Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 29 - Témoignages du 11 mars 2015
OTTAWA, le mercredi 11 mars 2015
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, pour étudier le projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je viens de la Nouvelle-Écosse. Je suis le président du comité. J'invite maintenant mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Chaput : Bonjour, Maria Chaput, du Manitoba.
[Traduction]
La sénatrice Raine : Je m'appelle Nancy Greene Raine et je viens de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Enverga : Je m'appelle Tobias Enverga, et je viens de l'Ontario.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le président : Je rappelle à notre auditoire que nous commençons aujourd'hui notre étude du projet de loi S-208, Loi sur la commission canadienne de la santé mentale et de la justice. Nous accueillons aujourd'hui le parrain du projet de loi, le sénateur Jim Cowan.
Le comité directeur a convenu d'accorder 30 minutes au sénateur Cowan, qui nous présentera un aperçu de son projet de loi. Il y aura ensuite une question de chaque parti, qui sera posée par le sénateur Eggleton et la sénatrice Seidman. Nous entendrons après les témoins qui figurent à notre ordre du jour.
Sénateur Cowan, c'est un plaisir de vous accueillir au comité. Je vous cède la parole.
L'honorable James Cowan, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président, et mes chers collègues. Je suis ravi d'être ici. J'ai échangé quelques mots avec le président et je lui ai dit combien de temps je voudrais pour expliquer le contexte du projet de loi. Il m'a assuré que j'aurais 30 minutes que je pourrais employer comme bon me semble. Comme vous le savez, je ne suis jamais bien loin et je serai ravi de répondre à vos questions sur cette mesure législative. En outre, j'espère que nous pourrons en débattre quand le Sénat en sera de nouveau saisi.
Je suis très heureux d'être ici, monsieur le président, pour amorcer vos travaux sur mon projet de loi, le projet de loi S-208, Loi sur la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.
Ce projet de loi porte sur les personnes ayant des troubles mentaux qui ont des démêlés avec la justice pénale. La plupart des personnes souffrant de maladie mentale n'ont jamais de contact avec la justice pénale. Cependant, au sein du système de justice pénale, il y a beaucoup trop de gens qui ont des troubles mentaux. De plus en plus, nos prisons et pénitenciers sont remplis non pas de criminels endurcis, mais de personnes ayant des problèmes de santé mentale. L'an dernier, selon l'enquêteur correctionnel du Canada, 61 p. 100 des nouveaux détenus au sein du système carcéral fédéral qui avaient fait l'objet d'un test de dépistage de maladie mentale avaient besoin de suivi. D'ailleurs, on estime qu'en raison de la stigmatisation, de la crainte et de l'absence de détection et de diagnostic, bien des cas de maladie mentale dans nos pénitenciers ne sont pas déclarés. Autrement dit, ce pourcentage est probablement plus élevé.
Je le répète, la plupart des personnes ayant des troubles mentaux n'ont jamais de démêlés avec la justice pénale. Il importe de le rappeler, car il ne faudrait pas, par inadvertance, stigmatiser davantage la maladie mentale. Mais il est troublant que 40 p. 100 des personnes ayant des troubles mentaux ont été arrêtées au moins une fois dans leur vie.
Chers collègues, quand vous recevez un diagnostic de maladie gastrique ou cardiaque, cela ne signifie pas que vous serez plus susceptibles d'être arrêtés ou emprisonnés. Or, pour ceux qui ont la malchance de souffrir de maladie mentale, c'est la réalité. Comme le dit l'Association canadienne pour la santé mentale, la santé mentale est criminalisée. Mais nos pénitenciers ne sont pas des hôpitaux et les gardiens de prison et autres agents correctionnels ne sont pas des professionnels de la santé mentale. Ils tentent de dispenser des traitements, mais ce n'est pas leur rôle. Les pénitenciers fédéraux ont du mal à répondre aux besoins des détenus. En effet, vendredi dernier, les médias ont indiqué que 515 places en soins aigus dans nos établissements carcéraux seraient transférées et serviraient à la prestation immédiate de soins psychiatriques. Cela confirme donc la crainte exprimée par l'enquêteur correctionnel que, ce faisant, nous déshabillons Pierre pour habiller Paul.
Outre la question des lits dans les hôpitaux, l'enquêteur correctionnel a constaté que le milieu carcéral aggrave les problèmes de santé mentale. Il est propice à ce que l'enquêteur qualifie de comportements perturbateurs, soit l'agression, la violence, l'automutilation, les idées suicidaires, le repli sur soi et le refus ou l'incapacité de suivre les ordres et les règles de la prison. Il a ajouté que, trop souvent, le personnel correctionnel ne comprend pas pourquoi certains détenus agissent ainsi et, du coup, il ne réagit pas comme il le devrait.
Certains cas sont bien connus. Nous avons tous entendu les histoires déchirantes d'Ashley Smith et Edward Snowshoe, deux jeunes Canadiens souffrant de maladie mentale qui se sont suicidés en prison.
Ashley Smith était encore adolescente à son arrivée dans le système correctionnel. Son premier crime avait été de lancer des pommettes à un facteur parce qu'elle croyait qu'il refusait de livrer les chèques d'aide sociale. Sa peine originale a été prolongée à répétition en raison de sa conduite en prison. Voici comment Kim Pate, de la Société Elizabeth Fry, a décrit le cas de Mme Smith dans un article du Globe and Mail :
Ashley Smith a été mise en détention la première fois à l'âge de 15 ans pour bris de probation. Par la suite, ne pouvant maîtriser sa colère après avoir été atteinte d'une décharge de pistolet électrique, gazée, enchaînée, droguée et isolée, on lui a imposé de nouvelles peines d'emprisonnement et des conditions plus dures.
Elle s'est retrouvée en isolement à maintes reprises.
Comme nous le savons tous, elle n'est jamais sortie de prison. Elle s'est enlevé la vie dans sa cellule d'isolement presque quatre ans jour pour jour après avoir lancé ces pommettes.
À l'issue de son enquête sur la mort d'Ashley Smith, le coroner a formulé 104 recommandations. La première recommandation soulignait que le cas de Mme Smith prouvait que le système correctionnel fédéral et le système provincial de soins de santé peuvent omettre de dispenser le soutien, les soins et le traitement dont ont besoin les détenus malades mentaux, qui ont de grands besoins et présentent un risque élevé.
Edward Snowshoe a été le sujet d'un long reportage paru dans le Globe and Mail en décembre. Il a fait quatre tentatives de suicide avant de réussir à s'enlever la vie, à 24 ans. Il avait passé 162 jours consécutifs en isolement. Comme le dit Patrick White dans le Globe and Mail :
Sa mort était annoncée. Pendant les trois années qu'il a passées en prison, le jeune homme timide, mais en pleine santé qu'était M. Snowshoe s'est transformé en détenu souffrant d'idées suicidaires et chroniques et de toute une gamme de troubles mentaux.
J'espère que, pendant les audiences, nous pourrons examiner le bien-fondé de l'isolement pour les détenus ayant des problèmes de santé mentale.
Chers collègues, chaque jour, quelque 1 800 détenus sont en isolement dans les établissements carcéraux fédéraux et provinciaux, dont la moitié souffre de maladie mentale.
L'enquêteur correctionnel, entre autres, s'est maintes fois élevé contre cette pratique. En septembre dernier, il a rendu public un rapport sur les morts par suicide dans les établissements fédéraux, dont la moitié survient en isolement. Il a déclaré :
Je m'inquiète du fait que le Service correctionnel du Canada continue d'avoir recours à l'isolement préventif à long terme pour gérer les symptômes ou les comportements associés à la maladie mentale, aux idées suicidaires et à l'automutilation. Cette pratique n'est pas sécuritaire et devrait être expressément interdite.
Comme l'a souligné le coroner qui a enquêté sur l'affaire Ashley Smith, il s'agit d'un échec collectif; nos prisons et le recours à l'isolement préventif sont à blâmer, en effet, mais les problèmes commencent bien plus tôt.
Les policiers doivent maintenant s'acquitter de responsabilités des travailleurs de santé mentale de première ligne, ce qu'ils n'avaient sûrement pas prévu quand ils se sont joints au service de police.
Jim Chu, chef du Service de police de Vancouver, a abordé le sujet quand il était président de la l'Association canadienne des chefs de police. Voici ce qu'il a déclaré :
Nous étions auparavant le service de dernier recours; nous sommes maintenant les premiers prestataires de services en santé mentale, et il ne devrait pas en être ainsi. Nous ne répondons pas aux besoins des personnes souffrant de maladie mentale, qui méritent de meilleurs soins.
[...] nous devons nous concentrer moins sur la sortie de crise et davantage sur la prévention.
Voici d'autres statistiques : 1 intervention de police sur 20 met en cause une personne ayant des troubles mentaux. À Toronto seulement, chaque année, les agents du service de police interviennent dans quelque 20 000 situations où une personne est en crise, c'est-à-dire que la personne, qui souffre de troubles mentaux, est ultérieurement décrite par le policier comme étant troublée émotivement.
La plupart de ces situations sont résolues de façon pacifique, mais un trop grand nombre d'entre elles tournent en tragédie. Voici d'autres statistiques pour Toronto, d'où nous proviennent les données les plus récentes : entre 2002 et 2012, cinq personnes considérées par le Service de police de Toronto comme souffrant de troubles affectifs ont été tuées par balle par un policier. L'une de ces tragiques fusillades, celle de Sammy Yatim, a incité le chef de la police de Toronto, Bill Blair, à commander un examen indépendant des interactions des policiers avec les personnes en crise à l'ancien juge de la Cour suprême du Canada, Frank Iacobucci. Le juge Iacobucci a rendu public en juillet dernier son rapport de 400 pages dans lequel il dit notamment ceci :
[...] les contacts entre les policiers et les personnes en crise ne s'amélioreront pas sans la participation des organismes municipaux, provinciaux et fédéraux, car tous ces organismes font partie du problème et doivent donc contribuer à le résoudre.
À bien des égards, cette réalité est l'aspect sociétal le plus troublant de mon examen. Le bon fonctionnement du système de santé mentale est essentiel si nous voulons prévenir les cas de détresse psychologique.
Plus loin dans son rapport, il nous prévient que, à moins de changer notre approche, les tragédies se multiplieront.
Je suis d'accord. C'est pour cela que j'ai présenté le projet de loi S-208. La prémisse de la mesure législative figure au premier paragraphe du préambule :
Attendu : qu'adopter une approche englobante pour la promotion du bien-être mental et le traitement de la maladie mentale contribuerait à la sécurité publique et que cela entraînerait une baisse de la criminalité, de l'incarcération et des coûts associés et assurerait de meilleures chances de réhabilitation et une utilisation plus judicieuse des ressources du système de justice pénale.
Le projet de loi propose que le Parlement crée une nouvelle commission canadienne de la santé mentale et de la justice dont le mandat est établi clairement dans la loi. La mission de cette nouvelle commission est décrite à l'article 4 :
La Commission a pour mission de faciliter, dans tout le Canada, le développement, la mise en commun et l'application des connaissances, des données statistiques et des compétences spécialisées sur les sujets liés à la santé mentale et au système de justice pénale afin de contribuer à la santé, à la sécurité et au bien-être de l'ensemble des Canadiens et d'aider à établir des méthodes appropriées, justes et efficaces pour répondre aux besoins des individus — adolescents ou adultes — souffrant de troubles de santé mentale ou d'une maladie mentale et qui sont pris en charge par le système de justice pénale.
Chers collègues, nous avons de nombreuses organisations, y compris l'excellente Commission de la santé mentale du Canada, qui travaillent chacune sur divers aspects de la santé mentale et du système judiciaire. Par contre, il n'existe aucune organisation qui se consacre particulièrement à la combinaison de ces deux enjeux, dont le mandat serait de rassembler tous ces groupes, organismes, acteurs et rapports.
Le projet de loi expose en détail la manière dont la commission doit atteindre ces fins, en commençant par le mandat qui lui est donné de participer à la prévention du crime au moyen d'initiatives qui favorisent la santé mentale et, par- dessus tout, qui permettent la détection et le traitement précoce de la maladie mentale.
La commission serait chargée de promouvoir l'étude et l'élaboration de lois, de politiques et de pratiques exemplaires qui portent sur les besoins non seulement des personnes qui souffrent de maladie mentale et qui sont intégrées au système de justice criminelle, mais aussi de celles qui risquent d'y être intégrées, ainsi que de participer à cette étude. Tout cela dans le but d'améliorer la santé mentale, de réduire la criminalité et les taux de récidive, et de protéger le public. Je ne doute pas que vous conveniez tous que tout le monde en profite quand on peut empêcher que surviennent des crimes, quand on protège les droits de tous les Canadiens de ne pas devenir des victimes.
J'aimerais en outre souligner que le projet de loi chargerait la nouvelle commission d'étudier les besoins en matière de santé mentale des victimes de crime ainsi que de leurs familles, et de chercher les moyens par lesquels le système de justice pénale peut au mieux répondre à ces besoins. Elle examinerait les défis en matière de santé mentale, y compris le stress professionnel que vivent les policiers et les agents correctionnels, qui sont par ailleurs des enjeux qu'avait déjà soulignés le juge Iacobucci dans son rapport.
La commission élaborerait des programmes de formation pour divers types de participants au système de justice pénale, y compris les policiers, les fonctionnaires des tribunaux, les juges et les agents correctionnels. Elle se pencherait sur la détection, le recensement et l'évaluation des enjeux liés à la santé mentale à toutes les étapes du processus judiciaire, y compris sur d'éventuels programmes de recensement et de déjudiciarisation, les tribunaux de santé mentale, des programmes de traitement préalables aux procès et aux condamnations, pour ne donner que quelques exemples.
Voici donc quelques éléments saillants. Ce projet de loi est bien plus que cela, et j'en discuterai volontiers avec vous dans le temps qui me reste, mais je pense que ce qui est le plus important, c'est que nous entendions les experts qui viendront témoigner devant nous dans le cadre des audiences sur ce projet de loi.
Il y a une chose sur laquelle je tiens particulièrement à attirer votre attention, et c'est que la commission examinerait les démarches exemplaires de traitement des personnes jugées non criminellement responsables, pour motif de trouble mental. Je sais que Mme Anne Crocker, de l'Université McGill, a dirigé une équipe qui a fait des recherches approfondies sur le sujet. J'avais espéré qu'elle comparaisse devant notre Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles l'année dernière quand nous étudiions le projet de loi C-14, qui a modifié le système de non- responsabilité criminelle. Elle voulait présenter les résultats de ses recherches, mais malheureusement, elle ne l'a pas pu. J'espère que notre comité lui donnera l'occasion de le faire.
La dernière chose que j'aimerais souligner, c'est l'accent particulier qui est mis sur la collecte, l'analyse et la communication de statistiques et d'autres données relatives à la santé mentale et à la justice pénale. Plusieurs articles portent sur cette fonction des plus indispensables.
Pour ce qui est de la structure du comité, vous constaterez que je propose d'attribuer la responsabilité du choix des membres en premier lieu au ministre de la Santé, avec la collaboration des ministres de la Justice et de la Sécurité publique. Tous trois sont évidemment d'une importance absolue, mais ma proposition témoigne de ma conviction que la santé mentale est d'abord et avant tout une question de santé.
La commission aurait l'appui d'un conseil consultatif en matière de santé mentale et de justice qui compterait parmi ses membres des personnes qui auraient — directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un proche — vécu des expériences liées aux troubles de santé mentale alors qu'elles avaient des démêlés avec le système de justice pénale. Le juge Iacobucci a insisté sur l'importance de la participation de telles personnes.
Chers collègues, je le répète, la plupart des gens qui vivent avec des problèmes ou des troubles de santé mentale n'ont jamais de démêlés avec le système de justice pénale. Loin d'être les auteurs de crimes, ces gens sont deux fois et demie plus susceptibles que le reste de la population canadienne d'être victimes de crimes. Cependant, beaucoup trop d'entre eux se retrouvent pris dans les rouages du système de justice pénale, lequel n'a jamais été conçu pour composer avec une population de détenus ayant des besoins en matière de santé mentale.
La Commission canadienne sur la santé mentale et la justice devrait être vue comme un investissement pour mieux protéger tout le monde contre les conséquences de troubles mentaux graves. Comme c'est un investissement pour tous, je ne pense certainement pas qu'il devrait être financé par un détournement des ressources déjà très restreintes que nous consacrons à la santé mentale dans notre riche pays.
Pour terminer, je vais en surprendre certains en citant notre premier ministre. La semaine dernière, le 4 mars, le premier ministre Harper a demandé le soutien de son nouveau projet de loi sur la condamnation à perpétuité sans libération conditionnelle en disant ce qui suit :
[...] la souffrance des victimes d'actes criminels de cette nature et la souffrance de ceux qui les aiment sont déjà bien suffisantes.
Imaginez maintenant ce qu'ils ressentent quand, une fois toute la vérité dévoilée, ils découvrent qu'on aurait pu empêcher ce crime d'être commis dès le départ...
Que celui qui a commis le crime aurait pu, aurait dû, se trouver derrière les barreaux.
Lorsqu'une telle réalité est dévoilée, à ce moment, leur angoisse doublée d'incrédulité se change en indignation.
Non seulement en eux, mais dans toute la communauté.
Et par la suite, nous sommes tous amenés à nous demander en quoi consiste réellement la justice.
Ils se sentent, nous nous sentons trahis.
Et si, quand toute la vérité est dévoilée, les victimes et leurs proches apprennent que le crime aurait pu être prévenu, que la cause véritable du crime, c'est la maladie mentale, et que si elle avait été décelée et traitée, le crime n'aura pas été commis? Pour revenir sur ce que disait M. Harper, quand c'est découvert, à ce moment même, leur angoisse s'ajoute à l'incrédulité et l'indignation, « Non seulement en eux, mais dans la communauté tout entière. Et par la suite, nous sommes tous amenés à nous demander en quoi consiste réellement la justice. Ils se sentent, nous nous sentons trahis. »
Je suis prêt à répondre à toutes vos questions. Vous savez où me trouver, et je discuterai volontiers avec vous quand vous le souhaiterez.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président : Je vous remercie, sénateur. Comme convenu, je vais donner l'occasion au sénateur Eggleton et à la sénatrice Seidman de vous poser au moins une question avant qu'ils n'en aient plus le temps.
Le sénateur Eggleton : Je tiens à applaudir mon collègue pour avoir intégré ces importants enjeux à ce projet de loi. Ce sont là des questions qui exigent d'être réglées au niveau fédéral, mais aussi à tous les paliers de gouvernement.
J'aimerais faire quelque chose d'assez inusité, monsieur le président. Je souhaite céder ma question à la sénatrice Chaput. Elle aimerait poser une question au sujet des langues officielles. Au lieu de poser ma question, je lui laisse ma place. Je sais où trouver le sénateur, comme il l'a dit lui-même.
La sénatrice Chaput : La question est très brève, sénateur. Elle porte sur la Loi sur les langues officielles et ses exigences. Je me demandais si cette commission, à votre avis, et dans le projet de loi, respecterait la Loi sur les langues officielles et ferait le nécessaire pour respecter ses exigences.
Le sénateur Cowan : Je vous remercie, madame la sénatrice. Vous m'en aviez glissé un mot plus tôt, cet après-midi. Je ne connaissais pas la réponse. Je pensais la connaître, mais j'ai vérifié, et il y a dans la Loi sur les langues officielles une disposition selon laquelle toute commission qui serait créée conformément à une loi fédérale est assujettie à la Loi sur les langues officielles et à toutes les obligations qu'elle impose. La réponse à votre question, donc, est oui.
La sénatrice Chaput : Je vous remercie.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, sénateur, d'avoir comparu devant nous pour nous parler d'un enjeu très important.
À la suite de votre discours à l'étape de la deuxième lecture au Sénat, le 13 février 2014, une question très précise vous a été posée, à savoir si des institutions déjà existantes ne pourraient pas se charger de ce mandat. Permettez-moi de lire la transcription du dernier paragraphe de votre réponse, et peut-être ensuite pourrez-vous nous aider à comprendre ce que vous entendiez par les propos suivants :
Nous avons besoin d'une entité précise, chargée de lutter contre ce problème en vertu d'un mandat prévu par la loi. Je pense qu'il ne s'agit peut-être pas du moyen parfait et qu'il pourrait donc être modifié pour répondre aux besoins. Nous pourrions être en mesure d'adapter le mandat d'un organisme existant pour atteindre cet objectif. Toutefois, aucun organisme n'a le mandat précis...
Le sénateur Cowan : Oui.
La sénatrice Seidman : Vous soulevez là deux enjeux qui sont assez fondamentaux. L'un porte sur le mandat législatif et ce qui vous motive à prendre cette voie, et ses conséquences. L'autre porte sur le fait qu'il pourrait déjà exister un organisme, par exemple, la Commission de la santé mentale du Canada, dont le mandat pourrait englober cet enjeu particulier.
Le sénateur Cowan : Parlons donc de la Commission de la santé mentale du Canada qui, nous le savons tous, est née d'une recommandation d'un comité sénatorial. Elle a fait un excellent travail. Je vous remercie de me donner cette occasion de dire que j'applaudis l'œuvre de plusieurs organismes existants. C'est un travail important qu'ils font dans le domaine.
Comme j'essayais de le dire dans mon discours au Sénat cet après-midi encore, il s'agit ici d'avoir une entité qui rassemblerait tout cela, en mettant particulièrement l'accent sur la jonction du système de justice pénale avec la santé mentale. Par exemple, le Commission de la santé mentale a fait déjà un excellent travail dans le domaine. Bien que deux études aient été menées récemment, et je pense que nous en discuterons certainement avec les représentants de la commission quand ils comparaîtront après moi cet après-midi, rien, dans le mandat de la Commission de la santé mentale ne mentionne spécifiquement la justice pénale. Elle a fait un excellent travail dans le domaine, et j'ai parlé des travaux de Mme Crocker sur la non-responsabilité criminelle. C'est du travail de qualité, et d'autres organismes en font aussi, non seulement au niveau fédéral, mais aussi dans les provinces. Ce que je dis, c'est que compte tenu de l'ampleur du problème, il faut un organisme qui se concentre particulièrement sur cet enjeu.
L'autre chose que je voulais ajouter, c'est que, comme vous le savez, la Commission de la santé mentale n'a pas été établie en vertu d'une loi. Elle a reçu un mandat de 10 ans, qui vient à échéance en 2017 et qui n'a pas été renouvelé. Nous espérons tous, certainement, et peut-être même nous attendons-nous à ce qu'il soit renouvelé, mais le gouvernement ne s'est pas encore engagé à renouveler son mandat au-delà de 2017. J'espère que le gouvernement le fera, ou qu'un gouvernement futur nous donnera cette assise législative ou ce cadre législatif à la Commission de la santé mentale du Canada.
L'une des choses que je propose, dans les propos que vous avez cités, c'est que le moyen préférable d'atteindre mon but, c'est d'élargir le rôle d'un organisme existant et de lui attribuer un rôle de coordination avec les fonds nécessaires pour lui permettre de le faire, parce que je ne doute pas que, quels que soient les organismes qu'on entendra, ils nous diront tous qu'ils font du bon travail, mais que leurs ressources sont limitées. C'est ce que font tous les organismes. Je ne dis pas que nous enlèverions des fonds à un organisme existant pour financer cette entité-ci. S'il y a une meilleure solution, je suis prêt à l'accepter. J'essaie seulement de mettre l'accent sur un enjeu de politique publique qui, selon moi, sans que ce soit la faute d'aucun de ces organismes, ne reçoit pas assez d'attention.
La sénatrice Seidman : Le deuxième volet de cette question porte sur l'assise législative, le mandat législatif que vous proposez. Pourquoi? Vous dites qu'il faut une entité précise, avec un mandat prévu par la loi. Pourquoi faut-il un mandat prévu par la loi? Et qu'est-ce que cela entend? Est-ce que cela toucherait de près ou de loin les conflits dans les conseils fournis aux ministres, ou encore sur les dossiers de compétence provinciale? J'essaie de comprendre cette idée de mandat législatif.
Le sénateur Cohen : Pour moi, c'est une garantie de certitude et de prévisibilité. Les gens de la Commission de la santé mentale du Canada peuvent en parler eux-mêmes, mais je sais, d'après des entretiens que j'ai eus avec eux sur le sujet, qu'ils ne savent pas exactement ce qui arrivera après 2017.
Alors, à bien y penser, si on commence à planifier un calendrier d'études en l'étalant sur trois ans, eh bien, un petit instant : est-ce qu'il nous reste trois ans? Ou il faut embaucher du personnel. Est-ce que quelqu'un va quitter une organisation, comme une université, pour venir travailler pour un organisme dont le mandat vient à échéance dans deux ans?
Je pense qu'un cadre législatif, une assise législative, donne plus de certitude, est une garantie de longévité et offre la possibilité d'entamer des études à plus long terme et d'embaucher du personnel. Quand on parvient en fin de mandat, une partie au moins des efforts est consacrée à son éventuel renouvellement. C'est tout ce que je voulais dire par là. Je ne voulais pas laisser entendre que le mandat législatif ne toucherait d'aucune façon l'un ou l'autre des enjeux dont vous avez parlé, au sujet des conflits fédéraux et provinciaux ou des conseils aux ministres.
La sénatrice Seidman : Il ne s'agit donc que d'enchâsser, au moyen de ce projet de loi, une façon d'assurer la permanence à une commission chargée de la santé mentale et du système de justice pénale, par opposition à une commission qui est mise sur pied pour une certaine durée. Est-ce bien cela?
Le sénateur Cowan : C'est ainsi que je le vois, madame la sénatrice.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie. Je comprends.
Le président : Sénateur, vous avez soulevé la question des coûts, que vous avez, je pense, adroitement évitée pour des raisons évidentes de prérogative royale. Puisque vous avez abordé le sujet, prévoyez-vous que cette commission nécessiterait d'importantes dépenses? Vous avez parlé de financement insuffisant, ou de la difficulté du financement. Comment envisagez-vous cet aspect?
Le sénateur Cowan : Je ne pense pas qu'il y ait le moindre doute que l'établissement d'une commission comme celle- ci nécessiterait l'injection de fonds publics. Des montants appropriés devront être consacrés à cette fonction, que ce soit pour appuyer les travaux d'un organe indépendant ou des fonctions ajoutées au mandat d'un organe existant.
Je pense avoir réussi, sur l'avis de notre conseiller législatif, à éviter les questions de la prérogative royale en disant que si ce projet de loi est adopté, et j'espère qu'il le sera, il n'entrerait pas en vigueur avant que les fonds nécessaires lui soient appropriés par le Parlement, sur la recommandation du gouverneur général. Des gens mieux renseignés que moi sur la prérogative royale m'ont dit qu'ainsi, cette disposition légitime le projet de loi de façon appropriée.
Je pense être d'accord avec l'élément principal de votre question : c'est-à-dire que si ceci doit se réaliser, il faut y attribuer des fonds importants, sinon, il ne sert à rien d'aller plus loin.
Le président : Je m'en tiendrai donc à ce terme de « suffisant » que vous employez pour ne pas entrer plus loin dans le débat.
Merci, sénateur Cowan.
Je vais maintenant présenter nos témoins suivants. Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec eux de leur préférence, donc je leur laisserai la parole dans l'ordre dans lequel ils sont cités dans l'ordre du jour, à moins de susciter une réaction violente.
Comme vous êtes nombreux aujourd'hui, et compte tenu du sujet, les sénateurs veulent souvent donner à tout le monde l'occasion de répondre à leurs questions. Normalement, on pourrait s'attendre à ce que si vous n'avez rien de nouveau à ajouter, vous disiez : « Ça va », mais s'il y a quelque chose de nouveau et différent, faites-moi signe, et je vous laisserai intervenir.
Cela dit, je vais donner la parole à nos premiers témoins, de la Commission de la santé mentale du Canada. Il s'agit de Howard Chodos, directeur, Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada; et Jennifer Vornbrock, vice- présidente, Connaissances et innovation.
Jennifer Vornbrock, vice-présidente, Connaissances et innovation, Commission de la santé mentale du Canada : Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs membres du comité. Je tiens à vous remercier de me donner cette occasion de discuter avec vous aujourd'hui. Je suis Jennifer Vornbrock, vice-présidente à la Commission de la santé mentale du Canada.
Le projet de loi S-208 attire l'attention sur le sujet important des personnes qui souffrent de maladie mentale et leurs interactions avec le système judiciaire, ainsi que l'incidence de ces interactions sur leurs familles et leurs communautés.
La Commission de la santé mentale du Canada partage vos préoccupations sur le nombre disproportionné de délinquants dans le système de justice pénale qui souffrent de troubles mentaux. Nous visons aussi le même objectif qui est de promouvoir la santé mentale et de traiter la maladie mentale au sein même du système.
Nous souhaitons profiter de cette occasion pour faire le point sur certains travaux qui coïncident avec ceux qui sont menés sur ce projet de loi, et discuter de moyens par lesquels, selon nous, nous pourrions collaborer désormais à l'établissement d'objectifs communs. Permettez-moi tout d'abord de situer brièvement le contexte de la Commission de la santé mentale et son mandat.
La Commission de la santé mentale a en fait été créée en 2007, à la suite des travaux de ce comité et de son étude charnière intitulée De l'ombre à la lumière, qui recommandait la création d'une commission nationale de la santé mentale. Nous avons pour mandat d'améliorer le système de santé mentale et de modifier les attitudes et comportements des Canadiens à l'égard de la santé mentale. Nous travaillons avec tous les niveaux de gouvernement, les organismes sans but lucratif, les ONG et des personnes souffrant de maladie mentale et leur famille, et ce, partout au Canada, pour coordonner et mobiliser la communauté de la santé mentale en vue d'un ensemble d'objectifs communs.
Nos travaux sont orientés par la Stratégie en matière de santé mentale du Canada, qui a été publiée en mai 2012. La stratégie présente des mesures visant à améliorer les soins de santé mentale ainsi que les réseaux qui y sont associés.
Maintenant, j'aimerais souligner la présence de mon collègue Howard Chodos. Howard a dirigé l'élaboration de la stratégie et pendant son précédent mandat à la Bibliothèque du Parlement, il a été chercheur principal dans le cadre du rapport De l'ombre à la lumière.
La stratégie de santé mentale a six orientations stratégiques. L'orientation stratégique 2 a trait directement au projet de loi dont vous parlez aujourd'hui : la nécessité de favoriser le rétablissement et le bien-être des gens de tous âges atteints de problèmes et de maladies de santé mentale et défendre leurs droits.
Plus précisément, les priorités 2.3 et 2.4 de la Stratégie en matière de santé mentale indiquent la nécessité de mettre en place des mesures afin de prévenir l'entrée des personnes atteintes de maladie mentale dans le système correctionnel et de les détourner de celui-ci; de promouvoir les droits des personnes atteintes de maladie mentale au sein du système judiciaire et correctionnel; de renforcer les politiques et les pratiques concernant les personnes atteintes de maladie mentale dans le système judiciaire et correctionnel; et, enfin, d'offrir l'aide nécessaire à ceux qui sont dans le système de justice pénale.
La commission dispose des réseaux nécessaires pour rassembler les intervenants et les experts des communautés de la santé mentale, juridique et d'application des lois autour des enjeux qui ont trait au système judiciaire et à la maladie mentale. Le mémoire transmis au comité décrit un certain nombre des projets de la CSMC qui correspondent aux mesures précises que demande le projet de loi S-208. J'aimerais prendre un instant pour vous donner un aperçu d'un certain nombre de ces efforts clés.
La CSMC collabore très étroitement avec l'Association canadienne des chefs de police — que l'on appellera ACCP — depuis 2013. J'aimerais souligner la présence de Tim Smith, qui s'est joint à nous aujourd'hui, et qui est l'un des invités de la CSMC, mais qui est aussi l'un de nos plus importants partenaires. Ensemble, nous avons organisé deux conférences axées sur la santé mentale et les agents de police eux-mêmes.
La CSMC a aussi publié un rapport intitulé TEMPO qui donne un aperçu des normes et du programme de formation des agents de police pour ce qui de traiter avec les personnes atteintes de maladie mentale. Un grand nombre de nos partenaires des services de police se sont dits très intéressés à utiliser le cadre TEMPO, et nous prenons maintenant les mesures nécessaires pour élaborer un plan de mise en œuvre.
Le projet national Trajectoire de la Commission de la santé mentale, dirigé par Anne Crocker, vise à favoriser, chez les décideurs politiques, les cliniciens et le grand public, la compréhension des implications de la réglementation et des pratiques actuelles pour les personnes déclarées non criminellement responsables. Grâce à une importance étude longitudinale effectuée au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, on a examiné la capacité du Code criminel à trouver un équilibre entre la nécessité de protéger les droits des personnes atteintes de maladie mentale et celle de protéger la sécurité publique.
L'étude de l'approche de l'itinérance intitulée Le logement d'abord effectuée dans le cadre du projet Chez Soi/At Home de la CSMC portait sur des personnes fortement impliquées dans le système de justice pénale. L'étude a démontré que l'intervention entraînait un plus faible taux d'implication dans le système judiciaire pour les gens qui disposaient d'un logement, et offre une nouvelle façon d'envisager la sécurité communautaire.
En outre, j'aimerais vous parler un peu du Centre d'échange des connaissances de la CSMC, qui permet de mettre en commun toute une gamme d'études et de générer de nouvelles connaissances en ce qui a trait à la santé mentale et à la justice. Il continue aussi d'appuyer les travaux d'un groupe émergent, un consortium national de recherches médico- légales en santé mentale pour que celui-ci puisse établir un programme de recherche national financé par les IRSC.
Comme vous pouvez le comprendre, la commission fait déjà une partie du travail prévu par le projet de loi et continue d'élargir ses activités dans le cadre du renouvellement du mandat de la commission. Bien que la CSMC ait des projets bien précis ayant trait à la santé mentale et à la justice, nous sommes d'avis qu'une approche globale et systémique favorisera l'atteinte des grands objectifs établis par le projet de loi.
La CSMC a déployé divers efforts à l'échelon national. Tout d'abord, nous œuvrons bien sûr sur la question essentielle associée à ce débat au Canada, à savoir la stigmatisation considérable qui entoure toujours la santé mentale et la maladie mentale. Que ce soit au travail ou à la maison, dans nos écoles ou dans les salles de réunion et les couloirs du gouvernement, la Commission de la santé mentale collabore avec divers intervenants pour offrir des solutions réelles et mettre un terme à la stigmatisation, comme par l'entremise de notre norme en milieu de travail, qui a été élaborée par l'Association canadienne de normalisation et le Bureau de normalisation du Québec, ainsi qu'un large échange d'idées entourant la santé mentale ainsi que le programme de Premiers soins en santé mentale du Canada, qui a maintenant permis de former plus de 135 000 Canadiens afin de mieux répondre aux besoins des personnes en crise.
Il ne s'agit là que de quelques-uns de ces efforts, et nous ne nous en tenons pas à cela. Nous sommes aussi en train d'élaborer des lignes directrices et de la formation novatrices en matière de soutien par les pairs, de santé mentale tout au long de la vie et de prévention du suicide, par exemple.
Nous abordons la question de la santé mentale de façon globale et holistique ce qui fait que nous pouvons répondre à un certain nombre des objectifs présentés dans ce projet de loi. Nous facilitons aussi l'établissement de liens entre les personnes atteintes de maladie mentale, leur famille, des autorités, le gouvernement et le grand public afin de nous assurer que les mesures présentées dans ce projet présentent les meilleurs avantages. Riche de près de 300 partenariats, la Commission de la santé mentale affiche un bilan qui témoigne d'un travail de collaboration axé sur les résultats.
À l'avenir, la commission cherche à obtenir le renouvellement de son mandat et de son financement au-delà de 2017. Nous avons proposé au gouvernement un mandat mis à jour incluant les questions urgentes de santé mentale et du système judiciaire. À cette fin, nous participons actuellement à des discussions avec des intervenants de partout au pays pour créer un plan d'action en santé mentale pour le Canada afin d'orienter nos travaux futurs.
Je dois vous dire que nos discussions avec les intervenants de chaque province et de chaque territoire ont permis de mettre à jour un véritable engagement à agir dans ces dossiers et un fort leadership pour trouver des solutions concrètes et qui fonctionnent.
Pour conclure, je dirai que c'est le moment opportun de discuter et d'explorer de nouvelles possibilités d'action pour la Commission de la santé mentale du Canada, notamment dans le domaine de la santé mentale et de la justice.
Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Chodos, je viens tout juste d'apprendre le rôle que vous avez joué auprès de ce comité, alors je vous y souhaite de nouveau la bienvenue.
Howard Chodos, directeur, Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, Commission de la santé mentale du Canada : Merci beaucoup, sénateur. C'est inhabituel pour moi d'être de ce côté-ci de la table.
Le président : Je vais maintenant passer à Lori Spadorcia, vice-présidente, Communications et partenariats, Centre de toxicomanie et de santé mentale :
Lori Spadorcia, vice-présidente, Communications et partenariats, Centre de toxicomanie et de santé mentale : Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs membres du comité. C'est un plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui pour vous parler de ce sujet très important.
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le CTSM, est le plus grand établissement universitaire des sciences de santé spécialisé en santé mentale et en toxicomanie du Canada. Nous offrons des services de soins internes et externes à plus de 30 000 patients. En plus de son programme de santé mentale médico-légal qui vise à prodiguer des soins à plus de 30 p. 100 d'accusés jugés non criminellement responsables, nous fournissons des services médico-légaux d'intervention précoce aux détenus atteints de troubles de santé mentale dans le centre de détention du sud de Toronto.
Par l'entremise de partenariats de services provinciaux, le centre travaille avec des experts régionaux pour établir des services d'intervention à l'échelle du système pour répondre aux problèmes locaux en santé mentale, notamment les préoccupations liées à la santé mentale et à la justice. Par exemple, le Toronto Justice Service Collaborative se consacre au logement et aux besoins de soutien connexes des personnes atteintes de troubles de santé mentale qui sortent du système de justice pénale.
Le centre œuvre dans les domaines de la santé mentale et de la justice afin d'améliorer les interactions des gens atteints de maladie mentale avec la police et de sensibiliser le gouvernement et la population aux avantages d'un régime de non-responsabilité criminelle. En 2013, nous avons publié un cadre réglementaire sur la santé mentale et la justice pénale.
Il est connu que les personnes atteintes de troubles mentaux sont surreprésentées dans le système de justice pénale, notamment dans les interactions avec la police, les tribunaux et le système correctionnel. Nous savons que 40 p. 100 des personnes atteintes de maladie mentale ont été arrêtées au moins une fois dans leur vie.
Il y a une trop forte proportion de personnes atteintes de maladie mentale impliquées dans les fusillades de la police, les incidents où des matraques paralysantes sont utilisées et dans des décès. Quarante-cinq pour cent des détenus et 69 p. 100 des détenues du système correctionnel fédéral ont besoin de soins en santé mentale. Le taux de suicide dans le système correctionnel fédéral est sept fois plus élevé que la moyenne nationale.
Bien des raisons expliquent la surreprésentation des gens atteints de maladie mentale dans le système de justice pénale, notamment la pauvreté, la marginalisation, les traumatismes et la toxicomanie, pour n'en mentionner que quelques-uns. Un manque d'accès aux soutiens et services appropriés constitue un autre principal facteur et il se fait également sentir dans le système de justice pénale. Au Canada, on n'assure pas un accès adéquat aux soins en santé mentale et aux soutiens; en fait, on punit les gens malades. On a criminalisé les maladies mentales.
Le projet de loi S-208 vise à remédier à la criminalisation de la maladie mentale par le développement et l'échange de connaissances et par l'amélioration des programmes et politiques. Le centre appuie vivement les activités prévues par le projet de loi et les estime essentielles à l'amélioration de la vie des personnes atteintes de maladie mentale.
Nous appuyons aussi l'instauration d'une commission nationale qui pilotera ces activités. Comme vous venez de l'entendre, la Commission de la santé mentale du Canada, créée par le gouvernement fédéral, a pour mandat de faire évoluer le système de la santé mentale ainsi que les attitudes et comportements des Canadiens à l'égard de la santé mentale. Elle a dirigé plusieurs initiatives pour établir des lignes directrices et des normes, en plus de soutenir la mise sur pied de programmes provinciaux d'amélioration des systèmes de la santé mentale partout au pays. Elle poursuit aussi divers projets axés sur la santé mentale et la justice pénale.
Il est donc censé que la commission puisse tabler sur ces travaux et qu'on donne suite aux recommandations formulées par le projet de loi S-208. Nous recommandons que le gouvernement du Canada s'engage à s'attaquer à la criminalisation de la maladie mentale et à appuyer la mise en œuvre des activités décrites dans ce projet de loi en les intégrant au mandat de la Commission de la santé mentale du Canada.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion d'être là aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup.
Je vais maintenant céder la parole à l'Association canadienne pour la santé mentale en souhaitant la bienvenue à M. Peter Coleridge, chef de direction national, et à Mark Ferdinand, directeur national, Politiques publiques.
Peter Coleridge, chef de direction national, Association canadienne pour la santé mentale : Merci, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs et témoins. L'Association canadienne pour la santé mentale est ravie d'avoir l'occasion de vous parler du projet de loi S-208 et plus largement de questions de justice pénale, de santé mentale et de maladie mentale.
L'Association canadienne pour la santé mentale est le plus grand et le plus ancien prestataire de services de santé mentale, grâce à ses 110 centres répartis dans tout le Canada. Nous avons été fondés en 1918, et desservons des milliers de patients chaque jour dans des centaines de collectivités partout au pays. Nous comptons sur le travail de milliers de bénévoles et de membres du personnel pour aider les gens qui en ont besoin à améliorer leur sort en matière de santé mentale, réintégrer la collectivité, développer leur résilience et appuyer leur rétablissement.
L'ACSM est un fournisseur communautaire de première ligne de soins de santé mentale. Nous faisons aussi la promotion d'une santé mentale positive, des façons dont les gens peuvent mettre à profit leurs forces, le bien-être et l'intégration dans la collectivité, à la maison, à l'école et au travail afin d'améliorer la qualité de vie des gens et répondre à leurs défis quotidiens.
L'ACSM partage la vision exprimée dans le préambule du projet de loi S-208, qui demande, entre autres, la mise en place d'une approche globale pour faire la promotion de la santé mentale positive et du traitement de la maladie mentale. Heureusement, rien qu'au cours des 10 dernières années, on a pu voir et on continue de voir énormément de changements dans le débat qui entoure la santé mentale et la maladie mentale. Mais malgré les progrès réalisés, il reste toujours un très grand nombre d'obstacles à surmonter pour aider les gens à obtenir, en temps opportun, à proximité de chez eux, mais aussi au sein des établissements correctionnels, des soins et des services de bonne qualité et adaptés.
Il continue d'y avoir un grand nombre de mythes et d'idées préconçues entourant la maladie mentale dans notre société, et c'est la raison pour laquelle je tiens à souligner que moins de 3 p. 100 des crimes violents sont attribuables à des gens atteints de maladie mentale lorsque la toxicomanie n'est pas impliquée. En fait, comme vous avez pu l'entendre aujourd'hui d'autres témoins et du sénateur, les gens atteints de maladie mentale sont plus susceptibles d'être victimes de violence. Comme l'énonce le projet de loi, l'écrasante majorité de personnes atteintes de problèmes de santé mentale ou de maladie mentale n'est jamais impliquée dans le système de justice pénale. Cependant, les personnes atteintes de maladie mentale sont surreprésentées dans celui-ci. C'est quelque chose que vous avez aussi entendu d'autres témoins aujourd'hui.
S'agissant de prévention, l'ACSM partage l'opinion exprimée dans le projet de loi selon laquelle le fait d'avoir accès à des services, des traitements et de l'aide communautaire efficace et en temps opportun, pour les Canadiens atteints de maladie mentale, contribuerait à limiter leur surreprésentation dans le système de justice pénale. Nous ne pouvons pas prévenir tous les actes criminels, mais il est certain que nous pouvons prendre des mesures fondées sur des données scientifiques pour limiter le risque que des gens soient impliqués dans le système de justice pénale initialement.
En ce qui a trait à la population carcérale, selon Sécurité publique Canada, 13 p. 100 des contrevenants et 29 p. 100 des contrevenantes en établissement carcéral fédéral admettent eux-mêmes avoir des besoins spécifiques en matière de santé mentale. Pour répondre à ces besoins, l'ACSM appuie l'opinion exprimée dans la Stratégie sur la santé mentale en milieu correctionnel au Canada, créée par les services correctionnels fédéral-provinciaux-territoriaux de partout au pays. Cette stratégie recommande toute une gamme de services de traitement de la santé mentale adaptés et efficaces, ainsi que des services connexes. Cette gamme de services est essentielle pour apaiser les symptômes, y compris les risques d'automutilation et de suicide, pour favoriser le rétablissement et le bien-être, pour permettre aux personnes de participer activement aux programmes offerts en milieu correctionnel et pour assurer une meilleure intégration en milieu institutionnel et communautaire.
Étant donné que votre comité poursuit son étude de la question de la justice pénale et de la santé mentale, un certain nombre de faits déjà énoncés dans le projet de loi valent la peine d'être répétés. La maladie mentale peut être traitée. L'efficacité du traitement est renforcée, premièrement, par un dépistage et une intervention précoces; deuxièmement, par un financement adéquat des services de santé mentale; et, troisièmement, de l'aide pour les familles et les communautés entourant les Canadiens atteints de maladie mentale.
Il ne fait aucun doute que les communautés de la santé mentale, des services correctionnels et de la justice pénale au pays ont fait des progrès importants pour réduire la discrimination et les attitudes négatives dont font l'objet les patients atteints de maladie mentale, mais il reste beaucoup de pain sur la planche pour changer la façon dont les systèmes d'éducation, de formation et d'acquisition des compétences, des services d'aide, de traitement et les services correctionnels interagissent les uns avec les autres pour garder les gens en santé et les aider à se rétablir de la maladie mentale ou de la toxicomanie.
Au niveau provincial, l'ACSM a plusieurs partenariats axés sur le maintien et l'amélioration de la santé et sur la façon dont on peut éviter des problèmes de santé chez soi, à l'école et au travail. Nous avons également travaillé auprès des services correctionnels dans certaines provinces, par exemple Terre-Neuve, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et l'Ontario. Avec nos partenaires, nous aiguillons des personnes vers les soins appropriés avant un procès ou après une comparution devant un tribunal. Nous planifions également les libérations et la réintégration dans la communauté.
Ainsi, nous avons des exemples de collaboration et de partenariats dans divers secteurs qui établissent des méthodes justes, efficaces et appropriées pour gérer les besoins de ceux qui vivent avec un trouble mental et qui, jeunes ou adultes, se trouvent dans le système judiciaire.
Du leadership et des ressources sont nécessaires de tous les paliers du gouvernement et de tous les secteurs pour élargir et évaluer ces modèles de partenariats partout au pays. Il est important d'appuyer le développement, le partage et la mise en œuvre de connaissances, de données et d'expertises sur tout ce qui a trait à la santé mentale dans le système judiciaire.
L'ACSM a hâte de continuer à progresser avec tous les Canadiens, le gouvernement fédéral et différents intervenants, le ministère de la Justice, les Services correctionnels, le ministère de la Santé publique, Statistique Canada et la Commission de la santé mentale du Canada. Nous avons également hâte de travailler avec nos nombreux partenaires œuvrant partout au Canada dans le domaine de la santé mentale et des victimes du crime.
Je vous remercie encore une fois. C'est avec plaisir que je discuterai avec vous et répondrai à vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Comme vous le savez, chers collègues, notre réunion se terminera à 18 h 15. Ma liste d'intervenants est bien remplie et nous avons 12 sénateurs ici présents. Je vais donc imposer la règle d'une seule question par sénateur. Nous respecterons le système des tours. Vous poserez votre question et indiquerez si vous voulez être inscrits pour le second tour. N'oubliez pas d'indiquer à qui s'adresse votre question.
Le sénateur Eggleton a eu l'amabilité de laisser sa place au sénateur Cowan, parrain du projet de loi, pour la première question.
Sénateur Cowan, à vous la parole.
Le sénateur Cowan : Ma question s'adresse à Mme Vornbrock, qui sait déjà que je la poserais.
Le mandat de la commission arrive à échéance en 2017. Pouvez-vous nous indiquer où vous en êtes par rapport à votre demande de renouvellement? Pouvez-vous nous fournir un exemplaire du mandat reconduit pour lequel vous souhaitez recevoir l'aval du gouvernement?
Mme Vornbrock : Merci pour votre question, sénateur. Merci d'avoir commencé par une question simple.
Dans son mémoire prébudgétaire présenté au Comité des finances en août dernier, la Commission de la santé mentale a signalé son intention et son espoir de voir son mandat reconduit par le gouvernement du Canada. Nous l'avons fait publiquement, sachant que dans le cadre de notre travail, dont les autres témoins ont si bien témoigné, le dialogue sur la santé mentale au Canada a grandement progressé. Cela dit, le travail n'est pas pour autant fini.
Dans notre mémoire prébudgétaire et dans notre présentation devant le Comité des finances, nous avons demandé au gouvernement du Canada d'envisager de reconduire le mandat de la commission jusqu'en 2025. Nous avons déjà établi des sujets d'intérêts que nos intervenants, nos partenaires et les provinces et territoires ont jugés valables dans le cadre d'un mandat renouvelé ou d'un second mandat. Mentionnons à ce titre les thèmes de la santé mentale dans un cadre judiciaire, les premiers intervenants, les enjeux liés à la prévention du suicide, ainsi que l'intérêt particulier sur la santé mentale chez les enfants, les jeunes et les aînés. Nous avons examiné les enjeux touchant les nouveaux Canadiens. Puis finalement, et je sais que c'est un sujet cher aux autres témoins, la question de l'accès et la façon dont la Commission de la santé mentale peut déterminer, au niveau national et en collaboration avec les partenaires, les façons les plus efficaces d'améliorer l'accès aux soins et de réduire les temps d'attente. Voilà les bases de notre demande auprès du gouvernement.
Depuis notre comparution devant le comité en octobre dernier, nous avons eu des conversations prometteuses et productives avec le gouvernement du Canada et des députés de tous les partis en vue de concrétiser l'engagement de tous sur la reconduite du mandat de la commission.
J'aurais aimé vous annoncer de bonnes nouvelles. Nous avons demandé qu'on nous en avise sans tarder. Cela rejoint en partie le point que vous souleviez dans votre allocution liminaire, sénateur. Nous voulons faire progresser le dossier et organiser de nouveaux projets avec de nouveaux partenaires pour continuer sur la lancée du bon travail entrepris par la Commission de la santé mentale et par toutes les autres parties prenantes, y compris le gouvernement du Canada.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Ma question s'adresse également à Mme Vornbrock.
Vous avez parlé de l'orientation stratégique 2 dans votre Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, publiée en 2012. Vous nous avez également fourni un aperçu global de votre attachement à ce lien entre la santé mentale et la justice pénale. Je ne veux pas en dire plus à ce sujet pour l'instant et m'inscris donc pour le deuxième tour de questions.
Votre point de vue est plutôt intéressant, mais il faudra éventuellement faire quelques précisions pour mes collègues autour de la table. De par mes antécédents, je comprends votre allusion à une approche holistique, et je pense que nous devrions en parler davantage.
Vous avez dit que, selon vous, votre méthodologie globale serait avantageuse pour les objectifs du projet de loi S- 208, et que c'est la méthodologie globale de l'actuelle Commission de la santé mentale du Canada.
Mme Vornbrock : C'est exact.
La sénatrice Seidman : Pouvez-vous nous expliquer, pour le bien de nous tous autour de la table et de ceux qui nous regardent, ce que cela veut dire et pourquoi c'est important?
Mme Vornbrock : Merci pour votre question, madame la sénatrice. Je vais commencer et laisserai l'auteur de la Stratégie en matière de santé mentale vous donner d'autres précisions.
Dans notre allocution liminaire et dans notre mémoire, nous voulions souligner que pour traiter les problèmes identifiés, il fallait se pencher sur le développement de la petite enfance. Les écoles, les mécanismes de soutien, l'infrastructure familiale, le lieu de travail sont autant d'éléments qui peuvent susciter de la vulnérabilité.
Notre base, c'est la Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada. Je laisse la parole à Howard qui vous entretiendra des motifs sous-jacents à la stratégie, mais il s'agissait de montrer comment tous ces éléments sont liés les uns aux autres. Qu'il s'agisse d'une stratégie de réduction de la pauvreté, d'une stratégie sur le logement, d'une stratégie de soutien à l'emploi, tout cela est lié. Isoler un problème, ne s'occuper que d'une seule filière ou ne travailler que sur un seul système, c'est rater une occasion critique de collaboration intersectorielle.
Lors de nos consultations auprès des provinces et des territoires, nos amis du milieu nous ont dit que la santé mentale est désormais l'affaire de tous. Partout où je vais, j'ai affaire aux intervenants de tous les secteurs : commissions scolaires, services de police, services correctionnels, systèmes de soins de santé, services de logement ou services communautaires. C'est désormais de cette façon que nous travaillons. Cette méthodologie holistique est essentielle dans l'ensemble des systèmes.
Si je puis me permettre, je vais laisser la parole à Howard Chodos pour qu'il vous en dise plus sur les motifs sous- jacents à la Stratégie en matière de santé mentale.
Le président : M. Coleridge et Mme Spadorcia veulent également prendre la parole.
M. Chodos : Je souhaite complémenter les remarques de Jennifer. Je pense qu'elle a très bien abordé le sujet d'une dimension globale, toutes les composantes du gouvernement et des agences qui ont une incidence sur le bien-être et la santé mentale et la façon dont ce qu'on appelle souvent les déterminants sociaux de la santé ont un effet sur le bien-être des gens.
Je vais peut-être vous dire quelques mots sur les fondements philosophiques de la stratégie en santé mentale et sur ce que vous appelez l'approche globale personnalisée en santé mentale. Une partie de la lutte contre la stigmatisation a été d'encourager des gens à voir les personnes atteintes de maladie mentale comme des êtres humains avant tout et non pas comme un cas médical; de ne pas les étiqueter comme ayant une maladie particulière, mais plutôt de reconnaître que les gens ont de multiples dimensions à leur vie. Si nous voulons épauler ces personnes dans leur processus de rétablissement, nous devons nous concentrer sur leurs forces, leurs liens à leurs propres familles et communautés et ainsi de suite. À cet égard, une approche globale se concentre vraiment sur la personne, développant ses forces, comprenant ses liens avec le monde extérieur, les gens et la famille qui sont là pour l'appuyer.
Cela va dans le sens du projet de loi, qui parle d'une approche englobante. Dans la stratégie en santé mentale et dans tout le travail de la commission, nous avons épousé l'idée d'une approche globale dans les deux sens : globale pour le gouvernement et les agences et globale par rapport à l'individu concerné.
La sénatrice Seidman : Je pense qu'il ne faut pas oublier l'aspect de la prévention. C'est le point que le sénateur Cowan a fait valoir et c'est ce que vous dites maintenant. Le sénateur Cowan a parlé de la prévention, avant que le crime soit commis, ce qui est le point précis que vous faites valoir avec cette approche complète.
Le président : Vous l'avez clarifié. Merci beaucoup.
M. Coleridge : Comme j'ai mentionné dans mes observations, au fil des 10 dernières années seulement nous avons constaté de nombreux progrès. Il s'agit d'un domaine, cette idée d'une approche axée sur la personne par rapport à une approche axée sur les systèmes que beaucoup d'organismes, dont l'ACSM, demandent depuis probablement une vingtaine d'années. Nous avons constaté des progrès, mais il faut continuer à rassembler tous les acteurs. C'est une approche pangouvernementale.
Les problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont complexes, et ils nécessitent des réponses complexes. Il faut avoir une approche multisectorielle avec la participation de tous les acteurs. C'est formidable que cette approche soit incorporée dans la stratégie nationale de santé mentale; c'est là une base. Cela fait partie des stratégies provinciales en santé mentale et toxicomanie — et chaque province a maintenant sa stratégie. Les gouvernements de chaque province ont une stratégie provinciale en santé mentale et de lutte contre les dépendances, et ils ont tous également une approche multisectorielle, pangouvernementale. Je pense que c'est essentiel si nous voulons continuer de faire des progrès; certainement pour aborder des questions concernant les services correctionnels, la santé mentale et le système judiciaire.
Mme Spadorcia : Je voudrais vous rappeler ce point parce qu'il revêt une importance capitale, et nous le voyons dans chacune des provinces, certainement en Ontario avec sa stratégie en santé mentale. Le moteur du processus est un comité du conseil des ministres qui réunit tous les ministères impliqués dans la santé mentale, ce qui veut dire presque tous les ministres honnêtement.
Je voulais donner un exemple au niveau communautaire. Une des mesures que nous prenons à l'ACSM, c'est de travailler sur ce que nous appelons les initiatives de collaboration pour la prestation de services au niveau communautaire. L'idée sous-jacente était cette approche intersectorielle. Nous avons visité 18 collectivités et nous avons animé des tables rondes communautaires. Les participants étaient des acteurs communautaires de la police, des hôpitaux, des services sociaux et des fournisseurs de logements. Nous avons effectivement ramené l'approche intersectorielle à l'échelle locale. Nous voulons combler les lacunes qui existent dans ces communautés, où nous voulons vraiment intervenir pour améliorer la vie des jeunes et des adolescents premièrement, parce que c'était l'objectif initial de la stratégie, et maintenant passer aux adultes.
Ce que nous avons trouvé, premièrement, n'était pas difficile à comprendre. Beaucoup de ces personnes n'avaient pas forcément communiqué entre elles avant d'être réunies autour de ces tables. Aussi, plusieurs d'entre elles avaient vu les mêmes clients dans différents lieux et n'avaient pas vraiment discuté.
Se réunir et préparer une intervention, participer en se demandant ce que l'on peut faire pour combler une lacune dans la communauté, voilà ce qui donne de l'énergie. Nous commençons seulement à évaluer certains de ces programmes et à les partager à l'échelle de la province, et partout au Canada j'espère. Même au niveau communautaire, cette approche multisectorielle s'avère la seule façon de vraiment changer les choses.
Le sénateur Eggleton : De l'ombre à la lumière a été mentionné à plusieurs reprises; c'était l'œuvre de ce comité sous notre ancien président, Michael Kirby, qui a abouti à la Commission de la santé mentale du Canada. Cela démontre que des études effectuées par des sénateurs réunis en comité peuvent se concrétiser en belle réussite. Nous espérons que votre financement sera renouvelé.
Je ne sais pas trop à qui adresser ma question, mais je commencerais par le CTSM parce qu'elle porte sur une statistique que le centre a citée dans sa présentation. Le taux de suicide dans le système correctionnel est sept fois plus élevé que la moyenne nationale. L'une des nouvelles les plus troublantes et inquiétantes que nous ayons entendue ces dernières années concerne les suicides de personnes en isolement. Ashley Smith et Edward Snowshoe ont été mentionnés.
Qu'est-ce que votre organisme a fait, en commençant par le CTSM, pour essayer de faire comprendre aux dirigeants de ces établissements qu'il faut changer le processus d'isolement cellulaire. Je crois comprendre que c'est probablement un des pires dans le monde occidental pour ce qui est de la durée de détention en isolement, et c'est une grande partie de ce problème du suicide.
Mme Spadorcia : Vous avez absolument raison, sénateur. C'est un problème majeur. Une des questions que nous abordons en partenariat avec le Centre de détention du Sud de Toronto est un service d'intervention précoce, et il est vraiment question d'aborder les problèmes dès le début et de faire des interventions au point d'entrée.
Nous avons besoin d'une formation d'ensemble dans ces établissements sur la prévention et la gestion du comportement agressif. Les employés de ces établissements ne sont pas forcément formés pour traiter les comportements qui peuvent survenir. Certainement, comme vous avez dit, l'isolement peut déclencher beaucoup de ces comportements.
Il faut en faire beaucoup plus, et un investissement pour aider à former le personnel dans ces établissements aiderait à faire comprendre les déclencheurs de ces comportements et ce serait un premier pas.
Le président : Monsieur Coleridge, voulez-vous dire quelque chose à ce sujet?
M. Coleridge : Non, je suis d'accord avec ma collègue.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Nancy Ruth : Le CTSM et la Commission en santé mentale du Canada ont clairement dit tous les deux qu'ils voulaient intégrer les partisans du projet de loi dans leurs activités. Quels aspects du projet de loi du sénateur Cowan pensez-vous être nécessaires d'ajouter à vos activités?
Deuxièmement, est-ce que vous créez des données ventilées par sexe? Parce que vous parlez, je sais, de « ces collectivités » ou « ces groupes » et je ne sais pas de qui vous parlez. Est-ce que vous faites une ventilation selon la race ou le sexe? Que faites-vous?
Mme Vornbrock : Je veux reprendre quelques thèmes mentionnés par le sénateur Cowan aujourd'hui. Un en particulier concernait le travail avec les policiers de première ligne. Venant de Vancouver, j'ai eu le privilège de travailler avec Jim Chu pendant plusieurs années. J'ai entendu le chef Chu parler à plusieurs reprises du fait que les policiers sont devenus quasiment les acteurs de premier plan en santé mentale.
À une conférence qu'on a tenue ensemble, le chef Chu a demandé aux participants — la plupart étaient des policiers et nous étions aussi quelques-uns du domaine de la santé mentale — s'ils s'étaient lancés dans cette carrière pour attraper des criminels. Tous les policiers ont levé la main. Ensuite, il leur a demandé combien s'étaient enrôlés dans les services policiers pour travailler avec les personnes atteintes de troubles mentaux. Personne n'a levé la main. Et le chef Chu leur a dit : « Désolé, mais c'est la nouvelle réalité pour les services de police au Canada. »
Un grand nombre des travaux qui sont présentés dans ce projet de loi ont déjà été entamés par la commission. Je parle notamment du volet sur l'échange de connaissances, le partage de l'information, la formation, tout ce travail-là, avec au cœur de ces mesures le message clair concernant le besoin de réduire les préjugés liés aux troubles de santé mentale, qui devient un élément crucial parce que nous voulons nous améliorer. Comme l'a indiqué l'autre témoin, nous souhaitons améliorer les relations entre les personnes atteintes de maladie mentale et de problèmes de santé mentale et le système judiciaire, que ce soit dans un milieu correctionnel ou communautaire.
Pour répondre à votre question concernant la recherche, lorsque la commission entreprend de nouvelles recherches, nous travaillons très fort pour nous assurer de bien traiter des différents aspects liés à la race, au sexe et à l'origine ethnique. En fait, nous travaillons actuellement avec l'Institut Wellesley à Toronto sur un projet crucial concernant la diversité. Il s'agit d'une lentille essentielle dont s'est dotée la commission, et d'une composante de la pierre angulaire de la stratégie en matière de santé mentale également.
Howard aura peut-être quelque chose à ajouter.
M. Chodos : J'ajouterais qu'une des priorités de la stratégie porte précisément sur les besoins particuliers liés au sexe et à l'orientation sexuelle. On reconnaît donc que ce sont des enjeux. Comme toutes les autres recommandations dans la stratégie, celle-ci reste assez générale, mais on reconnaît que les problèmes de santé mentale peuvent avoir des effets différents chez les hommes et chez les femmes et qu'ils peuvent également se manifester différemment. Pour le suicide, par exemple, on sait que les femmes et les filles sont plus nombreuses à essayer de s'enlever la vie, mais que ce sont les hommes qui le font plus souvent avec succès. Il faut bien comprendre ces réalités pour pouvoir élaborer des politiques efficaces.
Nous sommes certainement sensibilisés à ces questions. Comme l'a indiqué Jennifer, nous essayons, dans le cadre de notre travail, d'intégrer ces connaissances dans les recommandations et les activités que nous proposons.
Il importe de noter que nous savons ce qui doit être fait grâce à la recherche, à notre expérience et aux modèles. Nous savons comment résoudre les problèmes. L'enjeu, c'est l'application des nouvelles connaissances et des pratiques exemplaires, ainsi que le partage du travail multisectoriel et le soutien qu'on y accorde.
Le travail est complexe. Des ressources et un leadership sont nécessaires pour rassembler tous les acteurs, discuter des enjeux et cerner la bonne façon de mettre en œuvre les pratiques exemplaires. C'est ce qui manque en ce moment et qui devrait être transféré du projet de loi vers une nouvelle commission, la Commission de la santé mentale du Canada ou un autre organisme. Sans cette étape, nous allons continuer à savoir quoi faire sans pouvoir faire avancer les choses.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous avez embrouillé mes pensées sur cette question, monsieur Coleridge.
Je trouve que cette idée de commission et de services de première ligne pose problème. Si vous n'avez qu'un certain montant d'argent, quelle devrait être la première initiative? À quoi devrait-on attribuer la majeure partie de cet argent?
M. Coleridge : Comme je l'ai indiqué dans mes remarques, je crois qu'on devrait commencer, si l'argent est limité, par appuyer la mise en œuvre et l'évaluation des modèles existants, partager les renseignements sur ces modèles et appuyer leur adoption par d'autres provinces et collectivités.
Cependant, les travaux de la Commission de la santé mentale du Canada et les mesures proposées dans le nouveau projet de loi, c'est-à-dire le travail de synthèse pour recueillir les données et élaborer les normes et pratiques exemplaires pour que les organismes de première ligne tels que l'ACSM n'aient pas à le faire et puissent se concentrer sur leur rôle d'intervenant de première ligne, sont importants. Il faut faire les deux.
Mme Spadorcia : On dirait que cela fait si longtemps que le secteur manque de ressources qu'il est très difficile de répondre à cette question. Bien sûr, il faut fournir des soins en première ligne. Il ne faut pas l'oublier.
À l'ACSM, on dit souvent qu'il faut s'occuper à la fois des patients d'aujourd'hui et de ceux de demain. Pour ce faire, il faut s'assurer d'avoir les ressources nécessaires en première ligne, les ressources nécessaires en recherche et en éducation et que, comme le disait mon collègue, nous élaborions les normes et les lignes directrices tout en diffusant les connaissances. Nous ne sommes pas encore rendus là en raison du manque de ressources, et il est donc difficile de répondre à cette question.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends que ce soit difficile.
M. Chodos : Je crois qu'il y a eu toute une évolution dans l'attitude du public envers la santé mentale et les maladies mentales au Canada, en commençant par les travaux de ce comité il y a 10 ans. Je pense qu'il faut continuer de s'attacher au dossier au niveau national.
Le projet de loi du sénateur Cowan traite aussi des préjugés. Le problème est global dans le domaine de la santé mentale et des maladies mentales. Les grands organismes ont un rôle à jouer pour promouvoir des discussions publiques sur la meilleure façon d'intégrer un discours sur la santé mentale dans la politique publique de tous les jours et dans les conversations entre particuliers.
Il est difficile de répondre à cette question, mais j'appuie ce qu'a dit Peter, à savoir qu'il faut faire les deux plutôt que de choisir l'un ou l'autre.
Mark Ferdinand, directeur national, Politiques publiques, Association canadienne pour la santé mentale : Pour amener un peu d'optimisme à la discussion, en Ontario, il existe un bon exemple de services de première ligne en place depuis 1997 qui rassemblent différents organismes pour résoudre plusieurs problèmes dont on vient de discuter. Le Comité coordonnateur provincial des services et de la justice a été établi en 1997 justement pour aider à mettre en œuvre le cadre de politique du gouvernement de l'Ontario pour les personnes ayant des démêlés avec la justice et des besoins auxquels peuvent répondre un ou plusieurs systèmes provinciaux de services à la personne.
Heureusement, le comité n'existe pas uniquement au niveau provincial et il est lié à plusieurs comités régionaux. Ceci permet deux choses. Le leadership, qui est essentiel pour rassembler les gens, trouver des solutions aux problèmes et véritablement mettre en œuvre la recherche existante. Nous savons que cette façon de faire fonctionne, mais seulement si les gens se parlent.
Nous avons aussi besoin d'évaluations, comme on semble l'indiquer à l'alinéa 4m) du projet de loi du sénateur Cowan. Avant d'établir des protocoles avec les intervenants de première ligne tels que le personnel hospitalier, les services de police, les travailleurs sociaux et les gens qui ont vécu des expériences semblables, le Comité coordonnateur provincial des services et de la justice évalue les normes et les protocoles pour voir s'ils mènent aux résultats escomptés. Les évaluations pourraient certainement être faites par le gouvernement fédéral dans le cadre de sa propre compétence puisqu'il y a un lien avec les services correctionnels fédéraux.
La sénatrice Merchant : Merci aux témoins. Je ne sais pas à qui je devrais poser ma question.
Nous avons des fonds limités, et nous avons parlé du coût des services de police, du système de justice, du système correctionnel, et du fait qu'une grande partie du financement sert à traiter des personnes atteintes de maladie mentale. Est-ce que l'un d'entre vous pourrait nous informer sur les coûts financiers, administratifs et de dotation concernant la santé mentale et la gestion de criminalité liée à la santé mentale?
M. Ferdinand : Selon la recherche qui a été faite, si on se penche seulement sur les jeunes en Ontario, il me semble qu'il faut compter à peu près 140 000 $ par année pour héberger un jeune dans un centre de détention. On peut comparer cela, par exemple, au coût d'hospitaliser quelqu'un, qui s'élève à 1 200 $ à 3 000 $ par jour, selon les besoins. Le coût peut varier selon la sévérité du cas. Cela coûte entre 1 000 $ et 3 000 $ par jour.
Ensuite, comparez cela avec le coût d'intervention précoce et de la prestation des services dans la collectivité, disons des services de prévention ou de promotion en matière de santé. Ces services coûtent, en moyenne, à peu près 3 000 $ par an à notre système de santé mentale sous-financé. Alors, on peut se demander que faire en amont pour favoriser la prévention ou pour promouvoir une meilleure santé ou pour garder les gens en santé à un coût bien inférieur à ce que l'on paie pour héberger quelqu'un dans un établissement correctionnel.
Mme Vornbrock : Je crois que Mark vous a donné plusieurs des statistiques importantes. Beaucoup de la recherche qui a été faite dans le contexte de l'initiative nationale At Home/Chez Soi est essentielle.
J'aimerais revenir à un thème qui a été soulevé tout à l'heure. Nous savons qu'il est rentable d'investir dans la santé mentale. Nous savons que la santé mentale coûte à l'économie du Canada plus de 51 milliards de dollars par an. La pierre angulaire cernée dans le rapport De l'ombre à la lumière et la Stratégie en matière de santé mentale est la nécessité de discuter de l'augmentation des dépenses en santé mentale dans le but de gérer le fardeau associé à la maladie, non seulement sur le système de santé, mais sur l'ensemble du système.
J'aimerais souligner le fait que nous savons que certaines interventions fonctionnent très bien. Nous savons que le fait d'offrir un logement stable fonctionne. Nous savons que le fait de fournir un bon accès à l'emploi, au soutien familial et à une bonne éducation peut faire changer les choses. Non seulement cela permet de sauver des vies, c'est une approche qui respecte la vision de la stratégie de santé mentale mentionnée par M. Chodos, mais c'est aussi un investissement qui a du sens et qui représente de la bonne gestion financière à long terme.
L'analyse de rentabilité d'investir dans la santé mentale est concluante, et cela n'implique pas seulement d'investir dans le système de santé. Il faudrait également investir dans tous les éléments de l'ensemble des services. C'est l'approche holistique qui revient encore.
Nous savons ce que nous devons faire. Les solutions existent déjà. Les innovations existent ici dans notre pays, ainsi qu'à l'étranger, et nous savons qu'elles peuvent fonctionner au Canada.
[Français]
La sénatrice Chaput : Si la commission était créée, décrivez-moi la meilleure façon de la concevoir et de la structurer pour qu'elle puisse collaborer avec les autres organismes existants et qu'elle puisse combler les lacunes perçues à l'heure actuelle. Il y a des lacunes, sans aucun doute. Un groupe ne peut pas tout accomplir pour tout le monde. Quelle serait la meilleure façon de structurer la commission pour qu'elle comble ces lacunes et qu'elle puisse collaborer avec les autres intervenants?
M. Chodos : Merci pour la question.
[Traduction]
Je vais essayer de répondre en anglais. Si je comprends bien votre question, vous voulez savoir, au cas où la commission proposée par le sénateur Cowan serait créée, de quelle façon, selon nous, elle pourrait collaborer efficacement avec les autres intervenants dans le secteur.
Je vais me référer à l'expérience de la Commission de la santé mentale, et à ses efforts pour faire une partie de ce travail et pour collaborer en partenariat avec des gens et des intervenants de partout au pays. Nous avons toujours essayé, dans le cadre du travail de la Commission de la santé mentale, de porter les voix de ceux qui travaillent dans les collectivités et qui se sont engagés dans le travail communautaire.
J'ai remarqué dans la proposition du sénateur Cowan qu'il y avait toute une structure de comités consultatifs. Nous avions une liste exhaustive de comités consultatifs qui ont travaillé avec la commission et qui ont fourni des conseils d'experts sur toute une série d'enjeux, ce qui nous a permis de rejoindre les gens sur le terrain et dans la communauté de recherche, et cetera. Peu importe la structure adoptée par la commission, il est essentiel qu'elle puisse entendre de multiples voix qui lui permettront de comprendre les nuances de chaque enjeu et d'élaborer des solutions qui pourraient être mises en œuvre dans la communauté.
M. Coleridge : J'aimerais ajouter à cela qu'une commission devrait chercher à agir en tant que catalyseur et facilitateur, et non en tant que maître d'œuvre, afin de rallier les professionnels, les acteurs clés et les secteurs, et de déterminer les solutions axées sur les pratiques optimales ainsi que de soutenir le travail de terrain et les professionnels qui sont à l'œuvre dans tous les secteurs.
Le sénateur Enverga : Merci pour vos exposés. Ma question s'adresse à Mme Vornbrock.
J'ai visité votre site web. Vous suggérez des améliorations aux soins en santé mentale et vous nommez le système judiciaire comme partenaire important. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet du lien avec le système judiciaire et le travail que vous avez fait pour l'établir? Pensez-vous avoir réussi ou au contraire pensez-vous n'en avoir pas assez fait?
Mme Vornbrock : En avons-nous assez fait? Non, pas encore. Comme l'ont souligné tous les autres témoins, ainsi que le sénateur Cowan et la plupart d'entre vous qui ont parlé du chemin à parcourir dans ce pays en matière de santé mentale, nous n'avons toujours pas atteint le point de bascule qui nous permettrait d'entamer l'énorme changement qu'a évoqué M. Chodos.
Nous sommes optimistes au sujet des travaux préliminaires, tout particulièrement ceux déjà discutés par Mme Anne Crocker. Vous allez bientôt aussi entendre les témoignages de M. Terry Coleman et Mme Dorothy Cotton, qui ont produit un rapport remarquable pour la Commission de la santé mentale du Canada intitulé TEMPO, qui se penche sur bon nombre de questions liées aux interactions entre les personnes vivant avec des problèmes de maladie mentale et la police.
J'aimerais revenir sur ce que disait Mme Spadorcia un peu plus tôt, au sujet de la stigmatisation et de la santé mentale des policiers et de ceux qui œuvrent dans le système judiciaire. Un aspect critique du travail fait par la commission ces dernières années a été la santé et la sécurité psychologique de nos travailleurs canadiens. Être policier ou gardien de prison est incroyablement difficile et ardu. Comment pouvons-nous, en tant qu'employeurs, prendre soin de ceux et celles qui œuvrent dans ces milieux au quotidien, et comment ces personnes prennent soin d'elles-mêmes?
Nous avons coprésidé une conférence avec l'Association canadienne des chefs de police à Mississauga au mois de février, conférence qui a regroupé plus de 250 policiers qui nous ont parlé de la manière dont ils gèrent et prennent soin de leur propre santé mentale ainsi que de la santé mentale de leurs agents. M. Roger Brown, commissaire adjoint de la GRC en Nouvelle-Écosse, nous a captivés en racontant son expérience lors de la fusillade à Moncton. Le genre de leadership dont font preuve nos chefs de police, nos dirigeants des services correctionnels, la GRC et d'autres commence à ouvrir des portes qui n'existaient même pas il y a deux ou trois ans. Je suis très optimiste au sujet des prochaines étapes, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à faire.
Le sénateur Wallace : Je vous remercie de vos exposés. D'après ce que vous avez dit, j'en déduis qu'il y a suffisamment de connaissances au sein de chacun de vos organismes pour comprendre les enjeux, et vous semblez tous d'accord relativement à l'approche à adopter.
Monsieur Coleridge, vous avez fait un commentaire intéressant relativement au besoin de maintenir une approche intersectorielle. Vous avez dit qu'il y avait deux exigences pour réellement mettre en œuvre des solutions et non pas simplement faire des études. Vous avez dit que des ressources et du leadership étaient nécessaires. Quand on y pense, le leadership est la clé de tout succès, selon moi.
Madame Spadorcia, dans votre exposé, vous avez dit que votre organisme soutient les activités proposées dans le projet de loi du sénateur Cowan, mais ensuite vous avez dit que vous recommandiez que ces activités soient incorporées dans le mandat de la Commission de la santé mentale du Canada. On dirait que vous vous demandiez d'où le leadership allait venir, et c'est justement de cela qu'on parlait juste avant. Vous semblez être à l'aise avec la Commission de la santé mentale du Canada.
Avec cette mise en contexte, je me tourne maintenant vers Mme Vornbrock. Selon vous, votre organisme comprend- il pleinement les activités et les besoins cernés dans le projet de loi? Croyez-vous que votre organisme est capable d'offrir ce leadership?
Mme Vornbrock : Je veux croire que nous comprenons entièrement le travail. Nous avons eu le privilège de travailler avec le sénateur Cowan pendant de nombreuses années. Je sais qu'il a discuté avec des membres de notre conseil et notre leadership. En lisant le projet de loi et en en discutant, nous en sommes venus à la réalisation que la plupart des activités nous étaient familières; nous en avions déjà discuté ou entendu parler. Nous avons bon espoir qu'il s'agisse d'une occasion, mais, encore une fois, je vous dirais que la commission n'agit pas seule. Nous qualifions souvent la commission d'épine dorsale. Nous sommes un organisme qui en soutient d'autres. Nous ne procédons pas à la mise en œuvre ou à la mise de l'avant. Nous tentons de mener et de servir de catalyseur, pour reprendre les paroles de Peter. Il est important pour nous de travailler en partenariat. Pour ce faire, nous tenons des discussions partout au pays relativement à un plan d'action en santé mentale pour le Canada.
Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, partout où nous allons, on discute de questions de justice pénale. J'ai bon espoir que, si nous en avons l'occasion, si nous obtenons un second mandat du gouvernement du Canada, nous travaillerons avec toutes les parties au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et territoriaux qui sont essentielles au dialogue, et tous nos intervenants et les gens touchés et leur famille pour apporter les changements nécessaires pour atteindre les résultats énoncés non seulement dans ce projet de loi, mais aussi dans la stratégie de santé mentale du Canada.
Le sénateur Wallace : Vous dites que votre organisme travaillerait avec toutes les parties. C'est bien, mais est-ce que cela signifie d'offrir le leadership nécessaire pour les réunir de façon ciblée pour mettre en œuvre des solutions? Ai-je raison de dire cela?
Mme Vornbrock : Oui. La commission est un outil rassembleur puissant. Nous aimons rassembler les gens et c'est ce que nous faisons. Nous avons beaucoup de chance; lorsqu'on invite les gens, ils ont tendance à accepter l'invitation.
Mme Spadorcia : Je tiens à m'expliquer, puisque le contexte de la question concernait ma recommandation. Je parle en mon nom personnel. Nous étions enthousiastes en lisant le projet de loi et dynamisés par le travail fait par le sénateur Cowan. En fait, beaucoup de travail exhaustif semble provenir du Sénat en matière de santé mentale, ce qui est vraiment passionnant.
Nous avons commencé à réfléchir au projet de loi, et nous voulons mettre en œuvre toutes les activités qu'il prévoit. Nous croyons que le projet de loi va dans la bonne direction. Selon nous, il faut se demander si on veut créer une autre structure. Pouvons-nous miser sur ce que nous avons déjà? Nombre de nos organismes font déjà beaucoup de travail. La commission nous a déjà confié beaucoup de travail. Nous avons des stratégies provinciales en matière de santé mentale qui sont mises en œuvre partout au pays. Selon notre expérience, je dirais que oui, c'est une chose dont nous avons absolument besoin.
Nous espérons que le gouvernement fédéral décidera d'aller de l'avant, peu importe la structure, ce qui serait bien, mais nous tenons davantage à faire le travail nécessaire qu'à créer une autre structure. Pour l'instant, il faut accorder la priorité au travail qui doit être effectué.
M. Coleridge : Je suis d'accord avec ces deux intervenants, mais je tiens à souligner que, si ce mandat finit par faire partie du mandat de la Commission de la santé mentale du Canada, ce que je soutiendrais compte tenu des commentaires formulés, n'oublions pas que des ressources sont nécessaires pour offrir le leadership et faire la synthèse des connaissances, distribuer et partager les normes et les pratiques exemplaires, et cetera. Des ressources doivent être affectées aux agents de première ligne des services correctionnels des provinces, dans des organismes comme l'ACSM et d'autres pour mettre en œuvre l'excellent travail fait par la commission. Qu'il s'agisse de ressources nouvelles ou de ressources réaffectées, je ne ferai pas de commentaires, mais n'oublions pas qu'il s'agit d'une partie essentielle de l'équation.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. C'est absolument fascinant, et il est vraiment évident que tout le monde comprend le lien entre la santé mentale et les démêlés avec le système de justice. Évidemment, nous aimerions qu'il y ait un volet de prévention dans toute stratégie concernant la santé mentale et le système de justice. Ma question s'adresse à M. Coleridge.
Vous ai-je bien entendu lorsque vous avez parlé d'une stratégie de santé mentale pour les gens dans le système de justice? Existe-t-il une stratégie, ou faisiez-vous simplement le lien entre la stratégie de santé mentale et les répercussions sur les gens dans le système de justice? Avons-nous besoin d'une stratégie séparée, ou simplement tous ces aspects font partie d'une même stratégie à laquelle on n'a pas encore accordé suffisamment d'attention?
M. Ferdinand : Je sais que mes collègues de la commission peuvent probablement en parler puisqu'ils ont prodigué des conseils sur l'élaboration de cette stratégie. Il existe une Stratégie sur la santé mentale en milieu correctionnel au Canada. Non seulement elle comporte sept thèmes qui couvrent de nombreux aspects du projet de loi S-208, mais ce qui m'impressionne dans la Stratégie sur la santé mentale en milieu correctionnel au Canada, ce sont les cibles et les résultats escomptés qui sont énoncés dans la stratégie. Les services correctionnels des provinces et ceux du gouvernement fédéral se sont réunis avec l'aide de la commission et d'autres pour travailler à cette stratégie, mais surtout pour écouter les gens qui travaillent comme intervenants de première ligne pour leur demander quels étaient leurs besoins. Lors de l'examen de la stratégie, j'ai été impressionné par l'honnêteté et les commentaires directs des membres de la communauté des services correctionnels et du système de justice pénale concernant les besoins qui n'étaient pas comblés du point de vue des employés ou possiblement du point de vue de l'employeur ou du milieu, en plus des besoins des personnes incarcérées qui n'étaient pas comblés non plus évidemment.
Il s'agit d'une stratégie extraordinaire. Elle pourrait servir à déterminer la meilleure façon d'effectuer la mise en œuvre dont nous avons désespérément besoin avant que les gens soient incarcérés, mais aussi une fois qu'ils ont des démêlés avec le système de justice pénale.
La sénatrice Raine : Qui a rédigé la stratégie? De toute évidence nous avons besoin d'un exemplaire.
M. Ferdinand : Si je me souviens bien de l'introduction de la stratégie, elle indiquait que la stratégie avait été élaborée par des représentants de ces divers services correctionnels. Je ne sais pas personnellement qui l'a rédigée.
Mme Vornbrock : Je crois qu'il s'agit du Service correctionnel du Canada. Je crois qu'un groupe de travail a élaboré la stratégie. C'est ce que j'avais compris.
Le président : Nous l'avons.
Nous l'avons, ce qui couvre cet enjeu. Nous allons maintenant passer au sénateur Cowan, qui sera suivi du sénateur Enverga.
Le sénateur Cowan : Je vous remercie. J'ai omis tout à l'heure de vous remercier tous d'être venus, d'avoir pris le temps d'examiner le projet de loi et de faire des commentaires à son sujet.
Ma question s'adresse à Jennifer. Je vous remercie d'être venue et d'avoir exprimé votre point de vue, qui selon moi est très convaincant. J'ai parlé plus tôt du bon travail que vous avez fait relativement au projet TEMPO, et aussi au sein du comité qui s'est penché sur le projet national Trajectoire et le projet de loi C-14 qui portait sur les individus déclarés non criminellement responsables. J'attendais avec impatience que la commission vienne donner son point de vue sur le projet de loi, ce qu'elle a fait. La commission a répondu qu'elle ne pouvait pas venir parce qu'elle ne pouvait pas faire du lobbying directement auprès du gouvernement. J'aurais cru que l'un des rôles de la commission était de venir commenter les projets de loi devant une chambre du Parlement, qu'il s'agisse d'un projet de loi émanant d'un parlementaire comme celui-ci ou un projet de loi comme le C-14.
Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du point de vue de la commission? Comment décidez-vous pour quel projet de loi vous irez ou non témoigner?
Mme Vornbrock : Je vais essayer. Je vous remercie de la question.
La commission a ses traditions et son histoire. Au cours des sept ou huit dernières années, elle s'est chargée de défense et de dialogue avec un « d » minuscule. Mais j'aimerais revenir à mes commentaires précédents sur la façon dont la commission travaille et fonctionne, c'est-à-dire en partenariat. Bien que la commission ne se soit pas prononcée relativement au projet de loi sur les personnes déclarées non criminellement responsables, elle travaillait en étroite collaboration avec de nombreuses organisations et personnes qui avaient elles pris position.
Par exemple, vous avez parlé plus tôt du travail effectué par Anne Crocker en matière de recherche de même que du travail que nous avons fait avec le Dr Patrick Baillie et d'autres membres d'une petite coalition. La commission a offert son soutien selon le cas.
Comme la recherche dans le cadre du projet national Trajectoire n'était pas terminée, la commission n'avait pas de position solide à faire valoir. On a décidé d'offrir à Anne Crocker l'occasion de venir prendre la parole, tout comme à d'autres membres de la Commission de la santé mentale, si vous voulez.
Nous examinons chaque enjeu, projet de loi ou situation au cas par cas. Nous vérifions nos données de recherche et prenons position, le cas échéant. Nous y réfléchissons avec soin puis discutons et déterminons avec nos partenaires si la commission est le groupe désigné pour prendre la parole relativement à un enjeu ou s'il faut se tourner vers d'autres partenaires comme l'ACSM, la Société canadienne de la schizophrénie, le CTSM ou dans certains cas des chercheurs qui sont plus compétents. Nous n'essayons pas toujours d'être les porte-parole ou l'organisme porte-parole pour une question donnée.
Est-ce que cela répond à votre question?
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice Seidman : Si je peux revenir à l'introduction à la dernière question que je n'ai finalement pas posée, cela concerne l'orientation stratégique 2 dont vous nous avez parlé dans votre exposé, madame Vornbrock. Vous dites qu'elle correspond directement au projet de loi du sénateur Cowan, parce qu'elle concerne très directement le système correctionnel; plus précisément, les priorités 2.3 et 2.4. Je ne tiens pas à les lire au complet, mais peut-être voudrez-vous en parler, y compris ce qui consiste à « fournir un soutien adéquat aux personnes ayant une maladie mentale qui se trouvent dans le système de justice pénale ». Vous traitez aussi de prévention, de promotion et d'amélioration des politiques et des pratiques. J'aimerais que vous nous en parliez.
Mme Vornbrock : Je ferai de mon mieux, et peut-être vais-je laisser l'auteur de la stratégie en parler aussi. Vous avez souligné les éléments sur lesquels je me concentrerai, pour revenir encore une fois à ce thème de soins holistiques. Ce qu'on ne trouve pas dans l'orientation stratégique 1, c'est tout ce concept de prévention et de promotion sur toute la durée de vie.
L'orientation stratégie 2.4 vise véritablement une disponibilité accrue. Cela revient à cette question des ressources, de la nécessité de donner accès à ce qu'on sait être efficace. Cela s'inscrit dans cet important thème de l'accès.
J'aimerais aussi souligner quelques thèmes fondamentaux : les services adéquats, l'offre de services appropriée et la réponse aux besoins de la personne, qu'il soit question de sexe, d'âge, d'origine ethnique ou de culture. L'un des éléments essentiels de la Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, c'est l'ouverture à la diversité de la clientèle, la reconnaissance que bien des Canadiens sont nouvellement arrivés au pays et de la nécessité de nuancer la prestation des services.
J'aimerais souligner la terminologie, ici, entourant le thème « exhaustif ». Il ne s'agit pas que de montrer la porte de sortie. Nous voulons aussi aiguiller les gens vers la porte suivante, afin qu'il y ait continuum de soins, un thème que nous ramenons souvent sur le tapis. C'est exhaustif.
Vous verrez d'autres thèmes qui sont déterminants dans notre démarche pour combler les lacunes du système. J'ai entendu beaucoup d'intervenants et de partenaires dans la communauté dire que nous n'avons pas vraiment de système. Nous avons certains excellents services, mais je ne suis pas sûre que nous soyons encore au point de pouvoir dire que nous avons un système exhaustif de soins qui est bien intégré et intersectoriel, qui permettra véritablement d'atteindre les objectifs que nous avons établis dans notre stratégie en matière de santé mentale.
Et cette stratégie n'a pas de calendrier. Elle demeure un idéal, et elle nous stimule et nous inspire tous, qui travaillons dans le domaine de la santé mentale au Canada, y compris la Commission de la santé mentale et nos partenaires.
M. Chodos : Le but visé, si on regarde la recommandation 2.4.2, c'est entre autres qu'on veut s'assurer que les personnes qui sont libérées dans la communauté aient un plan exhaustif. Cela concerne certains des liens dont il est question aussi dans le projet de loi, l'importance de ne pas seulement examiner une personne à un moment ponctuel, mais reconnaître qu'il y ait un cheminement vers le rétablissement. Cela entend que les gens qui ont des troubles de santé mentale peuvent revenir dans la communauté et être intégrés, mais avec l'appui d'une gamme complète de services pour assurer le succès de la transition.
La sénatrice Seidman : Ce qui ressort, c'est que vous dites très clairement que vos travaux sont guidés par la Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada publiée en 2012. Ces composantes, ces priorités, s'inscrivent dans cette stratégie, et il est essentiel que nous le comprenions. Je vous en remercie.
Le sénateur Wallace : C'est une évidence que toute stratégie efficace pour s'occuper de ces enjeux doit inclure non seulement le gouvernement fédéral, mais les provinces également. Monsieur Ferdinand, vous en avez parlé. Vous avez donné un exemple de la coopération entre les groupes fédéraux et provinciaux pour préparer une stratégie.
Madame Vornbrock, je me demandais si vous pouviez nous donner plus de détail sur la relation que votre association, la Commission de la santé mentale du Canada, a avec les provinces pour mettre en place une stratégie commune et obtenir de bons résultats — pas seulement des études, mais des résultats concrets. Pourriez-vous nous décrire cela en détail?
Mme Vornbrock : Je sais que nous avons une excellente relation avec les provinces et les territoires. C'est là qu'est notre PDG aujourd'hui. Elle est à Halifax pour rencontrer le premier ministre de la Nouvelle-Écosse et le ministre de la Santé, et organiser une table ronde d'intervenants avec des organisations communautaires de la ville.
Nous avons travaillé très fort parce que nous savons que la santé est une compétence des provinces et territoires. Avoir une influence sur la situation de la santé mentale au Canada et faire avancer les choses exigent une collaboration étroite avec les provinces et territoires.
Nous avons un groupe consultatif provincial-territorial. Nous nous réunissons plusieurs fois par année avec la personne concernée du gouvernement, normalement un sous-ministre adjoint de la Santé ou un directeur de la Santé, dans toutes les provinces et territoires. Nous avons une relation très étroite avec eux. Mais au bout du compte, ce qui importe vraiment pour les provinces et territoires, ce sont des outils, des documents et des guides concrets.
La stratégie leur a été incroyablement utile. Elle les a aidés à remanier leurs propres stratégies ou à être mieux guidés. Présentement, la province de Terre-Neuve est en train de réécrire sa stratégie en matière de santé mentale en prenant la stratégie nationale comme pierre angulaire.
L'exemple le plus tangible de la collaboration entre la commission et les provinces et territoires est l'initiative At Home/Chez Soi, pour laquelle nous avons choisi cinq villes canadiennes. Cela n'a pu fonctionner qu'avec la participation des provinces et territoires puisque chaque personne logée dans le cadre de cette initiative — soit 2 000 Canadiens — a conservé son logement. C'est parce que les provinces et territoires s'en sont occupés lorsque nous nous sommes retirés.
Cela a été franchement une transition naturelle. C'était un partenariat naturel entre le gouvernement du Canada et les provinces et territoires qui voulaient agir concrètement pour mettre fin à l'itinérance au pays.
Je suis très fier de la relation que nous avons avec les provinces et territoires. Il y a une synergie. Ils nous mettent au défi. Ils nous disent ce qui est utile et ce qui ne l'est pas, et nous essayons de nous adapter le plus possible aux efforts qu'ils entreprennent.
M. Coleridge : Je tiens à ajouter que dans les divisions provinciales de l'ACSM de certaines provinces, dont j'ai parlé plus tôt, les programmes et les modèles que nous avons mis en place en collaboration avec les responsables du système de justice et des services correctionnels sont, en majorité, financés par les provinces. Mais encore une fois, le leadership fédéral dont Jennifer parle est très important pour mettre la barre plus haute et appliquer ces modèles et ces partenariats partout au pays.
Le président : Merci beaucoup à tous. Je veux remercier mes collègues pour leurs questions très claires.
C'est un enjeu très complexe. J'aimerais dire premièrement que nous avons beaucoup apprécié vos réponses claires à ces questions sur cet enjeu complexe. Cela nous est très utile d'obtenir des réponses aux questions que nous posons. Ce qui est le plus important pour nous, c'est d'entendre les témoignages qui nous permettront, je l'espère, de prendre une bonne décision.
J'ai véritablement le sentiment que règne un esprit de collaboration entre les organisations qui ont comparu aujourd'hui. Ce n'est pas toujours le cas. Quand cette collaboration n'est pas authentique, cela se sent, mais j'ai le sentiment, avec vous, que vous travaillez ensemble en continu et depuis longtemps.
Vous avez une perspective commune sur l'étendue du problème et préconisez la collaboration entre les organisations chargées d'un mandat dans ce domaine. Vous proposez de travailler de concert pour faire avancer ce dossier.
Pour nous, la question est de savoir si une nouvelle commission est nécessaire ou non. Vous avez tous reconnu que les éléments recensés dans le projet de loi sont essentiels. Vous avez également fait observer que vous discutez déjà de certains de ces éléments et que vous avez mis en place des stratégies qui sont toujours en évolution. Alors pour nous la grande question est de déterminer la meilleure façon de faire avancer ces questions.
Je trouve que vous avez le souci de ne pas écarter les autres et que ce serait possible pour vous de travailler ensemble pour atteindre ces objectifs. Il faudrait que quelqu'un, ce peut être une organisation, chapeaute le travail qui se ferait sur ces diverses questions. Je sens que les mandats actuels le permettraient, mais les objectifs sont bel et bien clairs et nécessaires.
Je retiens surtout — je vous remercie de la façon dont vous l'avez exprimé — que vous avez besoin de plus de ressources. C'est une question très complexe. À la lumière de notre discussion, j'ai une grande confiance dans votre capacité à faire une bonne utilisation des ressources, à réunir des groupes pour travailler sur ces questions et à bien les comprendre plutôt que d'agir bon gré mal gré. La situation est complexe compte tenu du chevauchement de ces questions. Les organisations de santé provinciales sont chargées de la mise en œuvre sauf dans les domaines où le gouvernement fédéral a compétence pour agir.
Au bout du compte, c'est une question absolument fondamentale pour notre société. Il est essentiel que ces questions soient traitées dans leur ensemble. L'approche individuelle et la communauté locale seront au cœur des travaux à venir. Vous nous avez grandement aidés à bien saisir les questions que soulève le sénateur Cowan dans son projet de loi.
Sur ce, au nom du comité, je vous remercie sincèrement pour votre témoignage aujourd'hui.
(La séance est levée.)