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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 5 - Témoignages du 7 avril 2014


OTTAWA, le lundi 7 avril 2014

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 h 32, pour étudier les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles; et la situation des relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense, notamment ses relations avec les États-Unis, l'OTAN et NORAD (sujet : défense antimissiles balistiques).

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais faire les présentations. Je suis Dan Lang, sénateur du Yukon. Josée Thérien est la greffière du comité et nos analystes de la Bibliothèque du Parlement sont Holly Porteous et Wolfgang Koerner. J'invite maintenant les autres sénateurs à se présenter en indiquant la région qu'ils représentent, en commençant par le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta.

Le sénateur Campbell : Larry Campbell, Colombie-Britannique.

Le sénateur Day : Joseph Day, Saint John-Kennebecasis, Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, Ontario.

Le sénateur Wells : David Wells, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Je vous remercie. Nous avons deux groupes de témoins cet après-midi. Le premier nous aidera dans notre étude de l'Agence des services frontaliers du Canada et le deuxième, dans notre étude de la défense antimissiles balistiques.

Chers collègues, le Sénat a adopté le 12 décembre 2013 l'ordre de renvoi ci-dessous :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, dans le but d'en faire rapport, les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles, et

Que le comité soumette au Sénat son rapport final au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 90 jours suivant le dépôt du rapport final.

Tandis que nous continuons à examiner le rôle joué par l'ASFC pour établir l'admissibilité ainsi que son rôle dans le renvoi de personnes inadmissibles, il est tout à fait opportun d'entendre des intervenants de première ligne qui traitent avec des milliers de non-Canadiens entrant en rapport avec l'agence. La semaine dernière, nous avons eu le plaisir d'entendre le témoignage de praticiens et de défenseurs de politiques en matière d'immigration. Cette semaine, nous sommes très heureux d'accueillir Mme Janet Dench, directrice exécutive du Conseil canadien pour les réfugiés, et M. Richard Goldman, responsable du volet protection des réfugiés de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.

Le travail que vous faites, madame Dench et monsieur Goldman, n'est pas souvent reconnu. Je tiens à ce que vous sachiez que le Canada est un pays rempli de compassion et que le Sénat est ravi d'entendre parler du travail important que vous faites. Bien que notre comité ne se penche pas sur des questions d'immigration, nous désirons connaître ce que vous avez à dire sur l'ASFC et ses différents rôles des points de vue de la sécurité, de la transparence et de la reddition de comptes.

Sur ce, je vous souhaite la bienvenue. Je crois comprendre que vous avez tous deux une déclaration préliminaire. Nous avons une heure pour ce groupe de témoins.

[Français]

Janet Dench, directrice exécutive, Conseil canadien pour les réfugiés : Je vous remercie de l'invitation offerte au Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) à comparaître devant le comité dans le cadre de votre étude sur les politiques et pratiques de l'Agence des services frontaliers du Canada. Le CCR regroupe plus de 170 organismes qui nous informent des expériences vécues par les réfugiés et les immigrants et c'est en leur nom que nous défendons les droits des réfugiés et d'autres migrants vulnérables, et ce, depuis maintenant 35 ans.

Le CCR reconnaît que l'Agence des services frontaliers du Canada est responsable de l'application de la Loi sur l'immigration. Certains aspects de cette loi nous préoccupent, mais nous comprenons que votre étude concerne plutôt l'application de la loi.

Nous soulignons l'ampleur des catégories d'inadmissibilité en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. De qui parle-t-on lorsqu'il s'agit des personnes inadmissibles? Cela peut être une personne coupable d'un crime grave de violence, mais cela peut également être une personne amenée au Canada par des trafiquants à des fins d'exploitation ou bien un demandeur d'asile dont la demande a été refusée, mais qui a quand même de bonnes raisons de craindre son renvoi. Il peut s'agir également d'une personne qui a passé des années sans histoire au Canada comme résidente permanente, mais qui a été jugée comme n'étant plus réfugiée au sens de la convention.

Nous commentons donc surtout les façons dont les actions de l'agence font mal aux personnes les plus vulnérables, dont les réfugiés et les enfants. Les récentes augmentations budgétaires de l'agence n'ont fait qu'élargir les actions qui nous préoccupent. Le CCR affirme qu'il est nécessaire d'adopter plusieurs mesures dans le but d'assurer que les actions de l'agence respectent les droits et la dignité de la personne. Il faudra notamment que l'agence soit soumise à un mécanisme externe et indépendant de plaintes et de surveillance.

[Traduction]

Nous vous avons soumis nos observations par écrit. Je vais brièvement mettre en lumière trois domaines de préoccupation que nous y soulevons. Le premier concerne l'interdiction de territoire pour raison de sécurité. Définie à l'article 34 de la loi, l'interdiction de territoire pour raison de sécurité est un bon exemple de la façon dont la loi ratisse très large. La définition englobe les personnes qui sont ou ont été membres d'une organisation réputée avoir commis des actes terroristes, même si elles n'y ont pas participé, n'en étaient pas informées ou n'appartenaient pas à l'organisation à l'époque où les actes ont été commis.

Parmi les personnes qui remplissent les critères de cette disposition figurent des Érythréens ayant participé au mouvement de libération de l'Érythrée de manière absolument pacifique et souvent dans un rôle très mineur. Oscar Vigil est un autre cas : c'est un Salvadorien menacé d'expulsion du Canada après avoir vécu 13 ans ici et malgré le fait que sa femme et ses enfants sont citoyens canadiens. Il a été interdit de territoire au Canada à cause de sa participation au FMLN, le mouvement qui a récemment été reporté au pouvoir au Salvador.

Selon la loi, les personnes qui ne présentent aucune menace pour la sécurité peuvent être exemptées de l'interdiction de territoire par une « dispense ministérielle », laquelle est accordée par le ministre de la Sécurité publique. Le projet de loi C-43 adopté l'an dernier, la Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers, a récemment resserré les règles régissant la dispense ministérielle. Le projet de loi C-43 refuse aussi aux personnes interdites de territoire pour motif de sécurité la possibilité d'invoquer des motifs humanitaires.

Nous craignons que la dispense ministérielle soit appliquée au mieux de façon incohérente, en principe et en pratique. Les lignes directrices ne disent pas que la dispense ministérielle doit être accordée lorsque son refus constituerait une violation des droits garantis par la Charte, en accord avec un arrêt de la Cour suprême. Dans la pratique, il faut attendre des années avant qu'une décision soit rendue. Dans leurs recommandations au ministre, les agents de l'ASFC se contentent souvent de répéter les faits ayant conduit à l'interdiction de territoire. En bref, la disposition d'exemption s'est révélée un recours futile et illusoire.

Le deuxième point est le renvoi vers des endroits dangereux. Le CCR est préoccupé par le renvoi de réfugiés vers des pays où la violence est généralisée. Le règlement prévoit que le ministre de la Sécurité publique peut déclarer la suspension temporaire des renvois vers des pays dans une situation de risque généralisé, mais aucune suspension de cette nature n'a été décrétée au cours des 10 dernières années.

Le CCR a réclamé en vain une suspension des renvois vers la Somalie et l'Érythrée, deux pays dans une situation de risque généralisé. Finalement, en 2011, l'ASFC a décrété un report administratif des renvois pour certaines régions de la Somalie, mais il ne s'agit que d'une mesure interne qui n'est pas annoncée publiquement.

Même lorsqu'il y a suspension temporaire des renvois, celle-ci ne s'applique pas aux personnes qui ont commis un acte criminel même mineur. Le CCR est préoccupé par les risques que courent des personnes vulnérables si elles sont renvoyées vers des pays dangereux. Parmi celles-ci figurent des adolescents ayant grandi au Canada. Ils peuvent n'avoir aucune famille ni aucun lien dans le pays d'origine, ni même parler la langue. Ainsi, ces jeunes sont particulièrement vulnérables en Somalie puisqu'ils ne disposent d'aucune connaissance ni des réseaux nécessaires pour se protéger. Les personnes souffrant de troubles mentaux sont aussi très vulnérables parce qu'elles ont besoin de soins de santé convenables et qu'elles sont plus susceptibles d'être la cible de violence.

Ces préoccupations se sont intensifiées depuis l'adoption du projet de loi C-43. Ce dernier refuse aux résidents permanents le droit d'en appeler de la décision s'ils sont condamnés à une peine d'emprisonnement d'au moins six mois, plutôt que de deux ans comme avant. Cela signifie que plus de résidents permanents seront renvoyés sans qu'un décideur indépendant n'examine tous les faits pertinents du dossier.

Le troisième point concerne les techniques d'enquête qui mettent des réfugiés en danger. Aux termes de la loi, l'ASFC jouit de pouvoirs étendus pour interroger les demandeurs d'asile. Des membres du CCR ont vu des demandeurs être convoqués à maintes reprises à des entretiens, lesquels sont souvent menés sans la présence d'un avocat. Les personnes détenues ont tendance à être particulièrement ciblées. C'est un domaine dans lequel des ressources accrues peuvent entraîner des interventions excessives et inutiles.

Nous reconnaissons qu'il incombe à l'ASFC de mener des enquêtes pour détecter des cas d'interdiction de territoire potentiels. Cependant, les enquêtes doivent être menées dans le respect de la dignité de la personne et en prenant en compte la situation particulière des réfugiés.

Une préoccupation particulière est liée aux enquêtes dans lesquelles des agents communiquent avec le pays où il y a des craintes de persécution. C'est tout à fait inapproprié dans le cas d'un demandeur d'asile. Néanmoins, nous avons souvent entendu parler de cas dans lesquels la protection des renseignements personnels des demandeurs est violée. Certains agents de l'ASFC composent les numéros qu'ils trouvent sur les téléphones cellulaires de demandeurs d'asile, sans se soucier de la sécurité de la personne ou de sa famille dans son pays d'origine.

En réaction à une plainte, la commissaire à la protection de la vie privée du Canada a récemment confirmé qu'à la demande de l'ASFC, des représentants du gouvernement canadien ont divulgué les renseignements personnels d'un demandeur d'asile aux autorités gouvernementales de son pays d'origine. Cette situation met en lumière la nécessité d'une politique pour interdire la divulgation des renseignements personnels des demandeurs aux autorités du pays où ils craignent d'être persécutés.

Le président : Je sais que vous avez tout fait pour résumer votre mémoire et vous l'avez très bien fait, mais le mémoire lui-même renferme beaucoup plus d'information et il est un reflet fidèle du travail que vous avez accompli et de votre témoignage.

J'aimerais passer à M. Goldman.

Richard Goldman, responsable du volet protection des réfugiés, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes : Je suis ici au nom de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, TCRI. Il s'agit d'un groupe de coordination de 142 organismes communautaires qui aident les réfugiés et les immigrants à la grandeur du Québec. Le groupe a été fondé en 1979 pour défendre les droits des nouveaux arrivants et de leurs familles, peu importe leur statut d'immigration.

Au nom de la TCRI, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de vous présenter nos vues sur cet important sujet dans le cadre de votre étude. La TCRI est un fier membre du Conseil canadien des réfugiés dont vous venez d'entendre l'exposé. Nous souscrivons aux commentaires que le CCR a formulés aux fins de la présente étude du Sénat. Nous voulons nous arrêter sur trois préoccupations particulières.

La première concerne les entretiens menés par des agents de l'ASFC.

Premièrement, la TCRI partage la préoccupation exprimée par le CCR à l'égard des entretiens menés auprès de demandeurs d'asile aux points d'entrée, les entretiens au PDE. Ces préoccupations ont été soulevées et vous ont été soumises sous la forme du rapport du CCR intitulé Bienvenue au Canada : L'expérience des demandeurs d'asile lors de l'entrevue au point d'entrée. À notre avis, l'enregistrement sonore de tous les entretiens entre des agents de l'ASFC et des demandeurs d'asile aux points d'entrée serait une mesure extrêmement positive.

Je vais vous décrire une situation dans laquelle l'enregistrement sonore peut être extrêmement important. Il s'agit d'un cas dont nous avons une connaissance directe. Il concerne un demandeur d'asile qui s'est présenté à la frontière canado-américaine et y a demandé l'asile. Il a choisi de demander l'asile au Canada parce qu'il est francophone et qu'un membre de sa famille vit au Canada. Aux termes de l'Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, les demandeurs d'asile qui se trouvent aux États-Unis doivent habituellement y demander l'asile à moins qu'ils remplissent les conditions d'une de plusieurs exceptions limitées, dont l'une est la présence d'un membre de la famille au Canada.

Dans ce cas-ci, le réfugié a été renvoyé aux États-Unis pour y demander l'asile, même s'il n'y a aucun parent et qu'il ne parle pas la langue.

Selon l'ASFC, il n'avait pas mentionné la présence d'un membre de sa famille au Canada au cours de l'entretien au point d'entrée. Il a contesté cette décision lors du contrôle judiciaire et il a produit un affidavit de ce qu'il avait dit à l'entretien au point d'entrée. Cependant, sans l'enregistrement, c'était sa parole contre celle de l'agent de l'ASFC et la Cour fédérale a rejeté sa demande de contrôle judiciaire. Voilà une situation dans laquelle il peut être extrêmement important d'avoir une transcription de ce qui s'est produit au point d'entrée.

Notre deuxième préoccupation concernant l'enregistrement sonore des entretiens vise les entretiens aux bureaux intérieurs. En plus des entretiens aux points d'entrée, notre expérience nous montre que les demandeurs d'asile qui se trouvent déjà au Canada, surtout ceux détenus par l'ASFC, peuvent être soumis à des entretiens répétés sur tous les aspects de leur demande. Les notes de l'agent de l'ASFC peuvent ensuite être utilisées — et elles le sont habituellement par un autre agent de l'ASFC — aux audiences de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, qui peuvent porter sur la détention et l'interdiction de territoire, ou devant la Section de protection des réfugiés de la CISR, qui peuvent porter sur des questions relatives à l'exclusion du bénéfice de la protection accordée aux réfugiés, entraînant aussi l'interdiction de territoire.

Nous estimons qu'il est inacceptable que des agents de l'ASFC puissent utiliser des notes souvent prises par un autre agent à des audiences qui peuvent mettre en jeu la vie d'un demandeur, en l'absence d'un enregistrement de ce qui a été dit aux entretiens en question. L'enregistrement sonore est une technologie simple et peu coûteuse et nous croyons que rien ne justifie le refus de l'utiliser dans tous les entretiens de cette nature.

Nous en arrivons à notre première recommandation, soit qu'un enregistrement sonore soit fait de tous les entretiens menés par des agents de l'ASFC, que ce soit aux points d'entrée ou dans un bureau intérieur.

Notre deuxième préoccupation concerne les demandes de constat de perte. Au cours de la dernière année, nos groupes membres ont été confrontés au nouveau phénomène du nombre grandissant de demandes de cette nature. Tel qu'il est mentionné dans les observations que le CCR a soumises par écrit aux fins de la présente étude, les modifications apportées à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en 2012 signifient que si la CISR approuve une demande de constat de perte, la personne visée perd désormais tout statut au Canada, devient interdite de territoire et risque l'expulsion.

Nous avons connaissance de cas dans lesquels le seul motif d'une demande de constat de perte était que le demandeur avait présenté une demande de passeport dans son pays d'origine, et ce, malgré le fait que Citoyenneté et Immigration Canada, CIC, envoie aux demandeurs des lettres que toute personne raisonnable, à notre avis, interpréterait comme un ordre d'obtenir un passeport. Nous vous présentons la traduction française d'un extrait textuel d'une telle lettre :

Toutes les personnes souhaitant obtenir la résidence permanente au Canada doivent présenter un passeport ou un titre de voyage valide délivré par le pays de citoyenneté afin de devenir résident permanent. Veuillez faire parvenir à ce bureau une photocopie de votre passeport ou de votre titre de voyage dès que possible. Si vous êtes incapable de fournir un passeport ou un document de voyage, vous pouvez fournir d'autres documents.

J'ai récemment observé l'audition d'une demande de constat de perte à la CISR de Montréal où l'agent de l'ASFC a soutenu que le libellé ci-dessus ne devrait pas être interprété comme un ordre de produire un passeport, mais plutôt comme une suggestion que le passeport n'est qu'un des documents acceptables susceptibles d'être fournis.

L'audition a occupé l'agent de l'ASFC, le commissaire de la CISR, le demandeur et son conseiller juridique pendant presque toute la matinée. À notre sens, il s'agit d'un gaspillage effarant de ressources, un gaspillage particulièrement pervers puisque si la demande est acceptée, elle entraîne l'annulation du statut et le renvoi d'une personne que tout le monde s'accorde pour dire qu'elle a agi de bonne foi afin de correspondre à la définition d'un réfugié au sens de la Convention.

Nous craignons que la cible fixée par l'ASFC pour 2013-2014 de 875 demandes relatives à la perte de statut ou à l'annulation pousse des agents à poursuivre arbitrairement des dossiers qui n'auraient jamais dû être soumis.

Notre deuxième recommandation est que l'ASFC émette des lignes directrices aux agents leur ordonnant de ne poursuivre que les dossiers dans lesquels la personne a manifesté une intention claire et sincère de se réclamer à nouveau de la protection du pays de citoyenneté et a effectivement bénéficié de ladite protection, ce qui est en accord avec les lignes directrices du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en la matière.

Nous avons une deuxième préoccupation à l'égard de la perte de statut, c'est-à-dire le défaut de prendre en compte des motifs d'ordre humanitaire.

Nos groupes membres ont traité des dossiers comportant des facteurs d'ordre humanitaire très convaincants, par exemple la résidence à long terme au Canada, le mariage avec un citoyen canadien, la présence d'enfants canadiens et ainsi de suite qui ont fait l'objet de demandes de constat de perte. Nous avons aussi pris connaissance d'une lettre de l'ASFC disant que de tels facteurs ne peuvent être pris en compte dans la décision de présenter ou non une demande de constat de perte et qu'ils ne peuvent être pris en compte qu'après coup aux termes de l'article 25, soit la disposition de la LIPR prévoyant l'examen de motifs d'ordre humanitaire.

Nous croyons que cela pose de sérieux problèmes puisque, comme nous l'avons vu, un constat de perte rend une personne interdite de territoire. Une demande pour des motifs d'ordre humanitaire ne suspendrait pas son renvoi du Canada et la personne visée n'aurait pas non plus accès à un appel auprès de la Section d'appel de l'immigration de la CISR pour de tels motifs.

Notre troisième recommandation est que les agents de l'ASFC soient forcés d'offrir la possibilité de soumettre des observations, y compris sur des motifs d'ordre humanitaire, avant de prendre la décision de présenter ou non une demande de constat de perte.

Enfin, notre troisième préoccupation concerne l'absence d'un mécanisme de surveillance indépendant. Nous nous joignons ici au CCR et à d'autres partenaires comme la BC Civil Liberties Association en réclamant un mécanisme de surveillance indépendant pour l'ASFC. Comme la BCCLA l'a déjà souligné dans le cadre de votre étude, les agents de l'ASFC jouissent de pouvoirs encore plus étendus que les policiers. Par exemple, ils peuvent intercepter des voyageurs pour les interroger, prélever des échantillons d'haleine et de sang et fouiller et détenir puis arrêter des non-citoyens sans mandat. Pourtant, malgré les pouvoirs policiers très vastes qui leur sont accordés, aucun organe de surveillance indépendant n'est chargé d'examiner les actions de l'ASFC et de veiller au respect des droits des réfugiés, des migrants et des Canadiens qui traitent avec l'agence.

L'ASFC fait vraiment cavalier seul sous ce rapport puisque tous les grands corps policiers au Canada, de l'échelon national à l'échelon municipal, ont une quelconque forme d'organe de surveillance. Comme le CCR l'a souligné, dans le cas de l'ASFC, le risque est sans doute encore plus grand qu'avec les forces policières puisque l'agence traite avec des non-citoyens dont le statut au Canada est précaire. Les demandeurs d'asile et d'autres migrants figurent parmi les personnes les plus vulnérables dans la société canadienne.

Nous conclurons par notre quatrième recommandation, qu'un mécanisme de surveillance indépendant soit créé pour l'ASFC et qu'il soit doté des pouvoirs suivants : recevoir et traiter les plaintes du public sur la conduite de l'ASFC, y compris les plaintes déposées par des organismes tiers d'intérêt public; lancer ses propres examens et enquêtes sur la conduite de l'ASFC, même en l'absence de plainte, étant donné que parmi les personnes vulnérables avec lesquelles l'ASFC interagit, bon nombre d'entre elles n'ont aucune idée de leurs droits ou peuvent être expulsées du Canada avant même de pouvoir les exercer; et enfin, mener des enquêtes civiles indépendantes d'incidents critiques impliquant des agents de l'ASFC et des personnes sous la garde de l'agence.

Au nom de la TCRI, je vous remercie de prendre en compte ces observations et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie beaucoup de vos exposés et j'aimerais commencer par une question, si vous me le permettez.

Plusieurs recommandations ont été formulées dans les deux exposés et j'aimerais que vous classiez par priorité les deux plus importantes, non pas que les autres ne le sont pas, mais sachant comment et à quelle vitesse le gouvernement travaille, j'aimerais savoir exactement où se situent les principaux problèmes afin que nous puissions nous y attaquer en priorité.

Madame Dench, peut-être pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet, puis ce sera au tour de M. Goldman.

Mme Dench : Il est difficile de n'en retenir que deux. Je souscrirais au point soulevé par Rick concernant le mécanisme de plainte. C'est un manque très grave et si nous avions un mécanisme de plainte efficace et indépendant, il pourrait régler de nombreux autres problèmes sous-jacents.

Je choisirais aussi le problème de l'interdiction de territoire pour raison de sécurité que je viens de soulever. Ses conséquences sont énormes. Je crois qu'il a des conséquences pour des personnes que la loi n'avait jamais eu l'intention d'exclure et pourtant, à cause de la façon dont elle est mise en œuvre, des gens sont pris par l'interdiction de territoire pour raisons de sécurité.

Je recommanderais aussi ce point à votre attention.

Le président : Monsieur Goldman, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Goldman : Eh bien, c'est un peu comme demander à quelqu'un de choisir son préféré parmi ses enfants. Heureusement, je n'ai que deux enfants, donc c'est un peu plus facile pour moi. Je suis d'accord avec Mme Dench sur ces deux points. Si nous avions à choisir, ces deux-là seraient les points les plus fondamentaux, et en particulier le mécanisme de surveillance qui pourrait aboutir au règlement de certains autres problèmes que nous venons d'évoquer.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Goldman. Je ne vous demandais pas de choisir entre vos enfants, mais je tenais à avoir une idée des priorités en ce qui concerne les changements d'orientation qu'il serait possible d'apporter.

J'aimerais lancer la période de questions en donnant la parole au sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous deux pour vos exposés très percutants et explicites. C'est excellent de recevoir des recommandations de la façon dont vous les avez présentées.

Je tiens à clarifier une ironie ou une contradiction conceptuelle. Il me semble, madame Dench, que vous avez évoqué le cas d'un demandeur d'asile qui a été refusé parce qu'il avait manifesté contre un gouvernement dans un autre pays, si je ne m'abuse. Disons, par exemple, qu'une personne manifeste contre le gouvernement dans un autre pays, ce qui lui cause des ennuis alors qu'en réalité, cette personne exerçait le genre de valeurs démocratiques que nous voudrions ou que nous disons promouvoir partout dans le monde et pour lesquelles nous envoyons nos soldats mourir au combat. Est-il vrai que des gens dans ces situations se voient parfois refuser l'asile parce qu'ils semblent avoir eu mauvaise réputation dans leur propre pays à cause de ce genre d'activité?

Mme Dench : Vous avez raison de parler d'ironie et nous sommes souvent frappés par ce genre de contradictions. Un cas ayant été l'objet d'une importante affaire juridique est celui d'un Libyen opposé au régime Kadhafi. Sur la base de son opposition, il avait été déclaré interdit de territoire. Pourtant, le gouvernement du Canada collaborait avec les forces qui essayaient de déloger Kadhafi. Il semble donc contradictoire que, d'une part, on invoque cette raison pour interdire de territoire ce Libyen pour ce motif et que, d'autre part, du point de vue du gouvernement du Canada, c'est la politique appropriée.

Comme je l'ai dit, c'est dû à la définition d'« interdiction de territoire pour raison de sécurité », qui est très large. Lorsque nous discutions du projet de loi avec des représentants du gouvernement il y a plus de 10 ans, on nous disait : « Eh bien, il est préférable de jeter un filet très large de façon à attraper une personne que nous voudrions interdire de territoire; il y a toujours la dispense ministérielle pour exempter les personnes que nous ne devrions pas exclure. »

Cela vaut aussi, par exemple, pour l'article 35 de la loi, qui exclut les hauts fonctionnaires étrangers. Prenons un gouvernement très ignoble; nous ne tenons manifestement pas à dérouler le tapis rouge pour des dirigeants de ce gouvernement. Pourtant, la définition de « haut fonctionnaire » est si large qu'elle pourrait englober, par exemple, des juges très braves qui ont pris des décisions judiciaires ayant empêché le gouvernement de commettre des atrocités. Pourtant, ces mêmes juges seraient simplement pris dans le même filet de l'interdiction de territoire.

Si vous faites partie d'une organisation opposée au gouvernement et un bras de cette organisation est à l'origine d'interventions armées que le gouvernement du Canada a qualifiées de « terroristes », même si vous n'aviez rien à voir avec ces interventions, vous êtes quand même visé par l'interdiction de territoire.

C'est le cas du FMLN, par exemple, le gouvernement au pouvoir au Salvador. C'est aussi le cas de l'ANC. Clairement, selon nos lois, Nelson Mandela était interdit de territoire au Canada à moins de bénéficier d'une dispense ministérielle.

Le sénateur Mitchell : Vous dites essentiellement que Nelson Mandela n'aurait pas été considéré comme un réfugié au Canada selon ces critères. Étonnant.

Monsieur Goldman, parmi vos recommandations, dont plusieurs sont percutantes, le mécanisme d'examen m'intéresse. Il y a une distinction entre « surveillance » et « examen ». Vous insistez sur l'examen et si je ne m'abuse, madame Dench, vous avez aussi abondé en ce sens.

Il y a un argument pour la surveillance, un mécanisme axé sur la politique pour essayer de prévenir les problèmes avant qu'il soit nécessaire d'en faire l'examen. Vous êtes-vous penché sur un rôle plus étendu pour un mécanisme de surveillance et d'examen, très similaire à celui que la plupart des principaux corps policiers canadiens — sauf la GRC — ont mis en œuvre?

M. Goldman : Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question.

Le sénateur Mitchell : Je suis désolé. Une distinction est ressortie de votre témoignage. Vous avez parlé d'une commission publique qui exercerait une surveillance, et par rapport à la commission, telle que vous l'avez définie, vous avez employé le terme « surveillance », mais en réalité, il s'agit d'un examen, ce serait donc un mécanisme de plainte. Cependant, il y a aussi le rôle de surveillance, faisant en sorte que la commission publique n'a pas qu'un rôle d'examen après coup, mais aussi un rôle d'orientation, de gestion et de supervision permettant d'éviter des problèmes au lieu de les examiner simplement après coup.

M. Goldman : Je dois avouer que c'est une distinction qui ne m'était pas venue à l'esprit, celle entre la surveillance et l'examen. Bien entendu, s'il est possible de tuer le problème dans l'œuf, s'il est possible de le prévenir grâce à la surveillance, je ne sais pas trop comment le mécanisme fonctionnerait, mais l'idée semble merveilleuse. Cependant, je ne pourrai pas vous éclairer à ce sujet parce que cette distinction ne m'était pas venue à l'esprit.

Le sénateur Mitchell : Il vaudrait peut-être la peine d'y regarder de plus près parce que le mécanisme est utilisé ailleurs au sein de corps policiers.

M. Goldman : Je n'en suis pas sûr.

Le sénateur Wells : Madame Dench, merci pour votre exposé, et merci à vous également, monsieur Goldman.

Madame Dench, j'ai une question à vous poser. J'aimerais avoir une idée de l'ampleur du problème. Lorsque comme groupe de défense, le Conseil canadien pour les réfugiés choisit de s'occuper d'un dossier, quels critères guident votre choix?

Mme Dench : Nous ne nous occupons habituellement pas de dossiers individuels. Nous nous occupons de questions d'orientation générale. Lorsque vous dites « s'occuper d'un dossier », je ne suis pas tout à fait certaine de ce à quoi vous faites allusion.

Le sénateur Wells : Dans les mémoires portant l'en-tête du Conseil canadien pour les réfugiés dont j'ai pris connaissance, plusieurs cas individuels sont mentionnés.

Mme Dench : Nous utilisons souvent des exemples pour illustrer les répercussions et pour montrer ce qu'elles signifient. Je crois que nous saisissons tous plus facilement ce dont nous parlons lorsque nous voyons des exemples individuels. Nous utilisons ce moyen dans nos publications.

Nous avons fait une étude sur les Érythréens qui ont été interdits de territoire pour raison de sécurité. Nous avons donc demandé des exemples à nos membres et nous avons cherché autrement des cas pour illustrer comment les choses fonctionnent dans le processus.

Ils sont mentionnés simplement à titre d'exemple et nous ne menons pas d'enquêtes approfondies. Parfois, dans un exemple que nous donnons, il se peut que si d'autres faits étaient connus, l'éclairage soit différent. Notre intention en utilisant un exemple n'est pas de remporter l'argument, nous voulons simplement illustrer les effets des politiques.

Le sénateur Wells : Je vous remercie. Simplement pour avoir une idée de l'ampleur du problème, sur les centaines de milliers de personnes que l'ASFC évalue par an, combien sont renvoyées? Parmi celles qui sont renvoyées ou refusées, à combien estimez-vous le nombre de personnes qui ne sont pas convenablement traitées ou qui s'inscriraient dans la catégorie à l'égard de laquelle vous aimeriez voir changer la politique?

Mme Dench : Je suppose que nous parlons de domaines d'orientation très différents, donc cela dépendrait du genre de domaines. En matière de sécurité et d'admissibilité, nous parlons d'une faible minorité. Cela vaudrait aussi pour la perte de statut. En fait de nombre total de réfugiés, nous parlons d'un petit nombre.

Je suis ravie d'avoir la possibilité de souligner à quel point nous sommes reconnaissants des nombreux cas de personnes bien traitées par l'ASFC. Nous avons récemment publié un rapport de recherche sur le sort réservé aux demandeurs d'asile dans le processus de demande et parmi ceux qui ont été interviewés, nous avons entendu ceux qui tenaient à souligner à quel point ils étaient reconnaissants de l'accueil et du traitement qu'ils ont reçus de l'ASFC.

À cause de la nature même de notre organisation, nous nous concentrons sur la minorité de personnes désavantagées ou qui estiment avoir été mal traitées ou à qui l'application de la loi cause du tort.

Le sénateur Campbell : Je me demandais, d'après votre expérience, à quel point il est difficile pour quelqu'un de quitter une organisation réputée terroriste — et je citerais l'exemple du FMLN au Salvador parce que je suis un peu au courant de son activité.

Le président : Chers collègues, nous avons perdu la communication avec notre autre témoin, mais je recommanderais que nous poursuivions nos travaux et nous essaierons de rétablir la communication. Je suis désolé de vous interrompre, sénateur Campbell.

Le sénateur Campbell : Pas de faute, monsieur le président.

À quel point est-il difficile d'obtenir le statut de réfugié, pas en raison de l'appartenance au FMLN, quelle qu'en soit la raison, mais lorsqu'une personne en a été membre? Est-ce un motif d'interdiction de territoire au Canada?

Mme Dench : L'un des problèmes liés à l'application de la loi tient au fait qu'elle n'est pas toujours constante. Vous constaterez que beaucoup de gens au Canada ont appartenu au FMLN. Le statut de résident permanent leur a été accordé et cette question n'a jamais été soulevée pour eux. C'est frustrant pour les gens de voir que la loi n'est pas appliquée de manière impartiale.

Bien sûr, je ne veux pas dire que tous ceux qui ont été membres du FMLN devraient être exclus, mais les personnes qui en font partie sont conscientes de cette incohérence et pourtant, elles sont inquiètes. Elles ne tiennent pas forcément à lever la main et à dire : « Je suis membre » parce qu'alors, elles penseraient : « Qu'est-ce qui va m'arriver? Serai-je le prochain sur la liste à se faire expulser? »

Le sénateur Campbell : Cette raison serait-elle suffisante pour être expulsé? Disons que je suis originaire du Salvador; le groupe a dit qu'il voulait ma mort, peu importe la raison. Je n'ai rien fait, mais j'arrive au Canada, je demande le statut de réfugié parce que ma vie est en danger et j'admets avoir fait partie du FMLN. Ce fait aurait-il une incidence sur la décision de la commission de me laisser entrer au Canada? Voyant que le groupe est maintenant au pouvoir au Salvador et qu'il l'est depuis les deux dernières élections, mais qu'à l'élection précédente, c'était le bon côté qui gouvernait. C'est un pays démocratique.

Mme Dench : Permettez-moi de clarifier le processus. La question peut être soulevée à deux étapes. Lorsque vous demandez l'asile au Canada, l'ASFC mène l'enquête. Nous en avons parlé dans nos préoccupations. L'ASFC peut demander de suspendre l'audience sur l'octroi du statut de réfugié tandis que la question d'admissibilité est soulevée. Si l'agence constate que sur votre demande, vous avez dit que vous faisiez partie du FMLN, elle pourrait interrompre le processus d'asile.

C'est plutôt rare, beaucoup de gens se présentent à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui prend la décision. Les commissaires n'appliquent pas ce motif de sécurité et d'admissibilité, donc la question ne se pose pas. Ce qui arrive dans bien des cas, c'est que la personne obtient le statut de réfugié, puis demande la résidence permanente. À ce stade, la demande peut être suspendue et l'ASFC soulève la question : « Eh bien, nous croyons que vous êtes membre de cette organisation et pour cette raison, nous ne vous accordons pas la résidence permanente ».

C'est fait au cas par cas. Aucune règle générale ne dit que tous les membres du FMLN seront exclus, ce qui explique en partie pourquoi des Salvadoriens ayant reconnu être membres du FMLN deviennent résidents permanents.

L'autre problème tient au fait que l'appartenance à un groupe elle-même n'est pas définie et manque de clarté. Des gens disent : « Non, je n'en faisais pas partie », mais l'ASFC peut dire : « Eh bien, vous n'aviez peut-être pas votre carte de membre, mais vous fréquentiez des membres ». Dans notre mémoire, nous donnons l'exemple d'une femme qui a été considérée comme membre des Tigres de libération de l'Eelam tamoul même si elle n'en faisait pas partie; c'était simplement à cause des fréquentations qu'elle avait par son mari.

C'est l'autre domaine dans lequel l'application est très large.

Le sénateur White : Merci beaucoup. Je suis désolé que nous ayons perdu l'autre témoin.

Ma question porte sur la surveillance. Je sais que vous connaissez le processus de la Commission des plaintes du public contre la GRC et le rôle que la CPP joue à l'égard de la GRC et des 800 collectivités qu'elle sert.

Ne pensez-vous pas qu'elle pourrait remplacer un autre organisme de surveillance? Je ne suis pas chaud à l'idée de créer d'autres agences et organes de surveillance si nous en avons un qui a été modifié, rajusté et certainement adapté au cours de la dernière décennie et qui, je crois, exerce un meilleur contrôle sur le rôle de la GRC. Ne pensez-vous pas que la commission pourrait aussi exercer le rôle d'organe de surveillance pour l'ASFC?

Mme Dench : Nous n'avons pas proposé une solution donnée au problème. Nous étions très heureux lorsque le juge O'Connor, dans le rapport de la commission Arar, a recommandé un organe de surveillance de nature intégrée et nous faisions un suivi auprès de Sécurité publique et de l'ASFC pour dire à quel point nous espérions pouvoir régler une partie de nos problèmes dans ce cadre et on nous a dit que l'organe proposé n'allait s'occuper que des questions de sécurité, et manifestement, des complexités particulières se posent lorsqu'on examine les dossiers dont l'ASFC s'occupe, qui sont particulièrement liés à la sécurité.

Bon nombre des plaintes que nous recevons ou des choses qui nous préoccupent ne sont pas liées à la sécurité. Il peut s'agir de la façon dont des agents de l'ASFC traitent un individu à l'aéroport, ou ainsi de suite. Nous tenons à nous occuper aussi de ces problèmes.

Il est important pour nous d'avoir des enquêtes proactives, parce que comme M. Goldman l'a souligné, le degré de vulnérabilité est grand. Dans bien des cas, les demandeurs d'asile peuvent n'avoir jamais la possibilité de présenter une plainte s'ils sont renvoyés du Canada, mais bien souvent, ils sont aussi inquiets de déposer une plainte parce que leur statut n'est pas assuré.

Une organisation comme la nôtre aimerions pouvoir soulever une question, par exemple, pour dire : « Nous sommes préoccupés par cette situation » Si le mécanisme de plainte ou de surveillance pouvait dire : « Nous allons dépêcher des gens pour enquêter. Nous allons examiner les dossiers » et ainsi de suite, l'exercice serait évidemment facilité par la recommandation de la TCRI de faire un enregistrement sonore des entretiens, une recommandation à laquelle nous souscrivons. Il serait alors possible d'écouter ces entretiens enregistrés et déterminer la nécessité que les agents de l'ASFC apportent certains rajustements.

Nous n'avons pas forcément une recommandation précise sur l'endroit où cet organe siégerait, mais nous espérons qu'un mécanisme se penche sur les problèmes particuliers que nous traitons en matière d'immigration.

Le sénateur White : Je comprends, et je n'essaie pas de vous mettre sur la sellette, mais je vais le faire.

Nous avons vu comment l'ASFC a changé davantage au cours des 7 dernières années qu'elle ne l'avait fait au cours des 25 années précédentes pour en venir à ressembler de plus en plus à un corps policier. Nous avons entendu des gens à l'ASFC, en particulier du syndicat, nous dire que, de fait, ils veulent les mêmes pouvoirs afin d'intervenir comme les policiers le font. C'était en réalité ce dont ils se plaignaient, de ne pas pouvoir se lancer à la poursuite de fuyards, par exemple.

Je pense à une organisation nationale. Nous avons déjà un service national de police. Je suggérerais même que nous devrions les combiner, pour être franc. Cela rendrait même les choses plus faciles.

Cependant, vous n'auriez pas d'objection à ce que l'organe qui veille sur un tel organisme assume le même rôle pour l'ASFC à ce stade-ci? La Commission des plaintes du public contre la GRC comporte-t-elle certains éléments qui seraient pour vous une source de préoccupation si elle devait assumer un tel rôle?

Mme Dench : Je sais que ce mécanisme comporte des limitations, mais de façon plus générale, je dirais que nous comprenons que l'ASFC exerce de nombreux pouvoirs similaires à ceux des policiers, en particulier en matière d'arrestation et de détention, et il y a le port d'arme et ce genre de choses. Ces points doivent tous être surveillés un peu comme on le fait pour la police. Par ailleurs, il est important de reconnaître que l'ASFC exerce aussi de nombreuses fonctions très différentes des fonctions policières.

Nous n'avons pas envie que l'ASFC se métamorphose en une force policière ni qu'elle soit considérée entièrement comme telle. L'une de nos préoccupations lorsqu'est survenu l'armement des agents de l'ASFC était l'incidence que cela aurait sur les agents de l'ASFC et la façon dont ils voient leur rôle, mais aussi sur les demandeurs d'asile, parce que les agents de l'ASFC ont entre autres pour rôle de les interroger. Voilà quelqu'un qui a fui la persécution, peut-être un survivant de la torture, qui vient ici en espérant que le Canada lui offre sa protection et sa sécurité. Être interrogé par quelqu'un qui se prend pour un policier, qui porte une arme à feu, qui porte l'uniforme et ainsi de suite peut être très bouleversant et intimidant.

Le sénateur White : Mais si je peux me permettre, c'est exactement ce qu'ils voient. Ils voient un type en uniforme, qui porte un gilet pare-balles, muni d'une bonbonne de gaz poivré, d'une matraque et d'une arme de poing sur la hanche. C'est la réalité. Si c'est la réalité, pourquoi ne la traiterions-nous pas comme telle?

À mon sens, l'agence est un corps policier. Je vois ce que ces agents font aujourd'hui par rapport à il y a 20 ans. Ils ne perçoivent plus de recettes à la frontière.

Le président : Pouvons-nous en venir à la question, sénateur, ou êtes-vous satisfait?

Le sénateur White : Je suis satisfait.

Le président : Monsieur Goldman, nous entendez-vous?

M. Goldman : J'ai été coupé, mais je suis de retour.

Le président : Nous sommes ravis de vous ravoir. C'est étonnant de voir à quel point nous sommes si habitués à la technologie et que nous sommes si surpris lorsqu'elle ne fonctionne pas.

Le sénateur Day : Je n'ai pas été surpris du tout lorsque vous avez disparu un moment alors que nous parlions des pouvoirs de l'ASFC. Heureux de vous retrouver. Nous ne sommes pas paranoïaques.

Le sénateur Mitchell : Nous sommes loin d'être paranoïaques.

Le sénateur Day : Madame Dench, j'aimerais que vous m'expliquiez le processus. J'espère que dans le peu de temps que nous avons pour échanger, nous en saurons un peu plus sur le jeune qui est venu au Canada, qui a grandi au Canada et qui est maintenant renvoyé en Somalie.

Supposons que les parents du jeune, ou le père ou la mère, ont demandé le statut d'immigrant reçu et cheminaient dans ce processus. Si je comprends bien, c'est un processus parallèle au processus d'examen de la menace à la sécurité de l'interdiction de territoire qui peut se dérouler en même temps.

Pouvez-vous expliquer ces processus et comment un jeune ayant grandi au Canada peut-il en arriver à être renvoyé en Somalie?

Mme Dench : Oui. La famille immigre au Canada, peut-être comme réfugié ou dans la catégorie du regroupement familial — cela importe peu en réalité — et obtient la résidence permanente. À sa majorité, le jeune n'est pas encore devenu citoyen, ou les parents sont peut-être devenus citoyens, mais ils ne se sont pas occupés de la citoyenneté de leur enfant. Le jeune a de mauvaises fréquentations et est déclaré coupable d'un crime relativement mineur. À ce stade, selon le crime, le jeune peut perdre son statut de résident permanent et risquer l'expulsion du Canada.

Ces expulsions sans une quelconque forme d'appel risquent d'être plus nombreuses après l'adoption du projet de loi C-43, parce que désormais, il ne faut qu'une peine de six mois d'emprisonnement pour perdre le droit d'être entendu par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui offrirait la possibilité d'en appeler de la décision pour dire : « Je suis arrivé au Canada à l'âge de deux ans. C'est le seul pays que je connais. Oui, j'ai commis ce crime, mais je me suis repris en main depuis et je suis réhabilité. Je vais fréquenter l'université et je vais repartir du bon pied. »

Le sénateur Day : Pour plus de précision, y a-t-il un quelconque lien entre le crime commis et la sécurité nationale?

Mme Dench : Non.

Le sénateur Day : Il peut s'agir de n'importe quel crime?

Mme Dench : N'importe lequel.

Le président : Nous pourrions apporter un rectificatif. N'est-ce pas six mois ou plus en ce qui concerne la condamnation?

Mme Dench : Six mois est le minimum. Avant le projet de loi C-43, si vous étiez condamné à deux ans d'emprisonnement ou plus, vous n'aviez plus accès à la Section d'appel de l'immigration. Désormais, si la peine est de six mois ou plus, vous n'avez plus accès à la Section d'appel.

Le sénateur Day : J'aimerais faire intervenir M. Goldman. Monsieur Goldman, vos recommandations étaient-elles liées d'une quelconque façon à l'expérience que nous avons eue l'an dernier avec l'adoption des modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, dans le cadre du projet de loi C-43? Pensez-vous à des cas vécus par suite de ces modifications, ou est-il trop tôt?

M. Goldman : Non. Je reprends le point de Janet sur le projet de loi C-43 et le fait que désormais, la limite à laquelle une personne se voit refuser l'accès à un appel pour des motifs humanitaires est beaucoup plus basse. Une peine de six mois d'emprisonnement leur interdit désormais l'accès. Le type de situation vécue dans la communauté somalienne est tragique. Nous voyons des enfants qui ont grandi ici, qui sont arrivés ici en bas âge et qui pourraient être menacés de renvoi vers un pays qu'ils ne connaissent pas du tout. Nous croyons qu'il faudrait donner plus de place aux considérations humanitaires, mais, malheureusement, le projet de loi C-43 et avant lui, le projet de loi C-31, ont limité de plus en plus la portée de l'examen de motifs humanitaires.

Le sénateur Dagenais : J'ai deux questions pour Mme Dench et pour M. Goldman. Certains sont d'avis que l'échange accru de renseignements entre les organismes gouvernementaux responsables de la sécurité et du renseignement renforcera l'Agence des services frontaliers du Canada. Qu'en pensez-vous et quelles mesures proposeriez-vous pour atténuer ces préoccupations?

[Français]

Mme Dench : Je ne sais pas si j'ai bien saisi. Quelles consultations?

Le sénateur Dagenais : Quelles sont les perspectives que vous voyez grâce à cette modification de la loi? Et quels changements proposez-vous en ce qui concerne votre organisme?

[Traduction]

Mme Dench : Je ne sais pas si Rick comprend mieux la question.

M. Goldman : Oui. Je ne suis pas très au courant des ententes sur l'échange de renseignements. Si je comprends bien, accéder au dossier que les États-Unis pourraient avoir sur quelqu'un est un des plus gros problèmes. Quand ils tentent d'aider quelqu'un, très souvent les intervenants en immigration, les groupes d'ici, peuvent faire une demande d'accès à l'information au Canada, déterminer ce qui se trouve dans les dossiers et aider les gens. Nous ne voulons rien cacher. Nous utilisons ce qui se trouve dans les dossiers. Je ne suis certainement pas un expert en ce qui a trait à l'accès à l'information aux États-Unis, mais je ne crois pas qu'il y ait un mécanisme par lequel nous, au Canada, pourrions avoir ce genre d'accès, même si le gouvernement l'a peut-être. Si un fonctionnaire dit qu'un tel mécanisme existe et l'explique, je m'excuse. Je ne suis pas un expert, mais à ma connaissance, c'est la difficulté dont j'ai entendu parler comme étant la réalité.

Le sénateur Dagenais : Quelle est votre opinion sur le partage des données biométriques des demandes de visa temporaire par Citoyenneté et Immigration Canada avec ses partenaires des Five Eyes?

M. Goldman : Dans le cas des demandes de résidence temporaire, des personnes qui viennent en tant que touristes ou étudiants, je dirais que le partage des données biométriques n'est pas une grande préoccupation, tout du moins pas pour notre coalition qui sert les demandeurs d'asile, les personnes qui souhaitent immigrer pour des raisons humanitaires, qui veulent demeurer ici de façon permanente. Je n'ai pas vraiment d'opinion précise sur le partage des données biométriques sur les visiteurs, les touristes, les étudiants, et tous les autres visiteurs temporaires. Peut-être que Janet aurait quelque chose à dire à ce sujet.

Mme Dench : Je voudrais simplement souligner le fardeau financier que cela impose aux visiteurs au Canada. Si j'ai bien compris, ils doivent assumer le coût de la saisie des données biométriques, et ils doivent se présenter à un centre agréé. Selon l'endroit où ils sont, ils pourraient avoir à se déplacer sur de longues distances. À notre avis, si nous voulons encourager les gens à venir visiter le Canada, ce n'est pas très accueillant de les faire payer de l'argent et de leur causer un grand dérangement, puis, peut-être leur faire sentir qu'ils sont soupçonnés, car se soumettre à la saisie de données biométriques n'est pas chose plaisante quand ils veulent simplement venir visiter le Canada. C'est l'image qu'on projette.

La sénatrice Beyak : Je vous remercie tous deux de vos excellents exposés. Pour revenir aux observations du sénateur Wells — que j'ai trouvées excellentes et je remercie Mme Dench de les avoir validées —, la plupart des gens auxquels nous appliquons le processus sont très bien traités. Monsieur Goldman, comment le processus d'entrevue audio et vidéo fonctionnerait-il, d'après vous? Serait-il appliqué au hasard? Comment les services policiers l'appliquent-ils présentement? Est-ce à toutes les entrevues, ou à certaines d'entre elles? Pourriez-vous m'expliquer cela un peu plus?

M. Goldman : Certainement. Je vous remercie de m'en donner l'occasion. Je peux expliquer davantage notre proposition, qui est très simple : toutes les fois qu'un agent de l'ASFC mène une entrevue avec un demandeur d'asile, que ce soit à un port d'entrée ou à l'intérieur du Canada — à un bureau comme celui que nous avons au 1010, rue Saint-Antoine, à Montréal, ou au centre de détention de l'Immigration à Laval — un enregistrement audio doit être fait de l'entrevue. Nous ne demandons pas un enregistrement vidéo. Cela coûterait probablement trop cher. Mais l'enregistrement audio est aussi simple qu'une transcription. Si par la suite une personne est accusée d'avoir dit quelque chose lors d'une audience et que quelqu'un qui a pris quelques notes déclare : « Vous avez dit cela à l'entrevue il y a une semaine », alors que la personne ainsi visée nie cela, cette dernière peut se fonder sur l'enregistrement ou la transcription, et déclarer : « Voyez, ce n'est pas ce que j'ai dit. »

À ma connaissance, c'est ce que font les policiers en général, même des enregistrements vidéo, lorsqu'ils interrogent un suspect. Je ne suis pas un expert en la matière. Tout ce que je sais provient essentiellement des actualités, quand je vois les cas sensationnels des gens interrogés. Ce sont les actualités canadiennes. Aux États-Unis, c'est probablement la même chose. Les personnes interrogées sont enregistrées en vidéo et leur confession éventuelle est ainsi enregistrée. Il me semble que c'est dans l'intérêt de tout le monde d'avoir cela en vidéo. Mais dans notre cas, nous proposons simplement la technologie fort peu coûteuse qu'est l'enregistrement audio. Autrement dit, chaque fois qu'on mène une entrevue qui pourrait peut-être être utilisée lors d'une audience, il suffit que quelqu'un mette en marche l'appareil d'enregistrement audio sur bande ou CD.

La sénatrice Beyak : Madame Dench, avez-vous des commentaires à ajouter?

Mme Dench : J'aimerais préciser clairement que nous ne parlons pas d'enregistrer tous les échanges entre les personnes qui descendent tout juste de l'avion et l'agent de l'ASFC. Nous parlons des entrevues avec les personnes qui sont renvoyées à l'examen secondaire et quand on entreprend toutes les choses qui mènent à une mesure de renvoi, par exemple.

Le sénateur Mitchell : L'imposition d'un visa aux ressortissants mexicains a été mise en œuvre comme moyen de réduire le nombre des demandeurs d'asile. Êtes-vous d'accord avec cette interprétation? Les risques que posent les réfugiés de ce pays valent-ils, d'après vous, les obstacles commerciaux que cela crée?

Mme Dench : Nous sommes tout à fait contre l'imposition d'un visa aux Mexicains, parce que nous savons qu'un grand nombre d'entre eux sont en danger et ont besoin de protection. Leur vie est menacée au Mexique. En tant que Canadiens, je crois que nous devrions être fiers d'avoir accueilli les Mexicains qui ont pu venir se réfugier au Canada. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié en a accepté des centaines. L'exigence de visa pour les Mexicains a vraiment fermé la porte à de nombreuses personnes qui auraient pu se réfugier ici pour sauver leur vie. On peut se demander combien de personnes ont péri par suite de cette imposition du visa au Mexique.

Le sénateur Wells : Madame Dench, vous avez parlé plus tôt des documents et des pièces d'identité. Qu'arrive-t-il lorsque le demandeur d'asile ne peut produire de pièces d'identité satisfaisantes? Je pars du principe, bien sûr, que l'entrée au Canada est un privilège et non un droit. Êtes-vous d'accord avec l'opinion voulant que le Canada pourrait ou devrait s'inquiéter des personnes sans papiers d'identité qui entrent au Canada et font une demande d'asile?

Mme Dench : Il est fréquent qu'une personne se présente à la frontière sans pièce d'identité et demande asile, car, quand on fuit, on doit souvent le faire en catimini. Ces personnes arrivent donc souvent sans papiers. Elles peuvent être mises en détention pendant que leur identité est vérifiée. Il est reconnu, à l'échelle internationale, que les États peuvent devoir le faire. Cela est conforme avec les lignes directrices de l'ONU. Dans certains cas cependant, je crois que le Canada prolonge trop la durée de détention. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés recommande que cette durée soit très courte.

Je souligne aussi qu'on met peut-être trop l'accent sur les pièces d'identité comme étant le meilleur moyen de vérifier l'identité de quelqu'un. Une personne peut avoir des papiers qui semblent valables, mais qui sont des faux, ou dans d'autres cas ces papiers sont valides, mais la personne fait l'objet de réserves de notre part sur le plan sécurité. Inversement, il y a souvent des personnes qui n'ont aucune pièce d'identité, mais qui ne représentent aucune inquiétude pour nous. Je parle des mineurs qui ont été détenus au prix d'un grand traumatisme pour eux. Quels risques un jeune de 16 ans peut-il représenter pour nous?

Il pourrait y avoir un meilleur moyen d'évaluer les risques, qui ne soit pas excessivement axé sur les pièces d'identité.

Le président : J'aimerais poursuivre sur ce sujet. Vous devrez être très brefs dans votre réponse.

Au cours de nos audiences, nous avons appris qu'il y a au moins 40 000 ou 50 000 personnes qui sont dans le pays, ou sont supposées l'être, et qui ont été déclarées interdites de territoire. Il semble qu'elles aient traversé la frontière, soient passées par un processus puis, essentiellement, ne sont pas retournées là où elles étaient supposées retourner. Par conséquent, nous supposons qu'elles sont encore ici.

Votre organisme s'inquiète-t-il du fait que vous avez des réfugiés à qui on demande de se soumettre à un processus légitime, alors que dans cette autre situation, il y a des personnes qui entrent au Canada dans certaines circonstances, puis restent au pays sans avoir fait l'objet des contrôles de sécurité ou des autres contrôles préalables?

Mme Dench : Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, la catégorie des personnes « inadmissibles », ou interdites de territoire, est une catégorie très large et la plupart des personnes qui sont interdites de territoire ne représentent aucune menace à la sécurité du Canada; elles sont interdites de territoire pour des raisons techniques alors que la définition d'interdiction de territoire pour des raisons de sécurité ne s'applique absolument pas à elles.

D'un point de vue général, à mon avis, au fur et à mesure que les lois au Canada deviennent de plus en plus strictes, nous nous dirigerons probablement encore plus vers une situation semblable à la situation aux États-Unis, où un grand nombre de personnes sont sans papiers. Auparavant, au Canada, la plupart des gens étaient dans le système juridique parce que celui-ci offrait des avantages. Maintenant que les lois ont changé au point de pousser tant de personnes hors du système, nous verrons de plus en plus de personnes ne pas faire partie du système. Si la sécurité est ce qui vous intéresse, c'est cela qui devrait vous inquiéter.

Le président : Je vois que le temps s'est écoulé. J'aimerais remercier Mme Dench et M. Goldman pour leur présence. Nous apprécions les exposés que vous avez présentés. Ils contiennent beaucoup de renseignements dont nous tiendrons certainement compte. Merci d'être venus aujourd'hui.

Je propose que, s'il y a d'autres questions en cours, nous demandions cinq minutes de plus, si vous le permettez, major-général.

Bienvenue à la deuxième séance de témoignage devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous poursuivons notre examen de la défense antimissiles balistiques et des questions concernant NORAD et NORTHCOM, s'il y a lieu.

Le 12 décembre 2013, le Sénat a adopté l'ordre de renvoi suivant :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, dans le but d'en faire rapport, la situation des relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense, notamment ses relations avec les États-Unis, l'OTAN et NORAD; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

Pour cette étude, le comité a visité le quartier général du NORAD à Colorado Springs il y a quelques semaines, dans le cadre d'une mission d'enquête. Nous avons eu deux jours de séances d'information intenses. Au nom des membres du comité, et de ceux qui ont participé, je peux dire que nous sommes sortis de cela avec une meilleure compréhension et appréciation des menaces croissantes qui s'exercent sur l'Amérique du Nord, ainsi qu'avec une plus grande fierté et une confiance accrue à l'endroit des hommes et des femmes qui font tant au NORAD pour préserver notre sécurité.

Nous avons le plaisir aujourd'hui d'accueillir le major-général J.P.J. St-Amand, commandant de la 1re Division aérienne du Canada, Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Il est diplômé du Collège militaire royal du Canada et il s'est enrôlé dans les Forces canadiennes en 1981. Que le temps passe vite. Il a servi comme pilote de chasse opérationnel au 433e Escadron d'appui tactique de la 3e Escadre Bagotville (Québec) de 1989 à 1992. Il a gravi les échelons jusqu'à son poste actuel de commandant de la 1re Division aérienne du Canada et de la Région canadienne du NORAD, à Winnipeg (Manitoba).

Il détient une maîtrise en études stratégiques et un certificat de spécialiste de la guerre interarmées de l'Air University de l'USAF.

Commandant, bienvenue parmi nous. Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui. Si je comprends bien, vous avez une déclaration préliminaire. Nous avons une heure pour votre témoignage.

Major-général J.P.J. St-Amand, commandant de la 1re Division aérienne du Canada, Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie beaucoup de votre invitation à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis heureux de pouvoir m'entretenir avec vous du rôle de la 1re Division aérienne du Canada et la Région canadienne du NORAD.

Nos forces au sein de la Région canadienne du NORAD maintiennent les plus hauts niveaux de préparation opérationnelle de tous les commandements des Forces armées canadiennes. En ce moment même, environ 430 militaires, hommes et femmes, des Forces armées canadiennes et de la US Air Force surveillent les approches aérospatiales du Canada, repèrent tous les aéronefs dans 1' espace aérien canadien et se tiennent prêts à intercepter et à maîtriser les aéronefs qui pourraient soulever des préoccupations de sécurité pour le Canada.

Nous pouvons augmenter notre posture, selon le niveau de menace. En période de paix, la majorité de notre personnel est répartie à Winnipeg, où se trouve mon quartier général; à la 22e Escadre North Bay, où se trouve le quartier général du Secteur de la défense aérienne du Canada, et à deux escadres de chasse, la première à Bagotville, au Québec, et la deuxième à Cold Lake, en Alberta.

À cause de l'étendue de notre pays, ces escadres de chasse doivent dépendre de bases d'opérations déployées et d'emplacements d'opérations avancés dispersés partout au pays, y compris dans le Nord. C'est une caractéristique unique de la Région canadienne du NORAD.

Ces emplacements auxiliaires augmentent le rayon d'action de nos chasseurs en leur procurant des endroits avancés d'où ils peuvent mener des opérations, se ravitailler et effectuer de la maintenance. Pour nous assurer que ces emplacements d'opérations avancés ont les capacités nécessaires et sont prêts à l'action, nous y menons régulièrement des exercices et des opérations. À ce moment même, nous sommes en train d'effectuer un exercice majeur appelé opération Spring Forward dans quatre de nos emplacements d'opérations avancés.

Le NORAD n'est pas qu'une simple relation de collaboration entre le Canada et les États-Unis; c'est un commandement binational à part entière, et sans doute l'une des ententes les plus étroites au monde entre deux alliés. Ce commandement prend vie grâce aux professionnels des forces militaires canadiennes et américaines, qui travaillent coude à coude dans nos quartiers généraux respectifs, 24 heures par jour, 365 jours par année, pour aider à protéger nos deux pays des menaces aérospatiales et maritimes possibles.

Comme je l'ai mentionné, des membres de la US Air Force travaillent sous mon commandement au Canada. Ce fait est peu connu. Si vous visitez notre quartier général à Winnipeg, vous verrez que mon bureau se trouve juste à côté de celui d'un général de la US Air Force, qui agit en tant que commandant adjoint des Opérations. Selon l'accord du NORAD, le brigadier-général Hyde fait partie intégrale de la planification et de l'exécution de l'emploi de la force de l'ARC, tout comme le général canadien, lieutenant-général Parent, en poste au quartier général de la Peterson Air Force Base à Colorado Springs, qui agit à titre de commandant adjoint du NORAD. D'autres officiers supérieurs canadiens servent ainsi dans les deux autres régions du NORAD.

[Français]

Dans le cadre de notre interopérabilité avec les États-Unis, nos deux pays partagent régulièrement la responsabilité de répondre à une nouvelle menace aérienne, selon les ressources à notre disposition d'un côté ou de l'autre de la frontière. La force doit donc avoir une posture qui lui permette de neutraliser diverses menaces dans les catégories suivantes : symétrique et asymétrique.

[Traduction]

Premièrement, les menaces symétriques, ou les menaces commanditées par un État, sont considérées comme les plus dangereuses. En ce qui concerne les missions d'alerte et de contrôle aérospatial, nous savons que ces menaces proviennent d'appareils à long rayon d'action ou de bombardiers appartenant à des États étrangers. Compte tenu du climat géopolitique actuel, la probabilité d'une attaque militaire est très faible, mais pas impensable, et elle aurait des conséquences graves.

En d'autres mots, d'autres États ont la capacité de nous causer du tort, mais n'ont pas l'intention actuellement de le faire. Si nous devions faire face à des intentions de plus en plus hostiles, ces intentions constitueraient alors une menace. Le temps d'alerte se compte en minutes, parfois en heures. Notre capacité de réagir à cette menace est par conséquent limitée à ce que nous disposons dans l'immédiat. C'est pourquoi nous devons maintenir de très hauts niveaux de préparation opérationnelle, même en temps de paix.

Par conséquent, NORAD surveille continuellement de nombreux appareils d'intérêt près de l'espace aérien du Canada et des États-Unis et intervient au besoin dans un scénario de menace symétrique.

Deuxièmement, dans le contexte de la Région canadienne du NORAD, les menaces asymétriques sont liées à des organisations terroristes qui utilisent des aéronefs comme des armes. L'attaque du 11 septembre est assurément l'exemple le plus tragique de ce type de menace, qui demeure une préoccupation légitime, avec des conséquences graves en matière de sécurité. Ainsi, nous devons être prêts pour des scénarios où des avions sont utilisés pour attaquer des régions peuplées ou des points stratégiques du Canada.

C'est pourquoi des opérations ordinaires telles que 1'opération Noble Eagle et d'autres exercices en cours veillent à ce que nous soyons entraînés et aptes à accomplir notre mission. Depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001, nos pays ont mis l'accent sur les aspects alerte et contrôle de l'espace aérien du Canada et des États-Unis. Depuis cette date, le NORAD est intervenu dans plus de 3 500 cas de menaces aériennes possibles et a intercepté plus de 1 400 aéronefs au Canada et aux États-Unis.

[Français]

L'héritage du NORAD des 56 dernières années repose sur le dévouement et la détermination indéfectible de nos professionnels. Vous pouvez compter sur rien de moins de la part des femmes et des hommes de nos forces dans les années à venir. Grâce à notre vigilance collective, nous veillons à ce que l'espace aérien de toutes les collectivités de notre vaste pays demeure sûr. Je suis maintenant très heureux de pouvoir répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci, commandant. Comme je l'ai mentionné au début, notre étude porte, entre autres, sur la question de la défense antimissiles balistiques, et sur la position du Canada à l'endroit de cette forme de défense en particulier.

À l'heure actuelle, nous ne participons pas, mais pourriez-vous nous donner une idée plus précise de la façon dont cette forme de défense fonctionne et exactement de ce qui est en vigueur et de ce qui ne l'est pas? J'ai une question précise pour vous : existe-t-il des ententes, des obligations ou des engagements de la part des États-Unis à l'effet qu'ils protégeront les villes canadiennes — comme le coin du monde du sénateur Mitchell, Edmonton ou Winnipeg — dans un scénario de défense antimissiles balistiques, ou n'y a-t-il rien d'officiel à ce sujet?

Mgén St-Amand : Je parlerai d'abord de la façon dont cette défense fonctionne et du rôle de la Région canadienne du NORAD au sein du NORAD. En ce qui concerne la défense antimissiles balistiques, nous n'avons aucun contact direct. Mes quartiers généraux et mes effectifs n'ont aucun rôle dans l'exécution de la mission elle-même, pas plus que nous ne participons à un dialogue ni ne fournissons des conseils quelconques. Nous sommes entièrement à l'écart de ce qui se passe à Colorado Springs en ce qui a trait à la défense antimissiles balistiques.

Ainsi donc, je ne pourrai vous dire si les États-Unis ont convenu de protéger des villes ou des zones peuplées du Canada.

Le président : Allons un peu plus loin — et c'est davantage une question technique puisque nous avons des témoins qui comparaîtront spécialement au sujet de la défense antimissiles balistiques —, j'aimerais savoir exactement quelle sorte de protection un système de défense antimissiles balistiques fournira si le Canada doit participer. Pouvez-vous nous dire combien de villes canadiennes seraient protégées par une réaction stratégique des États-Unis à l'approche de missiles balistiques intercontinentaux, et peut-être quelles seraient les priorités que suivraient les Américains dans leur réaction aux événements?

Mgén St-Amand : Malheureusement, comme mes fonctions ou mes responsabilités ne me procurent aucune visibilité de la façon dont fonctionne la défense antimissiles balistiques du NORAD, je ne peux pas répondre à cette question. Je n'ai tout simplement pas l'information.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais donner suite à cette question, parce que c'est un sujet qui nous tient véritablement à cœur.

Dans le cadre du NORAD, qui est une collaboration Canada-États-Unis — et nous avons été témoins à Colorado Springs de cette collaboration extraordinaire et du respect mutuel profond entre les Américains et nous —, si un avion largue une ogive nucléaire, NORAD intervient pour la détruire et les Canadiens participent à ce processus. Il en va de même dans le cas où une ogive nucléaire est lancée par un missile de croisière; le Canada participe directement, les Forces canadiennes participent et NORAD est obligé de l'abattre, que sa trajectoire l'amène à frapper Edmonton ou Washington.

Si l'ogive nucléaire est portée par un missile balistique, la différence étant que les deux premiers véhicules sont des aérobies et le dernier ne l'est que partiellement, nous sommes alors exclus de ce processus et, pour faire ressortir le point mentionné par le président, les États-Unis ne sont nullement obligés d'inclure le Canada et, pire encore, ni même d'abattre l'engin si celui-ci se dirige sur une cible qu'ils ne jugent pas importante pour eux.

Mgén St-Amand : Je ne peux pas commenter l'aspect obligation, sénateur. Je ne sais pas. Mais vous avez tout à fait raison en ce qui concerne notre responsabilité d'intercepter et de contrôler les véhicules aérobies; c'est exact. Cela fait partie des régions canadiennes, de mon mandat en tant que commandant de veiller à ce que nous nous acquittions de nos obligations d'alerte et de contrôle aérospatial dans la zone qui relève de moi.

Les deux missions sont très distinctes. Dans un cas, j'ai la pleine responsabilité et l'obligation de rendre compte, et nous disposons des moyens et des ressources requises. Dans l'autre cas, je n'ai aucune visibilité.

Le sénateur Mitchell : En 2004, quand la décision a été prise de ne pas participer à cet aspect de défense conjointe de l'Amérique du Nord par le NORAD, et le Canada en particulier, la notion de guerre des étoiles inquiétait tout le monde, car on croyait que des satellites dans l'espace allaient lancer des roquettes et détruiraient des missiles balistiques. Cette éventuelle militarisation de l'espace inquiétait les gens.

Ce n'est plus le cas maintenant. Ce n'est pas ce qui est envisagé à l'heure actuelle. La technologie en cause serait incroyablement coûteuse. Personne n'y pense. Ne s'agit-il pas maintenant, en fait, de tenter simplement de tirer dessus à partir du sol, comme on le ferait pour un avion ou un missile de croisière?

Mgén St-Amand : Je ne peux malheureusement pas le dire. J'aurais bien aimé pouvoir le faire. Dans mon quartier général à Winnipeg, je n'ai même pas accès à l'information qui aiderait ou appuierait l'exécution d'une défense antimissiles balistiques, pas plus que je n'ai une connaissance de la technologie qui est en train d'être développée à ce stade. Malheureusement, je ne peux pas vous répondre, sénateur.

Le sénateur Mitchell : C'est très bien; j'ai dit ce que j'avais à dire. Merci.

Le sénateur Wells : Merci, major-général. J'admets que vous avez déclaré clairement que vous n'avez aucun rôle, mais supposons qu'un missile balistique venait vers nous et qu'un agresseur l'utilisait dans sa batterie d'armes. De toute évidence, votre équipe ne garderait pas les mains dans les poches, disant : « On ne s'occupe pas des missiles balistiques. » Je ne peux pas croire qu'il n'y ait pas une sorte d'entente selon laquelle la défense de l'Amérique du Nord par NORAD ne ferait pas partie d'un effort quelconque de coopération. Pouvez-vous commenter cela? Nous avons vu USNORTHCOM et NORAD à Colorado Springs et, bien qu'ils soient deux commandements, il semble vraiment que le tout fonctionne sous les ordres d'une seule personne, et c'est ce qu'on nous a dit.

Mgén St-Amand : Et dans un certain sens, cela fonctionne bien, sénateur. De mon point de vue, installé à Winnipeg, à la tête du centre de la Région canadienne du NORAD, je vois la défense antimissiles balistiques comme étant exécutée et menée entièrement à partir de Colorado Springs. C'est une activité très stratégique. Mes quartiers généraux fonctionnent au niveau opérationnel. Si un scénario comme celui que vous mentionnez devait se produire, nous voudrions certainement faire tout notre possible, mais à l'heure actuelle, je n'ai aucun rôle à ce niveau. À ma connaissance, toutes les compétences d'exécution et tous les moyens sont situés à Colorado Springs. Nous n'avons aucun moyen au Canada. Je n'ai aucun levier de contrôle pour faire quoi que ce soit dans le cadre d'une défense antimissile.

Le sénateur Wells : Merci. Selon vous, major-général, quelle est la plus grande menace d'un point de vue d'agression militaire contre laquelle le Canada pourrait devoir se défendre?

Mgén St-Amand : Entre qui? Quelle est la plus grave menace? Voyez-vous, si on se hasarde à se fonder sur la définition d'une menace dans l'optique de la défense antimissiles balistiques, sans être un expert, je sais bien que celle-ci est de nature très stratégique. Je ne pense pas avoir les qualifications ni les connaissances permettant de donner une opinion éclairée, parce que cela dépasse de loin la notion militaire de menace. C'est très stratégique. Mes quartiers généraux sont à un niveau plus bas. À partir de ce point de vue, il m'est difficile de répondre clairement si une chose est plus une menace qu'une autre.

Je crois que le chef du renseignement de la Défense a une bonne définition et une bonne appréciation des menaces. C'est aussi ce que j'ai lu. Je suis consommateur de ces analyses et j'agis avec les ressources qui me sont attribuées, mais je n'ai aucun rôle dans cette mission.

Le sénateur Day : Bienvenue, général. Ma première question porte sur la structure du commandement, de sorte que nous ayons une idée claire. Vous avez peut-être deux ou trois rôles et, le cas échéant, pouvez-vous nous expliquer cela. En tant que commandant des opérations, relevez-vous du chef d'état-major de la Défense par l'intermédiaire du Commandement des opérations interarmées du Canada et du général Beare, ou relevez-vous toujours du chef de la force aérienne?

Mgén St-Amand : Le nombre de rôles vous paraîtra bien plus compliqué qu'il ne l'est en réalité quand on le vit au jour le jour. J'ai quatre rôles.

Le premier est celui de commandant de la 1re Division aérienne du Canada. C'est un rôle que j'assume pour mon patron, le lieutenant-général Yvan Blondin, commandant de l'Aviation royale canadienne. À ce niveau, c'est un rôle de bras opérationnel pour ainsi dire. J'ai la responsabilité de veiller à l'exécution des opérations aériennes en son nom et de veiller à ce que ses forces soient prêtes. Je suis responsable de la préparation opérationnelle des forces de l'ARC. C'est un de mes rôles.

Mon deuxième rôle est celui de CCAFI, commandant de la composante aérienne de la force interarmées des Forces canadiennes, relevant du général Beare par l'intermédiaire du COIC, et donc, du général Beare et du chef d'état-major de la Défense. Je relève de lui pour les opérations aériennes, et je suis donc son commandant de composante aérienne pour toute opération que mènera le COIC, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale.

Le troisième rôle, relevant toujours du commandant du COIC, est celui de commandant des opérations de recherche et de sauvetage dans la région centrale. En gros, c'est la région qui s'étend de la frontière est de la Colombie- Britannique à quelque part à Terre-Neuve, et jusqu'à l'Arctique. C'est une mission que j'assume au nom du commandant du COIC.

Enfin, mon quatrième rôle, celui qui motive ma présence ici, est celui de commandant de la Région canadienne du NORAD, relevant directement du général Jacoby, qui, à son tour, relève du CEMD.

C'est une chaîne de commandement très particulière en ce qui concerne les quatre rôles. Cela semble plus compliqué que ce ne l'est effectivement, mais mon effectif compte quelque 600 membres et chacun d'entre eux assume aussi, par extension, les quatre rôles. La pratique et l'entraînement nous permettent de commuter assez facilement d'un rôle à un autre, d'utiliser les mêmes ressources dans n'importe laquelle des formations, au quotidien. De fait, nous pouvons passer en quelques minutes d'une mission NORAD à une mission de recherche et de sauvetage, ou à une mission de commandement de la composante aérienne; et je cite comme exemple notre intervention d'aide lors des inondations en Alberta le printemps dernier.

Le sénateur Day : Merci de cette explication. C'est la quatrième catégorie que j'aimerais que vous approfondissiez un peu plus maintenant. Nous avons rencontré le général Jacoby quand nous étions à Colorado Springs. Veuillez lui transmettre nos sincères salutations. Nous aimerions beaucoup le revoir. Il nous a accueillis d'une façon merveilleuse quand nous étions là-bas.

Pour ce rôle, vous relevez du général Lawson par l'intermédiaire du général Jacoby. Par conséquent, il doit bien y avoir certaines discussions dont vous êtes au courant en ce qui concerne l'expression que nous avons entendu très souvent les responsables du breffage mentionner quand nous étions là-bas, l'Avenir du NORAD, ainsi que les défis que devra relever NORAD à l'avenir, ce que seront ces défis et ce que vous planifiez. Pouvez-vous nous parler de cette expression?

Mgén St-Amand : Le projet Avenir du NORAD est une activité très intéressante qui se déroule actuellement. Je suis au courant de certaines discussions. Mon effectif participe principalement à l'élaboration de plans, par exemple, et à ce que sera le NORAD à l'avenir. Il n'y a pas grande substance, à ce stade, parce que c'est un projet continu qui est encore relativement nouveau. Oui, nous nous rencontrons à titre de commandants, et il y a deux autres régions du NORAD : l'une est la zone continentale des États-Unis, et l'autre l'Alaska. Mes homologues, les commandants de ces régions, se rencontrent aussi de temps à autre, et nous sommes informés des activités ou de l'orientation que le projet Avenir du NORAD pourra adopter. À ma connaissance, les discussions en sont encore à leur tout début. Je ne suis pas certain de savoir vers quoi tout cela se dirige.

Le sénateur Day : Nous savons qu'on a élargi NORAD ajouter les zones maritimes à l'espace aérien. Le projet Avenir du NORAD envisagerait-il d'étendre le mandat aux zones terrestres de l'Amérique du Nord?

Mgén St-Amand : J'ignore si cela est effectivement un objectif précis, et je ne sais pas non plus si cela est exclu. Je ne saurais répondre à cette question.

Le sénateur Dagenais : Le projet Avenir du NORAD a été décrit comme étant une série de discussions visant à déterminer les capacités dont le NORAD aura besoin pour relever les défis qui se présenteront au cours de la période 2025 à 2030. Pouvez-vous informer le comité quant au statut actuel de ces discussions?

Mgén St-Amand : Oui, bien sûr, sénateur. D'après ce que j'ai vu de ces activités jusqu'à présent, nous en sommes au tout début. Quelques réunions ont été tenues. Je dirais sans aucun doute que nous en sommes probablement à la définition des problèmes à ce stade. Je n'ai pas encore vu beaucoup de choses en sortir pour l'instant.

Le sénateur Dagenais : Ces discussions sont-elles tenues par le biais d'un mécanisme officiel?

Mgén St-Amand : Il y a des ordres du jour. Un calendrier des réunions est établi, mais je ne sais pas exactement à quelle fréquence les réunions sont tenues. J'ignore aussi qui y participe exactement, mais c'est quelque chose qui nous intéresse, bien sûr.

Étant donné que nous œuvrons au niveau opérationnel, je ne suis pas pleinement au courant de la teneur exacte de ces discussions, car celles-ci sont d'un niveau stratégique très élevé.

Nous avons une exposition et un certain degré de faisabilité, mais à ce stade, je ne peux en dire plus.

Le sénateur Dagenais : Quels sont les prochains défis que le projet Avenir du NORAD devra relever?

Mgén St-Amand : Je vous répondrai du point de vue d'un commandant canadien au sein du NORAD. Les défis futurs sont très semblables aux défis actuels, à savoir que le Canada est un très vaste pays. Nous avons un problème d'espace et de temps, surtout en ce qui concerne les menaces qui pourraient se manifester dans le Nord. Nous dépendons fortement des partenariats, du renseignement et des communications, ainsi que de la façon dont nous exécutons le commandement et le contrôle.

En ce qui concerne la mission de surveillance et de contrôle de l'espace aérien, il faudra parler de ces éléments à l'avenir et de la façon dont nous allons les assumer. Je parle des moyens et des ressources qui s'y rapportent. Non pas que nous participions à cela, mais à l'heure actuelle, nous nous appuyons fortement sur les mesures d'atténuation qui nous permettent d'accomplir notre mission efficacement. Je pense que dans les discussions au sujet du projet Avenir du NORAD, nous devrons parler de cela.

La sénatrice Beyak : Merci, commandant. Nous avons eu le privilège d'aller à Colorado Springs. Nous avons été impressionnés par le professionnalisme, l'engagement et la précision que nous y avons vus.

Il y a 10 ans, comme l'a dit le sénateur Mitchell, la guerre des étoiles... le terme lui-même effrayait la plupart des gens; cela semblait être hors de notre portée. Cela me paraît presque naturel maintenant, à la lumière de ce que vous faites et de ce que vous nous avez dit. Ne seriez-vous pas en mesure d'accomplir plus efficacement encore votre mission de défense du Canada si notre comité s'avançait davantage vers cela dans nos recommandations? Avez-vous une opinion sur cela?

Mgén St-Amand : Pour la défense antimissile? Je sais très bien que la politique actuelle et la mission qui est ma responsabilité sont deux choses totalement distinctes. Je ne peux que vous dire que nous disposons des moyens et des ressources requises pour faire ce qu'on nous demande de faire maintenant. Je ne peux pas en dire plus à ce sujet. Désolé.

Le président : Chers collègues, j'aimerais approfondir davantage la question au sujet de tous les aspects de la défense de l'Amérique du Nord; il ne s'agit pas seulement de défense antimissiles balistiques. Il est intéressant de noter que les États-Unis procéderont, je crois, au cours des 12 prochains mois, à une attribution supplémentaire de plus d'un milliard de dollars pour la défense antimissiles balistiques aux États-Unis et ailleurs en Amérique du Nord.

Dans le cadre de vos responsabilités et avec l'infrastructure militaire dont vous disposez, pouvez-vous me dire dans quelle mesure vous êtes capable de faire face à quelque chose comme une attaque par missiles de croisière? Si je comprends bien, il y a divers missiles qui pourraient attaquer l'Amérique du Nord, un d'entre eux étant un missile de croisière par opposition à un missile balistique. Pouvez-vous commenter cela? Aussi, pouvez-vous nous parler du nombre proportionnel d'aéronefs qui se trouvent aux États-Unis par opposition à Winnipeg, dans le cadre de NORAD?

Mgén St-Amand : Les missiles de croisière sont généralement lancés par air, ou lancés à partir d'une ressource maritime. Au Canada, nos moyens de défense contre ces missiles sont principalement les avions de chasse quand la menace est faible. Au fur et à mesure que le degré de menace augmente, nous pouvons faire appel à d'autres ressources par le truchement du partenariat.

Quant au nombre d'aéronefs que nous avons par opposition à ceux qui se trouvent à l'intérieur des États-Unis, là encore, compte tenu de la mission et des plans que nous devons exécuter, nous avons suffisamment de ressources pour différents niveaux de menace. Je ne pourrais pas vous donner une proportion précise. Le nombre est massif dans le sud par rapport aux moyens modestes au Canada, mais nous avons suffisamment de ressources pour faire ce qui est attendu de nous dans la zone dont le Canada a la responsabilité.

Le sénateur White : Je n'avais pas prévu poser une question, mais ayant entendu votre dernière réponse et m'appuyant sur le fait que vous portez un insigne de pilote sur la poitrine, je crois que vous comprendrez ma question. Estimez-vous que le F-35 est le meilleur outil pour ce qui est de faire face à cet enjeu, ou existe-t-il d'autres outils qui pourraient également contribuer à l'exécution d'une telle mission? Si vous ne voulez pas répondre, je ne serai pas content, mais je comprendrai.

Mgén St-Amand : Je peux vous parler un peu de la façon dont mes quartiers généraux participent à l'analyse des options et des exigences opérationnelles. Je profite de votre question, sénateur, pour préciser que je n'ai pas participé personnellement à l'analyse des options et des exigences opérationnelles, mais des experts de mes quartiers généraux ont été envoyés à Ottawa pour participer aux travaux en cours. Quant au choix qui ressortira de tout cela, la question est incroyablement complexe et je ne peux manifestement pas commenter là-dessus. Je n'ai tout simplement pas la visibilité qui me permettrait de faire une telle déclaration.

Le sénateur White : Je ne vous demande pas de choisir un par rapport aux autres. Je suis probablement aussi néophyte que n'importe qui pour ce qui est de comprendre ce que cette ressource peut accomplir. Mais d'après ce que vous savez du F-35, ce chasseur serait-il en mesure d'accomplir certaines des missions de service que vous avez mentionnées? Dans le cas où vous parliez du brouillage des dispositifs des aéronefs, serait-il capable de faire cela?

Mgén St-Amand : En dehors du fait qu'il serait inopportun pour moi de commenter cela, compte tenu de l'analyse des options, je ne suis pas sûr. Je ne suis pas au courant de toutes les exigences opérationnelles détaillées établies, et donc, je ne peux pas répondre.

Le sénateur Mitchell : J'ai une question au sujet du Système d'alerte du Nord. Pourriez-vous m'indiquer, en général, qu'est-ce qu'il fait exactement — eh bien, vous ne pouvez peut-être pas le dire exactement — mais s'agit-il d'un réseau? Est-ce une chose semblable au réseau d'alerte avancé? Où est-il situé? Étant donné qu'il a un rôle dans la défense contre les missiles de croisière et les aéronefs dans le cadre du NORAD, il pourrait avoir un rôle dans la défense antimissiles balistiques, je suppose. Quelle est sa durée de vie? Quand pensez-vous qu'il deviendra désuet?

Mgén St-Amand : D'après ce que je sais, le Système d'alerte du Nord a été mis en œuvre au cours des années 1980. Je ne suis pas sûr exactement de quand. Il a été estimé qu'il fonctionnerait jusqu'en 2025 à peu près.

C'est un réseau composé de 11 radars à portée normale et de 36 radars à courte portée couramment appelés « réémetteurs de remplissage », situés essentiellement dans le nord du territoire canadien. Ces radars sont en réseau. Les données qu'ils produisent sont reçues au Secteur de la défense aérienne du Canada à North Bay et ce sont ces données qui servent à la surveillance des entrées dans l'espace aérien. C'est un système de surveillance du périmètre, un réseau de radars, dont l'unique responsabilité est la vigilance. Ces radars servent à surveiller les mouvements approchant l'espace aérien canadien en provenance de l'extérieur.

Le sénateur Mitchell : Là encore, vous ne pouvez peut-être pas répondre, mais étant donné que nous ne participons pas à l'aspect défense antimissiles balistiques du NORAD, ce réseau pourrait-il contribuer à ce genre de défense, ou est- il simplement hors limites?

Mgén St-Amand : Il n'est pas conçu pour cela. C'est ce que je crois comprendre pour l'instant. Je ne suis pas sûr. Je n'ai absolument aucune idée de ce que sera, en 2025, la configuration d'un système d'alerte du Nord futur.

Le sénateur Mitchell : J'espère que ma question n'est pas une question tendancieuse, mais compte tenu du fait que nous participons présentement à ce processus de par nos responsabilités en matière de défense du Canada et dans le cadre du NORAD, on pourrait imaginer que nous puissions produire une nouvelle version de ce système — nouvelle, car il sera désuet dans 10 ans — qui puisse contrer les menaces que la version actuelle est incapable de contrer. Il y aurait donc un processus de renouvellement, de mise à niveau et de remplacement de ce qui devient un système de défense désuet.

Mgén St-Amand : J'aurais aimé pouvoir vous donner une réponse claire. Je ne fais pas partie de ce projet d'acquisition ou de remplacement, qui se déroulerait ici à Ottawa. Malheureusement, je ne peux pas répondre.

Le sénateur Wells : Major-général St-Amand, vous avez dit plus tôt que vous disposez des moyens et des ressources qui vous permettent de mener à bien votre mandat. C'est assurément bon d'entendre cela. Nous savons donc que votre liste de besoins est satisfaite. Que mettriez-vous dans votre liste de souhaits, si vous pouviez penser à quelque chose puisque vous avez déjà tout ce dont vous avez besoin pour mener à bien votre mandat?

Mgén St-Amand : Je souris parce qu'à cause de la taille de notre pays, c'est un défi constant pour nous de gérer les ressources qui nous sont données et leur nombre. Je ne pense pas que nous n'en aurons jamais suffisamment. Même si nous avions un budget 100 fois plus gros que celui que nous avons maintenant, il serait extrêmement difficile d'atteindre la perfection. Nous sommes bien entraînés à gérer ce que nous avons et à produire le meilleur effet possible avec ce que nous avons. Pour ce qui est de ma liste de souhaits, je ne vois pas vraiment qu'est-ce que je pourrais proposer d'autre qui serait utile, et je ne peux que préciser que c'est un problème constant.

Le sénateur Wells : Merci de votre réponse.

Le sénateur Day : Rafraîchissez-nous la mémoire, si vous le voulez bien. Quand l'accord du NORAD devra-t-il être renouvelé et signé?

Mgén St-Amand : J'essaie de me rappeler.

Le sénateur Day : Moi aussi. Je ne me souviens pas. Il n'y a pas longtemps que nous avons accepté de renouveler l'accord du NORAD. Je suppose que l'échange que le sénateur Dagenais et moi-même avons eu avec vous au sujet du projet Avenir du NORAD se rapporte aux discussions menant à la prochaine signature de cet accord bilatéral.

Mgén St-Amand : Je ne me souviens pas du tout quand cette prochaine entente aura lieu, sénateur.

Le sénateur Day : Ce sera chose publique.

Le président : Cher collègue, on nous a dit, je crois, que nous avons maintenant un nouvel accord qui préconise un examen tous les cinq ans, mais aucun renouvellement. C'est ce qui a permis la planification du projet Avenir du NORAD. Il est impossible que cet accord soit arrêté ou prenne fin. C'est donc un accord permanent entre les deux pays.

Le sénateur Day : C'est très utile, merci.

Le président : Nous vérifierons le compte rendu plus tard pour voir si j'ai raison, mais c'est ce que j'ai cru comprendre; cela nous a été expliqué quand nous étions à Colorado Springs.

Le sénateur Day : Je ne m'en souviens pas.

Le président : C'était une séance d'information intense. Je suis sûr que nous avons tous raté quelque chose en cours de route.

Le sénateur Day : Je remarque que vous avez passé un certain temps au SHAPE en Europe. Vous savez peut-être que l'OTAN — dont le Canada est un membre fondateur et qui compte 27 pays membres — entreprend un programme de défense antimissile, programme duquel le Canada ne s'exclut pas. Sachant cela aussi, il est probablement logique pour nous d'envisager la défense antimissile. Avez-vous des commentaires à ce sujet? Je voulais qu'il soit noté au compte rendu que nous participons à la défense antimissile en Europe. Si vous avez des observations à faire compte tenu de votre expérience là-bas, cela serait utile.

Mgén St-Amand : Sénateur, je ne peux que confirmer que vous avez raison. Je crois comprendre que le Canada participe à cette mission au sein de l'OTAN. Je comprends également que c'est pour spécifiquement ce théâtre d'opérations, et que le Canada ne fait pas partie de cet arrangement.

Le sénateur Day : Je ne crois pas qu'on pourrait appeler cela une défense de théâtre. Il y a la défense antimissile de théâtre et la défense antimissile continentale, à ma connaissance.

Mgén St-Amand : Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Day : Cela ne porte pas seulement sur la défense de la zone de théâtre d'opérations. C'est beaucoup plus vaste.

Mgén St-Amand : Excusez-moi. J'ai utilisé le mot « théâtre » pour désigner simplement la zone de laquelle le Canada conviendrait pour le déroulement de cette mission.

Le président : Si vous me le permettez, chers collègues, j'aimerais que l'on donne suite à la question de la zone de défense aérienne dans l'Arctique. J'ai cru comprendre qu'en raison de la nature et de l'âge du système de radar actuel, notre portée est inférieure d'à peu près 200 milles nautiques à celle du système américain. Est-ce exact?

Mgén St-Amand : Je ne saurais dire. Je ne le sais tout simplement pas, sénateur. Vous parlez de la capacité du réseau de radars dans le Nord?

Le président : Sa portée.

Mgén St-Amand : Vous parlez peut-être d'un autre réseau de radars. Je sais que le réseau de radars que nous avons dans le Système d'alerte du Nord a une certaine portée que je ne pourrais préciser, vous comprendrez, qui nous fournit la visibilité dont nous avons besoin pour accomplir notre mission. En dehors de cela, nous n'avons pas dans le Nord, à l'heure actuelle, d'autres radars sur lesquels fonder une comparaison.

Le président : J'aimerais si vous me le permettez passer à une autre question. Il nous reste quelques minutes. C'est la question des satellites. Il a été annoncé, il y a quelque temps, que des démarches ont été entreprises pour l'installation possible d'un satellite PolarSat desservant l'Arctique, ce qui fournirait des moyens de communication et, si je comprends bien, des données météorologiques que nous n'avons pas présentement. Vous pourriez peut-être faire une ou deux remarques à ce sujet et en ce qui concerne le rôle qu'auront les forces armées au niveau d'un tel satellite. J'avoue que je suis heureux de constater que les choses semblent avancer vers la réalisation de ce projet.

Mgén St-Amand : Comme vous, messieurs les sénateurs, mon rôle se limite à lire le rapport et à observer. Toute activité d'acquisition se déroule au quartier général de la Défense nationale. Je n'ai vraiment aucun rôle à ce niveau, pas plus qu'une quelconque visibilité. Je dirais que si cela est vrai, de fait, je serais certainement intéressé de savoir quelles seront les capacités et comment cela pourrait appuyer notre mission. Mais je n'ai rien d'autre à contribuer.

Le sénateur Day : J'ai une dernière remarque, monsieur le président. Ce comité a visité la 1re Division aérienne du Canada à Winnipeg il y a quelques années. Le moment est peut-être venu de refaire une visite et de laisser savoir au général que nous serions intéressés à le faire.

Le président : C'est une chose à laquelle nous pourrons certainement donner suite. Chers collègues, je dois dire que notre visite à Colorado Springs a été certainement une mission d'enquête très utile. Malgré le fait que les séances aient été intenses, je sais que nous en sommes tous revenus avec une bien meilleure compréhension de ce qui se passe par rapport à la perception que nous avions auparavant.

J'aimerais remercier notre témoin de sa présence ici. Nous apprécions certainement ce que les femmes et les hommes sous votre commandement font pour nous. Vous pouvez vous retirer maintenant, et la séance est levée.

(La séance est levée.)


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