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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 24 - Témoignages du 11 décembre 2014


OTTAWA, le jeudi 11 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-525, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (accréditation et révocation — agent négociateur), se réunit aujourd'hui, à 10 h 31 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à mes collègues, aux invités et aux membres du grand public qui suivent les travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous poursuivons aujourd'hui nos audiences sur le projet de loi C-525, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (accréditation et révocation — agent négociateur), qui propose des modifications pour que l'accréditation ou la révocation de l'accréditation des divers agents négociateurs des syndicats de la fonction publique sous réglementation fédérale fasse l'objet d'un scrutin majoritaire secret.

Nous en sommes à notre deuxième séance sur le projet de loi C-525. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont publiques et qu'elles sont également proposées en webémission sur le site web parl.gc.ca. Vous pouvez obtenir de plus amples renseignements sur la liste des témoins sous la rubrique « Comités du Sénat » du site web.

Souhaitons maintenant la bienvenue à notre premier groupe d'experts : John Mortimer, président de l'Association LabourWatch du Canada; Chris Aylward et Shannon Blatt, qui sont respectivement vice-président exécutif national, Bureau de direction, et conseillère juridique à l'Alliance de la Fonction publique; ainsi que Chris Roberts, le directeur des Services des politiques sociales et économiques du Congrès du Travail du Canada. Merci à tous de comparaître aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Il y aura des déclarations liminaires. Nous allons commencer avec M. Mortimer.

John Mortimer, président, Association LabourWatch du Canada : Merci, monsieur le président.

Honorables sénateurs, nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion de participer à votre examen du projet de loi sur le droit de vote des employés. Notre objectif est de vous donner le point de vue des employés sur cette mesure législative et d'éclaircir les malentendus auxquels la séance d'hier aurait pu donner lieu.

Je suis président de la LabourWatch depuis plus de 14 ans, mais j'ai occupé d'autres postes de cadre au cours des 15 années précédentes, notamment à titre de chef des ressources humaines de Future Shop et des restaurants Wendy's.

Il semble que ce soit en 1977 que les travailleurs néo-écossais sont devenus les premiers Canadiens à profiter de ce rempart de la démocratie : le scrutin secret garanti par la loi.

À l'autre extrémité du pays, les employés de ma province natale, la Colombie-Britannique, ont obtenu ce droit de vote en 1984. Ceux de l'Alberta leur ont emboîté le pas en 1988; à Terre-Neuve-et-Labrador, en 1993; en Ontario, en 1995; et, plus récemment, en Saskatchewan, en 2008. Au Manitoba, les employés l'ont obtenu en 1996, mais il a été perdu en 2000 et n'a toujours pas été rétabli.

Nous vous avons remis un tableau qui résume les dispositions clés. Il pourra vous servir de document de référence dans le cadre de vos délibérations.

Hier, aucun témoin n'a parlé de Terre-Neuve-et-Labrador, où le vote est encore garanti aux vaillants citoyens du « Rocher ». Par conséquent, en 2014, la loi prévoit ce genre de scrutin dans la majorité des territoires de compétence, 6 sur 11, pas 5, et la plupart des Canadiens en bénéficient. Chaque année, dans les six territoires concernés, les employés votent pour ou contre la syndicalisation. Dans ceux où une majorité de travailleurs ont voté en privé à la suite d'un scrutin organisé par le gouvernement, c'est l'option de la syndicalisation qui a été choisie. Les syndicats n'ont pas disparu, même pas en Nouvelle-Écosse après 37 ans de démocratie dans les milieux de travail.

Une des principales critiques des chefs syndicaux est que leur taux de syndicalisation est moins élevé. C'est vrai. Cela reflète ce que veulent vraiment les employés qui font un choix éclairé en privé.

Voici ce que la plus grande section locale canadienne de l'Union internationale des journaliers a à dire sur la signature des cartes syndicales. Je vais citer textuellement ce que j'ai trouvé hier sur le site web de l'union :

Q : Que dois-je faire si un syndicat rival me demande de signer une carte d'adhésion?
A : Ne signez rien! Vous n'avez pas à signer quoi que ce soit. Ne vous laissez pas avoir sous prétexte que c'est « pour obtenir de plus amples renseignements »... Ce n'est qu'une façon sournoise de recueillir la signature d'un membre sur la carte d'un autre syndicat.

On dit parfois aux employés que la carte sert uniquement à obtenir de plus amples renseignements ou un appui pour un vote, ce qui est faux dans les territoires de compétence qui ont recours aux cartes. À vrai dire, le véritable objectif est la syndicalisation.

Les chefs syndicaux, leurs avocats et certains employés des commissions des relations de travail attirent l'attention sur le manque de publications portant sur les décisions des commissions concernant les tactiques inappropriées et les syndicats qui utilisent exactement les méthodes contre lesquelles l'Union internationale des journaliers met en garde les travailleurs syndiqués.

Plusieurs raisons expliquent ce manque de jurisprudence. Voici la plus pertinente : le CCRI, comme d'autres commissions partout au Canada, dit que les préoccupations liées à la signature de cartes ne concernent pas les employeurs. En 2005, le CCRI a affirmé ceci :

Dans les procédures d'accréditation, la volonté des employés, y compris les raisons pour lesquelles ils adhèrent à un syndicat, ne regardent pas l'employeur. Les employés qui estiment être victimes d'intimidation ou de mesures coercitives pour signer des cartes d'adhésion doivent le signaler eux-mêmes au Conseil.

Les syndicats ont amplement de professionnels talentueux et ils engagent suffisamment d'avocats en droit du travail pour contester les mesures prises par les employeurs. Maintenant que les commissions des relations de travail disent aux employeurs de s'asseoir et de se taire, il n'est tout simplement plus crédible de prétendre que les employés sont en mesure, sur le plan pratique, de porter des accusations contre un syndicat et d'intenter des poursuites, et encore moins crédible de dire qu'ils peuvent se payer un avocat à cette fin.

Il y a également la question de la fraude associée aux cartes. Elle a atteint un petit sommet avec les tactiques peu reluisantes d'un syndicat de Purdy's en Colombie-Britannique. Le syndicat s'est fait prendre, mais des années plus tard. J'ai rencontré d'anciens organisateurs syndicaux qui, bien entendu, veulent garder l'anonymat. Ils m'ont décrit de façon assez détaillée les tactiques auxquelles ils ont pris part pour obtenir la signature d'employés sur un autre document afin que le graphologue du syndicat puisse la reproduire plus exactement sur une carte, à leur insu et à des fins frauduleuses. Certaines de ces raisons expliquent pourquoi il n'y a presque aucune jurisprudence.

Hier, la sénatrice Fraser a abordé un sujet important avec la présidente du CCRI. Le problème semblait être lié aux résultats obtenus par le conseil par rapport à ses objectifs en matière de demandes. Le CCRI est maître de ses processus. Il aurait pu apporter il y a longtemps les changements dont la présidente a parlé et que le conseil songe maintenant à mettre en œuvre en Ontario, comme elle l'a dit. J'espère que le conseil ne se limitera pas à cette province, car un certain nombre de commissions expédient le scrutin, et certaines y consacrent aussi peu que 48 heures à partir du moment où une demande est reçue.

Enfin, le projet de loi semble faire l'objet de nombreuses critiques parce qu'aucun échéancier n'est prévu pour la tenue du scrutin. Si vous regardez le portrait national de la situation que vous nous avons fourni à titre informatif, vous constaterez que sept territoires de compétence n'ont pas établi d'échéancier. Aucun territoire n'ayant recours aux cartes n'en a un. Pourtant, dans tous ces territoires, les demandes font l'objet d'un scrutin lorsque le nombre minimal de cartes n'a pas été atteint.

Le président : Je vous prie de conclure.

M. Mortimer : Parmi les représentants de syndicats qui ont témoigné, y en a-t-il un qui a demandé un délai de 5 ou de 10 jours avant la tenue du scrutin? Pas que je sache. Il faudrait comparer les préoccupations soulevées au sujet du projet de loi C-525 à l'indifférence dont on a fait preuve avant.

Merci. Je suis impatient de répondre à vos questions.

Chris Aylward, vice-président exécutif national, Bureau de direction, Alliance de la Fonction publique du Canada : Merci, honorables sénateurs, et bonjour. Je vous suis reconnaissant d'avoir invité des représentants de l'Alliance de la Fonction publique du Canada à témoigner ce matin. Je vais vous donner le point de vue de notre syndicat sur le projet de loi, et notre conseillère juridique m'aidera à répondre à vos questions.

Les lois du travail visent à garantir aux travailleurs un milieu de travail juste et équilibré, à protéger leurs droits et à favoriser des relations de travail harmonieuses. Le projet de loi C-525 porte atteinte à certaines garanties démocratiques des lois actuelles qui permettent aux travailleurs d'exprimer leurs souhaits sans ingérence ni intimidation.

Il a été déposé sans la moindre preuve que les règles d'accréditation et de révocation doivent être modifiées de cette façon. Notre syndicat a peur que le projet de loi C-525 change le droit du travail sans que ne soient menées les vastes consultations qui se font habituellement auprès des employeurs, des syndicats et du gouvernement.

Aucun processus officiel de consultations n'a été mené avant de rédiger le projet de loi. Il ne tient donc pas compte de l'équilibre fragile entre les droits des employeurs et les droits des employés, qui est la pierre angulaire de relations de travail harmonieuses. L'AFPC s'offusque grandement de ce manque de consultation.

Le projet de loi C-525 comporte des éléments préoccupants qui nuiront à la capacité des travailleurs de se syndiquer à l'échelon fédéral. Ces éléments vont à l'encontre de l'esprit même du droit à la liberté d'association inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés. Le projet de loi supprime le droit à l'accréditation automatique lorsqu'une majorité de travailleurs font part de leur intention de former un syndicat en signant une carte et en versant une cotisation, ce qu'on appelle la vérification des cartes.

Le projet de loi C-525 impose un scrutin secret obligatoire même lorsqu'une majorité de travailleurs ont signé une carte syndicale. L'AFPC ne voit aucun inconvénient à la tenue d'un scrutin secret. À titre d'exemple, c'est ainsi qu'elle procède pour élire ses représentants, ratifier les conventions collectives et tenir un vote de grève. Ce que nous dénonçons, c'est de forcer les travailleurs à démontrer à deux reprises qu'ils veulent se syndiquer.

Nous savons que la signature d'une carte syndicale est une chose que les employés ne prennent pas à la légère ou avec insouciance. Nous croyons que leurs souhaits devraient être respectés. Des études ont déjà démontré que l'élimination de la vérification des cartes réduit la capacité des travailleurs à se syndiquer. De plus, nous ne nous attendons pas à ce que les commissions des relations de travail disposent de ressources supplémentaires, ce qui signifie qu'il s'écoulera davantage de temps entre la demande d'accréditation et le vote proprement dit.

La présidente du Conseil canadien des relations industrielles a déclaré devant un comité de la Chambre des communes que si le projet de loi C-525 est adopté, le rôle du conseil dans le processus d'accréditation sera cinq fois plus important. Pourtant, les budgets des ministères et des organismes fédéraux ont été réduits ou bloqués. Les employeurs auront donc plus de temps à leur disposition pour intimider les travailleurs afin qu'ils votent contre la syndicalisation ou qu'ils ne votent pas du tout, ce qui serait également à leur avantage. Cette ingérence crée un conflit et une hostilité inutiles entre les travailleurs et leurs employeurs. Les travailleurs ont l'impression d'être forcés de choisir entre le syndicat et l'employeur.

En résumé, le projet de loi C-525 n'a pas pour but de protéger les droits démocratiques des travailleurs. Il vise plutôt directement à faire en sorte qu'il est plus difficile pour les travailleurs de s'organiser et plus facile pour les employeurs de s'ingérer dans le processus. La loi fédérale actuelle protège les droits individuels des travailleurs par l'entremise du processus d'accréditation et de révocation. Rien ne prouve que les régimes de relations de travail existants doivent changer à cet égard. Aucun mouvement de travailleurs ne demande que des modifications soient apportées à la loi.

Même la plus grande association d'employeurs sous réglementation fédérale, l'ETCOF, a exprimé des préoccupations concernant la modification des lois du travail sans mener de consultations en bonne et due forme et sans tenter de parvenir à un consensus. Nous croyons qu'il est essentiel d'examiner le cadre juridique dans son ensemble pour garantir un équilibre sain entre les droits des travailleurs et ceux des employeurs, ce qui peut seulement être fait en menant de vastes consultations auprès de tous les intervenants. Nous croyons également que la vérification des cartes est la meilleure façon de s'assurer que les droits des travailleurs sont protégés pendant le processus de syndicalisation.

Le projet de loi C-525 a fait l'objet de seulement quelques heures d'audiences de comité avant d'être adopté à la Chambre des communes. Nous sommes très préoccupés par la possibilité que ce projet de loi soit adopté après un très court débat et un examen superficiel. Nous exhortons les sénateurs du comité à ne pas donner suite à cette mauvaise mesure législative.

Merci.

Chris Roberts, directeur, Services des politiques sociales et économiques, Congrès du Travail du Canada : Au nom des 3,3 millions de membres du Congrès du Travail du Canada, je tiens à remercier le comité et les sénateurs de nous donner l'occasion de donner notre point de vue sur le projet de loi d'initiative parlementaire C-525.

Le CTC rassemble les syndicats nationaux et internationaux du Canada de même que les fédérations du travail provinciales et territoriales et 130 conseils du travail régionaux dont les membres travaillent pratiquement dans tous les secteurs de l'économie canadienne et représentent toutes les professions, y compris celles sous réglementation fédérale.

À notre avis, le projet de loi C-525 propose des modifications inutiles et régressives à la législation fédérale sur les relations de travail et devrait être rejeté. Le projet de loi C-525 élimine le droit à l'accréditation automatique lorsqu'une majorité de travailleurs manifestent leur désir de former un syndicat en signant une carte syndicale et en payant des frais. Il impose un vote obligatoire même lorsque les employés ont déjà décidé de signer une carte syndicale. Le projet de loi force les travailleurs à démontrer non pas une mais deux fois qu'ils veulent se syndiquer. Il n'impose néanmoins aucun délai pour la tenue d'un scrutin ou les audiences expéditives sur les plaintes de pratique déloyale de travail pour s'assurer que les employeurs n'empiètent pas sur le droit d'association des travailleurs.

Conformément au Code canadien du travail, il existe un processus rigoureux qui permet à une commission des relations de travail de statuer sur un appui majoritaire en fonction du nombre de cartes ayant été signées. Le Conseil canadien des relations industrielles a décrit ce processus à la Chambre des communes et au Sénat. Une fois qu'une demande d'accréditation est faite, la commission en avise l'employeur. L'avis est affiché dans le milieu de travail pour informer tous les travailleurs concernés par la demande d'accréditation. Les employés peuvent trouver sur l'avis les coordonnées de l'agent affecté au dossier s'ils veulent signaler une irrégularité ou de l'intimidation. L'agent qui agit au nom de la commission est responsable d'enquêter sur la demande et de recevoir les éventuelles plaintes de l'employeur ou des employés.

L'agent doit vérifier les preuves fournies par le demandeur en communiquant avec un échantillon de travailleurs ayant signé une carte d'adhésion pour s'assurer qu'ils l'ont bien signée et qu'ils ont payé les frais d'inscription de 5 $. Ces démarches sont souvent très rigoureuses, exigeantes et approfondies. L'agent doit également enquêter sur les éventuelles allégations d'irrégularités. Il prépare ensuite un rapport écrit qui résume les positions des parties et qui leur est ensuite envoyé aux fins d'examen. C'est un processus minutieux, légitime et rigoureux pour statuer sur un appui majoritaire en faveur d'un syndicat qui a recours à l'accréditation par signature de cartes. J'estime que c'est le moyen le plus efficace de statuer sur l'appui ou le manque d'appui des employés.

De plus, la section 29 du Code canadien du travail accorde à la commission le pouvoir d'ordonner un scrutin de représentation si elle juge que c'est nécessaire. Le gouvernement a dit qu'un scrutin secret réduirait l'intimidation pendant le processus de vérification des cartes. À vrai dire, il y a peu de preuves d'intimidation. Je vais tout simplement répéter ce que des témoins ont déjà dit à ce sujet. Parmi les 4 000 décisions rendues par le CCRI au cours des 10 dernières années, il n'y a eu que 23 cas d'allégations d'intimidation ou de coercition. Parmi ceux-ci, six ont été confirmés, dont quatre qui émanaient de l'employeur.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-525 propose des modifications considérables au processus d'accréditation qui est actuellement utilisé au Canada. Il prévoit l'ajout d'un vote obligatoire inéquitable et redondant qui donne aux employeurs le temps de s'ingérer dans le choix des travailleurs en matière de représentation collective. Le projet de loi politisera davantage le système fédéral des relations de travail et favorisera la confrontation plutôt que la coopération dans le milieu de travail. Il accroîtra également la portée de l'intimidation pratiquée par les employeurs et contribuera à la détérioration des conditions de travail en plus d'accentuer, selon nous, l'inégalité des revenus au Canada. Pour toutes ces raisons, nous demandons aux sénateurs de rejeter le projet de loi.

Pour conclure, le CTC exhorte le gouvernement fédéral à ne plus apporter de modifications ponctuelles au Code canadien du travail. Les modifications ne devraient pas provenir de projets de loi d'initiative parlementaire. Elles devraient plutôt découler de consultations prélégislatives auxquelles participeraient les employeurs, les syndicats et le gouvernement.

Merci beaucoup.

Le président : Nous allons commencer les questions avec le vice-président du comité, le sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Je remercie les témoins de leurs exposés très intéressants de ce matin.

Monsieur Mortimer, le comité croyait — et il remet maintenant les pendules à l'heure — que Terre-Neuve-et-Labrador procédait par scrutin secret depuis 1993, mais la province est revenue depuis au système de vérification des cartes en y ajoutant une particularité très intéressante : jusqu'à 65 p. 100 des travailleurs doivent avoir signé leur carte. Si ce chiffre se situe plutôt entre 50 et 65 p. 100, l'accréditation n'est tout simplement pas accordée.

Je voulais d'abord vous reprendre à ce sujet, à moins que vous ayez de nouveaux renseignements selon lesquels Terre-Neuve-et-Labrador n'est pas revenue au système de vérification des cartes.

M. Mortimer : Vous avez raison : le gouvernement conservateur a opté pour la vérification des cartes en 2012 et il l'a ensuite mise de côté au profit d'un scrutin secret.

Le sénateur Baker : Cette année?

M. Mortimer : Oui, cette année, après la démission de la première ministre, sous la direction du chef intérimaire...

Le sénateur Baker : Il y a tellement de premiers ministres que nous perdons le fil.

M. Mortimer : Oui.

Le sénateur Baker : Je vais d'abord vous poser une question d'ordre général. Je vais demander à Mme Blatt de nous faire profiter de son expertise à ce sujet.

À première vue, il me semble que le gros problème du projet de loi est le critère selon lequel il faut d'abord atteindre le seuil des 40 p. 100 de signatures pour pouvoir tenir un scrutin majoritaire secret.

La Chambre des communes a modifié le projet de loi. Initialement, il fallait obtenir l'appui de 50 p. 100 de tous ceux qui prenaient part au scrutin secret. Autrement dit, le vote de quelqu'un qui ne participait pas au scrutin était considéré comme négatif, tandis qu'il faut maintenant obtenir la majorité des voix de ceux qui votent. Votre premier seuil est 40 p. 100 de ceux dont le syndicat a recueilli la signature. Ne pourriez-vous donc pas vous retrouver dans une situation où moins de 50 p. 100 des employés accordent l'accréditation?

Mme Blatt : Oui. Je pense que ce serait le cas dans de nombreux territoires de compétence au Canada.

Le sénateur Baker : Le projet de loi remplace un système qui exige 50 p. 100 des signatures des employés par un autre dont le seuil est moins élevé et qui permettrait à moins de 50 p. 100 des employés de trancher la question.

Avant que le président me dise que mon temps de parole est écoulé, j'aimerais vous poser une question simple concernant la difficulté d'aller voter dans le Nord, dans les vastes étendues du Canada. Je me souviens d'une affaire impliquant le hameau de Kugaaruk à propos d'un courriel envoyé par l'Alliance de la Fonction publique du Canada à un groupe de travail. Vous souvenez-vous de cette affaire?

Mme Blatt : Oui. Je pense que l'on reprochait deux faits à l'employeur.

Le sénateur Baker : Vous étiez conseillère.

Mme Blatt : Auprès du hameau de Kugaaruk.

Le sénateur Baker : Je vois. À quel point sera-t-il difficile de mettre en œuvre cette mesure législative et de tenir les scrutins exigés par la commission?

Mme Blatt : Eh bien, je crois que cela dépend de la façon dont la commission tient les scrutins. Elle pourrait peut-être procéder à un vote postal ou à un scrutin électronique, mais ces options coûtent cher, notamment le scrutin électronique.

La tenue d'un scrutin obligatoire dans une collectivité éloignée du Nord, comme celle dont il est question dans ce cas-ci, coûtera cher au gouvernement du Canada. Il serait coûteux pour le syndicat de faire venir des scrutateurs ou des agents pour la tenue et le dépouillement du scrutin.

Les choses se compliquent de façon exponentielle lorsqu'un seul employeur a de nombreux lieux de travail. Nous en avons des exemples dans le nord de l'Ontario avec les services de police des Premières Nations, qui ont peut-être 12 ou 15 lieux de travail différents auxquels un scrutin doit être tenu. Les vols coûtent très cher. Je pense qu'il s'agit de projets de grande envergure qui, en toute honnêteté et d'après notre expérience, sont tout à fait inutiles. Il n'est pas étonnant que nous soyons de cet avis. Ce n'est qu'un gaspillage de ressources pour tout le monde.

Le sénateur Tannas : Monsieur Mortimer, je vais commencer par mentionner que je suis étonné par ce qui a été dit au sujet des intervenants, de la stabilité et de ce que veulent les intervenants alors que le seul groupe dont les propos intéressent M. Calkins est celui des employés. Je pense que c'est un excellent argument en faveur de la nécessité des projets de loi d'initiative parlementaire pour permettre aux simples citoyens de parler à leurs représentants en vue d'apporter des changements qui leur importent.

Nous avons des données que vous avez obtenues d'un sondage mené par Léger, qui est une firme réputée et bien connue, d'après ce que je peux comprendre. Pourtant, nous avons entendu hier des témoins qui nous ont dit que ce sondage a été totalement discrédité. Je parle du sondage qui montre qu'une grande majorité d'employés non syndiqués ainsi qu'une majorité encore plus grande d'employés syndiqués sont favorables au scrutin secret. Pouvez-vous nous parler de ce sondage et nous dire pourquoi il a été totalement discrédité?

M. Mortimer : Pour contredire M. Moist, le sondage de 2013 de la firme Léger n'a aucunement été critiqué. Les critiques portent sur un sondage mené en 2011 par Nanos Research, plus précisément sur une question qui n'a absolument rien à voir avec le scrutin secret. La question du scrutin secret a été posée pour la première fois par la firme Léger en 2003. Nanos l'a abordé de nouveau en 2008 et en 2011, et la firme Léger, en 2013. Je n'ai entendu aucune critique à ce sujet. Les données recueillies étaient cohérentes chaque fois que la question a été posée au fil du temps, et les marges d'erreur appliquées étaient pertinentes.

Le sénateur Tannas : Merci.

La sénatrice Fraser : J'ai deux questions. À vrai dire, l'une d'elles est plutôt une demande.

Monsieur Mortimer, vous nous avez donné un aperçu du sondage de la firme Léger & Léger. La question qui a vraisemblablement été posée par les sondeurs était : « Je vais maintenant lire une liste d'énoncés sur les lieux de travail et les syndicats. » Vous ne nous en avez donné qu'une seule. Auriez-vous l'obligeance de nous donner les autres dans l'ordre où elles ont été posées?

M. Mortimer : Oui, je veux bien. La version intégrale du sondage se trouve sur notre site web, comme celle du sondage de 2003, et des autres qui ont suivi. Je pourrais certainement envoyer une lettre au comité avec un lien vers les versions anglaise et française du sondage.

La sénatrice Fraser : Il serait probablement utile que vous nous donniez tout de suite l'adresse de votre site web. Vous pourriez l'écrire et la remettre à la greffière.

M. Mortimer : LabourWatch.com et InfoTravail.ca.

La sénatrice Fraser : Merci.

Ma prochaine question est pour M. Aylward et M. Roberts. Hier, nous avons beaucoup entendu parler des échéances et, si un scrutin secret est nécessaire, de l'importance de le tenir rapidement. Dans la documentation remise par Mme MacPherson, il est également indiqué que, lorsqu'un scrutin secret est nécessaire, il s'écoule en moyenne 157 jours entre la présentation de la demande d'accréditation et la fin du processus, ce qui n'est pas le cas pour le vote électronique ou le vote par téléphone.

Mme MacPherson — et j'ai trouvé que c'était admirable — a dit que si ce projet de loi était adopté, le CCRI tenterait de respecter la norme ontarienne qui veut que le scrutin ait lieu dans les cinq jours. Pensez-vous que c'est possible de la part du CCRI? C'est ma première question.

Voici ma deuxième : souscrivez-vous à ce que certaines recherches laissent entendre, à savoir que plus le délai est long, plus la demande risque d'échouer?

M. Roberts : Merci beaucoup de ces questions.

Je doute beaucoup que le conseil puisse s'assurer que le scrutin a lieu en temps opportun. En fait, j'ai de sérieuses réserves si l'exigence voulant qu'un vote soit effectué dans tous les cas signifie que la charge de travail du conseil sera cinq fois plus lourde et qu'il sera nécessaire de revoir son effectif et les délais moyens que vous avez cités.

Les travaux de recherche universitaire, tout comme ce qu'on a vu aux États-Unis, nous indiquent que vous allez avoir un aperçu de ce que cela signifie de devoir remettre les choses à plus tard. Plus on permet au processus de s'étirer, plus le risque d'ingérence, d'intimidation et de retard est grand, ce qui veut dire que le résultat sera de moins en moins susceptible de refléter le droit démocratique des travailleurs de décider s'ils veulent ou non former un syndicat.

J'espère que le comité et les sénateurs examineront de très près ce qu'on a vu aux États-Unis de même que les travaux universitaires qui laissent entendre que c'est une très grande préoccupation.

Mme Blatt : Je pense qu'il est à peu près certain qu'il y aura des situations dans lesquelles le conseil ne pourra pas respecter les échéances compte tenu de l'étendue du Canada, du fait que les trois territoires relèvent presque entièrement du bureau du CCRI à Vancouver, dont le nombre d'employés est restreint, et de la possibilité de devoir voyager d'Iqaluit, au Nunavut, à Whitehorse. Qu'arriverait-il si ce bureau régional devait traiter simultanément deux ou trois demandes? Il n'a tout simplement pas les ressources pour être à trois endroits en même temps pendant la période de cinq jours.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'aimerais avoir vos commentaires sur un ensemble de points. Les syndicats n'ont pas beaucoup la cote par les temps qui courent, et il est peut-être temps d'améliorer leur image. Les syndicats ont fait de grandes choses et sont appelés à en faire encore. Ils constituent une institution fondamentale.

Ne croyez-vous pas qu'un vote secret améliorerait la légitimité des syndicats et que cela vous permettrait d'en faire encore plus? J'aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité de raccourcir les délais liés à la tenue d'un vote secret en utilisant les moyens électroniques d'aujourd'hui. Je ne vois pas comment on ne pourrait pas penser à organiser la tenue d'un vote électronique à travers le Canada, et ce, à faible coût, et populariser ce mode de fonctionnement. Je ne comprends pas qu'on ne puisse pas le faire.

Troisièmement, dans le projet de loi, il y a une symétrie entre la procédure d'accréditation et la procédure de révocation. Je voudrais vous entendre au sujet de cette question de symétrie.

J'ai un dernier point auquel vous pourriez répondre par écrit et qui porte sur les études qui concernent le vote secret et la baisse du taux de syndicalisation. M. Chris Riddell a étudié ce phénomène à la fin des années 1990 et au début des années 2000, mais y a-t-il des études récentes à ce sujet? On constate que le taux de syndicalisation baisse partout. Cela est lié à la croissance des services dans l'économie et à toutes sortes de facteurs qui ne sont pas nécessairement liés à la tenue d'un vote qui est secret ou non. Par contre, la tenue d'un vote secret peut améliorer grandement la légitimité de votre institution.

Je voudrais vous entendre à ce sujet, et si vous aviez des études qui y sont liées, j'aimerais que vous nous les fassiez parvenir.

[Traduction]

M. Roberts : Je peux essayer de répondre rapidement.

Pour ce qui est de la première question, je pense qu'il est primordial de tenir compte du contexte d'une demande d'accréditation contestée.

Aux États-Unis, les employeurs ont favorisé l'émergence d'une industrie qui évite la syndicalisation. Elle occupe maintenant une place considérable. Depuis les années 1970, cette industrie s'est développée dans le seul but de ralentir, de bloquer et de faire échouer les tentatives d'accréditation syndicale. Elle y parvient entre autres à l'aide de campagnes bien financées visant à ternir la réputation des syndicats et à les discréditer aux yeux des employés.

Cela ne se fait pas en vase clos. La façon dont les syndicats sont représentés dans le cadre de campagnes systématiques financées et menées dans le milieu de travail par des employeurs et des cabinets spécialisés dans les mesures contre la syndicalisation peut influencer la décision dans un sens ou dans l'autre. Il est possible que cette décision soit rendue en fonction de ces campagnes. Je pense donc qu'il faut examiner la question dans un contexte plus large.

Je vois ce que vous voulez dire au sujet du vote électronique, mais il faut également tenir compte de la mesure dans laquelle il est possible de reporter ou d'interrompre le processus en déposant, par exemple, des plaintes sur les pratiques déloyales de travail et d'autres demandes d'accréditation. Il faut également tenir compte de la mesure dans laquelle il existe un moyen d'accélérer le traitement des audiences sur ces questions si le vote en soi n'est pas retardé indéfiniment.

Je suis d'accord pour ce qui est d'établir une symétrie. Je crois qu'il devrait y en avoir une entre les demandes d'accréditation et les demandes de révocation d'accréditation. Je ne manquerai pas de transmettre toutes les études universitaires que je connais.

Le président : Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?

Mme Blatt : Je crois qu'un système de vote obligatoire réduira le taux de syndicalisation au Canada. Le cas échéant, la popularité des syndicats en souffrira dans la même mesure. Notre capacité d'influencer le discours public sera moindre, entre autres choses.

Je crois qu'il est essentiel également de comprendre que l'ingérence d'un employeur dans les campagnes de syndicalisation commence avant la présentation de la demande. J'ai déposé une plainte la semaine dernière auprès du conseil canadien. Un homme avec 17 ans d'ancienneté qui avait toujours rendu un service impeccable a été renvoyé une fois qu'on a appris qu'il mettait sur pied un syndicat dans son milieu de travail.

Pour ce qui est du vote électronique, personnellement, je ne m'y connais pas du tout, et j'hésite donc à formuler des commentaires. Il semble que nous ayons actuellement tendance à nous engager dans cette voie à l'échelle mondiale, mais on est préoccupé par la possibilité de s'ingérer dans le processus par des moyens électroniques.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Lorsqu'un gouvernement rédige un projet de loi, c'est souvent dans le but de protéger les plus vulnérables. Il existe plusieurs organisations syndicales qui sont bien installées, qui fonctionnent très bien et qui respectent les règles du jeu, autant pour les employés que pour les employeurs.

Le projet de loi veut, en promouvant le scrutin secret, éviter l'intimidation. Au Québec, d'où je viens, et peut-être pas dans le dossier de l'accréditation, il y a des syndicats, comme la FTQ Construction, qui, dans le secteur de Baie-Comeau, ont fait beaucoup d'intimidation. Parfois, c'est aussi dans le but d'obliger des entrepreneurs à inciter leurs employés à se syndiquer. D'autres fois, c'est la CSN, et si vous lisez les journaux, vous avez entendu parler de la Commission Charbonneau. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

On dit aussi que la tenue de scrutins secrets peut coûter cher. J'ai été président de syndicat pendant une quinzaine d'années, et je peux vous dire, sans préciser, que les syndicats disposent de bonnes caisses et de bons budgets. J'ai toujours de la difficulté à entendre dire que le scrutin secret coûte cher. Au nom de la démocratie, il faut aller plus loin que cela. Au départ, le projet de loi vise à protéger les plus vulnérables, et les plus vulnérables sont les travailleurs. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

Mme Blatt : Avec tout le respect, ma position est diamétralement opposée à la vôtre. Je pense que ce projet de loi protège les gens puissants, pas ceux qui sont vulnérables. Il ne fait aucun doute qu'il protégera les employeurs et réduira le taux de syndicalisation au Canada.

M. Mortimer : La seule observation générale que j'aimerais formuler est que les syndicats organisent au besoin des votes de grève et des scrutins de ratification partout dans le Nord, dans tous ces environnements de négociation difficiles.

En ce qui a trait au vote électronique et aux autres nouvelles manières de voter, le CCRI est l'organisation qui en emploie le plus grand nombre parmi toutes les commissions des relations de travail du Canada. J'ai préparé pour LabourWatch un tableau qui aborde cette question, et je ne vois même pas de raison pour laquelle le CCRI ne pourrait pas recourir plus souvent à ces nouvelles méthodes pour accommoder le Nord.

Le sénateur Moore : Je remercie les témoins d'être ici.

Monsieur Mortimer, votre organisation s'appelle LabourWatch. Certains de vos membres sont-ils syndiqués?

M. Mortimer : Parmi les associations et les cabinets d'avocats membres? Certains de nos membres représentent des entreprises syndiquées. À titre d'exemple, le Conseil canadien du commerce de détail a un membre chez Loblaws qui regroupe 140 000 employés au Canada, dont environ 110 000 sont syndiqués.

Le sénateur Moore : Donc, vous représentez les employés syndiqués et les employés non syndiqués.

M. Mortimer : Oui, par l'entremise de nos membres.

Le sénateur Moore : Défendez-vous parfois leurs intérêts en ce qui a trait aux questions de sécurité et aux caractéristiques du milieu de travail qui pourraient préoccuper les employés?

M. Mortimer : Donc, la sécurité, les normes du travail et les lois sur les droits de la personne.

Le sénateur Moore : Plaidez-vous en faveur de ces enjeux?

M. Mortimer : Aucun de ces enjeux ne fait partie de notre mandat. Nous exploitons un site web où sont stockés les formulaires des commissions des relations de travail des divers gouvernements. Nos conseillers ont passé en revue les règles des commissions et la jurisprudence, afin d'expliquer aux employés comment remplir ces formulaires.

C'est un service que n'offre presque aucune commission. Les commissions se contentent d'afficher les formulaires sans expliquer aux contribuables comment les remplir. Nous leur disons quoi faire. Cela fait partie de notre mandat.

Le sénateur Moore : Répertoriez-vous les noms de vos membres?

M. Mortimer : Oui.

Le sénateur Moore : Je remplace un autre membre et, par conséquent, je n'étais pas ici hier. Vous avez mentionné un sondage Nanos. Votre organisation a-t-elle financé les sondages Léger et Nanos?

M. Mortimer : Oui, nous avons parrainé tous les sondages de 2003 à 2013 et assumé leurs coûts.

Le sénateur Moore : Dans le cadre du sondage Léger, on présente un énoncé à la personne qui reçoit l'appel, au lieu de lui poser véritablement une question. La personne interrogée a-t-elle entendu un énoncé selon lequel une décision favorable exige 50 p. 100 des voix plus une?

Il me semble qu'au Canada, la norme démocratique à respecter avant de prendre une décision correspond à 50 p. 100 des voix plus une. Au cours de votre sondage, avez-vous au moins posé cette question ou présenté cet énoncé?

M. Mortimer : Nous n'avons pas posé de questions qui entrent dans les détails des différents seuils que les codes du travail appliquent à l'échelle nationale.

D'après mes 30 années d'expérience et ce que j'ai observé pendant mes journées de travail au sein des entreprises Future Shop et Wendy's, ainsi qu'à titre de dirigeant de l'association LabourWatch, le taux de participation aux élections est extrêmement élevé. Habituellement, de 80 à 90 p. 100 des travailleurs admissibles votent. Les commissions des relations de travail s'efforcent de choisir plusieurs horaires de travail pour mener leurs élections. Leurs employés arrivent à 2 heures et tiennent un vote pendant le quart de nuit, à 6 heures et au milieu de la journée. Ils examinent les horaires et déterminent comment maximiser le taux de participation, ce qui explique son pourcentage élevé. C'est la raison pour laquelle les décisions sont vraiment représentatives des désirs de la main-d'œuvre.

Le sénateur Moore : Quel est le budget de votre organisation? D'où tenez-vous vos fonds?

M. Mortimer : Notre budget annuel de fonctionnement oscille, en moyenne, entre 50 000 $ et 90 000 $. Les années où il est plus élevé sont des années où nous avons recueilli des fonds supplémentaires pour mener un sondage, comme le sondage Léger de 2013, ou pour inviter un conférencier international à participer à une tournée de conférences.

Le sénateur Moore : D'où tenez-vous vos fonds?

M. Mortimer : Habituellement, nos membres nous versent de 1 000 à 2 500 $ par année pour appuyer nos activités.

Le sénateur Moore : Leurs cotisations sont-elles fondées sur la taille de leur organisation?

M. Mortimer : C'est exact, et sur les activités de leur organisation.

Le sénateur Moore : Combien de personnes l'association LabourWatch emploie-t-elle?

M. Mortimer : Vous fixez son unique employé en ce moment.

Le sénateur Moore : Merci. Je pense que vous nous l'aviez peut-être dit.

M. Mortimer : Nous disposons d'un certain nombre de bénévoles, sénateur, qui mènent des recherches et répondent aux appels adressés au numéro sans frais, qu'ils proviennent d'employeurs, des médias, d'employés ou d'étudiants de niveau universitaire qui effectuent des recherches.

La sénatrice Batters : Hier et aujourd'hui, votre sondage a été mentionné à de nombreuses reprises, monsieur Mortimer, mais je tenais à vous donner l'occasion de nous révéler quelques-unes de ses principales conclusions, afin qu'elles figurent dans le compte rendu de la séance de notre comité. Nous vous serions reconnaissants de tout renseignement au sens large que vous pourriez nous communiquer.

M. Mortimer : Nous avons commandé le premier sondage en 2003 parce que, pendant les trois premières années d'existence de l'association LabourWatch, j'ai remarqué un écart entre les recherches sur l'opinion publique commandées par les autres organisations et les appels téléphoniques que je recevais de la part d'employés, en particulier d'employés qui étaient syndiqués. Je me basais sur le taux très élevé de plaintes contre les syndicats, connues sous le nom de demande d'examen du devoir de représentation juste. Plusieurs présidents de commissions des relations de travail me disent que, parmi les plaintes dont leurs commissions sont saisies, les plaintes contre les syndicats sont les plus nombreuses et qu'elles dépassent de loin les plaintes déposées contre des employeurs ou toute autre plainte présentée.

Nous avons décidé d'effectuer des recherches dans le cadre desquelles nous souhaitions demander aux Canadiens ce qu'ils recherchaient dans leur emploi et auprès de leur syndicat. Ce qui m'a frappé dans les premiers résultats que nous avons reçus — auxquels on a fait allusion auparavant —, c'est le fait qu'un grand nombre de Canadiens syndiqués désirent obtenir certains avantages qu'aucun dirigeant syndical ne prône en leur nom, même si ces mêmes travailleurs sont forcés par la loi de verser des cotisations syndicales pour financer leur salaire.

Comme je l'ai indiqué plus tôt au cours de mes observations, s'il est crucial que nous organisions rapidement des votes, pourquoi les dirigeants syndicaux du Canada n'exigent-ils pas que ces processus rapides de vote soient mis en œuvre dans tous les territoires de compétence qui ne disposent pas de tels processus, ou qui n'en ont pas encore mis en œuvre, y compris les territoires où l'accréditation peut avoir lieu par vérification des cartes signées, mais où l'on organise des votes? Pourquoi ces dirigeants syndicaux ne disent-ils pas qu'un vote doit être organisé dans les cinq jours qui suivent, si les cartes signées ne peuvent être vérifiées? Je ne les ai pas vus présenter cette demande.

Le fait qu'ils n'expriment pas cette nécessité est l'une des raisons pour lesquelles ils ont un problème de relations publiques. Le problème plus général tient au fait que le Canada est le seul pays où l'adhésion forcée à un syndicat est encore une condition d'emploi. Nous sommes les seuls travailleurs qui sont obligés de verser des cotisations syndicales. Le Canada est la seule nation que je connais où le droit au travail n'est pas respecté. Lorsqu'on n'a pas besoin de gagner le respect de ses membres et de mériter ses cotisations syndicales, et qu'on peut se servir du pouvoir du gouvernement pour imposer ces cotisations en vertu de la loi, je ne crois pas qu'on est à l'écoute des travailleurs. Les syndicats européens écoutent beaucoup plus attentivement leurs membres, qui leur versent des cotisations, parce que leur adhésion est volontaire.

La sénatrice Batters : Monsieur Roberts, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que vous désapprouviez les mesures législatives à caractère particulier, les projets de loi d'initiative parlementaire qui portent sur la législation du travail. Selon moi, le droit de présenter des projets de loi d'initiative parlementaire est l'un des privilèges les plus importants des députés. Vous élimineriez donc une catégorie complète de projets de loi d'initiative parlementaire que les députés pourraient présenter, parce que vous les croyez inappropriés.

Y a-t-il d'autres types de lois qu'à votre avis, les projets de loi d'initiative parlementaire ne devraient pas modifier? Les questions sur lesquelles portent les projets de loi sont soulevées par les électeurs auprès des députés ou sont des enjeux qui revêtent une grande importance aux yeux des députés.

M. Roberts : Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice, je crois qu'il s'agit là d'une rumeur non fondée. Nous n'avons jamais proposé d'éliminer les projets de loi d'initiative parlementaire.

Dans le passé, ces domaines législatifs faisaient l'objet d'excellentes études, de consultations approfondies, de vastes discussions et d'examens généralisés, auxquels participaient des experts.

Les dispositions que nous avons observées dans les récents projets de loi d'initiative parlementaire apportent d'importants changements aux lois ayant trait aux relations industrielles. Pour être francs, nous avons vu des mesures législatives mal rédigées qui n'avaient pas été mûrement réfléchies, et je crois que c'est dommage.

Si vous me le permettez, j'aimerais formuler très rapidement des observations au sujet du sondage qui a été abordé et à propos duquel M. Mortimer a déclaré avoir consulté des travailleurs canadiens afin de découvrir ce qu'ils aimeraient voir dans leur milieu de travail. Dans la partie du sondage qui décrit les renseignements démographiques des répondants, sous la rubrique intitulée « Professions », vous constaterez qu'il y a des gestionnaires et des travailleurs autonomes. Ces deux types de travailleurs ne peuvent pas adhérer à des syndicats. Je ferais donc valoir que les résultats de ce sondage sont trafiqués, comme ceux des derniers sondages. Si vous demandez à des patrons ou des employeurs s'ils aimeraient adhérer à des syndicats, ils répondront, bien entendu, par la négative.

La sénatrice Frum : Je dois commencer par mentionner que l'argument qui a été avancé ici à propos de la façon dont le projet de loi obligera les travailleurs à voter deux fois est un drôle d'argument à faire valoir ici, au Sénat, car nous tenons précisément une audience aujourd'hui pour que le Parlement puisse voter sur le projet de loi deux fois. Il semble parfaitement légitime que notre démocratie prévoie un système de freins et de contrepoids.

J'aimerais poser une question à M. Mortimer. Si vous disposez de renseignements supplémentaires à propos de l'assertion de M. Aylward et d'autres témoins selon laquelle le passage à des votes par scrutin secret risque d'entraîner une réduction de la syndicalisation, pensez-vous que ce soit vrai et, dans l'affirmative, quelles pourraient être, selon vous, les raisons de cette réduction?

M. Mortimer : Si, au bout du compte, c'était vrai, la Nouvelle-Écosse devrait avoir le taux de syndicalisation le plus faible du Canada, ce qui n'est pas le cas. C'est l'Alberta qui peut prétendre à ce titre. Les scrutins secrets éliminent la tentation de prendre des mesures comme celles que l'organisateur syndical m'a décrites et contre lesquelles le Labourer's Union met expressément les gens en garde. Son site web dit dès aujourd'hui aux gens de se méfier des tactiques d'accréditation par signature de cartes.

Après un certain nombre de visites de la part d'un organisateur externe ou interne, certains types d'employés demanderont simplement qu'on les laisse tranquilles et signeront la carte. Cette signature n'est pas un vote. Je trouve inacceptable que des dirigeants syndicaux qualifient de vote le fait d'avoir visité un employé 20 fois pendant deux semaines, soit pendant chacune de ses pauses. Voilà le genre de mesures qui sont prises.

Par conséquent, il faut éliminer les accréditations inappropriées et assainir le processus de syndicalisation en organisant des votes. Comme je l'ai indiqué au cours de ma déclaration préliminaire, les syndicats n'ont pas disparu en Nouvelle-Écosse et la comparaison de son taux de syndicalisation à celui du reste du pays est la meilleure statistique à laquelle nous pouvons avoir accès, parce qu'elle remonte à près de 40 ans.

Le sénateur McInnis : Je vous remercie de votre présence.

Il y a de nombreuses années, probablement 25 pour être précis, ils ont construit une maison de soins infirmiers dans ma ville, Sheet Harbour. Elle était exploitée par le gouvernement, mais son personnel était bien moins rémunéré et ne bénéficiait d'aucun avantage social. Je les ai encouragés — en fait, je les ai aidés — à former un syndicat, et ils ont rectifié les choses très rapidement. Je suis partisan des syndicats.

Je pense que la sénatrice Bellemare a déclaré que vous pouviez accroître votre crédibilité, mais vous en perdez — et il m'est difficile de le concevoir — lorsque vous tentez de faire valoir des arguments contre un scrutin secret, par opposition à une accréditation par signature de cartes. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que vous perdez de la crédibilité lorsque vous agissez ainsi.

Je pense que la seule chose dont vous pouvez légitimement vous plaindre — en fait, vous avez le droit de vous plaindre de tout ce que vous voulez —, c'est le fait que vous disposez d'un système composé du Code canadien du travail et d'un forum tripartite, si vous voulez, où des consultations peuvent être menées, mais que votre système unique n'a pas été utilisé. Ce processus n'a peut-être pas eu lieu, mais la démocratie fonctionne différemment. Dans le cas des projets de loi d'initiative parlementaire, vous avez toutes sortes d'occasions de comparaître devant le comité de la Chambre des communes, puis ici aujourd'hui, et de parler aux députés.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, parce que les syndicats font du bon travail. Toutefois, lorsque vous agissez ainsi, vous vous abaissez, à mon avis.

M. Aylward : Merci, sénateur McInnis. Je vous félicite d'avoir aidé cette maison de soins infirmiers, d'avoir favorisé la syndicalisation de son personnel et, évidemment, d'avoir élevé leurs conditions et leurs normes de travail. Je salue vos efforts.

Cependant, nous n'affirmons pas ici que les scrutins secrets sont des mauvais mécanismes. En fait, dans mon mémoire, j'ai indiqué que nous n'avions rien à reprocher aux scrutins secrets. Nous y avons recours au sein de notre organisation. Selon le système actuel, le Conseil canadien des relations industrielles peut tenir un scrutin secret chaque fois qu'il décide de le faire.

Par conséquent, la question n'est pas que nous nous élevons contre le vote par scrutin secret qui sera imposé aux employés, car ce n'est pas le cas. Comme je l'ai mentionné, ils ont le droit aujourd'hui d'organiser un tel scrutin. Cependant, il n'est pas nécessaire de leur dire qu'ils doivent en organiser un. Rien ne cloche dans la loi actuelle, absolument rien du tout. La mesure législative dont vous êtes saisis est boiteuse.

Le sénateur McInnis : Non, elle ne l'est pas, car on pourrait faire valoir l'argument inverse. Vous vous contentez d'avancer le même argument. Nous disons que le système d'accréditation par vérification des cartes exige qu'on signe ouvertement ces cartes, alors nous ajouterons au processus un scrutin secret. La vérification des cartes sera la première étape vers l'accréditation d'un syndicat; la majorité des employés devront participer à un scrutin secret pour compléter le processus d'accréditation.

M. Aylward : Mais il n'est pas nécessaire de prendre cette mesure supplémentaire.

Le sénateur McInnis : Pourquoi pas? C'est ce que vous affirmez, mais nous avons entendu des preuves contraires.

M. Aylward : Le processus durera certainement plus longtemps. Je crois que vous avez entendu le président du Conseil canadien des relations industrielles dire que personne ne lui avait parlé des ressources supplémentaires dont le conseil aurait besoin, ni des responsabilités supplémentaires que le conseil devrait assumer. Personne n'a répondu à ces questions. Même l'auteur du projet de loi n'a parlé à aucun membre du Conseil canadien des relations industrielles des ressources supplémentaires qui seront requises.

Le sénateur McInnis : Avec tout le respect que je vous dois, les ressources sont une diversion. Elles n'ont rien à voir avec l'accréditation d'un syndicat ou la révocation de son accréditation. C'est une question que l'administration du gouvernement gérera.

M. Aylward : La façon dont le gouvernement gère les ressources — et nous en avons tous été témoins, manifestement — consiste à simplement les réduire, à réduire même les budgets des services de première ligne offerts aux Canadiens les plus vulnérables.

Le sénateur McInnis : C'est votre point de vue et bien entendu, c'est...

M. Aylward : Ce n'est pas mon point de vue. C'est un fait.

Le sénateur McInnis : Quelqu'un a-t-il d'autres observations à formuler à ce sujet?

Mme Blatt : Je pense qu'il est indiscutablement vrai que les scrutins secrets réduiront les taux de syndicalisation. Les données le prouvent. J'ai sous les yeux des passages tirés d'un document rédigé par l'Institut Fraser, un organisme qu'on peut difficilement qualifier de gauchiste et partial.

Le sénateur McInnis : Il l'est dernièrement.

Mme Blatt : Nous ne pouvons que l'espérer.

Je pense que c'est aussi simple que cela. L'obligation d'organiser des votes par scrutin secret réduira les taux de syndicalisation. On ne peut pas appuyer les syndicats et affirmer de façon crédible qu'on soutient le vote par scrutin secret. Lorsque les activités de syndicalisation commencent, les gens signent des cartes, et un dialogue s'installe dans le milieu de travail. Si la masse critique est atteinte, le syndicat pourra être accrédité et le sera. L'employeur commence à s'immiscer dans le processus dès qu'il prend conscience de la campagne. Les gens commencent à être licenciés et à faire l'objet d'intimidation. Le vote obligatoire est le moment où l'employeur récolte ce qu'il a semé.

Le sénateur McInnis : C'est une présomption.

Mme Blatt : Non, c'est une conviction fondée sur 20 années d'expérience.

Le sénateur Baker : Madame Blatt, pourriez-vous confirmer que, dans tous les cas dont je peux me souvenir, les tribunaux — la Cour du Banc de la Reine, la Cour d'appel et, récemment, la Cour suprême — sont parvenus à la conclusion que le vote par scrutin secret, mis en œuvre dans quatre provinces canadiennes, rend l'accréditation des syndicats plus difficile?

Mme Blatt : C'est absolument le cas, selon moi.

Le sénateur Baker : Ce sont les conclusions de nos tribunaux canadiens.

Mme Blatt : Je n'ai pas réalisé d'étude d'ensemble, en particulier parce que les tribunaux s'occupent de la révision judiciaire des questions liées aux relations du travail. Ce sont normalement les commissions des relations du travail qui font office de tribunaux en la matière.

Le sénateur Baker : Nous avons examiné la jurisprudence comme vous l'avez fait.

Dans la loi actuelle, si 50 p. 100 plus un des employés signent une carte, la commission décide ensuite d'accréditer ou non un syndicat. Elle tient précisément compte des facteurs soulevés par M. Mortimer en vue de déterminer s'il faut tenir ou non un scrutin secret. C'est déjà prévu dans la loi; la tenue d'un scrutin secret s'y trouve déjà, mais c'est seulement utilisé lorsque des doutes planent sur le processus, notamment l'exemple de M. Mortimer, n'est-ce pas?

Mme Blatt : La commission peut ordonner la tenue d'un scrutin secret dans le cas de chaque demande d'accréditation qu'elle reçoit. Même si la demande est approuvée par l'ensemble des employés, si l'enquête vigoureuse, voire agressive dans certains cas — certains agents de la commission accomplissent très bien leurs fonctions, et nous leur en sommes reconnaissants —, permet de révéler ne serait-ce qu'un semblant de soupçon, ils n'ont pas besoin d'être certains qu'il y a un problème. Un soupçon est suffisant. La commission peut remédier à la situation en tenant un scrutin secret.

Le sénateur Tannas : Monsieur Roberts, madame Blatt, je crois que vous nous avez énuméré la panoplie de conséquences terribles que l'adoption du présent projet de loi sur le scrutin secret aura sur les relations de travail. Dans les quatre provinces — la Colombie-Britannique et l'Ontario en particulier — où un scrutin secret est tenu concernant l'accréditation d'employés qui relèvent des provinces, pourriez-vous nous dire ce qu'il en est? Pourriez-vous nous décrire le chaos que créent les scrutins secrets dans ces provinces?

Mme Blatt : Je crois que cette question devrait plutôt être posée à un spécialiste des sciences sociales; je suis avocate. Je n'ai pas les données. Je peux faire référence à des données et à des documents. Je sais que la sénatrice Bellemare a demandé des documents, et je crois que c'est important de vous les faire parvenir, parce que je crois que les données sont univoques à cet égard.

Je côtoie nos organisateurs syndicaux de toutes les régions. Il ne fait aucun doute dans leur esprit que l'obligation de tenir un scrutin secret rend beaucoup plus difficile l'accréditation syndicale.

Devons-nous démontrer que la situation est chaotique? Sauf votre respect, je vous dis que nous devons démontrer qu'il y a un déséquilibre dans le système, et c'est le cas dans ces régimes provinciaux.

Le sénateur Tannas : Merci. J'ai hâte de lire à ce sujet.

M. Roberts : D'après moi, les prochains témoins que vous entendrez seront une excellente source de réponses à vos questions. Vous entendrez une éminente professeure dans le domaine et un organisateur syndical, ce qui est très important, à mon avis, pour comprendre les défis que doivent surmonter chaque jour les organisateurs syndicaux dans ces provinces. Au final, ce sont les employeurs qui ont le gros bout du bâton. Ils décident des employés qui conservent ou qui perdent leur emploi, qui ne reçoivent pas de promotion, et cetera. Nous devons nous rappeler du contexte dans lequel se déroule une accréditation; cela se veut une contestation de ce pouvoir.

Le président : D'accord. Je vous remercie tous. Merci de votre présence et de vos témoignages.

Pour notre deuxième panel, j'ai le plaisir de vous présenter, à titre personnel, Sara Slinn, qui est professeure agrégée à la Osgoode Hall Law School. Elle témoignera par vidéoconférence. Nous avons également Larry Seiferling, qui est avocat chez McDougall Gauley LLP. Nous accueillons également un représentant du Programme du travail du ministère de l'Emploi et du Développement social du Canada, à savoir Charles Philippe Rochon, qui est directeur adjoint à Politique stratégique et réforme législative.

Malheureusement, nous avions un autre témoin prévu à l'ordre du jour, soit un représentant du Syndicat des métallurgistes unis. Les conditions météorologiques lui causent peut-être des ennuis. Il se joindra peut-être à nous en cours de route. Nous espérons qu'il pourra être des nôtres.

Nous écouterons tout d'abord les exposés des témoins présents. Madame Slinn, êtes-vous prête à y aller en premier?

Sara Slinn, professeure agrégée, Osgoode Hall Law School, à titre personnel : Merci de votre invitation à venir vous entretenir de la question. Je suis professeure en droit du travail et en relations industrielles. J'ai déjà été avocate spécialisée en droit du travail. La majorité de mes recherches universitaires ont porté sur les systèmes d'accréditation fondés sur la tenue d'un scrutin ou sur les cartes. Je serai donc ravie de répondre à vos questions en ce sens.

Je suis ici à titre personnel pour vous expliquer ce que les recherches universitaires peuvent nous apprendre sur les problèmes soulevés par le projet de loi. Je n'exprimerai pas mes opinions personnelles et je resterai impartiale à l'égard du projet de loi.

En gros, les recherches démontrent que rien ne prouve que la tenue d'un scrutin soit nécessairement un meilleur système que les cartes en vue de déterminer la représentation syndicale. Elles ne permettent pas non plus de dire que l'intimidation ou la pression dans le milieu syndical sont un phénomène chronique quant à l'accréditation.

Ce que les recherches démontrent, c'est que l'interférence de la part de l'employeur et en particulier la peur que cela suscite chez les employés sont bel et bien une réalité. C'est une tactique efficace; cela influe davantage sur les résultats dans un système fondé sur la tenue d'un scrutin qu'un système fondé sur les cartes.

Bref, selon les recherches, si nous adoptons un système de scrutin obligatoire, il faut mettre en place des mesures de protection pour les employés : des systèmes de vote par Internet ou téléphone; l'adoption d'une disposition législative quant à des mesures provisoires et de dispositions visant un processus accéléré concernant les pratiques déloyales; et des délais prescrits dans la loi pour la tenue du scrutin. Rien de tout cela ne se trouve actuellement dans le projet de loi C-525.

Selon ce que j'en comprends, l'une des raisons derrière le projet de loi est la protection de la volonté des employés par l'entremise de la tenue de scrutins secrets, et cela semble être un argument très convaincant, mais les scrutins de représentation ne garantissent pas le type de confidentialité à laquelle nous serions en droit de nous y attendre. Les scrutins se déroulent dans le milieu de travail. Les scrutateurs des parties syndicale et patronale consignent le nom des employés qui ont voté et les regardent déposer leur vote dans la boîte de scrutin. Les commissions communiquent ensuite les résultats détaillés du scrutin : le nombre de votes exprimés et le nombre de votes pour et contre l'accréditation du syndicat.

Cela encourage les employeurs et les syndicats à tirer des conclusions concernant le vote des divers employés, et cela décourage probablement certains employés à voter, en particulier lorsqu'il s'agit de petites unités d'accréditation ou qu'il n'y a pas beaucoup de votes exprimés.

Même si l'interférence de la part du syndicat ou d'autres employés est possible dans un système fondé sur les cartes, rien dans les études universitaires ne tend à démontrer que c'est un phénomène chronique ou répandu. J'ai passé en revue 18 années de plaintes de pratique déloyale au cours du processus d'accréditation en Colombie-Britannique, et je peux dire que la très forte majorité des plaintes et des pratiques déloyales visaient les employeurs et non les syndicats.

En gros, 78 p. 100 des plaintes formulées visaient les employeurs. Seulement 21 p. 100 des plaintes visaient les syndicats. En ce qui concerne les pratiques déloyales, cela visait les employeurs dans 88 p. 100 des cas et les syndicats dans 11 p. 100 des cas. Ces plaintes ont été formulées au cours du processus d'accréditation.

À l'opposé, les recherches nous permettent de dire que l'interférence de la part de l'employeur est un problème et qu'une telle interférence influe davantage sur les résultats dans un système fondé sur la tenue d'un scrutin qu'un système fondé sur les cartes.

Lorsqu'il y a des scrutins, les employeurs en sont toujours informés à l'avance, ce qui leur donne amplement l'occasion de mettre des bâtons dans les roues des organisateurs syndicaux. De récentes études démontrent que les activités pour éviter les syndicats sont répandues et très efficaces et causent du tort à long terme aux relations de travail. Karen Bentham a réalisé un sondage auprès de gestionnaires canadiens, et 80 p. 100 d'entre eux ont dit s'opposer ouvertement à l'accréditation et 12 p. 100 ont admis avoir déjà utilisé ce qu'ils considèrent comme des pratiques déloyales. Qui plus est, d'autres études rapportent que les employés craignent de subir des représailles de la part de l'employeur s'ils cherchent à se syndiquer. Voici ce que nous apprennent les résultats d'un sondage de Martin Lipset et de Noah Meltz qui a été réalisé auprès d'employés canadiens. Parmi les employés non syndiqués, environ 15 p. 100 des répondants s'attendent à ce que l'employeur brandisse la menace de conséquences à la suite d'une demande d'accréditation, tandis que 12 p. 100 d'entre eux s'attendent à ce qu'il y ait des représailles contre des travailleurs.

L'opinion des syndiqués à l'égard de l'opposition patronale était encore plus marquée; 22 p. 100 des syndiqués s'attendent à ce que l'employeur brandisse la menace de conséquences, tandis que 18 p. 100 d'entre eux s'attendent à ce qu'il y ait des représailles contre des travailleurs.

Chris Ridell a déterminé que les allégations de pratique déloyale de la part de l'employeur étaient deux fois plus efficaces à nuire à l'accréditation dans un système fondé sur la tenue d'un scrutin qu'un système fondé sur les cartes.

Une partie du problème provient du temps additionnel nécessaire en raison du processus de représentation, ce qui entraîne nécessairement une longue procédure. Cela permet à la partie patronale d'interférer dans le processus d'accréditation syndicale. L'étude à laquelle j'ai participé en compagnie de Michele Campolieti et de Chris Riddell a permis d'établir que le retard causé par le scrutin réduisait considérablement les chances d'accréditation lorsqu'il n'y avait pas de délais prescrits ou que ce délai n'était pas bien respecté. En Ontario et en Colombie-Britannique, on parle respectivement d'une réduction de l'ordre de 32 p. 100 et de 10 p. 100, toutes choses étant égales par ailleurs.

Notre étude a donc conclu que la présence combinée du respect des délais prescrits dans la loi en ce qui a trait à la date du scrutin et d'audiences accélérées sur les pratiques déloyales était la meilleure façon de limiter les répercussions du retard causé par le scrutin sur les résultats. Je répète que ces éléments sont absents du projet de loi.

Les commissions des relations de travail ont de la difficulté à prendre des mesures de redressement efficaces lorsqu'on interfère dans les décisions des syndicats concernant la représentation syndicale. Normalement, une plainte concernant une pratique déloyale d'un employeur sera rarement entendue par la commission avant la tenue du scrutin, et une décision en la matière est encore plus rare avant le scrutin. Par conséquent, il est improbable que la mesure de redressement décidée par la commission soit émise, encore moins appliquée, avant la tenue du scrutin ou suffisamment avant le scrutin pour remédier aux conséquences de la pratique déloyale de l'employeur.

Cela fait en sorte que l'employeur est fortement incité à interférer dans le processus.

Bref, les employés ont besoin d'une plus grande protection contre l'interférence patronale dans un système fondé sur la tenue d'un scrutin qu'un système fondé sur les cartes. Comme je l'ai déjà mentionné, cela inclut un processus accéléré concernant les pratiques déloyales et des mesures de redressement provisoires.

Le président : Madame Slinn, je m'excuse, mais je dois vous arrêter là.

Mme Slinn : Merci.

Larry Seiferling, avocat, McDougall Gauley LLP, à titre personnel : Chers sénateurs, même si je suis avocat spécialisé en droit du travail et que j'ai représenté des employés et des employeurs depuis la fin des années 1970, je n'ai jamais eu l'occasion de témoigner devant un comité sénatorial. Je suis donc enchanté d'être ici aujourd'hui pour traiter de cette question.

J'ai obtenu mon diplôme en droit en 1972, et je me spécialise dans le droit du travail et de l'emploi depuis 1978. J'ai de l'expérience dans toutes les sphères du droit du travail en ce qui concerne les audiences et les séances d'arbitrage du Conseil canadien des relations du travail et de la Commission des relations de travail de la Saskatchewan. J'ai également témoigné devant des tribunaux de tous les paliers.

J'ai été nommé par Best Lawyers dans le domaine du droit du travail et de l'emploi chaque année depuis 2006, et le Canadian Legal Lexpert Directory m'a recommandé à maintes reprises comme éminent professionnel dans mon domaine.

En vue de comprendre mon point de vue concernant le projet de loi C-525, il faut impérativement comprendre que dans ma province, la Saskatchewan, l'accréditation se fondait jusqu'en 2008 sur les cartes, mais la révocation de l'accréditation faisait toujours l'objet d'un scrutin, peu importe le nombre de cartes signées en appui à la révocation.

En 2008, la loi a changé en vue de créer des droits similaires à ceux proposés dans le projet de loi C-525. Compte tenu de cela, pour des raisons juridiques et pratiques, j'appuie fortement un système fondé sur la tenue d'un scrutin en vue de donner aux employés le droit de décider au moyen d'un scrutin secret de l'accréditation d'un syndicat ou de la révocation de l'accréditation.

Au cours de ma pratique, j'ai eu l'occasion de voir un certain nombre de problèmes liés à l'accréditation fondée sur les cartes, et la solution à ces problèmes passe impérativement par la tenue d'un scrutin secret avant l'accréditation d'un syndicat.

Parmi ces problèmes, il y a notamment le fait que ni l'employeur ni les employés ne peuvent consulter les preuves avant qu'elles soient examinées par la commission. Dans un tel système, l'employeur craint toujours que les vrais souhaits des employés ne soient pas représentés.

Deuxièmement, selon notre expérience en Saskatchewan avant 2008, la Commission des relations de travail a accrédité, à quelques reprises, une unité de négociation alors qu'elle n'avait pas obtenu le soutien de la majorité des employés dans l'unité de négociation. De plus, le syndicat n'avait pas équitablement informé la commission du manque de soutien de ces employés.

Troisièmement, on n'informe pas l'employé qu'une carte est présentée en son nom et personne, à l'extérieur du syndicat, ne sait qui sont les personnes dont les cartes d'appui ont été présentées.

Tous ces éléments peuvent être corrigés par le recours à un scrutin secret, ce qui donnera l'occasion à l'employeur, au syndicat et à d'autres employés d'avoir une discussion complète sur les répercussions et les effets de la syndicalisation dans le milieu de travail avant le scrutin. Un scrutin secret permet également de voter sans révéler son choix à personne.

La syndicalisation est une étape importante pour tous les employés, car cela signifie que le syndicat devient le mandataire exclusif de tous les employés dans l'unité de négociation. Aucun droit individuel n'est conservé. Dans le cadre de l'accréditation, vos droits de négocier tous les éléments liés aux conditions d'emploi sont confiés au syndicat accrédité. Si vous faites partie de la minorité, vous devez tout de même cotiser à une représentation syndicale qui ne vous convient pas.

Selon mon expérience, lorsque les droits seront touchés, il est toujours important d'informer la personne et de lui donner le droit de voter dans le cadre d'un scrutin secret, car elle se soustrait ainsi à la pression exercée par les autres. C'est un principe démocratique que nous utilisons pour tous les niveaux d'élection chez les fonctionnaires du gouvernement. Une personne ne devrait pas avoir à divulguer à un représentant syndical, à un collègue ou à un employeur sa préférence en ce qui concerne le vote. La seule façon de respecter ce principe, c'est de mettre en œuvre un scrutin secret au lieu d'un système fondé sur les cartes.

De plus, un vote indique clairement à l'employeur que l'employé a un soutien et il permet de savoir que les négociations se poursuivent avec le soutien de la majorité.

La solution de rechange à un scrutin secret serait un système qui élimine toutes les lacunes d'un système fondé sur les cartes, c'est-à-dire celles qui ont été énumérées plus tôt. Les contrôles devraient comprendre, tout d'abord, la capacité de confier la responsabilité à des graphoanalystes de vérifier la signature sur toutes les cartes présentées pour veiller à ce qu'elles aient été signées de façon appropriée par la personne dont le nom figure sur la carte. Deuxièmement, il doit s'agir d'un système dans lequel la Commission des relations de travail indique aux employés que leur carte sera utilisée, afin qu'ils puissent indiquer s'ils ont bien manifesté leur soutien ou s'ils ont signé une carte, s'ils retirent ce soutien avant le jour du dépôt de la demande. Troisièmement, il faut un système dans lequel un employé peut fournir de l'information à la Commission des relations de travail sur les circonstances dans lesquelles il a signé la carte et s'il y a eu fausse représentation en ce qui concerne l'usage prévu de la carte et s'il a été induit en erreur au sujet de certains éléments liés à la syndicalisation.

Comme vous pouvez le voir, le processus que je viens de décrire serait très lent et dispendieux, et il retarderait l'accréditation. Ainsi, le moyen le plus efficace consiste tout simplement à organiser un scrutin secret peu après le dépôt de la demande.

En conclusion, il est difficile de s'opposer à un scrutin secret, car c'est le fondement de la démocratie. Il est également difficile de s'opposer à l'utilisation du même processus pour l'accréditation et le retrait de l'accréditation, et c'est ce que le projet de loi C-525 accomplit.

Je serai heureux de répondre à vos questions au sujet de nos processus en Saskatchewan ou des procédures que nous suivons depuis l'entrée en vigueur de la loi modifiée en 2008.

Merci beaucoup.

[Français]

Charles Philippe Rochon, directeur adjoint, Politique stratégique et réforme législative, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité afin de parler du projet de loi C-525 portant modification de la Loi sur le droit de vote des employés.

Permettez-moi de commencer en soulignant que mes remarques seront très brèves. Comme ce projet de loi émane d'un député, le Programme du travail d'Emploi et Développement social Canada n'a pas participé à son élaboration. Cependant, nous avons examiné attentivement le projet de loi une fois qu'il a été déposé.

Comme vous le savez, le projet de loi C-525 vise à assurer la tenue d'un scrutin secret de tous les employés concernés avant de donner à un syndicat des droits de négociation ou d'enlever ceux-ci. Cette mesure changerait le système actuel de vérification de carte, en vertu duquel la commission du travail applicable peut accréditer un syndicat sans avoir recours à un vote si celui-ci peut démontrer qu'il a le soutien de la majorité des employés au sein de l'unité de négociation. Le projet de loi apporterait également des changements en ce qui concerne le seuil minimum d'appui des employés qui est nécessaire pour permettre la tenue d'un scrutin de représentation afin d'accréditer un syndicat ou de révoquer son accréditation.

[Traduction]

Le projet de loi C-525, tel que modifié avant son adoption par la Chambre des communes, rendrait les règles fédérales en matière d'accréditation syndicale et de révocation dans le secteur privé semblables à celles des six provinces qui ont déjà établi un système de scrutin obligatoire, dont Terre-Neuve-et-Labrador, qui a modifié sa Loi sur les relations de travail en juin dernier.

Les autres provinces, soit le Québec, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, ont présentement des systèmes de vérification des cartes semblables aux dispositions fédérales actuelles.

Avant de terminer, je tiens à souligner que bien que le projet de loi C-525 modifierait la partie 1 du Code canadien du travail — ainsi que la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique —, cela n'aurait pas d'incidence directe sur le Programme du travail. Comme vous le savez, la responsabilité de traiter les demandes d'accréditation et de révocation d'accréditation et de tenir des scrutins de représentation relève du Conseil canadien des relations industrielles et de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique. Ils sont donc mieux à même d'évaluer les effets du projet de loi sur leurs activités et leurs ressources.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci à tous. Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Je tiens à remercier les témoins.

Monsieur Rochon, vous avez mentionné que la province de Terre-Neuve-et-Labrador est revenue au scrutin secret. Cela fait deux changements depuis le milieu des années 1990, dans les deux sens, et c'est peut-être représentatif du gouvernement en place et de ce qu'il pense de la question, comme l'ont souligné récemment les tribunaux et la Cour d'appel de la Saskatchewan lorsqu'ils se sont prononcés sur la question.

J'ai deux questions à poser, l'une à Mme Slinn et l'autre à M. Seiferling.

Madame Slinn, vous avez parlé du fait que dans 88 p. 100 des cas, on a conclu à des pratiques déloyales de travail de la part des employeurs durant ce processus. Or, ne diriez-vous pas que lorsqu'on juge qu'une pratique de travail est déloyale, on doit vérifier selon quelle loi elle l'est? Les lois varient au pays — comme pourra en témoigner la personne qui répondra à la question —, en ce sens que dans certaines provinces, on interdit à un employeur ne serait-ce que de communiquer avec les employés durant le processus, alors que dans d'autres, une disposition prévoit qu'il n'est pas interdit à l'employeur de communiquer de l'information à l'employé durant le processus. Donc, ne diriez-vous pas que cela dépend de la loi et qu'on ne peut simplement généraliser en affirmant que c'est l'employeur qui a tort la plupart du temps?

Mme Slinn : Je dirai deux choses à ce sujet. Premièrement, cette étude a été réalisée en Colombie-Britannique, et durant une bonne partie de la période où elle a été réalisée, la province avait les dispositions les plus générales du pays en ce qui concerne les droits d'expression des employeurs.

Deuxièmement, les limites imposées relativement aux communications entre l'employeur et l'employé, en vertu des lois sur les conventions collectives au Canada, ne varient pas tellement d'une administration à l'autre. Il n'est absolument pas interdit aux employeurs de communiquer avec les employés. Ce sont l'intimidation, les menaces et la coercition qui sont interdits. La formule de ces interdictions varie un peu d'une administration à l'autre, mais les employeurs ont une grande marge de manœuvre pour communiquer directement avec les employés au sujet de la syndicalisation durant la période de recrutement syndical.

Le sénateur Baker : Merci.

Monsieur Seiferling, vous avez parlé de la loi de 2008 ou 2007 adoptée en Saskatchewan. Pourriez-vous nous confirmer que la mesure législative a aussi modifié cette disposition et qu'un certain article prévoit qu'il ne serait pas interdit à l'employeur de communiquer de l'information aux employés durant ce processus?

Mais la question que je veux avant tout vous poser est la suivante : Vous qui êtes un expert dans les tribunaux de votre province — car j'ai remarqué que votre nom figure plus de 200 fois dans la jurisprudence; vous avez plus de 200 cas cités et vous avez donc une longue expérience dans cette province —, pourriez-vous confirmer au comité que votre cour supérieure et votre plus haut tribunal, la Cour d'appel, ont tous deux conclu que le système de scrutin secret rendra l'accréditation plus difficile?

M. Seiferling : Elles ont toutes les deux cité des études qui l'indiquaient. D'un autre côté, les juges ont dit — Dennis Ball, dans la décision de la Cour du Banc de la Reine, et surtout le juge en chef de la Cour d'appel — que la tenue d'un scrutin secret, un droit démocratique, ne viole pas les droits garantis par la Charte, et qu'il n'est pas illégal que les gens veuillent un scrutin secret.

Je ne suis pas politicien. Je ne parle pas en tant que politicien, mais d'un point de vue pratique, les décisions de la cour en Saskatchewan portaient principalement sur un autre élément, soit la loi sur les services essentiels.

La partie dont nous parlons qui porte sur les scrutins et les élections ne représentait qu'une petite partie de cette affaire. Elle n'a vraiment pas fait l'objet de beaucoup de commentaires des tribunaux. Cela a systématiquement été reconnu comme étant un moyen d'exercer ses droits démocratiques.

Le sénateur Baker : En effet, et on a confirmé le fait que cela n'allait pas à l'encontre de l'alinéa 2d) de la Charte. Je comprends que cela ne représentait qu'une petite partie de la mesure législative. Cela faisait environ 19 pages de la décision de la Cour d'appel. Ce que j'ai trouvé intéressant au sujet de cette décision, c'est que la Cour d'appel a cité avec approbation et a dit souscrire à la conclusion de la Cour du Banc de la Reine selon laquelle ce système rendra l'accréditation plus difficile. Elle l'a exprimé clairement. Il sera plus difficile d'obtenir une accréditation. C'est ce que j'ai trouvé intéressant à propos du jugement.

Je sais que l'affaire a été soumise à la Cour suprême du Canada, mais vous avez raison de dire que la Cour du Banc de la Reine et la Cour d'appel ont toutes deux convenu que c'est constitutionnel, que cela ne va pas à l'encontre de l'alinéa 2d) de la Charte, mais que cela rendra l'accréditation plus difficile. Êtes-vous de cet avis?

M. Seiferling : Je conviens que c'est ce qu'on a dit dans les décisions, mais si vous voulez que j'exprime mon avis en tant qu'avocat...

Le sénateur Baker : Oui.

M. Seiferling : La seule raison qui l'explique, selon mon expérience — et j'ai représenté beaucoup d'employés au fil des ans, mais aussi des employeurs —, c'est que dans chaque entreprise où un syndicat tente de s'implanter, il y a deux groupes : l'un est en faveur du syndicat, l'autre ne l'est pas.

Le problème qui se pose, avec un système fondé sur les cartes, c'est qu'on peut faire signer suffisamment de cartes d'adhésion en allant voir les gens qui se trouvent au milieu, qui sont nombreux. Ils peuvent signer une carte, alors que le groupe qui s'oppose au syndicat ne sait même pas ce qui se passe; la demande est présentée, avec les cartes, sans que l'autre groupe ait pu s'exprimer.

Durant une campagne de syndicalisation, les représentants syndicaux ne vont pas rencontrer les gens pour discuter des côtés négatifs de la syndicalisation ou de ce que cela va coûter, ni pour parler de toutes les choses que l'on doit savoir afin d'exprimer sa volonté par scrutin en toute connaissance de cause. Si un scrutin secret est tenu après que les deux côtés aient pu se pencher sur la question, tant les employés qui souhaitent la syndicalisation que ceux qui ne la souhaitent pas, si les deux camps peuvent en débattre convenablement et entendre tous les arguments, le syndicat obtiendra probablement moins d'appui.

Le président : Nous allons devoir poursuivre.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup. J'aimerais revenir rapidement sur ce dont le sénateur Baker discutait avec vous.

Monsieur Seiferling, soyez le bienvenu. Je suis heureuse de voir quelqu'un de ma province d'origine comparaître pour la première fois devant un comité du Sénat ou de la Chambre des communes. Félicitations. Je sais que vous avez une vaste expérience dans le domaine du droit du travail. Vous êtes connu en Saskatchewan comme un éminent avocat spécialiste du droit du travail.

Au sujet de ce que le sénateur Baker vient de dire concernant les commentaires formulés par le juge de la Cour d'appel, et peut-être également dans la décision de la Cour du Banc de la Reine, selon laquelle il s'agissait possiblement d'un processus plus difficile, je dirais que parfois, la démocratie est plus difficile qu'autre chose. Un scrutin démocratique est certainement plus difficile qu'une dictature.

À cet égard, j'aimerais que vous nous donniez votre avis. Divers témoins nous ont parlé de la nécessité de fixer un délai afin que ce type de scrutin ait lieu en temps opportun. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, étant donné votre vaste expérience?

M. Seiferling : Oui, certainement. En Saskatchewan, aucun délai n'est fixé, mais les commissions des relations de travail prennent très au sérieux l'obligation de tenir le scrutin le plus rapidement possible. J'ai entendu John Mortimer parler ce matin d'un délai de 48 heures. Nous avons tenu des votes moins de 48 heures après la présentation de la demande.

En général, notre commission des relations de travail tiendra un scrutin dans la semaine suivant la présentation d'une demande, sans limite de temps. Mais il y a des exceptions, et nous avons entendu parler d'endroits éloignés où, parfois, la commission du travail ne peut se rendre, par exemple dans le Nord de la Saskatchewan, dans une collectivité rurale où un projet de construction est en cours. Elle doit alors tenir un scrutin postal. Dans ces circonstances, parce qu'il s'agit habituellement du domaine de la construction, on accorde une période de trois semaines, mais le vote est considéré comme étant tenu le jour de l'envoi du bulletin de vote, soit habituellement dans les quatre ou cinq jours suivant la réception de la demande.

Pour tout dire, le processus est plus rapide, et je crois qu'il est préférable de tenir un scrutin très rapidement après le dépôt de la demande que d'utiliser uniquement le système fondé sur les cartes d'adhésion, qui ne permet pas de déterminer la volonté de la majorité des employés de l'unité de négociation.

La sénatrice Fraser : Merci beaucoup.

J'ai une petite question pour Mme Slinn, pour commencer. Je pense qu'il y a une faute de frappe dans les notes que vous nous avez fournies, qui sont une référence très utile pour consulter toutes les statistiques que vous avez citées. Vers le bas de la deuxième page, vous dites : « Pour la Colombie-Britannique, durant la période de 1987 à 1987, avec une mauvaise application des délais prescrits pour la tenue d'un scrutin... » Je présume que l'une des deux années comporte une erreur typographique. Vous serait-il possible de nous donner la bonne année?

Mme Slinn : Oui. Je crois que c'est 1997.

La sénatrice Fraser : de 1987 à 1997?

Mme Slinn : Je crois.

La sénatrice Fraser : Merci.

Vous avez des statistiques très intéressantes sur le nombre de plaintes déposées contre les employeurs et contre les syndicats pour des pratiques déloyales de travail. Avez-vous des statistiques sur la nature des plaintes les plus courantes des deux côtés?

Mme Slinn : Les plaintes les plus courantes contre les employeurs — pas seulement les plaintes, mais aussi les conclusions sur les pratiques déloyales de travail, toutes dans le contexte de l'accréditation syndicale — sont les communications illégales et la mise à pied illégale de travailleurs durant la période d'accréditation.

En ce qui concerne les plaintes contre les syndicats, elles sont beaucoup moins variées. En général, il s'agit de plaintes au sujet des activités de syndicalisation sur le lieu de travail, qui sont interdites en vertu de la loi.

La sénatrice Fraser : Donc, si on veut mener une campagne de recrutement, on doit trouver les membres potentiels du syndicat à l'extérieur du lieu de travail?

Mme Slinn : Exactement. Le fait de mener une campagne de syndicalisation sur le lieu de travail durant les heures de travail est une pratique déloyale de travail, et cela constituait l'essentiel des plaintes et des conclusions défavorables à l'égard des syndicats.

La sénatrice Fraser : Vous avez parlé des plaintes contre les employeurs et des conclusions défavorables à l'égard des employeurs pour ce que vous avez appelé, je crois, des communications inappropriées, mais vous nous aviez dit plus tôt...

Mme Slinn : Illégales.

La sénatrice Fraser : Vous nous avez dit plus tôt que diverses communications sont permises. Lesquelles ne sont pas permises?

Mme Slinn : Les interrogations individuelles, les menaces; la coercition; la promesse d'avantages; et les réunions à auditoire contraint où l'on utilise l'intimidation, la coercition ou les menaces. Voilà le type de communications qui sont interdites dans toutes les provinces et les territoires. Il s'agissait de ce type de communications.

La sénatrice Fraser : Merci.

Le sénateur Tannas : Madame Slinn, j'aimerais revenir pour un moment à ce que le sénateur Baker m'a rappelé, soit certaines transcriptions ou certaines citations de jugements rendus en Saskatchewan. Il y en a une en particulier qui m'a frappée : celle qui disait que ce n'est pas le rôle du tribunal de préserver le bilan des gains et des pertes des syndicats dans l'avenir. Je pense qu'essentiellement, ce que vous vouliez dire, c'est que ce n'était pas de cela qu'il était question. Il n'existe pas de droit, pour un syndicat, de conserver le même bilan dans un système de scrutin secret que celui qu'il a dans un système de vérification des cartes. Je pense que ce que vous dites, madame Slinn, c'est que le système de vérification des cartes produit un bilan des gains et des pertes plus désastreux pour l'accréditation syndicale qu'un système de scrutin secret, n'est-ce pas?

Mme Slinn : Je pense que c'est l'inverse, en fait. La probabilité d'accréditation est plus élevée avec un système fondé sur les cartes d'adhésion qu'avec un système de scrutin, si je comprends bien votre question.

Le sénateur Tannas : Oui, c'est ce que je voulais dire. Je ne l'ai simplement pas exprimé correctement. Mais c'est en quelque sorte le principe, n'est-ce pas?

J'ai passé quelque temps en Afrique de l'Est, dans ma jeunesse, et j'ai été témoin d'une élection, en Ouganda, où les gens devaient se tenir à côté d'un poteau bleu ou d'un poteau rouge afin de signifier pour quel candidat ils votaient. Lorsqu'on a commencé à utiliser le scrutin secret, tout le monde était horrifié, car soudainement, les résultats changeaient. Le parti au pouvoir n'obtenait pas autant de votes.

Quelque chose doit m'échapper. Je ne comprends pas comment on peut prétendre qu'un scrutin secret donnera des résultats différents et que c'est une mauvaise chose. Pouvez-vous m'aider à comprendre?

Mme Slinn : Je pense qu'il y a une façon plus constructive de savoir quel genre de mécanisme nous voulons mettre en place pour régler la question de la représentation syndicale, et c'est de mettre l'accent sur cette question plutôt que de nous demander si nous conservons le système de cartes ou s'il existe un appui en faveur du système de scrutin.

Ce qui compte surtout, c'est que le mécanisme de représentation syndicale incarne, au mieux, la volonté réelle des employés d'être, oui ou non, représentés par un syndicat.

Vous avez entendu parler, j'en suis sûre, des questions et des préoccupations que soulève le mécanisme de vérification des cartes, mais il y a un aspect qui fait actuellement défaut dans la législation canadienne en matière de négociation collective : l'octroi d'une protection suffisante aux employés lorsque la question de la représentation syndicale fait l'objet d'un scrutin obligatoire. Les données montrent clairement que les employés ont plus de mal à se faire représenter par un syndicat accrédité dans un régime de scrutin obligatoire. Pourquoi? Parce que, toujours selon les données et les recherches, ce régime donne aux employeurs non seulement la possibilité de s'ingérer dans ce choix, mais aussi la motivation. En effet, les preuves établissent que les employeurs interviennent bel et bien, et ce, de façon très vigoureuse et très efficace.

Ce dont on a réellement besoin, advenant la décision de recourir au mécanisme de scrutin, c'est l'adoption de mesures de protection pour bien protéger les employés. La législation actuelle ne prévoit pas suffisamment de dispositions en ce sens, et c'est certainement le cas avec le projet de loi C-525.

Je ne préfère pas non plus la question de savoir s'il faut soutenir le système fondé sur les cartes. Selon moi, la question qu'il faut réellement se poser, c'est si le mécanisme de représentation syndicale qu'on aura choisi tient compte, le mieux possible, de la volonté réelle des employés, s'il leur offre une protection et s'il leur donne l'assurance que les résultats sont exacts. Les systèmes de scrutin en vigueur ne sont pas satisfaisants sur ce plan, et il en va de même pour ce qui est proposé dans le projet de loi C-525.

Le président : Vous n'avez que le temps de faire une observation, si vous le voulez bien, mais nous n'aurons pas le temps d'entendre la réponse.

Le sénateur Tannas : Oui, je veux bien. À mon sens, le problème consiste à raconter le reste de l'histoire, car il arrive trop souvent que certaines données soient classées comme étant des renseignements de l'employeur.

Le sénateur Moore : Je remercie les témoins d'être des nôtres. Je pense que ma question rejoint un peu celle que vient de poser le sénateur Tannas et peut-être aussi celle que le sénateur Baker a soulevée tout à l'heure.

Madame Slinn, dans votre déclaration, vous avez dit :

Lorsqu'il y a des scrutins, les employeurs en sont toujours informés à l'avance, ce qui leur donne amplement l'occasion de mettre des bâtons dans les roues des organisateurs syndicaux.

Vous venez d'en parler en partie, mais j'aimerais savoir ce qu'en pensent M. Seiferling ou M. Rochon.

M. Seiferling : Je n'aime pas l'idée de regrouper tous les employeurs dans la même catégorie, du simple fait que certains d'entre eux ont commis des méfaits. Ce que nous voulons, me semble-t-il, c'est faire en sorte que la volonté réelle des employés soit reconnue.

Au paragraphe 112 de sa décision à la Cour d'appel, le juge Richard indique clairement que le scrutin secret est le rempart — en anglais, « bulwark » — de tout système électoral dans le monde libre.

Le sénateur Moore : Vous voulez dire le symbole, « hallmark », n'est-ce pas?

M. Seiferling : Le juge emploie le terme « bulwark ». Plus loin, à la même page, il affirme que le vote par scrutin secret permet simplement aux employés de faire des choix en fonction de leurs intérêts.

Selon moi, plus on permet aux employés de s'informer avant de prendre une telle décision, plus on améliore le système, au lieu de l'empirer. C'est comme si on tenait des élections et que seul un camp pouvait présenter ses arguments en vue d'atteindre un résultat. Ce sont les représentants syndicaux qui reçoivent les cartes et ils sont les seuls à disposer des renseignements à la place des employés, lesquels s'apprêtent à faire un choix qui aura une incidence sur leur vie. J'ose affirmer que les employés abandonnent tous leurs droits à un syndicat, peu importe s'ils appuient ou non les mesures prises par le syndicat dans un dossier.

Le hic, c'est qu'il s'agit d'un modèle d'exclusivité qui enlève certains droits aux individus. Avant de prendre une décision, on doit forcément avoir l'occasion d'entendre les arguments des deux camps. Ce n'est qu'après qu'on peut exprimer sa volonté, comme le juge Richard l'a dit, selon ce qu'on estime être dans son meilleur intérêt.

Le problème de cette pratique déloyale de travail et des chiffres en question, c'est qu'on ignore pourquoi les employés ont changé d'idée sur le système. Ils votent moins, j'en conviens, mais c'est peut-être parce qu'ils obtiennent plus d'informations qu'avant et qu'ils entendent maintenant l'autre version des faits.

Le sénateur Moore : C'est peut-être le cas, ou c'est peut-être aussi parce qu'ils ont été influencés par l'une ou l'autre des deux parties.

Je n'ai rien contre l'observation du juge Richard sur la nécessité des scrutins secrets. Là n'est pas la question. Il s'agit plutôt de savoir qui sait quoi et quand. Ce qui importe, c'est donc le délai alloué.

Monsieur Rochon, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Madame Slinn, quand il aura terminé, vous pourriez peut-être intervenir pour défendre votre position.

M. Rochon : En ce qui concerne le délai, je pense qu'il est bon d'au moins comprendre l'état actuel des choses dans les provinces. En ce moment, six provinces ont adopté des lois qui imposent des limites précises ou qui obligent que le scrutin soit tenu le plus rapidement possible. C'est le cas de l'Alberta. Voici les cinq autres provinces : la Colombie-Britannique, qui précise un délai de 10 jours; l'Ontario, 5 jours; le Manitoba, 7 jours; la Nouvelle-Écosse, 5 jours, de même que Terre-Neuve.

Dans tous ces cas, il est important de noter que la commission a quand même un certain pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de prolonger ces délais. Sachez toutefois que la marge de latitude varie. Dans certains cas, les délais ne peuvent être repoussés que dans des circonstances exceptionnelles. Dans d'autres, cette décision est carrément laissée à la discrétion de la commission. Bref, certains mécanismes sont déjà en place.

En revanche, on ne trouve pas ce genre de limite dans le Code canadien du travail, ni dans le projet de loi C-525.

Cela dit, il y a aussi d'autres mécanismes dans certaines des autres provinces. D'ailleurs, le Code prévoit également un mécanisme : le pouvoir du conseil de tenir des scrutins préparatoires, c'est-à-dire sa capacité d'ordonner la tenue d'un scrutin avant que ne soient prises les décisions concernant l'unité de négociation — par exemple, sa taille, sa composition, et cetera. Il y a donc, à tout le moins, un outil pour accélérer le processus, même si la durée n'est pas précisée.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame Slinn, corrigez-moi si je me trompe. Vous dites que le système de carte est une façon de procéder à une adhésion syndicale. Parfois, ce sont différentes organisations syndicales qui s'affrontent entre elles pour exercer de la pression sur les employés pour prendre des cartes; prenons, par exemple, la CSN et la FTQ au Québec, surtout dans le milieu de la construction. Ceci étant dit, évidemment — et je vais répéter ce que j'ai dit à l'autre groupe de témoins —, le projet de loi veut protéger les plus vulnérables, qui sont les travailleurs. Cependant, une chose que je retiens, que vous mentionnez et que d'autres avant vous ont mentionnée, c'est que le scrutin secret peut diminuer la syndicalisation. Il ne faut pas oublier que le scrutin secret, c'est cela, la démocratie; il signifie que la démocratie s'est exercée. S'il diminue la syndicalisation — il pourrait aussi l'augmenter —, il n'en reste pas moins que c'est le fruit de la démocratie qui s'est exercée, non?

[Traduction]

Mme Slinn : Je crois que l'idée de comparer les scrutins de représentation syndicale aux élections politiques pose quelques problèmes. N'oubliez pas que si un syndicat remporte un scrutin d'accréditation, cela ne fait que mettre en branle le processus de négociation collective. Le pouvoir de l'employeur dans le milieu de travail n'en diminue pas moins. Le syndicat, à ce stade-là, ne peut pas y imposer des conditions. Cela donne simplement la possibilité de négocier une convention collective.

Par ailleurs, dans les élections politiques, on ne peut pas opter par défaut pour la non-représentation. C'est justement la question qu'on pose dans un scrutin de représentation syndicale. Les travailleurs seront-ils, oui ou non, représentés? C'est donc très différent.

L'analogie entre les scrutins de représentation syndicale et les élections politiques ne me paraît pas claire. En fait, c'est une analogie qui me trouble et à laquelle je ne voudrais pas accorder trop d'importance.

Il ne faut pas non plus perdre de vue les parties qui briguent les suffrages, pour ainsi dire, dans un scrutin de représentation syndicale. Ce n'est pas un concours entre l'employeur et le syndicat. Il s'agit plutôt d'un processus par lequel les employés sont appelés à exprimer leur choix concernant la représentation. La question qu'on leur pose est la suivante : veulent-ils, oui ou non, être représentés par le syndicat demandeur?

Quant à l'aspect informationnel, c'est-à-dire la tenue de débats ou l'obtention de renseignements sur le pour et le contre de la syndicalisation, n'oublions pas que l'employeur a un accès quotidien aux travailleurs. Ainsi, un employeur a tous les moyens de communiquer à ses employés les avantages ou les inconvénients de la syndicalisation, bien avant la période de recrutement syndical. Même pendant la campagne, les communications de l'employeur avec ses employés ne sont pas assujetties à des restrictions très sévères, et ce, dans l'ensemble du Canada.

Donc, l'idée de comparer un scrutin à un droit de vote démocratique peut, selon moi, masquer certaines des difficultés et certains des risques auxquels sont confrontés les employés quand on applique ce mécanisme dans le contexte de l'accréditation.

Je le répète : je ne suis pas opposée à la tenue d'un scrutin. Toutefois, si je m'en tiens aux résultats de recherche, ce mécanisme expose les travailleurs à une plus grande vulnérabilité. Il est donc important de prévoir plus de mesures de protection pour les travailleurs si on décide d'appliquer le mécanisme de scrutin à la question de la représentation syndicale.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'ai deux questions. Après avoir entendu ce groupe de témoins et les explications très intéressantes de M. Seiferling, j'émets l'hypothèse — et j'aimerais connaître votre opinion à ce propos — que ce qui serait le plus juste pour faire valoir la volonté fondamentale des individus sur le marché du travail, dans une entreprise, ce serait un vote secret rapide, par la poste, qui serait effectué immédiatement au moment où du dépôt de la demande de certification. Je voudrais connaître votre opinion sur le vote effectué par la poste; il pourrait aussi être effectué par voie électronique, mais par la poste, c'est possible.

Je voulais aussi connaître l'opinion de Mme Slinn sur la question suivante : il me semble avoir lu dans mes lectures que, en Europe, l'accréditation se fait parfois par carte, mais qu'elle est confirmée par vote postal. Pouvez-vous émettre des commentaires à ce sujet? Je l'ai lu, mais je ne pourrais pas vous donner la source.

Monsieur Rochon, qu'est-ce que vous auriez fait si le projet de loi avait émané du ministère? Quelle procédure aurait été utilisée? Je vous remercie à l'avance pour vos réponses.

M. Rochon : Si le projet de loi avait été présenté par la ministre du Travail, je ne peux pas vous répondre. C'est une question hypothétique que de songer au contenu du projet de loi. Cependant, en ce qui concerne la procédure normale, il y aurait eu des consultations avec les parties pour discuter des modifications prévues quant à la législation. Par ailleurs, ce qui aurait été différent, ce sont les services disponibles pour la rédaction législative, qui aurait été effectuée par le ministère de la Justice. Il y aurait eu la possibilité de réviser attentivement l'ensemble des textes législatifs avec l'aide des jurilinguistes et des réviseurs, et cetera. C'est un processus plus complexe et plus long, mais qui permet d'assurer une certaine qualité de rédaction.

La sénatrice Bellemare : Je vous remercie. J'aimerais obtenir une réponse de la part de Mme Slinn au sujet du vote postal et sur ce qui se passe en Europe.

[Traduction]

Mme Slinn : Pour répondre à votre question sur le vote postal, mon collègue de recherche, William Herbert, et moi avons justement étudié cette question de façon très détaillée dans le contexte de l'Amérique du Nord, et nous avons obtenu des données de plusieurs commissions des relations de travail. Aux États-Unis, certaines commissions du secteur public ont recours depuis longtemps surtout au vote postal, ainsi qu'au vote par téléphone et par Internet; c'est là le principal moyen de tenir des élections de représentants syndicaux. Récemment, le Conseil canadien des relations industrielles a, lui aussi, mis à l'essai le vote par téléphone et le vote électronique dans certaines circonstances, et la commission des relations de travail de la Colombie-Britannique a également commencé à envisager cette possibilité.

Dans le cadre de notre étude, nous avons observé que cette approche, c'est-à-dire la transition vers le vote par voie électronique ou par téléphone en particulier — et même, dans une certaine mesure, le vote postal —, présente des avantages réels, surtout parce que le scrutin n'est plus tenu dans le milieu de travail. Par conséquent, les employés bénéficient d'une confidentialité accrue, car ils n'ont plus besoin de participer à un scrutin en personne dans le milieu de travail sous le regard inquisiteur de l'employeur.

Autre avantage, le vote électronique et le vote par téléphone sont relativement rapides. En effet, le dépouillement se fait automatiquement par voie électronique. D'ailleurs, la difficulté qui se présente dans le cas du vote postal, c'est que cela demande beaucoup plus de temps au personnel des commissions, car il faut préparer les colis et dépouiller le scrutin à la main.

Bref, nous estimons qu'il s'agit d'une approche plus efficace et réellement plus avantageuse. Si on compte instaurer le mécanisme fondé sur la tenue d'un scrutin pour les élections de représentants syndicaux, le recours au vote par voie électronique ou par téléphone, ou à une combinaison de méthodes, présente des avantages réels et permet d'accroître la protection des employés.

Nous avons également constaté qu'aucun des...

Le président : Je vais devoir vous arrêter là.

Sénateur McInnis.

Le sénateur McInnis : Très brièvement, car je ne veux pas trop accaparer le temps dont dispose le comité, on a fait valoir qu'il est plus difficile d'obtenir l'accréditation par scrutin secret. J'aimerais connaître votre avis, monsieur Seiferling. Je ne crois pas qu'on puisse s'en remettre aux statistiques pour valider l'hypothèse selon laquelle il y a moins de syndicats dans le système de scrutin secret que dans le système de vérification des cartes. Je pense que vous avez répondu à la question. S'il en est ainsi, c'est plutôt parce que les employés ont entendu les faits des deux parties avant d'en arriver à la décision de se syndiquer ou non.

M. Seiferling : Tout à fait. C'est ce que j'ai constaté d'après mon expérience en la matière depuis l'instauration du système en 2008. Bien franchement, le processus est plus rapide. Les gens disent que le système fondé sur les cartes fonctionne mieux, mais voici le problème : dans ce système, il arrive souvent que les plaintes de pratique déloyale de travail ne soient pas traitées avant l'obtention de l'accréditation.

La beauté d'un scrutin immédiat, c'est que la commission examine les résultats et si on dépose des plaintes de pratiques déloyales, d'une façon ou d'une autre, la commission demandera aux parties si elles veulent poursuivre la lutte. En Saskatchewan, ces changements n'ont pas pour autant abouti à l'élimination des syndicats. Le processus est tellement plus rapide et plus précis quand on a recours à un système fondé sur la tenue d'un scrutin secret, peu importe si on dispose d'une semaine ou d'aussi peu que deux jours pour procéder immédiatement à un vote au scrutin secret dans le milieu de travail, ou encore d'un délai de trois semaines pour tenir un vote postal. Les résultats montreront aux deux parties le niveau d'appui, et on pourra ainsi entamer une relation de négociation collective de façon beaucoup plus saine que cela n'aurait été le cas si on procédait sans savoir, par exemple, que la majorité des employés souhaitent vraiment se syndiquer. Je trouve que le système fonctionne mieux quand on tient un scrutin secret que quand on a recours à un mécanisme dans lequel il faut se fier à des résultats vraisemblablement biaisés ou dans lequel une des deux parties n'a pas eu la chance de faire connaître une position.

Le président : J'ai une petite question à vous poser, monsieur Seiferling. Vous avez fait tout à l'heure une observation que j'ai trouvée intéressante au sujet du système de vérification des cartes, si j'ai bien compris. Quand on entame un processus de syndicalisation, il n'y a aucune obligation d'en informer les employés. Ainsi, une campagne d'accréditation pourrait avoir lieu sans qu'un nombre important d'employés soient au courant, n'est-ce pas?

M. Seiferling : C'était le cas dans notre ancien système. Avant 2008, les cartes pouvaient être déposées, sans que les employés soient au courant de la demande, et ils ne sauraient pas que la majorité était déjà... que les cartes avaient déjà été signées. Ainsi, il pouvait y avoir une accréditation sans qu'un certain nombre d'employés soient au courant de la tenue d'une campagne de syndicalisation. C'est ce que j'ai constaté en Saskatchewan, et il y avait des problèmes. Toutefois, ces problèmes ne sont pas signalés parce qu'on obtient une lettre signée qui met en évidence les lacunes. La commission reconnaîtra alors son erreur, et elle rendra une ordonnance appropriée en fonction de ce qu'on appelle des erreurs de rédaction. J'ai des exemples, si vous en avez besoin, mais là où je veux en venir, c'est que le système est beaucoup plus précis quand les gens savent qu'il y aura un scrutin parce qu'ils peuvent ainsi y participer. On prend rapidement connaissance de ce qui se passe et, au bout du compte, on évite beaucoup de coûts.

Hier, j'ai entendu les témoignages sur le temps qu'il faut au conseil fédéral pour régler une de ces questions dans le système en vigueur. On peut accélérer le processus de beaucoup, au lieu de se contenter de mettre en place un scrutin secret, comme c'est le cas ici. Dans notre province, environ 12 personnes travaillent pour la commission. Il y a un président et un vice-président, et nous tenons les scrutins en deux jours. Il ne faut pas oublier que 90 p. 100 du droit du travail est de compétence provinciale. Si on peut le faire dans une province comme la Saskatchewan, avec aussi peu de membres du personnel, alors il y a lieu de croire que le conseil fédéral n'aurait pas trop de mal à accroître la rapidité et l'efficacité du système.

Le président : Nous avons le temps d'effectuer un bref deuxième tour...

Le sénateur Baker : Avant d'en arriver à la principale question que je veux vous poser, monsieur Seiferling, vous avez cité le paragraphe 119 de la décision de la Cour d'appel. Je suis d'accord avec vous et je pensais que le mot était « hallmark ». Je vous renvoie tout de même au paragraphe 103. La cour a statué en 2013 qu'il est plus difficile d'obtenir une accréditation quand on recourt à un scrutin secret que lorsqu'on ne le fait pas. La cour partageait l'avis de la Cour du Banc de la Reine à cet égard.

Ma principale question est la suivante : cette affaire est portée en appel devant la Cour suprême du Canada. Quand on regarde la question dont cette cour est actuellement saisie et au sujet de laquelle elle est sur le point de rendre une décision, il faut se demander si la disposition sur le scrutin obligatoire bafoue ou non de la volonté librement exprimée des employés. Qu'en pensez-vous? Pensez-vous que la décision imminente de la Cour suprême du Canada sera pertinente pour le projet de loi que nous examinons?

M. Seiferling : Eh bien, personnellement, je ne pense pas que ce soit un gros problème. Je ne peux dire comment un tribunal pourrait déclarer qu'un scrutin est protégé en quoi que ce soit par la Charte. En ce qui concerne l'appel déposé devant la Cour suprême, 26 mémoires ont été présentés. Du point de vue syndical, un seul mémoire portait sur cette question; les 25 autres n'en faisaient nulle mention. Le gouvernement a bien entendu réagi quant à la position adoptée.

Quand on examine le principe dont il est question ici, je ne compterais pas sur le fait qu'un scrutin secret est protégé par la Constitution, car cela entrerait en contradiction avec tout le régime parlementaire. J'hésiterais à faire autre chose que dire que ce sera un problème mineur, comme ce fut le cas quand les tribunaux de la Saskatchewan se sont adressés à la Cour du Banc de la Reine et à la Cour d'appel.

Le président : Comme je vois qu'il n'y a plus de questions, je veux vous remercier tous d'avoir comparu devant nous aujourd'hui afin de nous donner votre opinion sur le projet de loi C-525. Nous vous remercions beaucoup.

Nous terminerons la séance d'aujourd'hui en effectuant l'examen article par article du projet de loi C-525. Des fonctionnaires sont présents pour nous aider au besoin. Nous pourrions les inviter à la table, si jamais quelqu'un a des questions. Voudriez-vous qu'ils s'avancent?

Le sénateur Baker : Peut-être pourraient-ils simplement prendre place, car nous allons examiner des amendements. Il y aura probablement d'autres amendements au Sénat. Comme ils ne peuvent nous y donner de conseils, ce serait mieux s'ils le faisaient ici si nous en avons besoin, monsieur le président.

Le président : Je vous présente Mme Sylvie Guilbert, directrice générale et avocate générale, et Virginia Adamson, avocate générale principale, de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique. M. Charles Rochon est de retour également, s'il veut bien se joindre encore à nous. Je rappelle aux sénateurs qu'il travaille pour Emploi et Développement social Canada.

Plaît-il au comité de procéder à l'examen article par article du projet de loi C-525, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (accréditation et révocation — agent négociateur)?

Des voix : Oui.

Le président : D'accord. Avec dissidence?

Le titre est-il réservé?

Des voix : Oui.

Le président : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il réservé?

Des voix : Oui.

Le président : D'accord.

L'article 2 est-il adopté?

La sénatrice Bellemare : Je propose un amendement.

[Français]

J'ai deux amendements et, le premier, c'est l'amendement B-1. C'est celui qui revient fréquemment. Il y a des amendements qui suivent et qui sont en conformité avec cet amendement plutôt majeur.

Le deuxième amendement est un amendement correctif à un article suivant qui, si on adoptait le projet de loi sans faire cet amendement, enlèverait des pouvoirs à la commission. C'est une erreur qui ne se serait probablement pas produite si le texte avait été vérifié par les légistes.

À l'article 2, il est proposé :

Que le projet de loi C-525 soit modifié à l'article 2, à la page 2, par l'adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit :

« (3) Le scrutin de représentation secret se tient dans les cinq jours ouvrables suivant l'ordonnance rendue en application du paragraphe (2), à moins que le Conseil n'en ordonne autrement. »

C'est l'amendement principal que je propose tout au long.

[Traduction]

Le président : Peut-être voulez-vous expliquer vos motifs.

[Français]

La sénatrice Bellemare : En ce qui concerne le vote secret, on a bien compris que cela peut avoir des conséquences. Je ne suis pas certaine que les études statistiques qui ont été faites sont toutes pertinentes, parce qu'il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte.

Cependant, ce que j'ai entendu me convainc que le délai pour tenir un vote secret doit être le plus court possible, parce qu'on ne veut pas qu'il y ait d'intimidation. Idéalement, le délai le plus court possible, dans la législation canadienne, c'est cinq jours. Cela aurait pu être deux, mais j'ai pris le plus court que j'ai pu trouver.

Je n'ai pas indiqué que le vote devrait se tenir à la maison, mais, idéalement, il ne devrait pas se tenir sur les lieux de travail non plus. Ce qu'on comprend de ce qu'on a entendu, c'est qu'un vote secret par la poste ou par voie électronique serait préférable.

Je m'en suis tenue au plus simple possible, « dans les cinq jours ouvrables », mais il était entendu, dans mon esprit, que la commission tiendrait un vote secret, soit par la poste, soit de façon électronique, mais pas sur les lieux de travail, et ce, afin d'empêcher toute intimidation.

De mon point de vue, actuellement, les syndicats sont nécessaires, et je ne veux pas que ces amendements soient considérés comme étant négatifs par rapport au mouvement syndical, bien au contraire. Cependant, je pense que leur légitimité en dépend.

On sait que, dans plusieurs pays d'Europe, les syndicats siègent au conseil d'administration des entreprises, et c'est pour le mieux des entreprises. Si on n'a pas de vote secret et que leur légitimité est constamment contestée, il est certain qu'ils ne pourront jamais entrer dans les conseils d'administration des entreprises, comme cela se fait dans les pays où la productivité est parmi les plus fortes.

Donc, personnellement, je pense que le mouvement syndical fait partie de la solution à nos problèmes économiques et ne constitue donc pas un problème. C'est pour cette raison que, sans vouloir être paternaliste, je me permets de dire que le vote secret, au Canada, serait une bonne chose pour la légitimité des syndicats.

C'est mon point de vue et c'est pour cette raison que je propose des délais très courts afin de réduire au maximum tous les problèmes d'intimidation éventuels.

Voilà, en résumé, les raisons qui motivent mes amendements.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Avec respect, sénatrice Bellemare, vous possédez beaucoup d'expérience dans le domaine, mais je ne partage pas votre opinion.

Nous avons entendu le témoignage de l'organisme de réglementation canadien qui superviserait le scrutin. Il est intéressant de souligner qu'un certain nombre de témoins indépendants ont indiqué que cet organisme est reconnu mondialement pour sa gestion et sa régie des questions relatives au travail au Canada. La dirigeante de l'organisme nous a affirmé qu'avec les ressources appropriées, il serait possible de procéder rapidement au scrutin. Je pense que nous convenons tous qu'il est essentiel que le scrutin ait lieu rapidement pour éviter que, par négligence, le résultat ne témoigne pas de la volonté véritable, libre et éclairée des employés. À mon avis, le projet de loi dans sa forme actuelle confère cette responsabilité au conseil, dont l'état de service montre qu'il est à même de procéder à l'élection dans un délai approprié au lieu de le faire à un moment artificiel.

La sénatrice Fraser : J'appuie cet amendement, monsieur le président, pour quelques raisons simples. Mme MacPherson, du Conseil canadien des relations industrielles, a indiqué clairement qu'elle convient que le scrutin devrait avoir lieu rapidement et qu'elle espérait qu'on pourrait respecter la norme de cinq jours en vigueur en Ontario. Elle considérait qu'un délai de cinq jours était approprié. Je pense que tous ceux que nous avons entendus s'entendaient pour dire que la tenue rapide d'un scrutin est importante.

Il est également vrai que le CCRI n'est pas certain d'obtenir des ressources supplémentaires, et que même avec les ressources dont il dispose et le nombre très limité de scrutins secrets réalisés à l'heure actuelle, il peine à atteindre ses propres objectifs de rendement. Il semble que si nous ne précisons pas le délai dans le projet de loi afin de le rendre obligatoire, le CCRI, un organisme estimable qui veut clairement faire du bon travail, éprouvera de terribles difficultés. Si nous indiquons le délai dans le projet de loi, cela aura pour effet de contraindre tout le monde à faire le nécessaire pour respecter la norme.

La sénatrice Bellemare a une clause échappatoire dans son amendement en indiquant que « le scrutin de représentation secret se tient dans les cinq jours ouvrables » à moins que le conseil n'en ordonne autrement. Cela permettrait de composer avec des situations exceptionnelles et ferait en sorte que la décision de retarder un scrutin devrait être rendue publique. Il faudrait prendre une ordonnance officielle pour qu'avec le temps, nous comprenions pourquoi les scrutins sont retardés. Je pense qu'il s'agit d'un excellent amendement.

La sénatrice Batters : Je m'oppose à l'amendement. Nous avons entendu deux arguments très convaincants au cours des témoignages. Le projet de loi rend simplement obligatoire un processus optionnel qui est déjà utilisé et est bien en place. En outre, M. Seiferling a fait ce matin un témoignage très convaincant au sujet de l'expérience substantielle qu'il possède en Saskatchewan. Même si cette province n'impose pas de délai précis dans sa loi, la manière dont le conseil y procède fait en sorte que le scrutin a souvent lieu dans un délai plus court.

Le sénateur McInnis : Si nous procédons au vote, pour ceux qui sont en en faveur du projet de loi, il convient de prévoir une exemption pour le délai. C'est l'essence du projet de loi, et les gens sont d'accord. Mais en apportant un amendement maintenant, le projet de loi serait renvoyé. Il vaudrait mieux demander une modification ultérieurement pour ajouter les jours. Il ne faut pas le faire maintenant, car si je comprends bien, cela sonnerait le glas pour le projet de loi. Est-ce cela que nous voulons? Voilà pourquoi je pense que vous devriez tenter d'obtenir une modification à une date ultérieure ou immédiatement après l'adoption du projet de loi.

La sénatrice Bellemare : J'ai un autre amendement, qui...

Le président : Réglons cette affaire en premier, si vous le voulez bien.

La sénatrice Bellemare : C'est juste que le projet de loi devra être amendé de toute façon parce que sinon, nous retirerons des pouvoirs à la commission. Cet amendement concerne l'article 8; voilà pourquoi je ne l'ai pas proposé ici. Il s'agit en fait d'une modification de forme, car une erreur s'est glissée lors de la rédaction du projet de loi concernant une virgule et une ellipse. Il y a un renvoi à l'article 39 de la loi, qui serait différent. Cela ne concorde pas. Il y a incohérence dans le libellé du projet de loi.

Le président : Sénatrice, je comprends votre point, mais essayons de garder notre attention sur l'amendement que vous avez proposé. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que les autres membres ont dit?

Sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Je m'interroge au sujet du libellé de l'amendement. Au bout de la table se trouvent au moins deux experts de la rédaction de lois syndicales. Auraient-ils des observations à formuler sur le libellé du projet de loi et la manière dont il est rédigé, monsieur le président?

Le président : Voulez-vous dire quelque chose?

Sylvie Guilbert, directrice générale et avocate générale, Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique : L'expression « jours ouvrables » me préoccupe, car je n'ai pu examiner notre loi pour voir si, dans ce domaine précis, il y est question de jours civils, de jours ouvrables ou de jours. C'est le premier point qui me préoccuperait.

Pour ce qui est du délai, c'est au Parlement qu'il revient de déterminer le nombre de jours, mais l'expression « jours ouvrables » a une certaine connotation.

Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Je me demande si la sénatrice Bellemare pourrait nous dire où elle a obtenu ces mots en anglais et en français.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Nous sommes toujours à l'amendement qui concerne les cinq jours. Habituellement, en français on dit « cinq jours ouvrables. » Les jours ouvrables, ce sont les journées où on travaille. Normalement, cela exclut les samedis et les dimanches.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : J'étais un peu perplexe quand le sénateur McInnis a dit que cela sonnerait le glas pour le projet de loi. Il n'arriverait rien de tel. Le projet de loi serait simplement renvoyé à la Chambre des communes.

Le sénateur McInnis : En effet, mais...

Le président : D'accord, essayons de garder notre attention sur l'amendement.

La sénatrice Fraser : Mais en ce qui concerne le deuxième point, je pense qu'il vaudrait la peine de tenir compte de l'affirmation de la sénatrice Bellemare selon laquelle — oublions cet amendement — une modification de forme s'impose.

Le président : Nous allons y venir.

La sénatrice Fraser : Je le comprends, mais si nous allons modifier le projet de loi de toute façon, pourquoi ne pas faire quelque chose que les témoins, y compris probablement ceux du CCRI, approuveraient?

La sénatrice Batters : En ce qui concerne l'observation de la sénatrice Bellemare sur le fait que l'expression « cinq jours ouvrables » est courante en français, cela ne veut pas nécessairement dire qu'il convient de l'utiliser dans ce projet de loi. Comme le témoin du ministère vient de l'indiquer, il existe peut-être une définition très précise utilisée couramment pour parler des jours, des jours ouvrables ou des jours civils dans la loi. C'est donc problématique.

Le président : Bien, nous avons épuisé les arguments au sujet de l'amendement.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Le président : Je me demande si nous devrions tenir un vote à main levée. La greffière fera le décompte.

Tous ceux qui appuient l'adoption de la motion d'amendement? Quatre.

Tous ceux qui sont contre? Six.

La motion est rejetée.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Le président : Eh bien, il est clair qu'il y a dissidence.

L'article 2 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 3 est-il adopté? Sénatrice Bellemare?

[Français]

La sénatrice Bellemare : Concernant les sous-amendements à l'article 2, est-ce que nous devons nous prononcer sur tous les amendements qui font référence aux cinq jours ouvrables?

Cet amendement revient à plusieurs articles du projet de loi, et je me demande quelle est la procédure à suivre. Par souci d'uniformité, doit-on proposer l'amendement pour chacun des articles concernés?

[Traduction]

Le président : Me voilà perplexe. Je n'ai qu'un seul amendement à l'article 2. Y en a-t-il un autre? Oh, je ne l'avais pas vu.

[Français]

La sénatrice Bellemare : En ce qui concerne les cinq jours ouvrables, l'amendement doit être incorporé dans plusieurs articles du projet de loi.

[Traduction]

Le président : Voulez-vous proposer l'amendement pour que nous en dénattions ensuite?

La sénatrice Bellemare : D'accord.

Le sénateur Baker : Monsieur le président, je pense que la sénatrice Bellemare fait référence aux modifications consécutives qui figurent plus loin.

La sénatrice Bellemare : C'est cela.

Le sénateur Baker : Mais comme l'amendement initial a été rejeté, nous n'avons pas à examiner les autres modifications consécutives.

Le président : D'accord. Cet amendement découle donc des autres?

Le sénateur Baker Oui. Nous n'avons donc pas à l'examiner, mais comme vous l'avez fait remarquer, monsieur le président, il y a un amendement à l'article 2 dont nous n'avons pas discuté.

Le président : L'article 7.

Le sénateur Baker : C'est celui qui est très long.

Le président : Il fait suite à l'amendement initial, il me semble.

Le sénateur Baker : Ah oui? C'est consécutif, d'accord.

Le président : Bien.

L'article 3 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 5 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 6 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 7 est-il adopté? Sénatrice Bellemare?

[Français]

La sénatrice Bellemare : Il est proposé que le projet de loi C-525 soit modifié à la page 5, par adjonction, après l'intertitre « LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE » précédant la ligne 14, de ce qui suit :

« 8.1. L'alinéa 39d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est remplacé par ce qui suit :

d) l'autorité dévolue à tout regroupement d'organisations syndicales ayant valeur d'autorité suffisante au sens de l'alinéa 64(1.1)c); »

Le but de cet amendement est très technique. Il s'agit d'un oubli à l'article 39, et cet amendement a pour but d'établir une concordance au sein du projet de loi. L'article 39 doit mentionner spécifiquement l'article 64(1.1)c), ce qu'il ne fait pas.

Dans le texte actuel de la loi, à l'article 39d), il est mentionné ce qui suit :

d) L'autorité dévolue à tout regroupement d'organisations syndicales ayant valeur d'autorité suffisante au sens de l'alinéa 64(1)c);

Ce qui doit être écrit, c'est 64(1.1)c); sinon, l'article 39d) perd son sens dans la loi. Or, s'il perd son sens dans la loi, cela enlèvera un pouvoir réglementaire à la commission. C'est ce que le légiste nous a dit.

Cette erreur, qui est une toute petite erreur, mais qui est très technique, ferait perdre le sens de l'article 39d) dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ce qui enlèverait un pouvoir réglementaire à la commission. Voilà pourquoi il faut cet amendement qui consiste à ajouter (1.1). Le légiste qui nous a aidés à écrire l'amendement a lu la loi ligne par ligne, et il nous a dit, hier, qu'il y avait un problème réel. Il y a une erreur dans la façon dont le projet de loi est rédigé, s'agissant de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Vous affirmez donc que le projet de loi que nous examinons actuellement change quelque chose dans la Loi sur les relations de travail. Cela signifie qu'il faut maintenant modifier autre chose dans la loi. Est-ce bien ce que vous dites?

[Français]

La sénatrice Bellemare : Oui, il faut faire la recommandation proposée à l'article 8, sinon, le fait de s'abstenir de le faire vient invalider l'article 39d) ou changer son sens dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Je ne peux pas vous en dire davantage, parce que c'est technique, mais cela enlèverait un pouvoir réglementaire à la commission.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Je comprends que ce soit technique, mais vous dites qu'en raison du projet de loi devant nous, il faut apporter une modification consécutive à un article de la loi elle-même, et que si nous ne le faisons pas, nous retirons au conseil un pouvoir que la loi lui confère déjà.

[Français]

La sénatrice Bellemare : C'est ce qu'on m'a dit, oui. Ce sont les légistes qui peuvent en débattre.

[Traduction]

Mme Guilbert : Je vais tenter d'expliquer le tout en termes simples. La commission est investie de pouvoirs réglementaires en vertu de l'alinéa 39d) afin de pouvoir prendre des règlements sur ce qu'est un regroupement d'organisations syndicales ayant valeur d'autorité suffisante. Autrement dit, il détermine l'autorité dévolue au conseil d'administration d'un regroupement d'organisations syndicales au sens de l'alinéa 64(1)c) de la loi.

Le projet de loi C-525 a été modifié de telle sorte que des divers éléments qui se trouvaient initialement aux alinéas 64(1)a) à d) ont été déplacés au paragraphe 64(1.1); le renvoi initial aurait donc dû être fait au paragraphe 64(1.1), où les divers éléments ont été déplacés.

C'est une modification de forme, mais elle a une incidence. Si aucun changement n'est apporté, la commission aurait un pouvoir de réglementation en vertu d'un alinéa qui n'existe plus et ne disposerait plus du pouvoir qui y était prévu, puisqu'il aurait été déplacé dans une disposition à laquelle il n'est pas fait référence.

Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'un pouvoir réglementaire. Cependant, en vertu de l'article 36 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la commission a un pouvoir général. Ce n'est toutefois pas un pouvoir réglementaire. Cette loi comprend des dispositions portant expressément sur les pouvoirs réglementaires et le processus d'interprétation législative. S'il existe des pouvoirs réglementaires précis pour adopter des règlements, on ne devrait pas nécessairement utiliser un pouvoir général pour le faire.

Le sénateur Baker : Le pouvoir général existe. À quel point ce problème précis est-il sérieux?

Mme Guilbert : Je ne suis pas en position de répondre à cette question. Cependant, si les pouvoirs ont été accordés en vertu de la loi après les modifications législatives de 2005 et ont été modifiés par suite de changements sérieux et importants au régime réglementaire prévu par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, conformément aux projets de loi C-4 et C-31 avec la mise en œuvre du SCDATA, aucun des pouvoirs réglementaires n'a été modifié même si d'autres modifications réglementaires ont été faites.

Le sénateur Baker : L'avocate générale principale a-t-elle quelque chose à dire à ce sujet ou est-elle généralement d'accord?

Virginia Adamson, avocate générale principale, Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique : Je conviendrais qu'il y a un problème technique.

Le sénateur Baker : Mais à quel point ce problème est-il sérieux, et est-ce que d'autres dispositions de la loi permettent de le résoudre? Voilà ce que je me demande.

Mme Adamson : Non.

Mme Guilbert : Non.

Le sénateur Baker : Ce n'est pas le cas?

La sénatrice Fraser : Il semble très clair que quand le Sénat a procédé à la deuxième lecture de ce projet de loi, il n'avait pas l'intention de priver la commission de pouvoirs réglementaires, et nous trahirions notre devoir si nous ne corrigions pas cette erreur.

Le sénateur McInnis : Si le projet de loi est adopté ici, nous serions d'accord avec son intention. Il s'agit d'un détail technique. Il existe certainement un moyen, des esprits supérieurs au mien, pour déterminer qu'il n'était pas nécessaire de retracer l'emplacement des éléments. C'est donc la question à laquelle il faut répondre : peut-on le faire?

La sénatrice Batters : Dans le cas présent, je ne pense pas que nous ayons suffisamment d'information. En particulier, les témoins n'ont rien dit à ce sujet. J'ignore depuis combien de temps la sénatrice Bellemare connaît ce problème potentiel, mais de toute évidence, elle était au courant depuis assez longtemps pour obtenir des conseils juridiques à ce sujet. Cependant, aucun témoin n'a abordé la question, et une experte en la matière du ministère vient de nous dire qu'elle n'était pas en position de nous dire si c'était un problème sérieux ou un simple détail technique.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'ai été mise au courant de cela hier par le légiste à qui on a demandé de préparer les amendements au sujet des « cinq jours ouvrables », et c'est en préparant cet amendement que le légiste a découvert cette erreur.

Je suis une économiste et non une avocate. Je n'ai pas la prétention de vouloir discuter de la valeur législative de cette erreur technique. Tout ce que je sais, c'est qu'il s'agit d'une erreur, et qu'elle a des conséquences. Je n'ai rien voulu cacher à personne.

Le protagoniste du projet de loi n'a pas vu cette erreur, de nombreuses personnes ne l'ont pas vu, mais un légiste à l'œil exercé l'a vu.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Je considère que c'est très malheureux. Le conseil a témoigné devant le comité, et sa présidente est une juriste fort expérimentée. Elle a scruté le projet de loi à la loupe et elle n'a rien remarqué, pas plus que ses conseillers ne l'ont fait. Mais après vous avoir entendue, l'erreur m'apparaît évidente. Je vois le lien maintenant. C'est un problème qu'on ne peut contourner. On ne peut accomplir ce que prévoit cette disposition de la loi sans apporter de modification.

Avez-vous d'autres propositions à formuler, à part celle d'accepter l'amendement proposé?

Mme Guilbert : Pour que tout soit clair, Mme MacPherson est présidente du Conseil canadien des relations de travail. Ce problème concerne la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Le sénateur Baker : En effet.

Mme Guilbert : Comme j'ai eu l'occasion de voir ce dont l'alinéa 64(1.1)c) proposé aurait l'air, il s'agit ici de déterminer si une organisation syndicale formant un regroupement a l'autorité suffisante pour lui permettre de remplir ses fonctions d'agent négociateur. Cela concerne la légitimité d'une organisation syndicale dans le cadre de l'exécution de ses tâches; et la commission a les pouvoirs réglementaires d'établir des limites, un cadre ou des critères pour déterminer en quoi consiste cette autorité. Si je devais établir une échelle entre une prolongation du délai ou la détermination de l'autorité dévolue, je dirais que cela se situe dans le haut de l'échelle d'incidence.

Pour ce qui est des autres solutions, nous ne sommes pas des rédacteurs législatifs, mais des spécialistes de la Loi sur les relations de travail. D'autres personnes plus qualifiées seraient mieux placées pour prodiguer des conseils.

La sénatrice Batters : Cette question relève du Comité permanent d'examen de la réglementation, qui se penche exactement sur ce genre de chose. Peut-être qu'un problème technique n'a pas été décelé initialement ou examiné de façon exhaustive. Ce comité examine ces problèmes en profondeur, et échange avec les fonctionnaires et d'autres personnes afin d'obtenir de l'information pour proposer des modifications au besoin. Il a étudié récemment le projet de loi modifiant un éventail de lois qui est actuellement devant le Parlement.

La sénatrice Fraser : Le Comité permanent d'examen de la réglementation n'examine pas les lois, mais la réglementation.

Le sénateur Moore : De façon très tardive.

La sénatrice Fraser : Oui, c'est un fait.

Nous venons de recevoir suffisamment de preuves pour comprendre qu'il ne s'agit pas d'un détail technique, mais d'un problème de réelle importance. J'ignore si nous sommes tous disposés à adopter des projets de loi dont nous savons qu'ils contiennent des erreurs et auront des conséquences précédemment ignorées et involontaires que nous connaissons maintenant.

Monsieur le président, je propose que nous suspendions au moins l'examen article par article jusqu'à ce que nous ayons l'occasion d'entendre des rédacteurs législatifs ou je ne sais quel spécialiste des questions juridiques approprié. Mme Guilbert, dont je comprends la réticence, ne veut pas nous donner ce que nous considérerions comme le mot de la fin à cet égard. Un sérieux doute plane maintenant sur la justesse et la pertinence du projet de loi tel qu'il est rédigé.

Le président : Je ne m'y oppose pas, puisque c'est la leader adjointe de l'opposition qui le propose, si le comité accepte de se réunir demain matin, si possible. Nous aurons évidemment besoin de l'autorisation de la Chambre. Sinon, on perdra le fil en raison des délais, puisque nous n'avons plus de séance de prévue.

La sénatrice Fraser : Compte tenu de ce que je viens de dire, je serais certainement disposée à autoriser le comité à siéger en dehors de son horaire normal.

Je dois dire que demain matin, contrairement à lundi après-midi, ce serait très difficile pour moi, car, comme vous le savez, je dois être à la Chambre quand elle siège, et nous siégeons demain à 9 heures. Si mes collègues conviennent de se réunir demain matin, alors je trouverai une solution.

Le président : Tout ce qui m'importe, c'est que nous ayons suffisamment de temps si le comité décide finalement d'adopter le projet de loi ou de l'amender. Nous voulons également nous assurer qu'il nous reste du temps à la Chambre pour que nous puissions régler la question d'une manière quelconque.

La sénatrice Fraser : Comme vous le savez, monsieur le président, je n'ai autorisé personne à faire quoi que ce soit, mais puisque c'est moi qui discute ici...

Le président : À moins qu'il n'y ait une sérieuse objection, je pense que nous avons besoin d'un peu de temps pour éclaircir la situation pour tout le monde avant de continuer. Nous pouvons tous composer avec cela. Nous prévoyons nous réunir demain matin à 9 heures.

Voilà qui met fin à la séance.

(La séance est levée.)


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