Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 24 - Témoignages du 3 décembre 2014
OTTAWA, le mercredi 3 décembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 13, pour étudier le projet de loi C-442, Loi concernant le cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse. Je demanderais aux sénateurs de se présenter. Commençons à ma gauche.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité. Je suis heureux d'être accompagné de tous mes amis.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
Le président : Chers collègues, un seul sujet nous occupe aujourd'hui, et c'est le projet de loi C-442, Loi concernant le cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme.
Deux séances sont prévues aujourd'hui. Au cours de la première, nous entendrons la députée qui a présenté ce projet de loi à la Chambre des communes, Elizabeth May, que nous sommes ravis d'accueillir. Je vous rappelle que cette séance prendra fin au plus tard à 17 h 15.
Madame May, je vous prie de faire votre exposé, puis mes collègues auront l'occasion de vous poser des questions.
[Français]
Elizabeth May, députée, Saanich—Gulf Islands, marraine du projet de loi : Honorables sénateurs et membres du comité, c'est un grand honneur pour moi d'être ici à titre de témoin au sujet de mon projet de loi C-442, Loi concernant la stratégie fédérale relative à la maladie de Lyme. Ce projet de loi a été conçu dans une optique et un esprit non partisans pour aider les gens partout au pays.
J'espère que, dans un esprit non partisan, nous pourrons mettre en œuvre la stratégie prévue, qui créera un cadre de collaboration entre les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux, de même qu'entre les représentants de la communauté médicale et de la recherche scientifique et les regroupements de patients, afin de surmonter les problèmes et de permettre de poser un diagnostic rapide pour traiter la maladie.
[Traduction]
Les audiences que nous avons tenues à la Chambre ont fait émerger le fort consensus scientifique autour de cette question. Les éléments de preuve que Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada nous ont présentés ont confirmé ce que je soupçonnais. Je pensais en savoir beaucoup sur la maladie de Lyme avant les audiences à la Chambre, mais j'ai été frappée par les éléments présentés par l'Agence de la santé publique du Canada.
Comme l'a indiqué dans son témoignage le directeur général par intérim du Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique, de la Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses — je suis sûr qu'il existe un acronyme — à l'Agence de la santé publique du Canada, on estime que plus de 10 000 Canadiens attraperont la maladie de Lyme chaque année à partir des années 2020. C'est le témoignage que nous avons entendu à la Chambre, et je suis certaine que vous en entendrez davantage parler ici.
C'est une maladie infectieuse qui se répand rapidement. Comme l'a déclaré l'Association médicale canadienne en appui au projet de loi C-442, pour les médecins, la maladie de Lyme présente un réel défi. Le Dr Francescutti, président de l'Association médicale canadienne, a déclaré ceci dans une lettre en appui au projet de loi C-442 :
La maladie de Lyme peut être difficile à diagnostiquer étant donné que les signes et symptômes peuvent être non spécifiques et communs à d'autres maladies. Si la maladie n'est pas reconnue à un stade précoce, le patient risque de souffrir d'une maladie plus gravement débilitante et souvent plus difficile à traiter. Vu l'incidence croissante de la maladie de Lyme au Canada, l'éducation constante des professionnels de la santé et de la santé publique ainsi que l'établissement d'une norme nationale pour les soins peuvent améliorer le dépistage, le traitement et la gestion de la maladie.
Le Dr Francescutti recommande des aspects précis du projet de loi C-442. J'aimerais justement parler du projet de loi et vous expliquer ce qu'il vise à faire et ce que j'espère qu'il fera sous peu.
Comme je l'ai dit, la maladie de Lyme présente un défi de taille pour la santé publique. C'est reconnu, et je dois dire que je suis redevable à la ministre de la Santé actuelle et à ses prédécesseurs. En 2009, alors que Leona Aglukkaq était ministre de la Santé, la maladie de Lyme est devenue une maladie à déclaration obligatoire. Grâce à l'actuelle ministre de la Santé, Rona Ambrose, la Chambre des communes a donné son appui à ce projet de loi.
Ce projet de loi, qui est maintenant à l'étude au Sénat, a été adopté à l'unanimité à la Chambre en juin. C'est en quelque sorte un hommage à la non-partisanerie et une reconnaissance parmi les parlementaires qu'un grand nombre de leurs électeurs sont aux prises avec cette maladie et ont du mal à obtenir un diagnostic précis et rapide ainsi qu'un traitement.
Ce projet de loi prévoit l'établissement d'un cadre fédéral sur la maladie de Lyme. Quelques changements ont été apportés au libellé entre la première lecture en juin 2012 et l'adoption à l'unanimité en 2014. Comme vous pouvez l'imaginer, j'étais prête à considérer tout changement pour accélérer l'adoption de ce projet de loi, et la ministre Ambrose en a proposé quelques-uns. Il s'intitule maintenant « Un cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme », et un certain nombre d'autres aspects ont changé également.
L'idée principale, c'est que la ministre organisera une discussion nationale, une conférence qui réunira les ministres provinciaux et territoriaux, des experts médicaux de tous les domaines ainsi que des gens qui sont aux prises avec la maladie de Lyme. Des experts en santé publique de toutes les disciplines mettront leur expertise en commun pour prendre certaines mesures.
Je pense que tous les professionnels de la santé publique seraient d'accord pour dire qu'il serait très utile de mettre en place un cadre fédéral complet. Ce cadre prévoirait l'établissement d'un programme national de surveillance médicale qui traiterait les données recueillies par l'agence pour bien suivre les taux d'incidence et les coûts économiques associés à la maladie de Lyme.
[Français]
Le deuxième point est le suivant : le projet de loi vise à établir des lignes directrices concernant la prévention, l'identification, le traitement et la gestion de la maladie de Lyme, et la mise en commun des meilleures pratiques à l'échelle nationale.
[Traduction]
Ce cadre prévoirait également la création et la distribution de matériel éducatif normalisé lié à la maladie de Lyme. Tout fournisseur de soins de santé au Canada pourrait s'en servir pour mieux sensibiliser la population à la maladie et en améliorer la prévention, le dépistage, le traitement et la gestion.
À la suite de cette conférence, la ministre produira un rapport qui décrira le cadre fédéral et publiera le rapport sur le site web de l'agence. Ce cadre, une fois établi, fera l'objet d'un examen tous les cinq ans.
Je sais que certains experts très respectés ont exprimé leurs préoccupations dans les médias. Je n'ai que du respect pour ceux qui se préoccupent de la maladie de Lyme. Ce projet de loi n'a pas pour objectif de diviser la communauté médicale. Mon objectif, c'est de réunir tout le monde autour de cet enjeu important.
Nous avons eu de la chance. Je souhaite vous remercier, monsieur le président, du travail que fait le Caucus de recherche en santé qui, par coïncidence, s'est réuni aujourd'hui. Les deux experts ont très éloquemment décrit la situation, et c'était une pure coïncidence que nous y soyons en même temps. Le Dr Moriarty et le Dr Ogden ont clairement exprimé l'importance de réunir nos forces et d'échanger de l'information. Les fonds accordés à la recherche sur la maladie de Lyme se font rares.
Ce projet de loi, étant d'initiative parlementaire, ne peut pas prévoir de dépenses publiques, mais il mobilisera des ressources, fera mieux connaître la maladie et en aidera les victimes à obtenir des soins.
Le président : Merci beaucoup, madame May. Mes collègues auront maintenant l'occasion de vous poser des questions.
Le sénateur Eggleton : Merci d'être venue et félicitations pour cette initiative. Je pense que c'est formidable. Je suis heureux que ce projet de loi ait été adopté à l'unanimité.
Selon vos dires, certains ont exprimé des préoccupations, faisant valoir qu'on n'agissait peut-être pas de la bonne façon. J'aimerais leur demander quelles sont leurs préoccupations, mais au cas où ils ne comparaîtraient pas, j'aimerais vous donner la chance de nous les communiquer et de nous dire comment on devrait les traiter.
Mme May : Comme je le disais, certaines personnes qui s'y connaissent ont malheureusement raté le délai de deux ans pendant lequel la Chambre des communes était saisie du projet de loi. Je n'avais pas été mise au courant de leurs inquiétudes. Je m'étais entretenue avec l'un des experts qui devaient comparaître à la réunion initialement prévue le 22 octobre. J'aurais dû revoir votre liste des témoins pour savoir s'il doit encore venir.
Je me suis entretenue avec le Dr Parker. Il ne s'inquiète pas tant du contenu du projet de loi comme tel et, à l'instar des médias et d'autres experts en maladies infectieuses, il semble que l'on ait interprété certains articles du préambule d'une façon imprévue. Ce n'est donc pas les dispositions exécutoires du projet de loi qui inquiètent. Je ne suis pas experte en médecine, mais je suis avocate et j'ai suivi des cours sur l'interprétation des lois. J'ai essayé de les rassurer qu'ils ne devraient pas trop s'inquiéter du préambule, car il est presque impossible de modifier un préambule sans modifier le corps du texte. Et même si on arrivait à le faire à la Chambre des communes, il serait procéduralement très difficile de le faire au Sénat, du moins sans faire carrément mourir le projet de loi.
Mais je ne pense pas que c'est ce qu'ils cherchent à faire. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a plusieurs aspects à ce projet de loi et que les dispositions exécutoires ne semblent inquiéter personne.
Pour mieux répondre à votre question, sénateur, le problème, c'est un argument très contentieux que j'essayais d'éviter en rédigeant mon projet de loi de cette façon. Certains croient qu'il existe une condition qui s'appelle la maladie de Lyme chronique qui confine les gens au lit et dont il est difficile de s'en remettre. Tandis que d'autres, et je pense que c'est la majorité du milieu médical, estiment que la maladie de Lyme chronique n'existe tout simplement pas, et qu'il y aurait plutôt un syndrome post-maladie de Lyme qui laisse les malades presque complètement affaiblis.
Comme je le disais, je ne suis pas experte en médecine, mais c'est la raison pour laquelle cette question est devenue politicisée. En fait, le débat qui fait rage aux États-Unis inquiète les experts au Canada qui voient d'un mauvais œil la politicisation de questions médicales. J'essayais d'éviter de m'aventurer sur ce terrain. C'est pourquoi j'avais cru que nous avions rédigé ce projet de loi de façon à éviter la polémique, puisque les dispositions exécutoires du projet de loi prévoient l'organisation d'une conférence faisant participer tous les experts. Je crois qu'une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale, et je serais très reconnaissante à cet égard si le comité voulait bien recommander ce projet de loi au Sénat pour qu'il puisse recevoir la sanction royale dans les plus brefs délais, vous verrez qu'il mènera bel et bien à des discussions justes, impartiales et inclusives dans le cadre d'une conférence convoquée par la ministre de la Santé.
Si le projet de loi était vicié du point de vue scientifique, je pense que les représentants de Santé Canada et de l'Agence de la santé publique du Canada en auraient déjà parlé dans leur témoignage.
Le sénateur Eggleton : Ceux qui ont soulevé des préoccupations pourraient le faire dans le cadre de cette conférence.
Mme May : Ils ont certainement l'intention d'y être et de se faire entendre.
Le sénateur Eggleton : Vous avez parlé des États-Unis. On me dit que l'approche des États-Unis et celle du Canada à l'égard de la maladie de Lyme sont bien différentes. Le problème se limite-t-il à cette différence d'approche, ou est-ce plus compliqué?
Mme May : Je ne veux pas parler pour les autres, mais, d'après mes observations, on constate que les États-Unis ont consenti un effort législatif en ce qui concerne le traitement de la maladie de Lyme. En fait, ils sont allés bien plus loin que les professionnels médicaux auraient jugé nécessaire ou souhaitable. Il y a eu des articles dans la presse au sujet de politiciens sans aucune expérience en médecine qui disent apparemment aux médecins comment traiter la maladie de Lyme. C'est ce que je voulais éviter.
On m'a fait part de cette préoccupation avant même la première lecture du projet de loi. J'espérais pouvoir éviter ce problème grâce au libellé du projet de loi. Je crois que nous avons réussi. À mon avis, personne n'est préoccupé par les dispositions exécutoires du projet de loi. Cependant, le libellé du préambule pourrait donner lieu à une ou deux erreurs d'interprétation.
À mon avis, ce n'est rien de grave. C'est une question qui ne laisse personne indifférent. Toutefois, le projet de loi nous permettra de nous débarrasser de certaines questions litigieuses qui, à mon avis, ne devraient pas être réglées par les parlementaires. J'estime qu'il faut faire appel à des experts et, conformément au projet de loi, trouver la meilleure façon de procéder. Je vais revérifier, car le projet de loi a été amendé. Je veux m'assurer de reprendre exactement le libellé du projet de loi : élaborer des lignes directrices et échanger nos pratiques exemplaires.
Cette formulation nous vient de la ministre de la Santé et modifie certains concepts qui se trouvaient dans la première ébauche du projet de loi. Ce libellé est respectueux de toutes les parties touchées.
Étant donné qu'une conférence aura lieu sur le sujet, ce ne seront pas les parlementaires qui décideront de la façon de traiter les cas de la maladie de Lyme. C'est apparemment ce qui s'est produit aux États-Unis et cette approche a été critiquée. Avec ce projet de loi, nous nous assurons d'adopter la meilleure approche qui soit quant à la maladie de Lyme, une maladie qui préoccupe de plus en plus. L'un des experts qui a témoigné aujourd'hui a dit que si la tendance se maintient, la maladie de Lyme deviendra la troisième maladie infectieuse la plus répandue au pays. Nous devons nous préparer. Nous devons accroître nos efforts de prévention. Lorsque la maladie est diagnostiquée à un stade précoce, le traitement est simple et efficace à 100 p. 100. Cependant, si la maladie n'est pas dépistée très tôt, c'est là que nous avons des problèmes. C'est la raison pour laquelle nous devons adopter rapidement ce projet de loi et tenir la conférence.
La sénatrice Seidman : Félicitations! Il s'agit d'un excellent projet de loi qui aidera énormément les Canadiens.
J'aimerais poser une question quant à l'amendement qui a été apporté au projet de loi à l'étude au comité de la Chambre des communes. On a retiré les références aux normes nationales en matière de soins de santé et on a ajouté une référence aux pratiques exemplaires au pays, ce que vous venez de mentionner. Quelles répercussions auront ces changements? Allons-nous compromettre le projet de loi en retirant cette référence aux normes nationales en matière de soins de santé?
Mme May : Les personnes aux prises avec la maladie de Lyme n'appuyaient certainement pas cette modification. Certaines personnes ont insisté pour que ces normes nationales en matière de soins de santé demeurent dans le projet de loi. Je suis très reconnaissante envers les deux dernières ministres de la Santé. Je l'ai dit publiquement et je le dirai à nouveau. En fait, j'aurais dû le dire dès le début. En particulier, la ministre Ambrose a fait un travail remarquable. Elle a demandé que cette modification soit apportée afin de ne pas froisser les provinces et les territoires. Ce qui la préoccupait, c'est qu'en incluant la mention des normes nationales en matière de soins de santé, on placerait le gouvernement fédéral dans une situation délicate quant au traitement. Le système de soins de santé relève du provincial, mais les normes incluses dans la Loi canadienne sur la santé relèvent du fédéral, ce qui inquiétait certains témoins.
J'ai appuyé cette modification. Je suis ravie que nous soyons en mesure de faire quelque chose ici au Parlement afin d'accroître la sensibilisation. Nous ne pouvons pas dépenser de fonds publics dans le cadre de ce projet de loi. Cependant, la ministre Ambrose a affirmé que certains fonds du budget de Santé Canada pourraient être utilisés afin d'accroître la sensibilisation et d'investir dans la recherche. D'autres témoins vont sûrement aborder cette question. Le libellé a effectivement été modifié, mais je ne crois pas que ces changements compromettent le projet de loi.
La sénatrice Seidman : Ce que vous dites, si je comprends bien, c'est que la santé est de compétence provinciale. En disant cela, le projet de loi sera mieux accepté. La ministre de la Santé fait preuve de beaucoup de sagesse. Il ne fait aucun doute que nous voulons tous échanger nos meilleures pratiques de partout au pays.
Y a-t-il une région au pays où des pratiques exemplaires sont mises en place? Les provinces et les territoires échangent-ils leurs pratiques exemplaires?
Mme May : Les gens sont plus sensibilisés. Il est de moins en moins fréquent qu'un patient ait du mal à se trouver un médecin qui puisse envisager un diagnostic de la maladie de Lyme. Dans certaines parties du pays, on hésite encore dans certains établissements à reconnaître l'existence de la maladie de Lyme au Canada. Bien sûr, depuis que l'ancienne ministre de la Santé, Mme Aglukkaq, a ajouté la maladie de Lyme à la liste des maladies à déclaration obligatoire, cela ne pose plus problème à l'échelon fédéral. Cette désignation a eu des effets positifs sur les gouvernements provinciaux et sur les organismes responsables de la santé.
Nous avons du rattrapage à faire, comme l'a mentionné l'Association médicale canadienne. Je dois signaler également que le Collège des médecins de famille du Canada appuie le projet de loi. Les membres du collège sont d'avis que les médecins de famille doivent participer à l'élaboration des lignes directrices dans le cadre de la stratégie. Ils s'intéressent également à la question. Ils ne savent pas trop comment traiter cette maladie puisqu'ils ne l'ont pas étudiée à l'école de médecine. Nous savons que cette maladie se répand rapidement, et la plupart des médecins ne sont pas préparés à cela. Les symptômes sont si étranges que les médecins diagnostiquent parfois d'autres maladies.
Des médecins ont communiqué avec moi pour m'exprimer leurs préoccupations. Certains patients reçoivent un diagnostic de maladie de Lyme alors qu'ils souffrent plutôt de sclérose en plaques ou vice versa. Mieux échanger nos pratiques exemplaires ne peut être qu'une bonne chose.
Il n'y a pas de province ou de territoire au Canada qui se débrouille particulièrement mieux qu'une autre. Il y a des améliorations ici et là. Dans la plupart des cas, il s'agit de médecins qui ont eu à traiter des patients atteints de la maladie de Lyme, qui se sont renseignés eux-mêmes et qui ont fait du mieux qu'ils ont pu. J'aime bien faire la comparaison avec les rayons ultraviolets et la destruction de la couche d'ozone. Lorsque j'étais enfant, nous ne consultions pas l'indice UV pour savoir s'il fallait mettre un écran solaire cette journée-là. Cependant, lorsque ma fille était jeune, je consultais cet indice UV pour savoir si je devais lui mettre un chandail à manches longues avant de lui permettre d'aller jouer dehors.
La prévention, c'est quelque chose qui s'apprend, et les sociétés doivent s'adapter. Il faut mieux sensibiliser les gens qui se rendent dans des régions où les tiques porteuses de la bactérie sont une espèce endémique. Les gens doivent apprendre comment se prémunir contre les tiques pour savoir quels vêtements porter, comment se comporter et comment détecter la présence de tiques. Ce sont des mesures préventives. Certaines régions du pays se débrouillent mieux que d'autres en la matière. Nous venons tout juste de découvrir que des tiques porteuses de la bactérie ont été dépistées dans le parc de la Rouge en périphérie de Toronto. Il faut sensibiliser les gens qui font de la randonnée dans des régions où se trouvent ces tiques. Je ne veux pas dire aux gens de rester en ville. Je veux qu'ils continuent d'explorer la nature, mais qu'ils le fassent de façon sécuritaire. C'est comme avec l'indice UV; nous avons dû nous adapter. Il faut aussi accroître la sensibilisation afin que les gens sachent comment se protéger contre les tiques et comment réagir s'ils croient avoir contracté la maladie de Lyme.
La sénatrice Stewart Olsen : Une étude sur les tiques a été réalisée à l'Université Mount Allison par Mme Lloyd. Elle a fait beaucoup de recherche sur cette question. Ce qu'elle dit est encore plus alarmant que ce que vous dites. Elle a indiqué qu'il n'existe pas qu'une seule bactérie; les tiques peuvent transmettre différentes souches de la maladie de Lyme qui ne sont pas dépistées par les tests actuels. Elle a affirmé qu'elle ne connaissait pas le nombre exact de personnes atteintes de la maladie de Lyme au Nouveau-Brunswick et que la méthodologie utilisée pour déceler les symptômes remonte à 10 ans. Elle exhorte le gouvernement provincial à se pencher sur la question. Ce constat trouve-t-il des échos ailleurs au pays?
Mme May : J'aimerais répéter que je ne suis pas experte en la matière. J'en apprends tous les jours sur le sujet. Il apparaît clairement que la bactérie Borrelia burgdorferi n'est pas la seule bactérie pouvant transmettre la maladie de Lyme. Il existe d'autres souches, d'autres bactéries et d'autres espèces de tiques. C'est ce que nous ont dit les experts aujourd'hui. Il existe d'autres espèces de tiques qui peuvent être porteuses de la maladie de Lyme, mais ces espèces sont moins susceptibles d'entrer en contact avec les humains.
Il faut faire davantage de recherche. Le comité s'est beaucoup penché sur les produits pharmaceutiques récemment et moins sur les maladies infectieuses. On a accordé moins d'importance aux maladies infectieuses ces dernières années, car c'est un sujet qui suscite moins d'engouement. Toutefois, il est impératif que nous nous penchions à nouveau sur les maladies infectieuses.
Le problème, et Mme Lloyd s'y connaît beaucoup plus que moi en la matière, c'est qu'il existe différents types de bactéries et différentes souches. Voilà pourquoi il est si difficile d'établir un diagnostic. D'autres experts vous diront que les tests en laboratoire que nous avons actuellement ne sont pas fiables. Les faux positifs et les faux négatifs sont monnaie courante. Les médecins cliniciens qui s'intéressent à la question l'ont dit, ce qui pourra être validé dans le cadre de la conférence nationale. Il faut s'en remettre au diagnostic clinique, car les tests en laboratoire ne sont pas fiables.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Elle vient à peine de commencer ses recherches, mais, d'après ses conclusions, il y aurait une nouvelle souche hybride du N40 au Nouveau-Brunswick. Elle a indiqué que, à l'instar des patients atteints du cancer, il existe des groupes affinitaires. Ces groupes rassemblent des universitaires, des médecins ainsi que d'autres personnes qui veulent offrir un soutien aux personnes qui pourraient être atteintes de la maladie de Lyme ou qui pensent en être atteintes. Avez-vous des exemples au Canada?
Mme May : Oui, les membres de cette communauté sont très engagés. Les patients atteints de la maladie de Lyme éprouvent beaucoup de douleur, de fatigue et de confusion mentale. Les membres de leur famille tentent de les épauler. Ils sont braves, se parlent entre eux, s'envoient des courriels et coordonnent leurs actions. Je crois que l'une des raisons, voire la raison principale, pour laquelle le projet de loi C-442 a fait l'objet d'un consentement unanime, ce n'est pas ce que j'ai pu faire lors de la première lecture du projet de loi, mais plutôt le fait d'avoir mis en ligne une pétition et d'avoir encouragé les gens à faire la promotion du projet de loi. De nombreux patients atteints de la maladie de Lyme ainsi que leurs amis et les membres de leur famille ont lancé des pétitions et se sont adressés à leur député. Les députés ont rencontré leurs électeurs et se sont informés sur la question. Il s'agit d'une communauté extraordinaire.
Cela étant dit, ils ont peut-être mal compris certains aspects scientifiques. La conférence permettra de séparer le bon grain de l'ivraie. J'ai beaucoup d'admiration pour des gens comme Nicole Bottles, des gens qui font preuve d'endurance, de détermination et de courage. Elle habite en périphérie de ma circonscription. J'aimerais la compter parmi mes électeurs. Elle habite dans la circonscription de Murray Rankin. Elle se déplace en fauteuil roulant et ne peut plus aller à l'école depuis des années. Elle défend cette cause. Elle a témoigné devant un comité de la Chambre des communes. Elle a pu terminer ses études secondaires en suivant des cours en ligne. Son état et sa lucidité s'améliorent, mais elle doit quand même se déplacer en fauteuil roulant. J'ai beaucoup d'admiration pour Nicole et sa mère Chris, qui font preuve de beaucoup de détermination. Ce sont des gens qui souffrent, mais qui tentent de trouver des solutions et d'aider les autres. Elles sont une grande source de motivation pour d'autres personnes qui sont aux prises avec la maladie de Lyme; elles font de la sensibilisation afin d'empêcher que d'autres personnes ne contractent cette maladie.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Je lisais la trousse de renseignements qui nous a été remise, et je comprends qu'il faut traiter les personnes de la maladie de Lyme et prévenir la propagation de la maladie. Dans le cadre qui a été élaboré, on parle de prévention, de recensement, de traitement et de gestion de la maladie de Lyme.
Vous êtes aussi d'avis qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Pourquoi nous concentrons-nous sur la maladie de Lyme et pas sur les tiques elles-mêmes? Pourrions-nous trouver une façon d'éliminer les tiques? Ne vaudrait-il pas mieux de nous pencher sur les deux questions en même temps?
Mme May : Bien sûr, je suis d'accord. Cette démarche pourrait être très utile. Il faudrait mobiliser des ressources. Certaines personnes envisagent cette solution. Toutefois, les tiques ne sont pas circonscrites dans un seul territoire et elles se propagent. Elles se propagent également en Europe. Certains rapports de l'Agence de la santé publique du Canada corroborent ce constat. J'estime qu'il sera difficile de recenser les tiques et de les éliminer, car elles se propagent et la maladie de Lyme se répand également.
Si on informe les Canadiens d'une nouvelle menace, comme on l'a fait avec les rayons UV, ils prendront des précautions afin de réduire leur exposition aux tiques, en faisant attention aux vêtements qu'ils portent, en s'examinant et en examinant leurs enfants pour voir s'ils ont été piqués par des tiques. Si on augmente la sensibilisation, les gens seront plus au courant de ces trucs et astuces. J'estime qu'au final, cette solution est moins coûteuse, plus pratique et plus rapide que celle que vous avez proposée. Je pense que votre idée est bonne, mais je crois qu'il faut trouver une solution pratique et moins coûteuse.
Le sénateur Enverga : Nous avons eu des problèmes avec une espèce de tique qui s'était répandue dans nos champs de maïs, mais notre maïs avait une protection naturelle contre les tiques. Peut-être qu'il faudrait examiner cet aspect.
Mme May : Oui, on peut examiner cette option. Cependant, le projet de loi porte sur la prévention et la sensibilisation. Rien dans les lignes directrices sur la prévention ne nous empêche d'examiner cet aspect. Un chercheur parviendra peut-être à éliminer les tiques porteuses de la bactérie. Cependant, le projet de loi porte d'abord et avant tout sur la sensibilisation et la prévention de l'exposition aux tiques.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie, madame May. Nous sommes ravis de vous compter parmi nous aujourd'hui. Je me suis entretenue avec beaucoup de personnes atteintes de cette maladie. J'ai rencontré Nicole et Chris; il s'agit véritablement de personnes très braves. Ces gens nous ont suppliés de les aider, et je vous remercie d'avoir présenté ce projet de loi.
J'ai trouvé intéressant que vous souligniez la confusion entourant les symptômes de la sclérose en plaques et de la maladie de Lyme. J'ai fait beaucoup de travail sur la sclérose en plaques. L'an dernier, à la conférence nationale sur l'IVCC, j'ai assisté à une séance sur la maladie de Lyme et, cette année, il y a eu des séances sur la maladie de Parkinson. Il est intéressant que tous ces acteurs se réunissent pour voir comment ils pourraient, ensemble, aider les Canadiens.
J'ai beaucoup entendu parler, entre autres choses, du test pour la maladie de Lyme. Comme vous l'avez indiqué plus tôt, le champ d'action du vecteur de la maladie s'étend de plus en plus. Auparavant, on se sentait à risque quand on faisait une randonnée dans la forêt à 20 milles de la ville, mais c'est maintenant vrai même dans les limites de la ville d'Halifax où je vis. J'ai vécu à Dartmouth et à Bedford, et la tique qui transmet la maladie de Lyme y est présente.
D'après tous les courriels que j'ai reçus, le test diagnostique qu'on administre au Canada n'est pas très bon et donne beaucoup de faux résultats négatifs. C'est problématique. Y a-t-il un endroit au Canada où l'on utilise un meilleur test?
J'ai aussi entendu dire que des gens vont aux États-Unis et paient de leur poche pour s'y faire tester. Mais les résultats de ces tests, même positifs, ne sont pas reconnus par le système de soins de santé du Canada.
Mme May : À ce sujet, il y a le test ELISA et le transfert western. Je répète que je ne suis pas une experte, mais j'ai eu les mêmes conversations que vous. J'en ai notamment beaucoup parlé avec le Dr Ted Cormode. Il voulait témoigner devant le comité de la Chambre, mais son emploi du temps ne lui a pas permis de le faire. Il est très actif au sein de l'Association médicale canadienne.
Ce qui est inquiétant, c'est qu'on administre le traitement seulement si le patient a obtenu un résultat positif à ce test qui n'est pas fiable. J'ai dû entendre des dizaines de personnes me dire que, d'après ce qu'ils avaient lu en ligne, leurs symptômes étaient ceux de la maladie de Lyme, et qu'ils avaient été en forêt et qu'ils avaient eu une éruption cutanée. Or, dès que le résultat du test est négatif, le médecin exclut la maladie de Lyme. Il se demande ce que ce pourrait être d'autre. On rate alors la période critique pour le traitement aux antibiotiques qui peut faire toute la différence. Si on fonde le diagnostic sur un test, il faut que ce test soit fiable. C'est en effet une partie du problème. Je ne veux pas critiquer le recours aux analyses de laboratoire, mais ce n'est qu'un outil parmi d'autres, et il ne donne pas de résultats définitifs.
Je répète que je suis une simple profane, mais j'espère que cette conférence, qui regroupera des experts en médecine, des représentants des ministères de la Santé provinciaux, territoriaux et fédéral, des membres de la communauté de la maladie de Lyme et des chercheurs, permettra de conscientiser les médecins. Comme l'a dit plus tôt aujourd'hui l'Agence de la santé publique du Canada, si on soupçonne d'être atteint de la maladie de Lyme, c'est une bonne idée de faire une seule application prophylactique d'antibiotiques. Si cette recommandation de l'Agence de la santé publique du Canada avait été la pratique chez les médecins de toutes les régions du pays, on aurait épargné des souffrances à bien des gens.
La sénatrice Cordy : Moi aussi, je suis une profane, mais tout ce que j'ai lu sur le sujet m'indique que plus le traitement commence tôt, plus il est efficace. Je crois aussi que c'est une bonne idée d'administrer des antibiotiques si l'on soupçonne qu'il s'agit de la maladie de Lyme.
Il y a eu 128 cas en 2009 et 315 cas en 2012, ce qui est une hausse importante. En fait, les cas ont plus que doublé, mais j'ai aussi lu qu'ils ne représentent qu'une petite partie de tous les cas véritables de maladie de Lyme. Avez-vous des chiffres récents à ce sujet?
Mme May : Nous savons que le Centre for Disease Control and Prevention à Atlanta, en Georgie, a déterminé, à l'été 2013, que le nombre de cas de la maladie de Lyme était bien inférieur au nombre réel, et il a multiplié par 10 son estimation de l'incidence de cette maladie aux États-Unis. On estime donc à 300 000, et non pas à 30 000, le nombre de cas par année de la maladie de Lyme.
Si les cas déclarés ne représentent qu'un dixième des cas réels, au Canada, l'incidence de la maladie de Lyme est probablement bien plus élevée qu'on pense. En outre, comme la maladie n'est à déclaration obligatoire que depuis 2009, il est fort probable qu'un grand nombre de cas ne sont pas signalés.
La sénatrice Cordy : Merci. Ce sont des informations utiles. Si le nombre de cas a doublé de 2009 à 2012, on peut présumer qu'il a aussi au moins doublé de 2012 à 2014, et même multiplier ce chiffre par 10.
Le comité de la Chambre a apporté un autre amendement à votre projet de loi : on ne parle plus de stratégie nationale relative à la maladie de Lyme, mais plutôt du cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme. Pourquoi ce changement?
Mme May : C'est une différence sémantique. Je ne crois pas que cela modifie de façon substantielle ce que propose le projet de loi, à savoir qu'une conférence soit convoquée et qu'on échange des pratiques exemplaires. Ce changement dans la formulation tient compte de l'échange des compétences; il est préférable qu'un projet de loi adopté au Parlement du Canada crée non pas une stratégie nationale mais plutôt un cadre fédéral.
La sénatrice Cordy : Il me semble que le mot « national » est plus inclusif, non?
Mme May : C'est le mot que j'avais choisi au départ, mais j'ai voulu tenir compte des amendements qui avaient été proposés. Évidemment, je n'ai pas pu amender mon propre projet de loi au comité, car je ne suis pas membre de ce comité ni d'aucun autre comité d'ailleurs. Dès qu'il y aura 12 députés du Parti vert, je pourrai siéger à des comités. Pour l'instant, je peux présenter des amendements au comité, mais ils sont réputés avoir été proposés. C'est une longue histoire.
Quoi qu'il en soit, cela faisait partie des amendements présentés par les députés ministériels avec mon appui. Je ne voulais pas qu'une simple question de sémantique bloque l'adoption du projet de loi.
La sénatrice Cordy : Je suis d'accord avec vous. Adoptons ce projet de loi. Merci.
Le sénateur Wallace : Merci. Madame May, il est évident que le sujet que vous abordez dans ce projet de loi revêt une grande importance pour toutes les régions du pays. Cela ne fait aucun doute.
Vous avez fait beaucoup de recherche pour rédiger ce projet de loi. Alors, dites-moi, quelle est la principale source de tiques porteuses de la maladie de Lyme au Canada?
Mme May : Les chevreuils ainsi que certains oiseaux migrateurs sont porteurs de ces tiques. Ce sont bien sûr les oiseaux migrateurs qui transportent les tiques sur les plus grandes distances, mais ce sont surtout les chevreuils qui sont porteurs de ces tiques, bien qu'ils ne soient pas les seuls animaux. Ceux qui étudient dans ce domaine font aussi mention de chiens porteurs de tiques. Le problème, bien sûr, c'est qu'elles peuvent se fixer sur les humains.
Et elles peuvent ne pas être sur les animaux. Il y a eu des cas de maladie de Lyme où des personnes ont été en contact avec une tique dans leur cour arrière. La maladie ne touche pas que les gens qui font des activités dans la nature et de la randonnée loin de chez eux. Il peut y avoir des tiques même dans les cours arrière des gens, ce qui justifie aussi une surveillance accrue et la communication d'information sur la prévention.
Le sénateur Wallace : Y a-t-il un endroit au pays où l'on fait régulièrement des tests de dépistage des tiques?
Mme May : Pas que je sache. Il y a de nombreux chercheurs qui essaient de déterminer où elles sont, mais n'ont pas réussi. À ma connaissance, il n'y a pas d'effort de surveillance régulière à l'échelle nationale.
Parfois, des événements nous apprennent des choses. Un épervier de Cooper a frappé en plein vol une fenêtre, sur l'île de Vancouver. C'était il y a un peu moins d'un an. Sa carcasse a été trouvée et a été amenée aux autorités fauniques provinciales qui ont eu la surprise de constater que l'oiseau portait 22 tiques. Chez les oiseaux, les tiques ont tendance à se fixer autour des yeux. Quand on a examiné les tiques, on a constaté que quelques-unes étaient porteuses de la borréliose.
On pourrait dire que notre façon de surveiller la propagation des tiques est anecdotique et non systématique.
Le sénateur Wallace : Je reviens à la question du sénateur Enverga. Si nous ne savons pas où sont les tiques, que nous n'en connaissons pas la provenance, comment pourrons-nous les éradiquer?
Je vous félicite pour votre travail. Vous avez absolument raison de dire qu'il faut réunir les gens les plus savants et les plus expérimentés si l'on veut contrer ce problème. Je sais que votre projet de loi ne va pas jusque-là, mais au bout du compte, l'éradication de la maladie de Lyme devra être le fruit d'une solution médicale.
Mène-t-on au Canada des efforts pour éradiquer les tiques?
Mme May : Pas que je sache.
Je ne veux pas exagérer en disant que nous ne savons pas où elles sont ni d'où elles viennent. L'Agence de la santé publique du Canada a assez bien cartographié leur propagation et a fait des prévisions quant aux régions où elles se trouveront dans 10 ou 20 ans. Un des facteurs qui contribuent à leur propagation, c'est le réchauffement climatique. Les activités des oiseaux migrateurs contribuent aussi à leur propagation. On fait un suivi de la vitesse de leur propagation, mais je dirai simplement que ce n'est pas absolument systématique.
Je ne connais personne qui fait actuellement des recherches sur l'éradication des tiques, mais c'est une très bonne idée.
Le sénateur Wallace : Vous avez tout à fait raison de proposer que l'on adopte des pratiques exemplaires et tire des leçons de l'expérience acquise ailleurs, et pas seulement ailleurs au pays, mais aussi ailleurs dans le monde.
Vous avez parlé du travail qui se fait aux États-Unis. Y a-t-il d'autres pays, d'autres administrations qui ont le même problème que nous? Je crois que vous en avez parlé. Y a-t-il des pratiques exemplaires que l'on pourrait apprendre de ces pays?
Mme May : C'est une excellente question, sénateur. Un de mes collègues et ami, le député de Mississauga-Est—Cooksville, Wladyslaw Lizon, est d'origine polonaise et est revenu de Pologne consterné par la propagation de la maladie là-bas.
Je ne suis pas experte en la matière, mais l'Allemagne a des vaccins contre la maladie de Lyme et ses modes de traitement sont très différents des nôtres. Le projet de loi prévoit d'échanger des pratiques exemplaires au Canada et de convoquer des experts, mais les autorités sanitaires canadiennes se tournent habituellement aussi vers l'étranger pour connaître d'autres pratiques exemplaires. Je suis convaincue qu'on tiendra compte des pratiques américaines et allemandes.
J'ai trouvé intéressants les propos que le Dr Ogden, de l'Agence de santé publique, a tenus cet après-midi à une réunion du Caucus sur la recherche en santé. Le Dr Ogden a été formé au Royaume-Uni et a commencé à étudier la maladie de Lyme il y a bien longtemps, dans le cadre de ses recherches doctorales. Il faut certainement voir ce qui se fait à l'étranger.
Le sénateur Wallace : Félicitations, et merci de l'excellent travail que vous faites.
Le sénateur Eggleton : Nous sommes ici à vous écouter, mais il ne faut pas oublier que nos auditeurs ne connaissent pas nécessairement la maladie de Lyme. Vous pourriez peut-être nous donner un aperçu de la façon de contracter la maladie, des façons de la prévenir et de la traiter ainsi que des symptômes auxquels nous pouvons nous attendre.
Mme May : Bonne idée, et je vais m'en tenir à la façon dont en parlent les experts, car n'étant moi-même pas experte en la matière, je veux dire les choses correctement. Je vais lire ce qu'on a présenté au Caucus sur la recherche en santé.
La maladie de Lyme est une maladie grave qui se répand au Canada et qui est causée par la morsure de tiques à pattes noires infectées par la bactérie Borrelia burgdorferi. La distribution géographique des animaux qui transportent les tiques infectées s'élargit et, par conséquent, le nombre de cas rapportés augmente. D'après Santé Canada, les cas rapportés ont augmenté de plus de 300 p. 100 depuis 2009. Les symptômes varient : certaines personnes n'ont pratiquement pas de symptômes, alors que chez d'autres, ils sont graves et peuvent se manifester quelques semaines après l'infection initiale. Ces symptômes comprennent la fatigue, des éruptions cutanées, de la fièvre ou des frissons, des spasmes, des engourdissements ou des picotements, des problèmes cognitifs ou des étourdissements, des troubles du système nerveux, des douleurs musculaires et articulaires et de l'arythmie cardiaque. Sans diagnostic ni traitement, les symptômes peuvent durer des années, et des décès ont été signalés.
Autrement dit, c'est très grave et les malades peuvent déclarer à leur médecin des symptômes qui peuvent semer la confusion. Les symptômes peuvent ressembler à ceux de la fibromyalgie chez une personne ou à ceux de l'arthrite chez une autre. J'ai trouvé désolant que des personnes me disent que leur médecin les a envoyées voir un psychiatre. C'est une maladie difficile à diagnostiquer, et il est facile d'émettre un mauvais diagnostic. La bonne nouvelle, et j'insiste là-dessus pour ceux qui nous écoutent, c'est que la maladie est facile à traiter si le diagnostic est rapidement posé. Certains croient que pour ce diagnostic, il faut une éruption cutanée en forme de cible circulaire. Si c'est votre cas, et qu'il semble que vous ayez été mordu par une tique, vous avez probablement été exposé à la maladie, ou vous l'avez, et vous devez être traité avec des antibiotiques.
Mais si vous avez des symptômes sans avoir cette éruption cutanée circulaire, cela ne signifie pas que vous n'avez pas la maladie de Lyme, car c'est encore possible. C'est au patient d'agir intelligemment. Pour savoir si vous avez la maladie de Lyme, si vous avez encore la tique qui vous a piqué, vous pouvez la mettre dans un sac en plastique avec une lingette humide, pour la préserver. On peut tester la présence de la bactérie, et c'est un test plus fiable que celui qu'on ferait à partir de votre sang, pour déterminer si vous avez ou non la maladie.
Cette conférence permettra d'obtenir beaucoup d'excellents renseignements.
Le sénateur Eggleton : Est-il vrai qu'on peut se faire piquer surtout dans la nature? Vous avez parlé du parc de la Rouge, près de Toronto. Mais pourriez-vous être piqué au centre-ville de Toronto ou d'une autre ville?
Mme May : Il faut être en contact avec des tiques. Y a-t-il des tiques au centre-ville de Toronto? Probablement pas. Mais il peut y en avoir dans certains quartiers. Je pense que le centre-ville de Toronto a de jolies zones vertes. Des cas ont été signalés de personnes qui ont attrapé la maladie de Lyme en jouant dans leur cour arrière, en banlieue. Mais bien sûr, si je pense à la banlieue où je vis, il y a beaucoup de cerfs.
Le sénateur Eggleton : Que devrait-on faire pour se protéger? Se couvrir? S'asperger d'un produit?
Mme May : On devrait prendre toutes ces précautions, mais aussi vérifier que les membres de la famille n'ont pas de tiques après avoir été en plein air. Il faut que ce soit une routine.
Un conseil qui a été donné plus tôt aujourd'hui, c'est de prendre une douche après avoir été à l'extérieur car il faut un certain temps aux tiques pour s'installer. Quand la tique est encore une nymphe, elle est si petite qu'elle est presque invisible. On peut la voir ou non. Ce n'est qu'une série de précautions auxquelles il faut s'habituer quand on va dans des régions où la tique est endémique. Cela fait partie des mesures de prévention, de sensibilisation et de surveillance qui doivent faire partie du cadre fédéral.
Le président : Madame May, voilà une excellente première séance de discussion sur ce projet de loi, et je tiens moi aussi à vous féliciter de l'avoir présenté.
J'aimerais aborder quelques questions qui ont déjà été soulevées, dont celle du sénateur Wallace au sujet d'autres régions du monde. Pour mieux illustrer la complexité de l'enjeu, mentionnons qu'en Europe, la bactérie qui est généralement reconnue pour déclencher ce qu'on pourrait appeler la maladie de Lyme est différente des bactéries que nous avons ici. Quand on regarde la répartition dans le monde, il y a quelque 15 ou 20 bactéries différentes qui ont été reconnues comme pouvant déclencher les symptômes que l'on étudie dans cette région. Certaines pourraient être beaucoup plus sensibles à un vaccin, parce qu'elles sont plus faciles à étudier et à manipuler, tandis que d'autres non. Voilà qui fait encore ressortir l'importance de l'objectif de ce projet de loi.
Est-ce que des efforts sont déployés de façon systématique pour détecter les tiques? En Nouvelle-Écosse, certains centres de recherche du ministère de l'Agriculture encouragent régulièrement les gens de la région, s'ils trouvent une tique sur eux, de la mettre dans un petit contenant et de la leur apporter pour la faire analyser, afin qu'on puisse déterminer s'il s'agit effectivement de la tique du cerf à pattes noires, ou encore de ce qu'on appelle la tique du chien, qui est plus grosse et peut provoquer une morsure, mais qui n'est pas porteuse de cette maladie.
Ils appliquent, si l'on veut, une approche informelle, mais pour ce qui est d'une stratégie nationale à cet égard, je pense que ce n'est probablement pas faisable, dans un premier temps. Deuxièmement, à ce que je sache, rien n'est fait en ce sens.
Cependant, comme je vis à la campagne et que je connais ces pestes, j'aimerais penser qu'il pourrait y avoir moyen de les éradiquer, mais à mon avis, si jamais nous trouvons un moyen d'éliminer les tiques, il y a toutes sortes d'autres choses que nous pourrons éradiquer beaucoup plus facilement aussi. J'aimerais bien que ce soit possible. Si nous pouvions répondre à la demande du sénateur Enverga, j'en serais un bénéficiaire immédiat, et j'espère que votre conférence nous permettra de trouver des solutions.
D'après les témoignages sur les mesures de prévention dont vous avez parlé, et qui ont encore été réitérées aujourd'hui, la meilleure précaution consiste à détecter les tiques et à vérifier si l'on en a sur soi quand on a été en plein air. Cependant, ce qui est effrayant, à ce propos, c'est qu'il y a eu un temps où seuls les gens qui allaient faire de la randonnée dans certaines régions plus sauvages étaient à risque, mais aujourd'hui, on retrouve les tiques dans les collectivités. N'oublions pas qu'elles sont transportées par les cerfs.
J'ai été frappé par un cerf dans une grande localité. Mon automobile a été percutée sur le côté par un cerf en plein centre d'un grand village. Les rapports d'accidents avec des cerfs sont de plus en plus nombreux dans les régions habitées. Et les cerfs transportent ces tiques.
Pour revenir aux questions du sénateur Eggleton, nous savons que certains animaux ont compris qu'ils étaient plus en sécurité dans les régions habitées de nos jours qu'ils ne le sont parfois en dehors. Je pense que tous ces facteurs ajoutent à l'urgence de rassembler toutes les connaissances sur le sujet, ce que l'on espère que votre projet de loi permettra de faire, si toutefois nous pouvons réussir à recommander qu'il aille de l'avant.
Je tiens à vous remercier d'avoir présenté ce projet de loi, de nous avoir donné cette occasion d'examiner cet important dossier et, au bout du compte, de faire une recommandation au Sénat du Canada.
Dans le cadre de cette séance, nous entendrons les témoignages de deux organisations. De l'Association canadienne de la maladie de Lyme, nous recevons Jim Wilson, président et fondateur. De l'Association pour la microbiologie médicale et d'infectiologie Canada, nous accueillons le Dr Daniel Gregson, président. Nous recevons aussi le Dr William Bowie, professeur de médecine, Division des maladies infectieuses, Département de médecine, Université de la Colombie-Britannique. Nous vous souhaitons la bienvenue.
Chers collègues, juste avant de leur laisser la parole, je tiens à vous rappeler que cette séance doit se terminer au plus tard à 18 h 15. Je souhaite la bienvenue aux témoins et les invite à faire leur exposé, après quoi nous passerons aux questions de mes collègues. Je n'ai pas d'ordre déterminé pour les témoins, et personne n'a demandé de passer le premier. J'invite donc M. Wilson à prendre la parole le premier.
Jim Wilson, président et fondateur, Association canadienne de la maladie de Lyme : Je vous remercie de donner à l'Association canadienne de la maladie de Lyme l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je remercie Mme Elizabeth May d'avoir présenté cet important projet de loi. Le projet de loi C-442 est une première étape très importante vers l'élaboration d'une solution bien canadienne à une maladie très grave qui touche maintenant des milliers de Canadiens. La maladie de Lyme est une infection bactérienne causée par la Borrelia. La maladie de Lyme est donc une borréliose. Il y en a de nombreuses souches, et les progrès technologiques en révèlent encore plus. Il n'existe actuellement aucune analyse sanguine au Canada pour détecter de nombreuses souches de Borrelia. Nous avons pourtant de rigoureuses lignes directrices qui sont imposées aux médecins et au public, lequel ne se doute de rien, et ce à cause d'un test déficient qui ne détecte qu'une seule souche et qui ne nous a pas permis de bien comprendre la prévalence et le spectre de la maladie chez les humains.
De plus, on porte très peu d'attention aux co-infections pouvant être causées par une tique, en plus de la maladie de Lyme, ou qui peuvent se déclencher d'elles-mêmes. D'une façon ou d'une autre, le patient est très malade et, bien souvent, n'a aucune aide ni aucun recours.
Les personnes qui souffrent de borréliose ou de co-infections deviennent non seulement les victimes de la maladie, mais aussi les victimes de lignes directrices très limitées qui sont à tort considérées comme des pratiques exemplaires. Comme d'autres témoins vous l'ont dit ici, le gouvernement a annoncé qu'il avait révisé les chiffres de 30 000 à 300 000 cas. C'est considérable.
Cette énorme augmentation des cas est survenue avec les lignes directrices actuelles en vigueur, qui ont fait fi de milliers d'études qui contredisaient leur teneur. Ces lignes directrices n'ont pas été formulées dans un esprit d'éthique scientifique. En suivant les mêmes lignes directrices déficientes qui sont défendues avec tant de vigueur au Canada, nous avons un problème par habitant similaire en ce qui concerne le nombre de cas.
Les médecins ne diagnostiqueront ni ne traiteront la maladie de Lyme sous prétexte qu'ils doivent se plier à ces pratiques exemplaires qui sont actuellement reconnues. Cependant, des milliers de personnes qui ont choisi de faire fi des pratiques exemplaires et qui se sont fait soigner ont retrouvé une vie normale, dont moi-même et ma fille. Mon fils, cependant, ne s'en n'est pas tiré. Il est décédé en 2005.
J'ai contracté la maladie de Lyme à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, en 1991. Mes enfants l'ont attrapée en Colombie-Britannique 10 ans plus tôt, de même que d'autres enfants de notre quartier, dont un autre aussi est décédé. Le Canada n'a pas la moindre idée du nombre de personnes qui sont mortes de la maladie de Lyme, parce qu'elle n'existe pas sous sa forme chronique, d'après les pratiques exemplaires en vigueur. Alors pourquoi donc s'intéresser à quelque chose qui n'existe pas?
Les patients étaient trop humbles pour être entendus, malgré les avertissements que nous lançons depuis le début des années 1990. Au fil des ans, nous avons demandé à prendre part aux décisions politiques, mais on nous a répondu que nous étions que de simples groupes de sensibilisation et donc, la réponse était une fin de non-recevoir.
On dit de nous que nous sommes réfractaires à la science ou que nous faisons la promotion d'une science de pacotille. Nous disposons toutefois de toute l'expertise nécessaire en sciences et en médecine, et ce sur quatre continents. Les pratiques exemplaires actuelles ont été établies sans les conseils d'experts travaillant avec les patients. Par conséquent, nous avons des décennies de retard, et des cas de la maladie de Lyme non diagnostiqués ou mal diagnostiqués ont causé des invalidités chroniques et des décès partout au Canada, mais nous n'avons aucune idée dans quelle mesure.
Les sciences et la technologie se sont nettement améliorées au cours de la dernière décennie, et il est désormais de plus en plus clair que les patients avaient raison. Comme nous l'avons dit, la maladie de Lyme est causée par de nombreuses souches de Borrelia. On le disait dans les années 1990.
La maladie n'est pas seulement causée par la souche de l'organisme relevée par nos tests. La maladie de Lyme peut persister comme une infection active et continue après le régime recommandé d'antibiotiques à court terme qu'on impose aux médecins partout au Canada. Lors du diagnostic, on confond la maladie de Lyme avec d'autres maladies, on ne prescrit pas les bons médicaments, ce qui peut entraîner des conséquences graves. Un article récent souligne que les médecins présentent l'un des plus hauts taux de suicide. Après avoir discuté avec de nombreux médecins, nous savons qu'ils ont l'impression qu'on leur a retiré la capacité de bien pratiquer et d'utiliser leur bon jugement en fonction de leur formation et de leur expérience.
Les patients atteints de la maladie de Lyme sont aussi beaucoup plus susceptibles de se suicider parce qu'ils ont eux aussi été maltraités par le même système qui ne leur donne pas le droit de remettre en question les pratiques exemplaires. Il s'agit d'un système d'intimidation à l'échelle institutionnelle.
En laissant les bureaucrates en médecine établir les lignes directrices et examiner la qualité des données probantes utilisées pour établir ces principes, on se retrouve avec des lignes directrices fondées sur une seule philosophie, sur une vision atrophiée, comme l'a déterminé l'Institute of Medicine of the National Academy of Sciences des États-Unis dans son examen des lignes directrices associées à la maladie de Lyme.
L'Association canadienne de la maladie de Lyme appuie le projet de loi C-42 et a toujours soutenu une perspective scientifique globale s'inspirant de l'Europe, de l'Amérique du Sud, de l'Amérique centrale, de l'Asie, de l'Afrique, de l'Australie, de la Russie, du Moyen-Orient et de l'Amérique du Nord. La borréliose est un problème mondial grave.
Le projet de loi C-442 dans sa forme actuelle est un bon projet de loi. Le préambule est très bien. Il donnerait l'occasion au patient et à leur spécialiste d'avoir tous les deux leur mot à dire dans l'élaboration des pratiques exemplaires déterminantes pour leur vie. Un projet de loi a enfin été présenté, et nous ne pouvons plus reculer. Merci.
Le président : Merci, monsieur Wilson.
Dr William Bowie, professeur de médecine, Division des maladies infectieuses, Département de médecine, Université de la Colombie-Britannique, Association pour la microbiologie médicale et l'infectiologie Canada : Merci beaucoup. La maladie de Lyme existe au Canada et elle est de plus en plus fréquente. Les personnes qui présentent des symptômes de la maladie de Lyme, qui ont reçu un diagnostic et qui ont été prises en charge au moyen de démarches reconnues et basées sur des données probantes sont presque toujours guéries de leurs infections aiguës. Les spécialistes en maladies infectieuses traitent relativement peu de ces patients, surtout parce qu'ils sont bien pris en charge par le milieu.
Souvent, nous demandons à nos membres d'évaluer les personnes qui croient être atteintes de la maladie de Lyme sans toutefois satisfaire aux critères normalisés de diagnostic pour la maladie de Lyme active. Bon nombre d'entre eux n'ont jamais été en contact avec des tiques, ne présentent aucun symptôme objectif reconnu relatif à la maladie de Lyme, obtiennent des résultats négatifs à la suite d'essais en laboratoire confirmés. De plus, si on leur donne des antimicrobiens qui devraient agir contre la maladie de Lyme, leurs symptômes ne sont pas guéris. La grande majorité des soi-disant résultats positifs proviennent de laboratoires à but lucratif qui ont recours à des méthodes non normalisées et fournissent des résultats de tests qui présentent des irrégularités par rapport aux méthodes normalisées. Il existe de nombreuses personnes dans cette situation au Canada, et leurs symptômes sont habituellement graves et souvent invalidants.
Ces personnes méritent qu'on s'efforce de poser un diagnostic exact et méritent l'accès à des plans de prise en charge qui leur permettent de guérir. On ne devrait pas dire à un patient qu'il souffre de la maladie de Lyme en fonction de critères subjectifs. Les patients ne devraient pas être exposés à de longs traitements aux antimicrobiens ou à d'autres médicaments pour lesquels il n'existe pas de preuves convaincantes quant à leurs bienfaits et qui pourraient entraîner des risques pour eux et pour la société.
Nous appuyons la première et la troisième recommandations du projet de loi C-442. En ce qui concerne la première recommandation, nous encourageons fortement de consigner l'incidence et les coûts en deux catégories : pour les patients atteints de la maladie de Lyme et pour ceux qui croient en être atteints. Nous appuyons fortement l'établissement de bonnes lignes directrices de prise en charge dans le cas de la maladie de Lyme, élaborées selon la même méthodologie rigoureuse utilisée pour toutes les autres maladies infectieuses ou dans le cas de toute autre ligne directrice médicale.
Nous désapprouvons fortement le préambule qui laisse croire que les lignes directrices actuelles sont restrictives et laisse tomber les personnes dont la maladie peut être soignée. Le libellé semble être inspiré de la prémisse voulant que la plupart des lignes directrices en place élaborées par l'Infectious Diseases Society of America, l'IDSA, sont erronées et ne s'appliquent pas au Canada et qu'il existe de meilleures lignes directrices, faisant probablement allusion aux principes élaborés par les défenseurs de la maladie de Lyme et les soi-disant médecins spécialistes de la maladie. Ces croyances ne résisteraient pas à un examen minutieux.
En raison des croyances des défenseurs de la maladie de Lyme et des pressions politiques qu'ils exercent, les lignes directrices les plus récentes de l'IDSA, datant de 2006, ont fait l'objet d'un examen exhaustif. Dans le cadre d'un examen indépendant, le processus d'élaboration des lignes directrices et le contenu de celles-ci ont été appuyés sans réserve. À l'opposé complètement, le document de l'International Lyme and Associated Diseases Society, l'ILADS, qui oriente une bonne partie de la prise en charge des soi-disant médecins spécialistes de la maladie de Lyme, a été examiné par la Health Protection Agency du Royaume-Uni et a relevé un très grand nombre de lacunes touchant presque tous les niveaux de la prise en charge que les lignes directrices ont été rejetées.
Je vais vous donner rapidement trois exemples de Canadiens qui ont été pris en charge conformément aux lignes directrices de l'ILADS. Une femme ayant reçu un diagnostic de maladie de Lyme après avoir subi des tests non approuvés a été traitée au moyen d'un long régime aux antimicrobiens et a par la suite perdu la vue en raison d'un retard dans le diagnostic de sclérose en plaques, dont elle souffrait. Un patient a reçu un diagnostic à partir de méthodes alternatives et il est mort des suites d'une réaction allergique grave pendant un traitement non nécessaire aux antibiotiques intraveineux. Aucune trace de la maladie de Lyme n'a été détectée lors des tests de référence ou lors de l'autopsie. Un Canadien a développé une septicémie potentiellement mortelle à cause d'un cathéter qu'on a utilisé pendant quatre mois pour administrer des antibiotiques non nécessaires.
Contrairement aux lignes directrices de l'ILADS, nous appuyons les lignes directrices actuelles basées sur des données probantes comme celles de l'IDSA. Heureusement pour le Canada, l'IDSA, l'American Academy of Neurology et l'American College of Rheumatology dirigent conjointement un effort visant à mettre à jour toutes les lignes directrices. L'Association pour la microbiologie médicale et l'infectiologie Canada prend part à ce processus de mise à jour et aura l'occasion de se prononcer sur les ébauches une fois qu'elles seront terminées. Nous sommes en faveur d'une recommandation nationale en matière de qualité des soins, mais nous insistons pour qu'elle soit fondée sur des données probantes et non sur des anecdotes et sur des croyances.
En conclusion, nous appuyons ce projet de loi, même si nous n'approuvons pas complètement la façon dont il a été proposé et le libellé du préambule. Nous appuyons sans réserve les efforts visant à optimiser la compréhension, la prévention et la prise en charge de la maladie de Lyme au Canada ainsi que la recherche et les autres activités nécessaires afin d'y arriver.
Toutefois, nous voulons souligner que nous souhaitons que ce projet de loi puisse servir à améliorer la vie des nombreux Canadiens qui croient souffrir de la maladie de Lyme, bien que ce soit rarement le cas, et dont l'existence est compromise et très difficile. Ces personnes méritent qu'on mène des efforts concertés pour les évaluer pleinement et ainsi définir des diagnostics alternatifs de maladies pour lesquelles une prise en charge existe, et, peu importe le diagnostic, elles méritent un appui pour améliorer leur vie et leur bien-être ainsi que le bien-être de leur famille.
Le président : Merci. Passons maintenant aux questions. Je cède la parole au sénateur Eggleton.
Le sénateur Eggleton : Docteur Bowie, vos observations me laissent perplexe. J'ai bien compris que vous n'approuvez pas le préambule, mais vous approuvez les dispositions exécutoires du projet de loi et la tenue d'une conférence où d'autres acteurs du milieu et vous auriez l'occasion d'être entendus. Vous parlez de diagnostics et de mauvais diagnostics, et vous laissez entendre que de nombreuses personnes pensent souffrir de la maladie de Lyme, mais que c'est rarement le cas. S'agit-il d'un grand pourcentage? J'ai aussi entendu l'un d'entre vous dire que les tests ne révèlent pas toujours ce dont une personne est atteinte.
Quel est le problème? Devons-nous faire davantage de recherche? Que proposez-vous?
Dr Bowie : À titre d'universitaire, je suis toujours en faveur de la recherche. Toutefois, pour répondre à votre question, il existe beaucoup de confusion par rapport au diagnostic de la maladie de Lyme. Au début de la maladie, on traite les patients sans preuve diagnostique. Il s'agit d'un diagnostic clinique, basé sur des symptômes comme l'éruption que j'ai mentionnée ou des symptômes neurologiques, entre autres. Les tests en laboratoire ne sont pas utiles pour évaluer ces personnes ou pour leur prise en charge parce qu'elles n'en ont pas besoin. Au début de la maladie de Lyme, tout comme c'est le cas pour toutes les autres maladies infectieuses, les résultats des tests sont négatifs. Les anticorps ont besoin d'un certain temps pour se développer.
Dans les cas confirmés de maladie de Lyme ou pour ce qui est des patients qui présentent des symptômes objectifs et évidents de la maladie de Lyme, les tests donnent de bons résultats. Le problème, c'est que l'équipe de M. Wilson et nous ne partageons pas le même avis. Quand les gens pensent être atteints de la maladie de Lyme, nous croyons qu'ils ne le sont pas. Quel est donc le problème?
Bon nombre de ces personnes souffrent d'un syndrome de fatigue chronique, dont souffrent en moyenne 5 p. 100 de la population canadienne. Les résultats de tests en laboratoire aux États-Unis, dont certains proviennent de laboratoires à but lucratif, sont déterminés au moyen d'une méthodologie interne. Ces laboratoires ont toujours refusé de prendre part aux évaluations normalisées qui permettraient d'attester les tests auxquels nous avons recours, ce qui donne probablement très souvent lieu à des faux positifs.
Cette question a été examinée en partie. Un article vient de paraître dans la revue Clinical Infectious Diseases. Dans l'article, on analyse les résultats de patients qui croyaient être atteints de la maladie de Lyme et de personnes qui se sentent tout à fait normales. Les tests ont été menés en fonction des critères normalisés auxquels nous aurions recours dans deux laboratoires à but lucratif qui se considèrent comme étant des laboratoires compétents dans le diagnostic de la maladie de Lyme. Dans l'un de ces soi-disant laboratoires où l'on peut dépister la maladie de Lyme, plus de 50 p. 100 des personnes qui se sentaient tout à fait normales et qui ne présentaient aucun symptôme de la maladie ont reçu un diagnostic positif.
Le président : Ces résultats sont-ils publiés?
Dr Bowie : Cet article vient d'être publié il y a une semaine ou deux dans la revue Clinical Infectious Diseases. Je me ferai un plaisir de vous faire suivre la référence, si vous le souhaitez. L'article est accompagné d'un éditorial.
Le président : J'aimerais savoir si l'article a été évalué par les pairs ou s'il est basé sur des ouï-dire. Voilà ce que je veux clarifier.
Dr Bowie : Il s'agit d'une revue scientifique très crédible évaluée par les pairs.
Le sénateur Eggleton : Elizabeth May affirme que, parmi les maladies infectieuses, la maladie de Lyme a grimpé au troisième rang. Aux États-Unis, ils sont passés de 30 000 à environ 300 000 cas en l'espace d'un an. Êtes-vous en désaccord?
Dr Bowie : Je doute que la maladie grimpe au troisième rang, mais je ne crois pas que ce soit important. Ce qu'il convient de souligner, c'est que la maladie de Lyme est de plus en plus fréquente et répandue au Canada.
Nous et nos collègues, le gouvernement fédéral, les provinces et les universités suivent la situation depuis 20 ans. Certaines données faisant état d'une augmentation du nombre de cas et d'une plus grande propagation sont des données canadiennes analysées par des scientifiques canadiens. Ici, on semble avoir l'impression qu'aucun travail n'est mené, mais oui il y en a.
Le sénateur Eggleton : Il y a manifestement un problème sur lequel il faut se pencher. M. Wilson nous parle de son propre fils et d'un autre voisin décédés. Il y a manifestement un problème dans l'établissement du diagnostic et dans l'offre d'un traitement approprié dès les premiers stades de la maladie.
Dr Bowie : D'un autre côté, les personnes qui reçoivent un diagnostic de maladie de Lyme et qui sont traitées comme telles mais qui ne sont pas atteintes de cette maladie sont assujetties à un mauvais diagnostic et de longs traitements aux antimicrobiens qui posent un risque pour eux, pour leurs familles, pour leur environnement et la résistance aux antimicrobiens et aux maladies comme le Clostridium difficile. Voilà l'essence du problème.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais entendre M. Wilson à ce sujet.
Le président : En passant, nous n'allons pas débattre de cette question. Vous avez clairement fait valoir vos arguments. Vous pouvez répondre clairement à la question.
M. Wilson : Il n'existe pas de test définitif pour la maladie de Lyme. Ma fille a reçu deux ou trois fois des résultats négatifs ici au Canada. Nous avons envoyé des échantillons sanguins à trois laboratoires différents aux États-Unis. Les trois laboratoires américains ont communiqué des résultats positifs. En passant, les laboratoires canadiens achètent leurs tests de fabricants à but lucratif à qui le Centre de prévention et de contrôle des maladies des États-Unis dit quoi mettre dans la trousse. La seule différence entre les tests menés en laboratoires canadiens et ces trois tests menés en laboratoires américains, c'est qu'au Canada, le test ne porte que sur la souche B31, Borrelia burgdorferi. Les autres laboratoires ont mené des tests pour plus d'une souche. Pour ces tests, ces résultats étaient positifs. Elle présentait les symptômes classiques de la maladie de Lyme. Malheureusement, son cœur a été atteint et elle a dû, pour le reste de sa vie, vivre avec un stimulateur cardiaque.
Les méthodes de tests ne sont pas définitives. En outre, dans le cas de la jeune femme décédée au Canada qui était traitée pour la maladie de Lyme, celle-ci n'est pas morte à cause des antibiotiques qu'on lui a donnés, elle a subi un choc anaphylactique. Des milliers de personnes subissent un tel choc à cause de toutes sortes d'irritants, des piqûres d'abeilles, du beurre d'arachide et bien d'autres choses. Dans son cas, elle est morte à cause d'une erreur de soins lors de la réaction visant à contrer son choc anaphylactique.
Il n'existe aucun test définitif au Canada pour exclure la maladie de Lyme. Il est erroné d'établir des renseignements en fonction de l'unique exclusion de la maladie de Lyme, car cela nuit à toutes les personnes qui cherchent activement de l'aide, qui obtiennent de l'aide et qui souhaitent retrouver une vie normale.
Le sénateur Eggleton : Je suis content que nous soyons saisis de ce projet de loi parce que nous devons régler ce problème.
La sénatrice Stewart Olsen : Je me fie surtout à la situation au Nouveau-Brunswick parce qu'elle m'est familière. La personne dirigeant une étude menée à l'Université Mount Allison suggère — et c'est ce qu'elle disait alors qu'elle tentait de me donner un peu de contexte, et elle ne l'a pas exactement dit de cette façon, là ce sont mes mots — si vous croyez avoir contracté la maladie de Lyme, vous devriez probablement envoyer votre échantillon sanguin à un vétérinaire, qui est plus compétent dans le dépistage de la maladie de Lyme. Les tests sont sporadiques.
Moncton a deux hôpitaux. Un hôpital envoie les échantillons à un laboratoire et l'autre hôpital les envoie à un autre laboratoire. Un laboratoire fait des tests plus exhaustifs que l'autre et par conséquent offre des résultats dont la portée est plus large, son dépistage s'étend à bien plus de souches de la maladie de Lyme.
Elle dit que nous accusons vraiment un retard par rapport à ce sujet, même si nous l'étudions depuis longtemps. Nous sommes très en retard. Nos lignes directrices sont fondées sur les lignes directrices américaines qui sont désuètes. Eux aussi sont en retard. Je ne dis pas qu'elle est l'oracle, mais elle fait de la recherche et elle croit dans les résultats basés sur la science.
D'après ce que j'ai lu, et compte tenu de la direction dans laquelle on s'en va, ne seriez-vous pas d'accord avec moi pour dire — et j'aimerais vous entendre tous — qu'il reste du travail à faire et que ce projet de loi dit tout simplement que nous devons avancer et peut-être réfléchir à des choses auxquelles nous n'avons pas réfléchi il y a 10 ans?
Dr Bowie : J'espère que vous ne pensez pas que nous avons toutes les réponses. C'est clair que nous ne les avons pas. La maladie de Lyme est en évolution. On identifie de plus en plus de pathogènes. Ce n'est pas quelque chose que nous remettons en question.
Nous ne disons pas non plus que ces tests sont idéals, mais lorsqu'on évalue des tests, il faut tenir compte du nombre de fois que les résultats sont exacts — c'est-à-dire la sensibilité du test; le nombre de fois qu'on réussit à déceler la maladie chez quelqu'un — la spécificité du test; le nombre de fois qu'on réussit à déterminer qu'un individu n'a pas la maladie; ensuite on applique les résultats à la population en général. Ce sont des tests de laboratoire de base. C'est vrai pour tous les tests.
Je ne sais pas si les tests vétérinaires sont meilleurs que les tests humains. Je ne suis pas au courant. Il y a énormément de travail qui se fait déjà, que nous pourrions mener encore plus loin au Canada. Ce serait fantastique d'essayer d'améliorer notre compréhension des tests diagnostiques. Il ne s'agit pas d'un domaine statique.
Dr Daniel Gregson, président, Association pour la microbiologie médicale et l'infectiologie Canada : Nous ne prétendons pas que ces patients ne sont pas malades, mais nous avons un groupe de patients qui ont certainement la maladie de Lyme d'après des tests de laboratoire, et nous savons très bien gérer la plupart de ces cas. Il y a parfois des patients qui ne réagissent pas à la thérapie et pour lesquels nous parlons de syndrome post-traitement de la maladie de Lyme. Ensuite, il y a un certain nombre de patients, pas beaucoup comparé au nombre total de gens atteints de la maladie qui ont des symptômes qui ressemblent à ceux de la maladie de Lyme mais pour lesquels les tests ont donné des résultats négatifs. Je crois que la vraie question est de savoir s'il s'agit de patients pour lesquels il y a eu une erreur de diagnostic, s'il s'agit de patients qui sont atteints d'une autre maladie, et quel est le meilleur traitement pour eux.
Les patients qui ont des symptômes persistants mais pour lesquels il n'y a pas de diagnostic doivent être évalués et traités dans des cliniques qui ont une approche scientifique. Avons-nous fait une erreur en diagnostiquant? Y a-t-il de meilleurs tests? Quelle est la meilleure thérapie à utiliser pour que ces patients se sentent mieux? La seule façon de répondre à ces questions, c'est d'étudier ces patients. C'est la façon dont nous avons effectué des améliorations pour plusieurs conditions médicales au cours des 15 ou 20 dernières années. Il faut prendre les patients, trouver la catégorie correspondante à leurs symptômes, et décider quels traitements sont les plus appropriés. Sinon, nous effectuons des traitements sans savoir si ça aide les patients ou on utilise des thérapies dont l'efficacité pour les patients n'a pas été démontrée, et ça, ça ne les aide pas non plus.
M. Wilson : La discussion que le projet de loi pourrait déclencher, en ce qui a trait à la conférence, est exactement ce dont nous avons besoin comme point de départ. Ça nous permet de mettre un pied dans la porte. Nous voulons écouter les arguments scientifiques de tous les intervenants. En effet, un des membres de notre conseil d'administration, le Dr Redwan Moqbel, avant qu'il ne décède, avait organisé un des colloques les plus équilibrés en Amérique du Nord sur la maladie de Lyme. Ça lui a pris plusieurs années pour l'organiser. Ça a été cofinancé par l'autorité sanitaire régionale de Winnipeg, la province du Manitoba, la faculté de médecine où il était le chef de l'immunologie à l'Université du Manitoba, et le gouvernement fédéral.
Nous avions invité au colloque des intervenants de l'Infectious Diseases Society of America et avions réuni ces intervenants qui ont contredit certaines de leurs conclusions.
La discussion fructueuse et équilibrée qui a eu lieu a ouvert les yeux à un grand nombre des participants. Je n'y étais pas personnellement, mais trois de nos responsables étaient présents. Au dîner qui a suivi, beaucoup de médecins et autres experts médicaux sont venus les remercier de leur excellente présentation.
C'est exactement ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin de ce genre de dialogue. Nul ne détient toutes les solutions. Ce qui est sûr, c'est que nous faisons fausse route. Il faut donc trouver la voie à suivre. Sans de meilleurs diagnostics en clinique et en laboratoire, on ne peut pas cerner la prévalence de cette maladie au Canada.
Quant à nous, la Fondation canadienne de la maladie de Lyme travaille de pair avec la Fondation G. Magnotta en Ontario ainsi qu'avec les hauts dirigeants de l'hôpital Humber River à Toronto. Certains l'ignorent, mais un nouvel hôpital sera achevé l'automne prochain. Ce sera l'un des établissements de plus haute technologie et écologique d'Amérique du Nord, voire du monde.
Dans le cadre de ce processus, nous avons créé un programme de recherche pour, entre autres, obtenir des tissus humains et collaborer avec des scientifiques financés par Génome Canada et élaborer un programme de recherche sur les tissus humains. Nous allons pouvoir analyser les tissus de ceux qui manifestent les symptômes constatés au fil des années chez des patients atteints de la maladie de Lyme. Entre autres, la sclérose en plaques, la fatigue chronique, la fibromyalgie, le lupus et ainsi de suite. Nous pouvons étudier ces tissus et les analyser grâce aux produits de séquençage de nouvelle génération. Cela nous permet d'analyser convenablement des données et de cerner ce qui se passe. La situation demeurera lacunaire tant qu'on ne peut pas entreprendre de telles recherches.
Tout au long du processus, nous voudrons le soutien de différents paliers du gouvernement et de l'industrie. Cet enjeu ne touche plus seulement les familles, mais aussi la main-d'œuvre. Beaucoup de ceux qui travaillent dehors sont en arrêt maladie, ne pouvant pas travailler en raison des effets de la maladie de Lyme. Notre main-d'œuvre est déjà suffisamment sous pression.
Le sénateur Enverga : Merci pour ces présentations. À mon avis, nous allons dans la bonne direction. Il faut élaborer des tests et des diagnostics précis et un traitement efficace. Ce sujet me préoccupe personnellement, car j'habite à deux pas d'un parc et beaucoup de chevreuils viennent brouter dans mon jardin.
Y a-t-il une éventuelle comparaison à faire avec d'autres maladies portées par les insectes telles que le paludisme ou la peste bubonique? Je sais que différentes souches se fortifieront et seront comparables aux maladies plus mortelles. Les acariens portent cette maladie.
M. Bowie : Pour répondre à votre question telle que je l'interprète, les tiques transmettent beaucoup de maladies. La tularémie, maladie bactérienne, occasionne probablement plus de morts. Sans vouloir minimiser les impacts de la maladie de Lyme, la tularémie transmise par les tiques est peut-être plus mortelle au Canada. Il y a beaucoup de maladies. Est-ce que leur nombre ou leur incidence va changer? Oui. Certains prédisent que la dengue, maladie virale très grave et occasionnellement mortelle, pourrait atteindre le Canada. Elle est déjà au Texas. Le chikungunya, une maladie semblable à la dengue, pourrait connaître un parcours similaire. Ce dont nous pouvons être sûrs, c'est que comme ça a été le cas pour la fièvre du Nil occidental, les changements climatiques et l'évolution des comportements humains entraîneront de plus en plus de ces infections transmises par des insectes. Je le répète, c'est en partie pour cela que nous appuyons les démarches pour étendre la recherche à d'autres maladies que celle de Lyme, même si cette dernière est importante. Nous devons étudier toutes ces maladies d'une manière fort active à titre de prévention et d'information et pour traiter les malades.
Le président : Revenons au projet de loi. Nous n'allons tout de même pas aborder toutes les maladies du monde. Revenons à nos moutons.
Dr Gregson : Plus précisément, la maladie de Lyme est la première maladie transmise par les tiques au Canada. Vous voulez un peu plus de contexte, ou est-ce que ça suffit?
M. Wilson : Plus tôt, on a parlé de mesures de prévention. Nous avons conclu que si vous êtes allé à l'extérieur dans un parc, il est bon de se doucher. Mais d'abord, il faut retirer ses vêtements et les mettre dans le sèche-linge et non pas dans la machine à laver. Faites fonctionner le sèche-linge pendant un quart d'heure et les tiques seront toutes tuées par la chaleur. Ces sales petites bêtes survivront toujours à un tour dans la machine à laver. Elles sont coriaces.
Le sénateur Enverga : J'espère que davantage de recherche sera effectuée au sujet des tiques. Merci.
La sénatrice Cordy : J'ai eu beaucoup de communications en personne et par courriel avec des gens qui souffrent de la maladie de Lyme. L'enjeu qui est sans cesse soulevé, c'est le dépistage. Vous avez parlé de laboratoires à but lucratif aux États-Unis où certains sont allés se faire dépister, mais je présume que compte tenu du système de santé des États-Unis, la plupart, si ce n'est pas la totalité, des laboratoires sont, comme les hôpitaux, à but lucratif. J'ai peut-être tort.
Le président : Nous n'allons pas aborder ce sujet.
La sénatrice Cordy : Non. Docteur Bowie, vous avez dit que le dépistage tardif de la maladie de Lyme fonctionne bien, mais que le dépistage précoce n'est pas aussi fiable. Si vous faites un dépistage au début de la maladie, vous allez vérifier s'il y a une rougeur concentrique, par exemple. J'ai entendu dire — et je ne suis pas experte en médecine — que cette rougeur n'apparaît pas chez tout le monde. Que pouvons-nous donc faire pour le dépistage? Pourquoi n'avons-nous pas de tests plus fiables pour que ceux qui se font dépister puissent savoir à coup sûr s'ils sont atteints de la maladie de Lyme ou pas? D'après tout ce que j'ai lu sur le sujet, l'idéal, c'est une intervention et un traitement rapides. Mais que peut-on faire si le dépistage précoce ne fonctionne pas? Tout simplement attendre? Si c'était ma famille, je n'attendrais certainement pas. J'irais aux États-Unis ou ailleurs pour faire faire le dépistage.
Dr Bowie : Merci. Encore une fois, je tiens à rappeler que la maladie de Lyme en phase précoce peut être traitée sans dépistage. Nous n'avons pas besoin de dépistage puisque la grande majorité des patients a ce que l'on appelle des symptômes cliniques objectifs. Beaucoup auront des rougeurs, mais pas tous. Si la maladie n'est pas diagnostiquée rapidement, les patients peuvent manifester d'autres types de rougeurs, une paralysie des nerfs, souvent une paralysie faciale avec affaissement du visage, des troubles cardiaques, ou d'autres problèmes neurologiques ou articulaires.
Si un patient ou tout autre individu qui a été dans une zone à risque de tiques, que nous sachions qu'ils ont été victimes d'une tique ou pas ou qu'ils ont eu des rougeurs ou pas ainsi que ces autres symptômes, les directives de l'IDSA préconisent le traitement sans forcément passer par l'étape du dépistage.
Ce qui porte à confusion dans cette discussion, c'est qu'on semble penser qu'il faut un test en laboratoire pour traiter les symptômes précoces de la maladie. Or nous le savons bien, le résultat du dépistage est souvent négatif à l'étape précoce, comme c'est le cas pour la quasi-totalité des infections. Le dépistage se base sur la création d'anticorps, un processus qui prend du temps. Dans ce cas, il faut le stimulus de l'infection auquel le corps réagit, ce qui peut prendre des semaines. Une éruption cutanée peut se manifester bien avant cela. Voilà pourquoi, nous traitons en fonction de ces facteurs, entre autres.
Je crois qu'une bonne partie de cette discussion portant sur les tests de diagnostic erronés n'est pas bien située dans son contexte. Je n'affirme pas que les tests en laboratoire sont merveilleux, mais la majorité des gens en phase précoce de la maladie de Lyme n'ont pas besoin d'un test en laboratoire, point final.
La sénatrice Cordy : Monsieur Wilson, j'ai écouté votre exposé à Sherbrooke, au Québec. Quelle est votre expérience des tests?
M. Wilson : Il a raison. Les tests effectués au début de la maladie de Lyme sont inefficaces, alors il faut se fier aux symptômes cliniques. Le problème, c'est qu'on n'informe pas les médecins de la largeur du spectre des symptômes.
Je peux citer mon propre cas en exemple. J'avais cette éruption cutanée. C'est rare. La plupart des recherches en cours indiquent que moins de 50 p. 100 des gens atteints verront apparaître une éruption cutanée quelconque, et seulement 9 p. 100 de ces éruptions cutanées se manifesteront avec cette belle forme concentrique, facile à identifier.
Dans mon cas, l'éruption cutanée concentrique s'est manifestée autour de mon nombril au début du mois de juin en 1991 à Dartmouth, mais ce n'est qu'à la fin août, lors d'un voyage à travers le Canada, que les symptômes ont commencé à se manifester. À ce moment-là, je suppose que l'éruption cutanée était un symptôme, mais bien sûr, je ne comprenais pas sa signification et je n'avais jamais entendu parler de la maladie de Lyme. Je n'avais pas d'autres symptômes avant le voyage à travers le Canada. À ce moment-là, la maladie avait eu bien assez de temps pour se propager.
Quand j'ai finalement passé mon test, le résultat était négatif. Le test effectué pendant le dernier stade de la maladie est inefficace. Il sera erroné dans 100 p. 100 des cas s'il est incapable de détecter la diversité génétique du type de maladie de Lyme dont la personne est peut-être atteinte.
Nous savons déjà que le test est incapable de dépister quoi que ce soit si la bactérie diffère légèrement du profil génétique de Borrelia burgdorferi, ou B31. Si je suis infecté par Borrelia americana, par exemple, le test effectué à un stade avancé donnera toujours un résultat négatif. Mais ce résultat ne me dit pas que je n'ai pas la borréliose. Il m'indique tout simplement que mon résultat ne cadre pas avec les critères du test.
En ce qui concerne le test pour les chiens — le test que la plupart des vétérinaires administrent à leurs chiens — il s'agissait d'un test conçu pour les humains. C'est un test ELISA du peptide C6. Certaines provinces en permettent l'administration aux humains, et ce test est en mesure de déceler un spectre élargi de la bactérie Borrelia. Mais voilà qu'ensuite on effectue un test de confirmation pour justifier le résultat positif, et ce résultat doit lui aussi être positif, et le test de confirmation n'est rien de plus que cette même vieille souche B31 de la bactérie Borrelia burgdorferi. On vient d'éliminer tout avantage lié à un test supérieur. De nombreuses raisons justifient la nécessité d'une discussion à grande échelle.
La sénatrice Cordy : Quelle est l'ampleur de la recherche effectuée sur la maladie de Lyme au Canada en ce moment?
Dr Bowie : C'est énorme.
La sénatrice Cordy : Ah oui?
Dr Bowie : Comme je l'ai déjà dit, la première souche de la bactérie Borrelia burgdorferi cultivée en Colombie-Britannique l'a été dans mon laboratoire en 1999, je crois. J'ai travaillé en étroite collaboration avec des collègues au laboratoire, des collègues à la santé publique et des vétérinaires depuis ce moment-là pour essayer de déterminer l'étendue de la maladie et pour sensibiliser le public et les fournisseurs de soins de santé. En essayant de convaincre le public de prendre des mesures préventives, les fournisseurs de soins de santé confirment que la maladie de Lyme existe. C'est une réalité. Il faut la diagnostiquer et la traiter de manière précoce. Le laboratoire de la santé publique ici à Ottawa fait un travail exceptionnel — ainsi que les provinces — en essayant de mesurer l'étendue de la maladie.
Ce que nous n'avons pas, et cela fait partie du projet de loi et j'en ai parlé dans mon exposé, c'est une bonne idée de l'ampleur de la maladie de Lyme au Canada. Vous avez entendu mon exposé. À la lumière de cette discussion, j'aimerais le savoir. J'aimerais bien le savoir.
Toutefois, étant donné que les opinions sont nettement partagées sur la question de savoir si la maladie de Lyme chronique existe, si ce projet de loi est adopté, je demande instamment qu'on suive les cas de maladie de Lyme dépistés grâce aux méthodes classiques et puis l'impact de la maladie de Lyme chez ceux qui s'en croient atteints. Le nombre de ces derniers est incommensurablement plus élevé. Il nous faut ces données, puisque, qu'ils aient ou non la maladie de Lyme, ces gens-là ont désespérément besoin des tests de dépistage et soins médicaux appropriés, et de tous les soutiens nécessaires pour adoucir leur vie infernale.
La sénatrice Cordy : Le territoire est vaste, comme l'a dit Mme May, et vous avez contracté la maladie de Lyme à Dartmouth, dans une zone qui n'est pas particulièrement rurale; c'est une ville relativement importante. Je crois que le grand public en est de plus en plus conscient, du moins, et espérons qu'il prendra des précautions. Merci.
Le président : J'ai écouté très attentivement, puisque je savais que les opinions étaient partagées sur la question, mais en fait je n'entends pas de désaccord sur la nécessité d'accroître de façon importante les activités bien organisées de recherche scientifique et clinique sur cette maladie et d'appliquer les techniques modernes à ce problème. Ce que j'ai entendu, c'est qu'on s'inquiète des conséquences possibles du libellé du projet de loi.
D'après ma lecture du projet de loi, et personne n'a laissé entendre le contraire, aucune formulation dans le préambule n'est normative, en ce sens qu'elle entraînerait une exigence, si ce projet de loi était adopté, qui orienterait de quelque façon que ce soit l'exercice de la médecine. C'est-à-dire que les interprétations peuvent varier, mais c'est le préambule. Ce ne sont pas les clauses du projet de loi, donc il n'y a pas de conséquence normative du tout.
Docteur Bowie, il semble que vous n'êtes pas d'accord là-dessus?
Dr Bowie : Je viens d'apprendre, aujourd'hui en fait, qu'on supprimera le préambule si le projet de loi est adopté. Cela peut rassurer certains. Ma préoccupation, notre préoccupation, c'est que le préambule ne disparaîtra pas pour autant de la documentation. Il circulera, avec son lot de conséquences. Tant qu'il circule, c'est une condamnation accablante de la science et un appui à ce que j'appellerais la pseudoscience ou les données peu fiables, d'une part.
D'autre part, je pense qu'il occasionnera d'autres difficultés dans la gestion des personnes atteintes de la maladie de Lyme. La pauvre personne dans la collectivité qui souffre de symptômes chroniques et dont la maladie n'est pas diagnostiquée cherche désespérément des solutions, à juste titre. Elle va s'appuyer sur ce document, qui affirme essentiellement qu'au Canada nous n'arrivons pas à dépister et à traiter la maladie de Lyme. Elle va faire pression sur son médecin pour qu'il parvienne à trancher le dilemme. J'estime que le préambule minera la gestion des patients au Canada.
Le président : Je ne suis pas du tout d'accord avec vous là-dessus, docteur Bowie. En fait, j'habite une province où la maladie de Lyme est présente depuis, dans ce cas précis, au moins 20 ans. Il y a des régions de la Nouvelle-Écosse qu'on identifie comme ayant un risque important de maladie de Lyme depuis un bon moment déjà.
Je sais, de par mon expérience dans les secteurs scientifiques et médicaux, que jusqu'à récemment, beaucoup de médecins en Nouvelle-Écosse niaient l'existence de la maladie de Lyme dans la province.
Je pense que l'enjeu ici n'est pas votre point de vue personnel sur la perception du préambule, mais plutôt le contenu du projet de loi, qui pourra nous permettre de regarder cette maladie qui a été reconnue par vous et par d'autres comme étant importante pour les Canadiens. C'est le contenu du projet de loi qui nous intéresse en tant que comité.
Si le préambule contenait des mots diffamatoires ou révolutionnaires, le comité s'en inquiéterait. Nous serions également très inquiets que le préambule se reflète dans les articles du projet de loi et donne des directives aux médecins. Mais votre point de vue ou votre perception de la société n'est pas un enjeu important pour nous.
On nous a dit clairement qu'il faut faire plus de recherche sur ce sujet. En effet, un chercheur qui étudie la maladie de Lyme nous a dit aujourd'hui dans un exposé qu'il y a déjà des recherches qui se font. En effet, comme vous l'avez dit docteur Bowie, au Canada, l'Agence de la santé publique est un des centres où l'on étudie l'incidence de cette maladie sur la société. Mais il y a un manque de coordination parmi les chercheurs dans le pays, notamment pour ce qui est de la maladie de Lyme.
Si on regarde le progrès des recherches médicales et scientifiques, ce serait difficile de conclure, à partir des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui, que ce projet de loi aurait un effet néfaste. Au contraire, ce projet de loi propose d'aller de l'avant dans ce domaine.
Vous avez dit que souvent les gens se présentent chez le médecin et exigent de se faire soigner pour la maladie de Lyme. Selon mon expérience, les médecins sont souvent inondés de patients qui disent avoir une maladie grave et qui veulent se faire soigner. Quand j'étais jeune, il y avait ces fameuses pilules roses et bleues sur les bureaux des médecins et on s'en servait pour soigner l'hypocondrie chronique et d'autres problèmes.
Nous reconnaissons qu'il y a un besoin important. Nous avons vu qu'une seule bactérie peut prendre plusieurs formes différentes. Nous savons que les bactéries changent régulièrement d'environnement, ce qui m'amène à la question suivante : est-ce que la situation va s'empirer? Nous savons que ces bactéries sont très intelligentes, et elles peuvent échanger des informations entre elles.
Il y a une vaste gamme de bactéries dans le monde qui peuvent mener à des symptômes semblables à ceux de la maladie de Lyme. Nous savons qu'il y a plusieurs animaux qui ont des tiques, des tiques qui sont porteuses de diverses bactéries qui ressemblent aux bactéries de la maladie de Lyme, mais certains de ces animaux ne se déplacent pas beaucoup. Certains se déplacent beaucoup. Mais d'autres animaux, comme le cerf, peuvent entrer en contact avec nos animaux domestiques, ce qui crée un problème pour les êtres humains.
Pour conclure, je dirai qu'on a besoin de faire plus de recherche dans le domaine. Je vous remercie de nous avoir présenté votre point de vue, ce qui nous guidera dans notre étude.
Monsieur Wilson, vous vous êtes très bien exprimé, et je vais m'arrêter là. Je pense qu'on a identifié les préoccupations. Je vous remercie d'être venus. Je remercie mes collègues pour leurs questions, et je déclare que la séance est levée.
(La séance est levée.)