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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 34 - Témoignages du 14 mai 2015


OTTAWA, le jeudi 14 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, pour poursuivre son étude sur l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je suis le président du comité. Je vais inviter mes collègues à se présenter à tour de rôle, en commençant par ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le sénateur Enverga : Sénateur Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, et vice-président du comité.

Le président : Je vous remercie, chers collègues.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur l'obésité. Plus précisément, nous allons examiner, pour en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Nous allons entendre les représentants de deux groupes. Je vais leur demander de faire leur déclaration dans l'ordre où ils apparaissent sur l'ordre du jour. Je vais inviter Mark Tremblay, directeur, Recherche sur les saines habitudes de vie et l'obésité, Institut de recherche du CHEO, à prendre la parole.

Mark Tremblay, directeur, Recherche sur les saines habitudes de vie et l'obésité - Institut de recherche du CHEO : Je vous remercie infiniment de votre invitation et je suis ravi de pouvoir vous aider dans le cadre de vos délibérations. Mais surtout, je vous remercie de vous intéresser à ce dossier important. Je vais commencer par vous mettre en contexte et par apporter une petite rectification, question de partir du bon pied.

À ma connaissance, il n'y a actuellement aucune preuve indiquant que l'incidence de l'obésité est croissante au Canada. C'est peut-être juste une question de terminologie. Le taux de prévalence de l'obésité est élevé et augmente possiblement. L'incidence est une chose différente et rien ne prouve qu'elle est en hausse. Nous pouvons parler des définitions statistiques, si vous préférez, mais je crois que vous voulez plutôt parler de « prévalence » ici.

Ensuite, je crois que l'élément essentiel de cette étude ne devrait pas être l'obésité, mais plutôt les comportements qui causent ou qui préviennent l'obésité et les affections connexes. Je pense que c'est ce que vous voulez dire. L'obésité est l'indicateur dont nous entendons toujours parler dans les médias, mais nous devons mettre l'accent sur les comportements, car ce sont eux qui peuvent occasionner ou prévenir les problèmes de santé.

Dans le contexte de l'obésité, il y a quatre points d'entrée. D'autres témoins vous en ont probablement aussi parlé. D'une part, il y a les efforts visant à promouvoir ou à faciliter les saines habitudes alimentaires et, d'autre part, les efforts visant à décourager ou à empêcher les mauvaises habitudes alimentaires. C'est la même chose du côté de l'activité physique — on déploie des efforts pour encourager la pratique d'exercice physique et pour décourager la sédentarité. Ce sont les quatre points d'entrée dans le contexte de l'obésité. Cela dit, ces quatre points d'entrée se reflètent ensuite dans l'environnement bâti, les politiques et toutes les mesures sur le plan individuel dont vous avez sans doute entendu parler, mais il s'agit du cadre avec lequel nous devons travailler.

De plus en plus, on prend des mesures en amont pour arrêter ou renverser la crise de l'obésité qui sévit actuellement dans le monde. Par mesures « en amont », je parle ici de mesures précoces ou préventives. Par exemple, l'Organisation mondiale de la Santé a établi une commission de haut niveau afin de lutter contre l'obésité chez les enfants, et la commission se penche actuellement sur ce fléau. Ses objectifs sont très semblables à ceux du comité, c'est-à-dire prévenir l'obésité chez les enfants et les adolescents et déterminer comment traiter ceux qui en souffrent déjà de façon à réduire le risque de morbidité et de mortalité attribuable aux maladies chroniques, les effets psychologiques, ainsi que — et j'ignore dans quelle mesure il en a été question — le risque d'obésité transgénérationnelle à l'avenir. Je vais vous parler brièvement de cet aspect, parce que le problème ne se limite pas à la personne qui en souffre; il touche également sa progéniture et celle qui n'a pas encore été conçue.

D'ailleurs, je dois mentionner que je suis membre du groupe d'experts de l'Organisation mondiale de la Santé, et sachez que je ne divulguerai aucun renseignement confidentiel. Tout ce que je dis relève du domaine public.

Dans le rapport provisoire que j'ai transmis au comité, on insiste sur l'importance d'adopter une approche axée sur le parcours de vie, même d'une génération à l'autre, et de reconnaître que cette transmission intergénérationnelle ou empreinte biologique — ce sont des termes techniques — est fondamentale. Le sperme et l'ovule d'un jeune couple sont prédisposés à ce zygote, et éventuellement l'embryon et le fœtus qui n'ont pas encore été conçus. Je pense qu'il est important de le comprendre lorsqu'on pense à une approche axée sur le cycle de vie. Ce cycle commence avant la conception, par le mode de vie sain des futurs parents. Il doit se poursuivre durant la grossesse et surtout pendant les premières années de vie de l'enfant. On place l'enfant sur une trajectoire qui le prédisposera à de bonnes ou à de mauvaises habitudes. Ces comportements auront des effets non seulement sur toute sa vie, mais aussi sur sa progéniture lorsqu'il arrivera à son tour à l'âge de procréer. On est en quelque sorte dans un cercle vicieux.

J'aimerais brièvement aborder l'aspect économique de cet enjeu. Le McKinsey Global Institute a publié un important rapport vers la fin de l'année dernière. Je l'ai également remis aux membres du comité. C'est un document très intéressant. Il démontre que le fardeau économique mondial de l'obésité est comparable à celui des conflits armés. Ce n'est pas une peccadille. Je vais vous en citer un extrait, que je commenterai ensuite :

Selon les données existantes, à elle seule, toute intervention risque d'avoir un impact modeste. Par conséquent, une série d'initiatives systémiques et durables, menées à grande échelle, pourrait réduire le fardeau lié aux problèmes de santé. Toutes les interventions qui ont été définies sont rentables pour la société — des économies au chapitre des soins de santé et une productivité accrue pourraient dépasser l'investissement direct nécessaire à l'intervention si on tient compte de toute la durée de vie de la population cible.

Il n'y a pas de solution miracle. Si vous essayez de trouver un remède miracle, vous perdez votre temps. Je peux vous l'affirmer avec la plus grande certitude, à la lumière de tous les groupes de réflexion auxquels j'ai pris part ces 25 dernières années. Il n'y a pas de solution magique.

Heureusement, beaucoup de bonnes choses surviennent. Il y a 10 ans, cinq ans et tout récemment, j'ai rédigé un manuscrit intitulé Major Initiatives Related to Childhood Obesity and Physical Inactivity in Canada : 2014 Year in Review. Il dresse en quelque sorte le bilan de l'année. Les deux premiers sont parus dans la Revue canadienne de santé publique. Le plus récent est actuellement examiné en vue de sa publication. Je vous ai également remis une ébauche de ce manuscrit, dans lequel nous présentons 15 initiatives prometteuses, de grandes initiatives qui ont lieu au pays, dont la plupart n'ont pas été suffisamment évaluées, alors nous ne sommes pas certains si elles fonctionnent, n'empêche que ce sont des initiatives qui, si elles sont durables et menées à grande échelle, pourraient nous permettre d'améliorer sensiblement les choses et d'apporter un changement social majeur, ce que je crois que vous recherchez ici. Je les ai énoncées dans les notes que je vous ai remises. Je ne vais donc pas perdre de temps à les lire. Vous avez probablement déjà entendu parler de certaines de ces initiatives. Si vous ne les connaissez pas, je serais ravi de vous en parler davantage.

Les trois ou quatre dernières sont liées à des questions de mesure, que vous pourriez ne pas considérer comme des interventions. Pour ma part, je vois la mesure comme une intervention. En fait, il s'agit, selon moi, de l'intervention la plus importante. Elle réussit certainement à retenir votre attention, puisqu'en politique, il faut également rendre des comptes. Ce qui est mesuré donne des résultats. Nous le savons. La reddition de comptes transparente motive les changements de comportement chez les gens, les organisations et les gouvernements. Par conséquent, les résultats d'une enquête de Statistique Canada peuvent influencer considérablement tous nos comportements et ce que nous faisons. En fait, le comité a probablement été mis sur pied pour cette raison. Les documents que Christine, moi-même et d'autres avons rédigés ont attiré votre attention. Vous avez convenu qu'il y avait un gros problème et qu'il fallait tenter de le régler.

L'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, que j'ai énumérée, et l'Étude de l'activité physique des jeunes au Canada réalisée par l'Institut canadien de la recherche sur la condition physique, où Christine travaille, sont des exemples d'études très importantes qui donnent de l'information sur l'obésité, les niveaux d'activité physique et de sédentarité et la condition physique. Le Bulletin canadien de l'activité physique chez les jeunes est un mécanisme semblable. Nous avons reproduit ce processus dans 14 autres pays, ce qui nous permet d'établir des comparaisons et de créer une matrice pour tous les pays dans le monde.

Nous sommes très limités dans des environnements comme celui-ci. C'est le plus grand obstacle. En fait, plutôt que de me faire témoigner, vous devriez inviter des gens des régions rurales du Kenya ou du Sud du Brésil, qui ne sont pas limités par nos politiques et notre façon de penser, car c'est là où se trouvent les réponses. C'est ce que la matrice nous a démontré. Au Canada, nous avons des mesures, mais les gens ne les ont pas adoptées. Les pays qui ont le moins d'infrastructures et de politiques sont les plus actifs. Nous pouvons ne pas en tenir compte, mais c'est ce que la matrice nous indique.

J'ai l'impression qu'on voudra toujours construire des installations et des établissements encore plus grands et meilleurs, mais ce n'est pas ce dont on a besoin. Les enfants doivent aller jouer dehors et renouer avec la nature. C'est une solution évolutive qui ne marginalise pas les personnes déjà marginalisées ou vulnérables. C'est économiquement possible. Nous avons le plus grand terrain de jeu du monde à l'extérieur. Il est fantastique, mais nous ne l'utilisons pas, parce que nous convainquons les gens de se rendre à leur centre communautaire local et de courir sur un tapis roulant entouré de granite. Ce n'est pas viable. Ce n'est pas ce que fait le reste du monde, du moins les gens actifs.

Permettez-moi de résumer les principaux points que je voulais soulever. Il faut se concentrer en amont sur les comportements sains afin de prévenir le problème. Nous voulons que les Canadiens soient en bonne santé; pas qu'ils aient une taille ou une forme particulière. Nous devrons adopter une approche axée sur le parcours de vie et mener une série d'initiatives à grande échelle si nous voulons réellement changer les choses. Je crois qu'il faut revenir à la base. Cela ne s'inscrit pas dans les initiatives typiques du gouvernement ou dans les solutions que la plupart des leaders ont apprises à l'université. Toutefois, cela ne veut pas dire que c'est mauvais pour autant.

Je vous remercie de m'avoir consacré de votre temps.

Le président : Merci beaucoup. Je vais vous rassurer tout de suite en vous disant que nous avons entendu un message semblable; il ne s'agit pas de construire davantage de complexes sportifs; on nous a parlé de beaucoup d'autres infrastructures accessibles. Il est peu probable que nous recommandions la construction de mausolées.

J'ai le plaisir d'accueillir la Dre Christine Cameron, présidente de l'Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie. La parole est à vous.

Dre Christine Cameron, présidente, Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie : Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je vais vous donner quelques statistiques, dont Mark a parlé tout à l'heure. Nous avons mené diverses études à l'institut et j'aimerais vous en présenter les résultats.

À l'échelle internationale, le taux de surpoids et d'obésité a considérablement augmenté au cours des trois dernières décennies. Bien que les taux de prévalence du surpoids et de l'obésité dans les pays occidentaux aient commencé à se stabiliser, ils demeurent généralement élevés. En général, l'embonpoint et l'obésité touchent 39 p. 100 et 13. 100 des adultes respectivement. Dans le monde, le nombre de jeunes enfants âgés de 5 ans et moins obèses et en surpoids a augmenté, passant de 32 millions en 1990 à 42 millions en 2013. Si rien n'est fait, l'obésité au cours de la petite enfance peut mener à l'obésité dans l'enfance, l'adolescence et à l'âge adulte. Au Canada, on estime actuellement que les coûts directs du surpoids et de l'obésité totalisent 6 milliards de dollars, dont les deux tiers sont particulièrement attribuables à l'obésité.

Le système actuel de surveillance et la recherche s'appuient souvent sur l'indice de masse corporelle, l'IMC, pour évaluer les indicateurs de niveau de surpoids et d'obésité de la population. L'IMC est un calcul relativement simple du poids et de la taille, et il est relativement peu coûteux à recueillir dans les enquêtes menées auprès de la population. En fait, au Canada, il existe plusieurs études représentatives, réalisées à grande échelle par Statistique Canada, qui explorent les taux de prévalence de l'IMC chez les adolescents et les adultes. De 2009 à 2011, 31 p. 100 des enfants de 5 à 17 ans et 60 p. 100 des adultes âgés de 18 à 79 ans étaient considérés comme ayant un surpoids ou comme étant obèses.

On recommande souvent d'utiliser l'IMC en combinaison avec d'autres indicateurs d'adiposité mesurés objectivement, comme le tour de taille. Par ailleurs, les résultats de recherche révèlent qu'entre 1981 et 2009, les mesures d'adiposité ont augmenté. Ceci dit, les Canadiens sont maintenant plus à risque de développer, au fil du temps, des maladies reliées à l'obésité.

Comme Mark l'a déjà indiqué, les facteurs contributifs de l'obésité sont multidimensionnels. Par contre, des niveaux plus élevés d'adiposité résultent généralement du déséquilibre entre la quantité d'énergie consommée et l'énergie dépensée par un sujet. On tient également compte de l'héritabilité pour estimer l'indice de masse corporelle. Il importe de comprendre les déterminants de l'obésité lorsqu'on élabore des stratégies en matière de santé publique pour combattre l'obésité. Cela englobe la compréhension d'une vaste gamme de facteurs qui favorisent le régime alimentaire sain et l'activité physique, qui réduisent les régimes alimentaires malsains et les comportements sédentaires, et qui sont dans la zone d'influence du sujet, ou un résultat des environnements sociaux, de l'environnement physique et des politiques.

Je vais aborder ces facteurs séparément, à commencer par le régime alimentaire. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, la nutrition et le régime alimentaire sont d'importants facteurs contributifs de l'obésité chez les enfants. Par ailleurs, la recherche révèle que les préférences alimentaires sont apprises dès la petite enfance et que ces comportements peuvent se poursuivre à l'âge adulte. De plus en plus d'enfants sont exposés à de multiples types de messages sur les aliments, et ce, par divers supports. En 2010, l'OMS a endossé une série de recommandations visant à guider les efforts déployés par les États membres pour concevoir de nouvelles politiques et renforcer les politiques existantes en matière de commercialisation des aliments et des boissons non alcoolisées destinés aux enfants.

Au-delà des politiques de commercialisation des aliments, l'OMS a élaboré une série de stratégies de prévention applicables à l'ensemble de la population pour la création d'environnements favorables aux régimes alimentaires sains, notamment l'étiquetage nutritionnel, les taxes et les subventions des aliments, les initiatives touchant les fruits et les légumes, la réduction de la teneur en gras des aliments et la présentation d'options d'aliments sains dans les institutions gouvernementales.

La littérature indique clairement l'efficacité de l'activité physique dans la prévention ou la gestion de certaines maladies non transmissibles, y compris l'obésité. Malgré les bienfaits connus de l'activité physique sur la santé, une proportion relativement petite de la population est considérée comme étant suffisamment active pour tirer profit de ces bienfaits pour la santé. La population adulte fait en moyenne 12 minutes par jour d'activité physique modérée à vigoureuse; environ un adulte sur cinq cumule suffisamment d'activité pour respecter les directives canadiennes en matière d'activité physique. Selon les données de Statistique Canada et de l'Institut canadien de la recherche sur la condition physique, la majorité des enfants d'âge scolaire et des adolescents ne font pas suffisamment d'activité physique. Moins de 15 p. 100 des enfants et des jeunes font au moins 60 minutes d'activité modérée à vigoureuse par jour.

Faire de l'activité physique est un comportement complexe probablement influencé par de nombreux facteurs internes et externes. Pour être efficaces, les stratégies visant à augmenter l'activité physique devraient être exhaustives, fondées sur les théories du changement de comportement et axées sur un cadre socioécologique comprenant des interventions intrapersonnelles, sociales, environnementales et politiques.

Plusieurs interventions se sont révélées efficaces dans la promotion de l'activité physique. Plus précisément, une approche informationnelle de la promotion de l'activité physique par l'intermédiaire de campagnes communautaires, de campagnes médiatiques et de prises de décisions rapides peut être un moyen efficace. On recommande également des approches comportementales et sociales, y compris l'appui social des collectivités et des milieux de travail, l'éducation physique, les activités en classe, le sport après l'école et le transport actif. Il faut miser non seulement sur le développement, mais surtout sur l'amélioration des endroits propices à l'activité physique, l'aménagement de l'espace urbain, l'utilisation du territoire, une politique de transport actif, des plans à l'échelle de la collectivité et des politiques visant la réduction des obstacles environnementaux et structuraux.

Enfin, voyons rapidement les comportements sédentaires. Nous constatons que de longues périodes de sédentarité ou d'activité réduite expliquent aussi l'aggravation de l'obésité. La proportion des jeunes Canadiens qui respectent les directives canadiennes en matière de comportement sédentaire varie aussi avec l'âge. Des statistiques montrent que c'est le cas de 18 p. 100 des jeunes de la tranche de 3 à 4 ans, de 69 p. 100 de ceux de la tranche de 5 à 11 ans et de 31 p. 100 de ceux de la tranche de 12 à 17 ans. Certains états se révèlent liés à des comportements sédentaires précis chez les enfants et les adultes. Il peut s'agir notamment de l'obésité due au visionnement de la télévision chez les enfants et les adolescents; de la mortalité, toutes causes confondues, et de certaines maladies non transmissibles chez les adultes, dues à certaines formes de sédentarité.

Dans une revue systématique, la recherche a aussi montré l'effet des interventions sur les comportements sédentaires et l'activité physique, combinés ou séparés, sur la réduction des périodes sédentaires chez les adultes. Souvent, les interventions axées sur le seul comportement sédentaire peuvent entraîner la plus forte réduction de ces périodes, tandis que les interventions sur l'activité physique combinée à la sédentarité risquent de les écourter un peu moins.

Bref, l'activité physique, le régime alimentaire et les comportements sédentaires sont tous reconnus comme des facteurs modifiables du risque d'obésité. Vu leur importance pour le traitement de l'obésité et d'autres maladies non transmissibles, des lignes directrices en matière de santé publique et des recommandations concernant ces facteurs ont été élaborées et peaufinées au fil du temps. Des systèmes de surveillance à long terme, comme ceux qui ont été mis de l'avant par l'Institut canadien de recherche sur la condition physique et le mode de vie, l'ICRCP, et par Statistique Canada, ont permis d'évaluer les progrès dans le temps afin de déterminer l'évolution de ces comportements dans la population, mais aussi les facteurs qui les renforcent ou les empêchent. Une approche exhaustive et multifactorielle est indiquée, particulièrement vu que la recherche montre l'effet protecteur du respect de ces recommandations.

Le président : Je vous remercie tous les deux.

Entamons la période de questions. Nous commençons par le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Tremblay, vous avez parlé d'incidence par opposition à prévalence; l'une augmentait, mais pas l'autre. Pouvez-vous nous expliquer cela avec plus de détails?

M. Tremblay : L'incidence concerne le taux de nouveaux cas, tandis que la prévalence est leur accumulation. Si, à l'intérieur d'une période donnée, habituellement d'un an, 2 p. 100 des Canadiens deviennent obèses et que le taux reste à 2 p. 100, mais qu'il était avant de 1 p. 100, l'incidence ne change pas, mais la prévalence augmentera, parce qu'elle était de 1 p. 100. Ce 1 p. 100 cesse d'être d'actualité, et la surface totale sous la courbe du graphique augmente. Cela suppose que beaucoup d'obèses ne cessent pas de l'être.

Pour montrer les augmentations de l'incidence, il faut des enquêtes longitudinales, que nous n'avons pas au Canada. Rien ne montre non plus, particulièrement vu l'augmentation spectaculaire du taux de prévalence chez les quelques dernières générations. Mondialement, le phénomène semble se stabiliser. Ne nous réjouissons pas, parce qu'il se trouve à un maximum historique. C'est mauvais. Cela laisse plutôt entendre que l'incidence pourrait diminuer.

Dans un souci de clarté, pour le comité ou cette initiative particulière, il faudrait probablement parler de « prévalence » plutôt que d'« incidence ».

Le sénateur Eggleton : Pour vous, cela reste néanmoins une crise.

M. Tremblay : Bien sûr. Elle est à son paroxysme. Ne nous excitons pas si elle se stabilise à ce niveau, le pire jamais vu.

Le sénateur Eggleton : Cela nous éclaire.

Madame Cameron, permettez-moi de vous interroger sur une étude de votre organisation. On y lit que l'activité physique n'a pas diminué au cours des 10 dernières années, que, en fait, elle a augmenté. Si c'est vrai et vu l'augmentation constatée de l'obésité à des taux astronomiques, sa prévalence, est-ce vraiment une question de régime alimentaire plutôt que d'activité physique? Comme quelqu'un l'a dit, la fourchette finit toujours par nous rattraper.

Mme Cameron : Chez les enfants, nous mesurons objectivement une légère augmentation de l'activité au fil du temps. À partir de données mesurées encore plus objectivement, et Mark pourra vous en parler un peu mieux, celles de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, communiquées par Statistique Canada, nous constatons que très peu d'adultes suivent les directives. Les statistiques n'ont pas vraiment changé au fil du temps. Nous constatons une très légère augmentation dans les instruments d'autoévaluation. Peut-être que, actuellement, l'obésité est surreprésentée. Mais les mesures objectives ne montrent pas d'augmentation. Nous constatons un plafonnement, puis, ces dernières années, une très légère diminution.

M. Tremblay : La question, à mesure qu'on creuse, se complique, et vous êtes tombés sur ce résultat. Je peux vous communiquer cinq études qui ne montrent aucun changement, autant qui en montrent et autant encore qui montrent une baisse. Même chose sur les apports énergétiques, le régime hypocalorique, des rapports selon lesquels nous mangeons moins. Comment pouvons-nous être plus actifs, manger moins et devenir obèses?

Quand j'étais directeur général à Statistique Canada, c'était difficile à expliquer au ministre. Nous sommes limités dans le nombre de données que nous pouvons rassembler. Nous cherchons les résultats les plus robustes, ceux dont la fiabilité est la plus grande, et nous nous y fions.

Souvent, nous nous en remettions alors à des mesures de la condition physique que nous pouvons faire avec beaucoup de précision au gymnase et au laboratoire. Statistique Canada l'a fait sur un échantillon de Canadiens. Il est beaucoup plus facile de mesurer la force ou la santé cardiovasculaire de quelqu'un. Vous avez vu, dans les nouvelles, hier, ce qu'on disait de la force de préhension comme moyen de prévoir les crises cardiaques. C'est une donnée objective assez précise. Ma force de préhension, aujourd'hui la même que demain, se mesure assez précisément. Si je vous questionne sur votre activité ou votre alimentation, vos réponses seront extrêmement dispersées, en raison de la variabilité journalière de ces activités et de l'infidélité de votre mémoire sur les distances de marche que vous aurez parcourues — vous ne vous rappelez pas de toutes vos activités secondaires.

Les tendances temporelles de notre condition physique, et qui ont été mesurées quand nous étions enfants et adultes, révèlent des baisses spectaculaires et frappantes, qui répondent aux motifs pour lesquels vous avez constitué ce comité.

Je ne me laisserais pas détourner par les fluctuations. Je me fierais aux données les plus rigoureuses, les plus objectives, qui sont absolument convaincantes. Comme les tendances de la prévalence de l'obésité, qui ont montré, massivement, une augmentation. Chez les enfants, elle a triplé en une génération. De même, les niveaux de condition physique ont diminué à un rythme frappant. Chez les enfants, nous constatons une réduction de 20 p. 100 de leur force en une génération, entre 1981 et maintenant. Les enfants ne sont plus capables de grimper aux arbres, même si nous devions adopter cette méthode.

Le sénateur Eggleton : Ces statistiques sur l'activité physique sont différentes pour les enfants et les adultes. Elles montrent une baisse chez les enfants et peut-être une hausse chez les adultes.

M. Tremblay : Je ne me fierais pas à cette hausse chez les adultes.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Passons à des solutions possibles, et il y en a tout un tas, comme l'étiquetage nutritionnel et le Guide alimentaire canadien. Il est aussi question de la publicité auprès des enfants. Le Québec a décrété l'interdiction de la publicité destinée aux enfants. La plus grande partie de la discussion, ici, a touché les boissons et les aliments sains. Que pensez-vous de ces mesures?

M. Tremblay : Pour moi, c'est l'évidence même. La décision du Québec fait parler d'elle. Interdire la publicité des mauvais aliments destinée aux enfants ou augmenter celle des aliments sains ne comporte aucun inconvénient. Que vous puissiez prouver empiriquement un effet, il me semble, et c'est évident, que c'est une décision à ranger dans la liste des choses à faire. Cela ne présente aucun inconvénient. Ou plutôt un, je suppose, pour les actionnaires d'une société qui ne peut plus faire la publicité de ses céréales sucrées auprès des enfants. Le sujet arrive assez rapidement sur le tapis dans tous les groupes de discussion avec qui j'en discute. Pourquoi ne l'essayons-nous simplement pas?

C'est beaucoup plus compliqué, bien sûr, parce que nous sommes surtout exposés par des médias que le Canada ne contrôle pas : postes américains, postes de partout dans le monde, Internet. Il est vraiment difficile d'interdire quelque part une publicité conçue pour les enfants de 10 ans, simplement parce que nous n'en avons pas le pouvoir. C'est là que surgit le problème. Néanmoins, il me semble déjà que c'est une évidence, pour les autres provinces, d'imiter le Québec.

Le sénateur Eggleton : En plus, devrions-nous faire la distinction entre aliments sains et malsains, et comment le pourrions-nous? Devrions-nous simplement interdire la publicité des aliments et des boissons pour éviter de faire ces jugements et de créer des bureaucraties pléthoriques pour gérer ce problème?

M. Tremblay : Excellente question, qui alimente les discussions. Des mécanismes ont été mis en place par des spécialistes qui peuvent en juger. Il en va de même pour les politiques sur les machines distributrices dans lesquelles on ne peut que vendre des aliments sains. Quelqu'un doit décider si telle boisson, telle barre granola est bonne pour la santé. Il y a bien sûr de longs débats à ce sujet.

Nous voulons que nos enfants sachent ce qui est bon pour la santé. Ce serait dommage de ne pas pouvoir les exposer à cela.

Mme Cameron : Cela peut se faire par l'éducation publique, par opposition à la publicité.

La sénatrice Seidman : Monsieur Tremblay, vous nous avez communiqué un document intitulé, comme vous l'avez dit Major Initiatives Related to Childhood Obesity and Physical Inactivity in Canada : 2014 Year in Review. Dans votre conclusion, vous faites observer que beaucoup d'initiatives ont actuellement lieu au Canada pour tenter de combattre l'obésité chez les enfants. Vous dites aussi que nous devons nous concentrer sur des efforts que nous pourrons soutenir et adapter, des notions que vous avez effleurées dans votre exposé.

Voici ma question : D'après vous, quels efforts actuels sont le plus susceptibles de donner des résultats d'après les critères que vous avez exposés?

M. Tremblay : Je ne tombe jamais dans le piège de la solution unique. S'il y a une chose que nous pouvons faire, je réponds invariablement de ne pas vous inquiéter. Qu'on donne l'argent à un autre département, parce que vous n'aurez aucun impact. Toutes les études le montrent.

Nous devons modifier le milieu bâti dans notre pays, modifier, c'est probablement le plus important, le milieu social, pour que, désormais, les enfants puissent faire comme nous, quand nous étions enfants, et, d'après moi, c'est la solution la plus facile.

Les 15 initiatives sont par exprès rangées dans différentes sous-catégories, comme dans un portefeuille, pour éviter d'en privilégier une aux dépens des autres. Certaines sont des programmes, d'autres des groupes de programmes. L'ensemble se renouvelle sans cesse, parce qu'on peut obtenir du financement pendant un an ou six mois dans une collectivité pour leur réalisation. Qu'elles soient fantastiques ou pas, peu importe : elles meurent, et il faut imaginer un nouveau programme.

Je n'en choisirais aucune en particulier. Un certain nombre d'entre elles sont bonnes. Cela dépend de l'âge que vous voulez cibler. Ma préférence irait probablement aux âges les plus tendres et aux activités qui arrivent le plus tôt ou dans les familles qui attendent un enfant.

Mais il y a aussi des catégories de surveillance, laquelle est absolument nécessaire. Le sénateur Eggleton a examiné l'information. Il faut qu'elle soit excellente. L'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, de Statistique Canada, est absolument fondamentale, innovante et essentielle. Son budget est voté et il est permanent, mais elle est absolument essentielle.

Pour répondre à votre question, je choisirais un peu de tout dans différentes parties du portefeuille, tout ce qui a des chances d'avoir des résultats, comme d'autres initiatives de changement social, comme ce que nous avons fait contre le tabagisme. Cela n'a pas été une seule solution ni un seul programme; cela n'a pas ciblé un groupe d'âge ou simplement un programme. Cela s'appuyait sur le marketing social, l'éducation, la sensibilisation, des interventions et des mesures.

Voilà pourquoi j'ai rédigé ce document. On me reproche souvent d'être monsieur Négatif, parce que les données sont lacunaires et que je fais beaucoup de surveillance. Ce n'est pas un scénario excellent. Les données sont mauvaises. Cependant — et c'est la raison pour laquelle je l'ai rédigé, et c'est la troisième mouture —, nous essayons d'agir. Nous avons fait un tas de choses. Cela est loin de disposer des ressources qui seraient nécessaires. Tous les secteurs doivent intensifier leurs efforts à cette fin. Nous essayons de réagir à un problème majeur avec de la petite monnaie, et je pense que c'est ce qui nous coince.

Je suis désolé. J'ai plus ou moins esquivé votre question.

La sénatrice Seidman : Non. Vous avez mentionné ce que de nombreux témoins nous ont dit, qu'il n'y a pas de solution ni d'objectif unique. Il faut agir sur de nombreux plans parce que le problème est complexe. Votre évocation du tabagisme est tout à fait judicieuse, parce que nous savons tous que la stratégie axée sur la santé publique était probablement le meilleur programme de prévention et d'intervention contre ce fléau jamais lancé au pays, et c'était il y a des décennies.

M. Tremblay : Soixante ans, effectivement.

La sénatrice Seidman : Exactement. Alors il faut commencer quelque part, cibler des objectifs à court terme, à moyen terme et à long terme, à très grande échelle, comme vous dites, visant beaucoup de systèmes différents, et je pense que nous comprenons. Nous l'avons entendu.

Le comité doit faire des recommandations, et j'espère que nous en aurons pour une approche à court terme, à moyen terme et à long terme. Ma question, en fait, était de savoir quels efforts, d'après vos travaux — et vous avez consacré beaucoup de temps à cette question —, d'après les faits observés, semblaient les mieux couronnés de réussite.

Concernant l'ingestion réduite d'aliments malsains et les boissons non alcoolisées, votre recherche vous a-t-elle révélé des interventions — et je ne vous demande pas de m'en citer une — concrètement efficaces?

M. Tremblay : La plupart des faits concernent les programmes scolaires ou la réduction de la consommation de boissons sucrées — peu importe lesquels. En réalité, c'est comme une macédoine de fruits, qui rend difficile la perception d'une seule saveur, parmi toutes celles qu'on goûte. Voilà la difficulté, et c'est ce que le rapport McKinsey nous a dit.

Pour le chercheur, c'est un véritable combat, parce qu'il faut présenter une subvention pour obtenir une mesure comme la réduction des boissons sucrées dans les écoles. On éprouve l'idée, mais elle déçoit les espoirs. Il ne faut pas en déduire qu'elle ne serait pas efficace; cela signifie qu'un petit détail est en cause. Ce n'est pas seulement les boissons sucrées, mais est-ce que cela fait partie du problème? D'après moi, je suppose que oui. C'est la même chose avec les autres aliments de la restauration rapide, avec le fait de ne pas consommer de fruits frais, d'être trop sédentaire et de ne pas se tenir suffisamment en position debout. La difficulté est donc d'isoler le facteur, ce que des gens comme vous veulent toujours obtenir, tout comme les organismes de recherche. C'est de l'innovation, parce que vous pouvez élaborer des projets et affirmer que vous avez trouvé la solution magique : il suffit de l'essayer, et, ensuite, tout ira pour le mieux.

Toutes les données, les méta-analyses et tous les examens systématiques déçoivent un peu, mais ils livrent des indices. Les écoles constituent un excellent milieu d'intervention. La famille aussi, tout comme le milieu de travail. Les dimensions sont multiples. C'est comme si 3 fois 1 ne donnait que 1, puis que l'ajout d'encore 1 donnait 23. Nous n'avons pas encore franchi ce point critique, comme contre le tabagisme. C'était il y a quelques générations. Cela ne signifie pas que les 20 années de travaux qui ont précédé n'ont été d'aucune utilité; il fallait bien planter le décor, préparer la réussite.

La sénatrice Seidman : Docteure Cameron, dans une parution hâtive du Journal de l'Association médicale canadienne, qui sera publié sous peu, il y a un article intitulé « Active play key to curbing child obesity ». Est-ce que votre organisation privilégie davantage le jeu actif que le sport organisé?

Dre Cameron : Nous avons étudié les résultats de la recherche effectuée sur les deux et les bienfaits de chacun, car le sport contribue entre autres au développement des capacités d'apprentissage, mais il ne faut pas sous-estimer la valeur du jeu non structuré. Nous avons constaté que les enfants qui participent à des jeux non structurés après l'école ou qui jouent dehors font entre 1 500 et 2 000 pas de plus par jour que les autres. Même si on ne peut pas affirmer qu'il s'agit d'une cause directe, les données montrent que le jeu y contribue, et c'est une contribution à ne pas sous-estimer.

La sénatrice Seidman : Monsieur Tremblay, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Tremblay : Cet article du Dr Ian Janssen a maintenant été publié. C'est ce que nous avons constaté à l'échelle mondiale. Nous avons comparé les comportements en matière d'activité physique dans les pays d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'un peu partout dans le monde, et cela nous a permis de voir les choses autrement et de faire page blanche. Nous avons compris que nous avons besoin de toute une gamme d'activités, et pas seulement de cours intensifs d'éducation physique, ou seulement d'un sport de haut niveau. Ce n'est pas qu'une question de jeu ou de transport actif non plus. Nous avons besoin de tout cela à la fois. Toutes ces activités doivent faire partie de notre vie, comme c'était le cas pour les générations qui nous ont précédés.

Si on parle surtout du jeu actif, c'est que c'est sans doute cet aspect qui a perdu le plus de popularité. Si on examine les tendances temporelles en éducation physique — le sport organisé est excellent, en fait, même s'il marginalise probablement les plus marginalisés, alors ce n'est peut-être pas la solution à privilégier. Si différents choix s'offrent à nous, peu importe les conditions... quelqu'un qui habite dans le Grand Nord, par exemple, peut profiter d'un environnement extérieur fantastique. Il n'y a peut-être pas de patinoire ou de piscine à vagues, mais cela ne fait rien, parce que pour se rendre à l'école, il faut choisir un mode de transport actif.

C'est l'approche de type portefeuille. Le jeu actif est celui qui est le plus en déclin. Nous sommes de plus en plus pantouflards. Les parents qui permettent à leurs enfants d'aller au parc à pied font aujourd'hui face à la prison. Vous savez de quoi je parle si vous avez suivi cette histoire aux États-Unis.

Le sénateur Enverga : Monsieur Tremblay, vous avez mentionné dans votre exposé tout à l'heure qu'il existait certaines prédispositions. Si on parle de facteurs innés, doit-on conclure à des prédispositions génétiques? Y a-t-il des recherches ou des données scientifiques pour corroborer cela? Peut-être que la prise d'antibiotiques pendant la grossesse peut rendre l'enfant plus vulnérable à l'obésité? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Avez-vous plus de détails?

M. Tremblay : C'est assez complexe. On ne parle pas de génétique, mais d'épigénétique. Plus on en apprend sur notre biologie, mieux on comprend certaines choses. Au début de mes études, il était très clair qu'il y avait la génétique, qui est immuable — à moins qu'on parle d'une période de 10 000 ans —, et il y avait l'environnement. Il n'y a rien à faire avec cela, alors on passe tout notre temps là-dessus.

Plus on étudie la question, plus on se rend compte que ce ne sont pas deux entités distinctes; c'est un continuum. Si mon grand-père travaillait dans une mine d'amiante, cela a eu des répercussions sur ma santé, parce qu'il a transmis cela à mon père, de qui ma mère est tombée enceinte, et cela fait donc partie de moi.

Alors, oui, des modifications à l'épigénome peuvent entraîner une prédisposition, qu'il s'agisse de l'exposition à des antibiotiques ou du tabagisme de la grand-mère; mais il y a aussi des prédispositions positives, par exemple si votre grand-père était marathonien. Ce n'est pas aussi fort que le destin, mais cela peut nous mettre sur la bonne ou la mauvaise voie dès le départ.

Notre grande inquiétude, et la prochaine génération de sénateurs qui siégeront à cette table devront aussi s'en préoccuper, c'est de voir le taux d'obésité infantile tripler. Pour la génération actuelle qui a eu des enfants, il n'y avait pas une très grande prévalence d'obésité. Les gens étaient fondamentalement actifs grâce à différentes choses. Ils devaient marcher pour aller à l'école. Ils avaient des tâches à faire. Ils jouaient dehors parce qu'il n'y avait pas de télévision à l'intérieur.

La nouvelle génération d'enfants n'a pas cette déflexion positive. En fait, c'est plutôt le contraire. Ils vont transmettre cela à leurs propres enfants, même si nous arrivons à régler le problème aujourd'hui. Nous avons créé un déficit, et nous allons devoir rattraper le temps perdu.

Même si nous trouvons une solution, il y aura des manques à combler dans les années à venir. Si on en croit la biologie, la suite des choses risque d'être difficile. C'est un peu comme les préférences et les goûts, qui sont transmis d'une génération à l'autre.

Le sénateur Enverga : Il faut donc adopter une approche différente pour chaque personne pour prévenir l'obésité.

M. Tremblay : Je pense qu'il existe de grandes catégories qui englobent la plupart des gens. Comme je le disais, il faut promouvoir une saine alimentation et décourager les mauvaises habitudes alimentaires. Il faut encourager un mode de vie actif et décourager la sédentarité. Ce sont les grandes catégories dont je veux parler. Mais là encore, il est certain que le génome humain se trouve altéré par l'exposition aux pesticides, par exemple, ou aux antibiotiques, comme vous l'avez indiqué. Je ne crois toutefois pas qu'il y ait encore de données probantes à cet effet. Quand on se frotte à dame Nature, on finit par s'y piquer, et c'est un peu ce qui est en train de se produire à mon avis.

Le sénateur Enverga : Merci.

J'ai une question pour la Dre Cameron, et peut-être que Mark pourra aussi intervenir. On veut voir des enfants plus actifs. Vous avez sans doute entendu parler du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants. C'est assez efficace.

Ma question est la suivante : Serait-ce une bonne chose d'offrir un crédit d'impôt pour la condition physique des adultes? Pensez-vous que cela pourrait aider? Quelles répercussions est-ce que cela pourrait avoir selon vous? Puisque le gouvernement essaie de remédier à la situation, est-ce qu'une telle mesure pourrait faire partie de la solution?

Dre Cameron : Nous avons étudié brièvement les effets du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants dans le cadre de nos recherches. Nous avons remarqué des écarts économiques parmi les adultes qui ont affirmé que le crédit d'impôt leur était utile et qu'il avait permis d'accroître le niveau d'activités de leur enfant. Les personnes ayant une situation économique moins élevée sont moins susceptibles de répondre à ce genre de questions. Les données étaient tirées de déclarations volontaires de la part des parents.

Il est difficile d'évaluer quel impact cela aurait pour les adultes. Nous n'avons pas vraiment fait de recherches là-dessus. Peut-être que Mark sera en mesure de vous en dire un peu plus.

M. Tremblay : Nous avons produit un rapport à l'aide des données de Revenu Canada pour déterminer qui utilisait ces crédits, et nous en sommes venus aux mêmes conclusions que les rapports déjà parus à ce sujet. Il semble que cela profite plus à la classe moyenne et à la classe supérieure, aux gens qui ont 1 000 $ à dépenser là-dessus. C'est le cas pour les crédits pour enfants, et j'imagine que ce serait la même chose pour les adultes. Le groupe vulnérable, celui que vous voulez surtout rejoindre, devrait avoir le revenu nécessaire et la volonté de dépenser ce montant pour le récupérer un an plus tard.

Je crois que le consensus assez général dans le secteur de l'activité physique est que le montant voué au crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, qui frôle les 200 millions de dollars par année, serait mieux investi ailleurs.

Je pense que son plus grand avantage, et de là son importance, c'est qu'il démontre à la population canadienne que le problème est suffisamment important pour qu'on modifie la loi fiscale afin d'y remédier. Donc, dans l'ensemble, c'est une des mesures qui aboutiront au tournant attendu. Mais à savoir s'il s'agit du meilleur investissement pour cet argent, je ne le sais pas.

Le sénateur Enverga : Merci.

La sénatrice Beyak : Je suis ici de temps à autre à titre de remplaçante au merveilleux comité du sénateur Ogilvie, mais j'ai eu le privilège d'entendre des experts comme vous témoigner.

Je partage les préoccupations de la sénatrice Seidman concernant les soins palliatifs, mais elle a beaucoup plus d'expérience et de connaissances que moi. Nous avons entendu les témoignages du Dr Robert Lustig et maintenant du Dr Ben Carson, candidat à la présidence aux États-Unis. Ils ont tous les deux affirmé que nous allions tous — vieux, jeune, gras, mince, en santé ou non, homme, femme, toutes races confondues; le Dr Ben Carson est Afro-Américain — coûter plus cher au système de santé dans les six derniers mois de notre vie, peu importe note âge — enfant, femme atteinte du cancer du sein, une personne âgée qui s'éteint dans la dignité — que tous les autres problèmes de santé quels qu'ils soient, comme le tabagisme ou l'obésité. Nous devons nous en inquiéter, évidemment, parce que la qualité de vie n'est pas à mépriser. Mais comment équilibrer tout cela pour que l'argent des contribuables serve aussi à assurer des soins de qualité dans les six derniers mois de vie?

Le président : Je vais vous interrompre. C'est un enjeu globalement très complexe, et nous avons beaucoup de questions à poser sur le sujet de l'obésité en tant que tel.

Si vous avez un commentaire à formuler concernant l'influence qu'a l'obésité sur les six derniers mois de vie en ce qui a trait aux coûts, c'est possible qu'il y ait un lien, mais je vous demanderais de ne pas répondre à la question qui a été posée, car l'enjeu est trop complexe et cela déborde du mandat qui nous a été donné.

M. Tremblay : Tout ce que je peux dire, c'est que pour les personnes obèses, on parle de probablement de plus de six mois. Différentes études le confirment, et je crois que Christine a donné quelques statistiques à cet égard. Une personne obèse coûte plus cher à la société tout au long de sa vie, pas seulement dans les six derniers mois. Et avec le déconditionnement, on ne parle plus seulement de six mois, mais de 18. Ce n'est là qu'une raison de plus pour tenter de prévenir l'obésité.

Le président : Aviez-vous d'autres questions, sénatrice?

La sénatrice Beyak : Non.

Docteure Cameron, voulez-vous répondre à la question?

Dre Cameron : Je suis aussi de cet avis.

La sénatrice Beyak : Merci.

La sénatrice Raine : C'est toujours agréable d'entendre de vrais experts dans ce domaine, car vous y travaillez depuis un bon moment, et tout le monde sait qu'il n'existe pas de solution universelle.

Si nous devons nous attaquer à la question dans tous les sens, du point de vue des politiques publiques, il faut tenir compte du fait que notre régime de prestation est assez compliqué. Au Canada, la responsabilité des transferts de santé revient au gouvernement fédéral, mais la prestation des services est assurée par les provinces. Il y a des rencontres fédérales-provinciales pour en discuter, et je sais que cela préoccupe toutes les provinces. Croyez-vous qu'il existe un moyen de communiquer à toutes les provinces les meilleures pratiques appliquées par les administrations provinciales et municipales, afin d'éviter de tout recommencer du début et d'essayer de réinventer la roue chaque fois? Comment peut-on transférer ce qui se fait d'une province à l'autre?

Dans votre bilan annuel, vous avez mentionné certains points. J'imagine que vous faites l'exercice depuis de nombreuses années, alors il existe un autre recueil, si je puis dire, de pratiques exemplaires.

Je suis d'accord avec vous; bon nombre de ces programmes vont et viennent par manque de financement à long terme. Combien de temps faudrait-il, selon vous, pour être réellement en mesure de déterminer si un programme est assez efficace pour le mettre en oeuvre à l'échelle du pays?

M. Tremblay : Pour ce qui est de la dernière partie de votre question, je vous dirais que nous ne le savons pas vraiment. Il faudrait sans doute une dizaine d'années, pas seulement six mois ou un an, la période accordée généralement avec le financement du gouvernement et le financement de la recherche en général.

La portée est ainsi très limitée et c'est quasi assuré qu'une évaluation vraiment rigoureuse conclura à l'échec du projet. C'est ce qui se produit presque tout le temps, alors on jette le bébé avec l'eau du bain. On donne un peu de traction au projet, et c'est une notion implicite au pays de donner la chance au coureur, mais ce n'est pas ce qu'on fait. C'est un investissement à long terme où on ne fait qu'empiler les choses.

Je voulais qu'on revienne à la base, soit laisser les enfants être des enfants, ce qui ne cadre évidemment pas avec le cadre juridictionnel que vous avez mentionné, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral transfère des fonds pour la santé ou le sport aux provinces. Cela s'accompagne par contre de barrières qui méritent d'être soulignées. Par exemple, lorsque je m'adresse aux conseillers scolaires, à l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, ils sont totalement pour l'idée de laisser les enfants jouer et d'utiliser davantage les terrains de jeux, que ce soit pendant les heures de classe ou après. Ils sont toutefois paralysés par la crainte d'être mêlés à un litige, car c'est la réalité d'aujourd'hui.

C'est là que le Secrétariat du Solliciteur général doit intervenir. Je l'ai indiqué dans mes notes. Il doit y avoir plusieurs réformes conjointes concernant la responsabilité civile. S'il y a des avocats dans la salle, ils comprendront ce que cela veut dire. Il doit y avoir des mécanismes pour empêcher les poursuites frivoles de paralyser les collectivités qui ont peur de laisser les enfants jouer au parc. Oui, une chute et un poignet cassé, cela peut arriver. Ce n'est pas nouveau, et cela va toujours rester. Ce n'est pas une solution de garder son enfant à l'intérieur, rivé à un écran qui permettra à un cyberprédateur de le convaincre de s'enlever la vie. C'est un exemple un peu extrême, et j'ai fait exprès pour le choisir, parce qu'on fait constamment la même chose pour l'envers de la médaille, si bien que les parcs sont vides, les rues sont désertes et on fait tout un plat quand un enfant de huit ans revient seul de l'école à pied. Quand j'étais petit, à Bracebridge, en Ontario, tous les enfants de cinq ans marchaient pour aller à l'école et revenir à la maison, et ils savaient tous qu'il fallait regarder des deux côtés de la rue avant de traverser.

Il y a cette approche qui s'adresse aux familles et aux écoles, notamment, mais elle doit s'accompagner de la structure juridique voulue pour que tous puissent passer à l'action. Les conseillers scolaires m'ont dit qu'ils étaient tout à fait d'accord avec moi, mais qu'ils ne pouvaient rien faire en raison des questions de responsabilité.

La sénatrice Raine : Mais nous pourrions intervenir à ce niveau.

M. Tremblay : Absolument, oui.

La sénatrice Raine : Il est aussi important de bien faire passer le message aux parents. Les parents pensent que c'est de la négligence de laisser leurs enfants jouer seuls au parc, mais que c'est acceptable de les laisser choir sur le divan, à manger des croustilles, à boire des boissons gazeuses et à regarder la télé.

M. Tremblay : Exactement.

De quoi avons-nous besoin sur le plan de l'éducation, du marketing social, du cadre juridique et des changements sociaux? Nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait dans des pays comparables au nôtre. En Finlande, par exemple, la norme du transport actif est extrêmement différente de la nôtre. Il fait froid là-bas. Il fait noir, comme ici. J'imagine que les petits Finlandais sont plus robustes. Cela me rappelle le sexagénaire suédois des publicités de ParticipACTION. Les jeunes enfants marchent de deux à trois kilomètres. C'est normal là-bas, cela ne l'est pas du tout ici. C'était pourtant courant dans notre enfance. Comment changer la norme sociale? Je le répète, nous avons besoin de soutiens sociaux.

De nombreuses organisations luttent contre ce phénomène. Avec la prévention des blessures et les services de protection à l'enfance, les normes ont changé. Ce qui était autrefois acceptable pour un enfant de cinq ans ne l'est plus même pour un enfant de 10 ans; ou ce qui est acceptable pour un enfant de huit ans ailleurs dans le monde est loin de l'être pour un enfant de huit ans à Ottawa.

La sénatrice Raine : Quelles organisations devraient fixer les normes à viser? J'ai par exemple entendu dire qu'un parent peut demander un autobus scolaire s'il habite à un kilomètre de l'école. C'est insensé.

M. Tremblay : C'est moins d'un kilomètre pour les jeunes enfants d'âge scolaire.

La sénatrice Raine : Mais qui fixe ces normes?

Mme Cameron : Les commissions scolaires.

Le président : Ce sont des règlements locaux.

La sénatrice Raine : Voilà le changement social dont vous parlez. Les dirigeants des instances gouvernementales supérieures peuvent-ils l'initier?

M. Tremblay : Je pense qu'ils ont un rôle à jouer en modifiant les lois et en influençant ce genre de choses. Ils peuvent par exemple financer des campagnes qui aideront les gens à changer, et ils peuvent même intervenir pour montrer que cela peut fonctionner.

La sénatrice Raine : Permettez-moi de m'éloigner un peu du sujet et de vous parler de mon village de montagne de 450 habitants, dont bon nombre sont des personnes à faible revenu. Les enfants marchent jusqu'à l'école, mais l'hiver, ils utilisent une remontée mécanique puisque l'établissement est situé en haut d'une pente. En été, ils doivent marcher jusque là-haut parce que le sol n'est pas couvert de neige. C'est un mode de vie très actif et sain. Si vous souhaitez utiliser l'information dans le cadre de vos recherches, je vous invite à visiter Sun Peaks.

M. Tremblay : Merci.

Mme Cameron : En réponse à votre première question sur l'échange d'information entre les provinces ou avec le gouvernement fédéral, certains ont déjà tenté de créer des plaques tournantes en ligne ou des portails à cette fin. En raison du financement, ces projets ont malheureusement été trop éphémères pour que leur efficacité puisse être démontrée. Le financement n'a pas assez duré pour que le temps idéal puisse être déterminé, et l'argent a fait défaut.

La sénatrice Cordy : Ma question se rapporte à la même idée, soit le changement de mentalité. Les enfants doivent pouvoir jouer dehors sans encadrement. Nous avons entendu parler d'une affaire aux États-Unis où la police a été appelée parce que des enfants de 7 et de 9 ans jouaient dans un parc sans surveillance. Nous connaissons aussi des cas d'enfants qui marchaient deux blocs pour se rendre à l'école, mais où les parents ont été réprimandés, et où les voisins ont appelé la police pour dénoncer la situation.

Lorsque j'enseignais à l'école les jours froids d'hiver et qu'il y avait une glissoire de trois pieds, les enfants glissaient durant la récréation. Il était agréable de surveiller la cour, car les jeunes étaient tous occupés à glisser. Il arrivait à l'occasion qu'un d'entre eux tombe et se cogne la tête, mais les enfants s'amusaient et avaient les joues roses lorsqu'ils rentraient à l'intérieur. Vous avez raison de dire que les commissions scolaires sont désormais victimes des pressions de parents qui affirment qu'il est trop dangereux de laisser les enfants glisser. Il est trop dangereux d'avoir des balançoires et des structures de grimpe sur les terrains de jeu, et ainsi de suite.

Comment pouvons-nous faire pour changer cette mentalité? Vous avez parlé de changer l'environnement social de façon à éliminer les poursuites frivoles. Mais il y a encore des parents hélicoptères qui insistent pour marcher avec leurs enfants jusqu'à l'école. Ils ne les laissent participer qu'à des sports organisés, et ne les laissent pas jouer seuls dans la cour arrière pendant un certain temps.

Un véritable changement sociétal est nécessaire. Comment peut-on faire? À l'aide de publicités? Je sais que vous avez parlé de changer les règles et de ce genre de choses, mais ce sont les parents qui insistent pour que les autobus scolaires viennent porter les enfants à un demi-kilomètre de l'école. Ils refusent que les enfants glissent sur la glace à l'école. En fait, j'ai lu qu'un groupe de parents a été formé pour dire que ça suffit.

M. Tremblay : Je pense que le mouvement s'amorce et que vous en entendrez beaucoup plus parler dans un proche avenir. Je crois toutefois que vous devez ouvrir la voie en prévoyant un ensemble de mesures à long terme.

Tous les efforts de lutte contre le tabagisme ont commencé lorsque j'étais à l'école. Dans notre cours sur la santé, on nous montrait alors un poumon noirci, et une infirmière venait nous rencontrer. À l'époque, 51 p. 100 des Canadiens fumaient. C'était à la mode lorsque j'étais au secondaire, même si je n'ai jamais fumé, contrairement à la plupart des jeunes. Il a fallu environ 30 ans pour rendre la cigarette impopulaire, et toute une gamme de mesures a été nécessaire, des allégations relatives à la santé jusqu'aux campagnes de marketing social, en passant par l'éducation, les restrictions et les lois, comme la taxation des cigarettes et l'interdiction d'achat avant la majorité. Je pense que nous devons envisager l'arsenal de moyens à notre disposition, car je pense que tous ces outils seront nécessaires.

La première étape est de jeter des bases solides de preuves, ce qui devrait être fait sous peu. Il faut vraiment montrer le juste équilibre aux parents de façon convaincante, car ils sont convaincus que les enfants sont en sécurité lorsqu'ils restent à l'intérieur — certains l'ont mentionné. Or, des recherches en toxicologie prouvent incontestablement que l'air à l'intérieur des bâtiments est bien plus nocif pour nous que celui à l'extérieur. Nos sièges et nos tapis sont tous enduits de vaporisations ignifuges toxiques que nous respirons. Ils auront sans aucun doute des actions épigénétiques sur nous au fil du temps. Nous faisons désormais de l'exercice physique à l'intérieur, ce qui nous amène à respirer des quantités énormes d'air. Certains croient à tort que les jeux vidéo actifs sont la réponse au problème. Or, ils nous incitent à respirer plus d'air intérieur, à rester près de la boîte à biscuits et de la boisson gazeuse, et à jouer au jeu vidéo actif assis sur le divan. Ce n'est tout simplement pas viable; c'est insensé.

Il faut présenter des arguments équilibrés. Les gens ont-ils conscience que le risque d'enlèvement par un étranger à l'extérieur est estimé à un sur 14 millions, et qu'il est entre 100 et 200 fois plus probable d'être victime d'un prédateur sexuel en ligne? Cela ne semble pas nous poser problème. Le commun des mortels n'est pas au courant. Nous devons établir cet équilibre et demander aux parents de se ressaisir. Nous devons réformer le rôle parental. Les centres communautaires pourraient même offrir des cours pour essayer de les aider.

Je discute constamment avec des parents. Ils évoquent leur enfance avec nostalgie, un grand sourire au visage, et tous se souviennent de cette époque. Lorsque nous demandons à ces mêmes parents s'ils laissent leurs enfants faire la même chose, ils répondent par la négative. Nous leur demandons pourquoi, puisque l'environnement d'aujourd'hui est plus sécuritaire que celui de leur jeunesse. Nous convenons alors que c'est une liberté qui s'est perdue. Il faut donc déployer un arsenal complet pour remettre les pendules à l'heure et rendre la situation plus viable.

La sénatrice Cordy : Vous avez dit qu'il est difficile de déterminer ce qui fonctionne à partir de données probantes, car il faudrait alors réaliser des études de longue haleine. Mais le gouvernement étant ce qu'il est, il souhaite obtenir des résultats immédiats. Ainsi, un programme de six mois ou une construction de patinoire dans le milieu sont des mesures acceptables aux yeux du gouvernement puisque le public voit une structure physique après un an ou deux, ou un programme local auquel les enfants participent. Comment nos recommandations peuvent-elles aller plus loin? S'agit-il bel et bien de ce qu'il faut faire? Devrions-nous planifier et mettre en place des programmes à long terme?

M. Tremblay : Vous l'avez fait dans le cas de la cigarette. Attaquez-vous à une chose à la fois. Vous pourriez financer des campagnes d'éducation et de marketing social, des projets pilotes, de même que des recherches sur certains sujets. Vous pouvez faire des déclarations. Nous avons une nouvelle Journée nationale de la santé et de la condition physique; nous pourrions donc instaurer la journée des tâches de pelouse. Divers moyens nous permettraient de commencer tranquillement à rééquilibrer les choses, comme nous l'avons déjà fait.

Ce n'est pas qu'un problème de gouvernance. Je pense que le bureau du solliciteur général et certains ministères non traditionnels du gouvernement ont un rôle à jouer, car la crainte de poursuites paralyse vraiment les décideurs. Or, ces derniers sont essentiels pour changer les choses et permettre aux enfants de jouer dans les aires de jeux, plutôt que de raser les structures. Je fais beaucoup de recherches en Afrique, et j'ai vu ce avec quoi les enfants jouent. Ils ont une balle et se blessent rarement. Vous en seriez effrayés dans le contexte du dialogue canadien.

La sénatrice Cordy : Vous ne pouvez vraiment pas reprocher aux commissions scolaires d'avoir pris ces décisions.

La sénatrice Nancy Ruth : Nous entendons constamment dire que les connaissances vont changer les choses, que l'information sur la modification de l'alimentation, du niveau d'exercice physique et du style de vie favorisera la santé et combattra l'obésité. J'en conviens, mais étant moi-même aux prises avec le problème depuis 60 ans, je me demande comment le changement peut être soutenu pendant une vie entière. J'alterne entre l'embonpoint et l'obésité, et entre un mode de vie sain et des habitudes moins saines. Dès que je suis absorbée dans mes problèmes, je retourne à mes mauvaises habitudes.

Nous sommes sensibilisés tout au long de notre vie. Je sais que la majeure partie de l'information porte sur la nutrition. Et après? Comment croyez-vous que le changement puisse être maintenu?

Mme Cameron : Eh bien, pour ce qui est de l'activité physique, il faut miser sur des campagnes communautaires ou médiatiques comme ParticipACTION, qui ciblent des segments particuliers de la population, car nous savons qu'elles peuvent avoir une incidence. Il pourrait par exemple s'agir de mères de jeunes enfants. Nous devons nous attarder aux obstacles ou aux catalyseurs relatifs à ces populations, puis en tirer profit et leur fournir des connaissances. Au fil du temps, ce que nous considérons comme des obstacles changera. Lorsque nous devenons un parent, nous nous soucions soudainement non seulement de nous-mêmes, mais de nos enfants aussi. Il serait donc utile de fournir des renseignements propres aux segments particuliers de la population. Il en va de même pour l'alimentation.

La sénatrice Nancy Ruth : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Tremblay?

Le président : Il semble n'avoir rien à dire. C'est un enjeu où il est risqué de prendre un exemple particulier et d'extrapoler.

Avez-vous une autre question, sénatrice?

La sénatrice Nancy Ruth : Non.

La sénatrice Raine : Les Canadiens ont bien compris le message de ParticipACTION au cours des quelque 20 dernières années. Croyez-vous que le programme est utile? Vous l'avez mentionné, madame Cameron. Je sais que le financement du programme est limité. Devrions-nous investir davantage dans ce genre de publicités ciblées, qui semblent s'attaquer aux problèmes? Arrivent-elles bien à faire passer différents messages, tant sur les médias sociaux que dans les médias traditionnels?

M. Tremblay : Permettez-moi de préciser que je suis l'ancien président du Groupe consultatif en recherches de ParticipACTION, et que j'étais de ceux qui ont rétabli le programme sous le gouvernement actuel. Cela dit, c'est un bon exemple de programme à maintenir. Si ParticipACTION cesse de faire ce qu'il fait ou limite ses activités, vous allez tout simplement financer un autre groupe pour qu'il fasse la même chose. Le programme cumule 45 années de réussite. Nous avons publié plus d'information sur la réussite et l'évaluation du programme que toute autre organisation au Canada. Si vous en doutez, je vais vous montrer l'information.

Le programme fait-il cavalier seul? Pouvez-vous diffuser une campagne télévisuelle? Non, mais cela fait partie de la solution. Si le programme recevait deux fois plus d'argent, il pourrait être quatre fois plus efficace. S'il recevait 20 fois plus d'argent, peut-être changerait-il les choses.

Vous avez besoin d'une voix nationale et de ce genre de marketing social. Des données provenant des États-Unis portent sur des campagnes qui recevaient le financement dont vous avez besoin pour arriver à évaluer ces éléments, et elles démontrent que les programmes ont une incidence. Ils font partie de la solution.

Ce qui se passe, c'est que le financement devient limité et restreint; voilà pourquoi ParticipACTION a disparu pendant sept ans et a dû être relancé. Il est intéressant de constater que le financement gouvernemental a été réduit de plus de 50 p. 100 dans le budget précédent. L'organisation peine à joindre les deux bouts. Jeunes en forme Canada, qui diffuse le bulletin que certains d'entre vous connaissent, est en train de s'effondrer. Un autre groupe pourra obtenir des fonds en raison de sa nouveauté, et il devra se restructurer pour faire exactement ce que Jeunes en forme Canada faisait auparavant.

Ce n'est pas ce que nous devrions faire. J'investirais dans des programmes comme ParticipACTION, un programme qui a connu du succès et qui est reconnu par 80 p. 100 de la population canadienne. Il faut miser sur cette réussite et non en être frustré.

Le président : Madame Cameron, avez-vous d'autres commentaires?

Mme Cameron : Je suis tout à fait d'accord avec cela.

La sénatrice Beyak : Sans vouloir offenser qui que ce soit, la question précédente portait sur le financement, et les deux témoins ont acquiescé de la tête pendant que je la posais. Le Dr Robert Lustig nous a clairement indiqué que si nous ne nous concentrons pas sur les six derniers mois et les coûts de ces soins, il ne restera plus d'argent pour la santé et la lutte contre l'obésité. Je me demande si vous pourriez poursuivre sur votre lancée.

M. Tremblay : Le problème du financement des soins de santé est un problème qu'on anticipe depuis longtemps, et on voit que les provinces se retirent de certains secteurs. Le Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario met à pied des centaines d'infirmières en raison du manque de financement. Les chercheurs, comme moi-même, savent depuis longtemps que cela arriverait. La situation ne fera qu'empirer, et cela mettra à mal notre système universel de soins de santé au point de le transformer radicalement. C'est la réalité, parce que nous n'en avons tout simplement pas les moyens, en partie en raison de ce dont vous avez parlé.

Cela dépasse la question de l'obésité. Je devrais peut-être arrêter ici.

Le président : J'ai deux ou trois dernières questions. Madame Cameron, j'aimerais revenir à votre exposé; j'aimerais avoir des précisions sur quelques aspects.

Dans le deuxième paragraphe de votre document, vous traitez du surpoids et de l'obésité chez les jeunes enfants de cinq ans et moins, et vous indiquez l'augmentation qui a été observée à cet égard. Par rapport à ce cas précis, j'aimerais revenir à la question de la santé de la mère. Avez-vous des statistiques sur le pourcentage d'enfants obèses de la catégorie des cinq ans et moins dont l'état de santé est directement lié à la santé de la mère pendant la grossesse et à l'accouchement?

Mme Cameron : Je pense qu'il existe des données ce sujet, mais je ne les ai pas avec moi. Je pourrais toutefois faire une recherche.

Le président : Monsieur Tremblay, avez-vous des commentaires?

M. Tremblay : Ce n'est pas aussi simple que de dire qu'étant donné que la mère est en surpoids ou obèse, l'enfant le sera aussi, même s'il existe un rapport entre les deux. Cela ne peut être aussi simple, car les gens de la génération qui a des enfants actuellement n'avaient pas de problèmes de surpoids ou d'obésité aussi importants que ce qu'on observe chez leurs enfants. La proportion de très jeunes enfants en surpoids ou obèses est de 23 p. 100; ce pourcentage est plus faible chez les mères, mais avoir un surplus de poids pendant la grossesse est un facteur de risque pour l'enfant.

Le président : Certes; nous avons eu beaucoup de témoignages à ce sujet, et c'est pourquoi j'essayais d'établir la distinction entre la prédisposition d'un enfant à devenir obèse et les enfants qui deviennent obèses en raison de facteurs environnementaux à la maison. Je ne veux pas examiner la question de façon très détaillée, pour les raisons mêmes que vous avez tous les deux mentionnées.

Un autre aspect m'a frappé soudainement tandis que je lisais votre document. Cela se rapporte au point selon lequel les proportions des jeunes Canadiens qui respectent les Directives canadiennes en matière de comportement sédentaire varient en fonction de l'âge. Vous indiquez que 18 p. 100 des enfants de trois à quatre ans respectent les directives — moins d'une heure —; ce sont les données sur le temps d'écran, c'est-à-dire le temps qu'ils passent devant un écran. Je me pose des questions à ce sujet depuis un certain temps. Lorsqu'on regarde ces chiffres, on considère que cela indique que les enfants sont de plus en plus inactifs. En fait, dans le temps, même à une époque préhistorique, lorsque j'étais enfant, les enfants lisaient des livres et jouaient à des jeux de société. Ils ne consacraient pas tout leur temps à grimper aux arbres; ils avaient beaucoup d'autres activités. Autrement dit, dans mon jeune temps, la télévision n'existait pas, mais nous avions la radio. Il y avait d'extraordinaires émissions de radio que les familles écoutaient souvent ensemble.

Ce que je veux faire valoir, c'est qu'il me semble qu'à certains moments de la journée, ces activités font raisonnablement partie d'un mode de vie normal. Lorsque je lis des choses comme « pas plus de deux heures de temps d'écran », je pense à des jeunes que j'ai connus qui pouvaient passer deux heures à lire des livres, mais qui étaient très actifs et qui réussissaient très bien en général.

Pourriez-vous mettre les choses en perspective? J'aimerais savoir ce que vous entendez par là et savoir en quoi c'est lié aux taux de sédentarité des divers groupes.

Mme Cameron : Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais c'est mon document. Je dirais que certaines activités sédentaires sont bénéfiques, comme la lecture, le temps passé à l'école ou même le sommeil. Nous savons que le sommeil est aussi un important indicateur.

Le spécialiste, c'est Mark. Toutefois, je pense que nous examinons le temps d'écran en raison de son effet négatif sur l'activité physique. Nous convenons que certains comportements sédentaires sont importants, ce qui doit être reconnu. Voilà pourquoi l'indicateur porte sur le temps d'écran. Je crois qu'il a été créé en même temps que les directives.

M. Tremblay : En effet. Je tiens à préciser que je ne suis pas un spécialiste du temps passé à regarder la télévision. Je veux que ce soit clair. J'arrive très bien à le faire, mais...

Il y a diverses raisons à cela. Les lignes directrices sont établies en fonction des données de recherche existantes. J'ai dirigé la recherche pour l'établissement des lignes directrices canadiennes. L'ensemble de la littérature à l'échelle mondiale démontre clairement que l'absence totale de temps d'écran favorise la santé; c'est ce qui est préférable. Nous avons établi à deux heures le temps d'écran pour les enfants d'âge scolaire et un temps d'écran encore plus faible pour les enfants d'âge préscolaire parce que les données le justifient. Les gens nous ont dit que personne n'y prêterait attention si on établissait un temps d'écran nul. En passant, les données scientifiques révèlent que l'idéal est l'absence totale de temps de loisir passé devant l'écran. On parle du temps de loisir, et non des devoirs. Ce sont deux choses distinctes.

La raison pour laquelle cela se distingue des jeux de société et des choses du genre, c'est que pendant qu'ils sont devant un écran, devant le téléviseur, les gens sont portés à manger et boire même s'ils n'ont pas faim ou soif. Du point de vue de l'équilibre énergétique, c'est négatif. Lorsque vous lisez un livre ou que vous jouez au Monopoly, il n'y a pas publicité. De plus, vos mains ont tendance à être plus occupées lors de telles activités, ce qui signifie que vous ne mangez pas quelque chose simplement par ennui. D'autres facteurs entrent en jeu. Le temps d'écran est mauvais.

Le président : Je pense que vous m'avez donné une excellente réponse. Je cherchais à savoir si c'était un indicateur raisonnable. Je comprends entièrement ce qui le justifie.

La sénatrice Raine : Je pense que nous sommes nombreux à avoir lu le livre intitulé Sucre, sel et matières grasses. Je ne suis pas certaine que c'est scientifique, mais il semble y avoir une façon de concevoir des aliments à grignoter qui créent une dépendance en se basant sur des formules et en utilisant la scintigraphie cérébrale pour savoir si le point de satiété du cerveau est stimulé lorsqu'on mange ces collations. Je pense que nous devrions peut-être tester ces aliments. S'ils stimulent le point de satiété, qu'on mette un symbole de tête de mort ou un avertissement quelconque sur le devant de l'emballage pour indiquer que le produit entraîne une dépendance. Est-ce logique?

Actuellement, les allées des supermarchés sont envahies d'aliments à grignoter; il en existe une multitude de marques. C'est très difficile; lorsqu'on commence à en manger, il est pratiquement impossible d'arrêter. La question est liée à la nécessité de bien manger et d'éviter de consommer de tels aliments. Auriez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Tremblay : Je ne suis pas certain qu'on devrait faire passer à tout le monde une scintigraphie cérébrale pour tous les aliments qu'ils consomment, mais il devrait y avoir un mécanisme quelconque. Diverses méthodes ont été employées par la Fondation des maladies du cœur et d'autres groupes, je crois, pour fournir aux gens une indication de leur bilan santé à l'aide d'un système de type « feu vert, feu rouge », par exemple.

D'un point de vue plus fondamental — et j'ai toujours aimé les principes fondamentaux et l'idée de revenir à la base —, j'essaie de m'imaginer ce que faisaient mon père ou mes grands-parents. Sur le plan de la santé, la situation était certainement meilleure à l'époque. Nous devons informer les enfants, les gens, les parents, et cetera, pour qu'ils sachent que le produit qu'ils choisissent et qu'on présente comme un fruit n'en est pas un. Il faut que ce soit clairement indiqué. On sait que l'étiquetage doit viser à distinguer un jus d'une boisson ou le sucre d'un fruit naturel, par exemple. Je pense que c'est un niveau plus fondamental. Je ne suis pas spécialiste en nutrition, mais étant donné ma formation, je peux distinguer ce qui est bon de ce qui ne l'est pas lorsque je parcours ces allées. À mon avis, c'est là le message que nous devons transmettre aux jeunes.

Le président : Il m'est venu à l'esprit qu'on nous a donné d'autres exemples de la façon d'étiqueter ces produits. On pourrait mettre un symbole d'éléphant qui s'illumine. C'est une blague récurrente au comité; restons-en là.

Je vais bientôt lever la séance, mais avant, j'aurais des commentaires sur deux ou trois points qui ont été soulevés.

En ce qui concerne les lois, je pense que c'est un aspect extrêmement complexe pour lequel il serait très difficile d'aller dans une direction qui nous semblerait logique. D'une part, il faut toujours tenir compte du droit fondamental des gens d'intenter des poursuites pour des choses qui leur sont arrivées et, d'autre part, il faut savoir que les sociétés doivent traiter de ces enjeux. Toutefois, l'idée de retirer les ballons de toutes les cours d'école dépasse tout simplement l'entendement.

Un jour, j'ai écouté une émission de comédie de la SRC. Il s'agissait d'une entrevue avec le premier entraîneur de soccer à être formé pour entraîner une équipe de soccer à jouer sans ballon. C'était une parodie, évidemment, mais elle démontrait avec éloquence les proportions ridicules que prend la tendance à essayer d'empêcher les gens de se blesser. La question des droits est un enjeu complexe.

Il convient de tirer des leçons des progrès accomplis en matière de tabagisme; c'est une bonne analogie. Comme nous le savons, il faudra procéder autrement pour aller de l'avant. L'idée est de choisir les concepts qui pourront être appliqués dans un domaine où il faut choisir avec soin les produits que l'on consomme. C'est un enjeu global. Comme vous l'avez tous les deux souligné — surtout M. Tremblay —, beaucoup de leçons ont été apprises au fil de l'évolution de ce dossier.

En terminant, j'aimerais souligner que vous avez continué de renforcer les témoignages que nous avons entendus, selon lesquels il s'agit d'un enjeu très complexe qui nécessitera beaucoup de changements importants si on veut parvenir un jour à s'attaquer à la question de l'organisation et de la structure des collectivités et à celle de la capacité des gens de se déplacer à pied. Beaucoup de gens aimeraient pouvoir marcher pour leurs déplacements au sein de leur collectivité, ce qui n'est pas possible en raison de l'absence de trottoirs ou, dans d'autres secteurs, parce qu'ils craignent pour la sécurité de leurs enfants, pour des motifs raisonnables et non par simple besoin obsessif de les protéger. C'est un domaine très complexe, et nous vous sommes très reconnaissants des informations que vous nous avez présentées aujourd'hui à cet égard. Il est à espérer que vos commentaires nous permettront de formuler des recommandations raisonnables au terme de notre étude.

(La séance est levée.)


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