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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 15 - Témoignages du 19 février 2015


OTTAWA, le jeudi 19 février 2015

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, afin de procéder à l'étude article par article du projet de loi et d'étudier, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie.

La sénatrice Salma Ataullahjan (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Bonjour à tous. Ce matin, nous allons mener l'étude article par article du projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique. Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi?

Des voix : Oui.

La sénatrice Andreychuk : Avant que nous ne débutions, j'aimerais formuler quelques observations et obtenir, du moins je l'espère, l'assentiment du comité.

Tout d'abord, je tiens à remercier le sénateur Cowan. À mon avis, la question qui nous occupe est l'une des plus déterminantes auxquelles tout gouvernement aura affaire dans le domaine des politiques sociales. Je pense que les gouvernements sont déjà en présence d'un certain nombre d'enjeux nouveaux et récents, mais les questions liées à l'ADN sont en constante évolution et font partie de celles auxquelles nous prêtons tous attention. Ce domaine aura probablement des répercussions, d'une façon ou d'une autre, sur chacun d'entre nous. Nous ne connaissons pas encore tout à fait la portée de ces répercussions, nous ne savons pas comment les gouvernements emploieront les percées faites dans ce domaine, et cetera. J'estime donc qu'il est extrêmement important que nous engagions un dialogue là-dessus.

Si je me rappelle bien les témoignages que nous avons entendus et les commentaires que le sénateur Cowan a formulés devant la chambre, la préoccupation tient au fait de veiller à ce que les renseignements liés à l'ADN ne soient pas utilisés — surtout par les compagnies d'assurance — de manière discriminatoire. Il s'agit d'un objectif très louable, et il se trouve que j'y adhère.

Le hic, c'est que, au moment de passer en revue tous les témoignages, j'ai constaté que la question qui revenait sans cesse — et que nous devrons examiner — était celle de la validité constitutionnelle du projet de loi. Il est possible que cette validité soit liée à la question de la discrimination, de sorte que je ne remets pas en question le volet relatif à l'emploi, lequel, si je ne m'abuse, relève de la compétence fédérale. Toutefois, si le problème tient à la réglementation des compagnies d'assurance, je mentionnerai que l'unique témoignage qui a été présenté directement au comité sur cette question était celui du vice-doyen de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, qui a mentionné que, à son avis, le projet de loi portait essentiellement sur la réglementation des contrats. Dans un tel cas, la question clé est celle de l'assurance, laquelle relève des autorités provinciales.

D'aucuns ont soulevé la question de la constitutionnalité, mais ils n'ont pas véritablement présenté d'éléments probants ou d'avis juridiques à ce sujet. Ils se sont bornés à dire que la validité constitutionnelle pourrait poser un problème. Ainsi, la question de la constitutionnalité m'indispose beaucoup, mais l'objet et l'intention ne me posent aucun problème. Je crois que les raisons qui ont mené le sénateur Cowan à déposer le projet de loi sont très louables.

En l'occurrence, nous avons la responsabilité non seulement d'aider les gens à solliciter et à obtenir les mesures de protection qu'ils souhaitent en ce qui a trait à l'ADN et à son utilisation par les autorités, mais également de veiller à ce que le projet de loi soit constitutionnel. Le seul témoignage qui nous a été présenté directement à ce sujet était celui du doyen Thibault, qui a affirmé que la réglementation était de ressort non pas fédéral, mais provincial.

Au sein du Sénat, au moment d'examiner les projets de loi, nous nous assurons — contrairement à ce qui se passe à la Chambre, comme nous l'avons souvent mentionné — qu'ils peuvent être mis en application, et nous en sommes très fiers. En l'occurrence, je ne voudrais pas qu'une personne soit traînée devant les tribunaux par une compagnie d'assurance et qu'elle doive subir toutes les souffrances et tous les coûts qui découlent d'une telle procédure et que, au bout du compte, il soit conclu que, en dépit du bien-fondé de son objet, le projet de loi est anticonstitutionnel.

Avant de présenter une motion, j'aimerais formuler un commentaire à propos duquel nous pourrions avoir une discussion. Je souhaite que nous mettions tout cela en suspens et que nous indiquions au greffier que nous voulons à tout le moins prendre contact avec les provinces afin de prendre connaissance de leur position sur la question. Quelques témoins ont laissé entendre devant nous que les provinces s'attendaient à ce que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership. Je ne conteste pas cela. Si c'est ce qu'on leur a dit, s'ils croient qu'il ne s'agirait pas d'une ingérence, j'aimerais entendre cela. J'estime qu'il nous incombe de chercher à obtenir la contribution des provinces sur une question d'une importance si fondamentale pour l'avenir.

Nous étudions le projet de loi depuis un certain temps. À mon avis, le fait de reporter l'étude article par article afin de donner l'occasion aux provinces de formuler des commentaires serait la mesure responsable à prendre. Je ne pense pas que nous devrions leur permettre de réfléchir éternellement sur cette question. Je suggère que nous leur accordions environ 30 jours à cette fin. Si les provinces ne répondent pas à notre appel, nous pourrons déduire quelque chose de cela; si elles nous fournissent une réponse favorable, je crois que nous pourrons conclure que l'ensemble du pays souhaite que nous allions de l'avant. Cela serait très important et très instructif pour les tribunaux dans l'avenir, vu qu'ils prennent nos opinions en considération. Le sénateur Joyal nous rappelle constamment que les tribunaux tiennent compte des travaux du Sénat parce qu'il s'est comporté de façon responsable.

Je ne suis pas certaine de la procédure exacte, mais je crois que, si je présente maintenant ma motion, nous devrons mettre la question aux voix ou trouver un consensus. Toutefois, avant cela, j'aimerais entendre d'autres opinions.

Le sénateur Cowan : Merci, sénatrice Andreychuk. Je vous suis reconnaissant d'adhérer au principe selon lequel nous devons traiter de cette question.

J'ai déposé le projet de loi une première fois au Sénat en avril 2013. Depuis ce temps-là, les choses ont traîné, si je peux m'exprimer ainsi, et j'ai dû déposer de nouveau le projet de loi après la prorogation. Il est resté sur les tablettes au Sénat. Le gouvernement a refusé qu'il soit déposé, jusqu'à ce qu'il décide de le confier d'abord au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, en juin dernier, si je ne m'abuse.

Les provinces sont bien au fait de cette question et du projet de loi. Aucune d'elles ne m'a fait part d'une quelconque préoccupation. Aucune d'elles n'a exprimé le souhait de se présenter ici pour signifier son opposition au projet de loi ou formuler une quelconque préoccupation d'ordre constitutionnel. Je pense que le témoignage auquel vous avez fait allusion est celui de Mme Heim-Myers, qui s'est rendue dans toutes les régions du pays pour traiter de cette question et discuter avec les autorités provinciales, et ce qu'elle nous a dit — et ses propos n'ont pas été contestés —, c'est que, dans ce domaine, les provinces s'attendent à ce que le gouvernement fédéral prenne les choses en main. Il est fort possible que certaines provinces souhaitent adopter des dispositions législatives complémentaires, comme certaines administrations l'ont fait aux États-Unis. Cela dit, selon les témoignages qui nous ont été présentés, les provinces s'attendent à ce que le gouvernement fédéral fasse office de chef de file. Les provinces qui souhaitaient se manifester et exprimer leur point de vue ont eu amplement l'occasion de le faire.

Je ne suis pas d'accord pour dire que le projet de loi porte essentiellement sur la question de l'assurance, qui n'est mentionnée qu'à un seul endroit, à savoir l'article 6. L'ajout de cette disposition constituait une mesure de protection — de nature raisonnable, à mon avis — faisant suite à des préoccupations qu'avaient formulées des membres du secteur de l'assurance que j'ai rencontrés au moment où je travaillais à élaborer le projet de loi. Cet article pourrait tout simplement être supprimé. Le projet de loi ne comporte aucune autre mention relative à l'assurance; il ne concerne pas essentiellement l'industrie de l'assurance. Pour l'essentiel, il vise à prévenir la discrimination.

Je mentionnerai à la sénatrice Andreychuk que nous avons affaire non pas à des cas hypothétiques, mais à des personnes réelles qui ont témoigné devant nous et nous ont dit qu'elles étaient personnellement touchées par cette question sur le plan tant de l'assurance que de l'emploi. De plus, des experts en la matière nous ont dit qu'ils étaient quotidiennement aux prises avec ces questions. Tous ces gens nous implorent de les aider.

Le projet de loi n'entrera pas en vigueur demain. Je crois que nous devrions le renvoyer au Sénat, où nous pourrons en débattre. Il devra ensuite être renvoyé à la Chambre des communes, où il devra également faire l'objet de débats. Cependant, le fait de simplement reporter cela... On ne peut pas dire que les choses ont été faites à la hâte. À d'autres occasions, il est arrivé que les choses se présentent simplement à nous et que nous tentions de faire les choses de manière expéditive, sans donner véritablement l'occasion aux gens ne serait-ce que de prendre connaissance d'une question.

Je dois souligner que, au moment d'élaborer le projet de loi, j'ai travaillé en collaboration avec les juristes du Sénat, et que nous sommes conscients de la constitutionnalité. Comme vous le savez assurément mieux que moi, tous les projets de loi s'assortissent de risques. J'estime que le risque que le projet de loi soit déclaré anticonstitutionnel est peu élevé, et je crois assurément que le jeu en vaut amplement la chandelle. Nous devrions étudier le projet de loi aujourd'hui, comme nous l'avions prévu. Comme je l'ai mentionné, les choses ont traîné pendant des mois, voire des années, et il est temps que nous nous occupions de cela.

La sénatrice Nancy Ruth : Hier, j'ai rencontré Michel Patrice, légiste du Sénat, afin de tirer au clair les questions que la sénatrice Andreychuk a soulevées et qui m'ont quelque peu décontenancée. Le légiste m'a indiqué très clairement que le projet de loi portait essentiellement non pas sur le secteur de l'assurance, mais sur le pouvoir en matière criminelle d'interdire les politiques discriminatoires, lequel est prévu à l'article 91.27 de la Constitution. Je lui ai demandé de me dire si les compagnies d'assurance, dans l'éventualité où le court passage sur l'assurance leur déplairait, intenteraient des poursuites contre les personnes ayant été victimes de discrimination en raison des politiques, et il m'a répondu qu'elles ne feraient pas cela, mais qu'elles tenteraient d'obtenir un jugement déclaratoire d'une cour supérieure, probablement dans la province où leur siège social respectif est établi.

Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est qu'il m'a rappelé au moins deux autres cas où le gouvernement fédéral institue des règles régissant des secteurs de compétence provinciale, à savoir celui des sociétés de prêt sur salaire — lesquelles sont régies par des dispositions législatives fédérales relatives aux taux d'intérêt criminels ou usuraires, bien que l'industrie en tant que telle soit réglementée à l'échelle provinciale —, de même que celui des publicités s'adressant aux enfants, domaine de ressort provincial à l'égard duquel le gouvernement fédéral exerce son pouvoir en matière criminelle — comme nous voulons qu'il le fasse dans le cadre du projet de loi — d'interdire certaines publicités visant les enfants.

Ainsi, la question soulevée par le projet de loi du sénateur Cowan n'est pas extraordinaire. Il semble que, si l'industrie de l'assurance souhaite contester les dispositions du texte législatif, elle le fera à l'échelle provinciale par le truchement d'une déclaration réglementaire. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question constitutionnelle de ressort fédéral, et j'aimerais que nous étudiions le projet de loi aujourd'hui.

La sénatrice Frum : J'aimerais appuyer la proposition de la sénatrice Andreychuk et mentionner que je suis d'accord avec tous ses propos, qu'elle a très bien formulés, à mon avis. Je suis particulièrement favorable au délai de 30 jours qu'elle a proposé. À mes yeux, il ne s'agit pas d'un délai extrême ou inutile, si cela nous permet d'obtenir des éclaircissements et des certitudes des provinces.

Sénateur Cowan, vous avez dit que les provinces étaient assurément favorables au projet de loi puisque nous ne les avons pas entendues s'y opposer. Je ne suis pas convaincue que les provinces sont renseignées à ce sujet. J'estime qu'une période de 30 jours leur permettra raisonnablement de s'assurer de prendre connaissance du projet de loi et de formuler, au besoin, des préoccupations ou des objections. Si elles n'ont ni préoccupation ou objection à soulever, cela sera effectivement instructif.

Je ne pense pas qu'il soit véritablement exact d'avancer que le projet de loi ne porte pas essentiellement sur la réglementation du secteur de l'assurance. De toute évidence, la moitié du projet de loi porte là-dessus. J'ai entre les mains le discours ou l'exposé que vous avez présenté au comité, et au moins la moitié de vos propos ont trait aux répercussions du projet de loi sur cette industrie. Il y a quelques instants, vous avez dit que nous avions affaire non pas à des cas hypothétiques, mais à des gens personnellement touchés sur les plans de l'assurance et de l'emploi.

On ne pourra tout simplement pas y échapper. Il s'agit d'un projet de loi qui réglementera l'assurance, et ce serait peut-être une bonne chose que les provinces soient d'accord avec cela, vu qu'il leur offrira une certaine forme d'encadrement et d'orientation. À mon avis, la proposition de prendre 30 jours de plus pour permettre aux provinces d'indiquer si elles sont à l'aise avec l'idée que le gouvernement fédéral légifère dans ce domaine n'est pas déraisonnable.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question à poser à la sénatrice Frum. Au cours de mes 40 années passées à titre de titulaire d'une charge publique, j'ai pu constater que les gouvernements n'ont pas l'habitude de fournir des réponses très rapidement. Il est très intéressant qu'on propose un délai de 30 jours. Que se passera-t-il si les provinces ne répondent pas dans les 30 jours? Je m'attends à ce que quelques-unes d'entre elles le fassent, mais la plupart d'entre elles ne le feront probablement pas. Que ferons-nous donc dans 30 jours? En demanderons-nous 30 autres, et encore 30 autres, et encore 30 autres par la suite, ou tiendrons-nous pour acquis que leur silence équivaut à un consentement?

La sénatrice Andreychuk : Puis-je répondre à cette question? En tant qu'ancienne membre du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, je sais qu'il arrive souvent qu'on pose des questions aux provinces et qu'on leur demande de fournir une réponse dans les 30 ou les 45 jours. Si vous estimez que 30 jours ne suffisent pas, nous pourrions opter pour un délai de 45 jours. Toutefois, nous avons dit qu'il s'agissait d'une question urgente et que nous souhaitions aller de l'avant. Le greffier pourra faire un suivi pour s'assurer que les provinces accusent à tout le moins réception de la lettre.

Dans ce cas, nous aurons fait publiquement savoir que nous leur avons donné directement la possibilité de s'exprimer, vu qu'il s'agit d'une question fédérale-provinciale. Nous fonctionnons au sein d'un régime fédéral, et lorsqu'il s'agit d'une question aussi importante et lourde de conséquences que celle de l'ADN, nous devrions au moins faire publiquement savoir que nous avons tenté de prendre contact avec elles. Si elles ne nous répondent pas, je crois que nous pourrons prendre certaines mesures concernant la manière dont nous disons les choses, vu que nous leur aurons fait une offre. Elles pourront dire ultérieurement qu'on ne leur a pas accordé suffisamment de temps ou quoi que ce soit d'autre, mais elles auront à tout le moins été avisées. À mes yeux, il s'agit là de l'élément important.

Sénatrice Nancy Ruth, sauf votre respect, vous avez discuté avec notre conseiller juridique. Nous n'avons pas eu l'occasion de parler avec lui. J'ai demandé qu'on entende des experts en droit constitutionnel. Le sénateur Cowan a véritablement posé à M. Thibault quelques questions concernant des propos tenus par Peter Hogg. Sénateur Cowan, je ne vous citerai pas intégralement. Vous avez soulevé la question et avez fait valoir que le gouvernement fédéral avait quelques droits. Vous lui avez ensuite demandé s'il était d'accord avec M. Hogg, et il a répondu ce qui suit :

Le pouvoir d'édicter des lois visant à interdire diverses pratiques discriminatoires, sous peine de sanction, est conféré au Parlement canadien et aux assemblées législatives provinciales selon laquelle de ces entités doit légiférer en matière d'emploi, de lieux d'hébergement, de restaurants et d'autres secteurs d'activité où la discrimination est interdite. La plupart des champs de compétence relèvent des provinces en vertu de la disposition sur la propriété et les droits civils dans la province.

J'aimerais obtenir vos commentaires sur cette partie . . .

Le sénateur Cowan : Lisez la phrase suivante.

La sénatrice Andreychuk : Oui.

Cependant, il ne fait aucun doute que le Parlement fédéral pourrait, s'il le voulait, exercer son pouvoir législatif en matière criminelle (art. 91(27)) pour déclarer illégales des pratiques discriminatoires en général.

Êtes-vous d'accord avec M. Hogg?

Le professeur Thibault a répondu ce qui suit :

Le Parlement fédéral peut modifier le Code criminel pour permettre ou prévoir certains actes, certains crimes, mais de là à dire que l'exigence d'un test de dépistage génétique serait un crime, il y a un pas important à franchir. Je ne suis pas prêt à franchir ce pas aujourd'hui.

Le Canada est un État fédéral, et je pense qu'il faut respecter les compétences des provinces en matière de propriété et de droit civil; Peter Hogg y réfère. Il faut également respecter les compétences fédérales en matière de commerce, comme je l'ai mentionné, et en droit criminel. Cependant, on ne peut pas se servir d'une compétence pour envahir le champ d'un autre ordre de gouvernement.

Il a ensuite déclaré qu'il n'était pas prêt à franchir ce pas, et que le gouvernement fédéral utiliserait son pouvoir d'une façon qui ne porte pas atteinte au gouvernement provincial. Il s'agit là de la raison même pour laquelle j'estime qu'il s'agit d'un différend à propos de ce que les gouvernements peuvent ou ne peuvent pas faire à l'échelle provinciale.

D'une part, j'entends ceux qui prennent le parti des politiques sociales et qui veulent — tout comme moi — que le gouvernement fédéral montre la voie à suivre. D'autre part, en ce qui concerne le fait de légiférer, je tiens à m'assurer que nous ne portons pas atteinte à un pouvoir provincial, et je ne veux pas que des gens se retrouvent devant les tribunaux parce que des compagnies d'assurance ont intenté une poursuite contre eux. À mes yeux, c'est sur ce plan qu'on estimera que nous avons failli à la tâche et que nous n'avons pas bien fait notre travail. Nous avançons qu'un délai... Je comprends, sénateur Cowan, que vous avez disposé de deux ans, mais pas moi.

Le sénateur Cowan : Le Sénat a disposé de deux ans. Le projet de loi a été déposé au Sénat il y a deux ans.

La sénatrice Andreychuk : C'est la raison pour laquelle je pense qu'il serait responsable d'accorder un court délai et de faire clairement comprendre que nous irons de l'avant par la suite.

Le sénateur Cowan : J'aimerais revenir sur la question posée par le sénateur Eggleton. Supposons que nous accordons un délai de 30 jours et que nous ne recevons aucune réponse. Êtes-vous en train de dire : « Très bien, nous leur avons donné la possibilité de s'exprimer, et qui ne dit mot consent »? Le cas échéant, êtes-vous d'accord pour dire que nous n'avons plus à nous préoccuper du fait qu'il s'agit d'une question de ressort provincial? Et si une province répond qu'il s'agit d'une bonne idée et que le gouvernement fédéral doit jouer le rôle de chef de file, et qu'une autre province formule un avis contraire, que ferons-nous?

La sénatrice Andreychuk : À ce moment-là, nous nous servirons de notre jugement au moment où le projet de loi sera mis aux voix.

Le sénateur Cowan : Et quel est votre avis là-dessus?

La sénatrice Andreychuk : Je ne sais pas ce qu'elles diront.

Le sénateur Cowan : Supposons qu'elles disent cela.

La sénatrice Andreychuk : Je ne suis pas certaine. Je ne veux pas me lancer dans des conjectures. En tant qu'avocate, j'ai appris à ne pas faire cela. J'aimerais qu'on leur offre la possibilité de nous fournir une réponse, et j'aimerais évaluer les éléments probants sur lesquels elles s'appuient. Je ne crois pas qu'il s'agit d'une requête déraisonnable, compte tenu de l'importance des questions liées à l'ADN et des questions de compétence au sein d'un régime fédéral.

Le sénateur Cowan : Comme vous le savez bien, il est arrivé, en ce qui concerne d'autres projets de loi, qu'une personne fasse observer que nous avions affaire à une question relevant de la compétence des provinces ou à une ingérence dans le droit du travail, et que nous ne pouvions pas aller de l'avant sans d'abord inviter les provinces à discuter. S'agit-il là d'une règle que nous devrions appliquer chaque fois que quelqu'un mentionne la présence d'une question d'ordre constitutionnel?

La sénatrice Andreychuk : Non, je n'ai jamais dit cela. J'estime qu'il revient aux comités et au Sénat de déterminer cela s'ils le jugent utile. Tout ce que je sais, c'est qu'un professeur de droit constitutionnel s'est penché expressément sur cette question et a affirmé que nous étions en présence d'une ingérence dans un domaine de compétence provinciale. Pour le reste, nous avons entendu des hypothèses formulées par des témoins, et un certain nombre d'entre eux — et vous connaissez probablement mieux que moi le contenu de leurs témoignages — ont avancé que le projet de loi soulevait un problème d'ordre constitutionnel. Toutefois, ce qui les préoccupait tenait non pas à cela, mais plutôt aux questions liées au domaine des politiques sociales. Nous n'avons entendu que M. Thibault, de même que Peter Engelmann, je crois, qui a également mentionné qu'il verrait d'un bon œil l'instauration d'une loi fédérale, mais qui a signalé la possibilité d'un problème sur le plan constitutionnel.

Je parle en mon nom. Je m'exprime en tant que sénatrice de longue date. Les membres du Sénat s'enorgueillissent de se pencher sur les questions d'ordre constitutionnel. Quant à la manière dont nous les réglons ensuite... Oui, il m'est parfois arrivé de m'abstenir, car chacun a sa propre opinion. Il s'agit d'un droit sénatorial. Notre indépendance est la source de notre fierté.

Sénateur Cowan, je vous exhorte à consentir à un report de 30 jours, car cela me permettrait au moins de me dire que nous avons tenté d'établir le dialogue avec les provinces. Par la suite, je serai très heureuse d'examiner consciencieusement votre point de vue et de le mettre en balance avec le problème d'ordre constitutionnel.

À ce moment-ci, je ne pense pas que je me suis acquittée de mon devoir constitutionnel de m'assurer que nous ne sommes pas en train de violer la Constitution. Dans certains cas, je me suis abstenue de voter sur un projet de loi parce que nous n'avions pas étudié toutes les questions d'ordre constitutionnel. Il m'est arrivé de prendre un risque lorsque je disposais d'un nombre suffisant d'éléments probants, et en dépit de la présence d'un éventuel problème de nature constitutionnelle. À coup sûr, si nous prenons contact avec les provinces, elles prendront à tout le moins la peine de nous répondre, si cela revêt une telle importance pour elles. Je sais que les provinces ne sont pas toutes intéressées par les questions d'ordre juridique et constitutionnel, mais même si une seule administration nous indique que cela ne l'intéresse pas et que nous devrions nous en occuper nous-mêmes, cela me semblerait instructif.

Le sénateur Cowan : Sauf votre respect, il y a eu amplement de temps pour faire cela. Ceux qui s'y opposent ou qui ne veulent pas s'en occuper auront amplement l'occasion de le faire savoir. Je vous ferai observer que, dans le cadre de son discours du Trône, votre gouvernement a promis de s'occuper de la question, de sorte qu'il doit évidemment penser que, à titre de gouvernement fédéral, il a le pouvoir de le faire. À coup sûr, si ce n'était pas le cas, il n'en aurait pas parlé durant le discours du Trône.

La sénatrice Andreychuk : Je crois que le gouvernement fédéral a un certain pouvoir en la matière. En fait, c'est ce que j'affirme. Je crois que, sur le plan de l'emploi, il y a des secteurs qui relèvent de la responsabilité fédérale. Cela dit, le comité a entendu des témoins avancer l'existence d'une ingérence dans un domaine de compétence provinciale au chapitre de la réglementation de l'assurance. Je constate que je ne suis pas convaincante.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais faire observer que, à mes yeux, le fait que les provinces n'aient rien dit depuis que le projet de loi a vu le jour il y a deux ans est très révélateur. Ce texte législatif nous a été présenté l'an dernier.

Madame la sénatrice Andreychuk, le délai de 30 jours que vous réclamez, vous avez eu de nombreuses occasions de le demander depuis le temps que nous discutons de cette affaire. Le fait d'attendre à la dernière minute pour soulever cette question... Je pense que ce que le sénateur Cowan a dit est tout à fait juste et que nous devrions aller de l'avant. Je crois que nous devons soutenir le projet de loi. À mon avis, les Canadiens veulent mettre fin à ce type de discrimination. Vous êtes préoccupée par la question de l'assurance, mais cela ne concerne qu'un article du projet de loi. En outre, il n'y a pas que l'assurance, il y a d'autres éléments du projet de loi qui ont trait à l'emploi, notamment les passages touchant le Code canadien du travail. Cependant, la discrimination existe. Une pléthore de témoins ont mentionné au comité que nous devons mettre fin à cette discrimination, comme on l'a fait dans de nombreux autres pays. Nous devons adopter le projet de loi.

La sénatrice Andreychuk : J'invoque une question de privilège pour souligner que j'ai reçu un avis selon lequel nous allions mener aujourd'hui l'étude article par article.

La sénatrice Eaton : Je dois signaler que je ne suis pas d'accord avec ma collègue, la sénatrice Andreychuk. Je ne suis pas en désaccord avec le principe de demander aux provinces de faire connaître leur avis. En tant que nouvelle membre du comité, je trouve stupéfiant que vous n'ayez pas demandé à des témoins de se pencher expressément sur les problèmes d'ordre constitutionnel opposant les gouvernements fédéral et provinciaux.

Supposons que le Québec nous fasse savoir qu'il est contre le projet de loi, que la Colombie-Britannique nous indique qu'elle y est favorable et que la Saskatchewan nous fait part de son incertitude. Que ferons-nous dans une telle situation? Je crois que nous ne faisons qu'embrouiller les choses. À mon avis, nous devrions tenir le vote et laisser les choses suivre leur cours. Si des amendements sont requis, adoptons-les. Si nous avons besoin d'autres témoignages, entendons-les. Toutefois, le fait de communiquer avec les provinces et d'espérer qu'elles soient toutes d'accord... Que se passera-t-il si trois provinces sont en désaccord total les unes avec les autres? Que ferons-nous dans un tel cas? Qu'aurons-nous réglé?

Je suis désolée. Je pense que, si vous voulez entendre d'autres témoignages, je vous appuierai. Toutefois, j'estime qu'il est irréaliste d'envoyer une lettre aux provinces, d'espérer qu'elles nous répondent et de souhaiter qu'elles soient toutes du même avis.

Sénateur Cowan, vu que je n'étudie le projet de loi que depuis un temps relativement court et que j'ai entendu très peu de témoignages, j'aimerais que vous me disiez si d'autres administrations ont adopté des dispositions législatives de cette nature.

Le sénateur Cowan : Je n'ai pas tous les témoignages sous la main, mais je peux vous dire, madame la sénatrice Eaton, que le Canada est l'unique pays du G8, par exemple, qui ne dispose pas d'une loi de ce genre. Un certain nombre d'autres pays... Les États-Unis disposent d'une loi quelque peu différente de celle qui nous occupe. Aucun autre pays n'a adopté une loi exactement semblable à celle dont nous parlons. Des dispositions législatives concernant quelques éléments du projet de loi ont été adoptées aux États-Unis tant à l'échelon fédéral qu'à celui des États. En outre, de telles dispositions ont été adoptées en Grande-Bretagne, en Autriche, en France et en Allemagne.

La sénatrice Eaton : Ainsi, si nous adoptons le projet de loi, sur le plan juridique, rien n'empêcherait la Colombie- Britannique, la Saskatchewan ou le Québec d'adopter une loi comportant des dispositions différentes?

Le sénateur Cowan : C'est exact. Le projet de loi comporte une disposition qui fait allusion aux provinces, à savoir l'article 6 portant sur l'assurance. Comme je l'ai mentionné, nous pourrions supprimer cet article si nos collègues estiment qu'il pose problème.

Les provinces pourraient juger utile d'adopter des dispositions législatives complémentaires, mais, à mon avis, cela ne serait pas nécessaire. J'estime que nous tentons d'établir une norme qui s'appliquera aux Canadiens de toutes les régions du pays, et je suis d'avis que, dans une société mobile comme la nôtre, c'est de cela dont nous avons besoin. Je ne crois pas qu'une juxtaposition de lois provinciales serait souhaitable...

La sénatrice Eaton : Est-ce que les dispositions s'appliqueraient, par exemple, aux futurs immigrants? Est-ce que nous pourrions les contraindre à subir un test d'ADN de manière à ce que nous puissions déterminer s'ils représenteront un fardeau pour notre système de santé, ou est-ce que le projet de loi protégera les futurs immigrants?

Le sénateur Cowan : Il protégera tout le monde.

La sénatrice Eaton : Tout le monde?

Le sénateur Cowan : C'est exact. Si le projet de loi est adopté, personne ne pourra être contraint à subir un test génétique ou à divulguer les résultats d'un tel test. Voilà l'objet du projet de loi.

La sénatrice Eaton : Merci.

La sénatrice Frum : Je crois que, si le comité décide d'aller de l'avant, je serais à l'aise avec les dispositions ayant trait au Code canadien du travail — vu qu'il relève clairement de la compétence fédérale —, mais non pas avec les articles 1 à 7 ni l'article ayant trait à la Loi sur les droits de la personne, selon laquelle les caractéristiques génétiques font partie des motifs de distinction illicite, vu que nous avons également entendu des représentants de compagnies d'assurance mentionner que ces dispositions s'appliquaient à eux.

Ce que j'essaie de dire, c'est que l'assurance est un domaine de ressort provincial. Les articles en question portent sur l'assurance. Les provinces diront peut-être que, en raison de la nature de la question, elles sont à l'aise avec une telle ingérence dans l'un de leurs domaines de compétence, mais je ne crois pas que quiconque ici puisse affirmer que nous n'avons pas affaire en l'occurrence à une ingérence dans un secteur de compétence provinciale. Il s'agit tout simplement d'un fait.

Si vous souhaitez faire abstraction de ce fait, eh bien, je dois vous signaler que cela me pose un problème. Je ne serais à l'aise avec cela que si les provinces nous faisaient savoir que, en l'occurrence, nous pouvions aller de l'avant et empiéter sur l'un de leurs secteurs de compétence; elles n'ont pas l'habitude de réagir de cette façon, mais si c'est le cas, très bien — je serai convaincue.

Par conséquent, je ne pourrai pas voter en faveur de ces articles aujourd'hui. Je pourrais me prononcer en faveur de l'article 8.

La sénatrice Eaton : Avez-vous besoin de temps pour élaborer des amendements?

La sénatrice Frum : Eh bien, oui. Ils viseraient assurément la suppression de ces autres articles. Si cette proposition vous paraît admissible, je serai heureuse de travailler là-dessus.

Le sénateur Cowan : C'est à cela que sert l'étude article par article. On peut voter pour ou contre un article.

La sénatrice Andreychuk : Eh bien, c'est là que le bât blesse. Je n'aime pas faire les choses à la sauvette. Je persiste à croire que, en tant qu'organe constitutionnel fédéral, nous devrions offrir à tout le moins aux provinces la possibilité de se présenter devant nous. Je serais plus à l'aise d'aller de l'avant et de faire mes propres évaluations si elles décidaient de ne pas le faire. Je suis toujours d'avis que ce serait la solution la plus simple.

L'autre solution consisterait à convoquer des spécialistes du droit constitutionnel, ce qui retarderait l'adoption du projet de loi. Voilà pourquoi je croyais que la solution mitoyenne consistait à entrer en contact avec les provinces. Si la question revêt une grande importante pour elles — et je crois que les provinces sont responsables —, elles pourront nous répondre que cela ne les intéresse pas — il est arrivé, dans le passé, qu'une province nous dise de faire ce que nous pensions qu'il fallait faire et qu'elle n'avait pas d'observations à formuler sur la question —, ou bien nous répondre que nous empiétons sur un de leurs champs de compétence. Il se peut même que certaines d'entre elles ne nous fournissent aucune réponse. Nous évaluerons les réponses que nous recevrons, mais à tout le moins, nous aurons agi comme un organe responsable du Parlement en communiquant avec elles.

Je propose que nous reportions de 30 jours la tenue de l'étude article par article et que nous demandions au greffier de communiquer avec les provinces pour leur demander de formuler des observations à propos du projet de loi et de la question relative aux limites des champs de compétence.

La vice-présidente : Nous sommes saisis d'une motion visant à reporter de 30 jours l'étude article par article de façon à ce que les provinces puissent fournir une réponse. Êtes-vous d'accord?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Le sénateur Eggleton : Il faudrait mieux tenir un vote par appel nominal.

La vice-présidente : Nous tiendrons un vote par appel nominal.

La motion est-elle adoptée?

Mark Palmer, greffier intérimaire du comité : L'honorable sénatrice Ataullahjan?

La sénatrice Ataullahjan : Oui.

M. Palmer : L'honorable sénatrice Andreychuk?

La sénatrice Andreychuk : Oui.

M. Palmer : L'honorable sénateur Cowan?

Le sénateur Cowan : Non.

M. Palmer : L'honorable sénatrice Eaton?

La sénatrice Eaton : Non.

M. Palmer : L'honorable sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : Non.

M. Palmer : L'honorable sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Oui.

M. Palmer : L'honorable sénatrice Hubley?

La sénatrice Hubley : Non.

M. Palmer : L'honorable sénatrice Nancy Ruth?

La sénatrice Nancy Ruth : Non.

M. Palmer : L'honorable sénateur Ngo?

Le sénateur Ngo : Oui.

M. Palmer : Pour : quatre; contre, cinq; abstentions : zéro.

La vice-présidente : La motion est rejetée.

La sénatrice Nancy Ruth : La motion est adoptée?

Le sénateur Eggleton : Non, il y a eu un report.

La sénatrice Frum : Avant que nous ne procédions à l'étude article par article, j'aimerais savoir s'il serait possible d'accorder quelques instants aux personnes qui souhaitent proposer des amendements de manière à ce qu'elles puissent se consulter entre elles.

La vice-présidente : Je vais suspendre la séance cinq minutes.

(La séance est suspendue.)

——————

(La séance reprend.)

La vice-présidente : Plaît-il au comité d'entreprendre l'étude article par article du projet de loi S-201?

Des voix : Oui.

La sénatrice Andreychuk : Avec dissidence.

La vice-présidente : L'étude du titre est-elle réservée?

Des voix : D'accord.

La vice-présidente : L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle réservée?

Des voix : D'accord.

La vice-présidente : L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La vice-présidente : L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Frum : Madame la présidente, je propose que nous supprimions l'article 3, parce qu'il traite du secteur de l'assurance, qui n'est pas de compétence fédérale.

La vice-présidente : Vous voulez supprimer l'article 3?

La sénatrice Frum : L'enlever, tout simplement.

La vice-présidente : Nous devons voter contre.

Est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

La vice-présidente : Faudra-t-il tenir un vote? L'article 3 est-il adopté?

M. Palmer : Honorable sénatrice Ataullahjan?

La sénatrice Ataullahjan : Non.

M. Palmer : Honorable sénatrice Andreychuk?

La sénatrice Andreychuk : Non.

M. Palmer : Honorable sénateur Cowan?

Le sénateur Cowan : Oui.

M. Palmer : Honorable sénatrice Eaton?

La sénatrice Eaton : Non.

M. Palmer : Honorable sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : Oui.

M. Palmer : Honorable sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Non.

M. Palmer : Honorable sénatrice Hubley?

La sénatrice Hubley : Oui.

M. Palmer : Honorable sénatrice Nancy Ruth?

La sénatrice Nancy Ruth : Oui.

M. Palmer : Honorable sénateur Ngo?

Le sénateur Ngo : Non.

M. Palmer : Pour : quatre; contre, cinq, aucune abstention.

La vice-présidente : L'article est rejeté.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

La vice-présidente : Devrions-nous le mettre aux voix?

Le sénateur Eggleton : S'agit-il d'un vote par appel nominal? Dans ce cas, les résultats seront les mêmes.

La vice-présidente : Il y a consensus sur le fait que les résultats seront les mêmes?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cowan : Est-ce que ce sera inscrit au compte rendu?

Le sénateur Eggleton : Ce sera inscrit au compte rendu, tout comme pour l'article précédent; nous n'avons donc pas à passer au vote encore une fois. Les mêmes gens votent de la même manière, de toute façon.

La sénatrice Frum : Je propose de regrouper les articles 4 à 7 et d'en disposer immédiatement.

La vice-présidente : Êtes-vous d'accord? Devrions-nous regrouper les articles 4 à 7 et en disposer immédiatement?

Le sénateur Cowan : Dans la mesure où l'on sait quels sénateurs votent pour ou contre. Oui?

La vice-présidente : Oui.

Le sénateur Eggleton : Le vote disposera des articles 4 à 7?

La vice-présidente : Sénateur Cowan, demandez-vous un vote par appel nominal?

Le sénateur Cowan : Si le compte rendu indique que c'est ce que nous faisons, alors, oui.

La vice-présidente : Mais nous n'allons pas faire encore une fois l'appel.

Le sénateur Cowan : Exactement.

Le sénateur Eggleton : Il suffit de cocher les feuilles de la même façon. Il n'est pas nécessaire de faire l'appel chaque fois.

La vice-présidente : Donc, il en sera pour les articles 4 à 7 comme il en a été pour l'article 3.

L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La vice-présidente : L'article 9 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

La vice-présidente : Faut-il un vote par appel nominal?

Le sénateur Cowan : Oui, c'est ce qu'il faut.

La vice-présidente : L'article 9 est-il adopté?

M. Palmer : Honorable sénatrice Ataullahjan?

La sénatrice Ataullahjan : Non.

M. Palmer : Honorable sénatrice Andreychuk?

La sénatrice Andreychuk : Non.

M. Palmer : Honorable sénateur Cowan?

Le sénateur Cowan : Oui.

M. Palmer : Honorable sénatrice Eaton?

La sénatrice Eaton : Non.

M. Palmer : Honorable sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : Oui.

M. Palmer : Honorable sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Non.

M. Palmer : Honorable sénatrice Hubley?

La sénatrice Hubley : Oui.

M. Palmer : Honorable sénatrice Nancy Ruth?

La sénatrice Nancy Ruth : Oui.

M. Palmer : Honorable sénateur Ngo?

Le sénateur Ngo : Non.

M. Palmer : Pour : quatre; contre, cinq, aucune abstention.

La vice-présidente : L'article 9 est rejeté.

L'article 10 est-il adopté?

La sénatrice Frum : Madame la présidente, puis-je proposer que nous disposions des articles 10 et 11 en même temps?

La vice-présidente : Devrions-nous disposer des articles 10 et 11? Y a-t-il des objections?

Le sénateur Eggleton : Est-ce qu'il s'agira du même vote que pour l'article 9?

Une voix : Oui.

Le sénateur Eggleton : D'accord, ainsi soit-il.

La vice-présidente : D'accord.

L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Sénateur Cowan, allez-vous proposer un amendement?

Le sénateur Cowan : Non, ce n'est pas nécessaire.

La vice-présidente : L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La vice-présidente : Il est adopté.

Le titre du projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La vice-présidente : Le titre est adopté.

Le projet de loi tel que modifié est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

La vice-présidente : Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport du projet de loi modifié au Sénat?

Le sénateur Eggleton : Puis-je poser une question, avant que vous le fassiez? Que nous reste-t-il en réalité? Je sais que nous avons adopté un amendement au Code canadien du travail, mais, comme nous avons supprimé tant d'autres articles, je ne suis pas certain de l'impact que cela aura. J'ai compris pourquoi on supprimait l'article qui concerne les assurances, mais il y a beaucoup d'autres articles qui portent sur les interdictions, les infractions et les peines, les définitions et des choses comme cela. Que reste-t-il qui constitue réellement une loi applicable? Est-ce que quelqu'un connaît la réponse à cette question?

La sénatrice Frum : Je crois que si nous conservons le projet de loi tel qu'il est maintenant modifié, c'est peut-être parce que nous pouvons y annexer des observations. Je crois que, de notre côté, nous aimerions faire observer, encore une fois, que nous ne sommes pas contre les raisons qui ont motivé ce projet de loi. Nous comprenons que ce projet de loi vise à régler un enjeu social. Notre problème, en l'occurrence, en est un de compétence, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas favorables à ce projet.

Le sénateur Eggleton : J'avais compris cela. Ce que j'aimerais savoir, c'est de quoi se compose maintenant le projet de loi? Qu'en reste-t-il?

La sénatrice Nancy Ruth : Les observations — le pouvoir discrétionnaire touchant le comportement.

La sénatrice Frum : Je vais donc laisser les gens de l'autre côté déterminer s'il vaut ou non la peine de poursuivre. Mais, si nous poursuivons, je tiens à préciser que je voudrais qu'on y annexe des observations. Si nous poursuivons, nous aurons ici la possibilité d'y annexer des observations, et j'en serais fort heureuse.

La vice-présidente : Sénatrice Frum, si vous voulez annexer des observations, il faudra que ces observations soient couchées sur papier, puis traduites. Il nous les faut dans les deux langues officielles.

La sénatrice Frum : Je ne fais pas partie du comité directeur. En tant que porte-parole, je me ferais un plaisir de m'en occuper, si cela vous convient.

La sénatrice Eaton : Nous pourrions, après la pause, accorder à la sénatrice Frum deux semaines pour préparer les observations, dans les deux langues.

Le sénateur Cowan : Ce que je crois, c'est que les observations sont tout simplement une justification du comportement, comme le dit la sénatrice Nancy Ruth. Je pense que, lorsque nous ferons rapport du projet de loi au Sénat... Ceux d'entre nous qui ont pris part à l'examen pourront s'adresser au Sénat et expliquer pourquoi nous avons fait ce que nous avons fait et pourquoi nous n'avons pas fait ce que nous n'avons pas fait. Je crois que c'est le lieu tout indiqué pour que notre opinion figure dans le compte rendu.

Je ne suis pas d'accord pour annexer des observations à ce projet de loi tronqué. Je crois qu'on devrait en faire rapport tel qu'il a été modifié. Nous aurons l'occasion de nous adresser au Sénat, ce qui figurera dans le compte rendu, au moment où il sera fait rapport du projet de loi. Je crois que c'est la bonne façon de procéder.

La sénatrice Frum : C'est bien.

La vice-présidente : Nous avons besoin d'une motion pour donner une nouvelle numérotation aux articles, dans ce cas.

Le sénateur Eggleton : Avons-nous un autre choix?

La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais voir la version du projet de loi après toutes ces coupures, tout simplement pour savoir de quoi il a l'air. Le greffier pourrait s'en occuper, ou il faut que quelqu'un le fasse.

Le sénateur Eggleton : Je me posais la même question.

La vice-présidente : Sommes-nous d'accord pour faire rapport du projet de loi tel que modifié?

Des voix : D'accord.

La vice-présidente : Mesdames et messieurs, nous poursuivons, conformément à notre ordre du jour.

Ce matin, nous étudions, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre au besoin des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie.

Nous entendrons le témoignage, par vidéoconférence, de Joel Oestreich, professeur agrégé, Sciences politiques, et directeur, Programme d'études internationales.

Nous entendrons également Mike McBride, professeur de sciences politiques, Collège Whittier, Californie, par vidéoconférence également. J'aimerais rappeler aux membres du comité qu'il est 6 h, là où se trouvent les témoins.

Je vous remercie, Mike, d'être si disponible. Il semble que vous nous attendez depuis qu'il est 5 h 15.

Monsieur Oestreich?

Joel E. Oestreich, professeur agrégé, Sciences politiques, et directeur, Programme d'études internationales, Université Drexel, à titre personnel : Comme vous venez de le dire, je m'appelle Joel Oestreich et j'enseigne à l'Université Drexel. Mon sujet de recherche, depuis un assez bon nombre d'années, maintenant, c'est l'UNICEF. Je vais donc parler de l'UNICEF. Je ne parlerai pas des autres organismes, pas directement, du moins. C'est, je crois, mon domaine d'expertise.

J'étudie l'UNICEF et aussi, dans une moindre mesure, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale de la Santé et quelques autres organismes du même type. Ce qui m'intéresse, en particulier, ce sont leurs réflexions sur les enjeux liés aux droits de la personne, qui suscitent un certain intérêt, dans votre comité, et qui sont la raison de ma présence ici aujourd'hui; je m'intéresse aussi à la façon dont ces organismes envisagent les droits de la personne dans le contexte de leur travail, et pourquoi ils en tiennent compte.

Je tiens à préciser que je ne suis pas un expert de la situation en Syrie. Je ne suis jamais allé en Syrie. Je ne peux donc rien dire directement à propos de cette situation.

J'ai quelques points à présenter. La plupart des travaux que j'ai réalisés au cours des dernières années ont trait à la notion d'une approche fondée sur les droits, en matière de développement, sur la façon dont l'UNICEF et quelques autres organismes envisagent l'intégration des droits de la personne dans leur travail. Comme l'UNICEF se préoccupe principalement des enfants, il y a, dans un de ces documents d'orientation sur la façon d'intervenir en cas d'urgence humanitaire, une note relative aux bonnes pratiques qui précise que les droits doivent orienter les programmes. J'ai cherché à savoir, entre autres, ce que signifie le fait de laisser les droits orienter les programmes. Je crois que c'est une très bonne chose. Je crois qu'il est très positif que l'UNICEF, depuis plus d'une décennie, maintenant, ait pris les devants en réfléchissant à ce que veulent dire les droits de la personne dans le contexte du travail que cet organisme effectue, qu'il s'agisse du développement traditionnel ou des interventions en cas d'urgence humanitaire. Mais je soulignerais que ces réflexions peuvent souvent rester très vagues et parfois très rhétoriques. Parler des droits dans le contexte des situations d'urgence, cela évoque tout un éventail d'idées sur la façon dont cette notion peut s'appliquer quand il s'agit de répondre aux besoins des enfants.

Cela peut être bon, parce que cela veut dire que la créativité peut occuper une très grande place dans les programmes. L'une des forces de l'UNICEF, c'est qu'il est très décentralisé et que les gens peuvent exprimer leur créativité. Mais cela peut également être mauvais, parce qu'on peut justifier bien des choses a posteriori en utilisant simplement le vocabulaire des droits. Il y a là un très grand écart.

Mon second point, c'est que la notion même de droits de la personne n'est pas tout à fait libre de controverse au sein de l'UNICEF. Il y a encore bien des gens qui estiment que la Convention relative aux droits de l'enfant et le vocabulaire des droits détournent l'attention de la mission centrale de l'UNICEF, toujours considérée comme étant les interventions de base découlant de la révolution pour la survie des enfants, les pratiques centrales de l'UNICEF pour maintenir les enfants en vie et leur assurer une vie meilleure. La révolution pour la survie des enfants s'est révélée très efficace, pour l'UNICEF, au fil des décennies, depuis que Jim Grant a lancé l'idée, dans les années 1980. Dans le cadre de ma recherche, j'ai remarqué que bien des gens travaillant dans des domaines très techniques comme la santé ou l'hygiène estiment que, étant donné qu'il y a au sein de l'UNICEF une unité de protection des enfants, c'est elle qui s'occupe des droits de la personne, ce qui laisse les autres libres de s'occuper des interventions de base en matière d'hygiène, de santé et d'éducation qu'ils savent être efficaces.

J'ai deux ou trois autres points à soulever : j'ai examiné d'autres volets de l'UNICEF. J'ai passé quelque temps en Inde pour étudier la situation de certaines régions où il y a, comme certains le diraient, je crois, des troubles civils. Les représentants de l'UNICEF savent très bien, entre autres, et le savent depuis un certain temps, qu'il est important de rester neutre lorsqu'il y a des troubles civils ou tout autre type de conflit. Si l'UNICEF n'est pas vu comme un acteur neutre par toutes les parties en cause, les intervenants craignent que cela ne réduise son efficacité et puisse même l'empêcher de faire quoi que ce soit. C'était déjà le cas, même avant l'ère de Jim Grant, qui a commencé à intervenir, avec l'opération Lifeline Sudan et dans des conflits en Amérique latine et qui a vraiment fait de l'UNICEF un intervenant dans les crises humanitaires.

Une bonne partie de ma recherche a consisté à discuter avec le personnel de l'UNICEF au sujet des différents types de contextes politiques où les employés se sont retrouvés et des façons dont ils essaient d'apporter de l'aide et de mener leurs activités dans les zones de conflit. En même temps, les intervenants sont très conscients du fait que toute apparence de préférence pour une partie ou une autre met réellement en péril leur capacité de travailler. Cet aspect aussi suscite la controverse. Je crois que, parfois, il y a des gens qui pensent qu'un côté a raison ou qu'il a tort, mais il s'agit d'un enjeu politique important pour l'UNICEF et d'un enjeu auquel, je crois, il est encore en train de s'adapter; même aujourd'hui, l'UNICEF est encore en train d'apprendre comment évoluer dans ce type de contexte politique, puisque cet organisme considère toujours que sa mission principale consiste à organiser des interventions de base en matière de santé, de nutrition et d'hygiène, et qu'il ne s'agit pas d'une organisation politique.

Un autre point : ma recherche a montré que, dans ces situations, l'une des grandes forces de l'UNICEF, lorsqu'il doit s'adapter à ses nouvelles missions, c'est sa structure décentralisée. L'UNICEF est beaucoup plus décentralisé, en ce qui a trait au processus décisionnel, que bien d'autres organismes de l'ONU. Je pourrais en nommer quelques-uns, mais je ne le ferai pas. Je crois que, si vous pensez au Programme pour la transformation du Comité permanent interorganisations et aux interventions en cas de crise humanitaire, le concept selon lequel on doit donner au personnel sur le terrain les moyens de réagir à la crise et de le faire d'une manière qui est adaptée à la situation sur le terrain est un concept qui est réellement une des forces de l'UNICEF, à ce chapitre, et un concept qui est, à mon avis, un élément très important de sa mission.

J'aimerais souligner que la direction de l'UNICEF est réellement une ressource vitale de l'organisme, depuis les années de Jim Grant, en particulier. Je reviens toujours à lui, parce qu'il a transformé l'UNICEF. Cet organisme a pu s'épanouir, lorsque ses dirigeants ont été capables de le faire avancer, que ce soit au chapitre de la Convention relative aux droits de l'enfant, de l'intervention dans des conflits ou de l'expansion de son mandat. Ce concept d'habilitation et de décentralisation de l'organisation en vue de réagir aux crises, selon ce que j'ai observé, c'est, je crois, une des grandes forces de l'organisme et un aspect dont il doit être conscient et qu'il doit encourager.

Voilà les points que je désirais aborder. On m'a demandé de ne parler que pendant quelques minutes, et j'espère que cela vous a été utile.

La vice-présidente : Merci.

Nous allons demander à M. McBride de formuler ses commentaires, puis nous passerons aux questions des sénateurs.

Mike McBride, professeur de sciences politiques, Collège Whittier, Californie, à titre personnel : Merci, madame la présidente et merci aux membres du comité. J'aimerais remercier le comité sénatorial de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Comme vous le savez, je m'exprime à titre personnel. J'ai été consultant auprès de l'UNHCR pendant une vingtaine d'années, environ, mais je travaillais à New York et à Genève, je m'occupais de problèmes politiques, je n'étais pas sur le terrain. Malheureusement, je ne suis jamais allé dans un camp de réfugiés dont il devait être question aujourd'hui.

On m'a demandé de parler surtout du mandat de l'UNHCR et, en particulier, de ce qui concerne les enfants.

Le mandat de l'UNHCR découle de plusieurs sources, entre autres le statut de 1950, la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et le protocole y afférent de 1967, de même que les résolutions de l'Assemblée générale, notamment les résolutions de portée générale adoptées chaque année et qui concernent le travail de cet office.

Enfin, les conclusions adoptées par le comité exécutif de l'UNHCR ont fourni des lignes directrices supplémentaires, en particulier en ce qui concerne les enfants à risque. La principale source du mandat se trouve dans son statut.

En plus de fournir une définition des réfugiés, même si celle-ci a plus tard été précisée par la convention, le paragraphe 8 du statut indique que le haut-commissaire doit assurer la protection des réfugiés qui relèvent du Haut- Commissariat en poursuivant la conclusion et la ratification de conventions internationales, en poursuivant, par voie d'accords particuliers avec les gouvernements, la mise en œuvre de toutes mesures destinées à améliorer le sort des réfugiés et à diminuer le nombre de ceux qui ont besoin de protection et en secondant les initiatives des pouvoirs publics et les initiatives privées en ce qui concerne le rapatriement librement consenti des réfugiés ou leur assimilation dans de nouvelles communautés nationales.

Le paragraphe 9 prévoit que le haut-commissaire s'acquitte de toute fonction supplémentaire que pourra prescrire l'Assemblée générale, notamment en matière de rapatriement et de réinstallation dans la limite des moyens dont il dispose. Ce paragraphe sert de justification aux demandes présentées par l'Assemblée générale à l'UNHCR en vue d'aider d'autres personnes, y compris des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays et aussi, par la suite, les apatrides.

La Convention relative au statut des réfugiés de 1951, définit les limites temporelles et géographiques de la définition des réfugiés. Le protocole de 1967 a supprimé ces limites.

Les résolutions adoptées par l'Assemblée générale ont étendu la portée des activités de l'UNHCR et augmenté son public cible, mais elles n'ont pas réellement changé son mandat fondamental, tel qu'il est énoncé dans le statut et la convention. Les premières résolutions avaient trait, principalement, au financement et visaient à encourager les États à collaborer avec le haut-commissaire. Comme le budget consenti par l'ONU ne servait qu'à couvrir les dépenses administratives du très petit effectif de l'UNHCR, le haut-commissaire a été autorisé, en 1952, à chercher du financement volontaire. Le Canada a été l'un des premiers pays à répondre à cette demande.

En 1952 également, des paragraphes ont été ajoutés pour mettre en relief le fait que le haut-commissaire recherchait des solutions durables, le rapatriement librement consenti étant la solution préférée, en faisant mention de l'intégration au milieu et de la réinstallation en tant que solutions de rechange. Des paragraphes touchant les solutions durables ont depuis été ajoutés chaque année.

Au fil du temps, mais surtout dans les années 1980, d'autres sujets ont été intégrés à la résolution et y sont restés les années suivantes. Il s'agit par exemple du droit à retourner en toute sécurité et dans la dignité dans son pays, du respect du principe de non-refoulement, du respect des droits de la personne et du droit international, de l'accès aux victimes, de la lutte contre les causes sous-jacentes, du renforcement des capacités, de la collaboration et des partenariats, de la sécurité des réfugiés, de la solidarité et du partage du fardeau à l'échelle internationale, du retour durable, de l'augmentation du financement et, pour finir, de l'aide aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays et aux apatrides.

Les premières mentions des femmes et des enfants, dans une résolution de portée générale, ont été faites à l'occasion de la 35e et de la 36e séance de l'Assemblée générale, en 1980 et en 1981; un préambule mettait en relief la nécessité de déployer des efforts humanitaires internationaux substantiels pour promouvoir des solutions durables aux problèmes des réfugiés et des personnes déplacées en attirant l'attention en particulier sur les femmes et les enfants du monde entier.

Des paragraphes concernant les femmes ou les enfants ont été ajoutés chaque année, de 1985 à 2000. En 1985, le paragraphe faisait état de la satisfaction par rapport aux efforts déployés par le haut-commissaire pour régler les problèmes particuliers des réfugiés et des femmes et enfants déplacés en raison de leur vulnérabilité, qui, dans bien des cas, les entraînait dans toutes sortes de situations pénibles qui les privaient des protections matérielles et juridiques et menaçaient leur bien-être psychologique et matériel.

En 1992, la résolution soulignait l'importance de s'attaquer à ces enjeux avec la collaboration d'États et d'autres organismes intergouvernementaux et non gouvernementaux. En 1993, la résolution pressait les États de protéger les droits des enfants.

Dès 1998, la situation des personnes handicapées et des personnes âgées est abordée; de 2001 à 2007, la situation des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées fait l'objet d'un paragraphe, sous la rubrique « groupes vulnérables ». L'adoption de la politique de l'UNHCR sur l'intégration de l'âge, des sexospécificités et de la diversité a permis d'inclure ces groupes dans une déclaration générale.

La dernière résolution de l'office, qui remonte à 2014, prévoit ce qui suit :

L'Assemblée générale...

25. Affirme qu'il importe de prendre systématiquement en considération l'âge, le sexe et la diversité dans l'analyse des besoins de protection, en veillant à ce que les réfugiés et les autres personnes relevant de la compétence du Haut-Commissariat participent autant qu'il y a lieu à la planification et à l'exécution des programmes de celui-ci et des politiques des États, affirme également qu'il faut chercher en priorité à remédier à la discrimination, à l'inégalité entre les sexes et à la violence sexuelle ou sexiste, étant entendu que les besoins des femmes, des enfants et des personnes handicapées en matière de protection sont spécialement importants, et souligne qu'il faut poursuivre les efforts dans ce domaine;

Donc, depuis les 30 dernières années, les résolutions de l'Assemblée générale reconnaissent qu'il est important de répondre aux besoins particuliers des femmes et des enfants, et elles encouragent l'UNHCR à travailler dans ce but.

En ce qui concerne le mandat général, ce qui a changé, depuis la création du HCR, il y a plus de 60 ans, ce n'est pas tant la nature de son mandat que la portée des activités mises en œuvre pour réaliser ce mandat, de même que l'augmentation significative du nombre et des catégories de gens qui préoccupent actuellement l'office.

Toutefois, le mandat de l'UNHCR a été étendu dans un domaine particulier, qui ne concerne pas nécessairement les réfugiés; en 1974, l'Assemblée générale a demandé à l'UNHCR de prendre des mesures touchant les personnes apatrides à la lumière de la Convention sur l'apatridie de 1954, modifiée en 1961.

Il n'a pas régulièrement été mention des personnes apatrides dans les résolutions de portée générale, jusqu'en 1994, mais il en est question presque tous les ans par la suite. Récemment, bien sûr, le haut-commissaire a lancé une initiative visant à mettre fin à l'apatridie au cours de la prochaine décennie, une initiative bien accueillie par l'Assemblée générale en 2014.

Enfin, comme vous le savez, l'UNHCR est encouragé à aider les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, dans de nombreux contextes, comme le lui demandent principalement l'Assemblée générale et les États touchés. Bien qu'aucun organisme n'ait officiellement le mandat d'aider les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, l'UNHCR se retrouve dans une situation inhabituelle puisqu'il aide davantage de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays que de réfugiés. Il répond à la demande, entre autres, en s'appuyant sur l'approche du regroupement et le programme de transformation, dont a parlé M. Oestreich dans son exposé, sur les résolutions de portée générale de l'UNHCR et sur les résolutions annuelles du Conseil économique et social touchant le renforcement et la coordination de l'aide humanitaire d'urgence fournie par les Nations Unies.

Même compte tenu de ces possibles exceptions, qui font en sorte que l'office se préoccupe d'un plus grand nombre de types de personnes, je crois qu'en général l'UNHCR a réussi à élargir la portée de ses activités ainsi que l'éventail de personnes qu'il soutient tout en respectant les paramètres que constituent le statut, la convention de 1951 et le protocole de 1967 et les résolutions de l'Assemblée générale.

En ce qui a trait aux enjeux touchant spécifiquement les enfants, le mandat se double de plusieurs conclusions relatives aux enfants à risque adoptées par le Comité exécutif de l'UNHCR, la dernière en 2007. La conclusion de 2007 — plus de 60 paragraphes auxquels les membres du comité exécutif ont donné leur aval — énonce les principes touchant l'identification de ces enfants, les principes qui devraient régir les traitements qu'il faut leur réserver et des propositions sur la façon de promouvoir la prévention, les interventions et les solutions. Ces conclusions sont conformes au mandat tel qu'il figure dans le statut constitutif de l'UNHCR.

Je crois que je devrais m'arrêter ici, mais laissez-moi s'il vous plaît répéter mon point principal : je crois que le mandat tel qu'il est énoncé dans le statut, les conventions relatives aux réfugiés et aux personnes apatrides de même que les résolutions de l'Assemblée générale, est suffisamment souple pour englober toutes les activités du HCR touchant les réfugiés et les apatrides. Les aspects qui pourraient exiger une extension du mandat concernent l'aide aux personnes déplacées internes, mais, encore une fois, l'approche de responsabilité sectorielle (cluster) et le programme de transformation fournissent une orientation, et il serait difficile d'obtenir que les États membres soient unanimes sur cette question.

Enfin, un autre aspect qui pourrait mériter qu'on s'y intéresse, à l'avenir, serait le cas des personnes déplacées de force en raison des effets des changements climatiques, qui ne correspondent pas à la définition d'un réfugié ni au mandat du HCR.

La vice-présidente : Merci à tous les deux de vos exposés. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

La sénatrice Eaton : Monsieur Oestreich, vous avez formulé une remarque intéressante en parlant des aspects politiques de l'UNICEF. La ligne doit être très fine, étant donné que, si vous êtes trop neutre et que vous ne prenez pas position, vous laissez les méchants continuer à faire des méchancetés. Je m'excuse d'être aussi simpliste. Est-ce que ces intervenants trouvent des façons innovatrices de franchir cette ligne ou est-ce que le fait de ne pas prendre position les rend de plus en plus inefficaces?

M. Oestreich : Je ne suis pas allé dans suffisamment d'endroits où il y avait des conflits. Bien sûr, j'ai étudié le travail qu'ils ont fait dans certaines zones de conflit et, comme je l'ai déjà dit, j'ai eu la possibilité d'observer certaines activités qu'ils mènent en Inde.

Il s'agit sûrement d'un aspect qui préoccupe l'UNICEF, lui-même, et dont les gens se soucient. Mon impression, de l'extérieur, c'est qu'ils ont respecté en tous points cette notion de neutralité absolue. Je crois que tous les organismes de l'ONU se préoccupent beaucoup, jusqu'à un certain point, de ne pas sembler prendre position, dans ces conflits, dans aucun type de conflit, et de la possibilité que cela nuise à leur capacité de fonctionnement. Je souligne parfois qu'au départ, les responsables de l'UNICEF n'étaient même pas en faveur de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il a fallu les convaincre que c'était un document qu'ils devaient soutenir, car il leur semblait même trop politique, parce qu'il supposait qu'ils devraient pointer du doigt les États et leur dire : « Voici vos droits et vos obligations. » C'est un aspect dont les organismes de l'ONU se préoccupent toujours, et ils sont censés représenter la communauté internationale dans son ensemble.

Est-ce que cela les rend moins efficaces? Je crois que la plupart des intervenants de l'UNICEF, et je ne veux pas parler en leur nom, mais j'ai l'impression que la plupart d'entre eux diraient qu'au bout du compte, cela leur donne plus d'efficacité, en leur procurant la capacité d'agir dans des endroits où ils ne pourraient rien faire s'ils étaient perçus comme des partisans, des intervenants qui ne sont pas entièrement neutres.

Est-ce que j'ai déjà rencontré des gens, dans cet organisme, qui ne sont pas d'accord et qui disent que, oui, il arrive parfois que certaines personnes sont clairement du bon côté et que d'autres sont clairement du mauvais côté? Je crois que ces gens diraient que la question n'est pas de savoir s'ils soutiennent quiconque, mais qu'ils travaillent pour les enfants. Les enfants ne sont pas du bon ou du mauvais côté; les enfants relèvent du mandat de l'UNICEF. Tous les enfants ont droit à un accès égal aux ressources, et c'est à cela que l'UNICEF travaille.

Voilà donc là une préoccupation. Je ne sais pas s'il est possible de répondre à votre question. Je ne sais pas si cette question préoccupe les gens et si cette notion de neutralité les oblige à prendre de temps à autre des décisions difficiles, afin de ne pas prendre position, même lorsqu'il est clair que des enjeux moraux sont en jeu.

La sénatrice Eaton : Je vous pose la question à vous deux : étant donné qu'il y a des dizaines de milliers de réfugiés, aujourd'hui, au Moyen-Orient et dans certaines régions d'Afrique, est-ce que ces deux organismes se montrent aussi innovateurs qu'ils le devraient ou qu'ils le pourraient? Il s'agit de toute évidence de permettre aux gens de rester dans leur pays natal et de reconstruire plutôt que de tout simplement les réinstaller dans une autre région du monde. Sont-ils aussi innovateurs qu'ils pourraient l'être?

M. McBride : Je répondrais que, probablement, nous ne sommes jamais aussi innovateurs que nous pourrions ou que nous devrions l'être, mais, étant donné le nombre incroyable de gens dont ces organismes doivent s'occuper, surtout lorsqu'il y a des arrivées soudaines, il est difficile d'être très innovateur, car il faut constamment composer avec les plus récentes crises.

En même temps, je sais que l'UNHCR réfléchit beaucoup à la question de l'innovation. Beaucoup d'initiatives sont lancées, soit par l'UNHCR lui-même, depuis les années 1990, selon mon expérience, par exemple, il y a eu le programme Convention Plus et les quatre R : rapatriement, réconciliation et le reste. Il y a aussi certains des programmes qui, encore aujourd'hui, sont menés en Syrie, le programme SHARP et le Plan régional pour renforcer la résilience des réfugiés. Je crois qu'ils essaient d'être innovateurs, mais c'est très difficile, et ils n'ont tout simplement pas le temps.

Il y a une chose que l'UNHCR a faite récemment, au chapitre de l'innovation, pour le personnel. L'organisme a créé un site web où les employés peuvent faire part de leurs idées sur la façon de travailler plus efficacement sur le terrain ou même encore au quartier général. Je crois qu'ils ont créé des prix pour les gens qui proposent les meilleures idées.

Je crois que je vais m'arrêter là. J'ai quelques commentaires à faire, si nous avons le temps plus tard, peut-être, à propos des dilemmes dont nous venons de parler et auxquels fait face l'UNHCR. Ce sont les mêmes problèmes, en ce qui concerne la neutralité, et tout le reste.

M. Oestreich : Je suis d'accord avec la plus grande partie de cela. J'ai souligné un point, dans ma déclaration préliminaire, en disant qu'il est dans l'intérêt de l'UNICEF et de la collectivité internationale en général de donner à cet organisme la possibilité d'être le plus innovateur possible. Je crois qu'une des véritables forces de l'UNICEF est que, grâce à sa structure décentralisée, les gens sur le terrain ont une très grande marge de manœuvre pour déterminer les besoins dans une situation donnée. Il est certain que, dans d'autres régions du monde, j'ai vu certaines idées remarquablement innovatrices au sujet des programmes et de la façon d'aider les enfants.

Fait-on preuve d'autant d'innovation qu'on le pourrait ou qu'on le devrait? Je ne sais pas s'il y a une réponse définitive à cette question, je dirais que, de mon point de vue — et quelqu'un d'autre pourrait me contredire —, mais la communauté internationale a tout intérêt à laisser la porte ouverte à la possibilité que ces organisations soient les plus novatrices possible. Un si grand nombre d'organismes internationaux sont tellement centralisés et pris dans le carcan des mandats précis et des ensembles de paramètres qu'ils sont censés respecter que cela peut parfois étouffer l'innovation. Ce n'est certainement pas quelque chose que les gens voudraient voir.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez tous deux parlé du mandat changeant de l'UNICEF et de l'UNHCR. Il nous a fallu des décennies pour mettre sur pied ces organisations et leur faire acquérir une certaine acceptation universelle, même dans les zones de conflit. Maintenant, la difficulté tient au fait que nous faisions face à des acteurs non étatiques qui ne font pas de distinction entre les enjeux d'ordre humanitaire et politique. Par conséquent, la vulnérabilité des membres du personnel des organismes et de leur travail tient à des fondements idéologiques ou simplement au fait qu'il s'agit d'acteurs non étatiques qui ne font de distinction entre personne, y compris, dans certains cas, récemment, la Croix-Rouge. Comment pouvons-nous commencer à rétablir un certain respect pour ces organismes qui ne s'associent à aucun des acteurs d'un côté ou de l'autre de l'enjeu?

M. Oestreich : C'est une question très intéressante et un sujet sur lequel je me suis beaucoup penché en tant qu'universitaire.

Dès qu'il a commencé à s'intéresser au travail humanitaire, l'UNICEF a pu fonctionner à des endroits où l'une des parties est un acteur non étatique. Ses intervenants ont travaillé à plein d'endroits où régnaient le désordre civil et la guerre civile, où on a d'un côté un État et de l'autre, un groupe de guérilleros, un groupe séparatiste ou un organisme révolutionnaire. Dans le passé, ils ont pas mal bien réussi à négocier avec ces groupes. Cela même constitue une innovation parce que, techniquement, les acteurs non étatiques n'ont pas de statut auprès de ces organismes internationaux.

Il n'y a pas si longtemps, c'était en Inde, que l'UNICEF négociait avec certains groupes rebelles, groupes séparatistes ou appelez-les comme vous voudrez, et l'organisme a bonne réputation, commande beaucoup de respect et travaille fort pour s'assurer que ces organisations le respectent en tant qu'intermédiaire neutre.

Que peut-on faire lorsqu'un groupe ne respecte tout simplement pas la Croix-Rouge, l'UNICEF, l'UNHCR ou des personnes indépendantes travaillant pour Médecins Sans Frontières? Je ne pense pas avoir de réponse à cette question. C'est un énorme défi que ces organisations ne semblent pas suivre une ligne de conduite logique du point de vue de la façon dont ils traitent avec ces organismes. Je sais que l'UNICEF, l'UNHCR et d'autres organisations prennent la sécurité de leur personnel très au sérieux. Si elles ne peuvent pas garantir cette sécurité, elles ne peuvent pas vraiment fonctionner ou fonctionner aussi bien qu'elles le voudraient.

J'aimerais avoir une réponse quant à ce qu'il faut faire dans ces cas-là, mais bien des spécialistes se creusent la tête au sujet de la façon de traiter avec les organisations qui ne semblent pas suivre une ligne de conduite logique. On ne peut pas dire : « Vous avez tout intérêt à laisser ces organisations mener leurs activités, puisque cela vous aidera à obtenir le soutien des personnes que vous voulez qui vous soutiennent. ».

Je ne vois pas. Je ne sais pas.

M. McBride : Je suis d'accord avec tout ce qui vient d'être dit. Il s'agit d'une question incroyablement complexe, mais importante. Je pense que les organismes sont aux prises avec ce problème depuis longtemps. Je pourrais l'aborder en adoptant une approche légèrement différente.

La résolution directrice sur l'aide humanitaire est la résolution 46/182 de 1991. Elle établit les principes que nous avons évoqués un peu plus tôt au sujet de la neutralité, de l'impartialité et de l'humanité. Il s'agit des principes directeurs des organismes humanitaires. Chaque année, plus particulièrement dans les résolutions portant sur le renforcement de la coordination de l'aide humanitaire d'urgence des Nations unies, le Conseil économique et social en adopte un. Ensuite, à l'automne, l'Assemblée générale adopte une résolution très semblable. Il y a toujours plusieurs mentions du fait que les organismes doivent respecter ces principes, et, habituellement, il y a des mentions supplémentaires selon lesquelles les organismes ne doivent pas sortir du cadre de leur mandat. On se pose donc la question de savoir s'il est approprié pour les organismes de négocier avec des acteurs non étatiques. Lorsqu'ils le font, je pense qu'ils déclarent presque toujours qu'ils ne sont pas en train d'établir un précédent qui justifie le statut de ces acteurs non étatiques. C'est l'un des problèmes auxquels ils font face.

L'autre problème — parce que les situations sont très dangereuses, comme vous l'avez souligné —, c'est que, parfois, les troupes de maintien de la paix ou d'autres partisans ou membres du personnel militaire participent à la prestation de l'aide humanitaire. Cela pose un problème important pour les organismes humanitaires parce que, à partir de ce moment-là, ils ne sont plus perçus comme étant impartiaux ou neutres par l'une des parties. Il y a donc un flou, et vous remarquerez que les résolutions contiennent des paragraphes qui mentionnent le besoin d'améliorer la perception qu'ont les collectivités locales du rôle que jouent les organismes afin qu'ils soient considérés sous ce que nous espérons être un genre de forme pure, comme étant neutres.

Je suis tout à fait d'accord avec le commentaire précédent selon lequel ils sont parfois perçus comme les méchants et les gentils dans ces situations, et c'est assurément le cas maintenant, pour ce qui est de certaines des activités menées, peut-être, par l'État islamique. Je pense que la plupart d'entre nous seraient d'accord avec cela. Pourtant, si nous commençons à consigner les violations des droits de la personne et les événements dans des situations encore plus normales, nous risquons que des États puissent nous dire de sortir parce que nous ne pouvons fonctionner que dans les pays où nous avons l'approbation et le consentement du gouvernement. C'est une autre limite très ténue. Dans quelle mesure pouvons-nous critiquer un dossier relatif aux droits de la personne, et cette critique compromet-elle notre capacité de fournir l'aide humanitaire aux personnes qui en ont besoin?

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Oestreich, vous disiez que l'un des domaines qui, selon vous, ne faisaient pas partie du mandat de l'UNHCR était celui des gens qui étaient déplacés de force en raison des changements climatiques, mais ne serait-ce pas la même chose que dans le cas de toute autre catastrophe naturelle, c'est-à-dire que, lorsque les gens se déplacent, il y a un élément politique ainsi que, peut-être, un aspect lié à la catastrophe naturelle? Si nous étirons les interprétations des mandats, n'engloberaient-ils pas déjà ces situations?

M. McBride : Je pense que c'était mon commentaire au sujet des changements climatiques.

La position qu'a adoptée l'UNHCR à ce sujet, c'est que, du moins, pour le moment, si, malheureusement, ce genre de situation devait se produire et que certaines personnes devaient partir en raison de la crue des eaux ou de quoi que ce soit, aucun mandat n'englobe ces situations, du moins pas celui de l'UNHCR.

Que ces gens soient déplacés à l'intérieur du pays ou non, la question ne se pose même pas. S'ils devaient quitter le pays, ils appartiendraient probablement à une autre catégorie. Certaines personnes utilisent le terme « réfugiés de l'environnement ». L'UNHCR n'est pas à l'aise avec ce terme parce qu'il contient le mot « réfugié »; par conséquent, on emploie généralement le terme « personnes déplacées pour des raisons écologiques ».

Je pense que, à ce stade, le principal organisme qui retiendrait l'attention et qui tenterait de mettre au point des mécanismes permettant de fournir l'aide à ces personnes serait probablement le BCAH — le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies — parce que son rôle consiste à défendre les droits des personnes non seulement dans des situations d'urgence complexes, mais aussi dans des cas d'urgences assimilables à des catastrophes naturelles. C'est donc par là qu'il faudrait commencer. Mais, d'un autre côté, le BCAH n'est pas un organisme opérationnel; par conséquent, à un certain moment, il devrait trouver quelqu'un d'autre pour effectuer le travail sur le terrain.

La sénatrice Andreychuk : Merci.

La vice-présidente : Sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup de vos commentaires.

Je veux que nous nous concentrions sur la terrible situation qui règne au Moyen-Orient, plus particulièrement en ce qui a trait aux réfugiés syriens, à l'intérieur comme à l'extérieur de leur pays.

À l'occasion d'une réunion précédente, un témoin nous a fait part de défis très difficiles à relever en ce qui a trait à l'éducation des jeunes qui sont réfugiés, qui sont déplacés. Il s'agit d'une affaire très importante pour l'avenir des gens de la Syrie, et pourtant, nous constatons qu'un grand nombre d'entre eux ne reçoivent pas l'éducation dont ils ont besoin pendant qu'ils sont dans cette situation de réfugiés.

On a mentionné, bien entendu, que certains d'entre eux doivent travailler pour tenter de subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille. On tente donc de trouver des façons de leur donner une certaine forme d'éducation qui fonctionne à l'intérieur de ce cadre, mais beaucoup de jeunes n'en voient tout simplement pas la valeur parce qu'ils ne peuvent pas obtenir une formation de niveau secondaire. Ils ne reçoivent qu'une éducation très primaire.

Que peut-on faire à cet égard? Que peuvent faire l'UNICEF et l'UNHCR à propos de l'éducation de ces jeunes?

M. Oestreich : Avant de formuler mes commentaires, je dois répéter que je ne suis pas allé en Syrie ni dans aucun des camps de réfugiés de la région qui composent avec des réfugiés syriens; par conséquent, je n'ai aucune réelle connaissance directe de cette situation particulière.

De façon générale, bien entendu, l'UNICEF considère l'éducation comme étant au cœur de son mandat et de ses engagements à l'égard des enfants, et ses intervenants ont des façons de faire vraiment novatrices, des choses comme la notion de l'école en boîte, où on peut essentiellement fournir tout ce qui est nécessaire pour aider un enfant à faire des études primaires et qui peut être fournie et installée très rapidement dans les régions où on en a besoin.

Je ne suis pas sûr d'avoir un commentaire à formuler particulièrement sur la question des études primaires aux études secondaires. Je suppose que, actuellement, la situation là-bas est probablement si nouvelle que c'est d'une installation de base qu'on a besoin.

En ce qui concerne la compréhension qu'ont les enfants de la valeur de l'éducation, je pense que l'éducation en soi a une valeur. L'éducation primaire — l'alphabétisation — a beaucoup de valeur et est importante, pas seulement pour ce qui est de convaincre les enfants du fait que l'obtention d'une éducation particulière va leur permettre par la suite d'obtenir une éducation secondaire et que cela mènera à un emploi, mais aussi parce que les résultats en matière de santé et d'autres éléments importants pour les enfants découlent précisément du fait de s'assurer que les filles sont éduquées. Bien entendu, l'éducation des filles est un volet important de ce que l'UNICEF tente de faire.

Je ne suis pas sûr d'avoir un commentaire à formuler particulièrement sur la question de promouvoir l'éducation et de convaincre les enfants que c'est la façon pour eux de sortir de la situation de réfugié ou de la situation qui fait qu'ils ont besoin de ce genre d'aide, mais je pense qu'il s'agit d'une partie importante de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il s'agit d'un élément capital du mandat de l'UNICEF, qui s'efforce de fournir une éducation de base pouvant permettre aux enfants de prendre les décisions qui sont importantes dans leur vie et les aider à vivre pleinement leur vie. Il est certain qu'on est conscient de la nécessité de faire face aux effets psychologiques du conflit, et cela pourrait comprendre la sensibilisation des enfants aux genres d'options qui s'offrent à eux.

Je ne suis pas certain de pouvoir aborder précisément les études secondaires dans les camps de réfugiés syriens.

M. McBride : Je suis dans le même bateau pour ce qui est de parler du passage des études primaires aux études secondaires, sauf que je sais que ces organismes en sont conscients et qu'ils tentent de travailler là-dessus.

Il est évident que l'argent serait utile. Il est certain que l'une des choses que les organismes peuvent faire, qu'ils devraient faire et, selon moi, qu'ils font, c'est travailler avec les gouvernements, là où ils le peuvent, ainsi qu'avec les ONG afin d'aider à fournir le personnel et les autres possibilités liées à l'éducation.

Dans tout ce sombre tableau, au cours de la dernière semaine, il y a eu au moins une lueur d'espoir. Un journal libanais, le Daily Star, a déclaré que — je commence sur une mauvaise note — 1 500 enfants vivent dans la rue au Liban, dont 75 p. 100 sont des réfugiés syriens et 80 p. 100 sont des mendiants ou des vendeurs de rue. Les journalistes ont effectué un sondage auprès de certains de ces enfants et leur ont demandé ce qu'ils aimeraient faire, et le premier choix parmi leurs réponses était l'éducation. Il y a donc au moins un peu d'espoir à cet égard.

On dénombre 353 000 réfugiés dans les écoles, mais il en reste plusieurs centaines de milliers, probablement près de un million, qui n'y sont pas.

L'un des événements qui ont eu lieu, c'est le lancement, il y a environ un an, du programme Non à une génération perdue par l'UNICEF, l'UNHCR, Save the Children et Vision mondiale. Il a été mis en œuvre afin de protéger la génération d'enfants syriens contre une vie de désespoir, de perspectives réduites et d'avenirs brisés.

Relativement à ce programme, l'UNHCR a adopté ce qu'il appelle une approche à cinq volets. C'est facile de parler de l'approche. Je ne pourrais pas dire s'il est capable de la mettre en œuvre ou non, mais elle comprend le renforcement de la génération de données probantes — on a besoin de données —, le renforcement des systèmes de protection des enfants par l'accroissement de la sensibilisation, des capacités, des compétences et de la conscience des fournisseurs de services; le renforcement des mécanismes d'adaptation et des capacités d'autoprotection des enfants, des familles et des collectivités; l'intégration des interventions de protection des enfants dans d'autres secteurs, en particulier l'éducation; et la défense des droits auprès de divers intervenants afin d'influer sur les décisions et les mesures prises relativement à la promotion et à la protection des enfants.

Selon moi, il est juste de dire que les organismes réfléchissent beaucoup à ces aspects, mais que l'argent et les conditions dans lesquelles ils travaillent ainsi que le manque de personnel, dans certains cas, peut être... Ce sont tous des facteurs qui rendront leur travail très difficile. Ces organismes ont besoin du soutien des gouvernements et des ONG.

M. Oestreich : Je vais seulement ajouter une chose, rapidement : je pense que la question du passage des études primaires aux études secondaires fait partie de la grande question de cette idée du « non à une génération perdue ». Ce sont les facteurs d'une approche plus holistique ou axée sur les droits au chapitre du bien-être des enfants, où beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte lorsque l'on veut s'assurer que les enfants sont conscients du fait qu'il y a une vie après cette situation et qu'ils ont la possibilité d'avoir un avenir. Il s'agit d'une entreprise à plusieurs volets. Elle ne concerne pas que l'éducation; elle touche beaucoup de facteurs.

Le sénateur Eggleton : Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. McBride il y a quelques instants : que les jeunes de la Syrie accordent de la valeur à l'éducation. Je pense que, pendant un certain nombre d'années, les Syriens ont eu une bonne réputation en ce qui concerne leurs taux de scolarité et, bien entendu, je n'ai même pas mentionné les études postsecondaires. On ne peut pas se rendre aux études postsecondaires avant le secondaire et, selon moi, un grand nombre d'entre eux utilisent l'espoir. Non, nous ne voulons pas qu'une génération soit perdue, mais pendant encore combien de temps ce conflit perdurera-t-il? Il pourrait se poursuivre pendant encore 10 ans.

Laissez-moi passer à une question d'ordre plus général. Vous avez mentionné le Liban, monsieur McBride. Un grand nombre des réfugiés s'intègrent dans la population. Je pense que, lorsque nous pensons aux réfugiés qui sortent du pays, bon nombre d'entre nous, ici, les imaginons aller dans des camps, comme en Jordanie, et c'est ce qu'ils font, dans une grande mesure.

Au Liban, il y a davantage d'intégration dans la collectivité. Toutefois, beaucoup de conflits ressortent de cette situation. Les Libanais ont eux-mêmes beaucoup de problèmes avec lesquels ils doivent composer, et il y a de la concurrence pour les emplois, une surutilisation des services publics et l'impression que les réfugiés reçoivent peut-être une plus grande attention que certains membres de la population locale. C'est une situation générale. Elle pourrait se produire à d'autres endroits où on observe également ce genre d'intégration dans la collectivité.

Que peuvent faire les deux organismes à ce sujet? Il s'agit d'une situation différente de celle des camps traditionnels. Pendant de nombreuses années, j'en suis sûr, on a élaboré un modèle relatif au fonctionnement là-bas, mais comment mène-t-on ses activités dans cette situation?

M. McBride : Eh bien, vous avez tout à fait raison. Je pense qu'en fait — c'est le cas en Jordanie également — que la grande majorité des réfugiés vivent en dehors des camps, et une partie du problème que connaît la Jordanie, c'est que personne ne donne de chiffres clairs. De fait, on vient tout juste d'amorcer un recensement des réfugiés syriens afin de tenter de parvenir à s'entendre sur le nombre. L'UNHCR a enregistré environ 600 000 réfugiés, et la Jordanie prétend qu'il pourrait y en avoir 1,2 million dans le pays. Ainsi, le recensement sera utile, et l'une des raisons pour lesquelles on l'effectue, c'est qu'il permettrait aux parents — on en revient à la question de l'éducation — d'inscrire leurs enfants à l'école parce qu'ils seraient documentés.

Pour ce qui est de joindre, de façon générale, les populations des régions urbaines, c'est extrêmement difficile parce qu'on ne sait pas toujours où sont les réfugiés. Il se pourrait qu'ils ne veuillent même pas qu'on sache qu'ils sont des réfugiés, si les gens ne sont pas au courant, ou qu'ils ne sachent pas que l'UNHCR essaie de leur fournir des services.

L'UNHCR a établi une politique relative aux réfugiés urbains au cours des dernières années. Elle est accessible sur le site web. Je ne peux pas en citer les détails. Ainsi, je pense qu'à l'UNHCR, on est assurément conscient de cette situation, maintenant. De fait, en général, plus de la moitié des réfugiés dont s'occupe l'UNHCR ne vivent pas dans des camps; ils vivent dans des régions urbaines ou au moins d'une certaine manière à l'extérieur des camps.

Concernant le problème de la concurrence pour les ressources que posent les réfugiés pour les sociétés, je pense que l'UNHCR tente de travailler avec les collectivités, surtout là où il y a des camps de réfugiés, pour s'assurer que les collectivités aussi obtiennent de l'aide. On pourrait penser à juste titre que c'est peut-être là que l'UNHCR est un peu sorti du cadre de son mandat. Mais, encore une fois, si on pense aux résolutions, elles demandent toujours aux responsables de l'UNHCR d'être conscients de cette situation et de reconnaître que les collectivités locales ont des besoins et que leurs membres devraient participer, dans une certaine mesure, à une partie du processus décisionnel.

J'espère que cela répond à la plupart de vos questions, et je vais céder la parole à mon collègue.

Le sénateur Eggleton : Merci.

M. Oestreich : C'est une question compliquée. Selon sa politique, l'UNICEF doit aider tous les enfants, partout. À beaucoup d'endroits, l'organisme doit composer avec la question des enfants réfugiés ou des enfants déplacés qui ne reçoivent pas les avantages du pays dans lesquels ils se trouvent parce qu'ils sont apatrides ou qu'ils sont réfugiés. Ils pourraient être passés sous le radar de certains des organismes locaux qui sont censés les aider.

Une importante partie du travail de l'UNICEF consiste à collaborer avec les institutions et les organismes locaux, qu'il s'agisse du gouvernement ou d'ONG, afin de découvrir où se trouvent ces enfants et de faire preuve d'innovation en tentant de les joindre. Encore une fois, on en revient à la question de la nécessité d'être novateur. Ces organisations doivent travailler par l'intermédiaire d'acteurs locaux. L'UNICEF a un nombre de ressources limité. C'est un défi, mais cela fait assurément partie de son mandat.

Je voulais également ajouter à cela la question de la fatigue des donateurs. C'est quelque chose qu'on observe tant dans des pays en particulier que dans la communauté internationale en général. À un certain moment, le problème des réfugiés devient si accablant et déstabilisant pour les pays qui composent avec ces réfugiés que les ressources ne sont plus disponibles parce qu'il semble tout simplement qu'il n'y a pas de solution, de toute façon ou que les États décident qu'ils ont d'autres priorités sur lesquelles ils doivent se concentrer et que ces enfants réfugiés sont le problème de la communauté internationale. C'est une chose dont les organismes internationaux sont conscients, et c'est un grave problème.

La sénatrice Hubley : Je vous remercie des exposés que vous avez présentés ce matin.

Vous commencez tout juste à aborder le financement, monsieur Oestreich, et j'aimerais poursuivre sur ce sujet. Bien entendu, le financement est nécessaire à la réalisation de votre mandat et certainement aux programmes que vous pouvez mettre sur pied.

Lorsque les fonds ou les dons sont épuisés, qui établit les priorités en ce qui a trait aux mesures qui seront prises?

M. Oestreich : Il faudrait que je m'informe à ce sujet. Vous en parlez comme si c'était mon travail. Je suis un universitaire de l'extérieur qui étudie l'UNICEF. J'ai le regret de le dire, mais je ne suis pas certain de me sentir qualifié pour répondre à cette question. Il s'agit d'une question de niveau opérationnel à laquelle je ne connais tout simplement pas la réponse.

La sénatrice Hubley : Il est certain que l'UNICEF mène une campagne de financement dynamique. Je me demande si vous avez étudié cette partie de l'organisation.

M. Oestreich : Non, vraiment, je ne l'ai pas étudiée; par conséquent, je vais faire attention à ce que je dis. Comme vous l'affirmez, sa campagne de sensibilisation est très dynamique. Elle récolte beaucoup d'argent auprès d'un grand nombre d'organisations, des deux comités nationaux pour l'UNICEF dans le monde, de certains donateurs importants et dans le cadre de diverses campagnes.

Je reçois à peu près tous les mois un courriel de l'UNICEF me demandant de donner de l'argent, mais les aspects techniques liés au fonctionnement de cette collecte de fonds ou aux personnes exactes qui prennent les décisions au sujet de la façon dont cet argent est dépensé ne sont pas un domaine dans lequel j'ai une expertise quelconque. Je crains donc de devoir passer mon tour.

La sénatrice Hubley : Merci.

Monsieur McBride, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. McBride : J'ai bien peur d'avoir travaillé sur une partie du financement, surtout lorsque je faisais partie de l'équipe de 2004 de l'UNHCR, qui repense le rôle de l'UNHCR à l'intérieur du système de l'ONU. Le financement est bien sûr une préoccupation majeure pour l'UNHCR, comme pour tous les organismes.

Il y a quelques années, des États membres du milieu exécutif ont demandé à l'UNHCR d'établir un budget en fonction des besoins plutôt que de proposer des budgets en fonction des sommes que nous pensons pouvoir obtenir afin de déterminer la somme que nous allons demander. Je pense que c'était la bonne chose à faire.

Bien entendu, comme vous pouvez vous y attendre, cela a fait augmenter considérablement la somme d'argent que nous demandions. Cette somme a probablement presque doublé. Une autre des choses que cela indique, c'est qu'il y avait probablement beaucoup de programmes qui, selon nous, auraient dû être mis en œuvre, mais qui ne l'étaient pas.

Le problème lié à cette pratique — et M. Oestreich a mentionné la fatigue des donateurs —, c'est que, même si nous demandons maintenant ce dont nous pensons avoir besoin, nous ne l'obtenons pas toujours, et cela mène à votre question : Que devons-nous faire, dans ce cas?

Selon moi, le processus budgétaire de l'UNHCR est assez complet, et les intervenants sur le terrain y contribuent beaucoup. Dans le cas d'un manque à gagner de 5 à 10 p. 100 dans un domaine particulier, les gens sur le terrain détermineraient probablement quels programmes ils interrompraient, lesquels ils pourraient modifier, et ainsi de suite.

Je suis certain que vous savez que l'une des grandes préoccupations des organismes relativement au financement, c'est l'affectation de crédits qui a cours. Heureusement, le Canada nous donne pas mal d'argent. Vous êtes l'un des plus importants donateurs de l'UNHCR, et vous fournissez toujours au moins une partie de l'argent qui n'est pas affecté à une fin particulière.

L'un de nos problèmes tient au fait que l'argent que nous recevons est affecté à un programme particulier et que, si nous pouvons exécuter le programme efficacement et ainsi épargner une partie de cet argent, nous ne pouvons l'utiliser nulle part ailleurs. C'est comme s'il dormait là, en prévision peut-être de l'année suivante du programme en question. C'est un des problèmes que nous avons en ce qui a trait au financement.

L'autre, bien entendu, c'est celui des situations qui persistent. La plupart des situations de réfugiés sont persistantes, c'est-à-dire qu'elles durent au moins cinq ans. Je pense avoir vu les données de l'un de vos intervenants, plus tôt, selon lesquelles la période moyenne passée dans un camp de réfugiés est de 17 ans. Ces situations ont tendance à être... et nous les appelons même parfois des urgences oubliées parce que tout le monde — à bon droit — s'empresse d'essayer de s'occuper de la Syrie, de la Somalie, du Soudan du Sud ou d'autres endroits en Afrique.

Il y a donc toutes sortes de problèmes de financement. Le nombre de donateurs n'est pas suffisant. Nous tentons d'élargir la base de donateurs. Nous avons essayé d'améliorer notre financement privé, mais je suis pas mal certain qu'il est évident pour tout le monde que l'UNHCR n'est pas aussi bon que l'UNICEF sur ce plan. Il est le solliciteur de fonds modèle parmi les organismes humanitaires.

Nous essayons d'avoir plus d'argent. Nous tentons d'en obtenir qui ne soit pas affecté à une fin particulière, mais nous faisons toujours face à des manques à gagner, en particulier pour les situations persistantes. Cela signifie que des programmes sont abandonnés, et c'est très malheureux.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

La vice-présidente : Je veux seulement faire un suivi rapide de la question du manque de financement. Ce manque a- t-il créé des tensions entre les diverses organisations?

M. Oestreich : Je ne peux pas parler de la situation en Syrie particulièrement, mais il est certain que le financement cause bel et bien une tension entre les diverses organisations. Je répéterais ce que M. McBride a dit au sujet des urgences oubliées. Une tension est également liée aux nouvelles situations d'urgence qui surviennent et qui font que des situations plus anciennes sont oubliées, pas seulement dans les organismes internationaux, mais dans toutes les ONG. Les bailleurs de fonds se précipitent vers le problème immédiat, quel qu'il soit, et les autres problèmes tombent dans l'oubli. Une partie de ce phénomène tient simplement à la concurrence entre organismes. Je fais davantage allusion aux ONG, mais, dans une certaine mesure, les organismes internationaux d'aide à la transition se retrouvent eux aussi en concurrence. Si vous envoyez un courriel qui dit : « Aidez les enfants de la Syrie », vous recevrez plus d'argent que si vous envoyez un courriel pour rappeler aux gens qu'il y a encore de terribles crises en Libye, au Darfour ou en Somalie.

Oui, il y a assurément certaines tensions entre les organisations, et je pense qu'un grand nombre des réformes dont nous avons déjà parlé en ce qui a trait à la prestation de l'aide internationale sont censées aider un peu à cet égard. Le degré de coordination permet de savoir clairement et exactement comment les ressources sont partagées et pourquoi.

M. McBride : Je suis d'accord avec tout cela. Il y a des guerres de territoire entre organismes. Je suis certain qu'il y a toujours eu de la concurrence en ce qui a trait au financement. Il y a quelques années, une des mesures qui ont été prises — et le BCAH a assumé la direction de l'initiative — a été la création du processus d'appel global, selon lequel les organismes et l'équipe de l'ONU dans le pays sont censés se consulter et établir un appel commun qui détermine l'ordre de priorité des besoins dans la région. De cette manière, les donateurs ont une idée de l'endroit où ira d'abord leur argent et des autres endroits où il pourra aller. Nous le reconnaissons. Ce processus existe.

Ensuite, il y a bien sûr la concurrence avec les ONG. Même si les organismes financent souvent les ONG, environ 30 p. 100 du budget de l'UNHCR — peut-être un peu plus — va en fait aux ONG afin de leur permettre d'exécuter des programmes, puisque, manifestement, l'UNHCR ne peut pas faire tout cela lui-même. Je n'arrête pas de voir des chiffres différents à ce sujet, mais je sais que l'UNHCR travaille avec au moins 600 ONG différentes partout dans le monde.

Il y a vraiment un bon exemple de guerre de territoire. Si certains d'entre vous connaissent le livre de David Rieff intitulé A Bed for the Night : Humanitarianism in Crisis, dans lequel il a interrogé les responsables de certains des organismes œuvrant en Bosnie-Herzégovine, où l'UNHCR s'était vu attribuer le rôle d'organisme dirigeant... Je ne nommerai pas l'organisme — et ce n'était pas l'UNICEF —, mais, lorsqu'ils ont demandé aux représentants de l'un des organismes ce qu'ils auraient fait différemment relativement à la Bosnie-Herzégovine, la réponse a été : « Nous serions arrivés plus tôt, et nous aurions été l'organisme dirigeant. »

Ainsi, les organismes sont conscients de leur rôle les uns par rapport aux autres, même si, selon moi, la collaboration entre l'UNICEF, l'UNHCR et le PAM, au fil des ans, ainsi qu'avec le mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a été excellente. Des protocoles d'entente ont été établis au sujet de leurs rôles particuliers. Nous ne pourrions pas fonctionner, même lorsqu'il s'agit de s'occuper d'enfants, sans l'UNICEF, ou d'alimentation, sans le PAM.

L'autre chose que je voudrais dire, c'est qu'il y a beaucoup plus de tension à New York entre les sièges sociaux qu'on peut en observer sur le terrain. Sur le terrain, les gens ont besoin les uns des autres. Ils doivent travailler ensemble, en partie parce qu'ils sont souvent dans des situations où ils ne sont pas en sécurité et ils dépendent les uns des autres. Je pense qu'on obtient une bien plus grande collaboration sur le terrain et beaucoup moins de tension qu'on en obtiendrait auprès de gens de New York ou de Genève, qui y sont préoccupés par le mandat, les empiétements et qui sera responsable de ceci et de cela.

La vice-présidente : Je remercie nos deux témoins, M. Oestreich et M. McBride. Nous sommes arrivés à la fin du temps imparti.

(La séance est levée.)


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