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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 4 - Témoignages du 9 juin 2015


OTTAWA, le mardi 9 juin 2015

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, auquel a été renvoyé le projet de loi C-518, Loi modifiant la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires (indemnité de retrait), se réunit aujourd'hui à aujourd'hui, à 8 h 33, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à tous au Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Veuillez excuser mon léger retard. Je remercie notre témoin, le député John Williamson, d'être ici aujourd'hui. Nous allons commencer immédiatement afin que les gens aient le temps de poser des questions.

John Williamson, député de Nouveau-Brunswick—Sud-Ouest, parrain du projet de loi, à titre individuel : Merci de m'avoir invité ici aujourd'hui pour parler de mon projet de loi d'initiative parlementaire. Pour dire les choses simplement, le projet de loi C-518 aura pour effet de punir les politiciens qui enfreignent la loi en les privant de leurs allocations de retraite.

J'aimerais d'abord vous dire un mot de la loi en vigueur. Il est déjà stipulé qu'un parlementaire perd son droit à une pension s'il est démis de ses fonctions pour avoir contrevenu à la loi. Toutefois, comme nous avons pu le constater, il peut conserver sa pension de parlementaire s'il démissionne avant d'être expulsé par ses collègues. C'est une échappatoire que mon projet de loi vise à éliminer.

Voici maintenant ce que permettra le projet de loi à cette fin. Premièrement, un article est ajouté à la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires pour tenir compte des cas où un sénateur ou un député est déclaré coupable d'une infraction en raison de son comportement pendant qu'il avait la qualité de parlementaire. Pour ce faire, on fait intervenir le mécanisme déjà en place pour les politiciens démis de leurs fonctions.

La loi prévoit déjà qu'un sénateur déchu ou un député expulsé de la Chambre des communes n'a droit qu'au versement d'une somme forfaitaire correspondant aux cotisations versées plus les intérêts sur ces cotisations. En vertu du changement proposé, un sénateur ou un député reconnu coupable pendant qu'il était en fonction verra sa pension lui être retirée sans égard au fait qu'il occupait toujours ou non les mêmes fonctions au moment de la déclaration de culpabilité.

Deuxièmement, je veux m'assurer que le projet de loi s'appliquera à tous les politiciens déclarés coupables d'infractions dans les années à venir, y compris pour des méfaits passés. Pour cette raison, j'ai inclus une disposition qui précise que les chefs d'accusation mentionnés dans le projet de loi s'appliquent à toute personne qui est ou a été membre du Sénat ou de la Chambre des communes et qui est reconnue coupable d'une infraction après la date où le projet de loi aura reçu la sanction royale et sera devenu une loi.

Certains se demandent si la loi peut être modifiée pour abolir un droit et si elle peut s'appliquer rétroactivement à un acte commis avant la promulgation de la loi. La réponse est oui dans les deux cas. Oui, nous pouvons effectivement abolir un droit parlementaire et, comme je l'ai mentionné, la loi stipule déjà dans quelles circonstances cela peut être fait.

Il n'y a assurément aucun problème à anticiper dans les cas où le crime, l'accusation et la condamnation surviendront après la promulgation de la loi. Par conséquent, en ce qui concerne l'application rétroactive de la loi à des condamnations prononcées après sa date d'entrée en vigueur au titre de crimes commis avant cette date, je peux encore une fois vous affirmer avec certitude que la réponse à la question est oui.

Je vous dis, chers collègues, que c'est chose possible, car cela a déjà été fait. Une mesure législative adoptée en 2013 en Nouvelle-Écosse retire la pension à tout législateur reconnu coupable d'un crime passible d'une peine maximale d'au moins cinq années d'emprisonnement.

En juin 2013, un député provincial indépendant a perdu sa pension en juin après avoir plaidé coupable à des accusations de fraude et d'abus de confiance découlant d'un scandale lié à des dépenses. Le député en question s'est approprié des fonds publics après avoir présenté, en 2008 et en 2009, 10 fausses demandes de remboursement de dépenses. Aujourd'hui, il n'a plus droit à sa pension de député provincial.

Certains craignent que le projet de loi soit trop sévère et qu'il pénalise injustement les parlementaires des deux Chambres. Selon les règles que j'ai proposées dans la forme initiale du projet de loi, un député ou un sénateur qui commettait un crime punissable d'un emprisonnement maximal de deux ans ou plus perdait sa pension. Plus tard, lors du débat, j'ai suggéré que la peine maximale applicable soit portée à cinq ans. Or, j'ai réalisé qu'il était possible que quelqu'un soit reconnu coupable d'une infraction qui n'est pas liée à ses fonctions parlementaires et qu'il ne devrait pas, dans ces cas-là, perdre sa pension.

L'exemple que je donne pour expliquer pourquoi toutes ces autres infractions ne devraient pas être prises en considération, c'est celui d'homicide involontaire commis au volant d'un véhicule automobile. Nous sommes nombreux à passer beaucoup de temps à sillonner les routes du pays dans nos régions respectives. Si nous frappions ou écrasions quelqu'un, ce serait un accident grave, une terrible tragédie, mais ce ne serait pas le genre de situation que vise le projet de loi. Le projet de loi met l'accent sur l'utilisation abusive de l'argent des contribuables, pas sur les accidents. L'intention n'est pas de retirer leur pension à ceux qui commettent une erreur ou qui auraient eu un égarement passager.

Après de nombreux échanges inspirés et moult débats tant à la Chambre des communes qu'à l'extérieur, j'ai cerné deux douzaines d'infractions passibles de poursuite aux termes du Code criminel et assorties d'une peine maximale d'au moins cinq ans. Ce sont des crimes graves et ils sont tous énumérés dans le projet de loi, lequel a reçu l'appui de tous les partis de la Chambre des communes, le 4 février 2015.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président : J'ai déjà une liste, mais je vais d'abord poser une question rapide que j'ai reçue par courriel peu de temps après que l'on ait annoncé que le projet de loi allait être étudié par notre comité. L'auteur du courriel est un policier. Il fait allusion au colonel Williams, ce militaire qui a été accusé d'homicide et qui reçoit toujours sa pension du ministère de la Défense nationale. De la même façon, ce projet de loi ne retirerait pas sa pension à quelqu'un qui serait reconnu coupable d'homicide, c'est bien cela?

M. Williamson : C'est exact. Le projet de loi ne concerne que les membres des deux Chambres du Parlement, le Sénat et la Chambre des communes. Il ne vise pas la fonction publique ou les membres des Forces canadiennes.

Le président : Je voulais dire que le projet de loi ne s'applique pas à un parlementaire qui commettrait un homicide.

M. Williamson : Non.

Le président : À moins, bien sûr, que le crime ne soit commis à la Chambre.

M. Williamson : Oui, vous avez raison. Le projet de loi porte sur deux douzaines d'infractions. Il vise l'utilisation abusive de l'argent des contribuables.

Je rappelle qu'en vertu des règles actuelles, une personne qui commet un meurtre et qui est expulsée du Sénat ou de la Chambre des communes perd sa pension de toute façon.

Le président : Mais si elle avait commencé à toucher à sa pension avant, elle ne la perd pas.

M. Williamson : C'est exact.

Le sénateur Wells : Merci, monsieur Williamson, de votre présence et de votre exposé. J'ai une question, et j'aimerais savoir si c'est quelque chose à laquelle vous avez réfléchi.

Dans nombre d'administrations — si ce n'est pas partout au Canada —, une pension est un élément d'actif matrimonial. Avez-vous pensé que l'adoption du projet de loi risque de faire perdre un avantage à des personnes qui n'ont rien fait de mal? Par exemple, si je commettais un crime, ma femme serait privée de sa moitié de ma pension, comme cela est prévu aux termes de notre Matrimonial Property Act? Avez-vous tenu compte de cela?

M. Williamson : Oui, j'y ai pensé et c'est un sujet qui a été débattu à maintes reprises à la Chambre des communes, nommément le fait que le comportement répréhensible d'une personne puisse avoir une incidence sur tout le ménage.

En fin de compte, j'estime que le meilleur moyen — et peut-être le seul —pour les parlementaires d'éviter de perdre cet avantage, c'est de se comporter de façon responsable, une opinion à laquelle adhère, je crois, l'ensemble des députés. Voilà pour mon premier point.

Mon deuxième point concerne aussi les normes. Je ne voudrais pas que les membres des deux Chambres soient traités selon des normes différentes de celles que je vois dans ma circonscription. Si quelqu'un de ma circonscription est reconnu coupable d'un crime et qu'il est le seul soutien de famille et qu'on l'envoie en prison, c'est toute la famille qui s'en ressentira. Pour donner un exemple mieux approprié à notre propos, si quelqu'un de ma circonscription profitait à tort du système de l'assurance-emploi, on lui couperait ses prestations et c'est toute sa famille qui en souffrirait. Il n'y a pas d'exclusion pour le conjoint ou la conjointe. C'est un débat qui nous a demandé toute une réflexion. Je sais pour ma part que c'est une question à laquelle j'ai beaucoup réfléchi. En fin de compte, nous avons décidé de mettre l'accent sur ce projet de loi pour assurer le retrait de la pension, et nous n'avons pas prévu d'exclusion pour le conjoint ou la conjointe.

Toutefois, il faut comprendre que ce n'est pas comme si nous privions la personne de tout ce qu'elle a mis dans son fonds de pension. Une personne qui a enfreint la loi et qui a été reconnue coupable recevra quand même l'équivalent de ses cotisations avec intérêt. Et je soulignerai qu'avec les réformes que notre gouvernement a faites, la contribution à nos cotisations de pension annuelles a été multipliée par quatre, si je ne m'abuse. Sur une période de 10 ans, par exemple, le rendement sur les cotisations s'élèvera à lui seul à environ un demi-million de dollars.

Ces chiffres sont pour la Chambre des communes; c'est un peu moins pour le Sénat. Ce qu'il faut retenir, c'est que la personne recevra tout de même un montant appréciable du seul fait de ses propres cotisations.

Le sénateur Wells : Avez-vous obtenu un avis juridique concernant la perspective de retirer un avantage à une personne qui n'a pas commis de crime?

M. Williamson : Sur cette question particulière, je n'en ai pas demandé, puisque les lois du Parlement le permettent déjà. Si nous expulsons un membre, ce membre perd sa pension et il n'y a pas d'exclusion pour le conjoint. Je ne suis pas en train d'inventer quelque chose. Je ne suis pas en train d'écrire une nouvelle loi. Je n'essaie pas de modifier la loi qui est déjà là et qui permet de priver un membre de sa pension. Ce que je cherche à faire, c'est de supprimer cette petite échappatoire qui permet d'éviter de perdre sa pension en se retirant avant. Je le répète, l'idée de révoquer la pension ne vient pas de moi. Cela fait déjà partie des lois qui régissent le Parlement, y compris la disposition selon laquelle les conjoints ne peuvent être exclus.

La sénatrice Frum : Monsieur Williamson, vous nous avez parlé des amendements qui ont été apportés à la Chambre. Au début, vous vouliez que le projet de loi s'applique aux peines d'au moins deux ans et vous avez circonscrit la portée du projet de loi à des actes particuliers couverts par le Code criminel. Y a-t-il eu d'autres amendements dont nous devrions être informés?

M. Williamson : Merci, madame la sénatrice, surtout que vous êtes la sénatrice qui parrainez le projet de loi à la Chambre haute. Je peux effectivement vous dire qu'il y en a eu plusieurs, mais que ce sont des amendements que je considère comme étant mineurs. Je vais toutefois vous en faire part. Vous verrez peut-être les choses d'un autre œil. Au début, j'ai proposé que le projet de loi adopté s'applique de façon rétroactive à partir de la date de son dépôt à la Chambre des communes, en juin 2013. Cela posait toutefois quelques problèmes juridiques et constitutionnels, alors l'entrée en vigueur a été fixée à la date où le projet de loi recevra la sanction royale. C'est un changement modeste, mais quand même important. Nous voulons nous assurer que ce projet de loi ne fera pas l'objet d'une contestation judiciaire et qu'il ne sera pas déboulonné. C'est la raison de cet amendement. Puis il y a les deux que vous avez soulignés : le relèvement du seuil et le rétrécissement de la portée.

Ce projet de loi ne me fera pas gagner de prix d'amabilité à la Chambre des communes. Ce n'est pas un projet de loi particulièrement populaire. Le sujet abordé nous a quelque peu angoissés. Nous consacrons beaucoup de temps à notre travail, et nous passons beaucoup de temps loin des nôtres, alors nous ne voulions pas — et moi le premier — d'un projet de loi inéquitable à l'endroit de qui que ce soit. Je me suis vite rendu compte que le seuil initial de deux ans allait susciter une levée de boucliers à la Chambre, et qu'il était franchement trop bas de toute manière. Nous l'avons donc relevé à cinq ans, imitant en cela la loi de la Nouvelle-Écosse, mais même cela n'est pas allé sans certaines complications.

C'était un bon procédé, car il a permis aux députés de me poser toutes sortes de questions tant à la Chambre qu'à l'extérieur sur une foule de sujets, exprimant leurs préoccupations sur tel ou tel aspect de la loi, me demandant ce qui arriverait s'ils avaient une arme d'épaule qui n'était pas enregistrée, et cetera. On m'a donné beaucoup de bons exemples. Le plus convaincant a été celui que j'ai repris tout à l'heure, c'est-à-dire l'homicide involontaire commis au volant d'un véhicule. Encore une fois, je passe beaucoup de temps dans mon camion. Si je tuais quelqu'un, ce serait une tragédie. Je devrais être tenu responsable de cela, mais il s'agit d'un accident. Je le répète : la raison d'être de ce projet de loi n'est pas de retirer la pension pour une erreur, mais de viser les deux douzaines d'infractions que j'ai signalées et qui ont toutes à voir avec l'utilisation ou l'utilisation inappropriée des fonds publics.

La sénatrice Frum : Comme vous l'avez laissé entendre — et comme le sénateur Wells l'a dit —, certains s'inquiètent du bien-fondé des doubles punitions du point de vue de la justice naturelle. Pouvez-vous nous parler de cela du point de vue du contribuable et du public et de l'idée que les gens se font de la justice naturelle? Le fait que le titulaire d'une charge publique peut commettre une fraude et avoir quand même droit à sa pension. Je parle du point de vue des contribuables et du public, et de l'idée qu'ils se font de la justice naturelle et de la façon dont ce projet de loi devrait s'appliquer selon cette optique.

M. Williamson : Il y a eu un sentiment de double punition, de double péril, si vous préférez. Tout compte fait, nous tous ici présents avons un privilège qui n'est pas donné à d'autres. Nous avons le privilège de pouvoir dépenser l'argent des impôts. Bien que nous puissions en débattre, c'est comme cela que le public nous perçoit. Alors, en ce qui me concerne, l'adoption de ce projet de loi fournira un autre moyen efficace de dissuader les personnes de tromper la confiance des contribuables.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre présence. J'ai une question complémentaire concernant ce que le sénateur Wells vous demandait, si je l'ai bien compris, puis j'ai mes propres questions.

Si les parties sont séparées et que l'un des deux est un parlementaire, ils auront l'un et l'autre un intérêt futur dans la pension. Vous avez dit qu'il existe des règlements parlementaires à cet effet. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?

M. Williamson : Bien sûr. La loi actuelle encadre les parlementaires selon ses conditions précises et je ne touche pas à cela. Si un membre du Sénat ou de la Chambre des communes est expulsé par ses pairs, il perd la partie de sa pension qui correspond aux contributions qui proviennent de l'argent des contribuables. Il n'y a pas de disposition particulière pour le conjoint, que les deux soient encore ensemble ou qu'ils soient séparés. La pension est retirée et ce qui est rendu à la personne déchue correspond à ses propres contributions, plus les intérêts courus, point à la ligne. C'est ce que dit la loi. Le projet de loi ne fera qu'éliminer l'échappatoire qui permet au membre de prendre sa retraite avant d'être expulsé de l'une ou l'autre des Chambres pour avoir été reconnu coupable par un tribunal.

La sénatrice Jaffer : Ma question visait à avoir des précisions quant à la description de poste du membre; la fraude électorale est-elle visée par le projet de loi?

M. Williamson : Cela comprend la fraude.

La sénatrice Jaffer : S'agit-il de fraude perpétrée pendant que vous faites votre travail ou de n'importe quelle fraude?

Le président : Je crois que la sénatrice veut parler des infractions commises aux termes de la Loi électorale.

La sénatrice Jaffer : Merci.

M. Williamson : Le projet de loi n'inclut pas les infractions à la Loi électorale. Je me suis limité aux infractions comprises dans le Code criminel, les actes criminels, les crimes graves pour lesquels les peines maximales sont d'au moins cinq ans.

La sénatrice Jaffer : S'agit-il seulement des infractions commises dans le cadre du travail de parlementaire?

M. Williamson : Oui, madame.

Le sénateur McIntyre : Merci, John, de votre exposé. Qu'est-ce qui vous a motivé à proposer ce projet de loi? Est-ce une idée qui vous est venue quand vous travailliez à Fédération canadienne des contribuables? Ce projet de loi servira- t-il de moyen de dissuasion?

M. Williamson : Merci, monsieur le sénateur. J'étais directeur de la Fédération canadienne des contribuables il y a quelques années, au moment où l'ex-sénateur Lavigne a été reconnu coupable de fraude et d'abus de confiance, entre autres infractions.

Le Sénat était prêt à l'expulser, mais il a démissionné avant que le Sénat ne mette son plan à exécution. Il a ensuite passé six mois derrière les barreaux, et sa pension parlementaire lui a été versée durant tout ce temps. Je me souviens de ce que j'ai ressenti à ce moment-là, et je me souviens de ce que de nombreux contribuables canadiens avaient ressenti à cet égard. On disait que c'était injuste, inéquitable et que ça n'avait pas de bon sens. Voilà d'où m'est venue l'idée. Des années plus tard, quand je suis devenu député, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais de boucler la boucle et j'ai présenté ce projet de loi.

Je crois que ce sera un moyen de dissuasion. Ce qui me surprend le plus à propos de mon travail, c'est le temps qu'il faut y mettre, que ce soit pour faire l'aller-retour à la maison tous les week-ends, rencontrer les électeurs, interagir avec mes collègues législateurs, ou participer aux travaux des comités ou de la Chambre des communes. Nous consacrons tous un temps considérable à notre travail. Nous prenons notre travail au sérieux. Nous touchons un salaire et, avec le temps, nous avons droit à une pension. Outre les sanctions actuelles, ce projet de loi sera un moyen efficace de dissuader ceux qui pensent qu'ils peuvent prendre un raccourci et rançonner les contribuables.

Le sénateur McIntyre : D'après ce que je comprends, la peine proprement dite n'a pas vraiment d'importance. Ce qui est vraiment important, c'est l'accusation portée et la déclaration de culpabilité, n'est-ce pas?

M. Williamson : C'est exactement cela. Par exemple, dans le cas que je viens de mentionner, le sénateur avait été reconnu coupable de fraude et d'abus de confiance. Ce sont des actes criminels pour lesquels la peine maximale est de cinq ans. Le temps passé en prison n'entre pas en ligne de compte. Dans ce cas-ci, la personne a passé six mois en prison. Ce n'est pas le temps passé en prison qui est important, c'est le crime qui a été commis et la déclaration de culpabilité.

Je ne suis peut-être pas aussi sévère que le public, mais je crois que la ligne doit être tirée à un endroit raisonnable. J'essaie de tenir compte des crimes que la police, la société et les juges considèrent comme étant des crimes graves.

Le sénateur Furey : Je vous remercie de votre présence, monsieur Williamson. J'aimerais revenir aux questions au sujet du droit à pension des conjoints. Conjoints et être chers, devrais-je dire. Vous avez clairement indiqué qu'il n'y a pas de dispositions à cet égard dans la loi actuelle. J'estime que toute personne raisonnable trouverait cela injuste. Vous avez aussi dit — et je vous cite — que vous ne vouliez pas d'un projet de loi inéquitable à l'endroit de qui que ce soit. Ne croyez-vous pas que votre projet de loi devrait faire quelque chose pour corriger cela?

M. Williamson : Non, car je pars du principe que le meilleur moyen de prendre soin de ma famille est de bien me comporter dans l'exercice de mes fonctions. Si je commets des fautes et si, avec le temps, je me mets à tromper délibérément et systématiquement la confiance des contribuables, si j'enfreins la loi et que je suis reconnu coupable, c'est moi et ma famille qui allons être tenus responsables. C'est un jugement sévère, mais je crois que c'est juste si l'on tient compte de la prérogative que nous avons en tant que parlementaires de prendre des décisions concernant l'utilisation des fonds publics.

Je vous le concède. J'ai déjà entendu cet argument à plusieurs reprises et il a fait l'objet de beaucoup de débats à la Chambre des communes, mais au final, moi, ainsi que ceux qui ont appuyé mon projet de loi, avons pris la décision de conserver la loi actuelle en ce qui concerne la suppression de la pension. Il n'y avait aucune volonté de modifier ces dispositions, et nous ne l'avons pas fait.

Le sénateur Furey : Il y a un problème dans votre réponse, et c'est que les infractions ne doivent pas forcément être systématiques et de longue durée. Le projet de loi peut viser un acte isolé, et la partie innocente serait alors l'époux ou le conjoint. Il ou elle n'a aucunement participé à l'infraction, mais, au fil des ans pendant lesquelles leur conjoint ou époux a travaillé comme parlementaire, il ou elle a acquis un droit à la pension. C'est manifestement injuste de lui enlever ce droit, vous ne croyez pas?

M. Williamson : Là encore, pouvez-vous me donner un exemple d'un crime qui serait commis de façon inconsciente et qui n'entraînerait pas de méfait ou de tentative de cacher la vérité?

Le sénateur Furey : Dites-vous que l'époux ou le conjoint participe de façon implicite à chaque crime qui est commis par un parlementaire?

M. Williamson : Bien sûr que non.

Le sénateur Furey : Ce sont des parties innocentes.

M. Williamson : Je m'oppose au fait que vous laissez entendre que d'une façon quelconque, un député et sa famille vont se trouver sans pension en raison d'une erreur.

Le sénateur Furey : Ce n'est pas ce que je vous dis. Vous avez répondu en indiquant que le crime devait être commis de façon systématique pendant une certaine période. Je vous dis que c'est faux. Il peut s'agir d'un crime ponctuel commis vers la fin de la carrière d'une personne, et une partie innocente, en l'occurrence un conjoint ou un époux, une personne qui a aussi travaillé fort pour mériter le droit à la pension pendant que son conjoint ou son époux, parlementaire, travaillait loin du foyer, se fait enlever ce droit. Nous ne profitons pas de ce projet de loi pour régler une iniquité existante. Pourquoi pas?

M. Williamson : Ce n'est pas ce que prévoit mon projet de loi. Comme je l'ai dit, je ne suis pas d'accord avec vous pour exempter les époux. Je ne suis pas d'accord. Comme ma femme le dit, ne commets pas un crime si tu te préoccupes du bien-être de ta famille. C'est très simple. Je le répète, et je crois que vous le comprenez, le projet de loi ne vise pas à modifier la disposition actuelle en vigueur, qui est suffisante, à mon avis. Je veux combler la lacune qui permet aux personnes de démissionner et ainsi d'éviter une sanction déjà prévue et adoptée par le Parlement.

Le sénateur Furey : Je comprends cette intention, et je ne m'y oppose pas spécialement. Ce qui me préoccupe, c'est qu'on enlève un droit à une partie innocente. Nous avons la possibilité de corriger une iniquité existante, et nous ne le faisons pas. Nous avons tort.

J'ai une autre petite question.

Le président : Soyez précis, je vous en prie.

Le sénateur Furey : Si un parlementaire a une carrière exemplaire pendant 10 ans et, dans les jours ou les semaines qui précèdent son départ du Parlement, il commet l'une de ces infractions graves, est-ce juste de lui enlever le bénéfice de tout son bon travail? Ne devriez-vous plutôt calculer au prorata son droit à la pension?

M. Williamson : Je ne suis pas d'accord. Il efface tout son bon travail lorsqu'il commet une infraction grave. Aucune grâce semblable n'est accordée dans le secteur privé. Si quelqu'un commet un crime de col blanc à la fin de sa carrière, il en est tenu responsable. Si quelqu'un est l'auteur d'un crime encore plus grave à la fin de sa carrière, il en est tout aussi responsable. Je peux vous donner l'exemple de nombreuses personnes qui se retrouvent en prison et qui ont pourtant fait de bonnes œuvres pendant leur vie. Elles ont commis un crime et doivent maintenant purger une peine et ainsi s'acquitter envers la société. Les législateurs devraient faire l'objet du même traitement.

Le sénateur Furey : Je ne le conteste pas, mais ces personnes ainsi que leurs conjoints innocents ne se font pas tous enlever leur pension.

La sénatrice Batters : Bienvenue à notre comité sénatorial, monsieur Williamson. Je sais que vous vous êtes posé énormément de questions quant à la meilleure façon d'inclure les infractions que vous vouliez viser au moyen de ce projet de loi. Il semble donc que vous avez décidé d'énumérer les infractions particulières dans le projet de loi. Pouvez- vous nous en dire plus sur les raisons qui vous ont convaincu que c'était la meilleure façon de faire et nous indiquer si vous avez des préoccupations quant à une simple énumération d'infractions particulières?

De plus, suivant certaines des observations faites par d'autres, pourquoi avez-vous choisi de ne pas inclure d'autres infractions criminelles dans ce projet de loi, telles que le meurtre, l'agression sexuelle, la distribution de pornographie juvénile et le trafic de stupéfiants? Ne pensez-vous pas qu'une personne reconnue coupable de l'une de ces infractions graves devrait se faire enlever sa pension, comme la personne reconnue coupable d'utilisation frauduleuse d'un appareil de télécommunications représentant 5 000 $, ce qui est prévu dans votre projet de loi?

M. Williamson : C'est une excellente question, et je vous concède ce point. Au final, je devais créer un projet de loi qui allait obtenir le soutien de la Chambre des communes, un projet de loi qui allait réaliser ses objectifs et obtenir son soutien. Comme nous le savons tous, chaque fois que nous votons un projet de loi à la Chambre des communes ou au Sénat, nous faisons des compromis. Cela se passe chaque jour. Nous tentons d'adopter des projets de loi qui vont dans l'intérêt du public.

Les dispositions permettent de réaliser deux objectifs. Elles mettent l'accent sur l'utilisation, abusive ou non, de l'argent du contribuable dans nos fonctions quotidiennes, et on me dit, comme vous le diront les témoins qui représentent le gouvernement, qu'une telle énumération renforce le critère judiciaire du projet de loi si jamais on le conteste.

S'agissant des crimes autres que ceux que j'ai énumérés, je serais en faveur. J'appuierais un projet de loi qui était d'une portée plus large, qui viserait même le personnel de la fonction publique ainsi que les forces armées. Je voulais cependant créer un projet de loi qui n'était pas trop ambitieux et qui allait s'attaquer aux problèmes qui m'intéressaient, c'est-à-dire le détournement de l'argent du contribuable.

Je ne m'opposerais aucunement à un tel projet de loi s'il était déposé pendant la prochaine législature. Si je suis réélu, je serai en faveur. Là encore, mon projet de loi a été conçu pour mettre l'accent sur le détournement de l'argent du contribuable et obtenir le soutien de mes collègues à la Chambre des communes et, je j'espère, au Sénat.

Le sénateur Joyal : Soyez le bienvenu. J'ai lu votre projet de loi rapidement. Si je l'ai bien interprété dans le contexte du droit pénal, à la partie 2, la personne doit avoir été condamnée à une peine. En d'autres termes, ce n'est pas la peine qui importe, c'est-à-dire la gravité du crime commis, mais plutôt le crime dont on est accusé, comme l'utilisation non autorisée d'un ordinateur. Admettons qu'on soit accusé de l'utilisation non autorisée d'un ordinateur et qu'on ait été condamné à une peine de trois mois. On perdrait sa pension aux termes du paragraphe (l). Ce n'est pas la lourdeur de la peine qui compte, c'est la nature du crime imputé à la personne.

M. Williamson : C'est exact.

Le sénateur Joyal : La suppression de la pension n'est pas fonction de la gravité du crime, mais de la catégorie de crime.

M. Williamson : C'est vrai.

Le sénateur Joyal : Ce n'est pas le fait d'avoir été reconnu coupable qui est important, mais plutôt d'avoir été impliqué dans l'utilisation non autorisée d'un ordinateur.

M. Williamson : Vous avez plus ou moins raison sur deux points. Je vous dirais que la gravité du crime compte. Je n'ai pas compris d'infractions mineures dans mon projet de loi. Ce sont des infractions prévues par le Code criminel assorties d'une peine maximale de cinq ans ou plus d'emprisonnement.

De plus, on est reconnu ou bien coupable, ou bien innocent. C'est le tribunal qui tranche, ce n'est pas nos pairs ou encore un comité de la Chambre des communes ou du Sénat. Vous avez raison. Qu'il s'agisse d'une peine de deux ans, de six mois ou de 10 ans, c'est la reconnaissance de la culpabilité qui compte, et non le temps passé derrière les barreaux.

Le sénateur Joyal : Ce qui me dérange, c'est l'article 718 du Code criminel, qui porte sur la détermination de la peine. Je sais que la sénatrice Batters connaît bien cette disposition, tout comme mes collègues qui sont juristes, tels que le sénateur McIntyre. Lorsqu'un juge établit la peine, il doit suivre le principe de la proportionnalité. Ce principe a été réaffirmé par la Cour suprême en ce qui concerne les infractions commises avec une arme à feu. La décision a été rendue il y a trois mois, dans l'affaire R. c. Nur. Nous avons discuté de cette décision au sein du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles il y a trois semaines, lors de la comparution des ministres de la Justice et de la Sécurité publique et de la Protection civile. Ma préoccupation est liée à certaines dispositions de la Charte : la peine est proportionnelle à la gravité du crime. On en tient compte lors de la détermination de la peine. C'est sans équivoque. Le juge confronté à un ancien parlementaire devra en tenir compte que lorsqu'il déterminera la peine, mais il sera également soumis à cette disposition. Il y aura donc une incidence sur la proportionnalité de la peine.

En avez-vous, c'est-à-dire pas vous, mais les rédacteurs du projet de loi, tenu compte? Je ne veux pas vous gêner pour autant.

M. Williamson : Non. Écoutez, j'ai dû tenir compte de toutes les éventualités à la Chambre des communes. Je reconnais la gravité des dispositions de ce projet de loi et leur incidence sur les personnes qui seraient reconnues coupables. C'est très grave que de perdre une partie de ses revenus pour la retraite.

Je me suis donc fié à deux sources. Tout d'abord, j'ai travaillé avec des représentants du Trésor sur l'aspect constitutionnel du projet de loi et sa capacité de résister à une contestation. Les représentants, et je ne veux pas parler pour eux, je crois que vous les entendrez bientôt, étaient d'avis que les dispositions avaient de bonnes chances de résister à une contestation. J'ai ensuite étudié un cas réel, c'est-à-dire la loi qui existe déjà en Nouvelle-Écosse. Elle a été adoptée en 2013. Cette loi est entrée en vigueur de façon rétroactive le jour de son dépôt, au contraire de mon projet de loi, qui n'entre en vigueur qu'après la sanction royale. Un député provincial de la Nouvelle-Écosse a été reconnu coupable de fraude, d'abus de confiance et d'avoir soumis de fausses déclarations de dépenses cinq et six ans avant le dépôt du projet de loi. La personne a perdu sa pension en raison de sa culpabilité.

C'est un exemple réel d'un cas qui s'est produit. Mon troisième point, parce que vous posez une question difficile, c'est que ce sont bien les crimes qui importent, et non les peines.

Prenons l'exemple du sénateur Lavigne, qui a été reconnu coupable d'avoir détourné l'argent du contribuable. Il n'a purgé que six mois en prison, et il conserve sa pension. Je ne crois pas qu'une personne, qu'elle purge une peine de 6 mois, de 12 mois ou de 2 ans, devrait avoir droit à une pension une fois qu'elle a été reconnue coupable de certains de ces crimes graves.

Le sénateur Joyal : Sauf votre respect, ce n'est pas parce qu'une loi de la Nouvelle-Écosse a été invoquée dans une affaire que le principe résisterait à toute contestation. Ma question est juste, parce que si nous devons adopter ce projet de loi, du moins au comité des affaires juridiques, car ici nous sommes le comité du règlement, nous devons traiter les aspects juridiques des questions. J'ai seulement lu le projet de loi ce matin. Je vais devoir examiner la jurisprudence pour évaluer l'incidence supplémentaire de la détermination de la peine dans des affaires antérieures qui ont fait l'objet de contestations.

M. Williamson : Bien-sûr.

Le sénateur Joyal : Je crois que c'est une démarche qui s'impose avant que nous disions oui, nous allons voter ce projet de loi en affirmant qu'il est à l'abri de toute contestation.

M. Williamson : Tout à fait.

Le sénateur Joyal : Comme je l'ai dit, il faut voir si le projet de loi survivrait à une contestation de sa constitutionnalité qui invoquerait l'article 718 du Code criminel.

M. Williamson : Je ne m'y oppose pas. Votre question vaut bien la peine d'être posée. Nous avons posé les mêmes questions au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre de l'autre côté. Il me semble que vous entendrez un témoin sur les points que vous soulevez, et que ce témoin vous parlera de la perspective du gouvernement et de la solidité du projet de loi en ce qui concerne une contestation éventuelle.

Je souhaite vivement faire adopter le projet de loi. Je ne veux pas un projet de loi qui sera rapidement aboli. Je crois que mon projet de loi est à l'abri des contestations. Ce n'est pas l'affaire de la Nouvelle-Écosse qui permettra de prendre une décision définitive. J'ai voulu la citer à titre d'exemple, un cas dans le monde réel où une telle loi a déjà été adoptée, mise en œuvre et exécutée.

Le sénateur Joyal : Je voulais également soulever un point concernant les conjoints. Il me semble que nous devrions y réfléchir davantage. Pensons à un couple parfait, deux personnes qui s'aiment beaucoup et qui se sont engagées pour la vie. Tous ceux d'entre nous qui œuvrent sur la scène politique savent que c'est la situation idéale. Moi, tout comme vous, j'ai connu des gens qui, pendant qu'ils étaient parlementaires, ont divorcé parce qu'il y avait trop de pression sur le couple, les enfants et ainsi de suite. Le député est toujours absent et le conjoint en ressent les pressions. Vous connaissez bien. Je ne m'étendrai pas là-dessus.

Votre projet de loi ne semble pas tenir compte des situations où le parlementaire a une responsabilité envers sa famille même s'il ne partage pas le même foyer. Une décision concernant la pension reconnaît normalement qu'il y a eu un problème et que le député a une responsabilité envers, je ne veux pas dire son ex, disons sa femme de laquelle il s'est séparé et ainsi de suite. Cette même logique s'applique au divorce, car aux termes du jugement de divorce, on peut être tenu de verser une pension, selon les dispositions.

En avez-vous tenu compte? La personne ne vit pas avec le député, mais le député a une responsabilité légale directe envers cette personne.

M. Williamson : Là encore, on y a beaucoup réfléchi et on en a beaucoup parlé. Cependant, je vous rappelle que les dispositions du projet de loi dont vous parlez sont conformes à la loi actuelle qui régit le Parlement. Si une personne perd sa pension actuellement en raison de son inconduite, rien n'est prévu pour le conjoint. Mon projet de loi ne modifie en rien la loi actuelle. Il ne fait que combler la lacune qui permet à quelqu'un de démissionner avant de faire l'objet de sanctions par une Chambre ou l'autre.

Une législature précédente a en sa sagesse décidé que si un député perd sa pension, rien n'est prévu pour le conjoint, et je suis d'accord. Il se peut qu'une législature future souhaite revoir la question. Il se peut que la société ait évolué. Je n'ai pas prévu le cas de figure dans mon projet de loi. Mon projet de loi est muet sur la question et je m'en remets à la loi actuellement en vigueur.

La sénatrice Frum : Depuis combien de temps la disposition prévoyant l'expulsion d'un député en raison d'un acte criminel est-elle en place?

M. Williamson : Je l'ignore. Je sais seulement que c'est une loi qui vise les parlementaires.

La sénatrice Frum : Pour ce qui est des contestations éventuelles visant votre projet de loi, ce principe est déjà établi et n'a pas été contesté?

M. Williamson : Non.

La sénatrice Frum : Votre projet de loi repose sur un principe, selon lequel les parlementaires et les personnes ayant des fonctions publiques devraient répondre à des normes plus élevées que d'autres membres du public. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Les parlementaires devraient-ils répondre à des normes qui sont plus élevées par rapport à d'autres gens?

M. Williamson : Oui, à mon avis. Ce principe n'est peut-être pas exprimé expressément dans le projet de loi, mais il a certainement sous-tendu les dispositions. Je crois, et je suis d'avis que certains parmi vous le croient également, que nous nous retrouvons dans une situation unique. Nous sommes envoyés à Ottawa pour gouverner au nom de 35 millions de Canadiens. Que nous le reconnaissions ou non, nous sommes différents. Aux yeux du public, nous sommes uniques. On nous a confié des responsabilités particulières. Je suis persuadé, comme l'est la Chambre des communes telle qu'attestée par le vote sur le projet de loi qui a obtenu l'appui de tous les partis, c'est-à-dire un appui généralisé, que ce projet de loi en tient compte et s'assure que ceux qui violeront la confiance du public répondront à des normes plus élevées également.

Je crois que c'est juste et équitable. Et je suis également convaincu que c'est conforme aux attentes du public.

Le président : La loi actuelle a-t-elle fait l'objet d'un appel devant la Cour suprême ou la Cour fédérale?

M. Williamson : Pas à ma connaissance.

Le sénateur Furey : Monsieur Williamson, il est évident que vous avez longuement réfléchi à ce projet de loi et que vous avez entretenu de nombreuses discussions à ce sujet. Certaines des infractions énumérées sont des infractions mixtes. Était-ce votre intention de viser, aux termes du projet de loi, les personnes ayant été déclarées coupables par procédure sommaire d'une infraction mixte?

M. Williamson : Je ne crois pas qu'il y ait d'infraction mixte. Ce sont des actes criminels évidents.

Le sénateur Furey : L'alinéa 342.01(1)c) vise, il me semble, une infraction mixte. J'ai le code ici devant moi.

M. Williamson : Attendez une minute.

Le sénateur Joyal : Je crois que c'est une infraction mixte.

Le sénateur Furey : Y a-t-il une disposition dans le projet de loi qui empêcherait l'exemption d'une personne déclarée coupable par procédure sommaire en vertu de cette disposition? Il me semble que non.

M. Williamson : Votre point est juste. Cet amendement a été apporté par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Il ne figurait pas dans la liste des amendements que j'avais soumis au comité. Il y a peut-être effectivement une exception à ce que je viens de vous dire en ce qui concerne la disposition 342.

Le sénateur Furey : Je n'ai que la version française ici, et mon français n'est pas à la hauteur, mais il me semble que l'article 366 présente le même cas d'espèce. Recommanderiez-vous que nous amendions le projet de loi afin d'éviter de tels cas d'espèce?

M. Williamson : Non. Si vous amendez le projet de loi, il mourra.

Le sénateur Furey : Vous seriez donc d'accord, compte tenu de la volonté que vous avez exprimée ici ce matin qui, soyons justes, est louable, que quelqu'un reconnu coupable par procédure sommaire perde sa pension en raison d'une lacune dans le projet de loi?

M. Williamson : Attendez une minute. Je ne reconnais pas qu'il y ait une lacune dans le projet de loi. Le projet de loi a fait l'objet de nombreux débats à la Chambre des communes. Le projet de loi n'est pas le fruit de mon travail, c'est le fruit du travail de toute la Chambre des communes, des débats qui y ont eu lieu et du travail du comité. Je ne suis pas responsable du travail du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Ce comité est constitué des députés des trois grands partis. À la lumière de leur sagesse, ils ont apporté des ajouts au projet de loi. Dans l'ensemble, je crois que c'est un excellent projet de loi et je recommanderais au Sénat de l'approuver ici en comité et ensuite de s'assurer qu'il y ait un vote avant que la Chambre ne s'ajourne pour l'été.

Le sénateur Furey : Monsieur Williamson, je suis tout à fait conscient du labeur, de la réflexion et du débat dont ce projet de loi a toute évidence fait l'objet, mais je ferais respectueusement remarquer que je ne suis pas d'accord avec vous quand vous affirmez qu'il ne s'agit pas d'une lacune.

M. Williamson : Fort bien.

Le sénateur Joyal : Monsieur Williamson, je relis la liste des crimes énumérés au paragraphe 2(4). Le premier a de toute évidence un lien avec le rôle du parlementaire, comme dans l'exemple que vous avez donné en Nouvelle-Écosse. Quelqu'un commet une fraude en falsifiant sa déclaration pour obtenir davantage d'argent du gouvernement.

Il me semble toutefois que certains crimes énumérés n'ont aucun lien avec le gouvernement. Ils pourraient concerner l'entreprise privée d'un parlementaire, l'impôt sur le revenu ou d'autres sortes d'activités auxquelles des citoyens ordinaires pourraient s'adonner.

Il me semble qu'à la manière dont vous avez présenté l'intention du projet de loi, vous ne voulez pas que les parlementaires se servent de leur situation pour exploiter le système, pour dire les choses clairement.

M. Williamson : Oui.

Le sénateur Joyal : Cependant, je ne suis pas certain que le lien entre le crime qu'un parlementaire peut commettre en exploitant les avantages dont il bénéficie pour profiter illégalement du système et celui qu'il pourrait commettre à des fins personnelles, au sein de son entreprise, comme je l'ai indiqué, ne soit pas tiré par les cheveux. Saisissez-vous la nuance?

Vous avez évoqué le sénateur Lavigne. Nous connaissons sa situation et vous connaissez probablement mieux que moi l'affaire à laquelle vous avez fait référence en Nouvelle-Écosse. Mais d'après ce que j'ai compris de ces deux affaires, les intéressés ont utilisé leur statut de parlementaire pour tenter d'obtenir du système des avantages auxquels ils n'avaient pas droit, comme je l'ai fait remarquer.

Ces affaires diffèrent d'une situation dans laquelle un parlementaire commet un crime en exploitant son entreprise. Cela ne concerne en rien ses fonctions de parlementaire.

Voyez-vous la nuance? Je connais votre intention, que vous avez bien expliquée. L'affaire Lavigne a soulevé l'ire de la population, et je peux le comprendre.

M. Williamson : Oui.

Le sénateur Joyal : D'un autre côté, si vous imposez un autre seuil, vous changez vraiment quelque chose quant à la mentalité et au statut des parlementaires, et j'ai besoin de quelques instants de mûre réflexion à ce sujet.

M. Williamson : Très bien.

Le sénateur Joyal : Vous comprenez mon point de vue?

M. Williamson : Oui.

Le sénateur Joyal : Il existe une nuance entre les deux.

M. Williamson : En effet.

Le sénateur Joyal : Cette nuance est importante, particulièrement si on en considère les répercussions potentielles.

M. Williamson : J'en conviens. Je serai bref, monsieur le président. Le comité et la Chambre ont discuté du fait que la loi devrait porter sur les fonctions qui sont les nôtres à titre de membres d'une des deux Chambres. Je pense que c'est ce que fait le projet de loi dans sa forme actuelle. Je vous laisserai le loisir d'y réfléchir. C'est un point qui est revenu sans cesse, mais ces questions concernent nos fonctions à titre de membres d'une des deux Chambres sur la Colline du Parlement.

La sénatrice Batters : J'aimerais faire brièvement suite à la question du sénateur Furey. Simplement pour que cela figure au compte rendu, car les tribunaux s'y réfèrent à l'occasion pour comprendre l'intention législative, notre intention législative, en élaborant et en peaufinant ce projet de loi, consiste clairement à n'appliquer la mesure qu'en cas d'acte criminel ou de gestes semblables. Vous n'avez pas l'intention de viser les personnes déclarées coupables par procédure sommaire.

M. Williamson : Eh bien, c'est un peu le contraire. C'était là mon intention. Deux dispositions ont été proposées et ajoutées au projet de loi. Une fois encore, comme vous le savez, les projets de loi sont des documents de travail qui sont le résultat de compromis. Cette mesure a fait l'objet de bien des modifications au cours des deux dernières années, et le document que nous avons maintenant devant nous porte sur nos fonctions de membres. J'ai proposé un certain nombre d'amendements pour corriger le tir. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, dans sa grande sagesse, y a apporté des ajouts ou des amendements supplémentaires. Je considère qu'il s'agit d'un bon projet de loi, qui résistera à une contestation judiciaire. Je pense qu'il porte sur nos fonctions de législateurs. Il est le résultat de compromis à la Chambre des communes, et j'espère que cet esprit se maintiendra au Sénat également.

Le président : Pour poursuivre sur le même sujet, en ce qui concerne les autres infractions énumérées, dans les cas d'infraction électorale, c'est en fait ce qui est punissable par mise en accusation qui est visé. Se peut-il que le comité de la Chambre des communes n'ait pas remarqué le fait que les infractions doivent être punissables par mise en accusation, par exemple, et ait corrigé cette erreur?

Je soulèverai également la question de l'article 426, qui concerne les commissions secrètes. Je crois comprendre que ce projet de loi ne vise que les infractions passibles d'une peine de plus de cinq ans. Est-ce le cas? Est-ce ce que vous avez dit au début?

M. Williamson : Oui.

Le président : Cinq ans ou plus? La peine pourrait être de plus de cinq ans.

M. Williamson : C'est effectivement une peine de cinq ans ou plus.

Le président : L'article 426 stipule ce qui suit :

Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque commet une infraction prévue au présent article.

En fait, cet article à lui seul rend discutable cette partie du projet de loi, car les intéressés pourraient ne pas être déclarés coupables de l'infraction ou recevoir une peine d'emprisonnement de 4 ans et 11 mois. Il faut également tenir compte du fait que le mois de février peut compter 27 ou 28 jours. Ils pourraient ne pas recevoir une peine de cinq ans et toucheraient leur pension, même s'ils ont été condamnés pour commission secrète, par exemple.

M. Williamson : Je ne vous suis pas. L'infraction visée par l'article 426 est un acte criminel passible d'une peine de cinq ans.

Le président : Non, c'est de moins de cinq ans. La peine n'excède pas cinq ans, n'est-ce pas? Vous avez indiqué que c'était si les gens reçoivent une peine de plus de cinq ans.

M. Williamson : Non.

Le président : Est-ce une peine de cinq ans ou davantage?

M. Williamson : C'est quand la peine est...

Le président : De plus de cinq ans?

M. Williamson : La peine maximale est de cinq ans, et certaines infractions entraînent des peines de 10 ou de 14 ans.

Le président : Je pense que vous avez dit que vous avez modifié la durée à plus de deux ans, et maintenant, vous dites que c'est une peine de plus de cinq ans. Est-ce plus de cinq ans ou cinq ans?

M. Williamson : C'est une durée de cinq ans. Plutôt que de viser tous les crimes punissables d'une peine de cinq ans, nous en avons énuméré deux douzaines.

Le président : Quand les gens sont condamnés à une peine de cinq ans, vous dites qu'ils...

M. Williamson : La peine est sans importance.

Le président : Quand la peine pourrait être de cinq ans ou plus, pas de plus de cinq ans.

M. Williamson : Vous parlez du crime et non de...

Le président : En effet.

M. Williamson : Et non de la peine d'emprisonnement.

Le président : Je tente d'éclaircir le point dont il a été question au début quand nous avons parlé du fait que l'infraction était punissable d'une peine de cinq ans ou plus ou de plus de cinq ans. C'est tout.

M. Williamson : C'est de cinq ans et plus. Par exemple...

Le président : Comme je n'ai pas accès...

M. Williamson : Par exemple, la fraude à l'égard du gouvernement et l'abus de confiance sont passibles d'une peine de cinq ans, alors que la peine est de 14 ans en cas de parjure. Pour la falsification de livres et de documents, le faux relevé fourni par un fonctionnaire public et les commissions secrètes, la peine est également de cinq ans, comme vous l'avez souligné.

La sénatrice Batters : À ce sujet, un examen du projet de loi permet de constater qu'il n'y est fait nulle mention de la peine de cinq ans. Cette durée ne vous a servi que de ligne directrice quand vous avez dressé la liste des infractions.

M. Williamson : Précisément, c'était ma ligne directrice générale. Nous avons initialement considéré qu'une peine de deux ans ne convenait pas, car elle englobe trop d'infractions pouvant résulter d'un manque momentané de jugement ou d'une erreur. Quand la peine est de cinq ans, les crimes sont plus graves, ce qui circonscrit la portée de la mesure législative. La peine de cinq ans ne figure effectivement pas dans le projet de loi. Nous avons plutôt prévu 24 dispositions. Vous avez avec justesse fait remarquer que le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a apporté deux amendements à cet égard. Cela n'entre pas en conflit avec une autre partie du projet de loi qui précise le seuil. Nous avons énuméré les divers crimes. Il s'agit de seuils et non d'une norme que j'ai fixée. La Chambre, dans sa grande sagesse, a apporté des amendements. Personnellement, je voulais maintenir la rétroactivité, en raison de l'exemple de la Nouvelle-Écosse, mais mes éminents collègues de la Chambre des communes ont proposé d'apporter un changement à cet égard et j'ai suivi leur conseil.

Le président : Y a-t-il d'autres questions avant que nous terminions d'interroger ce témoin? Merci beaucoup, monsieur Williamson.

M. Williamson : Merci à tous. Je vous suis reconnaissant de m'avoir invité à témoigner.

Le président : Nous devons faire vite ce matin, car un certain nombre de comités siègent à 10 heures.

Ce matin, je souhaite la bienvenue à Michel Patrice, légiste et conseiller parlementaire et dirigeant principal des Services de la Cité parlementaire, qui est, je pense, le plus occupé des trois témoins; Nicole Proulx, dirigeante principale des services législatifs; et France Lagacé, agente chargée de la paye et de la pension des sénateurs, du Sénat du Canada.

Je tiens à vous remercier tous les trois de témoigner. J'ignore si vous voulez commencer par lire un document. Si ce n'est pas le cas, nous passerons immédiatement aux questions, si cela vous convient. Nous commencerons par le sénateur Furey.

Le sénateur Furey : Michel, à titre de légiste du Sénat, vous avez entendu le débat sur les infractions mixtes que contient ce projet de loi. À votre avis, en qualité de légiste, les infractions mixtes figurant aux articles 342.1 et 366 pourraient-elles avoir des conséquences imprévues qui seraient manifestement injustes?

Michel Patrice, légiste, conseiller parlementaire et dirigeant principal, Services de la Cité parlementaire, Sénat du Canada : C'est une grande question. Vous avez entendu le parrain du projet de loi affirmer, je crois, que son intention consistait à viser les actes criminels. Apparemment, des amendements ont été apportés afin d'inclure deux infractions pouvant faire l'objet d'une mise en accusation ou d'une procédure sommaire.

Le sénateur Furey : Si nous adoptons ce projet de loi dans sa forme actuelle, nous nous éloignons certainement de l'intention exprimée au sujet de l'effet escompté et nous ferions en sorte qu'il soit possible, en vertu de la loi, de retirer sa pension à une personne avant qu'elle ne soit déclarée coupable par procédure sommaire.

M. Patrice : Ce serait effectivement ce que ferait le projet de loi devant vous.

Le sénateur Furey : Merci.

La sénatrice Jaffer : Je m'intéresse au critère de proportionnalité de ce projet de loi. Considérez-vous que les mesures qu'il propose sont raisonnables et proportionnées? Pourrait-on instaurer des mesures de contrôle supplémentaires pour les membres?

Je trouve vraiment préoccupant que nous devions examiner cette mesure rapidement ou que nous ayons un fusil sur la tempe, comme si le projet de loi allait mourir si nous ne l'adoptons pas. Nous continuerons de recevoir des projets de loi très difficiles à examiner. Je ne suis pas en désaccord avec le concept, mais une fois de plus, on nous demande d'adopter un projet de loi bancal. Vous ne pouvez vous prononcer à ce sujet, mais dites-nous ce que vous pensez de la proportionnalité.

M. Patrice : En ce qui concerne la proportionnalité, c'est une grande question. À l'évidence, tout dépendra des faits en l'espèce. Le critère de proportionnalité prévu à l'article 718 s'applique à l'acte criminel ou à l'infraction et à la peine afférente. Vous vous intéressez à l'effet de la déclaration de culpabilité ou de la condamnation sur les autres allocations prévues dans la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires. Je ne suis pas certain que le tribunal tiendrait compte de cette conséquence en infligeant la peine.

Le sénateur Joyal : Pour continuer sur le même sujet et pour faire suite à la réponse du témoin, je n'ai pas le Code criminel devant moi, mais ceux qui disposent d'un ordinateur peuvent consulter l'article 718. La sénatrice Batters est partie, mais il existe un article ouvert qui, de mémoire, parle de « tous les autres éléments ou facteurs pertinents ».

Si j'étais un avocat plaidant ou représentant un accusé déclaré coupable au moment de la représentation sur sentence, j'invoquerais certainement, pour des motifs solides, la dernière partie de l'article 718 et tous les autres facteurs pertinents que le juge doit prendre en compte pour respecter le principe de proportionnalité dont j'ai parlé ce matin, à l'instar de la sénatrice Jaffer.

Personne n'ignorera le fait qu'il y aura automatiquement un important fardeau supplémentaire qui pèsera sur le statut de la personne condamnée. Nous ne pouvons ignorer que cela fera partie de la peine; c'est donc un élément à prendre en considération.

M. Patrice : Cela aura certainement une incidence sur la déclaration de culpabilité. Cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Joyal : C'est indubitable, selon moi.

Comme je l'ai indiqué, ce facteur sera pris en compte quand la cour devra évaluer la proportionnalité de la peine.

Le président : Est-ce une question ou une réponse?

M. Patrice : Je pense que c'est une observation.

Le sénateur Joyal : Oui ou non? Ai-je raison ou suis-je dans l'erreur? Selon vous, bien entendu.

M. Patrice : Ce sont des facteurs dont le juge tient compte lors de l'audience de détermination de la peine. Je ne peux évidemment pas me substituer à un juge et à son pouvoir discrétionnaire. Cependant, il ne fait aucun doute qu'avec le point que vous soulevez, un juge prendrait certainement en compte ce genre d'éléments quand vient le temps de déterminer la peine.

Le sénateur Joyal : Ce n'était pas mon tour, mais je pense que cela faisait suite à la question de la sénatrice Jaffer.

La sénatrice Jaffer : Nous commençons à peine à étudier ce projet de loi. Comme c'est le cas pour de nombreux projets de loi dont nous sommes saisis, nous n'avons pas beaucoup de temps pour l'examiner.

J'ai écouté le témoin précédent. Cependant, comme certaines dispositions sont injustes, la négociation de plaidoyer éviterait au membre de perdre sa pension si cette mesure est déraisonnable ou si les choses ne sont pas claires. Quelles sont les conséquences du manque de clarté sur un projet de loi?

M. Patrice : L'imprécision d'un crime ou de l'intention du projet de loi peut, de façon générale, neutraliser l'effet de la mesure.

La sénatrice Frum : Les gens sont préoccupés quand ils examinent ce projet de loi, car ils considèrent qu'il contient une liste limitée d'infractions, comme l'utilisation d'un ordinateur, mais ne comprend pas des crimes comme le meurtre, l'agression sexuelle ou l'agression physique.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il arrive maintenant si un parlementaire est déclaré coupable de ces crimes plus graves pendant qu'il est suspendu du Parlement ou une fois qu'il a pris sa retraite? Qu'arrive-t-il à sa pension en pareil cas?

M. Patrice : Vous parlez d'un parlementaire reconnu coupable de meurtre, par exemple?

La sénatrice Frum : Par exemple, oui.

M. Patrice : Comme le parrain du projet de loi l'a expliqué, si le parlementaire quittait ses fonctions avant d'être disqualifié ou expulsé, il conserverait sa pension.

La sénatrice Frum : N'y a-t-il pas des mesures ou des dispositions auxquelles le Parlement pourrait recourir pour la lui retirer?

M. Patrice : En vertu de la loi actuelle, pas si le député ou le parlementaire a quitté ses fonctions avant d'être disqualifié ou expulsé de la Chambre des communes.

La sénatrice Frum : Et s'il était suspendu au moment de la condamnation?

M. Patrice : Ces dernières années, une disposition sur la suspension a été ajoutée à la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, laquelle stipule que la période au cours de laquelle un parlementaire est suspendu par un vote majoritaire de sa Chambre respective est exclue de son service validable. Cela ne signifie toutefois pas qu'il n'aura plus droit à sa pension. La période au cours de laquelle il sera suspendu sera simplement exclue de son service validable, et cette période prendra fin quand la Chambre qui l'a suspendu décidera, par un vote majoritaire, de rétablir son droit à la pension.

Le président : Pour poursuivre sur le même sujet, le présent projet de loi ne changerait rien à cela en cas d'homicide.

M. Patrice : Non.

Le président : Si une personne commet un homicide et reçoit sa pension, ce projet de loi ne permet pas de changer quoi que ce soit au fait qu'elle continue de se prévaloir de sa pension, n'est-ce pas?

M. Patrice : À moins qu'elle n'ait été disqualifiée ou expulsée par sa Chambre.

Le président : Mais si elle démissionne ou prend sa retraite, elle reçoit sa pension avant que cela n'arrive?

M. Patrice : C'est un fait.

La sénatrice Batters : J'aimerais que vous nous expliquiez les modifications importantes qui ont été apportées récemment aux prestations de retraite que reçoivent les sénateurs.

Nicole Proulx, dirigeante principale des services législatifs, Sénat du Canada : Comme vous le savez, la Loi sur la réforme des pensions a entraîné de nombreux changements, le principal concernant le ratio de partage des coûts du régime de retraite, qui sera de 50/50 entre les pensionnés et le gouvernement à compter de 2017.

La sénatrice Batters : C'est une augmentation considérable de la contribution des sénateurs, n'est-ce pas?

Mme Proulx : Oui, en effet. Nous avons les chiffres ici.

France Lagacé, agente financière principale, Rémunération, pensions et avantages sociaux des sénateurs, Direction des finances et de l'approvisionnement, Sénat du Canada : À compter de 2016, les cotisations seront de 1 870 $ par mois, somme qui augmentera de 21,59 $ à partir de 2017.

La sénatrice Batters : Il y a également un changement relatif à l'âge auquel les sénateurs peuvent commencer à toucher leur pension, n'est-ce pas?

Mme Proulx : Oui.

La sénatrice Batters : Et en quoi consiste ce changement? Quel était cet âge et quel sera-t-il dans l'avenir?

Mme Proulx : L'âge passe de 55 à 65 ans.

La sénatrice Batters : De 55 à 65 ans?

Mme Proulx : Oui.

Le sénateur McIntyre : Je veux aborder avec vous la question de l'expulsion. D'après ce que je comprends, en vertu de la loi actuelle, quiconque quitte ses fonctions avant d'être expulsé peut continuer de recevoir sa pension, exactement comme le sénateur Lavigne l'a fait. Je crois comprendre que ce projet de loi viendrait corriger cette lacune; autrement dit, toute personne déclarée coupable perdrait sa pension, qu'elle ait été expulsée ou qu'elle ait démissionné ou pas. Est- ce le cas?

M. Patrice : C'est l'effet qu'aurait ce projet de loi dans le cas des infractions énumérées, oui.

Le sénateur McIntyre : C'est la logique derrière le projet de loi.

M. Patrice : En effet, d'après ce que je comprends.

La sénatrice Frum : Pour faire suite à la question de la sénatrice Batters, il est vrai que si une personne est déclarée coupable d'une des infractions énumérées dans le projet de loi, on lui remboursera les cotisations qu'elle a faites au régime de retraite. Cette partie lui est rendue, mais elle ne reçoit pas les cotisations que le gouvernement a versées au régime, n'est-ce pas?

M. Patrice : Oui.

Le sénateur Joyal : Ai-je raison de dire qu'un membre peut être expulsé de la Chambre des communes ou du Sénat s'il est reconnu coupable de possession de pornographie juvénile, pour reprendre l'exemple donné, il me semble, par la sénatrice Batters? Ce député ou ce sénateur serait-il expulsé de la Chambre concernée du Parlement s'il était déclaré coupable de ce crime?

M. Patrice : Vous voulez savoir si chaque Chambre dispose d'un pouvoir d'expulsion?

Le sénateur Joyal : Par suite d'une condamnation pour un crime grave, comme une agression sexuelle ou une infraction semblable.

M. Patrice : On pourrait dire que les Chambres ont ce privilège de par leur pouvoir disciplinaire.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, un sénateur ou un député pourrait être expulsé grâce à l'exercice du pouvoir disciplinaire dont chaque Chambre dispose de par le privilège parlementaire, et, dans ce cas précis, le parlementaire conserverait le droit de recevoir sa pension.

M. Patrice : Non. S'il est expulsé de la Chambre des communes et disqualifié du Sénat, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires prévoit également un remboursement des cotisations, comme l'a expliqué le parrain du projet de loi et le parlementaire perdrait son droit de pension.

Le sénateur Joyal : Si la personne est déclarée coupable d'une des infractions énumérées dans le projet de loi, je présume qu'elle perdra également sa pension?

M. Patrice : Oui.

Le sénateur Joyal : Et elle sera remboursée?

M. Patrice : On lui remboursera les cotisations qu'elle a versées au régime de retraite, oui.

Le sénateur Joyal : En d'autres mots, il n'y a pas, à première vue, de régime distinct pour un parlementaire déclaré coupable d'un crime grave qui fait l'objet d'une expulsion?

M. Patrice : Il me semble que le parrain du projet de loi a fait une distinction en précisant que le parlementaire perdrait aussi son droit de pension s'il a démissionné ou pris sa retraite avant d'être déclaré coupable.

En ce qui concerne le pouvoir disciplinaire dont nous parlons, en vertu de la loi actuelle, si un parlementaire démissionne avant qu'une des Chambres ait décidé de le disqualifier ou de l'expulser, il conservera son droit de pension.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, il y aurait deux régimes dans une situation donnée?

M. Patrice : Si on compare, par exemple, un meurtre avec les infractions figurant sur la liste.

Le sénateur Joyal : Utilisons l'exemple de l'agression sexuelle, qui pourrait être plus courant que le meurtre.

M. Patrice : Si on compare une infraction énumérée à un crime visé par le Code criminel qui ne figure pas sur la liste, vous avez raison de dire qu'il y aura deux effets.

Le sénateur Joyal : Il y a deux régimes, donc, assortis de conséquences différentes.

M. Patrice : En effet, on peut dire cela.

Le sénateur Joyal : C'est à nous qu'il revient de déterminer si c'est juste ou non?

M. Patrice : C'est une question de politique, oui.

Le président : J'ai une question au sujet de l'absolution. Certains considéreraient qu'une personne déclarée coupable, mais non condamnée bénéficie d'une absolution inconditionnelle. Comme aucun représentant du ministère de la Justice n'est présent, j'aimerais avoir votre opinion sur une personne qui reçoit l'absolution inconditionnelle pour une de ces infractions. Cette personne serait-elle visée par l'article 518 ou non?

M. Patrice : C'est une excellente question. En ce qui concerne l'absolution inconditionnelle, je pense que l'article 730 du Code criminel stipule que quiconque reçoit une absolution n'est pas condamné.

Le président : Elle ne serait pas visée par l'article 518?

M. Patrice : Elle ne le serait pas parce que tout repose sur la condamnation.

Le président : C'est certainement préoccupant. Dans mes anciennes fonctions, quand des agents de police avaient des problèmes, les tribunaux prenaient des décisions de manière à leur permettre de conserver leur emploi. Comme quelqu'un l'a fait remarquer plus tôt, ils tenaient compte du type de pénalité secondaire que la personne concernée subirait par suite de leur décision. C'est donc toujours une préoccupation.

La sénatrice Frum : Pour résumer le tout en langage simple, le débat que nous tenons pour déterminer s'il est juste ou non de priver un parlementaire de sa pension parce qu'il a été déclaré coupable d'un acte criminel a déjà été réglé par la loi parlementaire. Nous retirons à certaines personnes leur droit de pension. Si elles sont en poste, nous le faisons sur- le-champ. Mais ce projet de loi concerne les cas où l'intéressé est assez futé pour démissionner avant dans le but de conserver sa pension. Cela ne résume-t-il pas la situation?

M. Patrice : On pourrait la résumer ainsi.

Le président : Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à la séance d'aujourd'hui, et je remercie la sénatrice Seidman d'avoir remplacé le sénateur Housakos.

(La séance est levée.)


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