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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 8 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures, pour poursuivre son étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public).

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je m'appelle Claudette Tardif, je suis sénatrice de l'Alberta et présidente de ce comité. Avant de commencer nos travaux, je demanderais aux sénateurs de se présenter en commençant à ma gauche.

[Traduction]

Le sénateur McInnis : Sénateur Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Suzanne Fortin-Duplessis, de la ville de Québec.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

La présidente : Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public), qui est parrainé par la sénatrice Chaput. L'article 2 du projet de loi S-205 vise à garantir au public l'accès à des services dans la langue officielle de son choix dans les principaux centres de transport.

Nous recevons aujourd'hui des représentants de la société VIA Rail Canada. Je vous souhaite la bienvenue. Nos témoins aujourd’hui sont M. Yves Desjardins-Siciliano, président et chef de la direction, M. Laurent Caron, chef des Ressources humaines et co-champion des langues officielles, Mme Eve-Danièle Veilleux, conseillère en Relations gouvernementales et co-championne des langues officielles, et Mme Diane Desaulniers, conseillère en matière de langues officielles.

J'inviterais M. Desjardins-Siciliano à commencer sa présentation, ensuite les sénateurs vous poseront des questions.

Yves Desjardins-Siciliano, président et chef de la direction, VIA Rail Canada : Mesdames et messieurs, membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, bonsoir.

[Traduction]

Je suis heureux de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles, afin de vous parler du point de vue particulier de VIA Rail relatif à l’application de la Loi sur les langues officielles, en particulier les dispositions qui portent sur les communications avec le public et la prestation des services.

[Français]

Dans un premier temps, permettez-moi de vous rappeler qui nous sommes.

[Traduction]

VIA Rail gère, au nom du gouvernement du Canada, le seul service national de transport ferroviaire de passagers. VIA Rail est une société d’État non mandataire créée en 1977 qui offre aux Canadiens un mode de transport sûr, efficient et écoresponsable. Nous avons plus de 12 000 kilomètres de voies ferrées qui relient plus de 400 collectivités au Canada d’un océan à l’autre.

[Français]

VIA Rail dessert trois marchés. En tant qu'acteur public, la société offre des services régionaux, par exemple, de Winnipeg à Churchill, au Manitoba, de Montréal à Senneterre, au Québec, ou de Sudbury à White River, en Ontario. VIA Rail offre également deux services long parcours que sont nos trains de l'Est et de l'Ouest, nos légendaires trains l'Océan, qui effectuent la liaison entre Montréal et Halifax, et le Canadien, qui voyage de Toronto à Vancouver. Ces deux trains ont une vocation touristique, mais ils constituent également une importante alternative de transport régional. Surtout, VIA Rail gère plus de 400 départs de trains chaque semaine dans le corridor qui relie Québec à Windsor, en Ontario.

L'enjeu sur lequel se penche ce comité aujourd'hui est pour VIA Rail d'un intérêt vif et manifeste. La question est de convenir d'une référence future qui servira à établir le niveau de services dont pourront bénéficier les francophones hors Québec et les anglophones du Québec dans un contexte où, bien que leur nombre ait augmenté au fil des recensements, la taille relative de certaines communautés linguistiques en situation minoritaire au Canada est moindre par rapport à l'ensemble de la population. Comme cette représentativité se situe, dans certains cas, en deçà du taux de 5 p. 100 prévu à la loi actuelle, certaines communautés n'auraient plus accès à des services bilingues. À ce chapitre, la politique de VIA Rail en matière de langues officielles, plus spécifiquement les dispositions relatives à la partie IV de la loi, se distingue par son ouverture et sa compréhension du pays, et reflète les cultures de sécurité et de services bilingues qui prévalent au sein de notre organisation.

En voici quelques éléments clés. Depuis 1986, toute personne recrutée pour transiger avec les voyageurs et d’autres membres du public doit être bilingue au moment de l'embauche, une approche qui était largement soutenue par le commissaire aux langues officielles de l'époque. VIA Rail a ainsi fait le choix d'offrir un service à tous les Canadiens dans la langue officielle de leur choix dans ses gares, ses centres d'appel et à bord de tous ses trains, et ce, partout au pays et sans égard à la demande.

À cette époque, VIA Rail avait choisi de mettre en œuvre une telle politique de service dans le but de répondre aux impératifs de santé et de sécurité de ses passagers. La société désirait aussi offrir le service de qualité auquel les Canadiens sont en droit de s'attendre de la part de leur transporteur national. Enfin, en tant qu'acteur public et entreprise commerciale, VIA Rail est soucieuse d'offrir un niveau de service qui soit des plus attrayants par rapport aux standards internationaux en matière de tourisme.

De plus, à notre avis, une telle uniformité des services offerts au public partout au pays constitue, d'un point de vue opérationnel, une situation beaucoup plus facile à gérer. Bien que cette politique ait été contestée, la Cour fédérale, dans un jugement rendu en 2009, donnait raison à VIA Rail. Il a ainsi été reconnu que les exigences de bilinguisme de la société étaient raisonnables pour les motifs suivants.

D’abord, VIA Rail joue un rôle important dans la promotion de la dualité linguistique et du bilinguisme au Canada. La cour a souligné également la place importante que joue le système ferroviaire dans l'histoire du Canada et son statut en tant que symbole de l'identité culturelle canadienne. En troisième lieu, la société n'est pas tenue de démontrer l'existence d'une demande suffisante, soit le taux de 5 p. 100, puisqu’elle choisit d'aller au-delà des exigences minimales de la loi. Ensuite, l'objectivité des exigences linguistiques d'un poste ou de fonctions doit tenir compte des tâches à accomplir, ce qui permet d’imposer des normes plus élevées que celles qui sont établies par le Secrétariat du Conseil du Trésor, en l'occurrence, les impératifs en matière de santé et de sécurité que j’ai mentionnés plus tôt.

[Traduction]

De plus, selon la Cour suprême du Canada, VIA Rail avait raison en établissant des exigences de bilinguisme raisonnables parce que, premièrement, à ses yeux, le règlement ne fixe que des normes minimales concernant la prestation de services bilingues, et deuxièmement, le concept de « services au public », aussi garanti par l’article 20 de la Charte canadienne des droits et libertés, ne se limite pas aux « communications ».

La Cour suprême a statué que :

… ni les règlements ni Burolis ne peuvent l’emporter sur la LLO ou la Charte, ou restreindre la LLO ou la Charte, et qu’ils doivent toujours être interprétés et appliqués d’une manière conforme aux objectifs généraux du préambule de la LLO et refléter les valeurs fondamentales de la Charte et de la politique canadienne en matière de bilinguisme.

[Français]

Quant au niveau de satisfaction et d'appréciation exprimé par nos passagers à l'égard de notre offre de services bilingues, il se manifeste par le nombre peu élevé de plaintes qui ont été déposées auprès du commissaire aux langues officielles au cours des cinq dernières années. Pendant cette période, les sondages effectués chaque trimestre auprès de nos clients révèlent que ceux-ci se disent, dans une proportion de plus de 95 p. 100, satisfaits d'avoir été servis dans la langue de leur choix.

[Traduction]

En fait, au cours des cinq dernières années, le nombre de plaintes formulées contre VIA Rail venant du Commissariat aux langues officielles a varié de zéro à neuf dossiers ouverts en même temps.

Depuis le début de 2015, nous n’avons reçu aucune plainte… et je touche du bois. Il s’agit selon nous d’un fait révélateur et positif puisque nous transportons près de 4 millions de passagers chaque année. Cela témoigne en outre du fait que la prestation de services bilingues partout au Canada est une priorité de haut niveau pour la société.

De plus, dans son rapport annuel 2013-2014, le commissaire aux langues officielles a accordé à VIA Rail la cote globale A pour l’ensemble des mesures qu’elle a prises pour promouvoir les langues officielles.

[Français]

VIA Rail s'est distinguée par son rendement global exemplaire, témoignant d'un ferme engagement à se conformer à la Loi sur les langues officielles dans la plupart des domaines évalués. Le Commissariat aux langues officielles l'encourage à continuer de viser l'excellence.

[Traduction]

Le commissaire a, de plus, mentionné publiquement qu’il considérait la société comme un exemple à suivre au sein des institutions fédérales. Malgré ces bons résultats, nous ne tenons rien pour acquis. Nous sommes tous appelés à emboîter le pas à nos dirigeants et à contribuer, de différentes façons, à l’amélioration continue de nos services dans ce domaine.

[Français]

À titre de premier dirigeant de VIA Rail et d’ancien co-champion des langues officielles — avant ma nomination à titre de président, l’an dernier —, je me fais un devoir quotidien d'exercer une grande influence auprès de tous les employés de la société afin de renforcer notre culture d’acteur public qui offre des services bilingues partout au Canada.

[Traduction]

Je vous remercie sincèrement de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

La présidente : Je tiens d’abord à vous féliciter, monsieur Desjardins, ainsi que toute votre équipe, pour le travail exemplaire que vous faites afin d’offrir un service bilingue dans l’ensemble du pays. Bravo! Vous êtes réellement extraordinaires, et vous servez de modèle. Je demanderais à sénatrice Fortin-Duplessis, vice-présidente du comité, de poser la première question.

La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, monsieur Desjardins-Siciliano, je vous félicite du mémoire que vous venez de nous présenter. Comme je l’expliquais tout à l'heure à M. Caron, ce matin j’ai voyagé par VIA Rail de Sainte-Foy à Ottawa, un voyage qui est maintenant direct. Le service était excellent, et les employés parlaient les deux langues officielles.

J’aurais une courte question : appuyez-vous le projet de loi S-205?

M. Desjardins-Siciliano : Ce n’est pas vraiment mon rôle, à titre de premier dirigeant de VIA Rail, d'accorder mon appui à une loi. Mon rôle aujourd'hui est de témoigner du fait que l'objectif du projet de loi, qui est d’offrir un service bilingue à tous les Canadiens dans l’ensemble du pays, est une initiative que nous avons entamée chez VIA Rail de notre propre chef, autant pour des raisons de sécurité que de commercialisation, et pour répondre à la demande du marché. Or, c’est faisable. Nous sommes satisfaits des efforts que nous déployons, mais ce sont des efforts de tous les jours, et l'engagement de notre société s’arrime aux objectifs du projet de loi de la sénatrice Chaput.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Selon vous, de quelle manière ce projet de loi modifie-t-il les droits du public voyageur qui existent déjà?

M. Desjardins-Siciliano : Dans le cas de VIA Rail, nous ne nous limitons pas à un critère numérique arbitraire, mais en embrassant l'impératif commercial de séduire le marché, cela élimine le besoin d'arriver à un critère aussi objectif. C'est pourquoi nous plaidons en faveur du gros bon sens selon lequel si on veut favoriser un achalandage canadien, on doit s'adapter à ce marché. Le Canada étant un pays bilingue, il est tout simplement logique, du point de vue commercial, de respecter cette obligation.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Combien de voyageurs utilisent VIA Rail chaque année?

M. Desjardins-Siciliano : Près de 4 millions de personnes. En 2014, nous avons accueilli 3,8 millions de passagers.

Le sénateur Maltais : VIA Rail dépasse les obligations liées à la Charte canadienne des droits et libertés en matière de bilinguisme. On n’entend presque aucune plainte concernant le bilinguisme chez VIA Rail. C'est tout à votre honneur. Vous en êtes le nouveau président, et vous avez pris des engagements très fermes. Bravo! Vous êtes le transporteur national, comme vous le dites, et le Canada est composé de deux langues officielles.

Cependant, je crains qu'avec le projet de loi S-205 — contrairement à ce que croient certaines de mes collègues —, étant donné que vous allez plus loin que la charte dans plusieurs cas, si le projet de loi S-205 vous oblige à appliquer la charte et uniquement la charte, nous perdions des services bilingues, parce que le nombre suffisant n’y sera pas. À l’heure actuelle, vous ne tenez pas compte du nombre suffisant, qui est très peu, soit 5 p. 100. Compte tenu du nombre de kilomètres de rail que vous exploitez, c'est inexistant. Si on vous impose un objectif que vous dépassez déjà, ne s’agirait-il pas d’un retour en arrière? Est-ce votre perception?

M. Desjardins-Siciliano : Ce n'est pas notre perception. Nous sommes du même avis que la cour en ce qui concerne les deux litiges mentionnés plus tôt : VIA Rail peut aller au-delà des exigences législatives et réglementaires. C'est ce que nous faisons depuis 1985. Notre lecture du projet de loi nous le confirme. Nous allons continuer d'agir dans l'intérêt de notre marché, c'est-à-dire rendre notre offre de services la plus attrayante possible. Dans le cadre d’une offre de services mobiles comme la nôtre, il est important de s’adapter à la réalité linguistique du pays, peu importe où elle se trouve.

Le sénateur Maltais : Mais si on vous obligeait à respecter uniquement les conditions de la charte, n'y aurait-il pas un risque de retour en arrière?

M. Desjardins-Siciliano : Il faudrait obtenir une opinion juridique à cet égard, mais la disposition constitutionnelle prône le traitement égal des deux langues officielles. Humblement, sans avoir fait plus d'études, je vous dirais que cela ne m'inquiète pas pour le moment, et que nous pourrions continuer à tenir compte des deux langues officielles partout au pays, peu importe le cadre législatif ou réglementaire.

Le sénateur Maltais : Cependant, la Cour suprême a statué que la charte doit s'appliquer lorsque le nombre est suffisant. J'ai demandé à de nombreuses personnes — y compris à d'anciens juges de la Cour suprême — ce que signifie le terme « suffisant », et personne n'a été en mesure de me le dire. J’imagine que cela signifie plus d’une personne, mais personne ne s’est aventuré, pas même le commissaire aux langues officielles ni l’ancien juge Bastarache. Personne n’a été en mesure de me dire ce que signifie « suffisant ».

C'est ce que la cour stipule. Vous appliquez donc un nombre plus grand que ce que la cour stipule. Cependant, si on vous limite à l’application de la charte, le terme « suffisant » pourrait vous limiter dans votre expansion du bilinguisme. Or, c'est là ma crainte : qu’on vous limite uniquement à la charte. Je vous laisse à votre élan, continuez votre beau travail, mais je ne voudrais pas qu'on vous limite uniquement à la charte.

Le sénateur McIntyre : En tant que parlementaire, je voyage régulièrement en train pour faire le trajet entre le Nouveau-Brunswick — ma province natale — et Ottawa. À mon tour, je vous accorde de bonnes notes au chapitre de l'offre active de services dans les deux langues officielles.

Comme vous l'avez mentionné, monsieur Desjardins-Siciliano, le rapport annuel du commissaire de 2013-2014 a parlé du rendement global exemplaire de VIA Rail et de son ferme engagement à se conformer à la Loi sur les langues officielles. Les obligations linguistiques diffèrent-elles d'une gare à l'autre, d'un trajet à l'autre? Si oui, pourquoi en est-il ainsi?

M. Desjardins-Siciliano : L'obligation est la même dans tout le réseau, autant en ce qui concerne les trajets de train que les gares et les centres d'appel. L'offre de services de VIA Rail est bilingue, que vous soyez à bord d'un train ou dans une gare, ou que vous appeliez à l’un de nos deux centres d'appel, dont l’un est situé à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McIntyre : La gare de Kingston a récemment été désignée bilingue. Quels sont les effets de cette désignation sur les ressources financières et humaines nécessaires pour offrir les services dans les deux langues officielles à la gare de Kingston? Autrement dit, avez-vous eu besoin d'embaucher du personnel bilingue, de prévoir des outils de travail bilingues, d'offrir un site web bilingue, et cetera?

M. Desjardins-Siciliano : La désignation de la gare de Kingston n'a rien changé à ses opérations. La mesure n’a fait que confirmer ce qui était déjà en place par rapport aux opérations bilingues. La désignation a été faite après la mise en œuvre de notre politique de bilinguisme dans l’ensemble du réseau. Quant au site web ou à la présence web de VIA Rail, tous les éléments de la présence virtuelle de VIA Rail sont bilingues également.

Le sénateur McIntyre : Comme vous l'avez mentionné, votre institution n'a pas fait l'objet de plaintes au Commissariat aux langues officielles à l'égard de la mise en œuvre de la partie IV de la Loi sur les langues officielles, du moins, pas cette année. Avez-vous fait l’objet de plaintes par le passé?

M. Desjardins-Siciliano : Oui, il nous est arrivé de recevoir des plaintes, et nous avons rapidement corrigé la situation, selon l'évaluation du commissaire chargé des plaintes. Nous avons répondu aux plaintes avec célérité et diligence. VIA Rail se démarque par sa façon rapide et diligente de traiter les plaintes. Le plus souvent, les plaintes découlent de conséquences imprévues, notamment l’application de règles ou de modifications apportées aux procédures, aux sites web ou à d’autres éléments mécaniques. Donc, nous corrigeons immédiatement le tir. Nous n’avons jamais reçu de plaintes liées aux politiques délibérées de VIA Rail selon lesquelles la société ne respectait pas les objectifs de la loi.

La sénatrice Chaput : Pour commencer, j'aimerais réitérer ce que notre présidente a dit au début de la réunion. Je tiens à vous féliciter et à vous dire à quel point il est extraordinaire d'entendre des représentants d'organismes comme le vôtre nous dire qu'ils vont au-delà de la loi pour le bien-être de leur entreprise et pour toutes sortes d’autres raisons, ce que vous faites aussi par conviction. C'est vraiment exceptionnel. Je vous en félicite. Vous êtes un modèle pour bien d'autres organismes.

Vous avez mentionné, monsieur Desjardins-Siciliano, que vos décisions d’affaires et tout ce qu’elles comportent exigent que vous jouiez, de toute évidence, un rôle d’impulsion, que vos dirigeants reconnaissent l’importance de la dualité linguistique au Canada et qu’ils déploient tous les efforts possibles pour que ces mesures se concrétisent. Il s’agit d’un engagement spécial, et je vous en remercie.

En toute franchise, le projet de loi S-205 n’est pas nécessaire dans votre cas. Vous allez déjà au-delà de ce texte de loi. Je suis la marraine de ce projet de loi et, si je l'ai déposé, c'est que j'y crois. De nombreux organismes tiennent à ce projet de loi afin que les communautés de langue officielle en situation minoritaire reçoivent des services dans leur langue partout au Canada. Malheureusement, dans bien des cas, ces communautés reçoivent le minimum des services offerts. VIA Rail offre le maximum des services en dépassant les exigences de la législation. J'aurai une autre question à vous poser tout à l'heure.

J'ai beaucoup d'amitié et de respect pour tous mes collègues, et j'ai demandé au Sénat du Canada que le Comité sénatorial permanent des langues officielles tienne un débat public sur le projet de loi S-205. C'est ce que nous faisons maintenant, et j'en suis très reconnaissante. J’apprécie les commentaires de mes collègues, y compris ceux de l’honorable sénateur Dagenais, même si nous ne sommes pas toujours d'accord. L’important, c’est le dialogue et la discussion. Par la suite, nous verrons ce qui en découlera. Je ne suis ni avocate ni constitutionnaliste, mais je ne suis pas convaincue que la charte est limitative. Je crois que c'est l'inverse, mais c'est là une autre question.

J’aimerais savoir de quel type de personnes-ressources vous disposez à l’heure actuelle pour servir les voyageurs francophones qui fréquentent les gares de Saskatoon, de Guelph et de Brantford. Y a-t-il des personnes-ressources pour les voyageurs francophones dans ces gares?

M. Desjardins-Siciliano : Dans chacun de nos trains et chacune de nos gares, nous disposons d’une personne-ressource bilingue. S’il arrivait qu’elle ne soit pas disponible pour quelque raison que ce soit, la consigne qui est appliquée dans nos gares est de mettre le client en contact avec un agent du centre d'appels de VIA Rail de sorte qu’il puisse recevoir des services dans sa langue, de la même façon qu’il en recevrait si l’agent se trouvait sur place. Habituellement, il y a toujours un membre du personnel à la gare qui est bilingue. Si cette personne bilingue est absente et qu’aucun membre du personnel ne parle dans l'autre langue officielle, nous communiquons immédiatement avec le centre d’appels pour s’assurer que le client recevra les services dans sa langue.

La sénatrice Chaput : L’offre de services diffère-t-elle d’un endroit à l’autre, par exemple pour les voyageurs qui arrivent dans l'une des 17 autres gares qui sont déjà désignées bilingues? Y a-t-il une différence?

M. Desjardins-Siciliano : Non. Toutes les gares disposent de personnel bilingue. Je ne faisais qu’apporter une précision lorsqu’une personne-ressource est absente. En règle générale, il y a au moins un agent bilingue sur place dans toutes les gares.

La sénatrice Chaput : Selon le dernier exercice de recensement national, la gare de Kingston, en Ontario, a été désignée bilingue. Elle ne l’était pas auparavant. Avez-vous dû apporter des changements au sein de cette gare afin de respecter les exigences? Ou bien, le faisiez-vous déjà, puisque vous excédez les exigences prévues par la loi?

M. Desjardins-Siciliano : C’est exact. La désignation bilingue de la gare de Kingston n'a rien changé aux pratiques de VIA Rail, qui dépassaient déjà les exigences liées à la désignation bilingue.

La sénatrice Chaput : Y a-t-il eu des coûts supplémentaires depuis qu'elle est désignée officiellement bilingue?

M. Desjardins-Siciliano : Pas du tout.

La sénatrice Chaput : De plus, aucune transition n’a été nécessaire, compte tenu du fait que cette consigne était déjà en place.

M. Desjardins-Siciliano : C’est exact.

La sénatrice Chaput : Je suis bouche bée. Je n’ai pas l'habitude d’entendre de telles nouvelles. C’est excellent, et je vous remercie.

M. Desjardins-Siciliano : Je vous remercie de vos gentilles paroles à l'égard de VIA Rail. S'il vous est favorable d’entendre les pratiques mises en place chez VIA Rail, sachez que c’est un honneur pour VIA Rail d’entendre la sénatrice Chaput, du Manitoba, s'exprimer en français; nous semons ce que nous récoltons. Comme la sénatrice Seidman, de Montréal, c'est le microcosme du Canada. Or, monter dans un train de VIA Rail, c'est vivre une expérience canadienne. C'est dans cet esprit que nous voulons rejoindre tous les Canadiens pour répondre à notre défi premier, soit celui de convaincre les Canadiens de voyager à bord de leur train national.

Comment pourrions-nous nous aliéner 23 ou 24 p. 100 de la population canadienne, si nous tenons vraiment à répondre à ses besoins? Il s’agit d’un défi commercial auquel nous faisons face en tenant compte des origines linguistiques des deux cultures canadiennes.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Oui, en effet, monter à bord d’un train de VIA, c’est vivre l’expérience canadienne; vous avez entièrement raison. Je l’ai fait très souvent.

Monsieur Desjardins-Siciliano, quels défis particuliers a dû relever VIA en cours de route pour réussir à mettre en place un service aussi exemplaire? Pourriez-vous nous dire en particulier si ces défis ont été différents au Québec pour offrir aux anglophones le même service qui est offert aux francophones dans le reste du Canada?

M. Desjardins-Siciliano : J’ai été nommé président en mai l’an dernier. Auparavant, j’étais chef des services juridiques et cochampion des langues officielles depuis 2010. Je ne suis donc en poste à VIA que depuis cinq ans, mais j’ai lu les mémoires précédents et je vais demander à mes collègues de me corriger si j’ai tort.

En 1985, la poursuite qui nous a menés devant la Cour fédérale, puis devant la Cour suprême, a été entamée par des employés de VIA Rail dans l’Ouest qui considéraient que VIA faisait de la discrimination en exigeant de ses directeurs des services qu’ils soient bilingues sur le train Le Canadien entre Vancouver et Toronto. C’est dans cette cause que la cour a statué qu’il était raisonnable pour VIA d’exiger le bilinguisme, d’abord et avant tout, pour des raisons de sécurité, afin d’être en mesure d’offrir aide et soutien aux passagers et au public en cas d’accident, mais aussi parce que l’environnement commercial dans lequel évolue VIA Rail exige — ce qui n’est pas le cas pour d’autres institutions fédérales — qu’elle convainque son public cible que les services qu’elle offre répondent à leurs besoins.

La cour considérait, tout comme la direction de VIA Rail à l’époque, qu’il était normal, pour attirer un grand nombre de Canadiens et pour montrer au monde entier en quoi consistait l’expérience canadienne à bord d’un train touristique comme Le Canadien, d’exiger le bilinguisme pour le poste de directeur des services, puisqu’il s’agit de la personne qui dirige le service à la clientèle lorsque le train se déplace d’un bout à l’autre du pays.

C’est la cause qui a fait jurisprudence, si on veut, mais elle a été présentée, comme je l’ai mentionné, dans l’Ouest. Je ne sais pas s’il y a d’autres causes que j’ai pu oublier.

Cette exigence de bilinguisme pour nos directeurs des services à bord des trains fait partie des conventions collectives. C’est une pratique de la gestion qui, pour des impératifs commerciaux et de sécurité, a fait son chemin pour devenir une disposition négociée dans les conventions collectives.

La sénatrice Seidman : Vous avez mené de grandes batailles devant les tribunaux, en effet, et je vous remercie de nous en avoir fourni l’essentiel.

Quels défis — j’entends ici des défis autres que légaux — avez-vous eu à relever, et quelles pratiques particulières VIA Rail a-t-elle dû mettre en place pour aller au-delà des exigences en matière de services bilingues? Les défis étaient-ils différents selon les régions du pays?

M. Desjardins-Siciliano : Je vais demander encore une fois à mes collègues de me corriger au besoin, mais je ne crois pas que les défis étaient différents d’une région à l’autre.

VIA Rail est un excellent employeur, si bien que le recrutement n’a jamais été un problème. Nous souhaitons que cela demeure ainsi, car nous nous apprêtons à renouveler près de 50 p. 100 de notre effectif au cours des cinq prochaines années.

Du point de vue de la dotation, cela n’a pas été un problème. Du point de vue de la prestation des services, une fois que l’orientation est donnée, soit des services bilingues, tout le reste en découle. En 2012, par exemple, lorsque nous avons décidé d’offrir des divertissements à bord pour les passagers, soit des vidéos sur leurs iPad, leurs ordinateurs personnels ou leurs appareils intelligents, nous avions des choix à faire en termes de contenu et de langues. Nous avons donc décidé, tout d’abord, d’offrir du contenu exclusivement canadien de la SRC et de l’Office national du film, et bientôt, nous aurons des coproductions de Téléfilm Canada.

Nous avons également décidé, en ce qui avait trait au nombre d’heures, que l’offre serait la même en anglais et en français, et que les offres du NFB, de l'Office national du film, de la CBC et de la Société Radio-Canada se correspondraient, et qu’il en irait de même des autres productions. La semaine dernière, nous avons affiché les vignettes du gouverneur général, et encore une fois, il y a un équilibre entre le français et l’anglais.

Quand on établit les normes et qu’elles reposent sur la réalité commerciale de vouloir attirer des passagers, le reste en découle. Et comme je l’ai mentionné dans mon introduction, c’est une bataille de tous les jours, parce qu’il est facile de baisser la garde et de laisser d’autres pratiques s’implanter, mais nous n’avons pas eu d’autre défi à relever à part celui très important de 1985.

La sénatrice Seidman : Ce que vous dites essentiellement, c’est qu’il s’agit d’une philosophie d’existence et donc d’une culture au sein de la compagnie.

M. Desjardins-Siciliano : C’est exact, et comme je l’ai mentionné, cela découle d’une préoccupation liée à la sécurité en cas de problème ou d’accident, mais aussi du défi particulier que doit relever VIA Rail comme société d’État, et que d’autres sociétés d’État n’ont pas, c’est-à-dire de convaincre les passagers d’utiliser ses services. D’un point de vue commercial, il faut donc tenir compte de l’ensemble de nos passagers potentiels, soit des francophones et des anglophones partout au pays, et du fait que nous voulons les voir monter à bord de nos trains plutôt que dans leurs voitures.

La sénatrice Seidman : Très bien. Je comprends tout à fait. Merci beaucoup.

[Français]

La présidente : Avant de passer au deuxième tour, j'aimerais poser une question complémentaire à celle de la sénatrice Seidman.

Certains témoins nous ont indiqué que le recrutement de personnel bilingue était difficile pour eux. Vous ne semblez pas connaître cette difficulté. Est-ce le cas? Et sinon, pourquoi?

Laurent F. Caron, chef, Ressources humaines, et co-champion des langues officielles, VIA Rail Canada : C’est un plaisir pour moi de répondre à la question. En fait, nous faisons la promotion de VIA Rail dans des foires d'emplois partout au Canada. Nous cherchons à recruter du personnel bilingue pour pourvoir tous nos postes d'entrée, et nous réussissons très bien à le faire. Ce n'est pas nécessairement plus difficile. Nous cherchons des gens de talent, c'est toujours la quête, mais dans notre cas, nous recherchons des gens de talent bilingues et, bon an mal an, nous réussissons toujours à pourvoir les postes bilingues.

La présidente : En Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, il n'y a pas de problème?

M. Caron : Il n’y a pas de problème. Nous en embauchons à Winnipeg surtout; et à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Ce sont les endroits où nous embauchons le plus d'employés. Chaque année, nous réussissons à pourvoir nos postes sans trop de difficulté.

[Traduction]

Le sénateur McInnis : Merci beaucoup. Je suis nouveau au comité. Je remplace un autre membre. J’ai été surpris et certainement très heureux de votre exposé et de tout ce que vous faites pour promouvoir le bilinguisme.

Vous avez commencé par dire qu’en 1986, les employés que vous embauchiez devaient être bilingues, ce dont on peut vous féliciter. Ce qui m’étonne toutefois, c’est qu’il y a eu une contestation judiciaire en 2009, soit de nombreuses années plus tard, par le syndicat de l’époque, je crois, et c’est ce qui a donné lieu à une décision de la Cour fédérale en votre faveur, puis la cause a été entendue par la Cour suprême. Je crois comprendre que c’est venu de leur part, pas de la vôtre.

Il est surprenant que cela ait pris autant de temps, qu’on ait attendu jusqu’en 2009, à un moment où le bilinguisme était accepté partout au pays, et qu’on ait décidé des années plus tard de soumettre la question à la cour.

L’autre partie de ma question concerne le fait que la Cour suprême a mentionné que selon VIA Rail, ce que prévoit le règlement, ce sont des normes minimales pour la prestation de services bilingues.

Pourriez-vous nous expliquer cela, également?

M. Desjardins-Siciliano : Comme je l’ai mentionné dans mon exposé, nous étions d’avis que tout repose sur la Constitution, sur le traitement égal des deux langues officielles, et que tout ce qui est au-delà est acceptable. Ainsi, la mesure du 5 p. 100, qui était fixée alors, était donnée à titre indicatif, mais rien ne nous empêchait de la dépasser.

C’était notre point de vue, et la cour nous a donné raison sur ce point. C’est pourquoi nous avons misé sur cette stratégie, comme Laurent l’a mentionné, soit de continuer à embaucher des employés bilingues et de veiller à ce que nos services, qu’il s’agisse de divertissements à bord, ou d’information à l’intention des passagers sur les billets, dans les stations, dans les trains ou au téléphone, soient toujours offerts dans les deux langues officielles.

Le sénateur McInnis : Mais près d’un quart de siècle plus tard, le tout a abouti devant les tribunaux.

M. Desjardins-Siciliano : Oui. Eh bien, la justice prend du temps, parfois, n’est-ce pas?

Le sénateur McInnis : Non, les avocats sont relativement rapides.

Merci, madame la présidente.

[Français]

La présidente : Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Desjardins-Siciliano : Non, ça va.

La sénatrice Chaput : Je tiens à répéter à quel point j'apprécie ce débat public au sein du comité. Ce que la sénatrice Seidman a dit m’a vraiment frappée.

Il s’agit d’une question de culture au sein de l’organisation en ce qui concerne l'engagement envers la dualité linguistique au Canada et sa reconnaissance. Offrir des services dans les deux langues officielles représente des avantages sur le plan économique. Il s’agit d’un avantage économique. Il faut le répéter plus souvent pour faire comprendre à notre gouvernement que le respect de la dualité linguistique représente des avantages économiques. Elle dynamise l'économie du pays.

En ce qui concerne la charte, j'ai mentionné plus tôt que je ne croyais pas que la charte limitait les services. La charte n'exige pas que les services soient offerts partout, mais elle précise là où ils devraient être fournis. Cependant, l'interprétation de la charte est large et non limitative. Elle n'enlève pas de services; au contraire, elle est ouverte à ce que des organismes comme le vôtre en offrent davantage, si c’est ce qu’ils souhaitent. En général, les services sont plutôt offerts au minimum plutôt qu’au maximum, comme vous le faites.

Je ne sais pas si vous serez en mesure de répondre à ma question, mais je trouvais qu’il était important de vous la poser. Comment peut-on arriver à convaincre les institutions fédérales qui sont mentionnées dans le projet de loi S-205 à envisager sérieusement l'offre des services dans les deux langues officielles partout au Canada? Comment pouvons-nous les sensibiliser à l'importance d’aller au-delà de ce qu’exige la loi, contrairement à ce qui se fait en ce moment?

Le projet de loi S-205 existe, par la force des choses, parce que nous sommes très limités. Les critères de la francophonie aux quatre coins du Canada ne représentent pas la réalité de 2015, celle de mes enfants et de mes petits-enfants. Ce n'est plus la même réalité qu’auparavant. Cela signifie que nous n’offrons des services qu’en fonction des chiffres. Si la définition n'est pas la bonne, nous sommes perdants. Nous sommes perdants à tous les points de vue lorsque nous appartenons à une communauté de langue officielle en milieu minoritaire.

Vous êtes un modèle tellement important. Quels arguments pourrions-nous utiliser pour convaincre les autres institutions fédérales que le minimum n’est pas toujours suffisant et qu’elles pourraient se dépasser un peu? Je ne leur demande pas d’aller au-delà du maximum, comme vous le faites. Quels arguments seraient convaincants? Honnêtement, je n’ai plus d’arguments.

M. Desjardins-Siciliano : Sénatrice, je reconnais qu’il s’agit d’un défi de taille et que ces changements prennent du temps. C'est un combat de tous les jours. Il m’est impossible de conseiller mes collègues sur la façon de saisir les occasions qui se présentent autrement qu’en leur disant de s’ouvrir au marché qui est disponible et de tirer profit des occasions commerciales.

VIA Rail est une agence gouvernementale du Canada. Il lui est donc plus facile de poursuivre des idéaux supérieurs et de grande envergure, que de se limiter à des impératifs strictement commerciaux et financiers. C'est pour cette raison qu'être le P.D.G. d'une société d'État du gouvernement du Canada est un grand honneur. Il s’agit non seulement d’atteindre une rentabilité financière et une fiabilité opérationnelle, mais de viser également les idéaux que le gouvernement et les législateurs fixent pour notre pays. C’est à ce service que nous nous livrons tous les jours.

Je ne peux convaincre mes concurrents ou mes collègues d'autres entreprises autrement qu’en leur disant que nous croyons que cela représente des avantages sur les plans commercial et financier, et que nos mesures correspondent à la poursuite des idéaux canadiens.

La sénatrice Chaput : Je vous remercie. C'est une réponse qui est très juste.

Le sénateur Maltais : Monsieur Caron, pourriez-vous envoyer votre recette de recrutement de personnel bilingue à Air Canada et au Conseil des aéroports du Canada? Ils ont un problème majeur. C'est une catastrophe pour eux, ils en font une dépression nerveuse et ne savent plus quoi inventer.

Monsieur Desjardins-Siciliano, j’ai une toute dernière question à vous poser, sur la sécurité. Depuis deux ou trois ans, des incidents se produisent à peu près partout dans le monde, en avion, en bateau, et même au Parlement. Avez-vous pris des mesures ou êtes-vous en voie de le faire en ce qui concerne les mesures de sécurité qui étaient déjà en place il y a cinq ans? Je n'ai pas la compétence de mon collègue qui prend le train toutes les semaines. Je ne vais pas à la gare. Avez-vous des mesures de sécurité qui sont à jour, et qui vous permettraient de prévenir des incidents avant l'embarquement?

M. Desjardins-Siciliano : Vous voulez que je réponde à votre question?

La présidente : Elle ne se situe pas nécessairement dans le contexte de la présente étude, mais c’est à vous de juger, monsieur Desjardins-Siciliano.

M. Desjardins-Siciliano : Je vais répondre, puisque c’est un sujet d'importance pour tous les Canadiens et les passagers.

VIA Rail a toujours appliqué des mesures de sécurité dans le cadre de ses opérations ferroviaires. En raison des événements survenus au cours des dernières années, nous avons examiné nos mesures. D’ailleurs, nous en avons ajouté afin de faciliter la détection et d’assurer la prévention et la vigilance de nos opérations. Nous sommes persuadés que, dans un combat de tous les jours, les mesures prises à ce jour sont bonifiées par rapport à ce qu'elles étaient auparavant. Nous nous assurons de ne pas nuire à l'expérience du client et de maintenir la liberté de mouvement et de mobilité que les Canadiens ont toujours connue en ce pays tout en étant conscients qu’ils se retrouvent dans un environnement de sécurité différent de ce qu'il était par le passé.

À titre d’exemple, jusqu'à tout récemment, les directeurs de sécurité de VIA Rail étaient des employés de chemin de fer qui, avec le temps, développaient des compétences et étaient promus à ce poste. Il y a deux mois, nous avons engagé un ancien directeur adjoint de la police de Montréal à titre de nouveau directeur de la sécurité. Ce dernier possède 25 ans d'expérience au sein d’un service de police, dans le domaine du renseignement et des réseaux de services de renseignement et de police, non seulement au Québec et au Canada, mais partout dans le monde.

Donc, ne serait-ce que ce niveau d'expertise additionnel, qui est nouveau à VIA Rail, il dénote à quel point nous prenons au sérieux la question de la sécurité de nos passagers, de notre personnel à bord et, évidemment, du public.

Le sénateur Maltais : Pour terminer, madame la présidente, je présume que les renseignements qui sont transmis aux passagers le sont dans les deux langues officielles?

M. Desjardins-Siciliano : Toujours.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Mon collègue a parlé de sécurité, et vous avez répondu que vous aviez engagé le chef de police de Montréal.

M. Desjardins-Siciliano : Non. L'ancien directeur adjoint de la police.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Y a-t-il une personne à bord du train, par exemple lors du déplacement Québec-Ottawa, qui est chargée de la sécurité?

M. Desjardins-Siciliano : En ce qui concerne les questions de sécurité, vous comprendrez qu’il est important d’appliquer ces mesures avec discrétion de manière à déranger le moins possible les passagers. Je ne vous dirai pas comment nous menons nos mesures de sécurité. Le scénario que vous venez d’évoquer est une situation qui arrive de temps à autre. Je n’entrerai pas dans les détails sur la façon dont nous déployons nos personnes-ressources en matière de sécurité.

La sénatrice Fortin-Duplessis : J'avais entendu dire qu’il n’y avait pas de mesures de sécurité à bord des trains de VIA Rail. Je sais que ce n'est pas le sujet de la réunion d’aujourd'hui, mais est-ce vrai ou est-ce faux?

M. Desjardins-Siciliano : Si on vous a dit qu’à bord des trains de VIA Rail, il n'y a jamais d'agents de sécurité, c'est faux.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Mais y en a-t-il sur tous les trains lors de tous les déplacements?

La présidente : Il faudrait revenir à notre sujet, sénatrice.

La sénatrice Fortin-Duplessis : D’accord. Y a-t-il des gares désignées unilingues?

M. Desjardins-Siciliano : Non. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, tous nos trains, toutes nos gares, tous les services de notre centre d'appels et notre présence sur le Web sont bilingues, pour des raisons de sécurité et de commercialisation, et aussi pour préserver l'image de marque de VIA Rail : VIA Rail pour tous les Canadiens.

La sénatrice Chaput : J’ai une question de clarification pour faire suite à celle de la sénatrice Fortin-Duplessis. Toutes les gares offrent des services dans les deux langues officielles, mais toutes les gares ne sont pas officiellement désignées bilingues, n'est-ce pas?

M. Desjardins-Siciliano : Exactement. Si vous regardez le registre Burolis, vous verrez qu'il y a des gares désignées bilingues, telles que celle de Kingston. Certaines gares sont désignées unilingues, mais cela n'empêche pas la prestation de services dans les deux langues. La désignation, c'est la désignation réglementaire en raison de l'application du règlement, mais aux fins de la prestation des services de VIA Rail, dans toutes nos gares, nos trains, nos centres d'appels et sur le Web, nos services sont offerts dans les deux langues officielles du Canada.

La présidente : Certains témoins nous ont indiqué que des coûts additionnels étaient liés à la mise en œuvre d'une offre active de services en français; est-ce le cas chez vous?

M. Desjardins-Siciliano : S'il y a des coûts additionnels, ils ne sont pas départagés du reste des frais d'exploitation. Pourvoir un poste avec un employé bilingue est-il plus difficile qu’avec un employé unilingue? Possiblement, dans certains cas. Cependant, ce n'est pas départagé de façon à ce que je puisse vous dire que cela nous coûte tant de plus pour opérer de façon bilingue. À notre avis, s'il y a un coût supplémentaire, il n'est pas départagé et il doit être marginal.

Comme le mentionnait la sénatrice plus tôt, c'est une question de culture d'entreprise, de la valeur de la marque. Étant le porte-étendard du gouvernement du Canada, pour nous, cela fait partie de notre rôle visant à offrir un service de transport aux Canadiens, par les Canadiens, par leur gouvernement. Bref, je ne pourrais pas vous confirmer que cela occasionne des coûts supplémentaires.

La présidente : Je tiens à vous remercier très sincèrement, au nom des membres du comité, pour votre présence ici, aujourd'hui, et surtout pour votre engagement, votre vision et pour le rôle d’impulsion que vous jouez afin que VIA Rail Canada soit réellement un symbole vivant de l'identité canadienne.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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