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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 25 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures, pour poursuivre son étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public).

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour à tous, je m’appelle Claudette Tardif, sénatrice de l’Alberta et présidente de ce comité. Je demanderais aux sénateurs de se présenter en commençant à ma gauche.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Je m’appelle Suzanne Fortin-Duplessis, de la ville de Québec. Je suis la vice-présidente du comité. Soyez les bienvenus.

La sénatrice Seidman : Bonjour, je m’appelle Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Poirier : Bonjour, je m’appelle Rose-May Poirier, sénatrice du Nouveau-Brunswick. Bienvenue au comité.

Le sénateur Maltais : Je m’appelle Ghislain Maltais, sénateur, de la ville de Québec, et j'écoute la présidente.

La sénatrice Chaput : Bonjour, je m’appelle Maria Chaput, sénatrice du Manitoba.

La présidente : Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public), parrainé par la sénatrice Chaput. L'article 2 du projet de loi S-205 vise à garantir au public l'accès à des services dans la langue officielle de son choix dans les principaux centres de transport.

Nous avons devant nous plusieurs représentants de différents organismes de l'industrie aérienne qui sont touchés par ce projet de loi. Nous sommes heureux d'accueillir ce soir nos témoins, M. Daniel-Robert Gooch, président du Conseil des aéroports du Canada, M. Richmond Graham, président et chef de la direction de l’Administration de l'aéroport de Regina, Mme Monette Pasher, directrice du marketing de l'Administration de l'aéroport de Charlottetown, M. Ed Schmidtke, président et chef de la direction de l’Administration de l'aéroport de Thunder Bay, M. Marc-André O'Rourke, directeur général du Conseil national des lignes aériennes du Canada, et de la compagnie Air Canada, M. David Rheault, directeur des Affaires gouvernementales et des relations avec les collectivités, et Mme Louise-Hélène Sénécal, conseillère juridique générale adjointe.

Merci à vous tous d'être ici avec nous ce soir. Monsieur le greffier, vous avez coordonné l'ordre des présentations. On me dit que c'est M. Gooch qui commencera. Ensuite, une fois que toutes les présentations seront terminées, les sénateurs vous poseront des questions. Alors à vous la parole, s'il vous plaît, monsieur Gooch.

[Traduction]

Daniel-Robert Gooch, président, Conseil des aéroports du Canada : Merci, madame la présidente. Bon après-midi, honorables sénateurs et sénatrices.

[Français]

Bon après-midi aux honorables sénatrices et sénateurs.

[Traduction]

Je m’appelle Daniel-Robert Gooch, président du Conseil des aéroports du Canada. Merci de m’avoir invité, avec mes collègues du secteur aéroportuaire, à votre comité aujourd’hui. Permettez-moi de commencer par une courte description de notre association nationale.

[Français]

Le CAC est le porte-parole de la communauté des aéroports du Canada. Ses 48 membres exploitent plus de 100 aéroports, petits et grands, d’un bout à l’autre du Canada. Ces aéroports comprennent des portails internationaux, des aéroports privés du Réseau national des aéroports, ainsi que plusieurs aéroports locaux.

[Traduction]

Notre mission est simple. Elle consiste à préserver la viabilité et la sécurité du secteur aérien, tout en favorisant la croissance du trafic de passagers et de marchandises à l’intérieur du Canada et avec d’autres pays.

Le transport aérien contribue à la croissance économique. Les aéroports constituent l’infrastructure essentielle permettant de relier les collectivités canadiennes d’un océan à l’autre. Grâce aux aéroports, les entreprises du Canada peuvent accéder aux marchés internationaux. Enfin, détail non négligeable, les aéroports favorisent grandement le tourisme au Canada, pour une contribution annuelle de quelque 88 milliards de dollars à l’économie.

[Français]

Dans les faits et dans les principes, les aéroports du Canada se sont engagés à offrir à leur clientèle le niveau de service le plus élevé qui soit, y compris, selon leurs obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles, celle d'offrir aux voyageurs des services dans les deux langues officielles.

Les aéroports sont très sensibles aux besoins des passagers et y sont réceptifs. Chaque jour des gens de tous horizons arrivent des quatre coins du pays et de la planète.

[Traduction]

Dans les aéroports du Canada, des voyageurs se présentent avec une diversité de besoins linguistiques, y compris un nombre croissant de voyageurs qui ne parlent ni l’une ni l’autre de nos langues officielles. Compte tenu de la croissance des voyages internationaux au Canada, on peut s’attendre à ce que la demande de services en langues minoritaires continue d’augmenter elle aussi. On s’attend également à ce que les besoins d’une population vieillissante et des voyageurs à mobilité réduite augmentent en parallèle.

Les aéroports du Canada veulent répondre aux besoins de tous ces voyageurs de leur mieux et de la manière la plus efficace possible. Nous croyons que les faits démontrent amplement que c’est ce que nous faisons.

En fait, l’excellence de l’expérience des voyageurs est un point d’honneur des aéroports canadiens. Chaque année, nos aéroports obtiennent les notes les plus élevées pour le service à la clientèle internationale de Skytrax et du Conseil international des aéroports pour la qualité des services aéroportuaires. Le programme des prix du Conseil international des aéroports est un programme mondial de reconnaissance des meilleurs aéroports au monde selon des sondages sur la satisfaction des passagers. Année après année, de nombreux aéroports canadiens arrivent parmi les premiers en Amérique du Nord et dans le monde.

[Français]

Voilà pour les clients qui sont satisfaits de nos aéroports. Qu'en est-il des plaintes? La semaine dernière, nous avons réalisé un sondage informel auprès de nos membres. Selon ce que nous pouvons en déduire, il y a très peu de plaintes liées à la disponibilité des services en français ou en anglais dans nos aéroports.

En fait, aucun des aéroports n'a reçu plus d'une poignée de plaintes relatives au service offert dans les langues officielles.

[Traduction]

C’est sous cet angle que les aéroports canadiens ont examiné le projet de loi devant vous aujourd’hui.

Nous avons des préoccupations relatives à certaines mesures proposées par le projet de loi S-205. Ces mesures pourraient entraîner des difficultés considérables pour nos membres si le projet de loi était adopté.

Premièrement, au sujet de l’égalité des services prévue par le projet de loi S-205, comment définir et appliquer « une qualité égale » dans les deux langues officielles? Est-ce que l’application serait la même dans toutes les régions du pays? La réponse à cette question ne semble pas évidente.

Deuxièmement, est-ce que le coût d’implantation d’une « qualité égale » est connu? Sinon, est-ce qu’une étude en profondeur sera faite pour déterminer l’impact qu’aurait l’ajout de cette mesure sur l’exploitation des aéroports? Ce serait prudent, puisque les coûts pourront être substantiels pour les aéroports de toute taille.

Troisièmement à quoi ressemblerait le processus de consultation proposé au paragraphe 23.1(2)? Quels membres de la communauté seraient consultés pour évaluer et faire le suivi de la qualité des services? Les conclusions tirées de ces consultations pourraient-elles servir à modifier la prestation de services et le cas échéant, à quel point?

Quatrièmement, les autorités aéroportuaires n’ont un contrôle direct que sur une petite partie des entreprises et des services fournis dans un aéroport. Les aéroports comme tels ont déjà pris les mesures appropriées pour répondre aux besoins linguistiques, mais ils disposent de moyens limités pour le faire.

Avec le projet de loi S-205, de quels recours disposeraient les administrations aéroportuaires pour s’assurer que des services de qualité égale sont fournis par les divers fournisseurs et entreprises dans les aéroports? En cas de non-respect des règles, est-ce qu’il y aurait des pénalités pour les entreprises en question ou pour l’administration aéroportuaire?

Enfin, l’expansion proposée des services dans les deux langues officielles aux aéroports qui ne sont pas présentement assujettis à la Loi sur les langues officielles — car ces aéroports n’ayant pas de volumes de passagers suffisants ni de demande importante — soulève la question de la disponibilité de ressources humaines.

Dans les marchés d’emplois dont la population en situation linguistique minoritaire est inférieure à 5 p. 100, la capacité d’embaucher du personnel bilingue poserait un énorme défi. Comment les aéroports desservant ces collectivités devront-ils embaucher du personnel bilingue sans un bassin de main-d’œuvre qualifiée? Nous constatons que cela est un défi même dans les marchés d’emplois où vivent des populations importantes d’anglophones et de francophones. Il reste beaucoup de questions sans réponses.

[Français]

Mesdames et messieurs membres du comité, les administrations aéroportuaires du Canada sont des organismes privés qui gèrent des installations publiques. Nous prenons très au sérieux nos devoirs de répondre aux besoins des voyageurs, y compris à leurs besoins linguistiques. Cependant, elles veulent aussi offrir des services de la manière la plus efficace possible. En ce sens, certaines décisions devraient être prises non pas à Ottawa, mais au niveau local.

[Traduction]

Madame la présidente, ce sont là quelques-unes de nos réflexions et préoccupations qu’il m’a fait plaisir de vous communiquer aujourd’hui au nom des aéroports canadiens. Ne voulant pas abuser de votre temps, je vais m’arrêter ici en vous remerciant de votre attention.

La présidente : Notre prochain témoin est Richmond Graham, président, Administration de l’aéroport de Regina.

Richmond Graham, président et chef de la direction, Administration de l’aéroport de Regina : Bonsoir, mesdames et messieurs. Je m’appelle Richmond Graham, et je suis président et chef de la direction de l’Administration de l’aéroport de Regina, et exploitant de l’aéroport international de Regina.

Merci de m’avoir invité et de me donner l’occasion de m’adresser au comité sénatorial concernant le contenu du projet de loi S-205 et les modifications qu’il propose à la Loi sur les langues officielles.

L’Administration de l’aéroport de Regina est une entité sans but lucratif qui a pris la relève de Transports Canada en 1999 pour l’exploitation de l’aéroport international de Regina. Notre vision consiste à offrir un aéroport point d’accès qui est viable et axé sur le service à la clientèle, qui favorise la croissance économique et qui facilite l’accès à Regina et au sud de la Saskatchewan. Notre mission, quant à elle, est de gérer et d’exploiter l’aéroport d’une manière qui est sûre, sécuritaire, efficace, viable commercialement et respectueuse de l’environnement. À tous points de vue, notre aéroport respecte sa vision et remplit sa mission.

L’aéroport international de Regina est un moteur économique pour la collectivité, générant des centaines de millions de dollars en activités économiques locales, en plus d’être le plus grand créateur d’emplois de la région. L’étude sur l’incidence économique de l’aéroport international de Regina, menée en 2012, confirme l’incidence économique positive de l’exploitation de l’aéroport sur la ville de Regina et le sud de la Saskatchewan. L’aéroport international de Regina a généré trois quarts d’un milliard de dollars en produit intérieur brut, soit 8 p. 100 du PIB total de Regina en 2012.

Nous sommes déterminés à favoriser la croissance économique et le succès de notre aéroport et de notre collectivité, mais nous avons toujours le mandat d’offrir à nos passagers le meilleur service qui soit, et cela implique également de respecter les exigences énoncées par la Loi sur les langues officielles. L’Administration de l’aéroport de Regina se conforme à ces exigences en vue de fournir aux voyageurs toute l’information concernant la santé et la sécurité dans les deux langues officielles.

À cette fin, tous les panneaux, les renseignements et les services voués aux voyageurs et portant sur leur santé et leur sécurité sont fournis dans les deux langues officielles. Nous nous assurons également que les services énoncés dans la loi et la réglementation connexe sont offerts dans les deux langues officielles. Voici quelques exemples simples de la manière dont nous nous conformons actuellement aux exigences : par mesure de sécurité, à tous les carrousels à bagages, la signalisation avertissant les passagers qu’il est risqué de monter ou de s’asseoir sur les carrousels est affichée dans les deux langues officielles; la signalisation à l’arrivée informe les passagers qu’il est interdit de monter l’escalier pour des raisons de sécurité, puisqu’il est réservé aux passagers débarquants; et dans la salle de premiers soins, afin d’assurer la santé de nos passagers, on indique que le service est offert dans les deux langues officielles, en toutes lettres et à l’aide d’un pictogramme. Finalement, les services de restauration et de location de voiture, les guichets automatiques et bien d’autres services encore sont offerts dans les deux langues officielles.

Depuis que notre aéroport a accueilli son millionième passager en décembre 2008, nous avons reçu très peu de plaintes et de commentaires concernant notre capacité à offrir l’aide linguistique requise et à répondre aux besoins de nos passagers dans les deux langues officielles. Nous faisons partie des aéroports canadiens qui ont participé au sondage trimestriel sur la qualité des services aéroportuaires en 2014, et aucun de nos passagers n’a exprimé à cette occasion de préoccupations relatives aux langues officielles.

À la lumière de ce que nous pouvons entendre à notre aéroport, nous estimons que la loi en vigueur permet de bien répondre aux besoins de nos passagers, et nous souhaitons vous faire part des points suivants relativement au projet de loi S-205 et plus particulièrement au sujet des modifications apportées dans les paragraphes 23.1(1) et 23.1(2) qui sont proposés dans ce contexte.

Comme je l’indiquais tout à l’heure, notre mission consiste à gérer et à exploiter notre aéroport de façon sécuritaire, efficiente, rentable et responsable du point de vue environnemental. Toutes nos décisions sont prises dans l’optique de cette mission. Nos passagers paient déjà de nombreux frais additionnels qui s’ajoutent au prix de leur billet d’avion, et il faut prévoir que les changements proposés dans le projet de loi S-205 auront des répercussions économiques importantes tant pour notre aéroport que pour notre collectivité en plus de hausser les frais à payer pour les voyageurs.

Pour ce qui est de la modification proposée avec l’ajout du paragraphe 23.1(1), j’estime trop ambiguë l’expression « de qualité égale » dans le contexte de la prestation de services. Comme notre clientèle est déjà bien servie sous le régime de la réglementation en vigueur, il y a tout lieu de se demander si ces changements dont la signification n’est pas claire permettront aux passagers d’en avoir davantage pour leur argent.

J’estime également que le paragraphe 23.1(2) est ambigu et fortement subjectif. Suivant le changement proposé, les membres des minorités anglophone et francophone auront la possibilité d’exprimer leurs points de vue au sujet des concepts de « qualité égale » et de « consultation appropriée ». Voilà autant de mesures qui risquent de faire grimper les coûts dans la poursuite d’un objectif dont la justification est douteuse. Je rappelle aux membres du comité sénatorial que notre aéroport parvient déjà à répondre aux besoins et aux attentes des voyageurs dans les deux langues officielles en vertu de la loi et du règlement en vigueur.

Parallèlement à nos passagers d’expression anglaise et française, Regina et le sud de la Saskatchewan abritent une population multilingue et multiculturelle en pleine croissance qui utilise notre aéroport à des fins commerciales et récréatives, et dont plusieurs membres, je suis heureux de pouvoir vous le dire, ont choisi de travailler pour nous. Même avec notre achalandage sans précédent, nous continuerons d’offrir à tous nos clients les services et les communications nécessaires tout en satisfaisant aux exigences de la Loi sur les langues officielles dans sa forme actuelle.

Madame la présidente, honorables sénateurs, merci de m’avoir donné l’occasion de vous entretenir aujourd'hui des préoccupations de l’Administration de l’aéroport de Regina concernant les modifications proposées à la Loi sur les langues officielles.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Graham. Maintenant, nous entendrons M. Ed Schmidtke, de Thunder Bay.

[Traduction]

Ed Schmidtke, président et chef de la direction, Administration de l’aéroport international de Thunder Bay : Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de me donner l’occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui pour parler des impacts de la politique sur les langues officielles pour l’aéroport de Thunder Bay.

Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de notre aéroport. Notre organisation a pris en charge l’administration de l’aéroport en vertu d’un bail foncier conclu avec le gouvernement du Canada à l’automne 1997. Voilà donc 18 ans que nous développons avec fierté une culture du service à la clientèle, de l’innovation et de la rentabilité.

Nous sommes fiers de notre capacité à répondre aux besoins de nos clients en étant conscients de la situation particulière de la population que nous desservons. Même si cette population diminue, notre collectivité bénéficie maintenant d’un total sans précédent de 15 départs quotidiens vers la région de Toronto.

Étant donné que notre région est relativement éloignée, nous avons compris rapidement qu’il fallait favoriser une offre de services aériens à bas prix. Notre aéroport sert de plaque tournante pour le transport régional en permettant à de petits transporteurs locaux de relier au reste du monde des régions éloignées du nord-ouest ontarien. En l’absence de liaisons routières, bon nombre de nos clients n’ont d’autre choix que d’utiliser notre aéroport. Nous vivons dans une région du Canada qui est très dépendante des services aériens et qui exige les prix les plus bas possible. Nous sommes heureux de pouvoir vous dire que nous sommes le seul aéroport du Réseau national des aéroports à ne plus imposer de droits d’amélioration aéroportuaire, alors que de nombreux autres exigent jusqu’à 30,00 $ par passager à cette fin. Cette décision qui diminue directement le prix du transport aérien pour le voyageur nous demande de faire preuve d’innovation pour mieux contrôler les coûts de nos activités aéroportuaires. Soucieux de réaliser nos grands objectifs sociétaux, nous relevons avec plaisir ce défi sur une base quotidienne.

Nous menons régulièrement des sondages pour déterminer si nous atteignons bien nos objectifs d’excellence en matière de service à la clientèle. Deux fois par année, nous interrogeons des clients dans le terminal aéroportuaire pour savoir dans quelle mesure ils sont satisfaits. Le sondage est conçu par des professeurs et des étudiants de 2e cycle de l’Université Lakehead. On y trouve une combinaison de questions à choix multiples et de questions ouvertes permettant d’obtenir des réponses objectives en même temps que des commentaires subjectifs. Les réponses à ce sondage nous ont incités à investir dans différentes améliorations à nos services.

Bien que ces sondages n’aient mis au jour aucune lacune touchant les services multilingues, nous faisons toujours le nécessaire pour régler rapidement tous les problèmes d’ordre linguistique. Parmi les nombreux avantages qu’offre un petit aéroport de la taille de celui de Thunder Bay, il y a le fait que la plupart des gens qui y travaillent, peu importe leur employeur, se connaissent par leur prénom. Lorsqu’un problème de langue, peu importe laquelle, empêche de communiquer efficacement, un peu tout le monde peut apporter son aide sans qu’elle n’ait été sollicitée.

La concurrence est vive dans notre secteur. Nous avons des données confirmant que des clients de la zone que nous desservons se rendent en voiture jusqu’au Minnesota pour utiliser les aéroports de cet État, plutôt que le nôtre. Il nous faut donc absolument offrir à un coût abordable un service à la clientèle de qualité supérieure pour maximiser notre part de marché et stimuler la demande de services aériens dans le nord-ouest de l’Ontario. Notre détermination à pouvoir compter sur des employés multilingues dans toutes nos installations n’est qu’un exemple des efforts que nous déployons pour innover et contrôler nos coûts dans une optique de service à la clientèle.

Nous vous soumettons très respectueusement que, pour toutes ces raisons, le régime réglementaire en vigueur nous permet de bien servir nos clients tout en offrant aux résidants du nord-ouest de l’Ontario une plaque tournante rentable et judicieusement positionnée pour le service aérien.

Merci de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Mme Monette Pasher de l’Administration de l’aéroport de Charlottetown.

Mme Monette Pasher, directrice du marketing, Administration de l’aéroport de Charlottetown : Honorables membres du comité sénatorial, je vous remercie de m’avoir invitée et de me donner l’occasion de vous adresser quelques mots.

Je suis la directrice du marketing de l’aéroport de Charlottetown à l’Île-du-Prince-Édouard. Notre aéroport est un point de liaison essentiel pour notre collectivité et notre province. Notre mandat consiste à exploiter un aéroport respectant toutes les règles de sécurité tout en contribuant à la croissance économique de notre île.

D’abord et avant tout, je veux féliciter le comité pour le travail qu’il effectue en vue d’améliorer les services en langue française dans toutes les régions du Canada. Nous sommes conscients que de tels services sont à la fois utiles et importants. L’Île-du-Prince-Édouard compte une dynamique population acadienne, et nous estimons que notre patrimoine acadien est un élément culturel important de notre identité provinciale.

Le service à la clientèle est au cœur de toutes nos activités. Dans l’administration de notre aéroport, nous voulons d’abord et avant tout assurer la sécurité de nos clients et surpasser leurs attentes. Le service à la clientèle est une grande source de fierté pour l’aéroport de Charlottetown. Nous avons mis en place des programmes nous permettant de connaître le point de vue de nos clients en plus de participer à des sondages comparatifs menés dans toute l’industrie pour évaluer le service à la clientèle dans les différents aéroports.

Depuis plusieurs années, nous évaluons notre rendement en réalisant directement à l’aéroport des enquêtes auprès d’échantillons statistiquement significatifs de nos passagers. Nous obtenons ainsi de précieux renseignements sur ce qui importe aux yeux de nos clients et sur les aspects que nous pourrions améliorer. Voilà huit ans que je travaille à l’aéroport, et aucun client ne s’est plaint de l’insuffisance des services en français, que ce soit verbalement ou dans le cadre de l’un de nos sondages.

L’administration d’un aéroport est un processus complexe que nous prenons très au sérieux. Il faut entre autres gérer activement une vingtaine de points de contact pouvant influer sur l’expérience de service de nos clients. Ces points de contact relèvent de différentes organisations, y compris les lignes aériennes, des agences gouvernementales comme l’ACSTA et l’ASFC, des fournisseurs de services, les manutentionnaires de bagages, les entreprises de location de voitures, les services alimentaires, les détaillants, les préposés au stationnement, les kiosques d’information pour les visiteurs et les chauffeurs de taxi. Nous nous employons à optimiser l’harmonisation des services offerts par ces différents fournisseurs.

En collaboration avec nos partenaires, nous nous efforçons d’offrir à nos clients des services dépassant leurs attentes, et nous sommes très fiers du travail que nous accomplissons. À titre d’exemple, notre aéroport est la première entreprise de l’Île-du-Prince-Édouard à obtenir la certification WorldHost. Il s’agit d’un programme de formation en service à la clientèle touristique qui est reconnu à l’échelle planétaire. Tous les employés de l’aéroport offrant des services de première ligne ont suivi cette formation. Cela comprend notamment les agents de sécurité, le personnel du restaurant et même certains chauffeurs de taxi. Notre détermination à exceller en matière de service à la clientèle se concrétise grâce au travail conjoint de plusieurs organisations au bénéfice du voyageur aérien.

J’aimerais maintenant faire part au comité de quelques-unes des difficultés que ce projet de loi pourrait causer à un petit aéroport comme le nôtre. Ces difficultés viennent surtout du fait que le projet de loi S-205 vise à régler une problématique qui, à notre avis, ne touche pas actuellement l’aéroport de Charlottetown. Il faut tenir compte de la taille et de la portée des administrations aéroportuaires qui seraient désormais tenues de se conformer à la réglementation de la Loi sur les langues officielles. Par exemple, notre province est la plus petite du Canada avec quelque 145 000 habitants. Charlottetown, notre capitale, n’en compte qu’environ 35 000. Il serait difficile d’offrir des services de communication de qualité égale dans les deux langues officielles dans une province de notre taille compte tenu de la proportion de notre population qui parle français.

À l’Île-du-Prince-Édouard, 3,8 p. 100 des résidants indiquent que le français est leur langue maternelle et 2 p. 100 parlent cette langue à la maison. À l’aéroport de Charlottetown, les deux langues officielles sont utilisées pour toute la signalisation, tant pour se rendre à l’aéroport que pour s’y retrouver à l’intérieur du terminal. Le bilinguisme est déjà de mise pour la signalisation essentielle en matière de santé, de sécurité, de gestion des bagages et d’information sur les vols. En outre, notre aéroport accueille un centre d’information touristique saisonnier où travaille du personnel bilingue de la province.

Nos différents entrepreneurs ne sont pas actuellement tenus d’offrir des services en français. Dans une province où les francophones sont si peu nombreux, il serait difficile d’obliger nos fournisseurs de services à embaucher du personnel satisfaisant aux exigences de la Loi sur les langues officielles. Compte tenu de la taille et de la composition de notre population active, ils peineraient déjà à trouver du personnel bilingue, sans parler des compétences particulières requises.

En terminant, je veux souligner de nouveau que notre aéroport est très à l’écoute des besoins de sa clientèle, et qu’aucun de nos passagers ne s’est plaint de services en français insuffisants. Nous ne devrions pas chercher à adopter une approche uniforme dans tous les aéroports du pays, car chacun d’eux doit composer avec des défis et des forces du marché qui lui sont propres étant donné sa taille et sa situation géographique. Nous vivons dans la plus petite province du Canada avec ses 135 000 habitants, et notre réalité n’est forcément pas la même que celle des grands centres urbains du pays.

Merci encore une fois de m’avoir donné l’occasion de vous présenter la perspective de l’aéroport de Charlottetown.

[Français]

La présidente : Nous allons maintenant entendre M. Marc-André O’Rourke, directeur général du Conseil national des lignes aériennes du Canada.

[Traduction]

Marc-André O’Rourke, directeur général, Conseil national des lignes aériennes du Canada : Merci beaucoup, madame la présidente et honorables membres du comité. Bonjour à tous.

[Français]

Bonsoir. Je m’appelle Marc-André O’Rourke et je suis le directeur général du Conseil national des lignes aériennes du Canada.

Le Conseil représente les quatre grands transporteurs du Canada, à savoir Air Canada, Air Transat, LP Aviation Jazz et WestJet. Nous faisons la promotion de déplacements aériens sûrs, durables, sécuritaires et compétitifs, afin d’offrir des voyages de la plus haute qualité aux Canadiens, tant au Canada qu'à l'étranger.

[Traduction]

Les compagnies aériennes stimulent les échanges commerciaux, les voyages et le tourisme. Elles permettent de relier entre elles nos collectivités, de réunir nos familles et de nous mettre en liaison avec le reste du monde. Elles aident les entreprises locales à s’épanouir pleinement en leur facilitant l’accès à de nouveaux clients et à de nouveaux marchés.

Au total, les compagnies aériennes membres de notre conseil transportent plus de 50 millions de passagers par année, desservent plus de 60 collectivités canadiennes et fournissent directement de l’emploi à plus de 46 000 personnes.

[Français]

Je vous remercie d’offrir au conseil l’occasion de présenter la perspective de ses membres quant au projet de loi S-205, qui vise à modifier la Loi sur les langues officielles en ce qui a trait aux communications et aux services destinés au public.

[Traduction]

Il est très important d’assurer le respect des droits linguistiques actuellement énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que dans la Loi sur les langues officielles. Nous apprécions certes le travail accompli par votre comité à ce chapitre.

Je suis ici aujourd’hui pour vous faire part de nos préoccupations à l’égard des changements que ce projet de loi propose d’apporter à l’article 23 de la Loi qui traite du droit du public voyageur à communiquer et à recevoir des services dans la langue officielle de son choix dans les aéroports comme dans les autres terminaux de transport.

[Français]

Il est important de souligner d'emblée que les lignes aériennes du Canada sont fortement déterminées à offrir le meilleur service possible à tous les voyageurs. Cela inclut le respect des langues officielles ainsi que le respect des cadres législatif et réglementaire existants. Les lignes aériennes sont réellement motivées à offrir un service de haute qualité à leurs passagers. Nous prenons cet engagement très au sérieux.

Cependant, compte tenu de la façon dont le projet de loi est conçu, nous ne pouvons soutenir des modifications qui risqueraient de changer de façon significative les critères existants et réalisables qui servent présentement à qualifier un aéroport comme étant bilingue. Il convient de noter que de nombreux aéroports offrent déjà des services bilingues aux voyageurs. Ces services sont basés sur une demande réelle et mesurable en vertu des recommandations contenues dans la loi et ses règlements. Par ailleurs — ceci est très important —, en ce qui concerne les exigences propres à l'aviation, le règlement exige que toute information relative à la sûreté et à la sécurité soit fournie aux voyageurs dans les deux langues officielles partout au Canada. C'est un règlement très spécifique pour les transporteurs.

[Traduction]

Selon ce que nous pouvons comprendre, ce projet de loi désignerait comme bilingues un certain nombre d’aéroports canadiens sans s’appuyer sur une demande mesurable pouvant le justifier. La réglementation actuellement en vigueur exige que des services soient offerts dans les deux langues officielles dans les aéroports desservant plus d’un million de passagers par année ainsi que dans ceux où la demande le justifie, à savoir qu’au moins 5 p. 100 de la population souhaite obtenir de tels services.

Les services visés incluent le contrôle de sécurité avant l’embarquement, les annonces publiques, les comptoirs de service des compagnies aériennes, notamment pour l’enregistrement, et les services de détail comme la location de voitures. Le règlement prévoit également l’inclusion de toute documentation imprimée ou préenregistrée à partir des très populaires bornes libre-service.

À notre avis, le cadre servant à déterminer si des services bilingues sont requis devrait être fondé sur une demande véritable et mesurable. Nous estimons approprié le mécanisme actuellement utilisé pour déterminer si des services bilingues sont nécessaires, car il suit de près l’évolution du trafic des voyageurs et les variations de la population.

En vertu des changements proposés à la Loi sur les langues officielles dans le projet de loi S-205, il est possible que certains aéroports soient arbitrairement tenus d’offrir des services dans les deux langues officielles. C’est le cas des aéroports des grands centres urbains et de ceux desservant une capitale nationale, provinciale ou territoriale. La vaste majorité de ces aéroports sont déjà désignés bilingues dans la structure actuelle. Ceux qui n’ont pas cette désignation sont situés dans des emplacements où, à la lumière des données disponibles, de tels services ne sont pas nécessaires.

Il est très difficile de juger de l’impact réel du projet de loi sans avoir une idée plus précise de la manière dont les changements proposés vont influer sur les opérations. Nous savons toutefois que le projet de loi va augmenter le nombre d’aéroports visés par la Loi sur les langues officielles et ainsi imposer un fardeau additionnel, tant du point de vue des ressources financières que des ressources humaines, comme nous venons de l’entendre, aux aéroports et aux compagnies aériennes, mais également à l’ensemble du secteur de l’aviation. Dans ce contexte, il ne faut surtout pas perdre de vue que notre industrie, comme vous le savez sans doute, doit déjà composer avec des sorties de fonds importantes au titre des taxes, des droits et des autres frais.

[Français]

Je conclus en ajoutant que le CNLA et ses membres tiennent à réaffirmer leur engagement continu en faveur du respect des deux langues officielles. Au fil des ans, les lignes aériennes canadiennes et nos aéroports ont fait des progrès importants quant à l’amélioration des services offerts aux voyageurs. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le respect des langues officielles.

[Traduction]

Merci pour le temps que vous m’avez consacré; je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.

[Français]

La présidente : Nous avons un dernier témoin.

David Rheault, directeur, Affaires gouvernementales et relations avec les collectivités, Air Canada : Bonjour à tous et merci de nous entendre aujourd’hui. Je suis accompagné de maître Louise-Hélène Sénécal, conseillère juridique générale adjointe pour Air Canada. Je vais lire mes notes en français. Nous avons distribué un texte; il y aura peut-être des différences avec la version anglaise, car je pourrais ajouter quelques éléments d'information. Je m’en excuse. Si vous voulez poser, par la suite, des questions en français ou en anglais, nous serons heureux d’y répondre.

[Traduction]

Nous sommes heureux d’être ici aujourd’hui au nom d’Air Canada pour contribuer aux travaux du comité.

[Français]

Air Canada est très fière de servir ses clients dans la langue officielle de leur choix. Pour nous, c'est une question de culture et de bon service à la clientèle. Puisque nous sommes une entreprise de services, nous visons toujours à améliorer la qualité de notre service. Au cours des dernières années, nous avons remporté plusieurs prix de Skytrax qui mentionnaient la qualité des services offerts à nos clients et l’amélioration de nos produits.

La loi actuelle impose déjà des obligations très étendues, surtout lorsque l'on compare ces obligations à celles imposées à nos compétiteurs. Nos bureaux, situés dans 32 aéroports au Canada, sont assujettis à la loi, et environ 170 trajets de vols le sont également. Dans bien des cas, nous allons au-delà de nos obligations strictement légales, parce que nous croyons qu’il s’agit d’une bonne pratique d'affaires et que nos clients l’apprécient. Sur tous les vols exploités directement par Air Canada, qu'il y ait demande importante ou non au sens de la loi, il y a au moins un agent de bord bilingue en service qui est disponible pour aider nos clients. Nous sommes fiers de ce que nous réalisons, et nos employés travaillent très fort pour y parvenir.

Pour vous donner un ordre de grandeur, nous exploitons environ 4 000 vols par semaine avec des appareils moyens et longs courriers sur des trajets plus longs ou plus courts, mais à haute densité, comme Montréal-Toronto. Ces avions ont une capacité de 97 à 458 sièges. En outre, 47 p. 100 de nos agents de bord et environ 30 p. 100 de nos agents à l'aéroport sont bilingues.

Nous veillons également à ce que les transporteurs régionaux qui exploitent des vols en notre nom se conforment à la loi. Ceux-ci exploitent des vols avec de plus petits appareils sous la bannière Air Canada Express, dont le plus connu est Jazz, mais il y a aussi Sky Regional, EVAS Air et Air Georgian. Environ 40 p. 100 des vols exploités par Jazz, ou plus de 2 000 vols par semaine, sont assujettis à la loi. Près de 75 p. 100 des agents de bord de Jazz sont bilingues, un chiffre qui est en constante progression. Il faut se rappeler que Jazz est le fruit de la fusion de différents transporteurs régionaux acquis par notre compagnie, transporteurs qui n'avaient pas les mêmes obligations. En 2001, au moment où ces transporteurs ont commencé à offrir des services au nom d’Air Canada, ils n'avaient pas la capacité d’offrir des services bilingues. Nous avons bâti cette capacité au fil des ans en y investissant des ressources.

Quant à Sky Regional, le taux de bilinguisme de ses agents de bord est à environ 90 p. 100. Le défi est important pour nos transporteurs régionaux, alors que dans plusieurs vols, il n’y a qu’un seul agent de bord pour offrir le service. Le fait d’imposer le bilinguisme sur ces trajets équivaut à retirer des occasions d'emploi au personnel actuel, même si le recrutement de personnel bilingue est favorisé.

Nous avons quelques remarques préliminaires au sujet du projet de loi. Nous remarquons qu'aucun des aéroports qui y ont été automatiquement ajoutés n'aurait perdu son statut bilingue au cours des dernières années. Si l’intention est de freiner l’érosion des droits, nous ne sommes pas convaincus que cette solution est la meilleure. Pourquoi ajouter automatiquement des aéroports qui répondent à certains critères qui ne sont pas nécessairement liés à la demande, comme le fait d'être situé dans une capitale provinciale? Nos collègues des autorités aéroportuaires l'ont également mentionné.

Malgré tous les efforts de recrutement que nous faisons et notre travail d'enseignement de langue seconde, il est difficile de recruter du personnel bilingue et l'ajout d’obligations peut se traduire par une réaffectation des ressources au détriment des services ou des communautés où la demande est importante. Si, comme le projet de loi semble le suggérer, on inclut les gens capables de communiquer dans une langue officielle pour évaluer la demande au lieu de se fonder sur le critère actuel de première langue officielle parlée, il se peut que le nombre de vols assujettis à la loi augmente de façon significative sans que nous disposions des ressources nécessaires pour affecter du personnel bilingue à ces nouveaux vols. Ainsi, certains vols ayant véritablement une demande significative en subiraient les conséquences, car il nous serait impossible, du jour au lendemain, de rendre tous nos employés bilingues automatiquement, ni de les congédier.

Cela a mené à certaines observations. Le système actuel de conformité et de vérification ne traduit pas toujours efficacement la qualité et la disponibilité des services rendus par une entreprise de services comme Air Canada qui, soit dit en passant, est l’une des entreprises les plus bilingues au Canada, sinon la plus bilingue. Avec 38 millions de passagers par année, qui ont chacun cinq ou six points de contact avec la compagnie, il n'est pas surprenant que nous attirions davantage de plaintes qu'une institution fédérale qui ne sert pas directement le public.

Nos opérations sont complexes, et le système de conformité et de vérification actuel ne tient pas compte de cette complexité ni de la qualité des services rendus aux clients. Somme toute, le nombre de plaintes annuelles déposées contre Air Canada est relativement bas. On parle d’environ une quarantaine ou une cinquantaine de plaintes sur les 38 millions de passagers que nous servons.

Voici un exemple de plainte qui, pour nous, ne reflète pas la qualité du service. Un passager se présente et demande un service en français; l'agent bilingue est occupé. Le passager attend quelques minutes; dix minutes selon la plainte. L'agent va à sa rencontre, le sert, l’escorte à la sécurité où aucun agent de l’ACSTA ne parlait français et l'amène à la porte d'embarquement. Il n’y avait également pas d'agent bilingue de l'autorité aéroportuaire pour l'aider. Le résultat est le suivant : même si notre employé a surpassé les exigences liées à son emploi, car il a accompagné le passager à toutes les étapes du processus, Air Canada est blâmée pour l'événement.

Finalement, nous croyons que les règles applicables en matière de transports devraient être revues et appliquées uniformément à l’ensemble des compagnies aériennes qui servent les Canadiens. Il s’agit d’une question de choix pour les passagers et d'équité pour les transporteurs.

La présidente : Merci beaucoup à vous tous pour vos présentations. Vous avez été très concis dans vos commentaires et je vous en félicite. La première question sera posée par la vice-présidente du comité, la sénatrice Fortin-Duplessis, suivie du sénateur Maltais.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup, madame la présidente. Soyez tous les bienvenus au comité.

Ma première question s’adresse à M. Rheault. À l'heure actuelle, dans quelle proportion vos employés peuvent-ils offrir des services dans les deux langues officielles?

M. Rheault : Comme je l’ai indiqué dans ma présentation, cela dépend du type d'employé. Dans le cas des agents de bord, cela varie de 47 à 50 p. 100. Pour les agents d’aéroport, c’est autour de 30 p. 100, et pour les employés du centre d'appel, je n’ai pas les statistiques avec moi, mais je crois qu’il s’agit d’environ 50 p. 100. Cela dépend des types d'affectation et du nombre d'employés.

Lorsqu’on regarde les statistiques du nombre d’employés bilingues, il est important de garder à l’esprit que, pour augmenter ce nombre, on favorise toujours l'embauche d’une main-d'œuvre bilingue. Seulement, il arrive que dans certaines circonstances il soit difficile de les recruter. Il est évident pour Air Canada qu’un employé bilingue sera privilégié lors de l'embauche.

Louise-Hélène Sénécal, conseillère juridique générale adjointe, Air Canada : Si vous me le permettez, la façon dont notre système fonctionne, c’est qu’il y a un point d’entrée. Quel que soit l'endroit où la personne appelle, elle sera dirigée au premier agent francophone disponible. Donc, s’il y a davantage d’employés dans l'Est du Canada, ils servent aussi bien les gens de l'Ouest du Canada. L’endroit où la personne est située n’a pas d’importance. Lorsque la personne appelle, le service est transféré à ces agents-là.

M. Rheault : Nous embauchons présentement des gens dans nos centres d'appel et nous embauchons davantage d'employés à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, et à Montréal, parce qu'il y a un bassin de personnel bilingue accessible.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Lorsque vous engagez du personnel maintenant, privilégiez-vous du personnel bilingue?

M. Rheault : Tout à fait. C'est un critère dont prennent compte tous les comités d’embauche. Le personnel bilingue sera favorisé, parce que cela répond à une demande et aux services que nous voulons offrir aux clients. Seulement, dans certaines circonstances, il est impossible d’engager du personnel bilingue. Nous faisons souvent le lien avec les communautés locales pour qu'elles nous aident à recruter du personnel bilingue. Elles sont impliquées dans notre processus de recrutement de sorte que, dans une certaine mesure, nous engagions le plus de personnel bilingue possible. C’est vraiment une priorité pour nous au chapitre du service à la clientèle.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Ma prochaine question s’adresse à Mme Sénécal. Madame Sénécal, j'aimerais que vous nous parliez un peu plus de la zone grise par rapport à l’assujettissement des filiales d’Air Canada à la Loi sur les langues officielles. Comment Jazz peut-elle éviter d’avoir les mêmes obligations linguistiques qu’Air Canada tout en respectant l’esprit de la loi?

Mme Sénécal : Premièrement, Jazz n’est pas assujettie à la loi. C’est Air Canada qui a l'obligation de veiller à ce que les compagnies — filiales ou pas — qui rendent des services en son nom le fassent en respectant la Loi sur les langues officielles. Donc, l'obligation revient à Air Canada. Ainsi, il n’y a pas d'obligation directe imposée actuellement à Jazz, à Air Georgian, à EVAS ou à Sky Regional. L'obligation revient à Air Canada, et dans le cadre de nos ententes commerciales, nous veillons à ce que les paramètres soient mis en place de sorte que les services soient offerts dans la langue jugée nécessaire.

Donc, outre les vols qui sont dits automatiques, nous faisons des sondages aux périodes pertinentes.

M. Rheault : La situation est identique à celle des commerçants dans les aéroports. C'est-à-dire que l’autorité aéroportuaire a la responsabilité d'appliquer la loi et doit tenir compte de cette obligation qui est prévue dans sa relation avec les sous-traitants et les différents services offerts à l’aéroport; cependant, c'est l'autorité aéroportuaire qui est tenue de veiller à ce que la loi soit appliquée. De la même manière, Air Canada est assujettie à la loi, mais elle a l’obligation de veiller à ce que les transporteurs qui effectuent les services en son nom appliquent les dispositions de la loi.

Mme Sénécal : M. O’Rourke, du Conseil national des lignes aériennes du Canada, a précisé qu’en vertu du Règlement canadien de l’aviation, l’obligation s’applique à toutes les compagnies aériennes. Il s’agit de l’article 705.43 qui prévoit que chaque exploitant aérien canadien a l'obligation de fournir les renseignements et les annonces relativement à la sécurité aérienne dans les deux langues officielles. Donc, Jazz a cette obligation également.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Je trouvais que, quelquefois, cela laissait à désirer, et c'est pour cette raison que je vous ai posé la question.

Le sénateur Maltais : Ma première question s'adresse à M. Gooch. Avez-vous une idée du nombre d’aéroports qui appartiennent entièrement à Transports Canada?

[Traduction]

M. Gooch : Je ne connais pas le nombre exact. Il faudrait se renseigner auprès de Transports Canada. Je sais que l’on cherche à se départir de certains d’entre eux. Ils ne sont pas membres de notre organisation.

[Français]

Le sénateur Maltais : Dans votre mémoire, vous avez indiqué que les aéroports étaient gérés localement. On le vit au Québec. Je viens du Nord du Québec, dont l’un des aéroports est géré par Transports Canada et les autres sont gérés par les villes ou les municipalités régionales. Cela ne représente pas un problème nulle part.

Le seul point, c'est que vous avez des aéroports limitrophes entre l'Ontario et le Québec. Avez-vous eu des problèmes ou des plaintes concernant les langues d'affichage dans ces aéroports? Je veux parler du Nord du Québec, de la Grande Rivière, par exemple, par rapport à Hearst, dans le Nord de l'Ontario.

M. Gooch : Je peux répondre seulement pour nos membres. Nos membres comptent deux aéroports au Québec, plusieurs en Ontario, mais pas nécessairement d’aéroports parmi les plus petits à la frontière.

[Traduction]

Nous avons mené une enquête auprès de nos membres. Nous en comptons 48 au pays, surtout de grands aéroports, mais aussi des plus petits de la taille de ceux de Prince George et de Sidney, en Nouvelle-Écosse.

Lorsque nous les avons interrogés au sujet des plaintes, la quasi-totalité ont indiqué en avoir reçu moins de cinq concernant les langues officielles. Aucun de nos aéroports membres dans les différentes régions du pays n’a signalé un nombre significatif de plaintes.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous pose la question, et ce n’est pas méchant, mais la clientèle au nord du Québec, de l'Ontario ou du Canada est autochtone de 60 à 65 p. 100, soit les gens des Premières Nations. Souvent, ces gens, surtout les personnes âgées, c’est-à-dire les personnes qui ont 50 ans et plus, ne comprennent ni le français ni l'anglais. Elles ne parlent que leur langue, notamment l’inuit. C’est moins le cas chez les jeunes.

Je viens du Nord du Québec, et cela a posé problème jusqu'à l'arrivée d’Air Creebec, une compagnie aérienne inuite qui dessert uniquement le Nord du Québec. À l’intérieur des avions et de l’aéroport, les indications sont données en Cri. Avez-vous déjà fait face à ce genre de problème dans les aéroports exploités dans le Grand Nord?

[Traduction]

M. Gooch : Je ne suis pas très au fait de la situation dans le Nord, mais vous soulevez tout de même un élément important, sénateur, en faisant ressortir la grande diversité des clientèles que doivent desservir nos aéroports canadiens. Nous avons des passagers qui ne parlent aucune de nos langues officielles. Nous avons des voyageurs d’un peu partout dans le monde qui parlent différentes langues et un nombre croissant de clients qui doivent composer avec les difficultés associées au vieillissement.

Je crois que tous nos aéroports partagent la même détermination à offrir un service à la clientèle de grande qualité qui répond à tous les besoins des voyageurs. Et ces besoins sont extrêmement diversifiés.

[Français]

Le sénateur Maltais : Mon autre question s'adresse à M. O’Rourke. Vous avez fait référence à quatre grandes entreprises, y compris Air Canada, qui font partie de votre conseil.

M. O’Rourke : Il s’agit des quatre membres de notre conseil.

Le sénateur Maltais : Les autres compagnies, dont les affréteurs, font-elles partie de votre conseil?

M. O’Rourke : Non.

Le sénateur Maltais : Je vous donne l’exemple de Sunwing.

M. O’Rourke : Sunwing et Porter font partie d’un autre groupe, soit l’Association du transport aérien du Canada. Il y a cinq ans, nos membres ont décidé de fonder une association pour mieux répondre aux besoins des grands transporteurs. Nos quatre membres sont Air Canada, Air Transat, Jazz et WestJet.

Le sénateur Maltais : La raison pour laquelle ces quatre grands transporteurs se sont unis était-elle d’offrir un meilleur service, ou les autres ont-ils simplement formé une association, sans les discréditer...

M. O’Rourke : Je n’y étais pas à l'époque, mais d’après ce que j’ai pu comprendre, les quatre membres de notre conseil souhaitaient créer une association pour mieux répondre à leurs intérêts.

Le sénateur Maltais : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce sont quatre transporteurs offrant un service de grande qualité au Canada. Cependant, je ne comprends pas pourquoi les autres compagnies ne font pas partie de votre conseil. Vous n’avez qu'à faire appel à leurs services et vous allez comprendre. S'il y a des gens qui s'interrogent… Lorsque vous ferez appel à ces compagnies, vous reviendrez aux quatre grands transporteurs, car elles n’offrent pas du tout le même service.

Monsieur Rheault, lorsque vous avez acheté des entreprises régionales — dont Air Canada — dans l’ensemble du Canada, pas seulement au Québec, vous n’aviez pas d'obligation linguistique. La compagnie que vous avez acquise n'avait pas l'obligation d’offrir des services bilingues.

M. Rheault : Cette obligation s’est imposée plus tard.

Le sénateur Maltais : Mais, au départ, vous n’aviez pas cette obligation.

Mme Sénécal : En août 2000, la loi a été modifiée de manière à définir une obligation claire pour Air Canada et ses filiales. À l'époque, les filiales telles qu’Air Nova et Air Alliance n’ont jamais posé de problème, mais dans le cas d’Air Ontario et d’Air BC… À l’époque, on ne les détenait pas à 100 p. 100 et elles ne correspondaient pas à la définition des filiales. Éventuellement, elles sont devenues des filiales à part entière, dans le cadre de la fusion avec les Lignes aériennes Canadien Regional, qui n’avait aucune obligation de bilinguisme à part celle qui est comprise dans l’article du Règlement de l’aviation canadien que je vous ai cité, et leur compagnie régionale qui était pratiquement unilingue anglophone. Nous avons fusionné avec tous les transporteurs régionaux, ce qui a permis de « diluer » notre bassin d'employés bilingues. Nous avons dû composer avec cela et nous avons dû offrir des cours de langue et des cours de maintien. On n’apprend pas le français en suivant quelques leçons; il faut le pratiquer. C’est la fusion avec les Lignes aériennes Canadien Regional qui a eu pour effet de diluer notre bassin.

Le sénateur Maltais : L'intégration de tout cela est terminée.

Mme Sénécal : Exactement. Tout est terminé.

La sénatrice Chaput : Comme vous le savez sans doute, je suis la marraine du projet de loi S-205. C'est la troisième fois que ce projet de loi est déposé au Sénat. La deuxième fois, il avait été modifié en raison de certaines préoccupations qui avaient été soulevées. C'est la raison pour laquelle il est important de tenir aujourd'hui un débat public sur cette question.

Je tiens à vous remercier de votre présence, de votre exposé et d'avoir fait part de vos préoccupations aux honorables sénateurs. Je vous en remercie très sincèrement. S'il y avait un impact qui pourrait être négatif pour vos opérations, le comité doit en être mis au courant. Ce sont des personnes comme vous qui sont en mesure de partager ces renseignements avec notre comité.

Madame la présidente, ma première question s'adresse à M. Gooch, du Conseil des aéroports du Canada, mais il est possible que M. O'Rourke veuille ajouter un commentaire à la réponse si jamais cela s’applique à sa situation.

Je connais très peu le Conseil des aéroports du Canada et le Conseil national des lignes aériennes du Canada. J'ai appris que le Conseil des aéroports du Canada est le porte-parole de 48 aéroports dont 26 d’entre eux sont considérés comme des aéroports fédéraux. Parmi ces 26 aéroports fédéraux, il y en a 20 qui sont concernés par le projet de loi S-205. Parmi ces 20 aéroports qui sont touchés par le projet de loi S-205, il y en a 16 qui sont déjà désignés bilingues. Cela ne changera pas grand-chose dans le fonctionnement de ces 16 aéroports, puisqu’ils sont déjà désignés bilingues et assujettis à la Loi sur les langues officielles. Il reste quatre aéroports fédéraux non désignés qui seront touchés plus fortement et plus directement par le projet de loi S-205 : les aéroports de Thunder Bay, en Ontario, de Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, de London, en Ontario et de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Je vous remercie de comparaître à titre de témoins, parce que nous souhaitons savoir quels en seront les impacts. À l’heure actuelle, ce sont quatre aéroports fédéraux qui ne sont pas désignés bilingues et qui seront touchés directement par le projet de loi S-205.

Messieurs Gooch et O'Rourke, j’aimerais savoir si votre conseil a mis en place un plan ou des directives concernant la disponibilité des services dans les deux langues officielles du Canada. Avez-vous un plan ou des directives pour ces aéroports? Ou est-ce que vous laissez chaque aéroport ou ligne aérienne prendre ses propres mesures? Sont-ils indépendants? Leur donnez-vous un guide quelconque?

[Traduction]

M. Gooch : En tant qu’association commerciale, notre rôle consiste à travailler au nom de nos membres afin de défendre leurs points de vue communs et leurs positions, établies par consensus, auprès du gouvernement fédéral, ce qui fait que nous ne nous occupons pas de cet autre aspect de la relation. Nous ne dictons pas le comportement de nos membres. Ce sont nos membres qui nous indiquent comment nous devons défendre leurs intérêts.

Comme je l’ai dit, ce n’est pas un problème qui a été qualifié de défi pour les aéroports que nous représentons, et ce n’est pas un domaine dans lequel nous avons travaillé au cours des dernières années.

[Français]

La sénatrice Chaput : Est-ce un sujet dont vous avez déjà discuté avec vos membres? La question des services offerts dans les deux langues officielles a-t-elle déjà fait l’objet de discussions?

[Traduction]

M. Gooch : Oui, mais en préparant mon mémoire, je me suis rendu compte qu’il n’y a personne dans notre organisation aujourd'hui qui y était à l’époque où on en a parlé la dernière fois. On a travaillé là-dessus en 2009. Certains ministères ont fait quelques démarches afin de clarifier les exigences linguistiques visant les aéroports, et il y a eu des échanges entre le gouvernement et nos membres à l’époque. Je n’ai pas participé à ces travaux, et j’ignore donc ce qui s’est passé.

[Français]

La sénatrice Chaput : Chaque aéroport ou ligne aérienne prend ses propres mesures.

M. O'Rourke : En tant qu'association corporative, on ne se mêle pas des opérations de nos membres.

La sénatrice Chaput : Je comprends.

M. O'Rourke : Quant à votre premier point, j'aimerais que tout le monde soit un peu plus au courant de ce que fait notre conseil, et nous y travaillons.

Votre troisième question était à savoir si on en avait déjà parlé au sein du conseil?

La sénatrice Chaput : Oui.

M. O'Rourke : Oui, mais, encore une fois, très peu. Je ne dirais pas qu'il y a une zone grise, mais la question touche plutôt le service à la clientèle. Par conséquent, en tant qu’association, on ne s’implique pas souvent dans ce domaine.

La sénatrice Chaput : Collaborez-vous ou entretenez-vous des liens avec le ministère des Transports?

M. O'Rourke : Absolument. Nous avons une très bonne collaboration.

La sénatrice Chaput : Quant à vous, collaborez-vous avec le ministère des Transports?

[Traduction]

Monsieur Gooch, avez-vous les moyens de collaborer?

[Français]

M. Gooch : Absolument. Nous travaillons très bien avec Transports Canada.

La sénatrice Chaput : Est-il question des services offerts dans les deux langues officielles? Cette collaboration inclut-elle des directives et des suggestions, ou est-ce qu’on n’en parle pas, parce qu’il s’agit d’un autre dossier?

M. O'Rourke : Nous avons un règlement très spécifique qui s'applique aux transporteurs aériens. C'est un règlement que l’on a cité à quelques reprises et qui provient de Transports Canada. Je ne vous dirais pas qu'on en parle tous les jours, mais ce règlement existe.

La sénatrice Chaput : Madame la présidente, puis-je poser une autre question?

La présidente : Oui, bien sûr.

La sénatrice Chaput : J'aimerais également revenir au deuxième tour.

Ma question s'adresse à l'Administration de l'aéroport de Regina. J'ai appris, ce week-end, en faisant ma lecture, que votre aéroport vient tout juste d'être désigné bilingue, et que vous n'aviez pas la désignation bilingue l'année dernière. Mes notes étaient différentes. Toutefois, j’ai constaté sur le site web que vous avez désormais la désignation bilingue. Est-ce le cas?

[Traduction]

M. Graham : Tout d’abord, madame la sénatrice, je dois vous dire que je suis président et chef de la direction de l’aéroport depuis huit semaines. Je vais vous fournir la meilleure réponse possible compte tenu des circonstances.

D’après ce que j’ai compris, c’était vers 2008 que le nombre de nouveaux passagers a dépassé le seuil d’un million de personnes et que nous avons commencé à nous conformer aux règles établies.

Certaines des règles imposées aux aéroports nécessitent une période de transition. La signalisation universelle a été très utile, surtout dans la nouvelle économie diversifiée sur le plan culturel du sud de la Saskatchewan, et nous disposons d’une liste de nombreuses langues dont nous tenons compte dans nos aéroports et pour lesquelles nous prévoyons des interlocuteurs. Nous pouvons offrir des services dans plus d’une douzaine de langues, si le besoin se fait ressentir, et sommes en mesure de nous assurer que les services sont suffisants.

En ce qui concerne la version actuelle de la Loi sur les langues officielles, nous travaillons depuis beaucoup plus d’un an ou deux sur notre signalisation en matière de sécurité, de sûreté et de bien-être de nos passagers. En tant que passager qui utilise fréquemment cet aéroport depuis plus de 10 ans, j’ai observé une transition impressionnante au cours des cinq dernières années, à la fois sur le plan de la capacité et de la volonté.

Je ne sais pas quand exactement nous avons reçu la désignation, mais nous nous préparons et nous réagissons de façon à servir les passagers dans les deux langues officielles depuis quelques années déjà.

[Français]

La sénatrice Chaput : J’apprécie ce que vous venez de me dire et le fait que vous ne soyez en poste que depuis tout récemment. Qu’allez-vous faire de différent, maintenant que vous avez la désignation bilingue officielle? En faisant un peu de recherche, on apprend que le Commissariat aux langues officielles, en 2013-2014, recevait des plaintes à l'égard de votre aéroport, qui n'avait pas la désignation bilingue à l’époque. Des plaintes ont été reçues au sujet du site web, selon lesquelles les traductions se faisaient par l'entremise de Google Translate et que la qualité laissait fortement à désirer. Il était question aussi des écrans, des annonces et de l'affichage. Certaines plaintes ont été déposées, à cet égard, auprès du commissaire.

Le moment est peut-être opportun pour vous poser la question, étant donné que vous venez d’entrer en fonction. J’aimerais savoir si vous avez l'intention de développer un plan d'action, justement pour vous pencher sur ce que vous avez à faire pour que l'aéroport de Regina réponde réellement aux exigences de la Loi sur les langues officielles. Avez-vous l'intention de développer un plan d’action à cet égard?

[Traduction]

M. Graham : Je vous remercie pour votre question, madame Chaput. Je peux vous dire qu’il m’est devenu apparent, au cours de mes premières semaines dans le poste, qu’il y avait un certain nombre de plaintes auxquelles nous devions réagir rapidement. J’en étais convaincu. J’ai donné les ordres nécessaires à notre équipe, et c’était à la fin de la semaine dernière et pendant la semaine précédente que je participais à des discussions avec le Bureau du commissaire des langues officielles pour indiquer les dispositions prises dans notre plan d’action en ce qui concerne ces plaintes, afin de nous assurer que tout donnait entière satisfaction et pour confirmer que les plaintes mineures concernant la signalisation seraient corrigées au cours des prochaines semaines. Tout est en place. Les traductions ont été vérifiées, elles sont correctes.

La plus grande tâche consiste à nous éloigner de Google Traduction. J’ai quatre fils inscrits dans une école d’immersion, et celui qui habite à Montréal m’a indiqué qu’il y a une meilleure façon de faire.

Nous nous sommes engagés à avoir un site web entièrement bilingue d’ici le 15 novembre en ce qui concerne toutes les questions de sécurité, de sûreté et de bien-être du public. Nous aurons terminé d’ici ce temps-là, et d’après ce que je comprends, le bureau en est satisfait.

[Français]

La sénatrice Chaput : Monsieur, j'aimerais non seulement vous remercier, mais aussi vous féliciter. Il n’y a pas huit mois, mais seulement huit semaines que vous êtes là. Je vous remercie, et je vous félicite.

Si j’avais une suggestion à vous faire, ce serait de prendre le temps de rencontrer les associations fransaskoises qui représentent les francophones et les francophiles de la Saskatchewan, de vous asseoir avec elles et de discuter de leurs préoccupations. Je crois qu'elles seraient, comme moi, émerveillées de voir ce que vous avez déjà fait depuis que vous êtes en poste. Merci beaucoup.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie tous d’être présents, ici aujourd’hui. J'aimerais porter à votre attention un fantôme qui plane au-dessus de vos têtes, et c’est le commissaire Fraser. Comme vous le savez, au cours des derniers mois, ce comité sénatorial a entendu plusieurs témoins, y compris le commissaire aux langues officielles, dans le cadre de son étude du projet de loi S-205. Durant son témoignage, le commissaire Fraser semblait très préoccupé par les administrations aéroportuaires et leurs obligations linguistiques en vertu de la Loi sur les langues officielles.

Cela dit, dans son rapport annuel de 2009-2010, le commissaire a reconnu ce qui suit, et je cite :

Les administrations aéroportuaires ne comprennent pas, n'interprètent pas et ne remplissent pas leurs obligations linguistiques de la même façon.

Toujours selon le commissaire, et je cite :

[…] presque toutes les autorités aéroportuaires donnent aux dispositions de la Loi sur les langues officielles un champ d'application plus limité que le faisait le gouvernement fédéral lorsqu'il gérait lui-même les grands aéroports du pays avant les années 1990.

Le respect du principe de statut d’égalité des langues officielles aurait été, selon lui, amoindri lors des cessions d’aéroports qui ont eu lieu au début des années 1990. J'ajouterais, d'ailleurs, que, année après année, les administrations aéroportuaires font l'objet de plusieurs plaintes auprès du commissaire Fraser.

J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Monsieur Rheault, commençons par vous.

M. Rheault : Je dirigerais la question à M. Gooch, parce que le commentaire visait les administrations aéroportuaires et non Air Canada, qui n’est pas une administration aéroportuaire. J’aimerais seulement mentionner que, dans le cadre de l'étude qui avait été faite en 2008-2009, la compagnie Air Canada avait obtenu le meilleur résultat lorsqu'on la comparait aux autorités aéroportuaires ou aux autres agences fédérales qui rendaient des services dans les aéroports de compétence fédérale.

[Traduction]

M. Gooch : Je vais répondre. Monsieur Fraser a bien droit à son opinion. Nos membres tiennent compte des passagers qui utilisent leurs installations. Selon les commentaires reçus des voyageurs, nos membres n’ont pas l’impression qu’il y a un problème avec les services linguistiques offerts dans les aéroports aujourd’hui. Les aéroports cherchent constamment des façons d’améliorer leurs services à la clientèle dans l’ensemble, y compris aux passagers ayant des besoins linguistiques particuliers. Nous avons des passagers qui parviennent de partout au monde, et il y a de nombreux besoins de services dans des langues autres que la langue principale de la collectivité.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Selon le commissaire, ce qui est vraiment inquiétant, c’est que les administrations aéroportuaires non seulement ne comprennent pas, mais elles n'interprètent pas et ne remplissent pas leurs responsabilités linguistiques de la même façon. Autrement dit, certaines les remplissent d'une certaine façon, alors que d'autres les remplissent d'une autre façon.

Je dois dire que c'est assez inquiétant, surtout lorsqu'on entend le commissaire aux langues officielles témoigner de telles choses devant nous. Si j'ai bien compris, vous êtes en train de nous dire que, depuis la publication de son rapport annuel de 2009-2010, il y a eu beaucoup d'améliorations à ce chapitre, c'est exact?

[Traduction]

M. Gooch : Je laisse entendre qu’il est possible que nos membres ne soient pas du même avis que M. Fraser. Je ne suis aucunement surpris que nos membres réagissent aux besoins de leurs passagers de différentes façons au pays. Notre pays est très grand. De nombreuses collectivités qui n’ont pas beaucoup d’interlocuteurs de l’autre langue officielle sont touchées par les changements proposés. Les commentaires que nous avons reçus, même de certaines des plus grandes collectivités qui ont des populations bilingues non négligeables, indiquent que le recrutement du personnel, même dans ces centres, peut poser problème.

Nos membres assurent leur gestion à l’échelle locale. Les aéroports sont gérés à l’échelle locale, et ils font de leur mieux pour servir la collectivité de la meilleure façon.

[Français]

La présidente : Quelqu'un voudrait-il ajouter un commentaire à la question du sénateur McIntyre?

[Traduction]

Mme Pasher : Il faut tenir compte de la diversité qui caractérise notre pays. Si l’on prend, par exemple, un aéroport comme celui de St. John’s à Terre-Neuve-et-Labrador, qui accueille plus d’un million de passagers annuellement, on constate qu’il n’y a pas une grande population francophone. C’est tout un défi que de trouver des gens bilingues pour travailler au restaurant ou au Tim Hortons. C’est également un défi pour les compagnies de taxi, dont les chauffeurs parlent polonais. C’est une préoccupation. C’est un défi à l’échelle nationale que d’offrir des services linguistiques lorsque la population locale ne parle pas la langue.

Le sénateur McIntyre : Mais le recrutement d’employés bilingues ne devrait pas constituer un grand problème, à mon avis. Il y a énormément de gens bilingues dans notre pays.

Mme Pasher : Certes. Mais c’est un défi, et ce serait un défi à Terre-Neuve-et-Labrador. C’est déjà difficile de trouver des gens pour les postes du secteur tertiaire de première ligne qui servent les clients. C’est un défi de plus de trouver des employés bilingues.

Je ne sais pas si quelqu’un d’autre est du même avis.

[Français]

M. Rheault : Quant au point de Mme Pasher, c’est effectivement un défi, dans certains marchés, de trouver de la main-d'œuvre bilingue. C'est un défi qui est partagé par les aéroports et les compagnies aériennes. On privilégie toujours l'embauche de personnel bilingue, mais dans certains marchés, on le voit, c'est très difficile. Parfois, on n’est pas capable de trouver des employés bilingues. Alors, comme il faut donner le service, on embauche des employés bilingues.

Mme Sénécal : D'ailleurs, M. Fraser a souligné devant vous ce problème lors de son témoignage. Il y a la difficulté, dans certaines régions, de trouver du personnel bilingue. C'est aussi le cas pour tout appareil gouvernemental qui a l'obligation également de fournir des services dans les deux langues officielles. De plus, dans le cas des compagnies aériennes, pour le personnel à bord, il y a souvent des exigences physiques. Mme Pasher parlait des postes d’entrée. Il y a des exigences physiques pour les agents de bord, comme l'acuité visuelle. Il faut aussi être prêt à travailler selon des horaires variables et adopter le style de vie qu’impose cet emploi, ce qui n'est pas approprié pour tout le monde.

Le sénateur McIntyre : En écoutant votre témoignage, il me semble que vous travaillez de façon individuelle. Vous arrive-t-il de travailler de façon collective aussi?

Mme Sénécal : Oui.

Le sénateur McIntyre : Pour améliorer la question des langues officielles et des administrations aéroportuaires.

Mme Sénécal : Les obligations sont imposées de façon individuelle à chaque institution fédérale selon la loi. C'est le Conseil du Trésor qui voit à nous donner certaines instructions. Il est le maître d'œuvre de la loi, en réalité. En ce qui a trait aux autorités aéroportuaires, nous travaillons avec elles à l'occasion lorsqu’il y a des espaces ou des services communs, parce que pour chaque aéroport, il y a un conseiller pour les usagers, un Air Carrier’s Council qui peut participer à certains aspects et discuter de certains points, mais chaque entité demeure individuelle.

M. Rheault : J’aimerais ajouter qu’il est évident que dans chaque aéroport où on opère, on collabore avec l'autorité aéroportuaire pour assurer un meilleur service à la clientèle. Que ce soit un client de la compagnie aérienne ou de l’aéroport, c’est le même client. Donc, on essaie de donner le meilleur service possible. Évidemment, il y a des comités d'usagers qui sont mis sur pied pour examiner tout cela. Comme il y a beaucoup d'espaces de services communs, ces sujets sont apportés et les solutions sont discutées et mises en place en collaboration avec tous les intervenants.

Mme Sénécal : Les annonces qui sont faites en sont un exemple concret. Ce n'est pas chaque transporteur qui a son microphone au comptoir pour faire les annonces. Cela passe par l’autorité aéroportuaire. Nous travaillons donc avec l’autorité pour faire les annonces sur le système public. C’est également l’autorité aéroportuaire qui contrôle l'affichage du statut des vols. Nous nous assurons conjointement avec l’autorité que c'est fait dans les deux langues lorsque la demande est importante.

M. Rheault : Souvent, dans les aéroports, les kiosques d'enregistrement sont conjoints à toutes les compagnies aériennes, donc, évidemment, il y a un travail qui est fait en collaboration avec l’autorité aéroportuaire en ce qui concerne la disposition du kiosque et de son contenu.

La sénatrice Poirier : Merci à vous tous d’être ici ce soir. Tout cela est très intéressant.

[Traduction]

Je viens du Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick, il faut offrir des services dans les deux langues officielles. Cela ne veut pas dire pour autant que tous les employés doivent être bilingues. Cela veut dire que le service doit être offert. Si je vous ai bien compris, vous offrez déjà des services bilingues afin de répondre aux besoins de vos clients, et certains d’entre vous ont même indiqué que vous avez reçu très peu de plaintes.

En ce qui concerne le projet de loi S-205, vous avez évoqué des préoccupations quant au fardeau financier, car on ignore quel serait le coût de certaines des mesures exigées, et vous vous inquiétiez également de la disponibilité d’employés bilingues dont vous auriez besoin.

Voilà certaines des préoccupations que je vous ai entendu exprimer à l’égard du projet de loi S-205.

Voyez-vous des avantages dans le projet de loi S-205 qui pourraient vous aider? Avez-vous des amendements à recommander afin que le projet de loi S-205 réponde mieux à vos besoins? Ma question est destinée à qui voudra y répondre.

M. Gooch : Monsieur le sénateur, l’un des défis que nous avons repérés dans le cadre du projet de loi S-205, c’est la caractérisation de la qualité égale. Lorsque j’entends « qualité égale », je pense à une norme qui, à mon avis, serait presque impossible à respecter n’importe où au pays, quelle que soit l’organisation. Il existe très peu de gens qui maîtrisent les deux langues, et la qualité égale du service, sans fournir de clarification quant à son sens, donne l’impression d’être une norme qui serait très difficile à respecter. Je crois que plus on s’éloigne d’une collectivité ayant une population bilingue, plus ce sera difficile.

Comme nous avons indiqué dans notre mémoire, la définition de « qualité égale » et d’autres termes suscite bon nombre de questions. On pourrait peut-être clarifier ce que l’on veut dire.

M. O’Rourke : Nous avons également cette même incertitude quant au sens. Notre position, c’est que le service à la clientèle est une grande priorité pour nos compagnies aériennes. Du point de vue commercial, il est tout à fait logique d’offrir des services dans la langue qu’exige le client. Notre préoccupation vis-à-vis du projet de loi, c’est que bien que l’objectif soit louable, il faudrait y avoir un besoin réel et quantifiable pour justifier les ressources exigées.

Vous nous avez demandé ce que nous aimions par rapport au projet de loi. Je ne suis pas sûr. Nous n’aimons pas le fait qu’il modifie les critères. Je ne veux pas utiliser le mot « arbitraire », mais c’est le seul qui me vient à l’esprit. Un plus grand nombre d’aéroports seront ajoutés à la liste, sans que les compagnies aériennes et les aéroports jouissent des conditions nécessaires pour être en mesure de dire : « Oui, c’est tout à fait sensé. Nous sommes entièrement d’accord. »

Mme Pasher : J’aimerais répondre également. Je crois que lorsqu’on examine les aéroports et on en fait une classification selon le volume de passagers, il est très utile de démontrer le besoin. Nous parlons ici des aéroports de Charlottetown, dans l’Île-du-Prince-Édouard, et de Saint John, qui accueillent 300 000 passagers par an, comparativement à d’autres aéroports qui en accueillent plus d’un million. La différence est énorme.

Vous devez comprendre que nos aéroports éprouvent de grandes difficultés financières. Vous avez indiqué que 20 aéroports sur les 26 du Réseau national des aéroports seraient concernés, ce qui ne fait que 4 aéroports de plus. Il faut savoir cependant que notre industrie, lorsqu’elle examine les aéroports et ceux du RNA, dit que si le volume annuel est de 500 000 passagers, on arrive à un niveau d’autosuffisance. Il devient alors possible de payer son infrastructure, d’emprunter de l’argent et de faire tourner les installations. En deçà du seuil de 500 000 passagers, c’est un défi de taille. Notre association des aéroports reconnaît la différence entre un aéroport qui se situe en dessous du seuil de 500 000 passagers et celui qui dépasse les 500 000 passagers. Cela a une incidence sur les services et les ressources que l’on peut offrir. Que l’on exploite un aéroport à Charlottetown ou à Moncton, qui est deux fois plus grand, les installations physiques demeurent les mêmes. Il faut gérer le même système de gestion de la sécurité et de sûreté et respecter toute la réglementation. Je crois que nous devons reconnaître que nos petits aéroports qui font partie du Réseau national des aéroports sont confrontés à des contraintes financières considérables, et il faut en tenir compte.

M. Gooch : Il faudrait faire le suivi d’un point supplémentaire : on a parlé du fait que ces mesures ne concernent qu’un tout petit nombre d’aéroports. Je ne suis pas juriste, et nous n’avons pas encore demandé d’avis juridique, mais nous avons des préoccupations du fait que ces mesures pourraient s’appliquer à plus de quatre aéroports, notamment la référence à la qualité égale. On craint qu’une nouvelle norme soit établie qui viserait plus d’aéroports que les quelques-uns que vous venez de mentionner. Nous en sommes préoccupés également. C’est rassurant de vous entendre dire que l’intention est peut-être de seulement accroître la portée d’une norme existante pour qu’elle vise quelques aéroports de plus, mais lorsque nous avons lu le projet de loi, ce n’était pas notre impression.

M. Graham : Pour donner suite à ce que vient de dire M. Gooch, l’aéroport international de Regina et l’Autorité de l’aéroport de Regina sont déjà des établissements assujettis à la Loi sur les langues officielles. Plus tôt, j’ai indiqué que le système existant peut fonctionner. Il peut répondre aux besoins des voyageurs. Si l’on examine les plaintes que nous avons reçues, comme je l’ai dit plus tôt, nous réagissons et nous nous sommes engagés à régler les problèmes rapidement. Je crois que le système fonctionne beaucoup mieux ainsi. Grâce aux nouvelles technologies, même les afficheurs des cartes de cafétéria peuvent être modifiés en un clin d’œil. Je crois que la technologie aide les aéroports à bien s’acquitter de leurs responsabilités.

Mais comme l’a souligné Mme Pasher, il y a de petits aéroports, des grands et encore des moyens. Je dirais que Regina est un aéroport de taille moyenne. Malgré ce que vous a dit Mme Pasher, il faut savoir qu’il est difficile pour les aéroports de petite taille de trouver les fonds nécessaires pour apporter les changements. Nous sommes un aéroport de taille moyenne et nous avons la même préoccupation. Nous devons imposer des frais d’amélioration aéroportuaire à nos passagers, et chaque dépense engagée, qui fait l’objet d’un examen, doit être transférée aux passagers.

Dans le contexte de la question posée par le sénateur, je vous dirais que nous avons une Loi sur les langues officielles, accompagnée d’un règlement. Lorsque cette loi est appliquée de façon intelligente, elle est efficace. Comme je l’ai indiqué plus tôt, mes préoccupations dans le cas des établissements soumis à une loi fédérale comme nous découlent des paragraphes 23.1(1) et 23.1(2) proposés.

Il y a diverses façons d’évaluer une réussite. Sénatrice Chaput, nous avons déjà repéré les six ou sept associations francophones locales concernées. Je ne comprends pas tout le contenu de leurs sites web, mais nous allons faire une enquête et nous assurer de les contacter et d’obtenir leurs commentaires sur ce que nous faisons dans notre aéroport.

Là encore, je crois que ce sont des choses que nous pouvons faire dans notre aéroport pour assurer une expérience très positive. Je ne crois pas que nous recevrons beaucoup de plaintes. Jusqu’à maintenant, il y en a eu très peu.

La sénatrice Poirier : Ma question s’adresse à M. Graham de Regina. Je sais que votre aéroport est passé par une période de transition pour devenir un aéroport bilingue, et je sais également que vous occupez votre poste depuis huit semaines seulement, donc il se peut que vous ne soyez pas en mesure de répondre. Je pose ma question néanmoins.

J’aimerais savoir, parce que nous avons parlé du coût et d’autres facteurs, si vous pourriez nous indiquer le coût de la transition pour un aéroport afin de devenir bilingue.

M. Graham : Je regrette, je n’ai pas de chiffre à vous fournir en ce moment.

La sénatrice Poirier : Est-ce quelque chose que vous pourriez transmettre au greffier et au comité?

M. Graham : Oui, bien sûr. J’ajouterais que nous nous sommes penchés également sur la signalisation unilingue, compte tenu de la plus grande diversité culturelle dans le sud de la Saskatchewan. Il y a eu de nombreux facteurs qui ont motivé les changements apportés.

Je me ferais un plaisir de vous trouver ce chiffre et de vous le transmettre.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie pour vos exposés. Je regrette de ne pas être arrivée plus tôt, mais je vous assure que je lirai vos mémoires. Je devais assister à la réunion d’un autre comité.

Je vais aborder la question d’une façon très différente, de façon très directe, sans vouloir être impolie. Ce n’est pas dans ma nature.

Lorsque je vous écoute, je constate que vous avez le service à cœur, et je vous en félicite, mais je vous demande de penser à notre comité, qui se pose la question à quoi devrait ressembler le Canada. Qui sommes-nous? Nous sommes un pays avec des Premières Nations et nous avons deux langues. Comment en tenir compte?

Je suis de la Colombie-Britannique. C’est facile en Colombie-Britannique de dire que nous n’avons pas besoin du français, que ce sont le chinois et le pendjabi les langues importantes. Quelqu’un pourrait dire que nous devons tenir compte de la diversité culturelle.

Je vous demande, chefs de file dans votre domaine et titulaires de vos postes, de dire à notre comité : « Écoutez, nos objectifs sont les mêmes. Nous voulons servir nos clients. Vous voulez servir vos clients. Nous voulons servir le Canada. » Comment réaliser cet objectif et dire à l’aéroport de Charlottetown : « Nous ne pouvons pas faire ceci, mais nous pourrions commencer par cela? »

Pour moi, ce qui importe, c’est que nous continuions à afficher notre nature bilingue. Je dis aux gens que je suis de la Colombie-Britannique et qu’il y a de longues listes d’attente pour les écoles d’immersion française. Des immigrants français viennent en Colombie-Britannique. Il y a tout un autre groupe grandissant qui parle français, et nous ne pouvons pas nous en tenir à la population francophone locale.

Les propos du commissaire Fraser sont très importants pour nous. Ce n’est pas juste un autre avis. C’est l’avis du commissaire aux langues officielles quant à ce que devrait être la politique en matière des langues officielles.

J’ai beaucoup parlé, mais je vous dis que moi, immigrante qui suis au Canada depuis 40 ans, j’entends constamment l’argument selon lequel nous n’avons pas suffisamment d’argent et il y a d’autres priorités.

Notre travail consiste à voir ce à quoi le Canada pourrait ressembler et à nous assurer que notre nature bilingue perdurera pendant les 100 prochaines années.

Je vous demande, à chacun d’entre vous, de sortir des sentiers battus et de dire ce que pourrait faire votre service ou aéroport afin de conserver notre nature bilingue.

Monsieur Rheault, je commencerai par vous.

M. Rheault : C’est une excellente question. Je vous répondrai que nous devons tenir compte de tous nos engagements. À Air Canada, par exemple, nous affectons beaucoup de ressources à la formation des employés afin d’inculquer cette culture du bilinguisme. Chaque nouvel employé reçoit sa formation dans les deux langues officielles. Nous avons conçu un module en ligne et chaque employé doit suivre cette formation.

Je comprends que nous devrions nous efforcer d’inculquer la culture bilingue et d’offrir les services qui conviennent le mieux à nos clients, mais nous devons également nous rappeler que parfois, les ressources sont limitées. Ce n’est pas une question de volonté, de dévouement ou d’engagement de la part de la ligne aérienne ou peut-être de l’aéroport; c’est qu’on n’arrive pas à trouver les employés nécessaires afin d’offrir ces services.

Oui, nous nous efforçons de recruter, mais parfois ce n’est pas possible. Je crois que la meilleure chose que nous puissions faire, c’est de continuer à miser sur la formation des employés, à rechercher les ressources bilingues, mais nous devons nous rappeler que dans certaines collectivités, il est très difficile de trouver des gens bilingues.

Vous avez mentionné le facteur coût. Il faut en tenir compte, et cela s’applique à nous autant qu’à nos partenaires, parce qu’au final, nous nous concurrençons pour offrir des services, et nous évoluons dans un marché libre où il y a de la concurrence. Une société doit en tenir compte. C’est un autre facteur pertinent.

M. O’Rourke : Je serai franc. Lorsqu’on soulève la question des coûts, c’est parfois délicat, car c’est un objectif très important. Le fait est que c’est un facteur, mais encore une fois, ce sont les ressources limitées qui entrent en jeu.

Je suis sûr que toutes les lignes aériennes de notre association aimeraient beaucoup offrir des services bilingues partout. Or, ce n’est pas possible. Je peux vous dire que la priorité, c’est le service à la clientèle, et si c’est ce qu’il faudrait pour qu’elles aient un avantage concurrentiel, elles déplaceraient des montagnes pour cela. Sans compter toutes les lois que vous pouvez adopter, les lignes aériennes et les aéroports ont un intérêt particulier d’offrir le meilleur service possible. Si cela signifie qu’il faut offrir des services bilingues, il est à espérer que cela se matérialisera.

M. Gooch : Je vous remercie de la question. J’appuie certaines observations de mon collègue de Regina. Je crois que la technologie finira par nous être très utile à cet égard. Google Traduction comporte peut-être des limites pour l’instant, mais je crois que nous nous dirigeons vers une situation où un jour, la technologie sera plus performante qu’elle l’est actuellement sur ce plan.

Les membres de notre association cherchent constamment de nouveaux outils, en particulier des outils qui les aident à offrir des services supérieurs à leurs passagers, mais il y a un équilibre à maintenir quant aux besoins auxquels il faut répondre. Nous essayons, et nous répondons aux besoins de tous nos passagers.

Je crois que nous avons un bel avenir devant nous, car à mon avis, la technologie nous aidera beaucoup.

Mme Sénécal : Comme le dit l’expression, quelle est la façon la plus rapide de se rendre à Beijing? Eh bien, ne commencez pas ici.

Nous sommes dans le secteur des transports, et nous avons de la difficulté à recruter des gens bilingues. Renforcer notre obligation n’augmentera pas le nombre de personnes bilingues. Cela doit passer tout d’abord par le domaine de l’éducation. Si l’on augmente le nombre de programmes d’immersion et d’infrastructures de services de santé, qui sont des services de base, le nombre d’employés bilingues francophones augmentera et ce sera plus facile pour nous sur le plan des embauches. Or, il est difficile pour nous, qui sommes au milieu de la chaîne, de trouver une solution, car tout commence au début de la chaîne.

La sénatrice Jaffer : Je l’ai peut-être dit de cette façon, mais ce n’était pas là mon intention. Je suis une femme d’affaires et je connais très bien la question des coûts. Je sais toujours de quoi on parle quand il s’agit des coûts, mais je voulais seulement dire que nos rôles de chef de file sont différents.

Monsieur Gooch, vous avez dit quelque chose d’extraordinaire. J’utilise tout le temps l’application d’Air Canada pour voir les heures et obtenir l’information. Par exemple, à Charlottetown, s’il n’y a pas de personne-ressource, il y a la technologie. Une borne fournit tous les renseignements en français.

J’aimerais vous donner des devoirs à faire, que vous pourrez nous envoyer par la suite. Nous ne pouvons pas faire cela à cause des coûts, mais nous avons les mêmes buts : notre pays nous tient à cœur et nous voulons mettre en évidence son caractère bilingue. Voici ce que nous pouvons faire maintenant.

Je connais très bien la marraine du projet de loi et elle ne s’oppose pas à ce que des changements y soient apportés. L’objectif de tous les membres du comité est de faire en sorte que notre pays demeure bilingue.

Mme Pasher : C’est un objectif important. Je voulais ajouter quelque chose à cet égard.

Concernant les services offerts à l’aéroport de Charlottetown, il y a un centre d’information, et il s’agit d’un beau centre ultramoderne que notre province gère. Il est ouvert sur une base saisonnière seulement, car environ 50 p. 100 des passagers sont des touristes, et nous avons du personnel bilingue. Lorsqu’il n’y a pas de personnel au centre d’information, les gens peuvent composer un numéro 1-800 pour obtenir des renseignements touristiques.

Nos commissionnaires ne parlent peut-être pas tous français, mais certains le parlent, et nous pouvons toujours assurer un certain niveau de service en français. Je ne veux pas qu’à la fin de la séance d’aujourd’hui, vous ayez l’impression que parce que notre aéroport n’est pas grand et qu’il n’accueille que 300 000 passagers, nous n’offrons pas de services en français. Nous en offrons, et nous faisons tout notre possible pour répondre aux besoins des visiteurs — qu’ils viennent du Québec ou des îles de la Madeleine —; nous leur fournissons ce service et nous en sommes très fiers.

La sénatrice Jaffer : Je veux seulement que vous sachiez que j’aime beaucoup Charlottetown. Mon fils y apprend à jouer de la cornemuse, et je connais donc très bien l’aéroport. J’ai fait des tests et il y a des gens là-bas qui parlent français. Je voulais seulement que vous voyiez qu’il y a différentes façons d’apporter la solution.

M. Graham : Si vous me le permettez, j’aimerais ajouter quelque chose. Je sais qu’on a soulevé la question des coûts. Les coûts de conversion changent en fonction des nouvelles technologies, comme l’a mentionné M. Gooch. Les nouvelles technologies aident en ce sens — et les coûts peuvent vraiment avoir un effet dissuasif et nous empêcher de progresser de certaines façons —, mais au bon moment. Par exemple, ajouter une version française sur un panneau n’entraîne pas nécessairement une hausse importante de nos coûts. D’après mon expérience, les coûts d’impression n’ont pas augmenté considérablement, mais si l’on décide de changer complètement quelque chose qui est très bon — et je me sers encore de l’exemple de la signalisation —, cela peut représenter un coût énorme pour n’importe quel établissement, y compris les aéroports.

Je veux seulement dire que je suis maintenant plus patient que lorsque j’étais dans la vingtaine ou dans la trentaine. J’ai appris qu’il est bon d’être patient. Nous pouvons alors — dans le cas de notre aéroport — faire des changements en fonction de ce que devrait être l’avenir selon nous, soit avoir un pays toujours bilingue, sans faire augmenter énormément nos coûts. Si ces changements doivent être apportés de toute façon, procédons de la bonne manière.

Ce que je veux dire, c’est que les coûts peuvent avoir un effet dissuasif parfois si l’on tente de changer complètement quelque chose qu’il n’est pas nécessaire de changer immédiatement. Je le dis sous toute réserve, mais dans les cas où il faut apporter un changement, il existe des façons de le faire, et ce, de façon efficace.

La présidente : Avant que nous commencions le second tour, j’aimerais poser une question à MM. O’Rourke et Gooch, et peut-être aussi à M. Graham.

Vous avez mentionné qu’il est difficile de trouver du personnel bilingue et les ressources humaines nécessaires. Pourriez-vous dire au comité si vous avez communiqué avec des universités, des collèges et des écoles secondaires francophones qui comptent des jeunes qui ont suivi des programmes de français ou d’immersion?

M. O’Rourke : Notre conseil ne s’occupe pas du processus d’embauche de ses membres, mais c’est peut-être un volet sur lequel nous pourrions nous pencher ultérieurement.

La présidente : Votre conseil donne-t-il des directives aux membres des équipes de communications ou de ressources humaines?

M. O’Rourke : Non, nous ne donnons pas de directives à nos membres. Nous constituons une association corporative. Nous sommes les porte-paroles de l’industrie. Nous défendons leurs intérêts. Nous ne leur donnons pas de directives, surtout pas sur les pratiques d’embauche. Nous pourrions nous pencher là-dessus si jamais nos membres nous en donnaient le mandat.

M. Schmidtke : Concernant ce qu’a dit M. O’Rourke, de façon similaire, nous ne voudrions pas vraiment nous mêler des pratiques d’embauche dans la collectivité, mais trois de nos membres se trouvent ici à ma gauche, et je suis sûr qu’ils seraient ravis de vous parler de ce qu’ils font.

M. Graham : J’en profiterai pour dire simplement que je pense qu’actuellement, moins de 15 p. 100 des membres du personnel de l’Administration de l’aéroport de Regina sont bilingues. De plus, nous surveillons de façon régulière, chaque année, le nombre de gens dans l’ensemble de l’établissement — parmi tous les vendeurs, les fournisseurs de services — qui parlent le français et d’autres langues. Nous faisons rapport sur la situation, et il m’apparaît clair que tout processus d’embauche où nous pouvons tenir compte du fait que la connaissance du français et d’autres langues est un avantage pour l’aéroport est important. En fait, les campagnes d’embauche que nous préparons pour l’été sont axées sur le multilinguisme et le bilinguisme, ce qui inclut les deux langues officielles du Canada.

Nous avons également communiqué avec une école secondaire. Il y a des finissants dans deux ou trois d’entre elles à Regina, et nous avons l’intention de voir ce qu’il en est dans leur cas. Iront-ils à l’université? Y a-t-il des possibilités d’en embaucher quelques-uns cet été? Comment favoriser cela? Voilà les mesures que nous prenons.

M. Schmidtke : Parce que le nombre de passagers que nous servons est inférieur au seuil, je ne peux pas vous dire que notre recrutement se fait dans les deux langues, mais comme je l’ai dit dans mon exposé, nous connaissons très bien les capacités linguistiques des gens qui travaillent dans notre terminal, et ils sont toujours ouverts à donner un coup de main lorsqu’ils le peuvent.

Pour ce qui est du point soulevé par la sénatrice concernant notre avenir, je considère cela comme un signal pour prendre cette liste informelle et la systématiser un peu plus de sorte que nous puissions répondre aux besoins plus rapidement qu’auparavant.

La présidente : Merci. C’est très encourageant.

[Français]

Madame Sénécal, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Sénécal : En ce qui concerne Air Canada et Jazz, chaque fois qu'il y a des campagnes de recrutement, nous communiquons avec les associations francophones de la région, dépendamment de la base d’affectation. Les gens peuvent s’abonner à notre site web, où les postes vacants sont affichés et peuvent être transmis. Lorsqu’il y a un journal pour la minorité francophone, lorsque c’est possible, dépendamment de la campagne de recrutement, nous publions l’affiche dans ce journal pour tenter de trouver du personnel.

Malheureusement, il est arrivé à plusieurs reprises que, malgré tous ces efforts, très peu de personnes bilingues aient postulé. C'est pourquoi nous devions passer au plan B, c'est-à-dire engager du personnel qui n’avait pas les qualifications linguistiques et lui faire suivre plutôt la formation de base, puis la formation pour le maintien de la langue. Il est arrivé qu’on donne la formation linguistique de base, mais que les employés ne croisent aucune personne francophone ou ne se fassent pas demander de service en français. Malgré l’offre active, ces personnes n'avaient pas l'occasion d'exercer leur français. Dans ces cas, il faut reprendre les exercices de maintien.

La sénatrice Chaput : Avant de poser mes dernières questions, qui sont assez brèves, j'aimerais réitérer que le projet de loi S-205 ne s'applique qu’aux aéroports fédéraux. Le projet de loi touche les services fédéraux et ne s'applique qu’aux aéroports fédéraux. Vingt aéroports fédéraux sont touchés par le projet de loi S-205. De ce nombre, 16 ont déjà reçu la désignation bilingue. Il n’en reste donc que quatre qui sont directement touchés, et ce sont les plus petits.

Madame Pasher, vous m'avez vraiment fait réfléchir, parce que vous avez dit quelque chose, lors de votre présentation ou dans l’une de vos réponses, que j'ai toujours prêché et que je prêche encore. Vous avez dit ce qui suit.

[Traduction]

Nous ne devrions pas chercher à adopter une approche uniforme.

[Français]

Il ne faut pas l’oublier, car vous avez entièrement raison. C'est justement ce que veut dire « égalité réelle ». L’expression a été définie par la Cour suprême. On n'a qu'à aller chercher la définition que la Cour suprême lui a donnée. « Égalité réelle » veut dire que le service est offert en fonction de la réalité et du besoin de la communauté qui le reçoit.

À titre d'exemple, les services offerts par l'Île-du-Prince-Édouard seraient différents de ceux offerts à l’aéroport de Regina. Voilà ce qu'est l’égalité réelle. C’est en fonction de ce qui existe présentement.

J'aimerais vous dire à quel point j’apprécie la discussion que nous avons aujourd'hui. Mon premier objectif était celui du débat public, car cela nous permet de comprendre encore mieux la réalité de tous ceux qui sont touchés. Un de ces jours, ce projet de loi reviendra. Si ce n'est pas moi qui le ramène, ce sera quelqu’un d’autre, car il se fonde sur un besoin réel et il est appuyé par toutes les communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada.

[Traduction]

Et il reviendra nous hanter.

[Français]

De quelle façon, je ne le sais pas, mais il va revenir, parce que des changements doivent être faits. Cela ne veut pas dire qu'il ne sera pas modifié. Vous nous avez présenté vos inquiétudes, suggestions et préoccupations.

Ma question s’adresse soit à l’Administration de l’aéroport de Charlottetown ou à celle de l’aéroport de Thunder Bay, et elle est très simple. Que faites-vous quand un voyageur unilingue francophone a besoin d'un service et en fait la demande? Comment lui offrez-vous le service? Cette situation s’est-elle déjà produite?

[Traduction]

M. Schmidtke : En ordre de priorité, nous vérifions tout d’abord si l’un de nos employés bilingues est présent ce jour-là, et si c’est le cas, il vient donner un coup de main. Si cela ne fonctionne pas, nous nous en remettons à un autre employé de l’aérogare. D’après l’expérience des cinq dernières années, c’est suffisant.

La sénatrice Chaput : Merci.

Mme Pasher : Un peu comme à Thunder Bay, lorsqu’une personne passe par un aéroport, il y a également des membres du personnel d’Air Canada — et à Charlottetown, environ 40 p. 100 d’entre eux sont bilingues —, de sorte qu’il y a toujours du personnel bilingue dans l’aérogare. Nous avons également accès à notre centre d’information lorsqu’il y a du personnel. De plus, un de nos commissionnaires est bilingue. Un si petit aéroport ne compte pas énormément d’employés.

C’est intéressant d’écouter les autres témoins parler de leurs politiques d’embauche. De notre côté, nous avons un petit nombre d’employés de bureau et de commissionnaires, et les autres membres du personnel sont embauchés par des tiers : les restaurants, les lignes aériennes et les bagagistes embauchent leur personnel, ce qui vous donne une idée des différentes parties que compte l’aéroport.

Nous servons nos clients francophones avec l’aide de nos partenaires dans le terminal.

[Français]

La sénatrice Chaput : Ma dernière question s’adresse à Air Canada. Vous avez des années d'expérience dans le domaine des services offerts dans les deux langues officielles du Canada. Quels conseils pourriez-vous donner aux nouveaux aéroports fédéraux qui pourraient un jour être désignés bilingues? Quelles seraient les trois choses les plus importantes?

M. Rheault : C'est une excellente question. Le premier conseil serait de réitérer constamment le message aux employés sur l'importance d'offrir un service bilingue.

Le deuxième conseil, comme on l'a indiqué, serait de consulter les intervenants au sein de la communauté pour trouver de la main-d'œuvre bilingue.

Mme Sénécal : Troisièmement, il faut, si possible, investir dans la technologie. On veut pouvoir offrir un service équivalent. Or, le personnel est humain. Si votre employé bilingue est malade, un matin, malheureusement, vous êtes dans l’embarras. La technologie, comme les kiosques d’aéroports, permet d'uniformiser le service dans les deux langues officielles de façon équivalente.

Nous avons plusieurs bureaux dans différentes provinces et villes. Si, parfois, nous faisons face à un manque périodique, nous utiliserons le téléphone, relié à un autre aéroport ou à un autre bureau, où une personne bilingue pourra aider. Les autorités aéroportuaires, malheureusement, sont locales. Cette possibilité n’existe donc pas.

M. Rheault : J’ajouterais un quatrième conseil. Il faut être optimiste et se concentrer sur les progrès réalisés et sur la façon dont ils se réalisent. Il est facile d'être négatif et de dire que la situation n’est pas parfaite, qu’on reçoit des plaintes et qu’il reste encore à faire. Toutefois, il faut souligner aussi les progrès. Il faut avoir une approche qui reconnaît les efforts de tous les intervenants en matière de langues officielles. J’estime que cet aspect est important.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Je veux revenir sur la question des coûts. Elle a été soulevée par ma collègue et également par la plupart d’entre vous, voire vous tous. Je sais que vos préoccupations concernant les coûts portent principalement sur le personnel bilingue, les outils de travail, et cetera. Qu’en est-il des sites web? Est-ce que le site web de vos administrations de l’aéroport respectives est bilingue? Est-ce que celui de l’Île-du-Prince-Édouard est bilingue?

Mme Pasher : Non. Si nous n’avons pas plus d’un million de passagers, il n’est pas obligatoire d’avoir un site web bilingue. Nous pourrions examiner la question. Je ne crois pas que ce serait extrêmement coûteux; c’est donc un bon point.

L’Île-du-Prince-Édouard ne comprend pas une forte population de francophones, mais je crois que c’est quelque chose que nous pouvons prendre en considération.

M. Schmidtke : Notre site web n’est pas bilingue non plus; le nombre de passagers est bien inférieur au seuil d’un million.

Le sénateur McIntyre : D’accord. Monsieur Graham?

M. Graham : J’ajouterais que, comme je l’ai dit plus tôt, notre nombre de passagers est supérieur au seuil d’un million. Nous avons, et je m’exprime avec circonspection, un site web bilingue; nous utilisons Google Traduction. En prévision des discussions que j’ai amorcées avec le Commissariat aux langues officielles, nous avons obtenu un prix pour une conversion. Le coût de la conversion sur le plan de la sécurité et du bien-être du public était d’environ 50 000 $. Nous terminerons le 15 novembre prochain ou avant.

Mme Pasher : Je retire ce que j’ai dit au sujet des coûts.

Le sénateur McIntyre : Quelqu’un d’autre veut dire quelque chose au sujet du site web?

Mme Sénécal : En ce qui concerne les services, évidemment, notre site web est bilingue. Les coûts sont assez élevés. Cela dépend du type de site web. Si son contenu est fixe, on parle d’un certain coût, mais il n’est pas élevé. Il faut mettre l’information à jour. S’il s’agit de contenu web dynamique, comme dans notre cas, les besoins de traduction sont toujours présents. Ce sont donc des coûts permanents. Pour assurer une traduction de grande qualité, il faut beaucoup de ressources.

Le sénateur McIntyre : L’utilisation de Google Traduction suffit-elle?

Mme Sénécal : Nous n’utilisons pas Google Traduction. Nous avons un effectif complet, des fournisseurs de services, et c’est par ce moyen que la traduction est effectuée. Nous n’utilisons pas Google. Nous n’en avons pas eu la possibilité. Bien que lorsque je reçois un rapport rédigé en allemand, par exemple, j’utilise parfois Google Traduction pour avoir une idée générale du contenu.

Le sénateur McIntyre : Quelqu’un d’autre utilise Google Traduction ici? Non?

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous écoute depuis le début, et je constate que vous avez tous le même problème de recrutement de personnel bilingue, que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard ou à Air Canada. Je ne crois pas qu’une loi vous permettra d’en trouverez davantage demain matin. Honnêtement, si je vous dis qu’il vous faut 100 personnes de plus, vous allez me demander de vous les trouver.

Depuis 10 ans, y a-t-il eu une amélioration du bilinguisme dans les aéroports et chez les transporteurs au Canada, ou y a-t-il eu une détérioration?

M. Rheault : Dans le cas des compagnies aériennes, nos chiffres sont en constante progression, mais il reste que c'est un défi. C'est un défi d'offrir le service dans les deux langues officielles, particulièrement dans certaines régions du pays. Comme vous le dites, tout en apportant des changements législatifs, il faut rester conscient de cette réalité démographique.

[Traduction]

M. Gooch : Je ne fais pas partie de l’organisme depuis 10 ans, mais en tant que voyageur, je peux vous dire qu’à mon avis, il y a eu une amélioration au cours des 10 dernières années. Je ne veux pas me répéter, mais la technologie y a contribué grandement.

Nous en arrivons à un point où on n’a même pas à s’adresser à un humain. On en croise un à certaines étapes entre chez soi et l’aéroport. Nous utilisons maintenant la technologie partout au pays pour l’enregistrement, de sorte qu’il n’est plus nécessaire de faire la file à un comptoir pour s’adresser à une personne; nous faisons maintenant l’enregistrement en ligne. Cela permet aux aéroports et à nos partenaires du secteur des transports aériens de fournir, de façon involontaire, si l’on veut, un meilleur service dans les deux langues officielles, grâce à la technologie. Cela ne repose pas uniquement sur le fait que la personne au comptoir est bilingue ou non. Je crois que les choses se sont améliorées.

[Français]

Le sénateur Maltais : En conclusion, je crois que la technologie à venir vous sera beaucoup plus utile et rejoindra les objectifs de la sénatrice Chaput avec le projet de loi S-205 avec le temps. Merci.

La présidente : Au nom des membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, je tiens à remercier très sincèrement tous les témoins ici présents de leur présence et de leur participation. Nous avons eu une discussion franche et ouverte des plus intéressantes. Je sais que le caractère bilingue de notre pays vous tient à cœur comme à nous tous. Le français et l'anglais sont les deux langues officielles de notre pays et, en tant que comité, nous cherchons à ce que le Canada reflète cette réalité canadienne de notre société.

Merci beaucoup à vous tous.

(La séance est levée.)


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