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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 4 - Témoignages du 5 mai 2015


OTTAWA, le mardi 5 mai 2015

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour examiner le rapport du Sous-comité sur le privilège parlementaire.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Bienvenue à tous au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.

Je remercie tous ceux qui sont ici aujourd'hui. Nous allons probablement accueillir quelques retardataires, mais comme tout le monde le sait, nous examinons cette semaine le document qui nous a été remis, Une question de privilège : document de travail sur le privilège parlementaire au Canada au XXIe siècle. Le comité de direction s'est réuni il y a deux semaines et a examiné la façon dont nous devrions procéder. La suggestion qui a été faite par les membres de ce comité, et qui a débouché sur un accord, était d'écouter l'exposé présenté par Charles Robert et Dara Lithwick au sujet du travail qui a été effectué et essayer de mettre tout le monde à jour au cours des 30 minutes qui suivraient. Les membres pourront poser des questions après les exposés et nous essayerons ensuite d'avoir une discussion sur la façon dont nous allons gérer à l'avenir le privilège parlementaire.

Avant de commencer, je vais demander s'il y a des questions. Je regarde mon ami, le sénateur Joyal, qui souhaite peut-être poser une question ou exprimer une préoccupation avant que nous commencions, mais si ce n'est pas le cas, nous allons sans doute commencer. David Smith n'est pas ici.

Le sénateur Joyal : Non, je n'ai aucune question à poser. J'appuie tout à fait l'approche que vous proposez, monsieur le président.

Le président : Je vais donc donner la parole à Charles.

Charles Robert, greffier du comité : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vais vous fournir quelques explications et vous présenter une leçon d'histoire pour que vous connaissiez le contexte de cette question et compreniez pourquoi le sous-comité a choisi cette approche, après les travaux qu'il a effectués au printemps et au cours de l'été l'année dernière, pour préparer le rapport.

Nous savons tous à peu près à quoi sert le privilège parlementaire. Il s'agit de protéger et d'appuyer les parlementaires et le Parlement lui-même dans les travaux qu'ils effectuent pour le bien de la nation.

Le défi auquel le sous-comité faisait face consistait à mettre à jour pour le Canada le privilège parlementaire, à le ramener dans le XXIe siècle à une époque où il y a la Charte.

Nous savons que la Charte a eu des répercussions sur ce privilège parce que, en chiffres relatifs, il y a eu une explosion des contestations judiciaires du privilège parlementaire. Cela ne s'était pas vu souvent en droit canadien avant la Charte. Quelques affaires apparaissaient de temps en temps et il y en a eu trois à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, mais il n'y en a pas eu vraiment d'autres.

Pourquoi ces litiges apparaissent-ils? Parce que les gens croient dans la Charte et croient dans les droits qu'elle garantit. Cela fait aussi partie d'une culture de plus en plus axée sur un système juridique fondé sur les droits et également, à une époque où le Parlement essaie lui-même de démontrer qu'il est davantage prêt à rendre des comptes et à être transparent. Tous ces facteurs font que le moment est venu de réfléchir à ce que le privilège parlementaire devrait être à notre époque.

Cette situation offre un vif contraste avec ce qui existait auparavant. Si l'on examine ce qu'a été historiquement le privilège parlementaire, on constate qu'il est apparu de plus en plus clairement au cours du XVIIe siècle et que c'était un mécanisme grâce auquel le Parlement pouvait affirmer son rôle dans le gouvernement en contestant les actes de la Couronne, qui intervenait parfois dans ses travaux et utilisait les tribunaux contre lui, parce que les juges étaient nommés par la Couronne et étaient révoqués selon le bon vouloir de la Couronne, de façon à imposer sa volonté au Parlement.

À la fin de la guerre civile, le Parlement a réussi à restaurer son privilège et à négocier avec la Couronne les éléments de ce qui devenait à l'époque une monarchie constitutionnelle. Les membres du Parlement ont utilisé leur position pour déclarer leur suprématie, et c'est la raison pour laquelle une des expressions que nous entendons, lorsque nous faisons allégeance à la Couronne et à ses successeurs, est l'expression « conformément à la loi ». « Conformément à la loi » est la nouvelle petite phrase qui a été adoptée après la guerre civile et qui affirmait que c'était le Parlement qui choisissait le souverain, parce que c'est lui qui adoptait les lois.

C'était l'affirmation du contrôle du Parlement.

Le privilège a été créé pour dire à la Couronne : « Nous bénéficions d'une protection; vous la reconnaissez; vous ne pouvez rien contre nous lorsque nous exerçons correctement nos fonctions. »

Il était prévu que les tribunaux n'auraient pas le droit d'ignorer ce privilège parce que les membres du Parlement savaient à cette époque que les tribunaux étaient encore contrôlés par la Couronne. Ce n'est que quelques années plus tard — et c'est là une bizarrerie de l'histoire — que les tribunaux sont devenus plus indépendants. Je crois que c'était en 1703 ou 1708, avec l'Act of Settlement. En Grande-Bretagne, le Parlement s'est toujours méfié des tribunaux; il s'en méfie encore. Cela est vraiment étonnant.

Le privilège comporte deux aspects. Celui que nous connaissons et qui s'applique encore aujourd'hui et qui a pour but de protéger et de soutenir les travaux du Parlement. Il est également évident qu'en Angleterre, une société hiérarchisée, il avait également pour but d'accorder un certain statut aux membres du Parlement. Vous pouvez le constater et voir comment cette notion a été appliquée dans la décision Stockdale c. Hansard dans laquelle le tribunal a énuméré tout ce qui avait été reconnu comme une violation du privilège entre l'Acte d'établissement et 1760 environ, en Angleterre : le braconnage, le fait de s'emparer du cheval d'un membre du Parlement, l'intrusion, le fait de tuer des lapins, de pêcher dans des étangs sur la propriété d'un membre du Parlement, tous ces actes sont des violations reconnues du privilège. Je crois que l'on peut dire, ce qui est peut-être évident, que ces aspects n'avaient rien à voir avec les travaux du Parlement, mais beaucoup à voir avec le statut de ses membres; ils essayaient de copier le genre d'immunité dont bénéficiait la Couronne à l'époque.

Le privilège parlementaire qui existait en Angleterre tout au cours du XVIIIe siècle comprenait cette dimension. Cet aspect a commencé à s'étioler lorsque l'Angleterre est devenue une société plus démocratique après le Reform Act de 1832, qui coïncidait également avec la décision Stockdale c. Hansard, et avec une série de décisions qui ont été rendues en 1839. À cette époque, les tribunaux ont inventé, mis au point et utiliser un outil qui a joué un rôle essentiel pour nous depuis lors, et c'est l'affirmation des tribunaux selon laquelle ils peuvent utiliser la notion de nécessité pour préciser la portée d'un privilège revendiqué, mais nouveau.

La Chambre des communes affirmait que les documents imprimés sous son autorité en vue d'une distribution générale étaient protégés par un privilège. C'est sur ce point que portait l'affaire Stockdale c. Hansard. Le tribunal a dit : « Vraiment? Depuis quand? Nous comprenons que les documents produits à des fins internes devraient être protégés, mais pourquoi des documents généraux destinés à être distribués à la population devraient-ils être exemptés des règles relatives à la diffamation? » Les tribunaux ont déclaré : « Vous avez le fardeau de la preuve : est-ce vraiment nécessaire pour vos travaux? Nous ne le pensons pas. »

Le Parlement s'est vengé — je vais utiliser ce terme pour être plus direct — contre la décision du tribunal en adoptant le Parliamentary Papers Act. Il affirmait ainsi son droit de créer de nouveaux privilèges quand il n'acceptait pas les décisions des tribunaux. Et il peut le faire.

Eh bien, telle était la situation en Angleterre au début du XIXe siècle. Quelle était la situation pour ce qui est du privilège parlementaire et des colonies? Eh bien, en 1867, nous avons obtenu l'article 18, un chef de compétence qui nous permet de réclamer tous les privilèges de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Ils avaient déjà commencé à le faire avec les colonies en Australie, de sorte que le Canada n'était pas la première...

Le sénateur Joyal : Nous n'étions pas une colonie en 1867; nous étions un dominion. Je suis désolé de vous interrompre, mais je n'aime pas que l'on utilise le mot colonie pour...

M. Robert : La loi a été adoptée en mars, mais n'est entrée en vigueur que le 1er juillet.

De toute façon, cette attribution de compétence a été mise en œuvre par la Loi sur le Sénat et la Chambre des communes, qui est aujourd'hui l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada, je crois.

Il est intéressant de remarquer que la protection qu'apporte ce privilège a été délibérément refusée aux assemblées législatives provinciales, ce qui a entraîné très rapidement des batailles intéressantes entre le Parlement et les législatures provinciales au XIXe siècle. Les premières tentatives qu'ont faites le Québec, l'Ontario et, je crois, le Manitoba et également la Colombie-Britannique pour réclamer ce privilège au moyen d'une loi ont été bloquées. Ottawa avait le pouvoir de révoquer les lois provinciales et le gouvernement a décidé d'exercer ce pouvoir. Cela concernait le privilège, parce qu'il estimait que les assemblées législatives provinciales n'étaient guère différentes des municipalités et qu'il n'y avait donc aucune raison de leur reconnaître ce privilège.

Ils ont vu, dans la reconnaissance du privilège par Westminster avec l'article 18, l'attribution d'une importance particulière au Parlement fédéral, et ses membres ne voulaient pas que les parlements provinciaux viennent, dans un certain sens, « empiéter » sur ce statut.

En fin de compte, les provinces ont réussi à l'obtenir en utilisant divers moyens. L'un d'entre eux a été finalement le désintérêt de la part d'Ottawa, mais l'autre a été une affaire judiciaire du Québec, Dansereau, 1875, dans laquelle le tribunal a déclaré qu'étant donné que les provinces pouvaient modifier la Constitution, elles pouvaient modifier leur constitution pour s'accorder un privilège. Et c'est là une utilisation tout à fait légitime de ce pouvoir. C'est donc ainsi que les provinces ont contourné le problème, et les provinces ont toutes adopté des lois qui accordent un statut à leurs privilèges. Elles avaient, de toute évidence, le pouvoir inhérent de le faire, mais elles réclamaient également un pouvoir davantage contesté : le pouvoir de sanctionner l'outrage. C'est l'aspect qui a toujours été mis en doute.

Comme je l'ai dit, nous sommes alors 1867 et tout est parfait. Le Parlement ne s'est jamais vraiment inquiété des questions de privilège parlementaire. Cet aspect nous a en fait préoccupés davantage, comme je l'ai dit, à cause de la Charte.

Cela s'explique par le fait que nous n'avons pas une histoire qui nous aiderait à comprendre pourquoi il y aurait lieu de s'inquiéter de cet aspect. Lorsque le privilège parlementaire était contesté entre la Couronne et le Parlement en Angleterre, c'est parce que c'était un moyen pour le Parlement de montrer le pouvoir qu'il pouvait légitimement exercer. Si ses membres n'avaient pas bénéficié de privilèges, la Couronne aurait pu alors intimider le Parlement en arrêtant ses membres pour trahison, pour commentaires irrespectueux — ou sous n'importe quelle autre accusation.

Nous n'avons jamais connu ce problème au Canada. Les rapports entre la Couronne, les tribunaux et le Parlement étaient bien établis. Le privilège n'a donc jamais été un moyen de vérifier les rapports de force et de consolider le statut du Parlement.

C'est une des raisons pour laquelle c'est le tout premier rapport qui fait suite à une étude approfondie du privilège qui ait jamais été écrit par un organe parlementaire au Canada; aucun autre organe canadien ne l'a fait. Il y a eu quelques tentatives au cours des années 1970 à la Chambre des communes, et il a été proposé de faire une telle étude en 2004 par Ottawa, mais cela n'a pas donné grand-chose. C'est le premier document de ce genre qui va aussi loin.

Comme je l'ai dit, je pense que c'est principalement à cause de la Charte. Elle a sensibilisé la population aux droits qu'elle leur garantit. Et c'est là-dessus que portent maintenant les contestations. Elles n'opposent pas la Couronne, les tribunaux et le Parlement; elles touchent plutôt, en fait, aux rapports entre le Parlement et la population.

C'est la raison pour laquelle je pense que les membres du sous-comité ont estimé qu'il serait vraiment utile d'essayer de moderniser le privilège parlementaire pour tenir compte de ces réalités.

Je crois que j'ai suffisamment bavardé. Je devrais peut-être céder la place à Dara et la laisser vous expliquer les autres aspects qui ont guidé l'élaboration du rapport et la façon dont nous avons examiné la notion de nécessité pour évaluer les privilèges que nous réclamons habituellement.

Dara Lithwick, analyste, Bibliothèque du Parlement : Merci, Charles, et merci, monsieur le président.

L'analyse à laquelle a procédé le sous-comité est fondée sur l'idée qui a été discutée au cours de notre dernière réunion et qui a également été soulevée par Charles, à savoir qu'aujourd'hui, le Parlement qui était à l'origine une institution semi-privée est maintenant au centre de la vie publique. Les sénateurs qui faisaient partie du sous-comité étaient tout à fait conscients du fait que la population s'attend à ce que le Parlement soit transparent, accessible et responsable; il faut donc se demander aussi comment les parlementaires devraient exercer leurs privilèges dans ce domaine.

Il y a un aspect qui a été mentionné au cours de la dernière réunion et examiné par Charles, c'est le rôle que joue la Charte sur les rapports constitutionnels entre le privilège et la Charte et comment cela influence les rapports entre le Parlement et la population. C'est un aspect qui est aujourd'hui tout à fait au cœur de cette question.

Nous avons fait allusion à certains arrêts de la Cour suprême, postérieurs à la Charte, qui traitaient des privilèges. La Cour suprême du Canada n'a été amenée qu'à trois occasions à explorer les rapports entre la Charte et le privilège parlementaire, et il n'y avait qu'une seule affaire qui concernait la Chambre des communes, à savoir Canada (Chambre des communes) c. Vaid — l'arrêt Vaid — qui célèbre son 10e anniversaire ce mois; cette décision a été rendue il y a 10 ans.

Les deux autres décisions étaient New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l'Assemblée législative) et Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général).

Il y a un principe qui a été soulevé et réaffirmé dans chacune de ces affaires — par exemple, dans New Brunswick Broadcasting Co., la cour a déclaré que la liberté de la presse garantie par l'alinéa 2b) de la Charte ne l'emportait pas sur le privilège parlementaire, qui a été déclaré constituer une partie tout aussi fondamentale de nos arrangements constitutionnels que la Charte elle-même, et qu'une partie de la Constitution ne pouvait abroger une autre partie de la Constitution.

Les tribunaux ne prendront pas ce genre de décision. Pour ce qui est du privilège parlementaire, les tribunaux vont préciser la portée ou les paramètres du privilège et c'est ce qu'ils ont fait dans la décision Vaid. Dans l'affaire Vaid, le Président de la Chambre des communes soutenait que le contrôle sur certains choix en matière d'emploi relevait du privilège parlementaire et que, par exemple, la Loi canadienne sur le droit de la personne ou d'autres lois ne s'appliquaient donc pas. Les tribunaux ont déclaré que cela n'était aucunement justifié; ce privilège n'avait pas été établi. Dans l'arrêt Vaid, la Cour a exposé le critère qui permet de déterminer s'il existe un privilège et ce critère consistait à déterminer si le privilège invoqué était clairement établi. S'il n'est pas clairement établi, il faut alors se demander s'il est nécessaire pour que le Parlement puisse exercer ses fonctions.

Encore une fois, Charles a parlé de la nécessité, il a même remonté un peu dans le temps — je crois qu'il l'a même mentionné dans le contexte de Stockdale c. Hansard —, mais il s'agit de la nécessité qui est devenue le critère qu'ont utilisé les tribunaux.

Je dois toutefois dire que les tribunaux ne font que préciser les contours du privilège — ils indiquent quels en sont les paramètres. Une fois qu'il a été décidé qu'il était nécessaire, c'est aux parlementaires de décider comment ils souhaitent l'exercer et les tribunaux ne jouent aucun rôle dans ce domaine.

C'est là le vide qu'a essayé de combler le sous-comité et il a fourni à cette fin un cadre d'analyse et présenté des principes généraux applicables à la façon dont les parlementaires devraient exercer leurs privilèges, conformément aux normes contemporaines de responsabilité et de transparence et aux rapports établis entre le Parlement et la population comme, par exemple, cela est prévu par la Charte.

Le sous-comité a ainsi tenté d'élaborer une sorte de cadre relatif à la façon dont les privilèges du Parlement peuvent être exercés, tout en étant conformes à la Charte et en permettant aux différents éléments constitutionnels de fonctionner harmonieusement. Je voudrais encore une fois citer un passage de l'arrêt Vaid sur ce point, et c'est ce commentaire que ce comité a étudié.

Par exemple, au paragraphe 30 de l'arrêt Vaid, la Cour suprême a déclaré :

Sur des questions relevant de son privilège, l'assemblée législative aurait compétence exclusive pour déterminer si les droits de la personne et les libertés publiques ont été respectés.

Sur de nombreux plans, c'est cette déclaration qui a alimenté les travaux du sous-comité. Le sous-comité a élaboré, à partir des principes établis dans Vaid, un cadre permettant d'évaluer les éléments du privilège parlementaire en vue de les adapter aux normes, faute d'un meilleur terme, contemporaines.

Dans son document de travail, le sous-comité a reconnu que le critère de la nécessité exposé dans l'arrêt Vaid de la Cour suprême serait un point de départ utile pour interpréter le privilège au XXIe siècle parce qu'examiner le privilège du point de vue de la nécessité permet de l'intégrer dans le contexte actuel. L'approche retenue en matière de critère du privilège devrait permettre de viser deux objectifs : assurer la protection du Parlement dans l'exécution de ses fonctions essentielles et parallèlement, éviter toute atteinte aux droits constitutionnels, en tenant compte de la Constitution dans son ensemble.

Le sous-comité a proposé le critère dont nous avons parlé un peu au cours de la dernière séance et dont le sénateur Joyal a parlé au cours de la dernière réunion. Premièrement, le privilège est-il nécessaire pour protéger les parlementaires dans l'exercice de leurs fonctions délibératives et législatives ainsi que le rôle du Parlement qui consiste à demander au gouvernement de rendre compte de la façon dont il conduit les affaires du pays? Deuxièmement, le contexte contemporain apporte-t-il des limites raisonnables à la portée et à l'exercice du privilège? Troisièmement, comment ce privilège peut-il être exercé en respectant les valeurs et les principes énoncés dans, par exemple, la Charte canadienne des droits et libertés? Quatrièmement, comment la portée et l'exercice du privilège peuvent-ils s'harmoniser avec les normes de transparence et de responsabilité essentielles à la réputation du Parlement dans la population?

Le sous-comité a ainsi examiné à la fois les privilèges collectifs et individuels reliés au Parlement à partir de ces cadres, ce qui lui a permis de conclure que certains privilèges devraient être adaptés, d'autres étaient nécessaires et d'autres encore ne l'étaient plus.

Par exemple, les témoins sont protégés par la liberté de parole associée au privilège parlementaire et tout ce qui est dit au cours d'un débat parlementaire est protégé par le privilège de la liberté de parole. Dans le cas où des déclarations diffamatoires seraient faites, des déclarations vraiment diffamatoires, les tribunaux ne pourraient pas intervenir, mais les parlementaires pourraient-ils exercer un recours tout en respectant les normes de l'équité procédurale et une norme plus exigeante ou la norme que le Sénat s'est fixée, par exemple, tel qu'elle est exposée dans le règlement d'application de la Loi sur le Parlement du Canada, et dans le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs, par exemple?

Je pense que j'ai suffisamment parlé, mais je voulais vous exposer le cadre analytique qu'avait adopté le sous-comité; je vais m'arrêter là.

La sénatrice Cools : Je me demandais comment nous allions procéder. S'agit-il d'une discussion libre? Avez-vous pensé à une structure? Est-ce une discussion ouverte?

Le président : Oui. Nous avions prévu que Charles et Dara nous exposeraient les thèmes abordés par le sous-comité et les raisons pour lesquelles ils les avaient choisis. Dans le cas où les membres du comité voudraient poser des questions, nous les aurions entendus tout de suite après et nous venons de terminer cette partie de la séance.

La sénatrice Cools : Je ne sais pas à qui adresser ma question, monsieur le président, parce qu'il est possible qu'un membre du sous-comité soit en mesure d'y répondre.

Je remercie, comme toujours, le personnel pour l'excellent travail accompli. Vous avez cité environ cinq critères que le sous-comité a adoptés pour guider et ancrer ses travaux.

Vous avez également déclaré que le Parlement était une institution semi-privée. Je ne pense pas que cela puisse s'appliquer au Parlement de 1867, au moment où l'AANB a été adopté. Cela aurait sans doute été vrai 150 ans plus tôt, mais pas en 1867.

Si c'est bien ce que vous entendez par modernisation, alors je pense que vous devriez peut-être revoir certaines de vos hypothèses de départ. Nous devrions peut-être le faire. Il est tout à fait clair que dans le contexte des décisions qui ont été prises au moment de la Confédération, sir John A. Macdonald, le représentant principal de l'Ontario, et bien sûr, George Brown, savaient parfaitement ce qu'ils voulaient faire. Ils savaient très bien qu'ils se dirigeaient vers une situation fédérale et à l'époque, la notion de fédération était tout à fait nouvelle, à l'exception des États-Unis.

La question des privilèges a suscité beaucoup d'attention et de préoccupations. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de ces pères de la Confédération dont vous pourriez dire qu'ils agissaient dans une capacité semi-privée. Mais l'aspect important est que, lorsqu'il s'agit de privilèges, nous ne devons pas oublier qu'il y a deux grandes lois, qui ont joué un rôle essentiel dans l'histoire des privilèges en Grande-Bretagne.

La première est bien évidemment le Bill of Rights de 1689, une loi qui avait pour objet de donner des directives aux tribunaux. Il y a eu ensuite le Parliamentary Privilege Act de 1770. Cette loi contenait en fait des directives qui s'adressaient aux députés.

Les êtres humains ont tendance à commettre des abus et il y avait des députés qui abusaient de leurs privilèges. Si nous replaçons ces aspects dans les événements de 1867, et ensuite de 1982, on peut dire que les privilèges ont toujours été considérés comme jouant un rôle essentiel. Ils ont été préservés en 1982. Cela fait quelques années que je n'ai pas examiné cette question, mais je crois que c'est l'article 24 de la Charte, la Loi constitutionnelle de 1982, qui est très claire.

Sous l'intitulé « Recours en cas d'atteinte aux droits et libertés », l'article 24 énonce :

Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eut égard aux circonstances.

L'article 24 reconnaît que le Parlement est un tribunal. Certains continuent à employer le mot « Parlement ». Je ne sais pas très bien s'ils veulent désigner les trois composantes du Parlement, les Chambres du Parlement. Cela est déconcertant, parce qu'en matière de privilèges, chaque Chambre possède les siens, de façon distincte et indépendante. On utilise le mot « privilèges » parce qu'il dérive des prérogatives. Lorsque les souverains ont accordé des prérogatives, par exemple, aux juges, et dans notre cas, aux sénateurs, le terme « prérogatives » a été remplacé par le terme « privilèges ».

Cet article 24 reflète une noble intention, à savoir permettre à tout citoyen de demander réparation au Parlement. De sorte, que loin d'être décalée par rapport à la Charte, la Charte reconnaît explicitement que les citoyens ont la possibilité de s'adresser aux tribunaux — à la plupart des cours supérieures de Sa Majesté — ou aux Chambres, qui constituent la haute cour du Parlement. Les personnes lésées ou victimes d'atteinte à leurs droits disposent de nombreux recours.

Chers collègues, cela fait quelque temps que nous ne prenons pas de décisions dans tous ces domaines; cela ne veut pas dire qu'ils n'existent pas ou qu'ils n'ont pas été examinés. Les vrais problèmes, comme je le redis constamment, ne viennent pas d'un manque de transparence ou de responsabilité. Lorsque des membres du Parlement en dénigrent d'autres — et j'ai entendu des ministres le faire dans l'autre endroit, le pire exemple est celui du débat concernant la Loi sur les armes à feu. Une personne qui s'opposait au ministre a été dénigrée de façon honteuse à la Chambre des communes. Il y a eu un manquement de la part de la Chambre et même de la part du Président, parce qu'un Président — quiconque occupe ce fauteuil — ne devrait jamais accepter un comportement que je qualifierais d'inhumain, de vulgaire, de grossier — nous pouvons utiliser tous ces mots — qui est interdit dans le cadre d'un débat public.

Les privilèges soulèvent de nombreuses questions.

Chers collègues, vous avez mentionné l'affaire Stockdale c. Hansard. Je me souviens que le procureur général à l'époque était John Campbell, qui est devenu lord Campbell. Dans ce temps-là, les procureurs généraux, et cela s'est poursuivi jusqu'à il y a environ 40 ans, assistaient aux audiences et présentaient eux-mêmes leurs arguments. Ils n'envoyaient pas leurs avocats; ils étaient eux-mêmes les avocats.

Dans cette affaire, Stockdale c. Hansard, John Campbell a déclaré qu'ils avaient arrêté les poursuivants et qu'ils avaient arrêté les avocats — ils avaient arrêté de nombreuses personnes. Mais il a déclaré qu'ils avaient fait preuve d'une grande indulgence parce qu'il n'avait pas arrêté le juge qui était lord Denman. Lord Denman, le juge, était un avocat puissant en son temps et il avait été le solliciteur général de plusieurs reines. Ce n'était pas une mauviette. Cette affaire reflétait une véritable lutte de pouvoir entre la Chambre des communes et les tribunaux.

Chers collègues, en fin de compte, les privilèges touchent principalement nos pouvoirs. Si nous décidons de modifier certains aspects de ces pouvoirs, nous devons veiller à ne pas limiter nos pouvoirs et à ne pas les céder à d'autres.

Le procureur général John Campbell a déclaré que c'était par indulgence qu'il avait réussi à persuader la Chambre de ne pas arrêter le juge, lord Denman. Il fait remarquer que, s'il avait présenté une motion autorisant l'arrestation du juge, elle aurait été adoptée à l'unanimité.

Ces faits vous donnent une idée de l'ambiance qui régnait à l'époque. Stockdale c. Hansard, comme vous le savez, a été une affaire très importante. Cela se passait au cours des années 1830. Cela a été un événement très important.

Chers collègues, je pense vraiment que oui, nous avons une base ici, mais c'est un cadre et un départ pour nous, les sénateurs, qui nous permettront d'entamer un débat très instructif, positif et informatif.

Je crois, comme à toutes les époques, que nous ne devons pas partir du principe que nos privilèges sont désuets. En réalité — et je crois que nous avons fonctionné dans une atmosphère alourdie par les échecs —, les sénateurs ont été touchés par cette situation. De nouveaux sénateurs arrivent et des années plus tard, ils sont encore mal équipés.

Je vous dirais très franchement que nous devons maintenir le cap, préserver un équilibre et ne pas oublier que les Pères de la Confédération étaient des hommes très capables. Ils ont introduit de nombreux pouvoirs dans l'AANB de 1867 pour éviter qu'il y ait à l'avenir des fauteurs de trouble constitutionnels et pour les écarter. Nous ne devons pas nous laisser prendre en otage par des fauteurs de trouble. Voilà ce que je voulais dire.

Le président : Merci, sénatrice. Parfait, mais je ne pense pas que qui que ce soit — j'espère que personne — a une idée préconçue de la direction que nous allons prendre puisqu'il s'agit bien là pour nous d'un point de départ.

Charles allait répondre au premier commentaire.

M. Robert : Votre remarque, madame la sénatrice, est très intéressante et tout à fait exacte. Si je me suis mal fait comprendre, je vous prie de m'en excuser. Lorsque j'ai fait référence au Parlement comme institution semi-privée, je ne parlais pas du Parlement canadien; il s'agissait du Parlement du Royaume-Uni des XVII et XVIIIe siècles.

À l'époque, il y avait la Chambre des lords; il y avait des membres de la Chambre des communes, dont la plupart avaient des liens avec l'aristocratie; l'électorat représentait environ 5 p. 100 de la population; il y avait des circonscriptions pourries, où les gens qui détenaient du pouvoir et de l'influence pouvaient décider, en théorie, qui serait élu à la Chambre des communes. Cela n'a pas changé beaucoup avant 1832, année au cours de laquelle les lois électorales qui remontaient jusqu'en 1455 ont finalement été modifiées; le système des circonscriptions pourries a été aboli et l'électorat a triplé pour passer à 15 p. 100.

Ce n'est qu'en 1867-1868 et enfin, en 1884, que l'électorat du royaume a finalement atteint des chiffres qui s'approchent de la norme moderne. Un organisme constitué à partir d'une base aussi étroite se comportait, en fait, comme une institution semi-privée. L'idée de la représentation était toujours présente, mais l'idée d'un rapport démocratique était moins évidente avant les changements introduits au XIXe siècle.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Cools : Nous pourrions débattre de cette question pendant très longtemps, mais le véritable vecteur de changement a été la guerre civile en Grande-Bretagne. Il y a eu cet élément et le Bill of Rights de 1869 — je ne veux pas ébranler mes amis conservateurs —, mais le Bill of Rights a été un document majeur qui a renforcé les pouvoirs de la Chambre des communes. Il y avait beaucoup d'incertitude au sujet de sa légalité, parce que le Parlement n'était pas convoqué par le roi. De sorte que les premières parties de ce document contenaient « les déclarations des droits traditionnels » des assemblées. Les autres parties composaient la loi.

Pour bien saisir l'importance des privilèges, il suffit de savoir quelle était l'ambiance en Grande-Bretagne à cette époque. Après 1689, et avec tout le respect que je dois à mes amis conservateurs, les Whigs étaient particulièrement dominants. N'oubliez pas qu'il n'y a jamais eu en Angleterre de monarchie absolue. Lorsque le roi Guillaume de Normandie a conquis ce pays, les lords lui ont fait comprendre qu'il ne pouvait pas lever les impôts en Grande- Bretagne sans que d'autres aient leur mot à dire.

À partir de 1689, la volonté de changement a été une des raisons pour lesquelles le libéralisme britannique s'est développé. Lloyd George a anéanti complètement ce parti par la suite, mais c'est le libéralisme qui régnait au cours de ces années qui était très bien connu au Canada en 1759 sur les Plaines d'Abraham. Dans les assemblées locales, lorsque ces droits ont été accordés, les membres étaient très sensibilisés à ces questions et exigeaient qu'on leur attribue tous les droits qui étaient reconnus en Angleterre — il y a eu des batailles mémorables au Canada.

Mais en fin de compte, sir John A. Macdonald du Canada est rapidement apparu au cours des débats sur la Confédération comme le chef, le prince — le premier homme politique. Nous devrions lui en être reconnaissants et ne jamais l'oublier.

À l'époque, lorsque les législateurs voulaient nuire à un membre de la Chambre, ils le faisaient poursuivre devant les tribunaux pour qu'il soit convoqué, ils l'obligeaient ainsi à quitter la Chambre et il ne pouvait voter. Ils faisaient toutes sortes de choses.

Chers collègues, il faut comprendre une chose : les privilèges représentent un pouvoir. J'ai assisté à de nombreuses séances ici et j'ai entendu certains dire qu'on ne devrait pas utiliser le mot « privilèges » parce que cela donnerait à penser à la population que nous sommes différents d'elle. Je ne souscris pas à cette affirmation.

Une lourde tâche nous attend. Je suis reconnaissante envers le sénateur Joyal parce qu'il nous a préparé ces documents, avec notre cher disparu, le sénateur Nolin. C'est une entreprise considérable et nous devons nous en acquitter correctement.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie tous les deux pour vos explications, qui ont été très utiles. J'ai lu le rapport et j'ai constaté que vos explications m'ont vraiment aidée à le comprendre.

Je me pose des questions sur nos orientations, mais tout cela va se préciser; je me demande si vous pourriez aborder cette question. Vous avez écrit dans le rapport, à la page 38, « [...] pour dresser l'ébauche d'un cadre régissant l'exercice du privilège parlementaire ». De l'avis du sous-comité, cela pose la question de la responsabilité et de la transparence.

Je me pose beaucoup de questions parce que ces notions ont peut-être été interprétées par les tribunaux, mais pas par rapport au privilège. Nous abordons un domaine tout à fait différent. Je ne me sens pas à l'aise. Je sais que nous étendons cette notion principalement en fonction de la nécessité, mais c'est un critère très large. Je sais, monsieur le président, que nous allons avoir de nombreuses discussions au sujet de cette formulation par la suite, mais si je pouvais avoir une explication générale de la raison pour laquelle ces mots ont été utilisés, cela m'aiderait beaucoup.

Le président : Si vous me le permettez, je n'aime pas en demander trop au sénateur Joyal, mais j'ai regardé dans sa direction et comme quelqu'un l'a dit, le sénateur Furey n'est pas non plus ici aujourd'hui.

La sénatrice Jaffer : Nous pouvons attendre pour ma réponse.

Le sénateur Joyal : Il me paraît important de ne pas oublier, pour l'essentiel, que le mot « privilèges » est déroutant et trompeur. En effet, comme vous l'avez déclaré et comme la sénatrice Cools l'a mentionné, lorsqu'on dit que quelqu'un a un privilège, cela veut dire que cette personne a un statut spécial, supérieur à celui des autres. C'est une différence qui, dans notre société contemporaine démocratique, est liée à une perception négative. Nous sommes tous égaux devant la loi. Nous sommes tous, chacun d'entre nous, quels que soient nos antécédents, notre origine, notre fortune, notre éducation, par exemple, et, quelle que soit la caractéristique sociale particulière à laquelle vous pensez, nous sommes tous égaux devant la loi. Ce principe fondamental est au cœur de la démocratie.

C'est la raison pour laquelle le vote d'un électeur, comme je vous le dis, fortuné est égal au vote de quelqu'un qui n'a pas d'argent. C'est la notion de démocratie, qui repose sur la dignité des êtres humains. C'est donc là un aspect fondamental.

Chaque fois que nous parlons des privilèges parlementaires ou les mentionnons, cela semble dire que, parce que nous faisons partie du Parlement, nous avons atteint un niveau qui ne nous place plus sur un pied d'égalité avec les autres citoyens. C'est contradictoire, parce que nous sommes ici pour servir les citoyens. Autrement dit, pour servir les citoyens canadiens, nous devons être promus à un certain niveau qui nous rend inaccessibles ou meilleurs que les autres; nous avons davantage de droits qu'eux.

À mon avis, cette perception est tout à fait contraire à l'objectif recherché, ce qu'on appelle les privilèges. En fait, ces privilèges sont essentiellement liés à notre capacité d'exercer les fonctions de parlementaire. La sénatrice Cools a raison de déclarer que ces privilèges n'appartiennent pas au Parlement. Le Parlement est composé de la Reine avec le Sénat et la Chambre des communes. C'est la notion de Parlement telle que définie dans la Constitution.

Ces privilèges n'appartiennent pas au Parlement. Ces privilèges sont associés aux parlementaires, aux députés et aux sénateurs, à l'institution du Sénat et à l'institution de la Chambre des communes. De sorte que, lorsque je donne un exemple, je bénéficie de la liberté de parole. J'ai besoin de la liberté de parole. C'est le droit le plus fondamental. Lorsque je suis au Parlement, je devrais pouvoir dire tout ce que je veux dire sans aucune restriction. Je ne peux pas être poursuivi devant les tribunaux pour ce que je vais dire au Sénat et il en va de même pour un député. Cela fait partie des débats publics et les débats publics avec la liberté d'expression sont essentiels à l'exercice de la fonction de parlementaire.

Tous les sénateurs et sénatrices, tous les députés ont le droit inhérent de dire ce qui leur paraît approprié au sujet d'une question ou d'un projet de loi particulier.

Il y a bien sûr aussi les privilèges de l'institution. La fonction disciplinaire — ce n'est pas à un tribunal de me dire que je n'ai pas respecté une des règles, un article du règlement, les règles, les ordres permanents et le Règlement du Sénat. C'est au Sénat de décider. Le Président intervient et rend une décision. Si la décision est acceptée, tout va bien. Si la décision est rejetée, il y a un vote; la décision est infirmée et c'est à la Chambre de prendre la décision. Aucun tribunal ne peut intervenir pour obliger le Président à rendre une décision et je ne peux pas contester devant les tribunaux la décision du Président. Cela reste au sein du Parlement. Ce sont là les privilèges du Parlement.

Lorsque nous comprenons cela, il est important de savoir, comme notre amie la sénatrice Jaffer l'a mentionné, que nous devons faire preuve de transparence lorsque nous exerçons ces privilèges. Nous devons être en mesure d'expliquer que tout ce que nous faisons vise principalement le bien des Canadiens. Nous possédons cette capacité pour tout simplement servir la population canadienne. Ce n'est pas pour nous attribuer en tant que personne, comme je l'ai dit, un statut supérieur qui nous met au-dessus des lois.

Par exemple, supposons que le Sénat adopte une règle nous autorisant à fumer dans le fumoir qu'est le Salon de la Francophonie. Permettez-moi de prendre cet exemple. Nous pensons avoir besoin de fumer. C'est une activité relaxante. Ne me citez pas. Je donne simplement un exemple. Il a l'air ridicule, mais il illustre fort bien mon propos. Supposons que nous affirmons posséder ce privilège et que nous pouvons prendre ce genre de décisions. Les citoyens vont dire : « Hé oui, mais il y a une loi provinciale qui interdit de fumer dans les endroits publics. » Alors nous répondrions : « Non, non. Nous sommes des parlementaires. Nous pouvons faire ce que nous voulons au Parlement. » Il faudrait alors se poser la question suivante, s'agit-il là d'une extension de nos privilèges qui va bien au-delà de ce qui est nécessaire? Est-ce vraiment nécessaire pour exercer les fonctions délibératives et législatives de la Chambre ou pour obliger le gouvernement à rendre compte de ses décisions? C'est là le rôle essentiel du Parlement.

Vous comprenez fort bien qu'il y a des limites à ce que nous pouvons qualifier de privilège et c'est la raison pour laquelle se pose également la question de la transparence et de la responsabilité — parce que, si nous invoquons un privilège, nous devons être en mesure de le justifier. Autrement dit, nous devons être en mesure d'expliquer le raisonnement, la raison d'être et la nécessité de ce privilège à cause du rôle particulier qui découle de notre fonction délibérative et législative et de notre capacité d'obliger le gouvernement à rendre des comptes.

Je crois qu'il y a une logique qui va à l'encontre, comme je l'ai dit, de l'égalité des citoyens et du respect et de la dignité de chacune des personnes qui vivent au Canada. C'est pourquoi l'exercice des privilèges prend un autre aspect dans un contexte moderne.

Comme l'ont dit nos intervenants, il y a plus, nous avons une Charte des droits et libertés. Nous vivons dans une culture axée sur les droits, et ces droits sont garantis de sorte que les citoyens s'attendent généralement à ce qu'ils soient respectés. Ils s'attendent également à ce que nous les respections aussi.

Par exemple, prenons l'affaire Vaid. Qu'est-ce que l'affaire Vaid? L'affaire Vaid portait sur le congédiement injuste du chauffeur du Président de la Chambre des communes. Cette personne soutenait qu'elle avait fait l'objet de discrimination en raison de sa couleur. Elle s'est bien sûr adressée aux tribunaux pour contester le congédiement pour le motif qu'elle avait des droits qui devaient être respectés. Autrement dit, cette personne a pu s'adresser au Tribunal des droits de la personne, expliquer son cas, obtenir une décision, une décision qui liait les parties. L'autre argument était que non, c'était un employé de la Chambre des communes et la Chambre des communes a tous les pouvoirs sur ses employés. Elle peut faire ce qu'elle veut. Elle n'est pas obligée de respecter les droits qui sont garantis à tous les autres Canadiens, par la Loi sur les droits de la personne. Alors vous répondez : « Est-ce bien le cas? Cela veut-il dire que les droits que possèdent les 5 000 employés qui travaillent sur la Colline ne sont pas protégés? Sont-ils soumis aux caprices du Sénat et de la Chambre des communes? »

Il tombe sous le sens que ces personnes devraient être traitées exactement comme toutes les autres. Les gens qui opèrent les ascenseurs dans le secteur privé actionnent les mêmes ascenseurs que ceux qu'il y a sur la Colline.

Autrement dit, dans sa décision, la cour a fait une distinction entre tous ces employés et a précisé la portée du privilège relatif à l'exercice d'un contrôle sur les employés. La cour en est arrivée à la conclusion que non, non, non, les seuls employés sur lesquels la Chambre ou le Sénat avait tous les pouvoirs — je résume — étaient les gens qui sont assis autour de la table et le greffier, qui est nécessaire pour l'exercice de la fonction délibérative du Sénat. Mais les personnes qui travaillent dans la cafétéria ou qui s'occupent de l'entretien sont des employés ordinaires qui doivent être protégés par la loi.

Il est donc facile de comprendre que, dans un contexte contemporain, il y a des limites aux privilèges que nous pouvons réclamer. Cela ne veut pas dire que nous n'en avons pas. Nous avons besoin d'une certaine capacité pour exercer notre fonction sans l'intervention des tribunaux, pas plus que nous pouvons intervenir dans la façon dont un tribunal organise ses audiences, dans le déroulement de la procédure, dans la conduite des juges et le reste. Nous sommes tout à fait extérieurs à cela, parce que les tribunaux se réglementent eux-mêmes; ils sont distincts et protégés par le principe de la séparation des pouvoirs reconnu par la Constitution.

Autrement dit, il faut comprendre que, dans un contexte contemporain, nous devons examiner les privilèges qui existent à notre avis, qui ont été créés par une loi, parce qu'il est possible de légiférer sur les privilèges dans le contexte contemporain, mais tout en demeurant transparents — et je reviens à la question qu'a soulevée la sénatrice Jaffer —, en étant transparents dans l'exercice de ces privilèges et en étant tenus d'expliquer aux Canadiens pourquoi nous pensons que ces privilèges existent toujours et devraient continuer d'exister.

Je crois que c'est là un élément très important parce que la discussion entourant le rapport du vérificateur général a soulevé, à mon avis, la question des privilèges. Qui sera chargé de décider quelle est la responsabilité d'un sénateur ou d'un député dans l'exercice de sa fonction et de son rôle délibératif ainsi que dans sa capacité de demander des comptes au gouvernement? De quoi avons-nous besoin sur le plan des responsabilités et des attributions pour exercer le mandat qui nous a été confié une fois élu ou assermenté en qualité de sénateur?

Il est important de comprendre cette question et d'y réfléchir parce que c'est la bonne façon, à mon avis, d'aborder les solutions aux questions que soulève ce domaine. Bien évidemment, chacun d'entre nous a compris quelle était la portée de notre mandat, quelle était son étendue et quelles étaient les libertés que nous possédions individuellement pour décider ce qui était relié à notre rôle de parlementaire, de sénateur et de député.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je suis la suggestion qu'a faite le sénateur Tkachuk la semaine dernière. Il me paraît important d'avoir cette discussion à la Chambre du Sénat. J'ai réfléchi à cela après la réunion et j'ai dit que certains d'entre nous, parce que nous étions membres du sous-comité — comme vous, le sénateur Nolin et le Sénateur Furey — avec l'appui du greffier du Sénat et du service de recherche de la bibliothèque, nous avons pu réfléchir à ces questions, mais nous voulons en parler avec nos collègues. Cela me paraît tout à fait essentiel.

Comment pouvons-nous nous préparer à le faire? Comment devrions-nous structurer ce genre d'exposé et de discussion libre que nous aurions à la Chambre du Sénat, avec des experts qui y assisteraient, pour que chacun d'entre nous puisse librement poser des questions? Tous ont le droit de prendre la parole. Nous pouvons allonger la liste des orateurs. Nous pouvons consacrer deux séances à ce débat, si cela est nécessaire. Nous n'épuiserons pas la liste des personnes qui veulent poser des questions, mais je crois que nous devrions certainement avoir ce genre de réflexion en commun.

C'est pourquoi j'aimerais, peut-être aujourd'hui, à la fin de la réunion, savoir quelle sera la prochaine étape pour préparer une telle séance si, bien entendu, mes collègues d'en face souhaitent participer à cette initiative.

Le président : Merci, monsieur le sénateur. J'apprécie votre intervention.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais faire quelques commentaires et poser des questions. Voyons si nous pouvons répondre en entamant une discussion ou en fournissant une réponse directe.

Les privilèges parlementaires sont-ils de nature publique ou privée? Autrement dit, le parlementaire qui se trouve au Sénat ou à la Chambre des communes est libre de prendre la parole et de dire ce qu'il veut. Les autres sénateurs et parlementaires, si cela les concerne, peuvent se protéger parce qu'ils sont là.

Les choses ont beaucoup changé au cours des 100 ou 150 dernières années. Et les citoyens, comment se protègent-ils par rapport à ce privilège? Un sénateur ou un parlementaire peut dire des choses, sans aucun fondement, et ainsi dénigrer un citoyen, une société ou une entreprise, et ce parlementaire ne fait qu'exercer son droit de participer à un débat. Mais comment cette personne peut-elle se protéger et est-ce que le privilège parlementaire s'étend au public?

Voici ma dernière question : le privilège parlementaire vise-t-il les agents du Parlement? Autrement dit, le vérificateur général, le commissaire aux langues officielles et tous ces agents du Parlement, sont-ils couverts par le privilège parlementaire, étant donné que ce sont des agents du Parlement, ou sont-ils comme n'importe quel autre citoyen et ils peuvent être poursuivis?

La sénatrice Cools : Ils peuvent être poursuivis par nous.

Le sénateur Tkachuk : Même si ce sont nos agents...

La sénatrice Cools : Mais ce ne sont pas nos agents, c'est un mythe. Les agents du Parlement n'existent pas. Les Chambres ont leurs agents, Sa Majesté a ses agents. C'est une remarque tout à fait pertinente à ce débat.

Le sénateur Tkachuk : Qui d'autre veut répondre.

M. Robert : La question de la nature publique ou privée : dans l'ensemble, les actes des parlementaires sont destinés au public de sorte que la protection qu'offre le privilège parlementaire comporte nécessairement un aspect public. Cela revient à la discussion que nous avons eue plus tôt au sujet de la transparence et de la responsabilité. Notre comportement est par nature public. Nous ne devons pas agir de façon secrète. Notre privilège parlementaire protège en fait la manifestation publique de notre comportement, qui pourrait, dans d'autres circonstances, entraîner une poursuite en diffamation ou autre chose.

Les citoyens sont très peu protégés contre les choses que peut dire un parlementaire et qui constitueraient autrement de la diffamation. L'Australie a adopté, tout comme la Nouvelle-Zélande plus récemment, quelque chose que l'on appelle le droit de réponse. Cela tient compte du fait qu'il y a des choses que fait le Parlement, par l'exercice de ses privilèges, qui peuvent nuire à des citoyens. Je ne pense pas, personnellement, que ce mécanisme soit particulièrement efficace.

Au Parlement du Commonwealth, si vous voulez invoquer le droit de réponse, il faut d'abord le demander au Président. Le Président peut donc décider : « Désolé, cela n'est pas suffisamment important. Je ne pense pas que vous irez bien loin ».

Si le Président autorise l'exercice de ce droit, alors il effectue un genre d'évaluation et l'objection soulevée par le citoyen à une déclaration faite par un membre du Parlement sera imprimée soit dans le hansard, soit dans les journaux de la Chambre concernée. On conserve donc un dossier de l'objection exprimée par le citoyen. Le Canada n'a pas adopté ce genre de système.

La sénatrice Cools : Dieu merci!

M. Robert : Tout ce que vous dites — qui pourrait d'ailleurs être diffusé maintenant parce que nous sommes vraiment une institution très ouverte sur ce plan — sera diffusé largement et les citoyens n'ont aucun recours dans ce cas.

La Nouvelle-Zélande a connu récemment un cas de ce genre. Une femme avait été diffamée par des déclarations faites en Chambre qui avaient été répétées, en Chambre encore une fois, d'une façon qui semblait indiquer comment l'information avait été obtenue; cette femme a essayé de poursuivre le ministre, l'agent qui avait fourni l'information au ministre et le document à l'appui qui avait été rédigé.

Les trois tribunaux, la High Court, la Court of Appeal et la Supreme Court of New Zealand ont déclaré que le ministre bénéficiait d'une protection absolue et qu'on ne pouvait rien faire contre lui.

Par contre, l'agent et le document qui avait été rédigé pour préparer le ministre étaient visés par les règles en matière de diffamation et la femme avait le droit d'intenter une poursuite.

La House of Representatives a vivement réagi à cette décision et adopté une loi qui codifiait le privilège parlementaire et qui interdisait aux tribunaux d'intervenir. Ce point de vue a été accepté en Nouvelle-Zélande et il s'agit de savoir si, à l'époque de la Charte, nous devrions également l'accepter.

Un chercheur de la Nouvelle-Galles-du-Sud a beaucoup écrit sur le privilège parlementaire à l'époque moderne et il a fait remarquer que le Canada se distingue dans le Commonwealth parce qu'il a une Charte des droits qui fait partie de sa Constitution, et il n'existe aucun autre parlement important du Commonwealth qui ait inséré une charte des droits dans sa constitution comme nous l'avons fait. C'est ce qui crée ici un environnement différent, peut-être quelque chose qui est vraiment unique au Canada, par opposition aux autres pays.

Le sénateur Tkachuk : Et les agents du Parlement?

M. Robert : Les agents du Parlement? Je pense que la sénatrice Cools a tout à fait raison. Je ne pense pas qu'ils soient des agents du Parlement. Ils sont créés par une loi, ils peuvent faire l'objet d'une poursuite par un citoyen qui souhaiterait en entamer une contre eux.

Le sénateur Joyal : Pour ce qui est de la question du sénateur Tkachuk, la loi qui crée le poste de tous ces agents du Parlement vous dira à vous, à moi et au public, d'une façon générale, quels sont les pouvoirs qu'ils peuvent exercer et les limites apportées à ces pouvoirs. Si nous voulons étendre les privilèges du Parlement à ces agents, il faudrait que leur loi constitutive l'énonce clairement.

Je ne sais pas si vous vous en souvenez, sénateur, mais lorsque nous avons adopté les modifications à la Loi sur le Parlement du Canada de façon à créer le poste de conseiller sénatorial en éthique, nous avons délégué à ce conseiller des fonctions disciplinaires, qui constituent dans un sens un privilège du Parlement. Nous nous sommes intéressés à cet aspect et la Loi sur le Parlement du Canada contient des articles qui ont pour effet de limiter expressément la responsabilité du conseiller à préparer un rapport, mais pas à prendre une décision.

Autrement dit, le CSE ne peut prendre aucune autre décision que celle de faire rapport au comité; le comité est élu par les membres du Sénat. Autrement dit, il n'y a aucun transfert automatique de privilèges à un agent du Parlement.

La sénatrice Cools : Si vous me le permettez, le sénateur Joyal est trop humble pour parler du rôle qu'il a joué dans tout cela, mais à l'époque, nous voulions vraiment veiller à ce que le conseiller sénatorial en éthique soit un agent du Sénat. C'est une longue histoire parce que trois premiers ministres différents ont essayé de créer un poste unique d'agent pour les deux Chambres. Il y a très peu de choses qui sont unifiées dans le Parlement si ce n'est que les Chambres sont reliées à Sa Majesté. Les trois parties du Parlement fonctionnent indépendamment l'une de l'autre.

Des gens comme le sénateur Joyal, moi et d'autres ont beaucoup lutté pour être sûrs que ce poste relève du Sénat et des sénateurs.

J'aimerais aborder certaines autres questions. Nous avons eu quelques affaires assez vilaines au Canada aussi. L'affaire Helena Guergis m'a beaucoup préoccupée. Elle ne pouvait poursuivre personne. J'aimerais parler de deux choses : premièrement, l'expression « agents du Parlement », parce que c'est une invention. Ce sont des titulaires d'une charge créée par une loi, ce qui veut dire, comme l'a mentionné le sénateur Joyal, que leurs pouvoirs sont limités à ceux que la loi leur attribue.

Tout ce qui a été dit au sujet de l'immunité du vérificateur général ne s'applique pas aux sénateurs ni au Sénat. Lorsque la loi a été adoptée au départ au Royaume-Uni, pays où le poste de vérificateur général a été fusionné avec celui du sous-ministre des Finances, et ensuite, au Canada, le but était de créer une entité qui serait totalement indépendante du gouvernement, et sur laquelle le gouvernement ne pourrait exercer aucune influence ni aucun contrôle. C'est ce qui a été fait en Angleterre. Gladstone a joué un grand rôle dans tout ceci. En 1878, la Loi sur le vérificateur général a été adoptée au Canada. Le poste qui a été créé à cette époque n'est pas le poste actuel.

Dans les premiers temps, il s'agissait uniquement de vérifier ce que nous appelons les crédits. On parlait de vérification des crédits et c'était là la fonction du vérificateur. Le premier article traitant des pouvoirs et attributions qui se trouvent dans la Loi sur le vérificateur général énonce qu'il est le « vérificateur de tous les comptes du Canada ». Le Sénat ne fait pas partie des comptes du Canada et ne fait pas partie non plus de l'administration publique.

Je pense qu'au cours des débats à la Chambre des communes qui ont été tenus en 1878, il y avait beaucoup de députés qui disaient des choses comme : « Nous voulons créer un agent du Parlement et non pas un agent de la Couronne. » La plupart des titulaires de poste sont antérieurs aux lois — le procureur général est antérieur à sa loi et le solliciteur général est également antérieur aux lois. Au cours du débat, les députés utilisaient l'expression « agent du Parlement » de façon interchangeable avec « titulaire d'un poste créé par une loi ». Cela veut dire que les titulaires de ces postes n'exerçaient pas des pouvoirs préexistants découlant d'anciens précédents. À un moment donné, les membres du BCP ont abandonné l'expression « agent parlementaire » pour la remplacer par « agent du Parlement ».

La caractéristique unique des agents du Parlement est qu'il ne faut pas oublier que les Chambres n'ont pas le pouvoir de nommer ces agents, même si ce sont les leurs. Cette nomination relève du roi ou de la reine. Je veux simplement faire remarquer que les agents des deux Chambres, le greffier de la Chambre des communes et le greffier du Sénat sont des titulaires de poste indépendants et qui sont chacun rattachés à la Chambre qu'ils servent, en vertu d'une commission de Sa Majesté.

Les agents du Parlement n'existent pas vraiment. Ce sont des agents d'une Chambre. La seule personne qui puisse revendiquer le titre d'agent du Parlement est le greffier du Sénat, qui est également greffier des Parlements, mais non pas du Parlement, ce qui veut dire que le greffier du Sénat est la personne responsable chaque fois que la Reine convoque un Parlement.

Il y a beaucoup de confusion dans ce domaine. Monsieur le président, je pense qu'à un moment donné, il faudra essayer de dissiper ces mythes énormes, qui sont très récents et temporaires, parce que dans les textes en anglais, l'expression « officers of Parliament » est en train de disparaître et d'être remplacée par l'expression « agents of Parliament ».

Si ces agents peuvent porter un titre en anglais aujourd'hui et un autre demain, cela nous incite à réfléchir.

Je remercie Charles. Dans le lointain passé, les parlementaires bénéficiaient de nombreux privilèges — pas dans notre cas, parce que cela n'a pas vraiment été adopté au Canada. Il y avait des privilèges qui s'appliquaient aux parlementaires, à leurs familles et à leurs serviteurs. Mais très tôt au Canada, la plus grande partie de ces privilèges sont tombés en désuétude. Tout cela est très important, parce que nous ne savons pas encore comment ces poursuites pénales vont se dérouler ni ce qui se produira dans certains des procès en cours, mais nous devrions nous armer de connaissances et de confiance.

Le président : L'analyste aimerait faire un bref résumé avant de donner la parole à d'autres intervenants.

Mme Lithwick : Pour ce qui est du sénateur Tkachuk, et cela revient à ce que disait la sénatrice Jaffer et en partie, la sénatrice Cools, il y a un dicton du IIe siècle qui dit que nous ne sommes pas tenus de terminer le travail, mais que nous ne pouvons pas non plus nous y soustraire. C'est un dicton qui parle de la continuité du travail des parlementaires qui doivent décider comment ils souhaitent exercer à l'avenir leurs privilèges.

Une partie de la raison d'être, pour revenir à certains commentaires que l'on trouve dans le rapport du sous-comité, concerne également la recherche d'une compréhension, d'une mémoire institutionnelle, d'une conscience, réflexion et connaissance qui nous permettront d'adopter une approche réfléchie et d'être en mesure d'expliquer comment les sénateurs souhaitent exercer leurs privilèges au Sénat. Il y a ce pouvoir, mais le pouvoir de l'exercer correctement fait appel à la compréhension de cette question.

La sénatrice Jaffer : Si vous me permettez d'intervenir, j'ai apprécié votre explication et je crois que c'est un début. Je suis sûre que nous aurons des discussions.

Je suis tout à fait en faveur de l'idée du sénateur Tkachuk qui est de débattre de cette question en comité plénier, mais je dirais qu'avant de réunir un comité plénier, nous devrions avoir des discussions approfondies. C'est notre comité qui présente ce rapport et nous savons bien sûr ce que pensait le sous-comité, mais j'aimerais beaucoup en entendre davantage.

Je m'intéresse beaucoup aux notions de responsabilité et de transparence. Je suis tout à fait à l'aise avec ces principes, mais j'estime que nous devrions avoir une autre discussion à ce sujet et entendre les membres du comité pour savoir quelle sera l'orientation que nous allons choisir lorsque notre comité s'adressera à la Chambre; nous serons tous à peu près d'accord sur le rapport.

Le président : Je suis d'accord avec vous. La sénatrice Martin voulait poser une question; elle n'est pas là en ce moment. Notre intention est de démarrer un processus et non pas de l'achever. En fait, je dirais que je crains toutefois que, si nous ne structurons pas ce processus, celui-ci risque de s'arrêter dans six ou huit mois; voilà ce qui m'inquiète. En fait, notre intention ici est d'essayer de faire en sorte que ce travail se poursuive pendant une certaine période.

La sénatrice Martin n'est pas ici. Y a-t-il d'autres questions? Discussion?

Le sénateur Joyal : J'aimerais remercier la sénatrice Cools d'avoir soulevé la question des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada qui ont créé le poste de conseiller sénatorial à l'éthique. Je regarde le sénateur Tkachuk quand je dis ceci, parce que le gouvernement a essayé, à trois reprises, comme vous vous en souvenez très bien, de, je ne dirais pas imposer, mais de proposer que soit créé un seul poste de conseiller à l'éthique pour les deux Chambres du Parlement et pour la fonction publique. J'étais personnellement convaincu que lui permettre de discipliner nos membres était contraire au privilège parlementaire.

Vous vous souvenez que, parmi ces trois initiatives, deux émanaient du premier ministre Chrétien, à qui je me suis vivement opposé sur ce point; vous vous en souvenez. Avec l'appui de l'opposition de l'époque, nous avons réussi à éviter cette mesure. Je me souviens de la discussion que nous avions eue, comme je vous l'ai mentionné, sénateur, pour limiter les pouvoirs du conseiller sénatorial à l'éthique de façon à ce qu'il puisse agir uniquement sous la direction du comité de sénateurs.

Autrement dit, comme vous pouvez le lire dans le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs, le comité a le pouvoir de donner des directives au SCE et lorsqu'il y a une enquête, celui-ci fait rapport au comité. Il appartient aux sénateurs de l'accepter, de le modifier, notamment.

Je pense que, dans l'ensemble, ce poste existe depuis 10 ou 11 ans et je crois qu'il reflète une décision sage. Nous avons encore la possibilité d'aller dans cette direction, nous pouvons améliorer le code, comme la sénatrice Andreychuk le dirait de façon très éloquente, mais il serait bon de préserver ces principes, à mon humble avis, qui sont essentiels pour que notre institution puisse continuer à contrôler ses propres affaires de la façon qu'elle estime appropriée. Je tiens à remercier la sénatrice Cools d'avoir mentionné cela.

La sénatrice Cools : Nous sommes tous redevables au sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : J'avais oublié tout ceci parce que beaucoup de choses se sont passées par la suite, mais je suis heureux que cela ait été mentionné. Je vous remercie, sénatrice Cools, et vous aussi, sénateur Tkachuk.

Le président : Le sénateur Furey et moi avons eu des discussions avec le comité de direction au sujet du comité plénier et je reconnais avec la sénatrice Jaffer qu'il nous faudra plusieurs minutes pour être sûrs que nous sommes prêts à passer à cette étape. Le sénateur Furey n'est pas ici cette semaine, et je sais qu'il était important qu'il participe également à cette discussion.

La sénatrice Cools : J'étais d'accord. Je hochais la tête en disant « très bien » parce que je pense que les membres du comité commencent vraiment à comprendre toute cette question, ce qui me paraît merveilleux.

Le président : Je vous remercie tous, en particulier le personnel — vos exposés étaient excellents, comme je m'y attendais — et bien sûr, le sénateur Joyal, pour ses interventions spontanées.

(La séance est levée.)


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