 87 p. 100 des personnes interrogées estiment qu'il est raisonnable de demander à une personne de prouver son identité et son adresse avant de pouvoir voter. Par ailleurs, 70 p. 100 des gens ont dit qu'il était acceptable d'éliminer le vote par voie de répondant et de demander aux électeurs de prouver leur identité et leur adresse avant de pouvoir voter. Seulement 30 p. 100 ont dit qu'il était inacceptable d'éliminer le vote par voie de répondant. Par parti, les nombres sont très élevés. Ainsi, 66 p. 100 des électeurs néo-démocrates estiment que le vote par voie de répondant devrait être éliminé.

Alors, monsieur Lee, pour revenir à ce que vous disiez sur les pièces d'identité que détiennent les Canadiens, je crois que ces résultats de sondage démontrent que les Canadiens comprennent qu'ils détiennent des pièces d'identité et qu'il est extrêmement raisonnable de s'attendre à ce qu'ils puissent prouver leur identité et leur adresse lorsqu'ils votent. Ce sondage a été mené avant que notre gouvernement annonce qu'il allait présenter un amendement sur le vote par voie de répondant pour l'attestation de l'adresse seulement. Ainsi, certains des groupes les plus vulnérables qui n'ont pas de pièce d'identité avec adresse pourront y recourir.

Monsieur Lee, pensez-vous qu'il s'agit d'une explication possible pour ces chiffres élevés?

M. Lee : J'irais encore plus loin. Les gens ne s'amusent pas à compter le nombre de cartes d'identité dans leur portefeuille. Nous avons pris l'habitude. Notre comportement a changé, je dirais, au cours des 10 à 15 dernières années. Il y a 50 ans, la vie en société était beaucoup plus simple, plus décontractée, plus informelle. Tout le monde connaissait tout le monde et on ne se déplaçait pas beaucoup. Nous n'avions pas besoin de beaucoup de pièces d'identité. Aujourd'hui, nous vivons dans une société beaucoup plus sophistiquée et plus mobile. Nous avons été habitués à l'idée de présenter une pièce d'identité partout. Il faut présenter une carte d'identité du gouvernement pour chaque organisme gouvernemental avec qui on fait affaire. Il faut présenter une pièce d'identité pour traverser la frontière. Il faut présenter une pièce d'identité pour être admis à l'Université Carleton, à l'Université de Toronto ou à n'importe quelle autre université. Partout où on va aujourd'hui, il faut présenter une carte d'identité pour chaque activité. Dans notre subconscient, c'est la façon dont le monde fonctionne. La pratique de se porter garant est une anomalie. Je serai franc; j'ai été surpris, ces derniers mois du débat, qui a eu lieu sur le vote par voix de répondant. C'est contraire à tout ce qu'on vit au quotidien.

La sénatrice Batters : Monsieur Massicotte, dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé d'un processus collégial, et vous avez dit que, généralement, ce genre de mesure législative fait l'objet d'un consensus lorsqu'elle est adoptée. La lettre que vous et 400 autres universitaires avez signée décrivait cette approche comme une tradition canadienne louable qui n'était pas suivie en l'occurrence, mais, selon moi, c'est une question d'histoire prévisionniste. Vous avez parlé de certains cas dans l'histoire où l'approche n'a pas été suivie, mais je peux vous donner d'autres exemples de réforme à la Loi électorale au cours des dernières décennies — donc, il n'y a pas très longtemps.

Le projet de loi C-14 a été adopté avec dissidence en 1993. Le projet de loi C-63 a également été adopté avec dissidence en 1996. Il en va de même pour le projet de loi C-2, adopté avec dissidence en 2000. Même chose pour le projet de loi C-24, adopté avec dissidence en 2003. Tous ces projets de loi apportaient des changements importants à la Loi électorale et aucun d'entre eux n'avait fait l'objet d'un consensus. À toutes ces occasions, sauf pour la première en 1993, les libéraux étaient au pouvoir. Je me demande si vous ou vos collègues avez soulevé des questions à ce sujet au moment de rédiger la lettre.

[Français]

M. Massicotte : Sénatrice, si vous me permettez de répondre en français, ce sera plus direct. La procédure que je viens de décrire a été suivie de 1936 à 1938, en 1947, en 1951, en 1955 sous l'administration des gouvernements libéraux, en 1959-1960 sous l'administration du gouvernement conservateur de M. Diefenbaker, de 1968 à 1970, et en 1977. J'ajouterais qu'en 1993, sous l'administration du gouvernement progressiste-conservateur de M. Mulroney, on a procédé de façon consensuelle et collégiale. De plus, la refonte de 2000 a été faite sous l'égide d'un gouvernement libéral. Finalement, il y a le projet de loi C-31 qui a été fait par un gouvernement conservateur. J'ai pris la peine, moi, de vérifier chacune de ces lois dans le cadre de mes recherches.

Je n'ai pas pris connaissance du sondage que vous avez cité, sénatrice, mais je voudrais savoir si on a pensé à poser la question suivante : êtes-vous d'accord pour que le gouvernement actuel impose au Parlement des règles auxquelles s'opposent les partis d'opposition? J'aimerais bien savoir ce que les Canadiens répondraient à cette question.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Massicotte, je vous écoute depuis le début et — je ne dis pas que je suis surpris —, le ton de vos propos me surprend un peu. Si je comprends bien, vous avez appris ce qui se passait au Canada dans les journaux australiens. Vous m'avez dit que vous étiez en Australie; vous l'avez lu dans un journal australien?

M. Massicotte : J'ai suivi le dossier au Canada. Je lis les journaux canadiens maintenant grâce à Internet. Ma surprise venait du fait que l'on parle de cette question dans un journal australien. J'étais vraiment surpris.

Le sénateur Dagenais : Pour faire un parallèle, je dirais que les journaux australiens ont quelquefois le même défaut que les journaux canadiens; ils rapportent une partie de la vérité et pas tout.

M. Massicotte : Dans le journal en question, sénateur — vous me permettrez de vous le mentionner —, ça m'a frappé parce que c'est un journal d'une orientation éditoriale qui cadre parfaitement avec la vôtre.

Le sénateur Dagenais : C'est parce que je n'ai pas terminé. À l'accoutumée, les journalistes critiquent quelquefois le Sénat, mais on n'en voit jamais dans les tribunes du Sénat. C'est un commentaire que je voulais apporter.

Les lois sont édictées depuis longtemps, mais elles sont faites pour être modernisées, parce que, à l'occasion, elles peuvent mal vieillir. Je crois que le projet de loi que le gouvernement veut mettre en place est plus moderne.

Ceci étant dit, on parlait beaucoup tantôt de trois ou quatre permis de conduire; je vais porter mon chapeau de policier pendant deux minutes, puisque je l'ai été pendant 39 ans. On a un seul permis de conduire et il peut y avoir trois ou quatre classes figurant sur le permis de conduire; on n'a pas quatre permis de conduire. J'en suis certain. Je ne suis pas avocat, mais je suis policier.

Dans la police, il n'y a pas de trafic de drogues tant que la police ne fait pas d'arrestation, mais il serait injustifié de conclure qu'il n'y a pas de trafic pour autant. Et, régulièrement, les policiers raffinent leurs pratiques pour être plus efficaces. Pourquoi donc cela ne devrait-il pas être la même chose dans le cas de la Loi électorale, à savoir que ce n'est pas parce qu'on n'a pas repéré un grand nombre de fraudes qu'il n'y en n'a pas?

Ceci étant dit, j'en arrive à mon deuxième argument. M. Lee a mentionné qu'il y avait beaucoup de façons de s'identifier. Dans le projet de loi, on mentionne même 39 façons de s'identifier pour aller voter. À partir de tout cela, vous ne pensez pas que le citoyen a une responsabilité lorsqu'il exerce son droit de vote? Je pense que le citoyen a une responsabilité; il ne faudrait pas la mettre de côté. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Massicotte : Je pense qu'il y a une attitude mentale à laquelle on est tous exposés lorsqu'on a le nez collé sur l'opération électorale. Les fonctionnaires électoraux, par exemple, à force de dormir avec la Loi électorale du Canada sous leur oreiller, ou encore les politiques qui, par la force des choses, doivent penser à la politique 24 heures par jour, finissent par oublier, ou sont exposés à oublier ceci : pour le citoyen ordinaire, l'acte de voter est quelque chose qui se fait — ce n'est pas comme quand on conduit sur l'autoroute —, c'est quelque chose qui se fait une fois, en principe, tous les quatre ans. C'est quelque chose qui prend quelques minutes. Heureusement que ça ne demande pas plus de temps que cela. Combien de gens, véritablement, vont s'asseoir pendant une demi-heure pour penser à chacun des détails du geste qu'ils s'apprêtent à poser, chacune des opérations administratives qui y sont impliquées? Je soupçonne que, dans la tête de l'électeur moyen, ce qui est important, c'est de savoir s'il va voter pour un camp ou pour l'autre. Ce n'est pas exactement toute la mécanique du vote que l'on a en tête.

Ma crainte, personnellement, est celle-ci : des changements apportés à la procédure par le Parlement même avec les meilleures intentions du monde peuvent avoir pour effet de déranger des habitudes déjà établies. On pense toujours, par exemple, à la personne qui était habituée depuis des années à voter sans apporter de pièce d'identité et qui, pour cette raison, peut l'oublier parce que ça fait 20 ou 30 ans qu'elle vote sans avoir de pièce d'identité. Tout à coup, on lui en demande une. Je l'ai dit, je pense qu'il y a de bonnes raisons pour demander des pièces d'identité. Pour moi, le débat tourne autour de la question de la carte d'adresse. C'est ça, peut-être, qui pose davantage problème. Voilà.

[Traduction]

Le président : Nous allons clairement dépasser les 15 minutes supplémentaires, mais je voulais donner à tous les sénateurs l'occasion de poser leurs questions aux témoins. J'encourage les témoins d'être aussi concis que possible dans leurs réponses.

[Français]

Le sénateur Joyal : Je souhaite la bienvenue à M. Massicotte et au professeur Lee. Je me concentrerai uniquement sur la disposition du projet de loi qui ne donne pas au directeur général des élections la capacité d'obtenir d'un tribunal un ordre pour contraindre une personne à témoigner ou à produire des documents. Comment évaluez-vous l'impact de l'absence de cette disposition dans le projet de loi, alors que l'objectif du projet de loi serait de nettoyer les scories qu'il peut y avoir et qui empêchent le processus électoral d'être le plus transparent possible et le plus crédible possible? Comment expliquez-vous que l'on ne retrouve pas une disposition de ce genre dans le projet de loi?

M. Massicotte : C'est justement un point qui m'a intrigué. À ma connaissance, ce n'est pas le directeur général des élections dont on déplore qu'il n'ait pas le pouvoir de contraindre des témoins, mais plutôt le commissaire aux élections fédérales. Effectivement, c'est ce qui m'a finalement le plus intrigué, en réfléchissant à tout ce projet de loi. Ce projet de loi est fondé sur l'idée qu'il y a beaucoup de fraudes et que, par conséquent, la situation est très grave et qu'il faut resserrer les choses. Mais en même temps, justement, on ne donne pas les pouvoirs supplémentaires à la personne chargée d'effectuer des enquêtes à ce sujet.

J'ai lu le témoignage de M. Côté, le commissaire aux élections fédérales, qui confirme que ce sont des pouvoirs dont il aurait besoin. Mais, paraît-il que, lorsqu'il demande ces pouvoirs, il devient une sorte de bureaucrate affamé de pouvoir, et puis on n'a pas besoin de l'écouter à ce sujet.

Je pense que ce serait une meilleure idée si le commissaire aux élections fédérales avait le pouvoir d'enquête et le pouvoir de contraindre des témoins à témoigner. Ce qui m'intrigue un peu, c'est que je constate — et c'est une chose dont on pourrait dire qu'elle est intéressante dans le projet de loi — qu'on augmente les pénalités qui sanctionnent les fraudes.

Franchement, même si on décidait de couper la main aux personnes qui commettent de la fraude électorale, si, par ailleurs, on ne donne pas à ceux qui ont le pouvoir de faire des enquêtes la capacité de les pincer, les pénalités impliquées auront une utilité purement figurative. On pourra dire que c'est puni très sévèrement par la loi, mais si le chien de garde décrit par la loi n'a pas véritablement ces pouvoirs, les contrevenants risquent de s'en tirer. Voilà.

Le sénateur Joyal : Merci.

[Traduction]

M. Lee : Je serai bref parce que je n'ai pas fait de recherche à ce sujet, mais c'est lié au commentaire que j'ai fait plus tôt concernant ce qu'a dit la sénatrice Frum, à savoir l'expansion des pouvoirs des entités quasi judiciaires au Canada à l'échelle fédérale au cours des 40 dernières années. Je ne sais pas pourquoi nous devrions doter les entités quasi judiciaires de pouvoirs dont les policiers ne disposent pas. Je suis surpris qu'Élections Canada puisse m'obliger à témoigner alors que la police ne peut pas me forcer à témoigner dans un procès sur un crime pour lequel je fais l'objet d'une enquête. C'est surprenant.

Le sénateur McInnis : Je vous remercie d'avoir témoigné. Je vais répéter ce que j'ai dit hier. Nous sommes favorables à un autre niveau de magistrature, ce qui serait illogique et mal avisé. La police n'a pas ce pouvoir, mais, évidemment, le directeur des poursuites pénales l'aurait, de même que le tribunal qui cite la personne à comparaître.

M. Lee : Vous avez raison.

Le sénateur McInnis : Je voudrais poser d'autres questions, mais faute de temps, je vais m'en tenir à quelques brefs commentaires.

Il y a deux ou trois semaines, nous avons accueilli par vidéoconférence un professeur du Royaume-Uni spécialisé en sciences politiques, qui a dit que le vote par voie de répondant au Canada était un recours purement canadien. Êtes-vous au courant d'autres pays dans le monde qui permettent cette pratique?

M. Lee : J'ai fait beaucoup de recherche sur l'Union européenne et le Royaume-Uni. Évidemment, l'Irlande du Nord a mis en œuvre, en 2003, l'exigence de la pièce d'identité avec photo obligatoire pour le vote à ses élections. Dans le rapport de la Commission électorale du Royaume-Uni publié en janvier, on dit qu'il y a un très faible taux de fraude — en accord avec le professeur Massicotte, par coïncidence —, mais on fait valoir qu'il faut assurer une perception de justice et d'intégrité du système. Je ne présume pas que tous mes étudiants sont des tricheurs, mais je fais tout de même une vérification auprès de chacun d'eux, au cas où il y en aurait un. Il faut créer l'impression d'équité et de légitimité.

Pour répondre à votre question, et j'ai manqué de temps pour terminer la recherche en vue de faire rapport au comité, mais je crois avoir trouvé 10 pays en Europe qui exigent des cartes d'identité nationales. L'idée du vote par voie de répondant est dépassée en Europe. Plusieurs pays ont adopté une carte d'identité avec photo obligatoire. Je ne suis pas au courant d'autres pays qui permettent le vote par voie de répondant, et je tiens à faire remarquer que 5 des 10 provinces — et j'ai consulté les sites web des 10 commissions électorales des 10 provinces — interdisent le vote par voie de répondant. Cinq d'entre elles permettent le vote par voie de répondant et cinq l'interdisent à l'échelle provinciale; mais à l'extérieur du Canada, je n'ai pas trouvé d'autres exemples. Je n'ai trouvé aucun autre pays qui permette le vote par voie de répondant. En fait, la tendance est plutôt à l'inverse, en faveur de pièces d'identité avec photo obligatoire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question s'adresse à M. Massicotte. On voit que votre cœur est encore avec Élections Canada. Vous avez affirmé d'entrée de jeu qu'Élections Canada faisait preuve d'objectivité et d'absence de partisanerie, et cela semble avoir été votre expérience avec cet organisme depuis des années. Je comprends aussi qu'Élections Canada peut déposer un mémoire sur un projet de loi qui est défendu par le Parlement. Cependant, j'ai certaines réserves par rapport à votre position. Ayant été sous-ministre au gouvernement du Québec pendant plus de 30 ans, je faisais preuve d'un peu plus de retenue.

J'ai constaté que, lors des audiences, certains témoins ont été préparés par Élections Canada pour défendre la position d'Élections Canada ici. Selon vous, cette approche ne peut-elle pas être considérée comme de la partisanerie?

M. Massicotte : La capacité du sénateur Boisvenu de sonder les reins et les cœurs m'étonne un peu. Vous dites que mon cœur est avec Élections Canada. Mon cœur est au Parlement aussi. J'ai vu deux transitions politiques du Parti libéral au Parti conservateur en 1984...

[Traduction]

Le président : Je vous rappelle que la séance devait prendre fin il y a 20 minutes. Au lieu de donner l'historique, je vous demanderai de répondre directement à la question.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous feriez un bon politique, mais là n'est pas ma question.

M. Massicotte : Je ne crois pas du tout, au contraire.

Le sénateur Boisvenu : Le fait qu'Élections Canada prépare des témoins à défendre sa position...

M. Massicotte : Je n'ai aucune idée de ce qui s'est passé. Je peux simplement vous dire, si c'est ce qui vous inquiète, qu'en ce qui me concerne, je n'ai parlé à personne d'Élections Canada depuis en relation avec ma présentation, et deuxièmement, puisque vous voulez mettre l'accent sur ce point, je n'ai pas été un candidat conservateur battu à l'élection de 1993 comme le témoin qui m'accompagne.

Le sénateur Boisvenu : Je ne parle pas de vous.

[Traduction]

Le président : Voilà qui met fin à la séance. Je vous remercie, messieurs. Je vous remercie tous les deux d'avoir comparu et d'avoir contribué à nos délibérations sur ce projet de loi très important.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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