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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 18 - Témoignages du 18 juin 2014


OTTAWA, le mercredi 18 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 35, pour poursuivre son étude sur la teneur du projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je suis le président du comité. Je demanderais à mes collègues de se présenter, en commençant à ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de Toronto.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse, mais j'ai grandi au Cap-Breton et je suis ravie de voir ces violons traditionnels ici aujourd'hui.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de l'Ontario et vice-président du comité. J'ai hâte d'entendre la musique.

Le président : Merci, chers collègues.

Nous avons l'habitude de recevoir de vrais spécialistes, et aujourd'hui, ce sont des témoins au talent exceptionnel qui nous rendent visite. Je passe rapidement parce que nous avons plusieurs votes au programme, et nous voulons absolument pouvoir vous entendre.

Nous sommes ici aujourd'hui pour étudier le projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel. Nous recevons la marraine du projet de loi, l'honorable Elizabeth Hubley, et à titre personnel, Sherry Johnson, professeure à l'Université York. Elle fera la présentation après la déclaration préliminaire de la sénatrice. Nous accueillons également Kelli Trottier, une musicienne qui nous offrira une prestation. Elle est de Kingston, en Ontario. Nous aurons aussi en prestation Ivan Hicks, du Nouveau-Brunswick, et Calvin Vollrath, un violoneux de l'Alberta.

Sans plus tarder, sénatrice Hubley, nous sommes heureux de vous recevoir à titre de marraine du projet de loi. La parole est à vous.

L'honorable Elizabeth Hubley, marraine du projet de loi : Merci beaucoup. Je suis ravie. Je suis honorée d'être ici avec ces violoneux, et c'est vraiment un moment palpitant pour moi. Ils sont parmi les plus talentueux du Canada et nous avons de la chance de les avoir avec nous.

Il s'agit d'une séance réellement inhabituelle. Mes sincères remerciements au président, aux membres du comité et aux greffiers d'avoir fait de ce jour une réalité, et à la porte-parole, la sénatrice Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau- Brunswick, pour son enthousiasme et son soutien au projet de loi.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de vous expliquer pourquoi j'ai choisi de présenter ce projet de loi maintenant. Premièrement, l'année 2014 marque le 25e anniversaire de l'Association canadienne des grands maîtres violoneux. L'association regroupe des membres d'un peu partout au Canada et a pour mission de garder bien vivant le violon traditionnel dans notre pays. Instituer une Journée nationale du violon traditionnel viendra appuyer ce mandat.

Deuxièmement, 2014 est une année importante pour le Canada et son histoire, car il célèbre le 150e anniversaire de la Conférence de Charlottetown. Je vous demande, honorables sénateurs, s'il y aurait meilleur moment pour reconnaître une forme de musique qui unit le pays et qui a grandement contribué à mettre nos pères fondateurs dans le bon état d'esprit pour oublier leurs petits différends et former un pays.

Troisièmement, la Journée mondiale du violon traditionnel a été soulignée pour la toute première fois l'an dernier, suivant une vaste campagne menée par différents violoneux de renommée internationale, dans le but de favoriser la reconnaissance et de célébrer la beauté et l'histoire de la musique du violon traditionnel aux quatre coins du monde. Instituer une Journée nationale du violon traditionnel serait un pas de plus vers la reconnaissance de l'importance historique du violon traditionnel au Canada et des musiciens dévoués qui ont adopté cet instrument.

Depuis le dépôt du projet de loi en avril, j'ai été ravie de voir tout l'intérêt et l'appui qu'il a suscité. Beaucoup de gens m'ont toutefois demandé ce qui distinguait les différents styles de violon. Je pense que les prestations de nos invités d'aujourd'hui pourront vous donner une meilleure idée des différents styles présents chez nous.

J'aimerais maintenant vous présenter nos fantastiques invités : de St. Paul, en Alberta, nous recevons Calvin Vollrath. Calvin a maintes et maintes fois récolté des honneurs pour ses étonnantes prestations sur scène et sa capacité de soulever les foules. C'est un véritable prodige de la musique. À ce jour, il a composé plus de 500 pièces et compte à son actif une soixantaine d'albums.

De Toronto, nous avons Sherry Johnson. Mme Johnson pratique le « step dancing » et joue du violon traditionnel depuis son enfance, et elle est actuellement professeure agrégée de musique à l'Université York. Sa thèse au doctorat en ethnomusicologie portait sur la conceptualisation des « traditions » par les violoneux du milieu des concours de violon traditionnel et de step dancing. Elle a travaillé sur deux projets. Le premier explore les liens entre le step dancing de la Grande-Bretagne et de l'Irlande et celui de diverses régions du Canada. Le deuxième porte sur le rôle du violon traditionnel et du step dancing dans le Nord canadien.

De Kingston, en Ontario, nous recevons Kelli Trottier. Kelli est une championne du violon traditionnel et du step dancing, et auteure-compositeure-interprète. Elle présente des spectacles et enseigne un peu partout au Canada. Depuis neuf ans, elle fait des tournées internationales avec le sensationnel ensemble à cordes Bowfire; elle a également pris part à quatre tournées à l'intention des militaires canadiens dans le Grand Nord et au Moyen-Orient.

De Moncton, au Nouveau-Brunswick, nous accueillons Ivan Hicks. Jouant de la musique d'antan depuis plus de 68 ans, Ivan est un violoneux primé connu à la grandeur de l'Amérique du Nord pour sa contribution à la préservation et à la promotion du violon traditionnel. Son épouse Vivian est dans la salle aujourd'hui et elle a accompagné Ivan au piano pendant de nombreuses années.

Je tiens à souligner que Patti Lamoureux voulait être ici aujourd'hui, mais elle avait déjà un engagement. Elle enseigne le bel art du violon traditionnel métis au Manitoba.

Aussi, la violoneuse de renommée internationale Natalie McMaster transmet ses regrets au comité. Elle ne peut se joindre à nous aujourd'hui, car elle a récemment donné naissance à son sixième enfant. Natalie est une fervente partisane du projet de loi et a soumis la déclaration suivante :

Lors de mes tournées au Canada, il est toujours incroyable pour moi de constater à quel point l'ensemble du pays est uni par le violon traditionnel. Il appartient à tellement de traditions uniques et est au coeur de toutes les cultures. Je suis fière d'appuyer la proposition d'instaurer la Journée nationale du violon traditionnel.

Il est bien rare qu'on n'entende pas la musique du violon traditionnel lors d'un important événement canadien. La semaine dernière, on a pu l'entendre aux funérailles des agents de la GRC à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Des jours sombres aux occasions joyeuses, le violon traditionnel rend bien les émotions du moment.

Un des témoins d'aujourd'hui, Calvin Vollrath, a eu la commande de composer cinq pièces de violon pour les cérémonies d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver de Vancouver en 2010, afin de représenter les différents styles de violon qu'on peut entendre au Canada.

Les différents styles de violon traditionnel illustrent la diversité régionale de notre grand pays. Tout comme chacune de nos cultures fondatrices sont uniques en soi, nos différents styles de violon sont le reflet des gens qui étaient nos ancêtres et des gens que nous sommes devenus.

Malgré nos différences régionales, nous partageons une identité commune qui nous permet de respecter et d'honorer notre histoire, notre descendance et nos racines culturelles.

Honorables sénateurs, si ce projet de loi est adopté, j'entrevois une « Journée nationale du violon traditionnel » où les violoneux redonnent à la collectivité en divertissant les gens et mettent leurs talents à contribution pour rendre les gens heureux, les mettre de bonne humeur et célébrer la nature rassembleuse de notre pays grâce à la magie de la musique et à l'universalité de ce bel instrument.

Je vois la « Journée nationale du violon traditionnel » comme l'occasion de célébrer non seulement l'instrument, mais aussi l'art d'en jouer — les hommes et les femmes qui donnent vie à cet instrument; le divertissement; le rassemblement des familles, des amis et des communautés; et la célébration de notre culture unique et distincte, qui s'exprime de manière tellement mélodieuse avec le violon traditionnel.

Nous allons maintenant pouvoir écouter de l'excellente musique. J'espère que vous aimerez. Je cède donc la parole à Mme Johnson. Merci.

Sherry Johnson, professeure, Université York, à titre personnel : Bon après-midi, honorables sénateurs. Comme les sénatrices Hubley et Stewart Olsen l'ont dit tout à l'heure, le violon traditionnel a une longue histoire au Canada. Les premiers colons — britanniques et français — ont fait découvrir l'instrument sur le continent, où les Inuits, les Métis et les Premières Nations l'ont adopté avec enthousiasme et se le sont approprié depuis. L'immigration a permis d'intégrer de nouveaux styles, de nouvelles mélodies et de nouvelles danses, qui ont influencé l'art du violon traditionnel au Canada. Depuis, dans bien des collectivités rurales, les membres de différents groupes ethniques se réunissent pour prendre part aux mêmes danses, mariages et célébrations, puisque les répertoires s'amalgament facilement. En milieu urbain, l'intégration s'est faite plus graduellement, car la densité des groupes ethniques en ville fait en sorte que les immigrants ont plus tendance à socialiser avec leur propre communauté ethnique. Sauf quelques exceptions, les musiciens issus des différents styles régionaux et ethniques du Canada continuent à s'influencer les uns les autres. Bien que chaque région ait son propre style et son propre répertoire de mélodies et de pas — et nos invités vont vous en démontrer quelques-uns —, il existe beaucoup plus de styles locaux encore, et de nombreux exemples de collaboration musicale.

Si l'histoire du violon traditionnel au Canada est importante pour comprendre le développement des nombreux styles actuels, son importance historique ne suffit pas pour justifier la tenue d'une Journée nationale du violon traditionnel. Je crois plutôt que ce qui fait du violon traditionnel une activité musicale digne d'une reconnaissance officielle, c'est son rôle à titre de tradition contemporaine, dynamique et en constante évolution qui attire les musiciens de tous les âges et de toutes les régions du Canada.

Permettez-moi de vous parler de quelques-uns des exemples dont j'ai été témoin et qui me font dire que le violon traditionnel a une forte présence et un avenir certain au pays.

Une trentaine d'enfants — le plus jeune étant tout juste âgé de trois ans — se sont inscrits à un concours de violon traditionnel dans la catégorie des huit ans et moins. C'est un rassemblement multigénérationnel de familles et d'amis qui célèbrent sur un terrain de camping jusqu'aux petites heures du matin; on mange, on boit, on joue du violon et on danse. C'est un ensemble universitaire de violoneux qui doit limiter le nombre d'inscriptions vu sa grande popularité auprès des étudiants. C'est des professeurs de violon qui ont des listes d'attente, et d'autres qui font des centaines de kilomètres pour aller enseigner dans des régions où il n'y a pas de professeur. C'est aussi des programmes comme Strings Across the Sky, qui enseigne le violon traditionnel à des jeunes dans plus de 17 collectivités du Grand Nord.

Des jeunes jouent du violon traditionnel. Ils prennent des cours, vont à des camps de violon, participent à des concours, composent des chansons, jouent dans des groupes et improvisent des mélodies avec leurs amis. Dans certains cas, les styles plus anciens sont remplacés par de nouveaux styles influencés par les mélodies d'antan, et c'est ce qui attire les jeunes musiciens. Parfois, les traditions sont sacrées et ils tiennent à jouer comme leurs ancêtres. La présence de styles anciens et nouveaux offre aux musiciens d'aujourd'hui une tradition riche et dynamique qui leur permet de développer leur talent et d'enrichir le patrimoine.

Un des quelques points communs que partagent tous les styles de violon qu'on trouve au pays est qu'ils sont intimement liés à la danse, tant à la danse sociale qu'au step dancing. Même dans les prestations s'adressant principalement à un auditoire passif — comme les concerts ou les radiodiffusions —, les pièces sont généralement tirées d'un répertoire de danse et sont utilisées dans d'autres contextes en accompagnement à la danse. Toute une gamme de styles de step dancing ont vu le jour à l'échelle du pays, chacun demeurant relativement près de leurs limites géographiques ou culturelles. De la même façon, tandis que certaines danses en couple ou en groupe, comme la valse, la polka et la danse carrée, sont pratiquées à l'échelle du pays, des variantes régionales se distinguent par la prise des partenaires, les pas, la cadence et les airs favoris.

En terminant, j'aimerais parler de la reconnaissance internationale dont bénéficie le violon traditionnel canadien. En plus de la reconnaissance offerte par les sénatrices Hubley et Stewart Olsen aux violoneux canadiens qui sont en grande demande à l'échelle mondiale pour leurs talents d'artiste et d'enseignant, voici quelques exemples de l'estime que les violoneux canadiens inspirent au milieu académique.

Premièrement, les universitaires et les musiciens arrivent de partout dans le monde pour étudier les traditions entourant le violon au Canada. Il existe d'innombrables publications — populaires et académiques — sur les styles de violon traditionnel au Canada, les contextes, les artistes et les mélodies. Actuellement, ma bibliographie de recherche sur le violon traditionnel canadien compte plus de 400 publications.

Deuxièmement, le Research Centre for Music, Media and Place, de l'Université Memorial de Terre-Neuve, a reconnu l'intérêt national et international voué au violon traditionnel canadien et m'a demandé de monter un coffret de deux CD et un livret sur le violon traditionnel des quatre coins du Canada. Des érudits des styles régionaux de violon d'un peu partout au pays ont travaillé avec des musiciens locaux pour dénicher des pièces d'importance historique d'après des collections d'archives, des collections personnelles et des enregistrements commerciaux épuisés. Il en est résulté un assortiment de pièces riche et inédit. Le coffret Bellows & Bows est une première tentative de l'utilisation de la recherche historique, de la recherche ethnographique et de l'analyse musicale pour examiner en collaboration une vaste gamme de styles de violon traditionnel et de musiciens de partout au Canada.

Finalement, la North Atlantic Fiddle Convention est une conférence unique qui réunit des universitaires et des musiciens de partout dans le monde pour échanger des connaissances sur le violon traditionnel et les danses connexes; on y offre également des prestations et des ateliers. Le fondateur tient mordicus à ce que les hôtes locaux soient en mesure d'offrir tout le soutien voulu en fait d'auditoire et de participants. Depuis sa création en 2001, la conférence n'a eu lieu que trois fois à l'extérieur de la ville natale du fondateur, Aberdeen, en Écosse. L'an prochain, elle se tiendra à Sydney, au Cap-Breton, et ce sera la deuxième fois de sa courte histoire qu'elle sera accueillie par le Canada.

Sur cette brève introduction du violon traditionnel au Canada, je cède la parole à l'un des trois violoneux les plus aimés et connus du Canada, et je parie que vous ne pourrez pas vous empêcher de taper du pied.

Ivan Hicks, violoneux, à titre personnel : Merci, Sherry.

Bon après-midi, honorables sénateurs. Je m'appelle Ivan Hicks, et je suis de la région de Moncton, au Nouveau- Brunswick. Je suis très heureux et honoré d'être ici aujourd'hui pour vous parler du violon traditionnel dans l'Est canadien et explorer avec vous quelques styles qui lui sont propres.

Je viens d'une famille de musiciens. Mon père était violoneux, alors Ivan est devenu violoneux lui aussi. J'avais six ans quand j'ai joué à une danse pour la première fois avec mon père. C'est pour cette raison que je suis violoneux depuis 68 ans, j'imagine.

Quand j'étais jeune, le principal style de violon traditionnel dans notre région était celui de Don Messer. Je crois que bon nombre d'entre vous avez déjà entendu ce nom. Il était originaire de la petite collectivité de Tweedside au Nouveau-Brunswick, et il a vécu à l'Île-du-Prince-Édouard pendant de nombreuses années. C'est de là que vient le nom « Don Messer and the Islanders ». C'était pour la radio. Lorsque la télévision est arrivée, il s'est installé à Halifax et a joué sa musique là-bas. Il a construit sa maison là-bas et y est demeuré jusqu'à sa mort.

Le style de Don Messer est un style assez élémentaire. Il n'y a rien de trop compliqué là-dedans. Il a repris à sa manière des pièces irlandaises, écossaises et franco-canadiennes. Mais à cause de ses albums, de ses émissions à la radio et à la télévision et de ses tournées pancanadiennes, les violoneux de son époque ont appris à jouer son style de musique. C'est un style qui est toujours vivant, mais il perd quelque peu de terrain au profit d'autres styles qui ont fait leur apparition.

J'aimerais vous jouer un peu de Don Messer. Je suis sûr que plusieurs vont se rappeler de la première pièce que je vais vous interpréter.

[Prestation en direct]

Des voix : Bravo!

M. Hicks : Je crois que ce style de musique a fait danser les gens pendant de nombreuses années.

Le deuxième style que j'aimerais vous présenter — et je sais que la sénatrice Cordy va l'aimer — est le style écossais du Cap-Breton, que j'affectionne beaucoup. Vous ne le savez peut-être pas, mais c'est probablement la forme de musique écossaise la plus ancienne au Cap-Breton, à un point tel que des violoneux écossais viennent au Cap-Breton pour en apprendre davantage sur le style d'antan.

J'ai eu l'occasion de rencontrer bon nombre de violoneux du Cap-Breton et de jouer avec eux, comme Natalie, bien sûr — je la connais très bien —, Ashley et, évidemment, Buddy MacMaster et Jerry Holland et bien d'autres.

La musique celtique a connu une grande popularité au cours des dernières décennies grâce à des gens comme Natalie et Ashley. Elle est maintenant répandue dans l'ensemble du Canada et de l'Amérique du Nord, et elle est également présente dans différentes parties du monde.

J'aimerais maintenant vous jouer un peu de strathspey, puis un reel. Cela vous donnera une idée du style du Cap- Breton.

[Prestation en direct]

Des voix : Bravo!

M. Hicks : Merci beaucoup.

Kelli Trottier, musicienne, à titre personnel : Bon après-midi, honorables sénateurs. Je tiens à remercier la sénatrice Hubley pour son introduction. La sénatrice Hubley, la sénatrice Stewart Olsen et Sherry ont su décrire exactement ce que j'ai vécu pendant une bonne partie de ma vie. Vous avez saisi l'essence et l'esprit de l'art du violon traditionnel au Canada. C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui et de pouvoir jouer pour vous. J'ai aussi le privilège de voyager aux quatre coins du Canada pour faire part de mon expérience et de mes connaissances sur le violon traditionnel au Canada, par l'entremise de prestations ou par l'enseignement.

Je vais d'abord vous faire une courte démonstration du violon traditionnel québécois. Pardonnez-moi si je ne parle pas français. Je me suis pratiquée un peu, puis j'en ai conclu que nous y passerions l'après-midi si j'essayais, alors je vais l'expliquer autrement.

Le violon traditionnel québécois est une musique très rythmée, très entraînante. C'est parfait pour danser. Souvent, vous verrez les violoneux québécois jouer assis, car ils tapent aussi du pied, comme dans d'autres styles de musique, mais ils vont changer le rythme de leurs pieds pour suivre les paroles de la pièce.

Une autre chose qui est aussi très populaire chez les violoneux québécois, c'est qu'ils vont changer la cadence dans une même pièce musicale. Certains l'apprécient, d'autres pas. C'est une bonne façon de rendre les choses intéressantes.

Je vais vous interpréter une pièce qui s'appelle « Porteau Blanc ». Dans la deuxième partie de la pièce, si vous portez attention, vous allez comprendre de quoi je parle. Je ne vais pas taper du pied, cela pourrait me distraire.

[Prestation en direct]

Des voix : Bravo!

Mme Trottier : Merci. Je ne sais pas si vous l'avez bien entendu.

Je vais passer au style de la vallée de l'Outaouais. Dans mon enfance, j'ai eu l'influence de la vallée de l'Outaouais d'un côté, et du Québec de l'autre. J'ai pourtant grandi dans le comté de Glengarry, où la musique écossaise était très populaire. C'est probablement un mélange de tout cela qui me reste aujourd'hui. Parce que je pratique le step dancing dans la vallée de l'Outaouais, c'est sûrement ce style qui a le plus influencé ma musique. L'aspect le plus important de la musique dans la vallée de l'Outaouais est qu'elle soit propice à la danse, car nous jouons souvent pour des danseurs de step, de danse carrée ou d'un style quelconque de danse. Nous tentons d'intégrer beaucoup d'entrain et de fluidité dans notre musique, et beaucoup de belles mélodies. Il y a beaucoup d'entrain et de fluidité dans tous les styles de violon traditionnel, mais nous voulons ce petit « oumph » qui va pousser les gens à danser.

Je vais vous jouer une petite gigue. J'ai choisi une gigue de mesure 6/8, car ces gigues sont très populaires auprès des danseurs traditionnels de la vallée d'Ottawa. Elles ne sont pas aussi populaires ailleurs au pays. Il s'agit d'un air de Graham Townsend, un grand violoniste et compositeur ontarien. La pièce s'intitule « My Dungannon Sweetheart. » Je vais vous l'interpréter, et je demanderai ensuite à Calvin de jouer un reel afin que je puisse vous faire quelques pas de danse traditionnelle.

[Prestation en direct]

Des voix : Bravo!

Calvin Vollrath, violoneux, à titre personnel : Je suis originaire de St. Paul, en Alberta. Je suis un violoniste de troisième génération. Mon père et son père avant lui étaient aussi violonistes. Mon père et ses neuf frères et soeurs jouaient aussi du violon. Mon père m'a appris à jouer et j'ai fait la même chose avec mes trois enfants. J'espère qu'ils apprendront à leurs enfants à jouer du violon. Je fais ce que je peux pour inspirer également mes petits-enfants.

En 1988, on a embauché pour enseigner le violon au premier camp de violon au pays, à Emma Lake, en Saskatchewan. Je joue par oreille; je ne sais pas lire la musique. Mon père m'a appris à jouer dans la cuisine chez nous. J'ai dit aux responsables du camp : « Je ne crois pas pouvoir enseigner le violon, car j'ignore comment; je joue par oreille. » Mais, ils m'ont convaincu et j'ai beaucoup aimé l'expérience.

La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui, on trouve des camps de violon un peu partout au pays. Il y en a beaucoup. En 1996, un enseignant de Sherridon, au Manitoba, enseignait à 24 élèves de la première à la huitième année dans une école à classe unique. Il s'est dit que ce serait une bonne idée de leur enseigner le violon. Il ne jouait pas de l'instrument, mais savait que beaucoup de ses élèves avaient une vie familiale tourmentée. Il s'est donc rendu au camp de violon d'Emma Lake, s'arrêtant en chemin pour acheter un violon, pour participer à la classe de débutants. Une semaine plus tard, alors qu'il retournait chez lui au Manitoba, il s'est arrêté dans un magasin de musique à Prince Albert pour y acheter 24 violons afin d'enseigner le violon à ses élèves. Après quelques mois d'enseignement, il m'a invité pour une semaine afin d'aider les enfants dans leur apprentissage. Ensuite, il a invité un homme de Winnipeg à venir enseigner le violon aux enfants pendant une autre semaine.

La vie de ces enfants a changé. Ce n'était pas seulement une question de musique. Les enfants allaient jouer dans les différentes collectivités de la région. Ils ont appris à avoir confiance en eux, à avoir une vie sociale. Les autres écoles ont commencé à remarquer le changement.

Dans la division scolaire Frontier, dans le Nord du Manitoba, ce programme a attiré l'attention des autres écoles. Aujourd'hui, toutes les écoles de la région enseignent le violon. Ils sont 5 000 enfants dans le Nord du Manitoba à apprendre le violon. C'est tout à fait merveilleux. Chaque année, à la fin mai, il y a un jamboree. En raison de la taille des salles disponibles, seulement environ 500 élèves parmi les plus avancés sont choisis. Cette année, le jamboree a lieu à la Norway House. Il y avait 500 jeunes et 37 professeurs d'un peu partout au pays. Parmi ces professeurs, 12 ou 15 étaient d'anciens étudiants du programme. Ce programme a vraiment changé leur vie. C'est agréable de voir cela.

Quand j'étais jeune, lorsqu'on participait à une compétition de violon ou à une quelconque activité liée au violon, il n'y avait que des personnes plus âgées avec nous; il y avait très peu de jeunes. Aujourd'hui, nous ne risquons pas de perdre la culture du violon. Ça me rend heureux.

Beaucoup de jeunes dans le Nord du Manitoba sont Métis. Je vais donc vous interpréter un vieil air métis — probablement le plus vieil air de cette culture — intitulé « Red River Jig. » C'est ce qu'ils appellent l'hymne national métis. Kelli a parlé de s'asseoir et de taper du pied au rythme de la musique; c'est ce que font les Métis depuis des générations. Je vais donc m'asseoir sur une chaise et taper du pied sur une planche.

[Prestation en direct]

Des voix : Bravo!

M. Vollrath : Comme le soulignait Ivan, lorsqu'on était jeune, on pouvait entendre la musique de Don Messer partout au pays. Cela faisait partie de notre quotidien — Andy DeJarlis, Don Messer, Graham Townsend et Al Cherney —, mais on pouvait aussi entendre le style régional métis partout dans l'ouest du pays. Les immigrants ukrainiens se sont installés dans l'ouest du pays. Il y avait donc beaucoup de musique ukrainienne. Les mariages avaient des orchestres ukrainiens. Tous les samedis soir, à la radio, il y avait l'heure ukrainienne où l'on pouvait entendre beaucoup de musique ukrainienne. C'est encore le cas aujourd'hui. Je vais faire de mon mieux pour jouer un air de musique ukrainienne. Vous pouvez danser, si vous le voulez!

[Prestation en direct]

Des voix : Bravo!

M. Vollrath : Je crois que ce serait merveilleux si les trois violonistes se réunissaient pour un petit concert improvisé et quelque pas de danse traditionnelle. Si d'autres violonistes veulent se joindre à nous, ils sont les bienvenus! Jouons un peu du Reel de St. Anne.

[Prestation en direct]

Des voix : Bravo!

Le président : Veuillez revenir à la table. Je tiens à rappeler aux membres du comité que nous sommes encore en séance!

[Rire]

Maintenant que les présentations sont terminées, nous allons passer aux questions des membres. Certains ont déjà indiqué qu'il voulait intervenir. Je vais donc laisser la parole au vice-président.

Le sénateur Eggleton : J'allais vous demander s'il y a un style Toronto, mais je vais laisser tomber. Je n'ai jamais entendu les gens qui travaillent sur Bay Street jouer du violon. Ils s'amusent, mais...

J'ai été très impressionné. C'est la première fois que c'est la musique qui me convainc de voter pour un projet de loi, et non des mots. C'est super. Merci.

Je n'ai pas de questions.

Le président : C'est bien, car nous sommes un peu limités dans le temps.

La sénatrice Merchant : Moi non plus, je n'ai pas de questions.

Calvin, vous nous avez donné une idée de ce qu'est la musique métisse. Je suis originaire de la Saskatchewan où nous avons John Arcand, un violoniste bien connu. Je m'en voudrais de ne pas souligner son nom. Je sais qu'il a reçu de nombreux prix et qu'il était, lui aussi, un violoniste de troisième génération d'origine métisse. Il s'est vu décerner l'Ordre du Canada, notamment.

En 2013, James Steele a remporté la Grand Master Competition.

Je voulais simplement parler de la Saskatchewan. Vous nous avez donné un bon exemple de la musique métisse. Merci beaucoup.

M. Vollrath : Ce sont de bons amis à moi.

La sénatrice Eaton : J'aimerais que toutes les séances du comité soient comme celle-ci.

Je vous demanderais d'éduquer la pauvre citadine que je suis. Quelle est la différence entre un violon et ce que l'on appelle en anglais un « fiddle »?

M. Hicks : C'est essentiellement la même chose. Tout dépend de la façon dont l'instrument est joué. Le violon, c'est pour la musique classique, alors que le « fiddle », c'est pour la musique plus paroissiale ou locale.

La sénatrice Eaton : Ça dépend de la façon dont l'instrument est joué et de la musique que l'on joue?

M. Vollrath : C'est la même chose. Itzhak Perlman, probablement un des violonistes les mieux connus au monde, parle d'un « fiddle and a stick. »

La sénatrice Cordy : J'imagine que c'est la différence entre grandir au Cap-Breton et grandir à Toronto, car au Cap- Breton, on appelle toujours cela un « fiddle ». J'ignore quel âge j'avais lorsque j'ai compris qu'il s'agissait en réalité d'un violon. Au Cruise Pavilion, à Sydney, là où les paquebots de croisière accostent, il y a une galerie d'art et un restaurant. C'est un très bel endroit. Devant ces commerces, il y a un énorme violon. C'est devenu une sorte de point de repère où les gens se donnent rendez-vous. Non, ce n'est pas au Cap-Breton. C'est un point de repère. Les gens disent : « Je te rejoins devant le violon » ou « Où se trouve cet hôtel par rapport au violon? » C'est devenu un énorme point de repère. Bien entendu, le festival Celtic Colours a vraiment redonné vie à la musique écossaise et au violon au Cap- Breton.

Comme vous l'avez souligné plus tôt, les Écossais viennent au Cap-Breton pour apprendre le violon folklorique. Je me souviens, après un voyage en Écosse, d'avoir remarqué que le Cap-Breton était plus écossais que l'Écosse. Le président du Gaelic College, Rodney MacDonald, est un ancien premier ministre et violoniste. Il est clair que nous avons une histoire riche.

Si nous adoptons ce projet de loi rapidement, nous restera-t-il suffisamment de temps pour les entendre nous jouer un autre air?

Le président : Avec la coopération de mes collègues, c'est possible.

Le sénateur Enverga : Merci beaucoup pour cette excellente prestation. J'aimerais que toutes les séances soient comme celle-ci. J'ai bien l'impression que cette journée ouvrira la porte à une toute nouvelle sorte d'événement multiculturel, non seulement d'est en ouest, mais partout dans le monde. Félicitations à la marraine du projet de loi. J'aimerais vous entendre jouer du violon toute la journée.

La sénatrice Seth : Je dois dire que j'ai bien aimé votre prestation. Après une longue session, il est agréable de rire et de danser un peu. C'est merveilleux.

Comment ce style fusionne-t-il aux styles non anglo-saxons? Comment faites-vous pour jouer des styles non anglo- saxons? La musique, c'est la musique; la danse, c'est la danse; le violon, c'est du violon; mais comment faites-vous pour fusionner tout ça?

Le sénateur Eggleton : Le violon indien.

Mme Johnson : Il y a beaucoup de collaboration entre les différents groupes multiculturels, notamment dans les régions urbaines où les styles celtiques et indiens ou africains se mélangent. Ce genre de fusion se fait partout.

La sénatrice Seth : La musique, c'est la musique, peu importe le style. La danse, c'est la danse. On l'apprécie, on l'aime. Merci. J'aime danser.

La sénatrice Chaput : Je tiens à remercier la marraine du projet de loi ainsi que les témoins pour l'expérience que nous venons de vivre. Ça me rappelle de nombreux souvenirs. Je suis originaire du Manitoba où nous avons une grande collectivité métisse, notamment à Saint-Laurent. C'est le genre de musique qu'on y entend. Un des lieutenants- gouverneurs du Manitoba, qui a servi pendant de nombreuses années, était Métis. Je peux vous assurer que dans sa demeure, on y jouait beaucoup de violon. Merci encore.

La sénatrice Stewart Olsen : J'aimerais ajouter une chose. J'ignore si tout le monde le sait, et je m'adresse ici à nos téléspectateurs, à la fin de la prestation, la marraine du projet de loi s'est jointe aux violonistes. Elle aussi est une violoniste bien connue. Je crois que c'est le lancement. Nous avons bien aimé votre présentation.

Le président : Je demanderais à nos invités de rester pour la prochaine partie de la séance, soit l'étude article par article du projet de loi. Avant de procéder, j'aimerais dire que j'ai moi aussi beaucoup aimé votre prestation. Je viens d'une région rurale de la Nouvelle-Écosse. Tous mes cousins du côté de mon père participent régulièrement à des concerts de violon. Cela fait partie de notre famille depuis aussi longtemps que je me souvienne. Nous venons de vivre une expérience remarquable au Sénat. J'ai grandi à la campagne, et je me considère extrêmement chanceux d'avoir pu présider cette merveilleuse séance.

Cela dit, plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel?

Des voix : D'accord.

Le président : Je tiens à souligner aux membres qu'un amendement mineur sera proposé afin de corriger un élément du projet de loi. Cet amendement sera proposé en temps et lieu.

L'étude du titre est-elle réservée? Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Le préambule est-il réservé? Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : L'étude de l'article un, le titre abrégé, est-elle réservée? Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Le préambule est-il adopté? Madame la sénatrice Stewart Olsen, vous avez la parole.

La sénatrice Stewart Olsen : J'aurais un amendement mineur à proposer, une correction. Je propose :

Que le projet de loi S-218 soit modifié dans le préambule, à la page 1, par substitution, à la ligne 19, de ce qui suit :

« Antonio Stradivari; »

Le président : La motion est présentée dans les deux langues officielles. Madame la sénatrice, vous proposez cet amendement?

La sénatrice Stewart Olsen : Oui.

Le président : L'amendement est proposé. Y a-t-il des questions ou commentaires?

Le sénateur Eggleton : C'est pour corriger une faute d'orthographe.

Le président : C'est exact.

Y a-t-il d'autres questions ou commentaires? Êtes-vous prêts à mettre la motion aux voix?

Une voix : Mettons la motion aux voix.

Le président : Que tous ceux qui sont pour l'indiquent.

Des voix : D'accord.

Le président : Quelqu'un s'y oppose? Y a-t-il des abstentions?

Le vote est unanime. Merci beaucoup.

Le préambule, tel que modifié, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le préambule, tel que modifié, est adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Le comité désire-t-il joindre des observations au rapport?

Non? Dans ce cas, plaît-il au comité que je fasse rapport de ce projet de loi, dans sa forme modifiée, au Sénat?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues.

Je vais maintenant passer à la dernière partie de la séance officielle du comité. Je crois comprendre que certains pourront rester un peu plus longtemps et que nous allons utiliser cette pièce de façon informelle, disons, une fois la séance officielle terminée.

(La séance est levée.)


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