Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 22 - Témoignages du 27 novembre 2014
OTTAWA, le jeudi 27 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, pour procéder à l'étude article par article du projet de loi et pour examiner la teneur des éléments de la section 4 de la partie IV du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du public qui suivent en direct la séance d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Notre premier point à l'ordre du jour est l'étude article par article du projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle. C'est la sixième séance que nous consacrons à ce projet de loi.
Comme d'habitude, avec un projet de loi de ce genre, des représentants de la Section de la politique en matière de droit pénal de Justice Canada sont venus aujourd'hui pour répondre aux questions éventuelles des membres du comité. Nous accueillons Carole Morency, directrice générale et avocate principale ainsi que Normand Wong, avocat, que j'ai eu un peu de mal à reconnaître au départ, parce qu'il y avait des choses qui avaient un peu poussé depuis novembre. Bienvenue à tous les deux.
Les membres du comité souhaitent-ils que ces personnes s'approchent? Allons-nous poser des questions aux représentants du ministère?
La sénatrice Jaffer : J'en ai une.
Le président : Voulez-vous prendre place à la table?
La sénatrice Jaffer : Voici la question que je vous pose : Ce projet de loi est en voie d'être adopté, mais je ne sais toujours pas très bien comment ce projet de loi sera mis en œuvre et ni avec quelle rapidité nous pourrons retirer ces images.
Une des principales remarques que nous transmet le Comité des droits de la personne et que j'ai entendue ici est qu'une fois que les images sont affichées, leur retrait prend trop de temps et l'intimidation se poursuit pendant des jours et des mois. Sera-t-il possible de supprimer ces images rapidement? Quel sera le processus? Je sais que cela varie d'une province à l'autre. Je le comprends très bien. Comment pensez-vous que cela va se faire?
Carole Morency, directrice et avocate générale, Section de la politique en matière de droit pénal, Justice Canada : Nous pourrions peut-être vous présenter une réponse en deux étapes : premièrement, le processus d'entrée en vigueur et ce que va faire le ministère pour assurer une application efficace du projet de loi et ensuite, mon collègue pourra parler des pratiques policières et de la façon dont cela devrait, d'après nous, se dérouler.
Comme le comité va le savoir, le projet de loi entrera en vigueur trois mois après la sanction royale. Habituellement, il y a un communiqué de presse et une séance d'information. Nous transmettons également cette information à nos homologues provinciaux et territoriaux, pour qu'ils sachent comment va se faire la mise en vigueur de ce projet de loi.
Il nous arrive également, lorsque cela est possible, de travailler avec certaines organisations qui veulent préparer des documents d'information juridique publics. C'est le travail que nous essayons d'effectuer dans le cours normal des choses pour faciliter la mise en œuvre rapide et efficace de cette mesure.
Le comité a entendu récemment Lianna McDonald et nous travaillons en étroite collaboration avec son centre dans le cadre de la stratégie nationale qui finance cyberaide.ca. Nous allons continuer à travailler avec cet organisme pour faire connaître l'effet qu'auront les nouvelles réformes pour ce qui est des images intimes non consensuelles.
Pour ce qui est des détails et de l'application des dispositions relatives à la suppression des photos, je donne la parole à :
Normand Wong, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, Justice Canada : Comme Mme Morency l'a déclaré, l'administration de la justice relève principalement des provinces dans ce domaine. Je crois l'avoir mentionné dans mes remarques précédentes. Le processus sera essentiellement déclenché par des plaintes. La personne qui constate que des images intimes sont affichées sur Internet devra s'adresser à la police et l'informer du fait que des images intimes sont affichées sans son consentement. Le service de police devra donc ensuite présenter, avec le procureur de la Couronne, une demande au tribunal, à laquelle sera probablement joint un affidavit du plaignant.
Cela dépend en fait du tribunal qui siège dans ce ressort judiciaire, de sa charge de travail et du temps dont il dispose. C'est au plaignant de déclencher le processus. Une fois le processus démarré, cela dépendra du temps dont dispose le tribunal pour examiner la demande.
Le sénateur Baker : Je crois que le projet de loi sera adopté très rapidement dans un instant, lorsque nous procéderons à l'étude article par article. Il y a juste une question que j'aimerais poser à M. Wong. La voici : dans le Code criminel actuel, aux termes de l'article 487.012, comme nous l'avons mentionné à plusieurs reprises auparavant, une ordonnance de communication est rendue lorsqu'un juge de paix ou un juge a des motifs raisonnables de croire qu'un agent de la paix ou un policier a des soupçons. Ce sont les termes du paragraphe 487.012(3), autrement dit, une croyance qu'il existe des soupçons dans l'esprit de — est-ce que je cite correctement cette disposition?
M. Wong : Vous citez correctement l'ordonnance de communication actuelle.
Le sénateur Baker : Le droit actuel.
Le projet de loi a toutefois pour effet de relever la norme applicable à une ordonnance de communication générale. À la page 16, au bas de la page, dans le formulaire 5.004, qui est maintenant le formulaire 5, la disposition énonce « Il a des motifs raisonnables de croire que. » On ne parle pas de soupçon.
Pourquoi relever le seuil, dans ce genre de situation, pour obtenir une ordonnance générale de communication? Ce seuil est-il trop élevé pour obtenir une ordonnance générale de communication alors qu'aujourd'hui il n'est pas aussi élevé?
M. Wong : Ce n'est pas que nous ayons essayé de relever ce seuil. La jurisprudence a évolué...
Le sénateur Baker : L'interprétation.
M. Wong : Oui. Au cours des 10 dernières années qui ont suivi l'introduction des ordonnances de communication dans le Code criminel. Comme vous vous en souvenez, nous avons eu cette même conversation il y a 10 ans.
Le sénateur Baker : Il y a 10 ans.
M. Wong : L'ordonnance de communication originale était fondée sur le mandat de l'article 487, qui contient toujours ces termes.
Selon la jurisprudence postérieure, la question de l'existence d'une double norme s'est posée — le soupçon raisonnable pour la police et la croyance raisonnable pour le juge — et la jurisprudence a précisé que seule la croyance raisonnable serait appliquée, parce que c'est le juge qui rend l'ordonnance. Les tribunaux ont donc déclaré que ce seuil secondaire n'influençait pas la délivrance d'une ordonnance de communication. Nous essayons uniquement de codifier ce qu'ont déclaré les tribunaux.
Le sénateur Baker : Merci de cette précision, parce que ce point n'a pas été mentionné expressément au cours de toutes ces audiences, ni à la Chambre des communes et ici, à savoir que les tribunaux ont interprété le fait de croire qu'un policier a un soupçon en lui appliquant la norme de la croyance, une norme plus stricte qui est utilisée pour le mandat.
J'aimerais dire une dernière chose avant que nous passions à l'étude article par article. Ce sera mon dernier commentaire. Nous avons contre-interrogé de nombreux avocats au cours de ces audiences, des spécialistes de ce domaine et nous en sommes arrivés à un point où nous citions l'arrêt Spencer de la Cour suprême du Canada. J'ai parlé du paragraphe 47; je n'ai jamais vérifié. Mais j'ai encore à l'esprit ce qu'a déclaré la Cour suprême du Canada lorsqu'elle a parlé de croyance; elle a utilisé l'exemple de l'arrêt Brown, qui était une affaire de chien renifleur dans laquelle la Cour a déclaré que l'emploi d'un chien renifleur constituait une fouille. J'ai fait remarquer à chacun des avocats — à trois d'entre eux en fait — que cela avait été qualifié de fouille et que l'affaire Spencer n'avait donc rien à voir avec la notion de soupçon raisonnable, mais plutôt avec une lettre qui avait été envoyée aux termes de la LPRPDE pour demander à des policiers de fournir des renseignements.
À chaque fois, les avocats ont répondu : « Eh bien, vous ne pouvez pas comparer cela à ce que fait un chien renifleur. » Et je leur ai répondu à chaque fois : « Oui, mais cela vous envoie en prison ». C'est à cause des chiens renifleurs que la plupart des personnes qui ont été condamnées aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sont en prison aujourd'hui, comme le sénateur Dagenais pourrait le confirmer.
Tous ces avocats ont ensuite déclaré : « Oui, mais il vous faut un mandat fondé sur la croyance de la nécessité de fouiller le véhicule ou des vêtements. »
Je ne l'ai pas dit, mais j'aurais dû dire non, ce n'est pas exact; une fois la personne arrêtée, la fouille est accessoire à l'arrestation. C'est une chose qui se pratique couramment. Les policiers le font tous les jours.
De sorte qu'avec un soupçon raisonnable, le policier peut stopper un véhicule; avec un soupçon raisonnable, le chien peut renifler le véhicule; avec un soupçon raisonnable, il peut y avoir une arrestation; avec un soupçon raisonnable, l'on procède à une fouille accessoire à l'arrestation qui n'exige pas l'obtention d'un mandat fondé sur l'existence de motifs raisonnables de croire que certaines conditions sont remplies.
Je ne sais pas si vous voulez faire un commentaire sur ce point. Je n'ai pas voulu rectifier ces affirmations. La dernière personne qui a dit cela était ici hier et je n'ai pas complété ses affirmations, parce qu'elle pensait qu'il fallait toujours avoir des motifs raisonnables de croire certaines choses pour obtenir un mandat et fouiller un véhicule ou des bagages, alors que cette mesure est accessoire à l'arrestation. Je ne sais pas si vous souhaitez commenter cet aspect. Vous n'êtes pas obligé de le faire.
M. Wong : Je ne suis pas sûr que je doive le faire, mais je vais le faire quand même.
L'arrêt Spencer peut être interprété de plusieurs façons, comme de nombreux commentateurs l'ont fait. À notre avis, l'arrêt Spencer de la Cour suprême est une décision dont la portée est relativement étroite. Malheureusement, elle a des répercussions très larges parce que la LPRPDE, que vous avez mentionnée, est une loi facultative. Le but de la LPRPDE est de protéger les renseignements personnels des Canadiens et elle apporte certaines exceptions à l'obligation de protéger ces renseignements.
De sorte que pour la demande qui a été faite au service de police et à laquelle vous avez fait référence, cela vient du fait qu'historiquement, il a toujours été possible d'obtenir sans mandat ce genre d'information — les renseignements essentiels de l'abonné comme le nom et l'adresse du client. Nous n'avons jamais attribué à ce genre de choses une attente élevée en matière de respect de la vie privée.
La Cour suprême du Canada a modifié cette règle parce qu'elle a déclaré que, dans cette situation, votre identité, lorsqu'elle est reliée à une activité en ligne qui peut être anonyme, est associée à une attente plus élevée en matière de vie privée, mais cela vient du fait que votre identité est reliée à d'autres renseignements. La Cour suprême n'a pas déclaré que votre identité était associée à un niveau élevé d'attente en matière de vie privée dans tous les cas, mais seulement lorsqu'elle était reliée à un aspect qui pourrait révéler les détails intimes de votre vie.
Cela dit, pour ce qui est des affaires de chien renifleur et de choses du genre, le Code criminel prévoit divers seuils qui peuvent entraîner une arrestation, en fonction du caractère intrusif ou non du pouvoir de l'État de vous fouiller. Il s'agit donc de soupçon raisonnable pour les chiens renifleurs, parce que les chiens policiers et les chiens renifleurs sont utilisés dans des lieux publics où la sécurité est un aspect important. Dans de telles circonstances, votre attente en matière de vie privée est donc normalement plus faible.
Lorsque l'État utilise des moyens beaucoup plus intrusifs, il doit alors respecter un seuil plus élevé. Lorsque les policiers procèdent à des fouilles dans un endroit public où il est normal de s'attendre à être fouillé pour des raisons de sécurité, le seuil est alors plus faible.
Le sénateur Baker : Et il est encore plus faible, comme le sénateur Dagenais pourrait le déclarer et l'a mentionné à de nombreuses reprises devant le comité, avec la Loi sur les douanes. Il s'agit d'un simple soupçon. C'est pourquoi le sénateur Dagenais a fait remarquer qu'il faudrait qu'un agent des douanes vous accompagne pour arrêter un véhicule et effectuer une fouille, parce que le seuil est alors plus faible. Un simple soupçon suffit.
Le président : Y a-t-il d'autres questions pour les représentants du ministère?
Puisqu'il n'y en a pas, est-il convenu de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle?
Des voix : Convenu.
Le président : Êtes-vous d'accord pour suspendre l'adoption du titre?
Des voix : Convenu.
Le président : Êtes-vous d'accord de suspendre l'adoption de l'article 1, qui contient le titre abrégé?
Des voix : Convenu.
Le président : Convenu.
À partir de maintenant, est-il convenu d'examiner les autres articles du projet de loi par groupe de 10?
Des voix : Convenu.
Le président : Les articles 2 à 9 sont-ils adoptés?
Des voix : Convenu.
Le président : Convenu.
Les articles 10 à 19 sont-ils adoptés?
Des voix : Convenu.
Le président : Adopté.
Les articles 19 à 20 sont-ils adoptés?
Des voix : Convenu.
Le président : Adopté.
Les articles 21 à 30 sont-ils adoptés?
Des voix : Convenu.
Le président : Adopté.
Les articles 31 à 40 sont-ils adoptés?
Des voix : Convenu.
Le président : Adopté.
Les articles 41 à 47 sont-ils adoptés?
Des voix : Convenu.
Le président : Adopté.
L'article 1 qui contient le titre abrégé est-il adopté?
Des voix : Convenu.
Le président : Adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : Convenu.
Le président : Adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : Convenu.
Le président : Adopté.
Est-ce que le comité veut annexer des observations au rapport? Non?
Est-il convenu que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat?
Des voix : Convenu.
Le président : Convenu.
Comme les membres du comité le savent, nous avons un autre point à l'ordre du jour ce matin. Nous allons commencer notre étude de la teneur des éléments de la section 4 de la partie 4 du projet de loi C-13, qui fait partie du deuxième projet de loi de mise en œuvre du budget de 2014.
La partie que le comité a été invité à étudier concerne l'usage d'un ordinateur pour la vente de billets, la sélection des gagnants ou l'attribution d'un prix dans le cadre d'un tirage au sort, y compris un tirage moitié-moitié, avec une licence provinciale. À l'heure actuelle, le fait d'utiliser un ordinateur pour ce genre de loterie constitue une infraction.
Nous avons avec nous aujourd'hui Hal Pruden, conseiller juridique à la Section de la politique en matière de droit pénal à Justice Canada. Nous allons demander à M. Pruden d'expliquer cette disposition aux membres du comité. Vous avez la parole.
Hal Pruden, conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, Justice Canada : Je n'ai pas préparé d'exposé préliminaire par écrit, mais très brièvement, je peux vous dire que cet article du projet de loi C-43 correspond à une mesure qui se trouvait dans le budget de 2014. Il a pour effet d'élargir le type d'activités qu'un gouvernement provincial ou territorial peut autoriser lorsqu'il s'agit d'organismes religieux ou caritatifs qui fait des tirages au sort.
Grâce à cette modification, une province peut, si elle le souhaite, accorder à une organisation religieuse ou caritative une licence l'autorisant à organiser un tirage au sort en utilisant un ordinateur, ce qui veut dire que l'organisation en question, si la province lui accordait une licence, pourrait s'en servir pour vendre ses billets; elle pourrait également sélectionner un gagnant et elle pourrait distribuer les prix en utilisant un ordinateur. Elle pourrait exercer de cette façon toutes ces activités ou l'une d'entre elles; c'est à la province de le décider. C'est la raison pour laquelle j'ai dit au début que cette modification allait élargir le type d'activités pour lesquelles la province peut accorder une licence.
À l'heure actuelle, les provinces ne peuvent accorder une licence à une organisation religieuse ou caritative qui veut faire une loterie ou, dans ce cas, un tirage au sort, en utilisant un ordinateur.
Le ministre de la Justice a consulté cet été ses homologues provinciaux et territoriaux. Neuf provinces et deux territoires ont répondu à cette invitation. Les résultats ont été positifs et cette question se trouve maintenant dans un article du projet de loi.
Le président : Nous allons démarrer les questions avec le vice-président du comité, le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Tout d'abord, cette disposition autorisera une organisation religieuse ou caritative à utiliser un ordinateur pour vendre des billets, choisir les gagnants ou distribuer les prix dans un tirage au sort, y compris un tirage moitié-moitié. Qu'est-ce qu'un tirage au sort et qu'est-ce qu'un tirage moitié-moitié?
M. Pruden : On utilise souvent le tirage moitié-moitié pour les parties de hockey. On vend des tickets. La moitié des gains vont à l'organisation caritative et l'autre moitié au gagnant du tirage effectué au cours de la partie de hockey. Cela se fait, je crois, pour les parties de football et pour les parties de hockey.
Pour ce qui est du tirage au sort, ce pourrait être un grand hôpital qui met sur pied un tirage au sort de ce type dont le prix serait une maison de rêve ou quelque chose du genre. L'avantage qu'en retirerait une organisation religieuse ou caritative serait que l'organisation n'aurait pas à mettre tous les billets dans une boîte, et pourrait ainsi s'éviter le coût associé au fait d'avoir à placer tous ces billets imprimés dans une boîte. Les organisations pensent que cela leur reviendrait moins cher si elles pouvaient se servir d'un ordinateur pour le faire.
Le sénateur Baker : De sorte que toute personne — nous allons prendre le mot « personne » — qui n'est pas une organisation caritative ou religieuse et qui exploite un tirage au sort ou un tirage moitié-moitié peut utiliser à l'heure actuelle un ordinateur pour faire le tirage moitié-moitié, et cela se fait-il vraiment?
M. Pruden : Non. D'après le Code criminel, seule la province elle-même peut faire une loterie, y compris un tirage au sort ou un tirage moitié-moitié, à l'aide d'un ordinateur. Une province ou un territoire ne peut autoriser personne d'autre, notamment les organismes de charité et religieux, à faire ce genre de choses.
Le sénateur Baker : Quelle est la série d'événements qui a débouché sur l'interdiction de l'usage d'un ordinateur? Je ne comprends pas. Nous avons certainement dû en arriver à un point où l'usage de l'ordinateur était permis par certaines personnes, mais pas pour d'autres.
M. Pruden : En 1985, il a été précisé qu'une province ou un territoire pouvait utiliser un ordinateur. À l'époque, certaines provinces et certains territoires avaient utilisé des ordinateurs pour exploiter leurs loteries. Mais une province ou un territoire ne pouvait accorder ce genre de licence à une organisation religieuse ou caritative. La précision apportée en 1985 n'a pas autorisé l'attribution d'une licence provinciale à une organisation religieuse ou caritative pour qu'elle puisse utiliser un ordinateur.
Le sénateur Baker : C'est donc tout simplement une mesure administrative; cela vient tout simplement préciser que l'on peut maintenant utiliser un ordinateur. Aujourd'hui, tout le monde utilise des ordinateurs.
M. Pruden : Cette disposition accorde aux provinces et aux territoires un pouvoir plus large en matière d'attribution de licence car, comme vous le dites, à notre époque, il est nécessaire que les organismes religieux ou caritatifs puissent se servir d'un ordinateur si la province décide d'accorder ce genre de licence. Elle peut fort bien décider de ne pas autoriser l'emploi d'un ordinateur ou la province peut décider d'accorder une licence pour les ventes, mais pas pour les autres volets — c'est à la province de le décider, en fonction de la situation qui règne dans la province et de ce que la province estime acceptable comme type de licence.
La sénatrice Batters : Ma province d'origine est la Saskatchewan. Nous avons en Saskatchewan, et en particulier ces dernières années, une grande expérience des tirages moitié-moitié, mais l'emploi de l'informatique a énormément fait augmenter à la fois le montant des prix gagnants pour les tirages moitié-moitié et la capacité de lever des fonds de ces différents organismes de charité et de ceux qui exploitent ce genre de chose.
J'assiste régulièrement aux parties des Roughrider de la Saskatchewan et ils ont récemment adopté ce système — je crois que ce sont les Rams de l'Université de Regina qui s'occupent du tirage moitié-moitié. Ils le faisaient depuis des années, mais ce n'est que tout récemment qu'ils ont passé à un système informatisé. Auparavant, le prix que l'on obtenait avec le tirage moitié-moitié, il y a quelques années encore, était de 20 000 à 30 000 $, mais aujourd'hui ce prix peut facilement atteindre 50 000 ou 60 000 $.
À la finale des championnats du monde juniors à laquelle j'ai assisté il y a quelques années à Saskatoon, il y avait 14 000 spectateurs et je crois me souvenir que le grand prix — l'autre 50 p. 100 étant attribué à un organisme de charité — était de 150 000 $ ou quelque chose du genre. Ce genre de système permet d'attribuer des sommes très importantes.
J'ai constaté que ce genre de choses se faisait beaucoup plus fréquemment ces dernières années et leur popularité ne fait que croître. Pourquoi avons-nous besoin de ce projet de loi puisqu'il semble qu'il y ait déjà des endroits où cela se fait déjà?
M. Pruden : Je crois savoir que certaines provinces ont décidé de s'occuper elles-mêmes de l'aspect informatique de l'opération pour le compte des organismes de charité, parce que c'est la province à qui le Code criminel donne le pouvoir de le faire. Cette disposition précise clairement que le détenteur de la licence, si la province décide d'accorder une licence, peut soit continuer à collaborer avec la province soit trouver un fournisseur agréé par la province qui serait en mesure de fournir ce service informatique.
La sénatrice Batters : Si je me fie aux parties de hockey des Warriors de Moose Jaw, je crois que, lorsqu'ils sont passés à l'informatique, la société qui fournit ce service reçoit en contrepartie un certain pourcentage des produits de la loterie. C'est ce que j'ai compris, même si je ne m'y connais pas beaucoup dans ce domaine. C'est souvent un élément qui pourrait décider un organisme à passer à ce nouveau système. Cependant, les fonds levés ont tellement augmenté, qu'il y a beaucoup d'endroits qui ont adopté ce système. Ce genre d'arrangement était-il interdit, à savoir le versement d'un pourcentage des gains à des sociétés?
M. Pruden : C'est au seul gouvernement provincial de décider, s'il choisit d'accorder des licences, s'il y a lieu d'imposer certaines conditions.
Le président : Étant donné que la sénatrice Batters a mentionné la Saskatchewan, j'aimerais savoir combien il y a de provinces et de territoires qui travaillent déjà de cette façon, en utilisant les services de la province ou tout simplement en adoptant une autre interprétation du droit?
M. Pruden : Je pense qu'il y en a peut-être trois, mais M. Bourgeois, qui est sur le panel suivant, sait peut-être mieux que moi ce que font les provinces à l'heure actuelle.
Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur Pruden. C'est une modification du Code criminel qui fait référence à un but religieux ou caritatif. J'ai vérifié, bien sûr, la définition qu'en donne le Code criminel et j'ai constaté que celui-ci ne contient aucune définition de ce que sont des fins charitables ou religieuses. Qui va interpréter cette expression? Sur quelle base va reposer cette interprétation et quelle sera, dans le contexte du Code criminel, la définition des fins charitables ou religieuses?
M. Pruden : La modification proposée ne modifie pas le droit en vigueur. Le droit en vigueur mentionne déjà, à l'alinéa 207.1b), qu'un gouvernement provincial ou territorial peut décider d'accorder une licence à un organisme caritatif ou religieux pour exploiter une loterie si le produit de celle-ci est utilisé à des fins charitables ou religieuses.
Cette modification ne va pas modifier le droit actuel pour ce qui est des fins charitables ou religieuses.
Le sénateur Joyal : Dans le cadre du droit provincial, principalement, mais cela ne concerne pas la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu. Ce sera en réalité à chaque province de définir, conformément à ses propres règlements ou à ses propres lois, ce qu'est une organisation religieuse ou de charité.
M. Pruden : Je pense que c'est effectivement de cette façon que fonctionnent ces provinces, mais encore une fois, M. Bourgeois, qui fait partie du panel suivant, sera en mesure de vous dire exactement comment l'Ontario accorde des licences aux organismes religieux et caritatifs, quelles sont celles qui y ont droit et quelles sont les fins qui y donnent droit.
Le sénateur Joyal : C'est le Code criminel. Il me paraît très important, de disposer de définitions de ce qui peut constituer une infraction dans le cadre d'une fin religieuse ou charitable. Il me semble que, dans toute la mesure du possible, il serait bon que le Code criminel utilise la même définition dans l'ensemble du Canada parce que les citoyens ont le droit de savoir ce qu'est la loi et la loi est ce qui se trouve dans le Code criminel.
À ce sujet, il me semble très important de bien comprendre les éléments qui permettent de savoir s'il s'agit d'une fin charitable ou religieuse. Avec l'adjectif « charitable », on pourrait ajouter l'adjectif « politique ». La charité ne consiste pas uniquement à donner quelque chose aux démunis. Un organisme caritatif pourrait être un organisme qui est reconnu aux termes d'une loi donnée, mais dont les activités n'ont pas pour but d'améliorer la situation économique ou sociale de certaines personnes. Ce pourrait être une organisation qui poursuit des fins politiques.
C'est la raison pour laquelle j'essaie de comprendre les éléments qui sont visés par ce genre d'énoncé.
M. Pruden : Comme je l'ai mentionné, cet article du projet de loi C-43 ne modifie aucunement le droit actuel relatif aux organismes religieux et caritatifs ou au genre de dépenses que peut financer une organisation religieuse ou caritative avec le produit de la loterie lorsqu'il s'agit de fins religieuses ou charitables.
Pour ce qui est de dépenses de nature politique, il y a peut-être des gens ici qui sont au courant du scandale politique qui a éclaté en Colombie-Britannique lorsque le produit d'une telle loterie a été utilisé à des fins politiques et je crois que les tribunaux ont déjà déclaré qu'un tel usage n'était pas approprié.
Le sénateur Joyal : C'est la raison pour laquelle j'ai soulevé cet aspect parce que je sais que la définition, comme je l'ai dit, peut varier d'une province à l'autre.
Avez-vous mentionné que les territoires avaient également la possibilité de mettre sur pied ce genre de loterie?
M. Pruden : Oui. Lorsque le Code criminel fait référence à une province, cela comprend également un territoire, par l'application de la Loi d'interprétation.
Le sénateur Joyal : Ils auront donc le pouvoir de faire cela?
M. Pruden : Oui.
Le sénateur Baker : Je me souviens fort bien du moment où ces dispositions ont été introduites dans le Code criminel. Le premier ministre à l'époque était M. Mulroney, et le ministre à l'origine de cette mesure était John Crosbie. Il y avait une entente avec les provinces, au moment où ces dispositions ont été introduites dans le Code criminel, qui autorisait celles-ci à prendre ce genre de décisions.
Si je me souviens bien, M. Pruden, le texte de l'entente prévoyait également que ces dispositions ne pouvaient être modifiées sans l'approbation unanime des provinces. Ai-je tort d'affirmer cela?
M. Pruden : Je ne dirais jamais que vous avez tort de faire quoi que ce soit.
Le sénateur Baker : Très bien.
M. Pruden : Je mentionnerais cependant qu'en 1985, les provinces possédaient déjà, aux termes du Code criminel, ce pouvoir, et je crois que c'est à partir de 1969, qu'elles ont pu exploiter toute une variété de loteries et accorder des licences à d'autres groupes.
Le gouvernement fédéral avait également le pouvoir d'exploiter des loteries.
Le sénateur Baker : Le ministère de l'Agriculture, oui.
M. Pruden : En 1983, le Parlement a décidé d'accorder au gouvernement fédéral le pouvoir d'exploiter des opérations de pari mutuel. Certaines provinces se sont opposées à cette mesure et ont dit que cela ressemblait beaucoup à une loterie. Aux termes de l'entente sur les jeux de 1979, seules les provinces devaient continuer à exploiter des loteries. Le gouvernement fédéral avait déclaré qu'il s'en abstiendrait. Le gouvernement fédéral a déclaré que ce que faisait le Québec ressemblait beaucoup à une opération de pari mutuel qu'après 1983, seul le gouvernement fédéral pouvait exploiter.
Pour résoudre ces questions, ces mesures ont été prises en 1985 et je crois que c'était M. Piragoff de Justice Canada qui pilotait à l'époque ce dossier.
Le sénateur Baker : C'est exact.
M. Pruden : M. Crosbie était le ministre. Le code a été modifié de façon à préciser clairement qu'aucun organisme fédéral ne pouvait exploiter une loterie ou des opérations de pari mutuel. Cela voulait dire que désormais, seules les provinces pouvaient exploiter des loteries et qu'elles pouvaient accorder des licences à des organismes religieux ou charitables ainsi qu'à certains autres groupes que l'on retrouve à l'article 207, pour qu'ils puissent exploiter des loteries.
J'espère que cela vous est utile. J'espère que je n'ai pas dit que vous aviez tort.
Le sénateur Baker : Non, mais vous n'avez pas fait de commentaires au sujet de ma question qui était que, pour modifier un article du Code criminel visé par la disposition particulière que nous examinons aujourd'hui, il faudrait obtenir l'accord unanime des provinces.
M. Pruden : Si je me souviens bien, l'entente qui prolongeait les deux ententes de 1979 et 1985, prévoyait que le Canada ne limiterait pas les droits que les provinces avaient acquis aux termes de ces ententes. Le gouvernement fédéral considère qu'il s'agit ici d'élargir les activités pour lesquelles les provinces peuvent accorder des licences et nous ne pouvons pas imaginer que l'on puisse voir là une restriction des droits des provinces garantis par ces ententes.
Le sénateur Joyal : Avez-vous mentionné dans votre déclaration liminaire que vous aviez consulté les provinces au début et s'agissait-il de toutes les provinces ou de quelques-unes d'entre elles?
M. Pruden : Toutes les provinces et tous les territoires ont été contactés. Le ministre a écrit à ses homologues et a reçu des réponses de neuf des 10 provinces et de deux des trois territoires.
Le sénateur Joyal : La province de Québec était l'une des provinces qui a répondu à cette offre?
M. Pruden : Je crois pouvoir dire, sans bouleverser les relations fédérales-provinciales-territoriales, que le Québec a effectivement fourni une réponse.
Le sénateur Plett : Quelles étaient les provinces qui n'en ont pas fournie?
M. Pruden : Peut-être que le témoin que vous allez entendre avec le panel suivant pourra vous fournir cette réponse.
Le président : Voilà le temps dont nous disposions pour poser des questions à M. Pruden. J'espère que vous pouvez rester jusqu'à la fin de la séance, au cas où un autre sujet serait soulevé.
M. Pruden : Oui.
Le président : Veuillez accueillir pour notre prochain panel de témoins, Jonathan Bodden, vice-président, Relations avec les entreprises et les collectivités de la Fondation des Sénateurs d'Ottawa et Donald Bourgeois, conseiller général et directeur des Services juridiques de la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario. Messieurs, bienvenue.
Monsieur Bourgeois, je crois que vous allez commencer par présenter votre déclaration liminaire, qui sera suivie par celle de monsieur Bodden. Vous avez la parole.
Donald Bourgeois, conseiller général et directeur des services juridiques, Commission des alcools et des jeux de l'Ontario : Je vous remercie, sénateur. Merci de m'avoir invité ici aujourd'hui à m'entretenir avec vous au nom de la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario concernant le projet de loi et, plus précisément, la question des projets pilotes lancés par la Société des loteries et des jeux de l'Ontario (SLJO) de concert avec la Fondation des Sénateurs d'Ottawa et ses collègues du conglomérat Maple Leaf Sports and Entertainment à Toronto.
Ces projets pilotes et leur poursuite ne dépendent pas de modifications à la réglementation ou au Code criminel, puisqu'ils sont réalisés en ce moment en vertu de l'alinéa 207(1)a) du Code criminel, qui permet à la Société des loteries et des jeux de l'Ontario d'organiser et de gérer des loteries et de retenir les services des Sénateurs d'Ottawa ou d'autres selon le cas.
J'aimerais aborder quatre questions durant les quelques minutes dont je dispose. D'abord, un peu d'information sur la CAJO, car notre organisme n'est pas nécessairement très connu. Je parlerai ensuite du Code criminel et des restrictions actuelles, puis des mesures en vigueur pour garantir l'intégrité des loteries — qui est l'une des principales responsabilités de la CAJO — et, enfin, de certains problèmes associés aux modifications proposées dans le projet de loi.
La CAJO est un organisme du gouvernement de l'Ontario qui rend compte au ministère du Procureur général et dont le mandat, les pouvoirs et les fonctions sont très larges à l'égard de tous les jeux créés en vertu de la Loi sur la réglementation des alcools et des jeux et la protection du public et de la Loi sur la réglementation des jeux. Nous assumons ces responsabilités par le biais d'une série de fonctions, dont l'enregistrement — on parle parfois de licence — de ceux qui fournissent des services aux titulaires de permis, soit les organismes de bienfaisance et les organisations religieuses, et notamment la Société des loteries et des jeux de l'Ontario.
L'évaluation de l'admissibilité est une procédure très complexe qui suppose une analyse exhaustive des risques de l'exploitant ou du fournisseur de jeux et des gens qu'ils représentent. Nous nous intéressons au passé, à la responsabilité financière et à la compétence de l'entité en question. C'est une équipe qui s'occupe de cela. Elle est composée de policiers de la Police provinciale de l'Ontario, d'avocats, de spécialistes des jeux, de technologues, et cetera., qui veillent à ce que l'entité qui offre les services réponde aux normes officielles et poursuive ses activités dans l'intérêt public.
Nous créons également des normes applicables aux appareils de jeux électroniques et, plus généralement, aux systèmes de contrôle que les exploitants et les fournisseurs doivent respecter et qui sont très complexes.
Nous avons un programme d'assurance de la conformité pour veiller à ce que les règles soient respectées. Nous avons aussi un programme de promotion de la conformité pour régler les problèmes lorsque les règles ne sont pas respectées.
La CAJO collabore également avec ses homologues des autres provinces. Nous avons par ailleurs créé un réseau de relations avec des organismes de réglementation des jeux européens, britanniques, américains et asiatiques pour améliorer notre structure de réglementation grâce à leur expérience aux renseignements que nous pouvons obtenir.
Comme on l'a rappelé, le Code criminel interdit généralement les jeux au Canada à moins qu'ils entrent dans les catégories d'exception prévues. Les exceptions dont s'occupe le registrateur de la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario relèvent de l'article 207, les principales étant la Société des loteries et des jeux de l'Ontario en vertu de l'alinéa 207(1)a) et les titulaires de licence de loterie en vertu de l'alinéa (1)b).
Le paragraphe 207(4) prévoit des restrictions à leurs activités, notamment à celles des titulaires de licence de loterie. On peut considérer cela comme une exception à l'exception, c'est-à-dire ce qu'ils ne peuvent pas faire. Le cas qui nous occupe aujourd'hui est l'organisation et la gestion de jeux de hasard sur ordinateur, appareil vidéo ou machine à sous ou par leur intermédiaire par un titulaire de licence de loterie. L'interdiction ne se limite pas à l'usage de générateurs informatisés de nombres aléatoires, mais porte sur tout ce qui relève des alinéas 206(1)a) à g), qu'il s'agisse d'un projet, d'un système, d'un plan, d'un moyen, et cetera., bref une très longue liste.
Le tirage moitié-moitié qui a servi de projet pilote ne peut pas être utilisé par un titulaire de licence de loterie selon les dispositions actuelles du Code criminel. C'est pourquoi la SLJO s'est associée aux fondations pour mettre ces projets pilotes en œuvre. Depuis 1969, le Parlement permet aux sociétés de la Couronne de procéder ainsi, et les projets pilotes ont en fait donné d'excellents résultats.
Comme je l'expliquais, ces projets relèvent de l'alinéa 207(1)a), et les augmentations sont parallèles à ce dont parlait la sénatrice Batters au sujet de la Saskatchewan : elles sont de l'ordre de 30, 40, 50 ou 70 p. 100. Il est encore trop tôt, mais nous espérons que ces projets continueront de donner les mêmes résultats.
Les mesures mises en œuvre y jouent un rôle important. Les jeux de hasard sont bien sûr interdits en dehors des exceptions prévues au Code criminel. La CAJO s'intéresse de près à l'intégrité des jeux et à celle des gens qui fournissent ce genre de service.
La SLJO avait un fournisseur — une société de jeux — qui était enregistré en vertu de la Loi sur la réglementation des jeux et qui lui fournissait un certain appareil obtenu auprès d'un autre fournisseur. Ce dernier a fait l'objet d'un examen.
Les appareils ont été soumis à toute une série de tests, et il a fallu y apporter des changements importants pour qu'ils soient conformes aux normes en vigueur. On a procédé à des tests d'intégration, et cetera. Pour prendre un exemple, les générateurs de nombres aléatoires ne sont pas une simple affaire. Pensez aux frustrations, j'en sais quelque chose, liées au réglage d'une télévision numérique ou d'un ordinateur, multipliez-les plusieurs fois, et vous aurez une idée de la complexité de ce genre de technologie, et notamment des générateurs de nombres aléatoires.
La CAJO a effectué des inspections avant et après la mise en œuvre des projets pour veiller à ce que tout soit conforme. Les activités de contrôle sont très pointues et couvrent un vaste champ.
Pour ce qui est de la modification proposée, nous sommes bien conscients de la valeur de la technologie et des loteries, et c'est pourquoi nous interprétons le Code criminel pour permettre certaines choses que les organismes de bienfaisance peuvent faire. Dans son bulletin no 61, que vous trouverez ci-joint, la CAJO a autorisé les tirages à certaines fins.
Mais l'usage de la technologie comporte certaines limites très réelles, et nous avons consacré beaucoup de temps et d'argent à cet égard, parce que c'est compliqué. Le projet pilote a porté fruit pour une grande part grâce à la compétence, l'expérience et les ressources de la SLJO.
La question se pose notamment lorsqu'on s'attaque à certains des principaux enjeux liés à l'intégrité, par exemple : qui est le gagnant et est-ce que les billets faisaient effectivement partie du tirage, puisqu'il y aura beaucoup moins à tirer. Ce sont des situations très complexes. Dans certains cas d'utilisation du système moitié-moitié, les billets ne faisaient pas partie du tirage. Si vous avez acheté un de ces billets, on a un problème d'intégrité. Nous tâchons de veiller à ce que cela ne se produise pas grâce à des tests.
La modification proposée soulève également des questions de formulation, parce que, si le Parlement clarifie la loi, c'est ce dont nous tiendrons compte dans son application.
La façon dont nous interprétons les dispositions actuelles du Code criminel à des fins administratives pourra ou non s'appliquer au fonctionnement des loteries selon la façon dont le Parlement aura clarifié les trois usages permis par ordinateur, et non pas certaines des choses que nous avons déjà tenues pour autorisées par le Code criminel.
Le Parlement se prononce, il déclare ce qu'est la loi, et nous l'appliquons telle que nous la comprenons.
Merci beaucoup de m'avoir permis de parler au nom de mon organisme.
Jonathan Bodden, vice-président, Relations avec les entreprises et les collectivités, Fondation des Sénateurs d'Ottawa : Merci de votre invitation à venir exposer et analyser la question de l'utilisation d'appareils électroniques pour organiser des loteries de bienfaisance.
Comme on l'a déjà dit, la Fondation des Sénateurs d'Ottawa a été invitée à participer à ce projet pilote en partenariat avec la Société des loteries et de jeux de l'Ontario. Nous nous servons de matériel électronique pour organiser une loterie de bienfaisance moitié-moitié à l'occasion de tous nos matches à domicile au cours de la saison 2014-2015.
L'introduction de ce système dans le cadre du projet pilote a permis d'obtenir des résultats positifs jusqu'ici et elle devrait continuer d'avoir des répercussions positives importantes sur notre fondation et sur notre aptitude à organiser des activités de bienfaisance dans la collectivité.
J'aimerais parler ici des résultats, de l'augmentation des ventes de billets et des recettes, de la participation plus active des partisans, du surcroît de divertissement lors des matches, de la confiance accrue des joueurs — qui découle du caractère plus sûr et plus transparent du système de loterie — et, surtout, du supplément de ressources mises à la disposition de la Fondation pour ses activités de bienfaisance dans la collectivité.
Dans les documents présentés plus tôt, j'ai comparé les résultats moyens des ventes brutes de billets en 2013-2014, par match, et les résultats du projet pilote en cours. Nous avons enregistré une augmentation de 37 p. 100 des ventes brutes de billets par match. L'autre mesure employée est dite « par tête », autrement dit le produit des ventes brutes divisées par le nombre d'organismes et de partisans présents dans le stade.
Voici quelques photos des présentations dans notre immeuble et un exemple de billet de loterie. Selon les résultats des 10 premiers matches de la saison, il semble bien que les partisans aient plus confiance en notre système et soient plus enclins à acheter un plus grand nombre de billets.
Une étude effectuée en 2013, que j'ai déjà mentionnée, portait sur tous les clubs de hockey de la LNH qui emploient des plates-formes électroniques pour les tirages moitié-moitié. Comme on l'a vu, c'est une pratique courante à la LNH et à la LNF. Il y avait les Canucks de Vancouver, les Oilers d'Edmonton, les Flames de Calgary et les Jets de Winnipeg, et, pour la saison 2013, ils ont enregistré des ventes brutes par match de 65 000 à 86 000 $.
Compte tenu du fait qu'il s'agit de marchés différents et que les Sénateurs d'Ottawa ont une base de partisans différente, j'ai pensé qu'il fallait montrer que les partisans qui sont présents à nos matches et qui participent à nos loteries sont surtout des gens dotés de diplômes collégiaux ou universitaires — c'est le cas de 71 p. 100 d'entre eux — et qui ont un revenu familial annuel de plus de 100 000 $. C'est un exemple de spectateurs ayant acheté des billets de saison pour les matches des Sénateurs d'Ottawa. Il y a aussi des acheteurs ponctuels aux caractéristiques démographiques semblables.
J'ai parlé de la confiance accrue des participants, qui découle des mesures de sécurité et de garantie de l'intégrité qui ont été mises en place. La technologie permet de consolider l'intégrité globale de la loterie grâce à sa capacité à produire des données en temps réel détaillées sur chaque achat, chaque transaction, à réduire le risque d'erreur humaine associé à la distribution manuelle, à recueillir et à apparier les billets imprimés, à faire un suivi en temps réel et à afficher les montants de prix progressifs. Dans notre immeuble et nos locaux, nous faisons savoir ou affichons le prix estimatif que représentent la part du gagnant.
Il est également possible de prolonger la période de vente de billets pendant le match et de recueillir de nombreuses données et de produire des comptes rendus détaillés après chaque match, ce qui permet de remplir les exigences de la CAJO. On peut par ailleurs prolonger le délai, désormais de 30 jours, dans lequel le gagnant peut réclamer son prix et offrir une formation complète à nos vendeurs bénévoles avant chaque match, en rappelant qu'une conduite responsable est primordiale et qu'il n'est pas question de vendre de billets aux jeunes de moins de 18 ans. Pas question non plus de vendre des billets de loterie à des clients intoxiqués durant le match. Les ventes se font dans des zones précises et limitées, en dehors des zones réservées aux jeunes et aux familles, et elles se déroulent entre telle et telle heure précises.
Les mesures supplémentaires de sécurité et de garantie de l'intégrité accroissent la confiance des participants, la participation et le degré de divertissement des partisans et le plaisir des matchs des Sénateurs à domicile. Aucun de nos participants ne s'est plaint jusqu'ici.
Mais surtout, comme je le disais plus tôt, le supplément de recettes permettra à la Fondation des Sénateurs d'Ottawa de faire rayonner plus largement ses activités dans la collectivité. La Fondation aide les enfants et les jeunes à réaliser leur potentiel. Nous investissons dans des programmes récréatifs et éducatifs qui favorisent le bien-être physique et mental.
Dans notre mémoire, j'ai parlé de certaines de nos réalisations et de certains de nos programmes. J'aimerais y revenir un peu, notamment au sujet de la Ligue sport et leadership des Sénateurs. Il s'agit d'un partenariat avec le Club des garçons et filles d'Ottawa, que nous avons doté d'un budget d'un demi-million de dollars et qui permet d'offrir le seul programme athlétique annuel gratuit pour les jeunes à risque ou défavorisés de la collectivité. Il y a eu 12 500 matches cette année.
Beaucoup d'entre vous connaissent la Maison de Roger, centre de soins palliatifs pédiatrique construit sur le terrain du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario — le CHEO — ainsi nommé en l'honneur de notre défunt entraîneur Roger Neilson. Elle a ouvert ses portes en 2006 et a permis jusqu'ici de venir en aide à plus de 300 familles, pour un total de 13 500 jours. Notre Fondation y a investi plus de 9 millions de dollars jusqu'à présent, notamment pour la construction de la maison et pour les principales activités qui s'y déroulent. Nous nous y sommes engagés pour cinq autres années.
Le projet RÉPA est une autre initiative dont j'aimerais parler. Il s'agit également d'un partenariat, cette fois avec Centraide d'Ottawa. Nous y avons investi 1 million de dollars. L'acronyme anglais S.T.E.P. veut dire : traitement de la toxicomanie, éducation et prévention. Le programme vise les jeunes souffrant de dépendances et de problèmes connexes. Il a permis aux parents de jeunes adultes de recevoir du counseling, à des étudiants de participer à du counseling à l'école et, maintenant, à des séances d'éducation.
Il y a aussi un certain nombre de programmes récréatifs et sportifs, dont Sens@L'école, qui est un programme scolaire, mais je voudrais passer directement au dernier, compte tenu du peu de temps : je veux parler des camps.
Nous nous sommes lancés, et il y aura un communiqué de presse à ce sujet plus tard aujourd'hui, dans l'ambitieux projet de recueillir 200 000 $ pour envoyer des enfants dans des camps de jour et des camps d'été. Nous visons les enfants à risque ou défavorisés de notre collectivité et nous sommes convaincus qu'un financement plus large grâce à ce projet pilote nous aidera à réaliser ces objectifs.
La Fondation des Sénateurs d'Ottawa est favorable à l'usage d'un ordinateur pour la vente de billets et la sélection du gagnant pour les loteries moitié-moitié associées aux matches à domicile des Sénateurs.
Le président : Je voudrais rappeler que la Fondation fait un excellent travail bien au-delà des limites d'Ottawa et dans tout l'Est de l'Ontario.
M. Bodden : En effet.
Le sénateur Baker : Merci à nos deux témoins d'aujourd'hui. Ma question s'adresse à vous, monsieur Bourgeois. Vous avez dit que la modification dont il est question ici pourrait, en fait, limiter vos activités, plus que selon votre interprétation et votre application actuelles de la loi. C'est ce que vous avez dit ou du moins c'est ce que j'ai compris.
M. Bourgeois : C'est exact.
Le sénateur Baker : Je crois que nous parlons de la première partie de cette modification, qui prévoit que « [l]'usage d'un ordinateur pour la vente de billets, la sélection d'un gagnant ou l'attribution d'un prix dans le cadre d'un tirage au sort », et cetera.
Vous interprétez la notion de vente de billets de façon très étroite. Je ne dis pas que vous avez tort. Je déteste employer l'expression « jurisprudence établie », mais la vente de billets pourrait englober la procédure administrative. Ne pensez-vous pas?
M. Bourgeois : Oui et non. C'est pourquoi, compte tenu de la formulation adoptée, on interprète le Code criminel de façon aussi précise que possible en faisant appel à la jurisprudence. Selon notre interprétation du Code criminel jusqu'ici, l'usage de l'ordinateur était permis pour certaines activités administratives. Si le Parlement se prononce et décide de nous dire, à nous les gens des provinces, ce qu'est la loi concernant certaines de ces activités, eh bien nous devons en tenir compte et appliquer les directives du Parlement, comme quoi trois éléments peuvent être utilisés. Les activités que nous permettons actuellement de traiter par ordinateur dans le cadre du déroulement d'une loterie licite relèvent-elles toutes de ces trois éléments? C'est le Parlement qui en décide, et la loi, c'est la loi. Si c'est ainsi que le Parlement interprète la loi, eh bien nous devons en tenir compte.
Le sénateur Baker : Absolument. Mais vous semblez dire cependant que la vente de billets peut ne pas comprendre de procédure d'administration et d'achat, c'est bien ça?
M. Bourgeois : Oui, c'est ça.
Le sénateur Baker : Mais, en principe, si un juge examine ça, il consultera nos délibérations et il se rendra compte que vous souhaitiez un élargissement de la définition de la notion de « vente » pour y inclure la procédure administrative, la procédure d'achat, et cetera.
Pensez-vous utile, lorsque nous examinerons cette question dans un instant, de faire rappeler le représentant du ministère de la Justice pour qu'il nous donne son avis sur l'interprétation du mot « vendre »?
M. Bourgeois : À vous d'en décider, mais, si vous examinez des documents comme une entente d'achat et de vente, du point de vue transactionnel, l'achat et la vente d'un billet de loterie est un contrat. Si c'est fait de façon conforme à la loi, ça veut dire que le contrat est exécutoire. Ce que vend le titulaire d'une licence de loterie, c'est la possibilité de gagner un prix, et ce que l'acheteur achète, c'est la possibilité de gagner un prix en échange d'une somme d'argent donnée à titre de contribution.
Du point de vue du droit commercial et du droit des contrats, il y a une offre d'achat et un achat, ou encore une offre de vente, un achat, et cetera. Quand on examine ces choses, on essaie de voir comment le droit des contrats s'y applique également, parce que, en fait, il s'agit d'une entente contractuelle.
Le sénateur Baker : Je ne veux pas m'éterniser sur le sujet, mais je crois me rappeler que, dans la jurisprudence, autour des années 1960, on a interprété la notion de « vente » comme désignant précisément ce que vous entendez.
M. Bourgeois : Il y a effectivement des cas de ce genre, et c'est pourquoi, si le projet de loi est adopté, nous examinerons, comme le font tous les organismes de réglementation, la formulation de ses dispositions pour vérifier si ce que nous faisons actuellement et les activités que nous autorisons actuellement restent conformes à la loi une fois la modification entrée en vigueur.
Le sénateur McInnis : Je trouve que la fondation fait un travail formidable. Bien sûr que l'intégrité est un élément important dans ce genre d'activités, et le choix de l'ordinateur plutôt que le traitement manuel semble toujours meilleur.
Soixante-douze pour cent des recettes servent à financer les prix, la commercialisation et les dépenses opérationnelles. Les dépenses opérationnelles, ce sont les frais salariaux et les frais de matériel technique, je suppose. Quelle est la proportion? Est-ce 50 p. 100 des recettes brutes ou nettes?
M. Bourgeois : Ça dépend de la loterie. Dans le cas d'un tirage moitié-moitié, par exemple, disons qu'on a 1 000 $ de billets à raison de 1 $ le billet ou peu importe. Dans ce cas, 500 $ reviendront en prix aux joueurs. L'autre moitié est consacrée aux activités de bienfaisance, ou aux activités gouvernementales s'il s'agit d'une loterie gouvernementale, moins les dépenses. Les dépenses sont variables selon l'ampleur du tirage, et la variation peut être quotidienne. Le contrat conclu par la SLJO énonce les divers niveaux, qui indiquent les montants destinés aux organismes de bienfaisance participant aux projets pilotes.
C'est donc différent selon qu'il s'agit d'une loterie organisée par un titulaire de licence de loterie ou par une société d'État. Ce sera également différent s'il s'agit d'un projet pilote, qui comporte certaines hypothèses intrinsèques. L'objet d'un projet pilote est évidemment de voir si ces hypothèses se confirment dans la réalité opérationnelle.
Le sénateur McInnis : Le président a dit que vous couvrez le secteur de l'Est de l'Ontario.
M. Bourgeois : Il s'agit du groupe de M. Bodden, la Fondation des Sénateurs.
Le sénateur McInnis : Nous n'avons pas d'équipe de la LNH dans les provinces de l'Atlantique. Il y a une patinoire extérieure derrière chez moi, et nous voudrions avoir un toit. Je me demande si c'est possible. Je suis un partisan des Sénateurs d'Ottawa, et ils peuvent tous devenir des partisans des Sénateurs d'Ottawa.
Le président : Cette question peut sembler déplacée, même si nous n'avons pas encore voté.
Le sénateur McInnis : Il n'a pas encore répondu.
Le sénateur Joyal : Monsieur Bourgeois, merci de votre exposé. Nous comprenons mieux le système juridique dans lequel s'inscrit la nouvelle proposition.
Je ne souhaite pas revenir sur les subtilités de la notion de « vente ». S'il y a vente, c'est qu'il y a une offre, une proposition et que celle-ci est acceptée. Ensuite, il y a vente. Restons-en là. Je vous propose de vous vendre cette tasse de thé. Vous dites : « Oui, je l'accepte pour 2 $. » Le marché est conclu. Lorsqu'il y a vente, les deux éléments sont joints dans une entente.
Vous avez dit que la procédure d'achat ne serait pas couverte ou ne pouvait pas être couverte par la disposition, mais je vous fais remarquer que, en fait, l'achat fait partie de la vente. Une vente, ce n'est pas seulement l'offre de vente et la publicité qui l'entoure. Encore une fois, si je fais de la publicité pour cette tasse, je peux dire que c'est une tasse extraordinaire, fantastique, que c'est de la porcelaine, et cetera.
Lorsque la vente a lieu, toutes ces activités d'offre entrent en ligne de compte. Si vous faites une contre-offre, par exemple : « D'accord, mais pas à 2 $, mais à 1,75 $ », il y a négociation, et ça fait partie du processus de vente. La vente signifie que la transaction est terminée : l'objet est vendu, le marché est conclu.
Je suis sensible à votre proposition, parce qu'elle nous aide à réfléchir au fond de la question et à ce sur quoi nous sommes invités à voter, mais il me semble que la notion de vente recouvre le tout.
M. Bourgeois : C'est bien possible, sénateur. Je faisais simplement remarquer que la lecture de la loi soulève quelques questions. Si le Parlement adopte ce projet de loi, nous l'accepterons tel quel, nous verrons comment nous le comprenons compte tenu de la jurisprudence, puis nous l'appliquerons aux situations qui se produiront. Il se peut bien que, en dernière analyse, nous en venions à la même conclusion. On nous a demandé de commenter le projet de loi, et ce que nous disons est que la formulation n'en est pas aussi claire qu'il aurait fallu pour régler certaines autres questions. Il se peut qu'on estime en fin de compte qu'il est suffisamment clair.
Le sénateur Joyal : Ce qui me préoccupe également, c'est qu'il s'agit d'un paragraphe de l'article 207 et qu'il faut donc l'interpréter en fonction de l'article 207 tout entier. Vous semblez dire, si je comprends bien, que vous avez le pouvoir, en vertu de l'article 207 actuel, avant modifications, de mener à bien le projet pilote dont on propose confirmation en vertu du paragraphe 4(1) que nous sommes invités à ajouter.
Si je comprends bien, le pouvoir qui vous est conféré en vertu de l'article 207 serait limité par l'adoption du paragraphe 4(1).
M. Bourgeois : La SLJO, c'est-à-dire la Société des loteries et des jeux de l'Ontario, ou ses équivalents dans les autres provinces ont effectivement ce pouvoir actuellement, et cela permet de collaborer avec des fondations comme celle des Sénateurs pour leur permettre de mener à bien des activités très valables.
La modification permettrait aux titulaires de licence de loterie de faire directement ça, alors que là, on a un projet pilote confié à la SLJO. Puis les fonds sont versés à la Fondation. La modification permet d'élargir le champ d'application, pour que ça puisse aller directement aux titulaires de licence.
Permettez que je revienne sur la question du paragraphe par rapport à l'article. L'autre élément crucial de la définition est la notion de « loterie ». La définition englobe les activités prévues aux alinéas 206(1)a) à g). Et ces activités sont nombreuses. Quand on se met à interpréter la nouvelle exception aux exceptions prévues pour les organismes de bienfaisance et les titulaires de licence de loterie, on doit aligner les termes « vente », « sélection » et « distribution » sur la formulation de toutes les activités prévues aux alinéas 206(1)a) à g). C'est là que le bât blesse.
Le sénateur Joyal : Quelle modification souhaiteriez-vous donc apporter au texte qui se trouve devant nous? Avez-vous une formulation à proposer?
M. Bourgeois : Non. On m'a simplement invité à commenter le projet de loi et à parler des projets pilotes. Ces projets ont donné jusqu'ici d'excellents résultats, mais il est encore tôt. Nous ne prenons donc pas position au sujet du projet de loi, sinon à titre amical, en quelque sorte, et à la demande du comité, pour souligner certains points.
Le sénateur Joyal : Puis-je continuer? J'ai une autre question.
Le président : Nous aimerions tous participer ici. Je vous ai donné sept minutes, nous vous reviendrons donc dans un second tour.
Le sénateur Joyal : Je sais que j'ai eu ma juste part.
Le président : J'ai une question pour M. Bourgeois.
On a posé la question à M. Pruden lorsqu'il est venu ici plus tôt. Je ne sais plus exactement qui a posé la question, mais on l'a interrogé au sujet de la consultation entreprise par le gouvernement, à laquelle neuf provinces ont répondu et une autre, non. Il nous a suggéré de vous demander de qui il s'agissait.
On pourrait penser qu'il s'agit de l'Ontario, mais j'aimerais savoir si c'est effectivement le cas. Vous nous avez fait part de certaines préoccupations ici, aujourd'hui. Apparemment, neuf autres provinces et territoires sont d'accord avec ce que nous faisons. J'aimerais savoir, si c'est le cas, pourquoi l'Ontario n'a pas participé à la consultation... si c'est bien le cas?
M. Bourgeois : La Commission des alcools et des jeux est un organisme, et je ne peux donc pas commenter ce qu'un ministre ou un ministère aurait pu faire ou ne pas faire. On m'a demandé de représenter la Commission, probablement pour apporter un éclairage spécialisé. Je peux même répondre à la question de la définition de la notion de « bienfaisance » si vous voulez.
Le sénateur Joyal : C'est la question que je voulais poser.
Le président : Nous y reviendrons.
M. Bourgeois : Je ne peux pas dire qui a fait ou n'a pas fait quoi.
Le président : Vous ne savez donc pas si le gouvernement de l'Ontario a répondu ou non?
M. Bourgeois : Je ne fais plus partie de l'organisme, mais on m'a demandé de le représenter pour ce qui est de l'analyse du projet de loi et du projet pilote.
Le sénateur Plett : C'est moi, en fait, qui ai posé la question à M. Pruden. Si M. Bourgeois ne veut pas répondre, j'aimerais qu'on rappelle M. Pruden, parce qu'il semblait disposé à nous dire quelles provinces ont participé. Je procéderai par élimination en lui demandant si telle ou telle province a participé, parce qu'il a dit que le Québec avait participé. Je suis maintenant plus curieux qu'auparavant de savoir de quelle province il s'agit. Il faut que quelqu'un réponde à cette question.
Le président : Je suis d'accord. Nous demanderons à M. Pruden de revenir dès que les témoins ici présents auront terminé.
Le sénateur Joyal : Connaissez-vous les critères employés par l'Ontario pour définir la notion d'organisme religieux ou de bienfaisance du point de vue des loteries?
M. Bourgeois : Il faut remonter à l'Angleterre de 1601 et au Statute of Uses, puis finalement à l'année 1856 ou 1886 et à l'affaire Pemsel. C'est de la common law pure et simple. D'après moi, la raison pour laquelle l'objet religieux a été inclus par le Parlement est que les activités religieuses ne sont pas toutes considérées comme des activités de bienfaisance par les tribunaux du Canada, de l'Angleterre et des autres pays du Commonwealth.
C'est donc une définition en common law. Dans la mesure où une province pourrait avoir des dispositions de common law différentes, il pourrait y avoir différence d'opinion, mais, à toutes fins utiles, au Canada, nous nous appuyons sur un certain nombre de décisions, dont beaucoup ont été prises par la Cour suprême du Canada ou à l'échelle du Conseil privé en Angleterre. C'est donc vraiment une définition de l'objet religieux ou de bienfaisance selon la common law.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, au Québec, comme il s'agit d'un code civil, la définition pourrait être différente de celle de la common law, disons, en Ontario ou au Nouveau-Brunswick?
M. Bourgeois : Ce n'est guère différent sur le fond, parce que, malgré tout, du point de vue de la common law, celle-ci est moins à l'avant-plan, mais il y a, en un sens, de la common law dans le code civil. Et puis, surtout, il y la Cour suprême du Canada et la Cour fédérale du Canada qui se chargent d'examiner la définition de la notion de bienfaisance aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il y a de petites différences dans la façon dont le Parlement exige que l'Agence du revenu du Canada s'en tienne à certaines activités exclusives pour désigner celles qui ont un objet de bienfaisance, alors que la common law est moins restrictive que la loi de l'impôt sur le revenu.
Le sénateur Joyal : J'ai lu récemment que les recettes tirées de l'exploitation d'une loterie au Québec sont en baisse depuis quelques années. Pourriez-vous nous parler de la tendance en Ontario et ailleurs au Canada? Ma question, autrement dit, est celle-ci : est-ce que cela permettrait de vous renflouer ou est-ce un autre moyen d'augmenter vos recettes parce que votre situation actuelle est stable?
M. Bourgeois : Chaque marché est un peu différent, et les questions qui se posent au Québec sont liées à l'évolution démographique de la province. Même chose en Ontario. Et ça dépend du type de loteries auxquelles les gens veulent participer. Les jeunes ne sont pas nécessairement enclins à participer aux mêmes loteries que les gens de ma génération. Les sociétés de loterie adaptent les produits qu'elles offrent à ces caractéristiques démographiques.
La tendance est plutôt mondiale. Dans certains pays, on enregistre une hausse, tandis que, dans d'autres, la tendance est à la baisse. Comme pour n'importe quelle activité commerciale, on commence par étudier les causes, puis on propose un produit différent en conséquence.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, il faut être inventif et chercher d'autres produits susceptibles de maintenir la stabilité de vos recettes ou de les augmenter, c'est ça?
M. Bourgeois : C'est ça. Du point de vue de la CAJO, nous devons veiller à ce que ces produits soient conformes au principe d'intégrité. Ils sont conformes aux modèles de jeux responsables et à d'autres critères répondant aux objectifs de la politique gouvernementale. La production de recettes est l'un de ces objectifs, mais il y a d'autres enjeux liés à la responsabilité et à l'intégrité, qui sont aussi des objectifs de la politique gouvernementale.
Le président : Je dois intervenir ici. Nous devons lever la séance à midi, mais je crois que nous allons dépasser cette échéance. J'aimerais laisser suffisamment de temps à M. Pruden. Je sais qu'il y a encore deux ou trois questions pour lui.
Messieurs, merci beaucoup de votre visite et de nous avoir informés et aidés ici aujourd'hui.
Monsieur Pruden, pourriez-vous approcher, s'il vous plaît? Merci d'être resté.
M. Pruden : Je vous en prie.
Le président : C'est très apprécié.
Le sénateur Baker : Monsieur Pruden, vous avez écouté très attentivement les questions posées aux témoins précédents. Qu'aimeriez-vous ajouter à ces échanges?
M. Pruden : La seule chose que je peux dire est que, si on avait retenu l'expression « contrat de vente » dans la modification proposée, je partagerais peut-être les inquiétudes de M. Bourgeois. Mais, comme il est question de « vente », je suis moins inquiet.
Je dirais que, en droit pénal, s'il y a quelque chose à interpréter, les tribunaux le feront en faveur de l'accusé. Autrement dit, ils en feront une interprétation plus large et non pas plus étroite ou restrictive. C'est tout ce que j'aurais à ajouter.
Le sénateur Baker : Vous avez absolument raison, toutes choses étant égales par ailleurs.
Pensez-vous que le terme « vente » dans cette modification couvre la procédure administrative et la procédure d'achat comme nous en avons parlé avec le témoin précédent?
M. Pruden : Oui, c'est mon avis, parce que les tribunaux seraient contraints d'interpréter le droit pénal de façon large et parce qu'il n'est pas question de « contrat de vente ».
Le sénateur Baker : Dernière question. Pour ce qui est de l'intention de la modification et du sens des mots « pour la vente de billets », l'idée n'est pas de limiter ça à une simple vente, mais d'inclure la procédure administrative et la procédure d'achat, comme l'a expliqué le témoin précédent. C'est bien ça?
M. Pruden : Oui.
Le sénateur Plett : Monsieur Pruden, je pense que vous savez ce que je vais vous demander. J'aimerais savoir quelle province n'a pas répondu au ministre.
M. Pruden : Des neuf provinces, l'Ontario a été la seule à ne pas répondre. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas non plus s'il est encore possible qu'elle donne une réponse ou un avis.
Le sénateur Batters : J'ai quelque chose à ajouter. Ces consultations ont eu lieu l'été dernier, n'est-ce pas? Ce n'est pas comme si cela s'était passé il y a trois semaines ou quelque chose comme ça.
M. Pruden : En effet. Le ministre a envoyé sa lettre au début de juillet et demandé qu'on lui réponde. Certaines provinces ont répondu après l'échéance fixée, mais, comme on l'a dit, neuf des dix provinces ont répondu.
Le sénateur Joyal : Monsieur Pruden, j'aimerais ajouter certains éléments à l'appui de votre interprétation. Il faut lire tout l'article. Il y est question de la vente de billets et de la sélection d'un gagnant; donc, s'il y a un gagnant, c'est qu'il y a eu un achat, sinon il n'y aurait pas de gagnant. Ensuite, il y a remise d'un prix. La remise d'un prix suppose une procédure administrative.
Si l'on examine ces trois activités — la vente de billets, la sélection d'un gagnant et la remise du prix —, d'après moi, tout le processus est décrit dans chacune des activités et forme un tout. Je pense que, si je devais interpréter cette disposition, j'estimerais que la procédure d'achat et la procédure administrative participent à l'obtention du résultat et couvrent le début et la conclusion du processus de loterie.
Je ne vous demanderai pas si vous êtes d'accord, comme le ferait un juge, mais ne pensez-vous pas que, en fait, compte tenu de la façon dont ce texte est rédigé et du fait qu'il renvoie aux diverses étapes de la procédure, les préoccupations exprimées par M. Bourgeois portent sur la façon dont le système est décrit dans cet article?
M. Pruden : Je pense que la description fournie dans la modification proposée est large et qu'une province qui déciderait d'accorder une licence le pourrait de façon assez large.
Par ailleurs, si une province décidait de ne pas s'appuyer sur l'alinéa 207(1)b), qui porte sur les organismes de bienfaisance religieux, elle pourrait quand même invoquer l'alinéa 207(1)a) et faire ce que l'Ontario est en train de faire sous forme de projets pilotes, c'est-à-dire utiliser le pouvoir associé aux loteries provinciales pour faire usage d'ordinateurs et partager le produit de la loterie avec l'organisme de bienfaisance.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, on peut invoquer deux rubriques différentes?
M. Pruden : C'est ça, pour organiser un tirage ou une loterie moitié-moitié à l'aide d'un ordinateur.
Le sénateur Joyal : Au moyen d'ordinateurs, parce que c'est de ça que nous parlons ici.
M. Pruden : Oui.
Le sénateur Baker : Je vois que monsieur Bourgeois sourit maintenant, parce qu'il a obtenu beaucoup ici aujourd'hui : la définition est telle qu'il le souhaitait, je pense.
Le président : Merci encore, monsieur Pruden, de vos observations et de votre temps. Vous nous avez été d'un grand secours.
Chers membres, notre prochain article à l'ordre du jour est l'examen d'un rapport provisoire. Je vous invite donc à passer à huis clos.
Le sénateur Joyal : Je propose.
Le président : D'accord?
Des voix : D'accord.
Le président : Nous devons inviter les témoins à nous quitter, mais j'ai besoin également d'une autre motion pour permettre au personnel des sénateurs de rester dans la salle.
Le sénateur Baker : Je propose.
Le président : D'accord?
Des voix : D'accord.
(La séance se poursuit à huis clos.)