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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 9 - Témoignages du 28 octobre 2014


TORONTO, le mardi 28 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour examiner les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous continuons aujourd'hui notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Notre témoin ce matin est Peter S. Grant, qui a eu le plaisir de rédiger à notre intention ce volumineux document que nous devrons lire, et des questions seront posées à la fin de la séance.

Sérieusement, monsieur Grant, nous avons votre document, mais nous aimerions entendre votre exposé.

Peter S. Grant, avocat, McCarthy Tétrault : Merci, monsieur le président. Bonjour. Je m'appelle Peter Grant. Je suis avocat au cabinet McCarthy Tétrault LLP, ici à Toronto. Je me spécialise en droit des communications et je pratique dans ce domaine depuis 1969.

Durant mes 45 années de carrière, j'ai représenté à un moment ou à un autre, au niveau transactionnel, essentiellement toutes les grandes compagnies du secteur de la radiodiffusion au Canada. La liste comprend les radiodiffuseurs commerciaux directs comme CTV et Global, et la SRC, et beaucoup de services payants et spécialisés.

J'ai la licence pour Family Channel, History Television, Showcase et First Choice, maintenant connu sous le nom de Movie Network. J'ai aussi représenté des intervenants comme la Writers Guild, la Guilde canadienne des réalisateurs, des gouvernements provinciaux, et cetera. J'ai aussi à l'occasion représenté le CRTC lui-même devant les tribunaux.

Je suis aussi l'arbitre en matière de radiodiffusion en vertu de la Loi électorale du Canada et, dans ce rôle, j'ai servi d'arbitre dans des différends entre les partis politiques et les radiodiffuseurs au sujet de la publicité électorale payée et gratuite. Je remplis ce rôle depuis 21 ans.

Aujourd'hui, c'est avec grand plaisir que je comparais devant vous pour répondre à toute question que vous pourriez avoir au sujet de la Loi sur la radiodiffusion et la manière dont elle s'applique aux questions dont vous êtes saisis.

J'ai remis aux membres du comité un exemplaire de la plus récente édition du Canadian Broadcasting Regulatory Handbook, qui est publié tous les deux ans par mon cabinet d'avocat. Ce guide, qui en est maintenant à sa 12e édition, comprend une copie annotée de la Loi sur la radiodiffusion et beaucoup d'autres documents du CRTC qui pourraient vous être utiles.

Je dois vous dire que mes observations d'aujourd'hui ne refléteront que mon opinion personnelle. Elles ne correspondent pas nécessairement à l'opinion de mon cabinet d'avocat ou de l'un ou l'autre de ses clients actuels ou antérieurs, dont beaucoup ont des points de vue très diversifiés et parfois contradictoires.

Ayant émis cette réserve, je suis prêt à répondre à vos questions. Merci.

Le sénateur Plett : Merci d'être venu témoigner, monsieur Grant. Puisque vous avez émis à la fin la réserve que vous exprimerez ici vos opinions et observations personnelles, permettez que je vous pose une question à titre de juriste ou de particulier exerçant le droit. Nous avons eu quelques difficultés à obtenir de la SRC des renseignements que nous voulions obtenir, par exemple le montant des salaires, et cetera.

Dans le cas d'un radiodiffuseur public comme la BBC, nous pouvons consulter un site web et obtenir toute l'information que nous voulons sur l'ensemble des activités. La SRC a été très peu disposée à nous fournir les renseignements que nous avons demandés, notamment au sujet des salaires et des primes.

Quand nous l'avons demandé dans une lettre envoyée par notre président, on a commencé par nous répondre que c'était des renseignements privés et qu'on n'était pas tenu de les divulguer.

Quand nous avons insisté un peu plus fort, nous avons fini par obtenir un document, mais il était tellement embrouillé que nous n'arrivions pas à savoir qui touchait quel montant. Nous avons continué d'insister et tout d'un coup notre président a reçu une lettre disant : « Oh, tout cela est sur le site web. Pourquoi n'y jetez-vous pas un coup d'œil? » On l'avait affiché sur le site web deux jours auparavant et l'on prétend maintenant que nous aurions pu obtenir tout cela dès le départ simplement en consultant le site.

Je voudrais premièrement savoir si vous pensez qu'un radiodiffuseur public devrait faire preuve de transparence et si les contribuables ont le droit de savoir. Chose certaine, pour nous, qui occupons des charges publiques, ce que nous gagnons est bien documenté, de même que nos frais de déplacement et tout le reste. La SRC fait tout un flafla en publiant tout cela dans ses reportages. Pourtant, quand nous voulons obtenir ces renseignements, on nous les refuse. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Grant : Merci pour la question.

Je connais bien la BBC. J'étais justement à Londres il y a trois semaines. Là-bas, la BBC divulgue au grand public, je crois que c'est à la demande de la fiducie qui supervise la BBC, les échelles salariales de ses animateurs et présentateurs. Je ne crois pas qu'on donne le salaire exact, mais on donne une échelle.

Je ne sais pas à quel point la SRC vous a donné des renseignements détaillés, que ce soit publiquement ou en secret. Je suis absolument favorable à la transparence, en particulier dans le cas de radiodiffuseurs financés publiquement, dotés d'un mandat national, et cetera. Je peux comprendre les réserves de la SRC qui craint que la divulgation de ces renseignements puisse nuire à ses relations commerciales. La société est en concurrence avec d'autres radiodiffuseurs, elle achète des émissions, paye des frais de licence, et craint que la publication de renseignements détaillés puisse nuire à sa compétitivité.

Pour ce qui est du droit de votre comité d'obtenir ce renseignement de la SRC, je ne connais pas bien la loi qui régit ce comité du Sénat.

Le sénateur Plett : Je connais bien nos droits et ceux d'un comité du Sénat.

M. Grant : J'aurais cru que vous aviez le pouvoir d'exiger qu'on vous communique ces renseignements.

Le sénateur Plett : Ma question porte plutôt sur mes droits à titre de contribuable.

M. Grant : Oui. Je crois que vos droits à titre de contribuable sont vraiment canalisés par des entités comme le Parlement, le Sénat, la Chambre des communes, les comités et, bien sûr, le CRTC, car après tout, le CRTC est un organisme de réglementation indépendant auquel on a confié la tâche de superviser et de réglementer la SRC.

C'est intéressant parce qu'en Grande-Bretagne, l'organisme de réglementation ne réglemente pas la BBC. L'organisme appelé Ofcom réglemente seulement le secteur privé. Au début, et mes souvenirs remontent à la Loi de 1968 sur la radiodiffusion, la SRC n'était pas contente d'être subitement assujettie à la réglementation du CRTC, mais elle l'est toujours, bien sûr.

Le sénateur Plett : Bon, je vous demande votre opinion sur une question, mais pas nécessairement à titre d'avocat. Vous êtes ici pour témoigner et il est clair que vous avez vos propres opinions personnelles.

Nous avons entendu dire que la SRC a outrepassé son mandat dans beaucoup de ses activités. On nous a dit que la SRC devrait peut-être redevenir un spécialiste de l'information au lieu d'être un radiodiffuseur généraliste. Avez-vous une opinion là-dessus? La société devrait-elle se concentrer davantage sur les nouvelles, et je suppose que les documentaires pourraient être une forme d'information, et se retirer de la production de films et d'émissions de télévision?

M. Grant : J'ai eu l'occasion d'étudier le rôle des radiodiffuseurs publics et j'ai donné des conférences là-dessus un peu partout dans le monde. J'ai participé à des conférences en Afrique et en Europe sur cette question et je connais donc très bien ce qui est considéré comme le rôle d'un radiodiffuseur public.

La SRC a été créée dans les années 1930 en s'inspirant du modèle de la BBC. Elle a ce que j'appellerais un point de vue conventionnel de ce qu'est un radiodiffuseur public, à savoir un rôle de radiodiffuseur généraliste diffusant des émissions grand public, pas seulement de l'information, mais incluant assurément l'information. Le concept général de radiodiffuseur public que l'on a adopté un peu partout dans le monde consiste à se concentrer sur des émissions qui s'adressent aux gens à titre de citoyens, pas seulement de consommateurs. On ne met donc pas nécessairement l'accent sur des émissions financées à même les revenus publicitaires.

En fait, deux radiodiffuseurs publics, ceux d'Australie et de Grande-Bretagne, n'ont aucune publicité. Bien des gens croient que le fait que la SRC vende des annonces publicitaires, phénomène qui à vrai dire a commencé dès le début de la télévision dans les années 1950, est en quelque sorte un pacte avec le diable parce que cela voulait dire que sa structure de programmation et de coûts a commencé à devenir très semblable à celle des radiodiffuseurs commerciaux. Franchement, je ne crois pas qu'on puisse retourner en arrière et revenir là-dessus, à moins que le gouvernement soit prêt à compenser la perte des revenus publicitaires en injectant davantage de fonds gouvernementaux.

Pour revenir à votre question principale, je pense qu'il est approprié que la SRC soit présente dans des domaines de programmation comme le cinéma, les dramatiques diffusées aux heures de grande écoute, et cetera. L'une des raisons est que, même si le secteur privé réalise de telles émissions, il le fait seulement parce qu'il est obligé de le faire, pour parler franchement. Le secteur public veut le faire, mais le problème est de savoir s'il a l'argent pour le faire. Ces catégories de programmation comme les dramatiques diffusées aux heures de grande écoute, dans une certaine mesure les émissions pour enfants et, assurément, les longs-métrages documentaires, sont des catégories d'émissions coûteuses que le marché ne fournirait pas normalement dans un marché aussi petit que le Canada et je trouve donc important que la SRC soit présente dans ce secteur.

La société devrait se concentrer sur le type d'émissions qui repoussent les limites, pour ainsi dire. Pas nécessairement des séries policières à la mode américaine, mais plutôt des choses un peu plus expérimentales, intéressantes, présentant de nouveaux talents, la relève, et cetera. Nous savons que le secteur privé ne sera pas tellement présent dans ce créneau et c'est donc un rôle qui serait plus approprié pour la SRC, à mon avis.

Le sénateur Plett : Ma prochaine question est davantage de nature juridique. Quelle est votre opinion sur les radiodiffuseurs en général, les médias d'information en général? Évidemment, le sensationnalisme attire les gens, c'est ce qu'ils veulent voir et entendre et c'est parfois regrettable.

Quand les radiodiffuseurs rapportent des choses manifestement fausses sur des personnes, en particulier des personnalités, aux bulletins de nouvelles, dans le cadre de leurs émissions d'information, et que cela peut entacher la réputation de quelqu'un, ils admettent avoir commis une erreur et se rétractent du bout des lèvres en petits caractères, dans le coin inférieur droit ou gauche de la page 48, ou bien ils le mentionnent brièvement en ondes et disent du bout des lèvres : « Voilà, nous avons reconnu notre erreur ».

Quelle est votre opinion au sujet des radiodiffuseurs qui entachent manifestement la réputation d'une personne en diffusant un reportage sensationnaliste? Ont-ils envers cette personne et même envers le grand public l'obligation de dire : nous avons commis une erreur, ce que nous avons dit était faux? Qu'ils présentent ou non leurs excuses, ils doivent au moins admettre leur erreur.

M. Grant : Je suis d'accord avec vous là-dessus, sénateur. Premièrement, même s'ils s'excusent après coup, cela ne limite pas nécessairement les dommages-intérêts encourus dans une poursuite pour diffamation. En fait, nous avons représenté à mon cabinet la SRC dans le cadre de poursuites pour diffamation. Nous avons aussi représenté des gens qui poursuivaient des radiodiffuseurs et c'est une entreprise coûteuse. C'est la principale raison pour laquelle c'est tellement difficile.

Bien sûr, les radiodiffuseurs prudents sont clairement responsables s'ils se font prendre et découvrent que l'un de leurs reportages était inexact. Il n'y a aucun doute là-dessus. La question est de savoir comment limiter les dommages et la première chose qu'ils voudront faire, c'est de s'excuser.

Je trouve que c'est une question intéressante. Les excuses doivent avoir une importance égale au reportage initial. C'est le principe général. Il me semble que si cette condition n'est pas remplie, le radiodiffuseur peut être tenu de verser des dommages-intérêts parce qu'il n'a pas suffisamment corrigé le problème.

Les radiodiffuseurs sont également assujettis à des codes imposés par le CRTC. Le code journalistique en est le meilleur exemple et la loi elle-même, ainsi que le règlement sur la radiodiffusion, interdisent de diffuser de fausses nouvelles. Il n'y a jamais eu de poursuites invoquant ces dispositions parce que le CRTC n'a pas le temps ni les ressources voulus pour le faire, mais il donne suite aux plaintes sur la programmation.

Dans un autre guide que nous publions, on trouve une liste, dans l'ordre chronologique, de toutes les plaintes déposées au fil des années contre les émissions de la SRC.

Le sénateur Plett : Pourriez-vous faire parvenir ce document à notre greffier?

M. Grant : Oui, je vais me faire un plaisir de le faire. Il tient en une page. Je pense qu'une douzaine d'émissions ont fait l'objet de plaintes au fil des années. Certains plaignants ont eu gain de cause. Dans certains cas, c'est la SRC qui a eu gain de cause. On trouve les deux.

Le sénateur Plett : J'ai hâte d'en prendre connaissance.

La sénatrice Unger : Merci, monsieur Grant. Ma question est un peu différente, mais elle met certainement en cause la SRC. J'ai lu dans Maclean's, et ailleurs également, un article intéressant ayant comme source deux professeurs de l'Université de Toronto.

La SRC avait communiqué avec d'autres réseaux, au moyen d'une série de courriels tenus secrets. L'idée était de former un consortium pour faire de la collusion, pour refuser d'un commun accord la publicité des partis politiques, en particulier en période préélectorale et même après le déclenchement des élections.

Apparemment, cela a été déclenché par le fait que le Parti conservateur — je vais dire les choses telles qu'elles sont — a utilisé une séquence télé de la SRC dans laquelle M. Mansbridge interviewait M. Trudeau. Cela a irrité la SRC et c'était sa manière de répliquer. Je n'ai pas le document en main, mais une lettre avait été écrite par un haut placé. Êtes-vous au courant de ce dossier?

M. Grant : Je suis tout à fait au courant.

La sénatrice Unger : Pourriez-vous commenter? Est-ce que cela contrevient à une loi ou un règlement?

M. Grant : Je suppose que je peux vous donner des faits intéressants, car je connais bien ce dossier grâce à mon rôle d'arbitre en matière de radiodiffusion dans le cadre des élections fédérales.

J'ai lu la lettre signée conjointement par les responsables de l'information des cinq réseaux. Sauf erreur, on laissait entendre qu'il faudrait peut-être apporter une modification à la Loi sur le droit d'auteur pour permettre d'utiliser des séquences télévisées des radiodiffuseurs dans le cadre de publicités politiques.

Je peux vous dire qu'à titre d'arbitre, j'ai le pouvoir d'exiger d'une station qu'elle laisse tomber une annonce de Procter & Gamble pour la remplacer par une publicité politique durant la période électorale de quatre semaines, parce que c'est ce que stipule la loi. Chaque station est tenue de fournir un certain temps d'antenne, au tarif le plus bas convenable, à tout parti qui a suivi la procédure de préavis.

À mon avis, la station n'a pas le droit de censurer cette publicité. Le seul motif pour lequel on peut refuser de diffuser une annonce, c'est si celle-ci enfreint la réglementation, par exemple si elle est obscène. Mais si elle est par exemple trompeuse, ce n'est pas un motif suffisant pour que la station refuse de la diffuser.

En 2004, sauf erreur, c'est M. Martin qui était candidat aux élections. Le Parti conservateur a effectivement diffusé au réseau CTV une annonce dans laquelle on avait inséré une courte séquence de Peter Mansbridge en train d'interviewer M. Martin. Je pense que c'était sur le réseau CBC Newsworld.

La SRC a immédiatement porté plainte et de telles annonces sont d'abord envoyées au comité des télédiffuseurs, lequel a été mis sur pied par les radiodiffuseurs. La SRC a dit : « Comment peut-on nous voler cette séquence et l'insérer dans une annonce des conservateurs? » Cela donne l'impression que la SRC appuie les conservateurs.

Le comité des télédiffuseurs m'a renvoyé l'affaire, à titre d'arbitre en matière de radiodiffusion. J'ai examiné la situation et j'en suis venu à la conclusion que la durée de la séquence n'était pas suffisante pour constituer une violation du droit d'auteur.

J'ai dit au comité des télédiffuseurs qu'à mon avis, l'annonce devrait être diffusée. Le comité des télédiffuseurs a été d'accord avec moi, a accepté mon avis et l'annonce a bel et bien été diffusée au réseau CTV. Je dois vous dire que la SRC était très en colère contre moi, mais, à mon avis, la présence d'une courte séquence de peu d'importance n'est pas une raison suffisante pour refuser une annonce parce qu'en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, pour qu'il y ait violation du droit d'auteur, il faut que l'œuvre ait été reprise dans une proportion importante. À mon avis, quelques secondes tirées d'une émission d'une heure ne représentent pas une proportion importante.

Voilà donc l'histoire. Je ne pense pas qu'on ne m'ait jamais demandé d'en parler, mais si ma mémoire est fidèle, c'est ainsi que les choses se sont passées.

La sénatrice Unger : J'ai une dernière observation au sujet du Fair Trading Act qui, sauf erreur, vise aussi cette éventualité. De nos jours, tout le monde utilise les reportages des concurrents sans leur demander la permission. C'est maintenant impossible. Comme vous l'avez dit et comme je le comprends, s'il s'agit seulement d'une courte séquence, cela ne représente pas une violation. Le Fair Trading Act remonte à il y a longtemps, n'est-ce pas?

M. Grant : Voulez-vous dire la Loi sur le droit d'auteur? Je ne comprends pas l'allusion à la Fair Trading Act.

La sénatrice Unger : Techniquement, c'est la Loi sur le droit d'auteur.

M. Grant : Je crois que c'est la Loi sur le droit d'auteur qui est en cause. Chose certaine, c'est sur la Loi sur le droit d'auteur que la SRC fondait son argumentation dans son plaidoyer devant moi. Ils sont propriétaires de la séquence. C'était un vol de leur propriété. Ils disaient littéralement « c'est injuste ».

En plus d'être avocat spécialisé en communications, je fais aussi beaucoup de travail dans le domaine du droit d'auteur. Je connais très bien la loi et elle permet bel et bien d'utiliser des extraits courts et peu importants des œuvres.

La sénatrice Unger : Le problème en l'occurrence est la collusion. Cela contrevient à une autre loi. Vous ne pouvez pas vous mettre d'accord avec tous vos concurrents pour décider d'agir d'une certaine manière, et c'est justement le but de cette lettre dont vous avez parlé : « Nous allons tous nous mettre d'accord pour ne pas accepter. »

M. Grant : En fait, la lettre n'était pas signée par l'un des radiodiffuseurs, nommément Québecor, lequel ne faisait donc pas partie du groupe.

La sénatrice Unger : Oui, c'est exact.

M. Grant : Je ne sais pas du tout si on avait ou non communiqué avec eux, mais je voudrais ajouter, pour dire les choses tout net, qu'une fois que la période électorale est commencée, c'est la Loi électorale du Canada qui régit le tout et cette lettre est donc inutile. Je peux ordonner aux radiodiffuseurs de diffuser une annonce.

La sénatrice Unger : Donc, la nécessité de garder secrets ces 181 courriels...

M. Grant : Ce n'était pas très secret. La lettre avait été signée par tout le monde. J'en ai vu une copie. Tous les partis politiques l'ont reçue, bien sûr.

La sénatrice Unger : Oui.

M. Grant : Ce n'est pas comme si on voulait cacher quelque chose. Ils ont été très francs à ce sujet.

Le sénateur Housakos : Merci d'avoir été des nôtres ce matin.

CBC/Radio-Canada de nos jours, en 2014, respecte-t-elle l'esprit de la Loi sur la radiodiffusion, à votre avis?

M. Grant : Oh! Vous me posez une question difficile.

Le sénateur Housakos : Oui, mais vous pouvez y répondre autant dans une optique juridique que comme contribuable.

M. Grant : L'entité compétente qui doit trancher en la matière, c'est vraiment le CRTC. Comme vous le savez peut-être, la dernière audience sur le renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada, qui a duré des semaines, s'est achevée par une décision émise le 28 mai 2013. Voilà à peine un an et demi qu'elles ont été renouvelées. Il est intéressant de voir que le renouvellement n'est que pour trois ans sur certains aspects, afin de pouvoir représenter un nouveau bilan de la situation.

Comprenez bien que je ne suis pas en mesure de dire si CBC/Radio-Canada se conforme ou non à la loi. Je ne suis pas en mesure d'en juger et je vous renvoie à la décision du CRTC, qui est plutôt longue. La version anglaise compte 69 pages, sans parler de la version française. Un grand nombre de conditions ont été ajoutées au mandat de CBC/Radio-Canada pour les droits de diffusion, manifestement pour répondre aux questions soulevées par les intervenants. Par exemple, la société a désormais des obligations à l'égard des nouvelles locales dans les petits marchés. Elle doit diffuser un grand nombre d'heures par semaine, ce qui coûte très cher compte tenu de l'auditoire très restreint qui est rejoint, mais c'est le genre de choses auquel s'est intéressé le CRTC.

Le sénateur Housakos : J'ai en effet parcouru les conditions des licences et je dois dire que j'ai trouvé cela assez intrigant. Pourriez-vous nous éclairer un peu puisque le CRTC n'est pas venu témoigner? Pourquoi lui a-t-il fallu si longtemps pour renouveler les licences? Il a vraiment pris son temps entre leur expiration et le moment où il a fini par les renouveler. Avez-vous une opinion à formuler là-dessus?

M. Grant : La loi autorise le conseil à octroyer des licences d'une durée maximale de sept ans. Honnêtement, compte tenu de son volume de travail, le conseil a tendance à privilégier les licences de longue durée pour éviter que les gens ne reviennent trop souvent.

Attendez, je me trompe. C'est un renouvellement de cinq ans que la société a obtenu, du 1er septembre 2013 au 31 août 2018. Voilà la situation actuellement.

Le conseil a reçu et étudié plus de 8 000 interventions relatives à la demande. Comme vous pouvez le constater, c'est une tâche monumentale que de procéder à une audience de renouvellement pour un radiodiffuseur public, compte tenu des innombrables questions et des nombreuses personnes qui souhaitent être entendues. Je dois saluer le CRTC pour la manière dont il réussit à organiser tout cela : tenir une audience publique, afficher toutes les interventions sur son site web et ainsi de suite.

Le sénateur Housakos : J'aimerais aussi avoir votre avis au sujet de la question de l'ombudsman à CBC/Radio-Canada. Les sociétés de radiodiffusion du secteur privé sont régies par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, qui est la tribune où les Canadiens peuvent présenter leurs réclamations. CBC/Radio-Canada a un ombudsman pour les services anglais et un pour les services français qui s'occupent des plaintes.

Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez par rapport au processus d'ombudsman normalement suivi dans le secteur privé?

M. Grant : Je suis désolé, sénateur, mais je ne suis pas au courant de la question des ombudsmans. Je peux comprendre pourquoi CBC/Radio-Canada tient à avoir sa propre structure à cet égard. Je vous parie que la société a beaucoup plus de plaintes et de questions à régler que les radiodiffuseurs privés.

Vous avez raison, les radiodiffuseurs privés renvoient essentiellement les plaintes au Conseil canadien des normes de la radiotélévision qu'ils ont créé eux-mêmes et que le CRTC a désormais habilité à s'occuper de ces plaintes, mais je ne suis pas au courant de ce qu'il en est des fonctions de l'ombudsman.

Le sénateur Housakos : Puisque vous avez énormément d'expérience en matière de radiodiffusion privée et publique dans notre pays, pouvez-vous nous dire quelle est la différence la plus marquée entre les deux sur le plan des principes?

M. Grant : La différence est frappante. Chacun sait que le secteur privé a pour première obligation de desservir les intérêts de ses actionnaires. Ainsi, en l'absence de régulation dans un petit pays comme le Canada, les radiodiffuseurs privés s'occupent essentiellement de nouvelles et de sports, c'est-à-dire des catégories où ils n'ont rien à craindre de Hollywood.

Ils ne vont pas produire de longs-métrages documentaires. Pas de dramatiques non plus. Tout juste quelques magazines d'actualité s'il leur faut respecter un quota. La preuve, c'est que dans les années 1960 et 1970, CTV, qui était notre seule chaîne nationale privée à l'époque, n'avait pas la moindre émission dramatique. Il a fallu attendre jusqu'en 1979, date à laquelle le CRTC lui a enfin ordonné de diffuser au moins une heure de dramatique par semaine.

Il y a eu appel de la décision jusqu'à la Cour suprême du Canada. Mon cabinet a représenté le CRTC et, finalement, la Cour suprême a décidé en faveur de l'exigence du CRTC voulant que CTV diffuse au moins une ou deux heures d'émissions dramatiques. La cour ayant tranché, tout le secteur privé, à savoir Global et CTV, a été dès lors tenu de diffuser des productions dramatiques. Ils ne l'auraient jamais fait autrement puisqu'ils peuvent se procurer des émissions américaines à une fraction du coût. Ce serait parfaitement logique pour eux, financièrement parlant, d'éviter les dramatiques canadiennes. C'est quelque chose qui coûte cher.

Au milieu des années 1980, dans la foulée de la décision de 1982, le gouvernement a créé ce que nous appelons maintenant le Fonds des médias du Canada. La décision faisant office de bâton et le Fonds de carotte, les radiodiffuseurs privés se sont vus dans l'obligation de produire des dramatiques.

À mon avis, le secteur de la production indépendante du pays, pour ainsi dire inexistant avant 1985, a connu une expansion fulgurante. Il s'agit maintenant d'une industrie qui représente des milliards de dollars, et c'est le résultat de ce mécanisme de la carotte et du bâton.

CBC/Radio-Canada n'a pas d'actionnaires. Son mandat lui vient du gouvernement. Il relève de la Loi sur la radiodiffusion. La société s'est donc tracé sa propre voie et elle aimerait bien pouvoir faire davantage de productions dramatiques.

Son problème réside dans le financement, car nous savons tous que la production d'une heure d'une bonne dramatique canadienne coûte environ 1,5 million de dollars. Certaines émissions plus coûteuses, en particulier si elles sont vendues à l'avance aux États-Unis, dépassent les 2 millions.

Je crois que la production de l'émission Saving Hope sur CTV coûte quelque 2,8 millions de dollars par heure. CBC/Radio-Canada n'a vraiment pas les moyens de se payer ce genre de chose ni de faire autant qu'elle le voudrait. C'est un problème de financement.

Le président : Je suis loin de vouloir contredire mon vice-président, mais le directeur de la radiodiffusion du CRTC a en fait témoigné devant nous le 5 mars 2014.

Le sénateur Housakos : Je me suis trompé.

Le président : Je ne l'aurais pas mentionné, mais le greffier m'a glissé un petit mot.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Grant, merci de votre présence ici aujourd'hui. Je dois vous dire que vous avez une voix faite pour la radiodiffusion. Vous seriez parfait à la radio. Il est vraiment ironique que vous vous occupiez de ces choses.

Le président : Je me demande s'il n'y aurait pas un poste vacant à CBC/Radio-Canada.

Le sénateur MacDonald : Oui. J'aimerais retourner au CRTC un instant, si vous le permettez. Je voudrais savoir ce que vous pensez du rôle que joue le conseil aujourd'hui. Compte tenu des percées technologiques et de leur incidence sur les médias, croyez-vous que le CRTC devrait changer et, dans l'affirmative, comment?

M. Grant : J'ai comparu devant chaque président du CRTC depuis 1968 et, bien entendu, comme vous le savez, la version actuelle de la loi remonte à 1991.

Pour ma part, je pense que la loi est très solide. Je crois comprendre que certains témoins ont pu affirmer qu'elle a besoin d'être modifiée pour tenir compte des services de programmation par contournement, mais elle en tient compte. Il est évident qu'un service comme Netflix est visé par la loi et si ce n'était de l'exemption ordonnée par le conseil, l'entreprise aurait dû obtenir une licence.

Quant à savoir si les pouvoirs du conseil sont suffisants, il détient des pouvoirs qu'il n'exerce pas, mais qui pourraient s'avérer assez efficaces s'il décidait de s'en servir. Certains aspects doivent être modifiés, selon moi, mais non pas tant dans la Loi sur la radiodiffusion que dans la Loi de l'impôt sur le revenu, par exemple, car nous avons un service comme Amazon qui envoie des livres électroniques aux Canadiens. S'il les envoie des États-Unis, il ne paie pas de TVH. Il en est de même pour Netflix. Comme cette entreprise n'a pas de bureau ni de téléphone au Canada, elle s'arrange pour offrir ses services à des millions de Canadiens sans qu'il ne soit question de TVH. Cette situation est à mon sens foncièrement injuste pour les services canadiens qui aimeraient être dans la course.

Cela n'a rien à voir avec le fait d'exiger du contenu canadien. Il s'agit simplement de ne pas faire preuve de discrimination au plan fiscal. Si je devais m'occuper de ce qui doit être fait à propos des services de programmation par contournement, voilà un problème de discrimination que je m'efforcerais de régler.

Pour revenir à votre question de savoir si la loi a besoin d'être modifiée, j'estime qu'il serait utile de désigner à quelques années d'intervalle une mini commission royale ou un groupe de travail chargé d'examiner les politiques et de se pencher là-dessus. Le dernier examen exhaustif de la Loi sur la radiodiffusion, comme vous le savez, a été le rapport Lincoln, qui remonte à mai 2003. Onze ans se sont donc écoulés depuis et beaucoup de choses ont changé. Je crois qu'il serait assez opportun d'établir un groupe de travail ou un comité d'examen des politiques ou quelque chose comme une commission royale pour étudier la question dans les années à venir.

Le sénateur MacDonald : Vous avez dit que dans les années 1950, CBC/Radio-Canada a commencé à imiter les chaînes américaines en optant pour la diffusion d'annonces publicitaires. À l'heure actuelle, la société obtient des recettes non négligeables des annonces sur les sites web. Normalement, je ne m'en préoccuperais pas outre mesure, mais nos journaux nationaux souffrent et exploitent leur site web derrière des services payants pour tenter d'obtenir des revenus tout en protégeant le contenu.

J'aimerais avoir votre avis sur le fait que CBC/Radio-Canada agit comme un journal privé en ligne et sur l'effet sur le marché des annonces dans les nouvelles en ligne.

M. Grant : La question est intéressante. Il me semble qu'il est plutôt important que notre radiodiffuseur public possède un site web dynamique qui offre des nouvelles à un large public. Je ne suis pas d'accord avec le principe voulant qu'il s'incline et s'abstienne de lancer un tel service de crainte de faire une concurrence déloyale aux journaux.

Les journaux ont leurs propres problèmes. Je sais qu'ils ont tous beaucoup de mal en cette ère numérique. La plupart des observateurs du secteur vous diront qu'à moins d'avoir un service vraiment local ou un journal de tirage national, la presse écrite est en mauvaise posture. Il n'y a que très peu de journaux de tirage national au Canada. Nous avons quelques journaux locaux, mais je crois que c'est un domaine qui connaît de véritables problèmes. Je ne pense pas que la solution consiste à maintenir CBC/Radio-Canada à l'écart du marché.

Le président : Monsieur Grant, vous avez fait allusion au rapport Lincoln, mais comme vous le savez, le rapport n'a pas porté fruit puisque la Loi sur la radiodiffusion n'a pas été modifiée. Elle n'a pas été modernisée.

Pour revenir à 1991, et en admettant que nous demandions une étude par une commission royale, croyez-vous que la loi devrait être modernisée? Croyez-vous à l'application de la loi telle qu'elle existe actuellement? Vous avez parlé de Netflix, mais Internet en général n'existait pas à l'époque, toute cette couverture offerte sur la toile. Croyez-vous que notre comité devrait aborder la question de la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion?

M. Grant : Comme je l'ai dit, je pense que la loi s'applique déjà plutôt bien à Internet. Bien entendu, il y a eu la décision de la Cour suprême selon laquelle les FSI n'étaient pas assujettis à la loi. Certains l'ont regretté, car ils pensaient que les FSI n'étaient pas tellement différents des entreprises de distribution de la radiodiffusion comme le câble et le satellite.

Puisque les fournisseurs de câble et de satellite doivent soutenir le Fonds des médias du Canada, les FSI devraient peut-être en faire autant. C'est un argument qui a été présenté. Mais cela est maintenant impossible à moins que la loi ne soit modifiée, car la Cour suprême a décidé que comme les FSI n'exercent aucun contrôle sur le contenu, ils ne sont plus visés par la loi et le CRTC ne peut pas les réglementer comme entreprises de radiodiffusion ni exiger qu'ils agissent en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.

C'est un domaine qu'il serait bon de réétudier à l'instar d'autres pays qui se concentrent maintenant sur le rôle des FSI. Ils concentrent leurs efforts sur la neutralité des réseaux et ce genre de questions. À certains égards, il faudrait qu'ils soient visés par la Loi sur la radiodiffusion, mais il faudrait alors modifier la loi.

Le président : Cela concernerait les télécommunications en général, la téléphonie cellulaire.

M. Grant : Oui. En tant que fournisseurs de télécommunications, les FSI sont assujettis à la Loi sur les télécommunications. En l'occurrence, vous vous occupez seulement de questions liées à la Loi sur la radiodiffusion. En fait, les FSI, comme vous le savez, sont désignés dans la Loi sur les télécommunications comme entreprises de télécommunication. Comme ils sont déréglementés, leurs tarifs ne sont pas réglementés, mais le CRTC exerce tout de même une compétence sur eux en vertu de la loi.

La question que je soulève est la suivante : Y a-t-il des aspects des activités des FSI qui font en sorte qu'ils devraient être visés par la Loi sur la radiodiffusion et qu'ils contribuent au même titre que les autres acteurs à la création de contenu canadien, à la distribution, et cetera?

Le président : Quand les Canadiens vont à l'étranger, ils n'ont pas toujours accès à du contenu canadien parce que les FSI sont basés au Canada. Est-ce que c'est la Loi sur la radiodiffusion qui les empêche de transmettre ce contenu là-bas ou est-ce que ce sont les règlements de ces pays qui nous empêchent de le recevoir?

M. Grant : Vous abordez là la question des sites protégés. Il est bien entendu dans l'intérêt de l'industrie de production de la programmation de maintenir des frontières géographiques pour pouvoir conserver des droits de licence discriminatoires entre les pays. Voilà pourquoi, à moins d'avoir un serveur mandataire anonyme, vous ne pouvez pas avoir accès à des services américains qui ont obtenu des droits de programmation exclusivement pour les États-Unis.

Je pense que nous devrions avoir des systèmes protégés, car ils sont essentiels au financement d'une programmation qui coûte cher. Ainsi, quand Netflix vient au Canada, même si l'entreprise est basée à l'extérieur du pays, elle doit respecter notre Loi sur le droit d'auteur. Autrement dit, les droits de la moindre émission diffusée sur le service canadien doivent être versés au titulaire du droit d'auteur canadien.

De la même manière, quand on est aux États-Unis, on ne peut pas avoir accès à la version canadienne de Netflix, car elle est protégée, et il y a certaines émissions dans le répertoire de ses émissions pour lesquelles les droits américains n'ont pas été payés. Il me semble que la plupart du temps, Netflix achète les émissions à l'échelle mondiale et essaie donc d'acheter pour tous les pays, mais l'existence de frontières demeure essentielle pour le financement des productions.

Le sénateur Plett : Le sénateur Housakos a posé une question que je voulais moi-même poser au sujet de l'ombudsman. C'est dommage que vous n'ayez pas pu nous donner votre avis à ce sujet, car je m'intéresse aussi beaucoup aux questions liées à l'ombudsman.

Vous avez cependant suggéré ou dit, monsieur Grant, que vous avez voyagé partout dans le monde pour donner des conférences et rencontrer les radiodiffuseurs publics. Vous avez également laissé entendre que le Canada est un petit pays. C'est vrai pour le nombre d'habitants, mais certainement pas sur le plan géographique. C'est un vaste pays et probablement le plus grand à avoir un radiodiffuseur public, à l'exception peut-être de la Russie. Autrement, nous sommes le pays le plus vaste, géographiquement parlant, à avoir un radiodiffuseur public.

Comment se situe CBC/Radio-Canada par rapport à d'autres radiodiffuseurs publics? Vous nous avez parlé de la BBC, mais d'autres pays ont évidemment des radiodiffuseurs publics. Est-ce que CBC/Radio-Canada est à la hauteur? Est-ce la Cadillac ou la Volkswagen des radiodiffuseurs publics? Qu'en est-il?

M. Grant : En fait, j'ai représenté la BBC pour l'arrivée de BBC Canada au Canada, ainsi que pour la Rai, la société de radiodiffusion publique italienne, quand elle a voulu diffuser au Canada. Je les ai aidées à comprendre les démarches qu'il fallait suivre. Je connais donc bien les radiodiffuseurs.

Premièrement, en ce qui concerne le financement et ce que reçoivent les radiodiffuseurs publics par habitant un peu partout dans le monde, on s'aperçoit que le Canada et son soutien à CBC/Radio-Canada sont en bas de la liste. La Grande-Bretagne et l'Allemagne viendraient en tête, ainsi que certains pays nordiques. Habituellement, le radiodiffuseur public est financé à raison de 1,30 $, parfois 1,40 $. Dans le cas de la Grande-Bretagne, on peut parler d'environ 1,20 $ par personne et par an pour financer le radiodiffuseur public.

Pour la SRC, on était à une trentaine de cents auparavant, mais je crois que ce chiffre est passé depuis à quelque 27 cents par personne. Cette somme représente à peine un tiers, voire moins, de l'argent destiné à ZDF et ARD en Allemagne ou la BBC en Grande-Bretagne.

Il y a un autre groupe de pays, dont la France est un exemple, où le soutien s'élève à quelque 80 cents. C'est encore plus du double du chiffre canadien, sans être aussi élevé que celui de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne, et rappelons que ces deux pays ont une population bien plus importante que celle du Canada. Si vous multipliez ces chiffres, le budget de la BBC se situe quelque part entre les 4,6 et les 4,7 milliards de dollars canadiens. Le budget de la CBC/Radio-Canada s'élève à environ 1,1 milliard de dollars au titre des crédits parlementaires, auxquels il faut peut-être ajouter 250 millions de recettes publicitaires et 50 ou 60 millions en droits d'abonnement à CBC Newsnet. Il s'agit d'environ 1,5 ou 1,6 milliard de dollars par rapport à la BBC, qui dispose de 4,5 milliards, sans avoir cinq fuseaux horaires ou deux langues officielles.

Je suis très sensible aux remarques de CBC/Radio-Canada qui affirme qu'elle se débrouille très bien avec l'argent dont elle dispose. Je crois que Nordicity fait une étude à ce sujet périodiquement. Je suis persuadé que CBC/Radio-Canada pourrait vous fournir cette information. Elle pourrait vous donner les chiffres exacts, mais il n'en reste pas moins que par rapport à la plupart des autres radiodiffuseurs publics, CBC/Radio-Canada reçoit moins de fonds par habitant.

Le sénateur Plett : Devrait-on lier cote d'écoute et subventions s'ils ne peuvent pas augmenter la cote et se classent au troisième rang? Nous rentrons tout juste des locaux de la SRC, et j'ai été abasourdi par l'une des réponses que nous avons obtenues au sujet de l'émission The National et de sa troisième place : « Oui, mais Mansbridge passe en même temps que des films américains. S'il était dans un autre créneau horaire, la cote d'écoute serait comparable à celle de Lisa Laflamme. »

« Allons donc, vous êtes responsable de la grille horaire. » « Oui, mais nous aimons bien ce créneau, alors nous voulons le garder là. » C'est l'impression qui m'est restée de cette rencontre.

Les émissions peu regardées sont supprimées de l'horaire par les télédiffuseurs, SRC comprise. Lorsque quelqu'un fait quelque chose qu'il juge choquant, on le renvoie — peut-être avec raison. Je suppose qu'on finira par en avoir le cœur net, mais devrait-il y avoir un lien entre la cote d'écoute et le degré de financement?

Avant de me répondre, permettez que je fasse une remarque supplémentaire. Si je me souviens bien, mon collège le sénateur Housakos a expliqué que la Grèce avait mis la clé sous la porte de sa chaîne de radiodiffusion publique et que personne ne semblait s'en être aperçu. Je me pose la question : les populations ne sont pas si attachées que cela à leurs chaînes publiques. En Alberta, la province de ma collègue ici à côté de moi, la cote d'écoute serait de 2 p. 100, à ce qu'on m'a dit. Alors, que faire? Avez-vous des commentaires ou suggestions à formuler?

M. Grant : La question est de savoir si les radiodiffuseurs publics doivent se préoccuper de la cote d'écoute ou d'autre chose. C'est une situation très délicate. Il est évident que, en deçà d'une certaine cote d'écoute, il est inutile de garder une émission à l'horaire.

Par ailleurs, on peut comprendre que les Canadiens ont besoin de certaines émissions qui les représentent. Même si tout le monde ne les regarde pas, elles doivent être offertes. Ce rôle des radiodiffuseurs publics, qui consiste à offrir des émissions s'adressant à des auditoires peu nombreux, des émissions introuvables ailleurs, bien que ce genre d'auditoire soit limité, mais très fidèle, ce rôle, disais-je, pourrait être considéré comme un élément important du mandat des radiodiffuseurs publics.

Il n'y a pas de réponse simple à votre question, sénateur. Je peux comprendre que la SRC souhaite obtenir de meilleures cotes d'écoute à tous égards, mais, si le radiodiffuseur veut aussi concrétiser les objectifs de la loi — qui lui enjoint de fournir certains types d'émissions intéressant peu de Canadiens, mais que quelques-uns désirent désespérément et n'obtiendront pas des chaînes privées, je mesure son dilemme.

Le sénateur Plett : Qu'entend-on par « quelques-uns »? La semaine dernière, à Halifax, j'ai demandé ce qu'était — je crois que j'ai dit : un auditoire important. L'audience portait sur la radiodiffusion en français.

On m'a donné deux réponses. On m'a dit que, s'il y avait une école dans le secteur, on pouvait parler d'auditoire important. On m'a également dit que, s'il y a plus d'un francophone dans la région, c'est aussi un auditoire important. Ce n'était qu'une remarque en passant qui n'appelle pas de réponse.

M. Grant : Oui, je comprends.

Le président : J'ai deux types de questions. Vous avez parlé de fiducie concernant la BBC. De quoi s'agit-il? Du conseil d'administration? S'agit-il de l'organisme de gestion? Quelle en est la structure juridique?

M. Grant : En effet. Le mode de gouvernance de la BBC en Angleterre a évolué au cours des années, du moins c'est ce que j'ai compris. Elle est actuellement réglementée, si vous voulez, par une fiducie créée par le gouvernement, mais confiée au groupe de personnes nommées à la fiducie qui sont en réalité chargées de la faire fonctionner comme le ferait un conseil d'administration et s'occupent du financement, et cetera.

L'une des principales caractéristiques du fonctionnement de la BBC — qui n'existe pas ici au Canada — est le fait que le financement ne passe pas par des crédits parlementaires et qu'il ne fait pas l'objet d'un examen annuel par le Parlement. Il découle des redevances facturées à tous les ménages britanniques qui ont un poste de télévision. D'après ce que j'ai compris, cette redevance est perçue par les services postaux et remise directement à la BBC : il s'agit donc d'un budget prévisible et assez stable.

Le montant de la redevance est fixé par le gouvernement, mais ce montant une fois fixé, c'est le mode de financement de la BBC. Quelques pays fonctionnement également ainsi, mais, comme vous le savez, au Canada, il s'agit intégralement de crédits parlementaires.

Je rappelle que, avant 1953, nous étions alignés sur le système britannique. Il existait une redevance radio qui permettait de financer Radio-Canada. On l'a éliminée au début des années 1950, et, depuis, le radiodiffuseur public dépend entièrement d'un crédit parlementaire.

Le président : Autre chose... concernant les réseaux privés virtuels que des Canadiens créent à partir d'une adresse aux États-Unis et le fait que, si vous avez un module Apple TV 2, vous pouvez le débrider pour avoir accès à la diffusion en continu, quel est le statut juridique de ces réseaux? Ces deux éléments ne font-ils pas obstacle à ce que vous disiez au sujet de la protection des droits de diffusion applicables au contenu canadien?

M. Grant : Tout à fait.

Le président : Mais, sur le plan juridique, qui pouvons-nous poursuivre?

M. Grant : Voilà une question intéressante. Il y a quelques années, la Commission du droit d'auteur a envisagé l'idée d'une grille tarifaire pour les sociétés de gestion du droit d'exécution contre les sites Internet. Elle avait alors déclaré ceci : « On peut contrôler la diffusion en continu si elle passe par un serveur de fichiers au Canada, mais nous ne savons pas si nous sommes habilités à intervenir quand il s'agit de quelque chose qui se trouve intégralement à l'étranger et que la diffusion passe par un serveur de fichiers situé par exemple à Buffalo ou aux Bermudes. »

Cette affaire est allée jusqu'à la Cour suprême du Canada, et le tribunal a donné tort à la commission en disant : « Non, non, en tant que société de gestion du droit d'exécution, vous avez parfaitement le droit d'exiger que des serveurs de fichiers étrangers versent des redevances pour leurs activités de diffusion en continu s'il y a un lien important avec le Canada. » S'ils négocient des droits avec le Canada ou s'ils ont des abonnés au Canada, s'il s'agit d'une pénétration significative du Canada, la SOCAN, c'est-à-dire la société de gestion des droits, peut s'en prendre aux sites étrangers. La Loi sur le droit d'auteur prévoit la signification ex-juris, qui permet d'entamer effectivement une poursuite.

Je me suis entretenu avec les conseillers juridiques de la SOCAN et je leur ai posé la question : « Voilà qui est intéressant... obtenez-vous réellement des paiements de ces sites étrangers? Pourquoi ne vous envoient-ils pas promener? » Il paraît que des centaines de sites de musique étrangers versent, volontairement pour ainsi dire, des droits pour pouvoir envoyer leurs productions au Canada.

Bien des raisons peuvent expliquer pourquoi c'est opportun du point de vue d'une entreprise étrangère désireuse de pénétrer le marché canadien. Elles veulent être considérées comme respectueuses de la loi. Elles ne veulent pas être considérées comme des escrocs. Cela prouve au moins que la loi est suffisamment solide pour permettre de les poursuivre.

Le président : Qu'en est-il de ceux qui se dotent d'une adresse aux États-Unis et s'inscrivent à un programme de réseau privé virtuel?

M. Grant : J'imagine que vous voulez parler des abonnés et non de quelqu'un qui crée un réseau et négocie des droits.

Le président : Il s'agit des personnes qui s'abonnent au système américain.

M. Grant : C'est un problème différent de celui du piratage des droits d'auteur. Vous parlez d'une situation où des gens qui se trouvent à l'étranger et n'ont pas versé de droits d'auteur essaient d'entrer en faisant semblant qu'ils sont ici sans y être vraiment.

C'est un problème dans le monde entier. Allez en Espagne, vous verrez beaucoup de touristes illégalement abonnés à Sky TV, chaîne anglaise, même s'ils n'ont pas versé les droits exigibles en Espagne. C'est une question difficile. La réglementation est claire, mais on ne sait pas comment poursuivre ces gens.

Le président : Même avec ceux qui emportent une antenne en Floride pour l'hiver?

M. Grant : Oui.

Le sénateur MacDonald : Je voudrais poser une question sur la production indépendante au Canada. D'après mon expérience de téléspectateur de la SRC, les dramatiques que j'apprécie sont souvent des productions indépendantes soutenues par la SRC. C'est le genre de choses que le financement public devrait favoriser selon moi.

Vous avez parlé tout à l'heure de la méthode du bâton et de la carotte, qui aurait facilité le développement du secteur de la production indépendante au Canada. Que peut-on faire pour encourager les nôtres en termes de rabais fiscaux ou de mesures de ce genre? Je me demande seulement s'il est possible de faire quelque chose à cet égard, qui vous semblerait utile pour aider les producteurs indépendants d'ici.

M. Grant : Je pense que notre système est complexe et comprend des stimulants fiscaux sous la forme de déductions fiscales ou de subventions. Il y a le Fonds des médias du Canada, qui est surtout financé par des prélèvements sur les recettes des distributeurs de services par câble et par satellite. Il y a les frais de permis des radiodiffuseurs, qui sont plus élevés que ce qu'ils paieraient pour un produit comparable aux États-Unis, mais qui sont bien inférieurs au coût.

Vous rassemblez tout cela et vous pourriez, dans le meilleur des cas, obtenir une garantie du distributeur en fonction de la probabilité de ventes à l'étranger. C'est le modèle qui, actuellement, soutient le secteur de la production indépendante. Je ne vois pas comment on pourrait modifier certains de ces éléments, augmenter ceci, et cetera. Il fonctionne très bien. Notre secteur de la production indépendant est florissant. Chacun des piliers de ce système constitue un support important, et, si l'on retirait l'un ou l'autre, on constaterait une réduction réelle de cette production, en quantité et en qualité.

Je ne vois pas ce qu'on pourrait y ajouter. Je pense que c'est très bien comme ça. La question, en fait, est de faire en sorte que cela reste ainsi pour que le secteur de la production continue d'être soutenu.

Le sénateur MacDonald : Le système s'appuie donc sur suffisamment de piliers.

M. Grant : Exactement.

Le président : Monsieur Grant, je vous remercie de votre exposé et de votre livre. Je pense que c'est un débat très intéressant qui va se poursuivre au cours des prochaines semaines.

Chers collègues, notre prochain témoin est Mike Fegelman, directeur exécutif de HonestReporting.

Monsieur Fegelman, le greffier m'informe que vous disposez de six ou sept minutes pour votre exposé. Mes collègues me rappelleront à l'ordre si je vous laisse parler trop longtemps.

Mike Fegelman, directeur exécutif, HonestReporting Canada : Prévenez-moi si je prends trop de temps. S'il vous plaît!

Merci beaucoup, monsieur le président et distingués membres du comité. Je remercie le Comité sénatorial permanent des transports et des communications d'avoir entrepris la tâche importante de procéder à l'examen et de rendre compte des difficultés qu'affronte la SRC, notamment en raison de l'évolution du contexte dans lequel s'inscrivent la radiodiffusion et les communications.

Mon organisation, HonestReporting Canada, vous félicite de vos efforts. Nous vous invitons à tenir compte attentivement des témoignages rendus ici et à examiner l'ensemble de nos recommandations qui visent à améliorer la qualité de notre radiodiffuseur public.

Permettez que je commence par expliquer la genèse et les valeurs de notre organisation. HonestReporting Canada a été fondée en 2003 par un groupe de Canadiens soucieux de garantir un compte rendu juste et exact de la situation en Israël dans les médias canadiens. C'est de la frustration provoquée par les inexactitudes et la partialité des reportages sur Israël à l'échelle des médias canadiens après la deuxième intifada — et notamment à la CBC — qu'est née HonestReporting. Par exemple, lorsque l'émission The National a laissé croire, en 2004, que des agents israéliens avaient joué un rôle dans les mauvais traitements infligés à des détenus irakiens dans la prison d'Abou-Ghraib, en Irak, nous étions là.

Cet exemple de mauvaises pratiques journalistiques a incité la CBC à diffuser deux déclarations sans précédent à des heures de grande écoute pour clarifier la situation. Un ou deux ans plus tard, un journaliste de la CBC a fait un portrait positif d'un terroriste libanais notoire du nom de Samir Qantar, comme s'il s'agissait d'un héros. Cet homme a assassiné de sang-froid un Israélien et sa fille de deux ans, ainsi que deux policiers.

Au cours de cette agression brutale, Qantar, alors âgé de 16 ans, a traîné Danny Haran, 32 ans, et sa fillette Einat, quatre ans, de leur appartement à la plage voisine. Il a tué Haran en lui tirant une balle dans le dos, puis en le noyant, cela sous le regard d'Einat. Selon les résultats de l'analyse médico-légale et selon les témoins qui ont comparu devant le tribunal, Qantar a ensuite tué la fillette en lui fracassant la tête sur les rochers à l'aide de la crosse de son fusil. La mère, Smadar, a dissimulé la petite Yael de deux ans, mais l'a étouffée sans s'en rendre compte en essayant de l'empêcher de crier. Cette agression est peut-être la plus brutale de l'histoire d'Israël et elle est restée gravée dans la mémoire collective des Israéliens.

À la suite de l'émission présentant un portrait sympathique de ce terroriste, nous avons déposé une plainte auprès de la Société Radio-Canada. Dans le cadre d'une rencontre en personne, la SRC a admis qu'elle n'avait pas été à la hauteur et avait chargé un autre journaliste de faire un suivi et de rendre compte des véritables actes de terreur perpétrés par Qantar.

L'année dernière, cette tendance apparemment hostile à Israël s'est confirmée quand la CBC a offert du temps d'antenne à un individu prétendant qu'Israël avait employé des armes chimiques contre des enfants palestiniens. C'était une nouvelle calomnie pure et simple.

HonestReporting est une organisation populaire indépendante qui compte 30 000 abonnés. Nous défendons le principe d'un compte rendu équilibré et contextualisé de la situation en Israël et au Moyen-Orient dans les médias canadiens. Nous surveillons les médias des deux langues officielles, prenons acte des reportages d'excellente qualité et dénonçons les inexactitudes.

C'est ainsi que nous veillons à ce que les nouvelles — qu'elles soient nationales, locales, universitaires ou alternatives — respectent les normes journalistiques auxquelles les organisations de presse disent adhérer. Lorsque ces normes sont ignorées ou transgressées, notre personnel et nos partisans sur le terrain interviennent en prenant contact avec les agences de presse pour attirer leur attention sur leurs erreurs et demander des correctifs. Les organes d'information, les correspondants et les professionnels de l'information sont tenus responsables des comptes rendus problématiques et sont sensibilisés à la nécessité de rendre compte des faits en toute impartialité et équité. Depuis 2003, notre organisation est fière d'avoir obtenu plusieurs milliers d'excuses, de rétractations et de révisions de la part de différents organes d'information.

Aujourd'hui, cependant, nous nous intéresserons plus particulièrement à la façon dont la Radio-Canada rend compte de la situation en Israël et, à un moindre degré, à ses reportages sur le monde arabe et sur le Moyen-Orient en général, qui fait toujours la une des nouvelles et donne lieu à quantité d'émissions. Le correspondant de NBC News, Martin Fletcher, a récemment fait remarquer qu'Israël est « le pays le plus analysé et pourtant le moins bien compris du monde ». Mais pourquoi donc Israël se trouve-t-il au beau milieu d'une bataille de l'opinion publique?

La censure disproportionnée dont l'État d'Israël fait l'objet est un phénomène qui fait partie intégrante d'une campagne de délégitimisation menée par les ennemis d'Israël qui veulent obtenir la défaite d'Israël dans la guerre des médias parce qu'ils ne peuvent pas l'obtenir dans la guerre conventionnelle. Cette guerre se déroule devant le tribunal de l'opinion publique et dans les médias, qui sont le prisme par lequel la plupart des gens comprennent le monde. Comment expliquer autrement l'absurde diabolisation d'Israël présenté comme pays d'apartheid ou les campagnes BDS menées exclusivement contre lui? Ces campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions sont le fait des ennemis d'Israël.

Israël, après tout, est la seule démocratie d'une région qui souffre d'instabilité, de tyrannie et de non-respect pur et simple des droits de la personne. En Israël — et bien que ce pays ne soit pas parfait, tant s'en faut —, la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, alors que, au Moyen-Orient en général, la justice est souvent expéditive et les accusés ne sont pas mis en présence d'un jury ou d'un juge, mais d'un bourreau.

Au cours du conflit entre Israël et le Hamas, l'été dernier, 700 journalistes en provenance de plus de 40 pays ont rendu compte de la situation en plaçant Israël sous une loupe. Soit, et même : qu'on s'en félicite, mais à condition que la loupe grossisse également l'avers et le revers de la médaille. Mais le pouvoir des gros titres, des photos, des reportages quotidiens et des images télévisées rendent compte de la situation en Israël d'une manière injuste et inexacte, au point qu'on a pu parler d'« intifada médiatique ».

Les organes d'information populaires occidentaux comme Radio-Canada jouent un rôle crucial dans la formation de l'opinion publique et l'élaboration de la politique gouvernementale. Il incombe donc à la SRC de veiller à ce que ses émissions de nouvelles — notamment lorsqu'il s'agit du Moyen-Orient — fournissent une information scrupuleusement impartiale, équilibrée et exacte. La SRC ne saurait donner l'impression par défaut de défendre un certain point de vue politique qui pourrait en faire la complice involontaire des détracteurs d'Israël et d'un discours dénigrant Israël.

Compte tenu des multiples menaces qui pèsent sur Israël de nos jours — de la prolifération des armes nucléaires à l'impasse des pourparlers de paix en passant par le terrorisme, l'Iran, le Hezbollah, le Hamas, les voisins instables et l'ascendance de l'État islamique, il est important de veiller à ce que nos entreprises et nos dirigeants politiques ainsi que ceux qui influencent nos dirigeants reçoivent de l'information exacte sur Israël.

Voilà qui nous ramène à la SRC, dont les reportages et les journalistes ne cessent de tenir Israël à une norme intenable et le Moyen-Orient en général, à une norme moindre.

Le président : Je suis désolé, on vient juste de me remettre votre déclaration. Cela durera probablement plus que les sept minutes que nous vous avons allouées. Je vous prie donc de résumer si c'est possible. Ce n'est pas que je veuille contrôler votre message, mais nous avons bien précisé que les introductions ne devaient pas dépasser sept minutes.

M. Fegelman : Je comprends, aucun problème. Si vous permettez, je vais simplement donner deux exemples rapides, puis je passerai à mes recommandations.

Au cours du conflit de l'été, Radio-Canada a tôt fait de condamner Israël pour la mort de 16 Palestiniens qui avaient cherché refuge dans une école de l'ONU, à Beit Hanoun, le 24 juillet. Je vais simplement vous monter un diagramme illustrant la position de la CBC. Ce reportage était intitulé « Gaza conflict : Israeli fire hits compound housing UN school, killing 15 ».

Au lieu de faire enquête sur l'incident, la CBC a repris la thèse palestinienne concernant la culpabilité des Israéliens et elle a supposé qu'Israël était responsable malgré l'absence totale de preuves. Qui plus est, avant que ne soient diffusés les résultats de l'enquête, les autorités israéliennes avaient émis l'opinion que, selon toutes probabilités, le tir venait du Hamas et avait frappé l'école de l'ONU intentionnellement ou accidentellement.

Après notre intervention, la CBC a modifié le titre en suspendant son jugement : « Gaza conflict : UN school caught in crossfire killing 15 », soit « Conflit à Gaza : quinze morts dans une école de l'ONU prise entre deux feux », au lieu de condamner exclusivement Israël.

Ce ne vous donne qu'une idée de l'importance de notre travail dans les derniers jours. Je peux vous dire que, généralement, un tiers de nos interventions ont trait à la façon dont la CBC traite de la situation en Israël et que nous surveillons tous les médias canadiens à cet égard.

Le président : Veuillez formuler vos recommandations.

M. Fegelman : J'y viens, oui.

Nous avons déposé environ un millier de plaintes auprès de Radio-Canada et avons obtenu satisfaction dans 70 à 75 p. 100 des cas. Ne vous contentez pas de me croire sur parole.

La SRC elle-même a reconnu ses propres lacunes. Songez à Pierre Tourangeau, l'ombudsman de Radio-Canada, qui est venu témoigner devant le comité et qui a ordonné au service des nouvelles de la CBC, l'année dernière, de se montrer plus vigilant dans les reportages sur Israël et sur le conflit israélo-palestinien.

L'ombudsman a conclu : « Il y avait donc, cette année encore, des problèmes bien réels dans la couverture du différend israélo-arabe à propos de la question palestinienne. » Il a poursuivi dans les termes suivants : « Mais il faudra [...] peut-être même changer d'attitude à l'égard du conflit israélo-palestinien. »

J'arrive à ma conclusion. Pour que la Radio-Canada s'améliore, il faut que notre radiodiffuseur public s'efforce d'éclairer certains aspects moins analysés dans les reportages, comme la corruption et le népotisme en Palestine, où les dirigeants siphonnent des milliards de dollars destinés à la population pour les déposer dans leurs coffres personnels. Il faut parler de la façon dont le Moyen-Orient est un trou noir lorsqu'il s'agit des droits de la personne et expliquer comment des États despotiques comme le Qatar et l'Iran financent le terrorisme international, il faut dire que des femmes iraniennes sont pendues pour avoir tué leur violeur et que les femmes saoudiennes sont traitées en esclaves.

Songez seulement à la mort horrible de millions de Congolais dans les dernières années : voilà une situation qui, étonnamment, ne suscite pas l'intérêt des médias occidentaux. Il faut s'interroger sur les priorités en matière de nouvelles.

Mesdames et messieurs, l'examen que vous êtes en train d'entreprendre est une initiative importante et digne de respect. Mais elle n'aura de sens que si elle donne lieu à des changements en profondeur qui inciteront Radio-Canada à respecter effectivement les normes et pratiques de fonctionnement qui sont les siennes.

En résumé, nous recommandons qu'une commission d'enquête indépendante soit constituée, afin d'obtenir un rapport externe sur la couverture journalistique de Radio-Canada sur le Moyen-Orient, et que le rôle et le mandat de l'ombudsman de la CBC soient étendus, dans le but de l'habiliter à faire appliquer les règles entourant la couverture médiatique de CBC. À l'heure actuelle, l'ombudsman de la CBC ne peut émettre que des avis consultatifs non contraignants qui semblent plutôt une mesure de façade.

Bien que nous n'ayons aucun problème avec l'ombudsman actuel, surtout en ce qui concerne son intégrité, nous croyons que ce protecteur du citoyen devrait être recruté et employé hors des rangs de la CBC.

Nous croyons que les correspondants et journalistes en reportage au Moyen-Orient devraient recevoir une formation plus poussée, afin d'assurer qu'ils ont une connaissance approfondie de la région et qu'ils saisissent l'importance du traitement juste et équilibré de l'information.

Enfin, les événements du Moyen-Orient traditionnellement peu couverts ou laissés de côté doivent être rendus publics. Je tiens à préciser que nous ne croyons pas que la CBC nourrit quelque hostilité envers Israël ou qu'elle a des comptes à régler avec Israël, mais nous sommes convaincus et en mesure de le prouver, la CBC le reconnaît elle-même, qu'elle présente de nombreuses lacunes. Certaines actions peuvent effectivement être antisémites même si ce n'était pas l'intention au départ, et ce, en raison de l'effet cumulé d'une couverture médiatique injuste, inexacte et inégale d'Israël.

Si nous désirons vraiment améliorer la qualité du journalisme à la CBC et favoriser une plus grande responsabilité, nous devons rester fidèles à nos valeurs et intégrer les recommandations susmentionnées dans des politiques concrètes.

Monsieur le président, distingués membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Eggleton : Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous êtes ici. Il me semble que si vous avez une plainte à formuler à l'égard d'une forme de journalisme, celle qui a cours à la CBC, vous devriez présenter les faits à une autre entité, telle que le CRTC ou un autre organisme pertinent. Je sais qu'il existe des organismes dans la presse écrite, je ne sais pas pour la presse électronique.

Nous sommes un organe politique. Vous ne croyez certainement pas que le travail des journalistes devrait être soumis à un contrôle politique.

M. Fegelman : Je vais vous expliquer comment nous procédons. Toutes nos interventions auprès des médias s'effectuent de la même façon. Si une erreur se produit, nous présentons une plainte directement au média concerné. Si une solution satisfaisante ne peut être déterminée, la cause pourra être acheminée à un organisme pertinent, soit le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision ou les conseils de presse de la presse écrite. C'est le protocole que nous observons et nous croyons que c'est la meilleure façon de faire.

Le sénateur Eggleton : C'est un protocole raisonnable. Je me demande pourtant pourquoi vous êtes ici, car ce n'est pas l'organisme qui convient à votre démarche. S'il fallait que le gouvernement se mette à surveiller le traitement de l'information comme ils le font en Russie et ailleurs. Ceci serait vraiment contraire à notre conscience démocratique qui vise à séparer le domaine journalistique de la politique.

Je ne dis pas que votre cause n'est pas légitime, je dis seulement que l'endroit n'est pas approprié. Nous discutons ici de l'avenir de la CBC.

Le sénateur Plett : Y a-t-il une question?

Le sénateur Eggleton : Oui. J'estime avoir le droit de faire des commentaires. Vous le faites couramment. D'ailleurs, vous passez un temps considérable à émettre des commentaires. Si j'ai des commentaires à faire, je les fais, et cela a mené à une question.

Je ne dis pas que votre cause n'est pas légitime, je dis seulement que ce n'est pas l'endroit approprié pour en débattre. Nous discutons de l'avenir de la CBC, tout particulièrement dans l'optique de la dynamique changeante du monde de la radiodiffusion, des nouvelles plates-formes numériques et tout le reste. J'aurais cru que vous alliez aborder ces autres pistes de discussion.

M. Fegelman : Je vous dirai, si je peux répondre à votre question, que nous aborderons ces autres pistes de discussion, mais je dois souligner que Radio-Canada est un organisme exceptionnel comparativement aux autres médias, simplement parce que des fonds publics y sont injectés pour appuyer la radiodiffusion de contenu d'information canadien. Lorsque ce type de journalisme, selon notre estimation professionnelle et de l'aveu même de Radio-Canada, produit des reportages systématiquement problématiques à l'encontre d'Israël, nous croyons qu'un processus de surveillance devrait être mis en place à défaut de provenir de Radio-Canada elle-même.

Le sénateur Eggleton : Vous croyez que le gouvernement devrait intervenir alors.

M. Fegelman : Nous ne croyons pas que le gouvernement devrait intervenir. Nous croyons qu'une enquête indépendante est nécessaire. De quelle façon, et par qui, cela devra être déterminé avec soin, évidemment.

Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné le CRTC et d'autres entités possibles, ainsi que l'ombudsman. À quelle étape croyez-vous que le processus d'appel arrive à une impasse? Où doit-on apporter des changements dans le processus d'appel?

M. Fegelman : Soyons clairs. Je ne crois pas que le processus d'appel comporte des lacunes fondamentales. En fait, nous entretenons une relation très constructive avec la SRC. J'ai mentionné que les cas portés à notre attention sont redressés à près de 70 p. 100.

Les problèmes que nous traitons ne concernent pas nécessairement l'ombudsman, mais nous avons constaté que même si l'ombudsman convient qu'il y a bel et bien eu des irrégularités, cela ne va pas plus loin. Il n'y a pas de mesure coercitive. Voilà notre principale préoccupation à l'égard du rôle de l'ombudsman; par ailleurs, nous sommes satisfaits des normes et des pratiques existantes à Radio-Canada.

Le sénateur Housakos : Merci, monsieur, d'être parmi nous aujourd'hui.

M. Fegelman : J'en suis heureux.

Le sénateur Housakos : Contrairement à mon collègue, j'apprécie votre témoignage. J'aimerais rappeler à mes collègues ici présents que non seulement la SRC et les organismes tels que le CRTC sont financés par le gouvernement du Canada, mais de plus ils sont mandatés par le Parlement du Canada.

Notre comité est chargé d'étudier une société d'État de premier plan, la Société Radio-Canada. Il est certain qu'une part de notre étude se penchera sur la gouvernance de cette organisation et la manière dont sont traitées les plaintes provenant du public.

Bien sûr, ce n'est pas aux politiciens et aux comités parlementaires de spécifier les contenus éditoriaux des journalistes, et ce comité n'en a aucunement l'intention, mais nous avons certainement la responsabilité d'en examiner la gouvernance ainsi que le processus d'appel public. Le CRTC l'a fait lorsqu'il a accordé une licence à la condition que le rôle de l'ombudsman soit renforcé afin de réagir aux plaintes du public. L'ombudsman de la SRC s'est déjà présenté devant ce comité pour discuter de ces questions spécifiques.

Ceci n'est qu'un pas supplémentaire visant à étudier l'information fournie par l'ombudsman et celle qui provient maintenant d'une organisation qui a décidé de promouvoir certains intérêts. Ils ont bien le droit de contester le contenu éditorial de la SRC. Je ne vais pas dire que je suis d'accord ou non avec vous là-dessus.

Ma question est plutôt la suivante : croyez-vous que la partialité de la SRC est unique à la CBC ou avez-vous rencontré des cas semblables chez d'autres radiodiffuseurs? Quelle a été votre expérience en ce qui concerne le traitement des plaintes du côté des radiodiffuseurs privés comparativement aux radiodiffuseurs publics? Je déteste l'idée qu'il puisse exister un réflexe antisémite chez notre radiodiffuseur public.

M. Fegelman : Merci pour cette question, sénateur Housakos. Je ne crois pas que la SRC ou ses milliers d'employés, de journalistes et d'éditorialistes se lèvent tous les matins avec l'intention de dénigrer Israël. Je crois qu'il s'agit de la conséquence des nombreux obstacles qui entourent la couverture médiatique du Moyen-Orient, qui constitue peut-être le sujet le plus difficile à couvrir dans le domaine du journalisme. C'est une question d'accès qui historiquement pose plein de problèmes liés à la formation des journalistes.

Il existe des difficultés au niveau du lexique approprié à utiliser. Je pourrais vous donner de nombreuses raisons. En fait, je donne un atelier d'environ une heure et demie sur le sujet. Les problèmes constatés à la SRC ne sont pas propres à la SRC. Ils surgissent dans toutes les nouvelles organisations, qu'elles soient internationales ou nationales.

Nous surveillons la couverture médiatique canadienne d'Israël et c'est Radio-Canada qui produit le plus de reportages, comparativement aux autres médias. Elle attire un large public, autant du côté francophone que du côté anglophone. C'est pourquoi nous affectons de nombreuses ressources à l'étude de la couverture de la SRC, mais je ne crois pas que plusieurs milliers d'employés font preuve d'un mépris envers Israël.

Le sénateur Housakos : Votre équipe travaille-t-elle à d'autres causes ou est-elle spécifiquement affectée à celle d'Israël?

M. Fegelman : Si l'on m'accuse de partialité d'un sens ou de l'autre, on doit se rappeler que mon travail quotidien porte essentiellement sur le suivi de la couverture médiatique d'Israël. Je n'étudie pas exclusivement la couverture des médias qatariens ou des problèmes du Qatar par les médias canadiens et je n'étudie pas les événements de la Jordanie à fond.

Le sénateur Housakos : Y a-t-il d'autres organismes au Canada ou aux États-Unis qui examinent la partialité des médias comme vous? Il est évident que vous vous concentrez sur un problème spécifique, mais y aurait-il d'autres organismes en Amérique du Nord qui étudient la partialité des médias?

M. Fegelman : Absolument. Nous savons tous qu'il existe des centaines de groupes d'intérêt différents, que ce soit au nom des droits des femmes, de l'environnement ou de diverses questions politiques. Les organismes de surveillance existent partout dans le monde, car leurs porte-parole savent avec raison que les nouvelles rapportées aujourd'hui composent souvent la politique étrangère plus tard. Ces organismes sont nombreux, que ce soit Greenpeace, des groupes de droits des femmes; certains s'identifient comme des organismes de surveillance des médias, d'autres ne consacrent qu'un segment de leurs activités à la surveillance et à l'activisme.

Le sénateur Housakos : J'ai recommandé dans le passé, afin de renforcer le rôle et l'indépendance des ombudsmans des volets anglophone et francophone, que le Parlement du Canada leur accorde un budget indépendant et un plus grand pouvoir de coercition. De cette façon, ils ne seraient plus redevables à l'administration de la SRC. Ils n'auraient pas de comptes à rendre à l'administration de la SRC. Plus précisément, ils n'auraient plus à être victimes de coupures injustes ou irrégulières dans leur service, comme cela s'est produit récemment, suite à la compression continue du budget de fonctionnement de la SRC. Croyez-vous que ce serait une bonne idée?

M. Fegelman : Je suis d'accord qu'on doit renforcer le pouvoir de coercition des décrets de l'ombudsman. Je ne peux me prononcer sur le budget ou les ressources de l'ombudsman, car je ne suis pas au fait de ces détails. Cependant j'estime que le fait que les rapports de l'ombudsman soient souvent perçus comme une façade constitue un problème sérieux.

Le sénateur Plett : Ma question principale visait à savoir ce que vous pensez de l'approche des autres médias. Mon collègue de l'autre côté dit que mon préambule a pris beaucoup de temps, alors je serai bref cette fois. Il a également suggéré qu'il n'avait aucun problème avec le point que vous avez soulevé, mais il se demandait s'il était opportun de le présenter ici.

J'aimerais également tous vous remercier de votre présence et dire que je suis tout à fait d'accord que vous présentiez vos préoccupations devant ce comité. Nous examinons la viabilité de la SRC, mais nous l'étudions aussi dans son ensemble. Nous entendons régulièrement des témoignages de gens qui ont des comptes à régler; ils ont le droit de le faire ici. Le comité détermine ensuite quelles seront nos observations et nos recommandations. Les témoins accueillis ici ont le droit d'exprimer leur opinion tant que ce n'est pas une opinion haineuse.

Nous sommes tous des politiciens ici. Nous entendons à répétition à quel point ce média n'est pas objectif à notre égard. Il est certain que les conservateurs croient que tous les médias sont du centre gauche et que les gens de l'autre côté les trouvent trop modérés, et ainsi de suite.

Croyez-vous que les journalistes ont le droit d'avoir leurs propres opinions ou doivent-ils absolument adopter une position intermédiaire? Nous avons discuté ce midi avec deux présentateurs, un qui affichait ses préférences politiques et une autre qui les gardait à l'écart. Je ne crois pas qu'ils le font nécessairement, mais croyez-vous qu'un journaliste a le droit d'avoir une opinion propre et de l'exprimer?

M. Fegelman : Oui et j'estime que nous devrions spécifier le rôle des journalistes. Nous savons que nous avons tous nos propres opinions partiales. Il serait totalement déloyal de nier que nous avons nos propres idées et opinions sur un sujet.

Je crois que le journaliste a la responsabilité de mettre ses opinions de côté lorsqu'il livre de l'information. Par exemple, s'il doit présenter les nouvelles, pas sur le Moyen-Orient, mais sur l'actualité politique locale, qu'il soit d'allégeance conservatrice, libérale ou NDP, il doit livrer son reportage de façon factuelle et objective. Il ne doit pas laisser transparaître ses opinions dans son reportage. Les opinions personnelles se glissent souvent dans les reportages; elles devraient être tenues à l'écart.

Le sénateur Plett : Je regarde différentes chaînes d'information : CBC, CTV, Global, Sun Media. Je suis probablement plus en accord avec Sun Media qu'avec les autres médias. Toutefois, il est très clair que Sun Media fait également preuve de partialité et à entendre Ezra Levant, il n'y a pas de doute que ses opinions partiales rejoignent probablement les miennes et les vôtres en grande partie, certainement sur les questions se rapportant à Israël.

Si je peux faire une observation, je crois que peu de journalistes arrivent à mettre leur partialité entièrement de côté. En guise de seconde observation, je dirais que les médias ont malheureusement le mandat, enfin ils croient avoir le mandat de faire du sensationnalisme, à un certain point.

Si l'on prend comme exemple les événements horribles de la semaine dernière à Ottawa, si cette nouvelle avait été couverte sans reportage télévisé, sans les images du journaliste du Globe and Mail et ainsi de suite, elle n'aurait pas attiré l'attention des gens.

Je suppose que cela porte un jugement terrible sur nous tous. Mais en plaçant les événements dans leur contexte, plus de gens seront horrifiés et plus de gens suivront les reportages si la SRC ou CNN ou une autre chaîne montre des tirs de roquette israéliens dirigés sur un groupe d'enfants, même si ces enfants sont utilisés comme boucliers humains; là-bas, ils les utilisent comme boucliers humains. Ceci attirera toute l'attention médiatique et bien sûr Israël sera perçu comme le malfaiteur, car tous ces civils ont été tués, même si ce scénario avait clairement été orchestré. Si les Palestiniens tirent une roquette du côté des Israéliens et qu'un soldat meurt, cela ne mérite pas une grande couverture médiatique.

M. Fegelman : En effet. Je dois mentionner que la semaine dernière, l'ombudsman de la CBC, Esther Enkin, a publié un rapport — il est affiché sur le site web de la CBC — qui reconnaît que la couverture de la CBC comportait des lacunes, que les images montraient surtout les tirs du Hamas sur Israël et les soldats du Hamas morts ou engagés dans le conflit. La couverture médiatique est un défi en soi lorsqu'on est en présence d'une guerre asymétrique, c'est très difficile.

Pour revenir à vos commentaires sur Ezra Levant, je crois qu'il dirait de lui-même qu'il se considère plutôt comme un personnage d'autorité qui livre ses éditoriaux sans vergogne. Je crois que les éditoriaux d'opinion ont leur place dans le journalisme. Je crois que ce rôle convient aux chroniqueurs libres et aux experts, toutefois les directeurs généraux du Moyen-Orient, les correspondants en chef et les journalistes de la Colline parlementaire devraient s'efforcer de produire des reportages de sources équilibrées. Ils devraient employer un langage neutre et éviter le type de couverture médiatique à sensation, dans laquelle la terreur alimente le cycle de nouvelles 24 heures sur 24. Ceci n'est pas caractéristique de la SRC seulement, c'est un problème exclusif au domaine du journalisme.

Le sénateur Plett : Je ne suis pas en désaccord avec vous. Cependant, si nous considérons les événements qui se sont produits en Ukraine au cours de la dernière année, je crois que nous sommes heureux, pour la plupart, de la couverture médiatique partiale, si je puis dire; au moins c'est la Russie qui porte tout le blâme et je crois que c'est juste.

Nous avons tendance à être d'accord avec ce type de couverture. Étant donné que certains d'entre nous sont à tout le moins plus en faveur d'Israël et que certains Canadiens sont complètement modérés, y a-t-il une corrélation entre les deux ou non?

M. Fegelman : Je ne peux commenter la couverture de la SRC concernant l'intervention de la Russie en Crimée. Cependant, je vous dirai que l'information ne devrait pas être biaisée en étant présentée aux deux tiers sous un angle particulier. Il devrait toujours y avoir un effort vers la neutralité et l'équilibre. Autrement, comment pouvons-nous nous former une opinion objective si l'on ne nous présente pas le spectre complet du débat et de la question?

Le sénateur Plett : Je crois que vous y avez fait allusion, mais je pose la question tout de même. La SRC a consacré une plus grande couverture médiatique au conflit israélo-palestinien que les autres médias. Êtes-vous d'accord que leur couverture était plus étendue que celle des autres médias?

M. Fegelman : Et pour certaines raisons. La SRC a plusieurs correspondants au Moyen-Orient. Pour desservir les médias anglophones, ils ont un correspondant pour la radio et la télévision qui est souvent accompagné d'un photographe et d'un vidéographe et ils engagent des traducteurs. Ils ont aussi une équipe francophone équivalente. Comparativement aux autres médias canadiens, ils ont deux fois plus de correspondants de ce type.

Quelle que soit la raison pour laquelle la SRC choisit de prioriser ce conflit plutôt que les autres, il reste que les médias doivent faire preuve de discernement dans le choix des reportages. Nous croyons que la SRC a droit à l'indépendance éditoriale, mais nous estimons aussi qu'elle ne devrait pas se contenter de garder uniquement Israël sous la loupe, simplement parce qu'elle possède des chefs de bureau pouvant commodément produire des reportages à partir d'Israël, parce que c'est sécuritaire, qu'il y a une liberté de presse, contrairement aux autres régions du Moyen-Orient qui sont dangereuses et hostiles. Des journalistes se font décapiter. Cela ne signifie pas qu'ils doivent nécessairement substituer une couverture à une autre, mais cela crée une dynamique dans laquelle il existe une couverture démesurée des événements en Israël.

Si Israël planifie la construction d'habitations à Jérusalem, les manchettes se déchaînent, mais si l'autorité palestinienne du Hamas incite la population locale à tuer des bébés israéliens, la nouvelle n'obtient pas l'attention médiatique qu'elle serait en droit d'obtenir. Lorsque des nations tentent d'effacer Israël de la carte et que cela ne fait pas les manchettes, il y a matière à inquiétude.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Fegelman, merci d'être venu ici aujourd'hui. Je vous félicite pour votre bon travail. Chose certaine, les événements de la semaine dernière à Ottawa nous rappellent ce qu'Israël doit endurer au quotidien.

Vous avez plus ou moins répondu à la première question que je voulais vous poser. Vous avez parlé des reportages sur les victimes l'an dernier en Israël. Voilà justement un exemple de la forme de partialité qu'on peut constater. Nous avons indiqué, je pense, que cela avait été le cas.

Netanyahu a déclaré qu'Israël utilise ses missiles pour protéger les gens et que le Hamas utilise les gens pour protéger ses missiles. Je suis porté à lui donner raison. Je crois que les preuves vont en ce sens. On ne cesse de nous répéter que la situation au Moyen-Orient est compliquée. Je pense qu'elle est plutôt simple. Elle n'est pas si compliquée. Nous croyons en la liberté d'expression, d'association et de religion, au respect des institutions démocratiques et en la primauté du droit. Ce sont là des principes que nous comprenons. Comment pouvons-nous amener la CBC à comprendre ces paramètres que sont le respect de la démocratie et la primauté du droit et à les utiliser comme instrument de mesure lorsqu'il est question du Moyen-Orient?

M. Fegelman : À notre avis, il faut mettre sur pied une commission qui délimitera la couverture internationale que doit assurer CBC/Radio-Canada, que ce soit par le biais de sa radio en ligne ou de ses reportages télévisés, afin que la société puisse voir, comme dans un miroir peut-être, que ses décisions éditoriales relatives à sa couverture de l'actualité ne reflètent pas ce que je viens de mentionner.

Selon le Rapport arabe sur le développement humain de 2004, cette région, où des gens peuvent être décapités pour un oui ou pour un non, est un trou noir en matière de droits de la personne. Les événements de ce genre ne sont pas relatés dans les médias.

Laissons la situation au Moyen-Orient pour aborder celle qui prévaut au Congo où, depuis plus d'une dizaine d'années, des millions de personnes ont été assassinées. Là encore, les journalistes et les rédacteurs en chef de la CBC nous disent, dans le cadre de réunions périodiques, qu'ils doivent toujours prendre en compte les ressources dont ils disposent et leur capacité réelle de couvrir ce sujet. Ils tiennent également compte de leur propre auditoire. N'oublions pas également que la CBC a un intérêt commercial à s'assurer que les gens ne cessent de consulter son site web, de lire ses articles, de regarder le téléjournal et d'écouter la radio. Les sujets doivent donc être intéressants et captivants d'un point de vue canadien.

Être journaliste à CBC/Radio-Canada n'est pas une sinécure. Ce n'est pas un boulot facile d'évoluer dans le milieu journalistique, mais la société doit faire mieux. Cela ne demande parfois qu'un peu plus d'outils et de surveillance.

Le président : Monsieur Fegelman, merci beaucoup pour votre exposé.

M. Fegelman : Merci.

Le président : Chers collègues, notre prochain témoin est Ken Stowar, directeur de la station de radio communautaire de l'Université de Toronto.

Nous sommes prêts à vous entendre, monsieur Stowar.

Ken Stowar, directeur de station, University of Toronto Community Radio Inc. : Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous. Je m'appelle Ken Stowar et je suis président-directeur général de la station de radio communautaire de l'Université de Toronto.

À titre d'information, la radio communautaire de l'Université de Toronto diffuse 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine, et dessert une population d'environ huit millions de personnes, de Barrie à Buffalo, de Kitchener à Cobourg. Solidement ancrée dans la communauté de l'Université de Toronto, CIUT offre une programmation qui atteint et reflète la communauté en général et couvre un large spectre de styles et d'expressions. Il en est ainsi depuis 1965.

CIUT-FM a obtenu le statut d'organisme de bienfaisance en 2005, en raison de son rôle d'éducateur auprès de la population, non pas par le biais d'émissions éducatives, mais plutôt en formant et en informant les étudiants et d'autres membres de la communauté sur les valeurs et les principes du journalisme radiophonique.

Conformément à l'énoncé de mission dont j'ai joint une copie à votre intention, CIUT a le mandat d'offrir une solution de rechange aux médias grand public, de fournir aux membres de la communauté l'accès aux ondes et de présenter des émissions distinctes qui reflètent les différentes composantes des populations qu'elle dessert.

Le président : Désolé, vous avez dit que vous aviez une copie?

M. Stowar : Oui, j'ai joint une copie de l'énoncé de mission.

Le président : Veuillez poursuivre. Je suis désolé de vous avoir interrompu. Nous essaierons de la trouver.

M. Stowar : Pas de problème.

Avant tout, CIUT existe pour servir ses auditeurs. Nous ne ménageons aucun effort pour stimuler, instruire, distraire et provoquer nos auditoires et pour répondre aux besoins des auditeurs qui ne sont normalement pas visés par d'autres médias.

Créée en 1965, la station CIUT compte plus de 45 années de service. À l'époque, un groupe d'étudiants a fondé la University of Toronto Radio, qui se voulait la voix de la communauté universitaire. Au début, la diffusion se limitait à quelques lignes en circuit fermé dans les résidences et les cafétérias du campus. Plusieurs années et plusieurs progrès techniques plus tard, la station, rebaptisée Radio Varsity, a élargi son auditoire grâce au câble et à la diffusion d'émissions choisies sur les ondes de CJRT-FM et CHUM-FM.

Durant les années 1970 et au début des années 1980, la station, en plein essor, a été successivement renommée Input Radio, puis UTR, et finalement CJUT. Elle a présenté une demande au CRTC pour obtenir le statut FM, mais sans succès.

En 1986, une deuxième équipe d'amateurs de radio universitaire et communautaire a déposé une nouvelle demande pour obtenir un créneau sur la bande FM, faisant valoir auprès du CRTC le rôle unique joué par la station qui s'intéresse à des genres de nouvelles, de musique, d'art et de culture laissés pour compte par la radio commerciale. Le 15 janvier 1987, les efforts collectifs déployés durant une vingtaine d'années de travail et de recherche par un groupe de radiophiles passionnés et aux vues similaires ont finalement porté leurs fruits avec le lancement de CIUT-FM, une station autonome offrant une programmation unique en son genre à 15 000 watts.

Les deux décennies suivantes ont été pour le moins fort intéressantes. Nous avons eu de nombreux moments forts dont nous pouvons être fiers, notamment en matière de programmation, et d'autres, plus pénibles, surtout de nature administrative, ce qui reflète autant le dynamisme que la désorganisation d'une entreprise en pleine croissance. En dépit des turbulences qui ont pu survenir en coulisses, les bénévoles de CIUT-FM n'ont cessé de diffuser des émissions créatives, novatrices et de haut niveau, différentes de celles présentées sur toutes les autres stations présentes sur le spectre FM.

CIUT a commencé à transmettre un flux en direct sur Internet au milieu des années 1990. Cela nous a notamment permis de nous connecter à un auditoire international. Depuis, CIUT-FM offre de nouvelles plates-formes, notamment la radio par satellite Star Choice, des chaînes spécialisées par câble numérique de Rogers et Bell Fibe, iTunes Radio, TuneIn Radio et d'autres applications pour téléphone. CIUT-FM offre également accès des archives audio et à la baladodiffusion sur son site web. Toujours fidèle à ses racines locales, CIUT-FM fait la promotion d'une gamme diversifiée d'activités se déroulant sur la scène culturelle torontoise.

CIUT-FM peut maintenant être fière de sa longue stabilité organisationnelle. C'est ce qui lui a permis d'enrichir sa programmation quotidienne. À titre d'exemple, nous avons accru nos activités de diffusion en direct au sein de la communauté en diffusant une multitude de festivals et d'événements culturels à Toronto, Guelph, Owen Sound et ailleurs. Depuis nos studios de radiodiffusion situés à la Hart House de l'Université de Toronto, nous diffusons en direct de nombreux spectacles exclusifs mettant en vedette des artistes locaux, régionaux, nationaux et internationaux.

Tout au long de ces cinq décennies de grands bouleversements, la radio communautaire de l'Université de Toronto est toujours demeurée fidèle à ses principes fondamentaux. La station demeure une tribune qui fait connaître la musique et la culture non commerciales, la recherche novatrice effectuée à l'Université de Toronto ainsi que des points de vue et des opinions que vous n'entendrez pas nécessairement sur les radios grand public.

Merci pour votre temps et votre patience. Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.

Le président : Sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : Je me demandais seulement si vous avez quelque chose à dire au sujet de la CBC, étant donné que notre étude porte sur CBC/Radio-Canada et les diffuseurs publics en général au Canada.

M. Stowar : Je suis convaincu qu'elle offre un excellent service. Elle pourrait cependant faire un meilleur travail pour représenter les voix et les visages du pays, un mandat assez exigeant.

Nous sommes en relation constante avec la CBC. D'ailleurs, plusieurs de ses employés siègent à notre conseil d'administration. Permettez-moi de vous raconter une brève anecdote. En 2005, lors du lockout à CBC, un ami producteur m'a appelé pour me demander ce que je pensais de l'idée qu'ils viennent diffuser sur nos ondes l'émission Metro Morning avec Andy Barrie.

Je trouvais que c'était une superbe idée et j'ai donc réaménagé notre horaire de programmation. Les gens de CBC sont venus chez nous pour produire l'émission matinale des jours de semaine, pas Metro Morning, mais CIUT Toronto Unlocked, comme ils l'ont appelée. Tous les participants ont dû suivre une séance d'orientation et acquitter une cotisation pour avoir le droit d'aller en ondes. C'était notre protocole.

Croyez-moi, cette expérience d'un mois a donné un coup de jeune à la plupart des employés de CBC qui ont participé à la diffusion de cette émission chez nous. Du coup, bon nombre d'entre eux se sont rappelé pourquoi ils avaient choisi le journalisme de radiodiffusion. L'atmosphère était détendue, ils se sont amusés et ont vraiment apprécié leur expérience. Depuis, nous sommes toujours en étroite relation avec plusieurs des employés de CBC qui ont participé à cette émission et qui nous donnent du temps périodiquement.

Le sénateur Eggleton : Êtes-vous en train de devenir un terreau de formation pour les personnes qui se dirigent vers la CBC ou d'autres entreprises de radiodiffusion privées?

M. Stowar : Oui. Depuis des années, nous accueillons des douzaines de bénévoles qui nous arrivent de Ryerson, de Humber, de Mohawk ou d'autres établissements. Nous leur offrons le véhicule qui leur permet, s'ils en ont envie, de continuer à développer des compétences. Nous leur offrons, en plus, l'occasion de former d'autres personnes et nous comptons par dizaines ceux qui ont pris leur envol et travaillent désormais dans d'autres médias électroniques.

Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné, en réponse à ma première question, qu'il y aurait lieu d'apporter des améliorations à la Société CBC/Radio-Canada. Y a-t-il des domaines particuliers dont vous voulez parler?

M. Stowar : La représentation des voix et des visages du pays, comme je l'ai déjà dit. C'est quelque chose que nous devons faire localement, et que je dois faire. D'entrée de jeu, je dois dire qu'aucune station de radio ne peut représenter tous les citoyens qu'elle dessert. Prenons l'exemple de la musique. Je pense qu'on pourrait représenter un spectre plus vaste des différents milieux culturels des gens de ce pays. Je n'aime pas le terme « sous-représenté », mais je vais l'employer cette fois-ci.

Le sénateur Eggleton : Vous pensez à la radio en particulier?

M. Stowar : Oui.

Le sénateur Eggleton : C'est bien, je vous remercie.

Le sénateur Plett : J'ai deux questions générales. Dans vos principes clés, vous affirmez diffuser des émissions distinctes de celles des autres stations de radio quant au style et au contenu. Pouvez-vous expliquer?

M. Stowar : Bien sûr. C'est une condition assortie à la licence de radiodiffusion que le CRTC délivre à toutes les stations de radio universitaires, pas seulement à CIUT. Nous devons nous tenir complètement à l'écart de la musique que le secteur privé offre à ses auditeurs et, en plus, nous devons nous distinguer le plus possible de la CBC. Notre défi consiste donc à dénicher tous les lacunes et les besoins, quels qu'ils soient, qui ne sont pas comblés par le biais d'émissions musicales ou parlées.

Le sénateur Plett : Quel genre de musique diffuseriez-vous, par exemple, que la CBC ne diffuse pas?

M. Stowar : La liste serait extrêmement longue.

Le sénateur Plett : Voyons, il n'existe quand même pas tant de genres de musique que ça.

M. Stowar : À CIUT, nous nous écartons de beaucoup de la musique courante — je ne sais pas si vous connaissez les catégories établies par le CRTC, la catégorie deux qui est...

Le sénateur Plett : Nommez-moi trois genres, pas des chansons, trois genres musicaux que vous feriez jouer et pas la CBC.

M. Stowar : Je tiens à préciser que nous ne faisons pas jouer cette musique symboliquement, mais de manière constante. Nous diffusons, par exemple, de la musique zouk de Guadeloupe et Martinique, de la musique benga du Kenya et de la musique cajun zydeco.

Le sénateur Plett : Cela me donne une idée. Vous ne faites donc pas jouer de musique classique? Pas de musique country ni de rock?

M. Stowar : Nous avons une émission de musique classique de deux heures qui n'a rien à voir avec le répertoire habituel, celui que vous entendez sur les ondes des actuelles radios de musique classique à Toronto.

Le sénateur Plett : Le CRTC vous demande de ne pas faire concurrence à la CBC?

M. Stowar : Pas de ne pas lui faire concurrence. Nous sommes tous en concurrence pour accaparer l'attention et le temps des auditeurs. Nous ne devons pas reproduire de contenu.

Le sénateur Plett : J'ai une dernière question. Vous dites que vous participez activement à la vie socioculturelle et politique des communautés qui vous écoutent et que vous en êtes le reflet. Pouvez-vous nous décrire plus en détail la vie sociale et politique de vos auditeurs?

M. Stowar : Nous attirons une foule d'activistes et de défenseurs des droits de partout au Canada, par exemple. Culturellement, nous offrons une programmation en espagnol, en pendjabi, en français et en créole.

Le sénateur Plett : Politique? Même la CBC offre du temps d'antenne au Parti Marijuana.

M. Stowar : Oui, c'est vrai.

Le sénateur Plett : Sans vouloir porter de jugement, est-ce que vous voulez parler de ce genre de groupes politiques?

M. Stowar : Peut-être, à la différence près que nous offrons des débats approfondis, pas seulement des échanges de trois, quatre ou cinq minutes.

Le sénateur Plett : Merci.

La sénatrice Unger : Je suppose que vous êtes entièrement financés par les auditeurs?

M. Stowar : Non.

La sénatrice Unger : D'où provient votre financement?

M. Stowar : La moitié de notre budget d'exploitation est couvert par les cotisations étudiantes. Les auditeurs contribuent à hauteur d'environ 20 p. 100 de notre budget. La publicité vient en dernier lieu, aux alentours de 5 p. 100. Nous avons ensuite ce que nous appelons les EMCS — exploitation multiplex des communications secondaires. Il s'agit de sous-porteuses que nous donnons en location et cela comble la différence.

La sénatrice Unger : Vous arrivez assez bien à composer grâce à ces sources de financement?

M. Stowar : Pour le moment, nous fonctionnons au jour le jour, de semaine en semaine. Je pense vraiment que ma station est la première station à Toronto à posséder un émetteur numérique hybride que nous nous sommes procuré à la suite de la catastrophe d'avril dernier, quand notre émetteur à lampes a flanché, grâce à la générosité de nos auditeurs ont répondu à un appel à tous à hauteur de 150 000 $. Grâce à cet émetteur numérique hybride, je pourrai éventuellement aller chercher trois nouvelles sources de revenus sur radio numérique.

Le sénateur Unger : L'un de vos principes est de promouvoir et de maintenir la norme d'excellence journalistique et de radiodiffusion la plus élevée de tous les temps. Quelle est, selon vous, la norme la plus élevée d'excellence journalistique?

M. Stowar : Juste un bref rappel. Je vous ai parlé de la station de radio d'il y a une vingtaine d'années, c'était l'anarchie totale. Il n'existait pratiquement aucun contrôle sur ce qui était présenté. Depuis une dizaine d'années, nous sommes très proactifs. Au début, j'étais le directeur de la programmation. J'ai alors compris qu'en aucune circonstance, personne sur nos ondes n'essaierait d'influencer un auditeur à adopter un point de vue donné.

Par ailleurs, nous acceptions aussi de diffuser sur nos ondes tous les points de vue et toutes les opinions. Les gens qui viennent travailler chez nous sont formés pour comprendre le code d'éthique qui s'applique au journalisme. Cela signifie que leur objectif est de fournir l'information la plus complète possible à nos auditeurs afin que ceux-ci puissent se faire leur propre idée.

La sénatrice Unger : Merci.

Le sénateur Housakos : Quel est votre budget d'exploitation total?

M. Stowar : Notre budget d'exploitation total est d'environ 700 000 $.

Le sénateur Housakos : Combien avez-vous d'employés?

M. Stowar : Six. C'est la moitié de que nous avions il y a quatre ans.

Le sénateur Housakos : D'après tout ce que nous avons entendu dans les témoignages, pas de doute que la radio de CBC/Radio-Canada est probablement la composante de la société qui a le plus de succès. EIle semble très appréciée d'un bout à l'autre partout au pays.

Du budget annuel d'environ 1 milliard de dollars versé à CBC/Radio-Canada, 300 millions sont destinés à la production radiophonique. Ça fait pas mal d'argent. Plusieurs stations radiophoniques comme la vôtre au pays doivent respecter des conditions de licence différentes. Elles semblent fonctionner avec peu d'employés et un petit budget, mais elles ont réussi à se trouver un créneau sur le marché.

Si les 300 millions de dollars s'évaporaient soudainement, cela signifierait évidemment la fin de Radio-Canada que nous connaissons. Il est évident que la chaîne a besoin de ces 300 millions. Avons-nous suffisamment de stations radiophoniques sous licence dans le pays pour remplacer cette absence de service, pour fournir le service que Radio-Canada assure d'un bout à l'autre du pays?

M. Stowar : Je suis fermement convaincu que la radio constitue un puissant outil et qu'il est sous-utilisé. Elle n'a jamais été utilisée à son plein potentiel. Je m'efforce d'offrir des émissions de radio efficaces et percutantes 24 heures sur 24, et nous en sommes encore loin, mais c'est notre objectif. C'est ce que nous nous efforçons de faire.

Je suis également convaincu que la seule chose qui a disparu avec l'arrivée de la haute technologie, c'est que la majorité des émissions radio que nous produisons, de notre contenu, c'est du direct. Lorsque CBC est venue produire son émission matinale chez nous, j'ai pu constater combien de personnes travaillaient à la production de cette émission, autour de 25 ou 30, et je me suis mis automatiquement à additionner des dollars et des cents dans ma tête.

Après cette expérience, nous avons produit notre propre émission matinale avec des bénévoles passionnés et profondément engagés à faire du journalisme d'une manière vraiment spectaculaire. L'émission a été saluée par les gens de la CBC qui étaient présents à la station de radio pour cette émission intitulée Toronto Unlocked.

J'ai toutefois l'impression que la radio est parfois à son meilleur lorsqu'elle est en direct. Une bonne partie de la programmation offerte à la radio de CBC/Radio-Canada est préenregistrée. Les voix sont enregistrées. Il n'est pas possible de communiquer. Nous, nous sommes dans la communication. En gros, c'est ce que nous faisons. Il faut accroître, à mon avis, notre capacité de communiquer avec notre auditoire, minute après minute.

Le sénateur Housakos : Il me reste encore à vous poser la question qui nous préoccupe. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Il existe des stations radiophoniques similaires à la vôtre d'un bout à l'autre du pays. Pourraient-elles combler le vide si jamais cette subvention de 300 millions de dollars versée à Radio-Canada disparaissait demain matin?

M. Stowar : Non.

Le sénateur Housakos : Pourquoi pas et quels seraient les maillons faibles?

M. Stowar : Individuellement et collectivement, je pense que les stations de radio restantes n'auraient pas les ressources financières et humaines pour se maintenir à flot. Elles pourraient faire du bon travail localement, mais je ne crois pas qu'elles pourraient remplacer la perte de CBC/Radio-Canada.

Le sénateur Housakos : Merci.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Stowar, merci d'être ici aujourd'hui.

Vous dirigez une petite station de radio. Vous avez donc appris à étirer chaque dollar.

M. Stowar : Oui, en effet.

Le sénateur MacDonald : J'en suis convaincu.

Vous avez mentionné que la CBC ne montre peut-être pas suffisamment de visages canadiens et ne diffuse pas assez d'histoires présentant les réalités canadiennes. Une chose est certaine, c'est que la technologie a permis la libération et la démocratisation des médias. On peut maintenant produire un film avec un iPhone et un ordinateur portable.

J'aimerais avoir votre opinion sur Radio-Canada. La société ne pourrait-elle pas miser sur son expertise technologique pour accroître son contenu? Ces histoires ne pourraient-elles pas être racontées par un plus grand nombre de gens, maintenant que tout le monde a accès à des véhicules comme YouTube? Ma question est la suivante : la SRC pourrait-elle rassembler ces ressources et faire comme vous : exploiter ces ressources pour tirer un meilleur parti de l'argent qu'elle reçoit?

M. Stowar : C'est une bonne question. Cette préoccupation fait partie de mon quotidien, même dans une station comme la nôtre.

Au départ, j'étais réticent à offrir à nos auditeurs des archives audio et des baladodiffusions de notre programmation. Je craignais que ces véhicules éloignent nos auditeurs de notre programmation principale et que ceux-ci ne nous écoutent plus en direct sur la bande FM.

J'ai fini par céder. En fait, les baladodiffusions sont devenues notre plus gros secteur de croissance. Ce sont maintenant près de 2 000 personnes par mois qui téléchargent des baladodiffusions de notre programmation.

Pour mettre les choses en contexte, disons que notre station cumule une audience hebdomadaire de 150 000 auditeurs; viennent ensuite les 2 000 qui téléchargent nos baladodiffusions, puis ceux qui écoutent les archives audio.

J'ai enrichi notre site web d'une station radiophonique dont le contenu est exclusif à l'écoute en ligne. On y retrouve la Rotman School of Management, le Centre Munk et d'autres départements et facultés de l'Université de Toronto. Ces derniers offriront des émissions qui viendront élargir notre programmation existante tout donnant une voix supplémentaire à l'Université de Toronto.

Le sénateur MacDonald : Je suis de plus en plus d'avis que la SRC devrait retirer encore plus de ressources de la télévision pour les affecter à la radio. Depuis mon enfance, on écoute toujours CBC à la maison. En concentrant de tels efforts sur la télévision, je me demande si CBC a oublié la portée et la grande valeur de la radio.

M. Stowar : Ça, c'est une autre bonne question. Ma fille, qui a moins de 30 ans, n'est pas abonnée au câble. Il se peut qu'elle n'ait même pas de télé. Si elle en a une, elle écoute des trucs comme Google TV qui, comme vous le savez si vous êtes un peu familier avec cette technologie, sont la grande tendance de l'heure. Ma fille paie un montant forfaitaire, rien de plus. Et elle peut regarder absolument tout et n'importe quoi. Elle n'écoute pas la télévision traditionnelle.

Pour moi, la radio en général, c'est quelque chose qui va de soi, mais je sais que ce n'est pas le cas partout dans le monde. Récemment, j'ai lu une étude sur la Bulgarie, un petit pays de cinq millions d'habitants. Soixante-quatorze pour cent des répondants ont affirmé que la radio demeurait leur source de prédilection pour obtenir de l'information, écouter les nouvelles, et ainsi de suite. La radio occupe encore une place très importante partout dans le monde. Pour moi, elle demeure toujours le média le plus accessible et le plus immédiat, encore plus que la télévision.

Pour répondre à votre question, je trouve que la radio est beaucoup plus souple, plus mobile que la télé. Se déplacer dans le pays pour produire une émission radio coûte beaucoup moins cher que pour la télé.

Le sénateur MacDonald : Et on peut l'écouter en faisant autre chose.

M. Stowar : Tout à fait. Elle n'arrive pas nécessairement au premier rang, mais il semble bien qu'elle soit le deuxième choix des auditeurs. Je connais certains des producteurs radio de l'émission Ideas de la CBC, et d'autres émissions aussi, diffusée sur les ondes de CBC Radio. Ces émissions sont tout simplement saisissantes. Je suis convaincu que leurs producteurs pourraient faire encore mieux, mais la réalité est que leurs budgets ont été amputés au point qu'ils n'ont plus les moyens de se déplacer pour réaliser des entrevues en direct. Ils font des entrevues téléphoniques, ce que je trouve malheureux.

Le sénateur MacDonald : J'imagine que je fais partie de la génération qui se souvient encore du bonheur de posséder un transistor.

M. Stowar : Moi aussi.

Le sénateur MacDonald : C'était formidable. Merci.

Le sénateur Plett : Pourquoi trouvez-vous malheureux que des reporteurs à la radio fassent des entrevues au téléphone? Personne ne peut les voir. Si cela permet d'économiser des sous, ne peuvent-ils pas poser les mêmes questions au téléphone qu'en personne?

M. Stowar : Je suis certain que vous avez été interviewé au téléphone et en personne. Il y a une grosse différence entre les deux. Je fais tout mon possible pour éviter les entrevues téléphoniques. À la station radiophonique de l'Université de Toronto, les invités doivent normalement se rendre en studio. Parfois, il leur arrive malheureusement d'utiliser Skype, qui est absolument horrible à écouter. La valeur de la production est déplorable.

Le sénateur Plett : Je suis d'accord avec vous sur ce point. J'ai donné des entrevues des trois types : en personne, par téléphone et par Skype. D'ici à ce que des efforts soient faits pour améliorer Skype, je dirais que c'est la pire solution. Je ne sais pas vraiment, et une fois de plus je ne veux pas vous contredire, mais j'avoue que je n'ai rien contre les entrevues au téléphone. Je trouve cela presque plus relaxant que de parler avec un micro collé au visage. C'est une opinion.

M. Stowar : Il est vrai que ce type d'entrevue a un côté pratique, mais chaque fois que c'est possible, nous préférons les entrevues en personne.

La sénatrice Unger : Connaissez-vous la station CKUA à Edmonton?

M. Stowar : Oui.

La sénatrice Unger : Elle existe depuis 100 ans. Je crois qu'elle a commencé à l'Université de l'Alberta. J'écoute beaucoup cette station radio et, maintenant, elle est aussi alimentée par la CBC. J'entends parfois des annonceurs de CBC et des émissions de CBC diffusées sur CKUA.

M. Stowar : Je pense que CKUA n'a pas le même type de licence de radiodiffusion que nous. C'est pour cela qu'elle peut utiliser cette source.

La sénatrice Unger : Quelle est la différence entre la licence de CKUA et la vôtre?

M. Stowar : Je ne crois pas que CKUA détient une licence de station de radio universitaire. La sienne est différente.

La sénatrice Unger : Peut-être. Je n'en suis pas sûre. Merci.

Le président : Monsieur Stowar, je vous remercie beaucoup pour votre exposé.

M. Stowar : Tout le plaisir est pour moi.

Le président : Comme vous le savez, nous allons poursuivre notre étude au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Vous pouvez nous suivre sur CPAC ou sur Twitter, mais pas sur Skype, car nous n'allons pas l'utiliser.

[Français]

Aujourd'hui, nous continuons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications. Les témoins devant nous aujourd'hui sont Michel Cormier, de Radio-Canada francophone, et Jennifer McGuire, de la CBC.

La parole est à vous.

[Traduction]

Jennifer McGuire, directrice générale et rédactrice en chef, CBC News, Canadian Broadcasting Corporation : Je m'appelle Jennifer McGuire. Je suis directrice générale de CBC News. Je suis également directrice générale des services locaux et rédactrice en chef de la chaîne anglaise de la Société Radio-Canada.

[Français]

Michel Cormier, directeur général de l'information, Services français, Société Radio-Canada : Je m'appelle Michel Cormier, directeur général de l'information à Radio-Canada. Nous allons faire notre présentation de manière conjointe pour vous aujourd'hui.

[Traduction]

Mme McGuire : C'est un nouveau monde pour les citoyens et les consommateurs d'information. Dans les années 1950, lorsque le bulletin d'information du réseau CBC a été lancé, l'idée était que le journal télévisé était une émission que l'on ne regardait qu'une seule fois, en soirée. Puis, à la fin des années 1980, CBC Newsworld était la première chaîne de télévision au Canada à télédiffuser des cycles de nouvelles de 24 heures. Aujourd'hui, la télé n'est que l'un des nombreux écrans sur lesquels on peut écouter les nouvelles et suivre l'actualité, puisqu'il est possible d'y accéder en tout temps au moyen d'un téléphone intelligent, d'un iPad ou de la prochaine invention.

Avec l'avènement des médias sociaux, la fragmentation de l'auditoire et l'apparition de nouveaux concurrents, le milieu dans lequel nous exerçons nos activités s'est complexifié et est devenu plus concurrentiel. Nous travaillons dans un environnement où une information non confirmée peut devenir virale, et où les opinions jouent un rôle croissant dans le domaine de l'information. N'importe qui peut s'improviser journaliste et publier du contenu sur le Web.

Cette réalité présente à la fois des défis et des possibilités pour CBC/Radio-Canada. Tout d'abord, l'explosion de l'univers numérique signifie l'accélération constante du cycle des informations. Le concept du 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 est déjà dépassé. Maintenant, dès qu'un événement se produit, nous devons présenter un reportage à l'instant même. Nous devons maintenant présenter un reportage à l'instant même où un événement se produit. Nos journalistes annoncent les nouvelles sur Twitter et autres médias sociaux avant même qu'elles soient diffusées à la télévision ou à la radio.

En cette ère de multiplication des plates-formes, le nom de marque et les valeurs prennent beaucoup d'importance. La semaine dernière, lors de la fusillade d'Ottawa, les Canadiens se sont tournés vers CBC/Radio-Canada pour obtenir de l'information fiable. La couverture que CBC a faite de cet événement a été encensée par la presse américaine, qui l'a présentée comme un véritable modèle de journalisme à imiter sur toutes les plates-formes.

Nous améliorons constamment nos stratégies numériques pour nous assurer d'évoluer au même rythme que les nouveaux moyens auxquels les gens recourent pour consommer l'information. Néanmoins, la télévision et la radio demeurent des activités très importantes. Nous devons être tout aussi pertinents sur un écran de 52 pouces que sur un écran de téléphone de deux pouces. Cela signifie que l'information que nous présentons doit être complémentaire sur toutes les plates-formes et qu'elle doit être ciblée en fonction du moment de la journée et des attentes de notre auditoire à cette heure précise de la journée.

En même temps que nous devons être prompts à annoncer les plus récentes nouvelles sur Twitter ou à la télévision, nous devons également présenter des reportages approfondis sur les questions du jour dans les émissions phares. C'est sur ce terrain que le diffuseur public acquiert sa notoriété et sa pertinence auprès des Canadiens. Nous devons donc continuer de faire tout cela dans un contexte économique et financier de plus en plus difficile.

[Français]

M. Cormier : À Radio-Canada/CBC, nous avons l'obligation, dans ce nouvel environnement plus compétitif et complexe, de rester fidèles aux valeurs journalistiques qui sont celles d'un diffuseur public. À la différence des médias privés, nous ne répondons pas à des actionnaires, mais au public canadien.

Notre guide des Normes et pratiques journalistiques est l'un des plus complets et détaillés de l'industrie. Ces cinq grands principes sont les suivants : l'exactitude, l'équité, l'équilibre, l'impartialité et l'intégrité.

Notre mission est de servir l'intérêt public. Cela signifie notamment, informer, révéler, contribuer à la compréhension d'enjeux d'intérêt public et encourager la participation des Canadiens à notre société libre et démocratique.

Nous nous engageons à refléter la diversité, à maintenir notre indépendance et à agir de façon responsable. La fidélité de ces valeurs de diffuseur public est d'autant plus importante, à notre avis, que nous vivons maintenant dans un monde où grâce aux médias sociaux, les rumeurs et les opinions inondent la sphère publique.

À première vue, on pourrait penser que cela est un handicap pour Radio-Canada/CBC, parce que certains de nos compétiteurs, après tout, ajoutent beaucoup de commentaires et d'opinions à leur couverture des événements.

Nous sommes plutôt d'avis que ce nouvel environnement justifie l'existence d'un diffuseur public fort. Un sociologue a récemment écrit que Radio-Canada/CBC représente un îlot de crédibilité dans une mer de rumeurs et d'information non vérifiées.

Autant le public aime exprimer et partager des opinions sur les événements du jour, sur les médias sociaux beaucoup, autant il veut avoir et il a besoin d'avoir des sources d'information crédibles qui sauront faire la différence entre les faits et des interprétations. C'est là où nous nous distinguons comme diffuseur public.

[Traduction]

Mme McGuire : J'aimerais revenir sur ce que Michel vient de dire. Les Canadiens n'ont plus la même relation aux médias que par le passé. Ils ont davantage de possibilités d'accéder au genre de nouvelles qu'ils veulent entendre. Les médias sociaux leur offrent différents moyens d'échanger directement avec les journalistes et d'exprimer leurs préoccupations par rapport à ce que nous faisons et à notre façon de le faire.

C'est donc dire que CBC/Radio-Canada déploie un effort sans précédent pour rendre compte à son auditoire et au public en général. Les lignes directrices sur les Normes et pratiques journalistiques sont au cœur même de cet effort. Comme l'a mentionné Michel, elles constituent notre promesse aux Canadiens. Ce guide définit le cadre de notre conduite et de notre pratique du journalisme.

Nous sommes également les seuls diffuseurs au pays à avoir des ombudsmans — comme vous le savez, un pour le réseau français et un pour le réseau anglais — pour représenter le public lorsque celui-ci estime que nous avons mal fait notre travail journalistique. Ces ombudsmans se fondent sur nos normes et nos pratiques pour nous demander des comptes. Nous faisons un effort concerté pour répondre aux personnes qui soulèvent des problèmes liés à notre journalisme, en particulier si nous avons fait une erreur.

Si nous commettons une erreur, nous l'admettons, la reconnaissons et la corrigeons. Personne n'aime être pris en défaut, mais sur les milliers de reportages que nous réalisons chaque semaine, nous sommes conscients que des erreurs peuvent se produire. En de tels moments, nous croyons que la meilleure manière d'établir la confiance de nos auditeurs et de leur témoigner le respect qu'ils méritent est de faire preuve de transparence à leur égard.

Nous avons, ces dernières années, élaboré une politique très exhaustive et proactive en matière de correction et de clarification. Lorsqu'une erreur grave est commise, nous rétablissons les faits le plus tôt possible, pendant la même émission ou la même plate-forme que celle où l'erreur s'est produite. Nous prenons aussi toutes les mesures possibles pour éviter que l'erreur se répète ou s'amplifie.

Au-delà de notre programmation régulière, nous échangeons avec notre auditoire et exposons nos façons de travailler. Le blogue que je tiens sur notre site web aborde toutes sortes de questions liées au journalisme. Nous attirons l'attention sur certains de nos débats internes et expliquons les raisons pour lesquelles nous faisons certains choix.

La CBC rassemble également l'une des plus vibrantes communautés de commentateurs au pays. À cet égard, le diffuseur public est en voie de devenir la place publique la plus achalandée pour débattre des enjeux qui intéressent les Canadiens. Servir les Canadiens de façon transparente, intègre et responsable fait partie intégrante de l'identité de CBC News.

[Français]

M. Cormier : Alors, notre grand défi dans les prochaines années c'est de fournir aux Canadiens une programmation d'information qui les éclaire sur les grands enjeux de l'actualité, et ce sur la plateforme de leur choix et à l'heure qui leur convient.

Cela signifie immigrer vers les technologies numériques sans pour autant négliger ce qui fait le succès de notre programmation à la radio et à la télévision. Et le principe qui nous guide dans cette grande transformation, parce que c'est quand même toute une révolution qu'on vit, c'est l'idée toute simple que nous nous devons être au service du citoyen.

Le citoyen c'est un terme plus riche et plus exigeant aussi que celui de public ou de téléspectateur. Le citoyen a des droits, des responsabilités, et pour s'en acquitter il lui faut une information qui lui permet de faire des choix éclairés. C'est le rôle du diffuseur public.

Pour y arriver, nous devons lui fournir une programmation qui est à la fois indépendante, originale et éclairante. Pour ce faire à Radio-Canada, nous avons modifié la mission de nos grands rendez-vous d'information, notamment celui du Téléjournal de 22 heures. Ce n'est plus un bulletin de nouvelles traditionnel, mais une émission d'information qui approfondit les enjeux de l'actualité.

Nous sommes aussi en train de mettre en place une nouvelle stratégie de couverture nationale que nous appelons « Raconter le pays ». L'idée c'est d'aller au-delà d'un reflet régional et d'ancrer en région la couverture d'enjeux nationaux communs à tous nos auditoires.

Le troisième élément est de préserver notre présence sur le terrain, ici comme à l'étranger. Notre réseau de correspondants de Vancouver à Beyrouth, de Moncton à Pékin, est ce qui nous permet de faire du reportage distinctif et nous assurer que les Canadiens puissent avoir un regard sur le monde qui leur est propre et qui reflète leurs intérêts et leurs préoccupations.

Nous enrichissons également notre offre en information à l'aide de nos émissions d'affaires publiques, à la CBC comme à Radio-Canada. Des émissions dont la renommée et la popularité ne sont plus à faire, notamment The Fifth Estate. Et du côté français, des émissions comme Enquête, Découverte, La facture, pour ne nommer que celles-là. Et de plus en plus ces émissions travaillent de concert avec notre service des nouvelles pour approfondir notre regard sur les événements.

À titre d'exemple, deux jours seulement après les attentats à Ottawa la semaine dernière, l'émission Enquête présentait un dossier complet sur de jeunes djihadistes Canadiens qui s'en vont combattre en Syrie. Ils étaient assistés pour l'occasion par notre correspondant à Beyrouth qui a suivi la trace de l'un d'eux, à partir de la Turquie. Cette émission sera aussi présentée sur The Fifth Estate, parce que nous partageons aussi beaucoup du matériel que nous tournons.

Nous avons fait un recours à nos équipes numériques pour compléter ce qui se veut une offre globale et multiplateforme à l'information. Nos journalistes travaillent maintenant sur toutes les plateformes, à toute heure du jour. Et les journalistes web font davantage alimenter Twitter, et produisent des compléments à nos reportages télés et radios qui nous permettent d'aller plus loin dans notre couverture.

[Traduction]

Mme McGuire : À mesure que nous irons de l'avant, nous continuerons de répondre aux besoins changeants des Canadiens et de nous adapter à la constante évolution du secteur de l'information tout en demeurant viables financièrement. En ce qui concerne la couverture des actualités, nous continuerons de nous concentrer sur l'intégration, c'est-à-dire trouver des moyens de centraliser le flux de travail à travers toutes les plates-formes afin d'être en mesure de couvrir des besoins multiples avec des ressources moindres. Au cours des 10 dernières années, nous avons réussi à intégrer les équipes de nouvelles de la radio et de la télévision des réseaux SRC et CBC afin de mieux uniformiser l'approche en matière de cueillette d'information.

Dans le cadre de la Stratégie 2020, nous élargirons cette mesure à nos deux services de nouvelles, plus particulièrement à l'échelle locale, où nous accorderons la priorité au numérique en insistant sur le contenu mobile. Nos plates-formes existantes, la télévision et la radio, demeureront des piliers importants, mais les ressources et le contenu migreront de plus en plus vers le numérique, puisque c'est dans ce domaine que résident les occasions à saisir.

Prioriser le numérique, c'est offrir des services mieux adaptés, taillés sur mesure, c'est produire du contenu à la demande que l'on peut diffuser à toute heure, pas seulement dans le cadre d'émissions et de créneaux horaires prédéterminés, à la radio ou à la télévision. Qui dit priorisation du numérique dit innovation, témoignages et participation de l'auditoire. Les plates-formes sociales nous permettront d'échanger et de communiquer de manière plus participative et bidirectionnelle avec les Canadiens.

Prioriser le numérique, cela sous-entend aussi qu'il faut procéder à un important remodelage de notre manière de travailler. Nous nous pencherons attentivement sur chacune de nos activités et sur notre façon de la mener. Nous accorderons la priorité aux activités qui ajoutent de la valeur et délaisserons celles qui n'ont pas ce potentiel.

En ce qui concerne notre promesse faite aux Canadiens des régions, nous pouvons affirmer que nous resterons dans les collectivités où nous sommes déjà présents, mais changerons notre façon de livrer l'information. Pour ce qui est de la diffusion radiophonique, les choses demeureront inchangées. Quant aux collectivités où nous diffusons à la télévision, nous garantissons aux Canadiens un minimum de 30 minutes à l'heure du souper, peut-être plus dans certains marchés. Nous accroîtrons notre présence numérique dans toutes les collectivités.

C'est une profonde transformation, mais la promesse de valeur du diffuseur public reste la même. Nous continuerons de produire le même contenu juste et pertinent qui assure un équilibre entre la diffusion directe et simultanée des dernières actualités et la toile de fond qui fait la réputation de CBC/Radio-Canada.

Nous continuerons de produire le même type de journalisme original, primé et respecté dans le monde entier et qui fait la différence pour les Canadiens. Nous assurerons une présence prédominante dans les collectivités partout au pays et dans le Grand Nord, notamment dans les zones mal desservies. Nos activités locales sont le lieu qui nous permet de communiquer individuellement avec les Canadiens. Pour la majorité de la population, elles constituent une façon d'intégrer une vision d'ensemble de la société CBC/Radio-Canada.

Merci. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

[Français]

Le président : Merci. J'avais l'occasion ce matin de croiser M. Cormier. Je lui ai dit que puisque nous étions « on the record », que nous étions à Halifax et qu'ils nous ont posé des questions concernant... parce que vous avez admis tout à l'heure que vous avez même fait des erreurs dans le passé, j'ai dit à M. Cormier, j'avais dit aux gens d'Halifax et de Moncton que j'allais poser la question concernant...

[Traduction]

Que s'est-il passé la fois où CBC a semblé avoir raté la couverture en direct des événements de Moncton qui sont aujourd'hui devant les tribunaux?

[Français]

M. Cormier : On a eu l'occasion d'aller s'expliquer avec les notables Acadiens à l'époque, l'événement s'est passé en soirée et sur RDI. Évidemment, les gens se seraient attendus à ce que ce soit une émission en direct, une émission spéciale. On s'est contenté de faire des interventions régulières, y compris dans la première nouvelle des téléjournaux. Mais notre chef de pupitre, qui était à l'époque à cette émission-là, n'avait pas trouvé les ressources nécessaires pour être en direct.

C'est une erreur qu'on a reconnue et on s'en excuse. On s'est excusé auprès des Acadiens parce qu'ils s'attendaient être accompagnés à ce moment-là. On s'est repris dès 5 heures le lendemain matin en diffusion une émission spéciale presque toute la journée, et on aussi dépêcher notre chef d'antenne, Céline Galipeau, le jour même pour s'assurer qu'on donne à ces événements toute l'importance qu'elle méritait.

Depuis, on a revu nos procédures. Il est évident que cette période de la soirée est la période la plus dangereuse pour nous parce que c'est le moment où on a moins d'effectifs, évidemment, en soirée. Donc, on a renforcé les équipes maintenant. On a revu ce qu'on appelle notre code jaune des événements importants, et on s'assure qu'on ne fera pas l'erreur de nouveau.

La semaine dernière, on a eu l'occasion de se reprendre un petit peu. La révision de cette procédure nous a permis d'être rapidement sur les événements à Ottawa. On a fait un mandat honorable, je crois, et on s'est excusé auprès des notables. On regrette beaucoup d'avoir échappé le ballon en ce jour-là.

[Traduction]

Le président : Lors de notre passage à Halifax, on nous a dit que la structure et la relation entre les régions et le siège social n'étaient pas les mêmes. Il semblerait que dans le réseau français, il existe un niveau de « bureaucratie » supplémentaire entre les journalistes sur le terrain et ceux qui gèrent les médias. Madame McGuire, avez-vous des commentaires?

Mme McGuire : Du côté anglais, je suis responsable du service de l'information, comme Michel est à la tête de l'information du côté français. C'est aussi moi qui gère l'ensemble des services locaux, c'est-à-dire la radio et la télévision diffusées dans les régions. CBC Radio a toujours eu pour principe de couvrir localement les événements qui se déroulent dans les régions. Bien entendu, la prise de décision éditoriale se fait dans le cadre d'une structure coordonnée, ce qui nous a toujours permis de passer à l'antenne avec une longueur d'avance sur les autres plates-formes.

Le président : Je voulais seulement clarifier ce point parce qu'il figure aussi au compte rendu.

[Français]

M. Cormier : Je vais préciser. Ce n'est pas qu'il y a un niveau de bureaucratie supplémentaire. Au fait, on a la même structure intégrée de collecte de nouvelles. Tous les jours, on se parle dans les régions avec la direction de Montréal. On a quand même une directrice générale, Patricia Plesczynska, que vous avez eu l'occasion de recevoir ici à maintes reprises, qui s'occupe aussi des stations régionales.

Il y a à cela une raison bien particulière : les régions francophones hors Québec ont chacune leur particularité. Un auditoire de l'Ontario a des goûts très différents de l'Acadie ou de l'Ouest canadien.

On a des obligations très particulières en ce qui concerne les licenses pour les régions francophones ou les minorités francophones.

Pour s'assurer que ces communautés ont toute l'attention sur le plan du développement et de la programmation, il a été décidé, depuis plusieurs années, que cela méritait que quelqu'un s'en occupe spécifiquement.

Le président : Je vous remercie pour vos réponses.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Permettez-moi d'abord de vous féliciter, ainsi que la CBC, pour l'excellente nouvelle que nous avons entendue ce midi à propos des Jeux olympiques de 2018 et de 2020. Je voudrais vous dire que j'ai regardé les derniers Jeux plus que je ne l'avais jamais fait auparavant. Je crois que CBC/Radio-Canada mérite des félicitations pour sa couverture des Jeux. La qualité de cette couverture est certainement la raison qui a fait de moi un auditeur aussi assidu.

Bien sûr, les choses ne sont plus les mêmes que ce qu'elles étaient lors des Jeux olympiques de Vancouver. Nous avons maintenant des iPad que nous n'avions pas à l'époque. Cela a sûrement aidé, mais j'insiste pour dire que vous avez fait un travail remarquable lors des derniers Jeux et je suis convaincu que vous ferez encore mieux lors des prochains

Il a été dit maintes fois et encore aujourd'hui que la CBC n'avait ni actionnaires ni porteurs de titres. Vous êtes responsable devant le public canadien. Le public canadien, le contribuable canadien, est, en fait, un actionnaire. Je pense que lorsque nous disons que la société CBC/Radio-Canada n'a pas d'actionnaires, nous faisons erreur puisque vous avez une obligation envers les actionnaires et le public canadiens.

Madame McGuire, dans votre présentation, vous avez parlé en termes très explicites de votre volonté de signaler les faits avec justesse et de corriger les erreurs qui peuvent survenir. Ce matin, j'ai posé la question suivante à M. Peter Grant de McCarthy Tétrault : lorsque quelqu'un commet une erreur, de quelle façon devrait-il la corriger?

Si ma mémoire est bonne, lorsqu'une erreur flagrante se glisse à la une du National Post, la correction figure à la page 48, en bas de la colonne de gauche. Lorsque la CBC commet une erreur criante pendant The National, elle reconnaît son erreur et la corrige en ligne, dans son site web. Il suffit d'aller dans son site pour voir la correction.

M. Grant s'est dit fermement convaincu que si une erreur est commise à la une d'un journal ou pendant émission de nouvelles nationales, la correction doit être de visibilité égale à l'erreur. Qu'en pensez-vous?

Mme McGuire : Selon la politique de correction des erreurs en vigueur à CBC, un code couleur est attribué selon le niveau d'erreur. Si, par exemple, nous annonçons un fait qui évolue et change au cours de la journée, le niveau d'erreur n'est pas le même que s'il s'agit d'une erreur journalistique grave.

Donc, la première chose que j'aimerais vous dire, c'est qu'il existe différents niveaux d'erreurs. Toutes ne sont pas équivalentes. Dans un contexte en pleine évolution, l'information se transforme, elle suit l'évolution de la situation. Nous en avons été témoins la semaine dernière à Ottawa. Toute la journée, nous recevions de l'information mouvante, même de la part des policiers. Il y a différents degrés d'erreurs. C'est mon premier point.

Mon second point, c'est que nous essayons effectivement de corriger les erreurs classées dans la catégorie appelée « drapeau rouge » sur la plate-forme dans laquelle elles se sont produites. Par conséquent, si une erreur est commise à l'émission The National, la correction sera faite pendant The National.

Le sénateur Plett : Si quelqu'un a été, ou estime avoir été, victime de diffamation à The National et que la CBC admet avoir mal agi, ce serait alors à vous de décider s'il s'agit d'un cas de drapeau rouge?

Mme McGuire : Oui. Nous avons un processus complet. Tout un pan de CBC News concerne la responsabilité. Évidemment, nous sommes tenus d'appliquer le processus de reddition de comptes de l'ombudsman, qui est détaillé et plutôt exigeant. Si quelqu'un voit un problème dans notre couverture, sa première réaction est habituellement de communiquer avec nous.

Nous examinons d'abord le contenu, puis nous fournissons une réponse détaillée. Si la personne est toujours insatisfaite, nous l'invitons à s'adresser à l'ombudsman qui effectuera un examen indépendant de notre contenu. La personne recevra une réponse dans les 20 jours qui suivent et, à partir de là, nous prendrons les mesures qui s'imposent.

Il arrive parfois que les recommandations de l'ombudsman nous amènent à modifier nos processus, comme ce fut déjà le cas par le passé à propos de nos pratiques de sondage et de diffusion des résultats, qui nous avaient valu certaines réactions. Parfois, nous devons formuler des excuses et, parfois, aucune erreur ne nous est attribuée. Tout dépend de la nature de la nouvelle et des mesures prises ensuite. Dans tous les cas, le public a droit à un examen indépendant.

Le sénateur Plett : Vous croyez que le service de l'ombudsman est indépendant?

Mme McGuire : Absolument.

Le sénateur Plett : Même s'il rend des comptes au président de la Société?

Mme McGuire : Je crois que c'est à des fins administratives. Les ombudsmans sont totalement indépendants des organes de presse.

Le sénateur Plett : Je vais vous poser une question à laquelle vous pourrez ne pas répondre si vous le voulez, puisqu'elle concerne l'ombudsman.

J'ai posé une question à l'ombudsman de la CBC il y a quelques semaines, alors qu'elle et l'ombudsman de Radio-Canada étaient devant le comité. Comme vous l'avez dit, il y a des problèmes à divers niveaux, et l'ombudsman ou un comité quelconque décide si l'ombudsman doit s'occuper de tel ou tel problème. Je lui ai demandé ceci : « Si vous vous occupez d'un problème, ou lorsque vous décidez qu'une situation constitue, de toute évidence, un problème pour vous, accordez-vous une audience aux deux parties, disons un journaliste et quelqu'un d'autre? » Elle m'a répondu non, qu'elle n'accorde généralement d'audience qu'au journaliste.

Mme McGuire : Je crois que c'est ça le processus, quand un problème est signalé à l'ombudsman à des fins d'examen, celui-ci fait un examen complet du travail journalistique et voit si ça se tient. Ce processus est très rigoureux. L'ombudsman parle à toutes les personnes ayant travaillé au reportage. Il revoit les scripts. Il examine ce qui a été diffusé sur les différentes plateformes et réalise un examen indépendant.

Alors, je pense que, dans tous les cas, l'ombudsman s'assure que nous honorons notre promesse de respecter les normes auxquelles nous affirmons adhérer et il vérifie que le travail journalistique se tient.

Le sénateur Plett : Qui nomme l'ombudsman?

Mme McGuire : L'ombudsman est nommé par le conseil d'administration.

Le sénateur Plett : Donc, c'est la CBC qui a nommé l'ombudsman. Cette personne relève du président et vous pensez qu'elle est indépendante?

Le sénateur Eggleton : Le vérificateur général est nommé par le Parlement. En réalité, il en va de même pour un certain nombre de postes du même genre. Les titulaires rendent compte de l'utilisation de leur budget au Conseil du Trésor, mais ils sont indépendants. Personne ne remet en question leur indépendance.

Le sénateur Plett : Vous pourriez être le témoin.

Le sénateur Eggleton : Pardon?

Le sénateur Plett : Vous devriez être le témoin.

Le sénateur Eggleton : Non, je ne fais que commenter.

Nous commentons parfois mutuellement nos observations. Si vous ne pensez pas que leur ombudsman est indépendant, alors vous ne pouvez pas penser que le vérificateur général est indépendant.

En tout cas, quand je suis arrivé sur la Colline du Parlement en 1993, j'ai remarqué qu'il y avait un certain nombre de journalistes de la société. Il y en avait un de la radio française, un de la radio anglaise, un autre de la télévision française et un autre de la télévision anglaise. On aurait dit qu'il y avait des équipes partout.

Je dois admettre, cependant, que j'ai constaté le changement, et j'ai surtout remarqué dans notre séance d'information de ce matin — quand nous étions avec vous et vos collègues du Broadcasting Centre — à quel point les choses ont changé. Maintenant vous avez des gens qui couvrent différentes plateformes; certains sont bilingues et couvrent les volets français et anglais. Les nouvelles sont collectées et évaluées beaucoup plus efficacement, ce qui m'a beaucoup impressionné.

Seulement, je me demandais si la réforme que vous entreprenez comporte d'autres étapes.

M. Cormier : Je peux me prononcer pour la partie dont j'assume le contrôle. J'ai été correspondant à l'étranger pendant plusieurs années pour Radio-Canada, à Beijing, à Moscou, et j'occupais l'un des postes bilingues. J'ai aussi travaillé à la radio de Radio-Canada en tant qu'indépendant pendant un moment.

[Français]

J'ai travaillé à Radio-Canada pour plusieurs années où j'ai mené une grande partie de ma carrière. Mais il est certain que nous collaborons le plus possible dans les deux langues, là où c'est possible. Mais on vit dans une époque plus difficile parce qu'il faut travailler à la fois pour le Web, pour la radio et pour la télévision. Quand on fait les deux réseaux, cela veut dire six plateformes différentes durant la même journée.

Ce qu'on essaie de faire maintenant c'est d'avoir une approche beaucoup plus flexible à ce sujet-là. Et on travaille beaucoup par projet.

Chaque fois qu'on mène un projet d'envergure à l'étranger, on s'assure, Jennifer et moi, que Radio-Canada et la CBC travaillent le plus efficacement possible.

Il arrive parfois que des journalistes travaillent dans les deux langues ou qu'on envoie deux journalistes avec une même équipe technique pour faire le même reportage. Il est possible aussi que deux équipes se partagent le matériel même s'ils se trouvent dans deux régions différentes. C'est une façon beaucoup plus simple et flexible de travailler.

Pour ce qui est du travail multiplateforme, on a fait tous les deux des réformes au cours des dernières années pour fusionner l'affectation des journalistes, le pupitre des bulletins, la rédaction des textes, de manière à travailler sur les trois plateformes. Donc, on évite beaucoup de dédoublement dans notre travail.

[Traduction]

Jennifer, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme McGuire : Oui. Je dirais que nous sommes très efficaces pour ce qui est d'aller chercher la nouvelle sur nos différentes plateformes. Là où nous verrons plus d'intégration, c'est dans le domaine du numérique, où nous comptons encore des compétences spécialisées. Nous devons intégrer ça davantage aux organes de presse. Ce domaine fait l'objet d'une intégration.

L'autre volet est, à mon avis, celui de la technologie. Ça change la façon générale dont nous recueillons les nouvelles. C'est John Northcott qui alimente The National avec des images qu'il tourne lui-même en direct à Ottawa grâce à son cellulaire. C'est un gros changement par rapport à la façon dont nous travaillions dans le passé. Nous sommes en train de mettre au point une technologie qui nous permettra de faire le classement et qui nous évitera, en quelque sorte, d'avoir à capter l'information de l'intérieur et à la traiter dans nos systèmes afin de la diffuser. La technologie nous aidera à faire le pont entre la collecte et la diffusion des nouvelles beaucoup plus efficacement.

Le sénateur Eggleton : Excellent. Merci.

La sénatrice Unger : Ma question s'adresse à M. Cormier. Vous avez énuméré cinq objectifs que vous vous efforcez d'atteindre. Expliquez-moi comment vous entendez promouvoir et maintenir les normes les plus élevées qui soient sur le plan journalistique et en matière de diffusion afin de vous assurer que les reportages sont équitables à l'égard des deux parties et que les faits sont présentés avec exactitude. Madame McGuire, cette question s'adresse également à vous.

[Français]

M. Cormier : Vous avez raison de dire qu'on tend vers ces objectifs-là. Ce sont des choses qu'on se rappelle chaque jour.

Lorsqu'on commet des erreurs, on répare les torts rapidement. C'est ce qui nous distingue comme diffuseur public. C'est ce qui fait notre force. Si on n'est pas crédibles auprès des Canadiens, on n'a plus de raison d'être parce qu'on n'aura pas la confiance des Canadiens. C'est un engagement qu'on doit remplir chaque jour.

On s'assure que tous les jeunes journalistes qui entrent à Radio-Canada... maintenant, Jennifer et moi, nous avons même enregistré des vidéos pour que ce soit plus facile. Il y a des formations en ligne qui montrent même des études de cas. Ce sont des exercices où les jeunes journalistes peuvent vraiment s'exercer à faire le bon jugement.

Je peux vous assurer que tous les gens dont on fait la promotion pour devenir les cadres ou des chefs de pupitre ou ceux qui dirigent les émissions seniors, sont des professionnels qui ont déjà fait leur marque dans le respect de ces normes et pratiques.

Alors, c'est un engagement qui est sincère. Voilà qui nous sommes. Si on perd la confiance du public, on sait que ce sera la fin pour nous.

[Traduction]

Mme McGuire : J'ajouterais que, parfois, les gens pensent que nos journalistes travaillent sans aucune balise, qu'ils peuvent choisir n'importe quelle nouvelle et que personne n'y touchera avant qu'elle soit diffusée. En réalité, le processus éditorial comporte de nombreux freins et contrepoids, depuis le moment où les nouvelles à explorer sont suggérées en réunion jusqu'au moment où elles sont diffusées à la fin de la journée. Les idées de reportage sont examinées. Il y a aussi de nombreux freins et contrepoids au niveau de la collecte d'informations et de la vérification des faits et des sources. Toute nouvelle est soumise à un processus de validation bien avant sa diffusion.

De plus, quand nous savons que des nouvelles sont susceptibles de heurter certaines sensibilités, notre service de presse fournit de l'orientation à nos journalistes en ce qui a trait au choix des mots et aux points sensibles — par exemple, pour décider s'il faut ou non communiquer avec une famille ou pour établir la façon dont on coordonnera la collecte de certains types de renseignements. Notre travail à la CBC est donc certainement beaucoup mieux coordonné aujourd'hui qu'il ne l'était par le passé.

Et puis à la direction, nous voyons les choses avec du recul. Évidemment, l'ombudsman examine notre couverture journalistique et produit un rapport chaque année, pour lequel nous devons rendre des comptes au conseil. Nous prenons aussi des mesures. Par exemple, l'organisme HonestReporting existait bien avant nous. Le Moyen-Orient est une région pour laquelle nous réaliserons souvent une analyse indépendante du contenu. Nous le mesurons le jour de la diffusion dans le cadre de notre processus éditorial, mais nous l'examinons aussi d'un point de vue plus élevé et chargeons des chercheurs externes d'examiner notre contenu et de nous aider à apprécier notre couverture d'une nouvelle donnée.

[Français]

M. Cormier : Je voulais juste ajouter un petit point qui est quand même important. Nous faisons beaucoup de journalisme d'enquête à la CBC et à Radio-Canada. Je vous avoue que nos avocats sont très occupés. On a une équipe qui s'assure que chacun de nos textes, chacune de nos affirmations sont corroborés et passent le test légal. Donc, on exerce un grand contrôle autant pour les petites histoires que pour les grandes.

[Traduction]

Mme McGuire : J'aimerais ajouter qu'à CBC News et à Radio-Canada, nous donnons beaucoup de formation. Nous donnons de la formation sur nos normes et nos pratiques. Nous donnons de la formation sur différentes compétences journalistiques. Nous nous efforçons continuellement de renforcer les compétences de nos employés.

La sénatrice Unger : Tout ça semble très solide, toutes les lignes directrices et tous les freins et contrepoids que vous mettez en œuvre. Est-ce que ça affecte le délai de diffusion des nouvelles?

Mme McGuire : Non. C'est très efficace. Nous tenons chaque matin une réunion pendant laquelle nous débattons vivement des idées de nouvelles proposées, puis les différentes personnes qui vont recueillir les nouvelles tout au long de la journée sont continuellement assujetties à des freins et à des contrepoids. Certaines personnes ont d'ailleurs pour travail de s'en assurer.

La sénatrice Unger : Merci.

Monsieur Cormier, j'ai essayé de noter quelque chose que vous avez dit, mais je ne suis pas certaine d'avoir retranscrit vos propos avec exactitude. La question portait sur l'aide aux jeunes Canadiens qui s'engagent dans le Jihad et qui vont se battre en Syrie. Pourriez-vous éclaircir votre pensée?

M. Cormier : Ce que j'ai dit le jour de l'attentat à Ottawa, c'est que nous réalisons déjà des reportages de fond sur la menace que constituent les jeunes Canadiens engagés dans le Jihad qui vont se battre en Syrie. Deux jours environ après l'attentat, nous avons diffusé à Enquête, notre émission de journalisme d'enquête et d'affaires publiques phare, un reportage complet sur l'identité de ces personnes et sur la manière dont elles sont endoctrinées. Notre correspondante à Beyrouth s'est même rendue en Turquie pour retrouver la trace de ces jeunes hommes qui ont été blessés et hospitalisés.

Lorsqu'elle s'est rendue là-bas, elle a appris qu'il était retourné en Syrie pour s'y battre, et nous avons perdu sa trace. Mais lorsqu'il a appris qu'il y avait eu un attentat à Ottawa, il a communiqué avec elle pour lui dire qu'il était djihadiste, qu'il soutenait encore la cause et qu'il se battait toujours en Syrie.

Ce que j'ai voulu dire, c'est que, lorsque nous avons des nouvelles de dernière heure, notre mécanisme de diffusion des nouvelles de dernière heure est très efficace, et nous avons aussi tout un programme d'affaires publiques qui nous permet de creuser davantage ces questions au fur et à mesure que surviennent les événements. C'est à ça que je faisais allusion. C'est l'exemple que j'ai employé pour décrire comment notre couverture allait plus loin, parce que nous poursuivons continuellement des recherches sur ces questions.

La sénatrice Unger : Ce reportage est-il aussi diffusé au Canada anglais ainsi que dans l'Ouest?

M. Cormier : Je crois que l'émission The Fifth Estate en fait une version.

Mme McGuire : Oui, The Fifth Estate. Aussi, Adrienne Arsenault a été un chef de file pour ce qui est d'examiner la question pour CBC News.

La sénatrice Unger : Merci.

M. Cormier : Nous échangeons des reportages tout le temps.

Le sénateur Housakos : Bienvenue à vous deux. Merci d'être ici aujourd'hui et merci du chaleureux accueil que vous nous avez réservé ce matin. Cette visite fut très agréable. C'est toujours utile d'aller sur le terrain et de voir concrètement ce que les gens font plutôt que de simplement en entendre parler à une audience du comité.

Mes questions dévieront un peu de la ligne éditoriale. Je crois que je n'ai pas d'autres questions sur cet aspect de votre travail. J'aimerais que l'on parle des cotes d'écoute, qui sont en quelque sorte une devise dans votre domaine. Je veux que l'on parle des plateformes technologiques dans l'optique de la diffusion des nouvelles.

Mes observations porteront principalement sur les nouvelles, puisqu'il s'agit de votre domaine, bien que notre examen englobe toutes les composantes de la CBC. Les nouvelles sont inévitablement devenues le cœur des activités de la société dans son ensemble. Récemment, le président a annoncé l'adoption d'une nouvelle stratégie. Bien sûr, nous avons subi un dur coup en ce qui a trait à la production d'autres émissions et d'autres contenus canadiens en raison des compressions budgétaires.

Corrigez-moi si je me trompe, mais à l'heure actuelle, la société consacre 40, 45 p. 100 de son budget, voire davantage, aux nouvelles. Je dois l'admettre, c'est quelque chose que vous faites très bien. Je suis Montréalais, Québécois, et je peux vous dire que le service des nouvelles de Radio-Canada fait de l'excellent travail. Ça se voit dans les cotes d'écoute. Ça se voit dans sa compétitivité. Il n'est peut-être pas au niveau que je souhaiterais, mais il est compétitif.

La CBC offre aussi une couverture exceptionnelle. Nous l'avons constaté lors des tristes événements de la semaine dernière, à Ottawa. Je suis accro aux nouvelles et, comme tout le monde, je passe d'une plateforme à l'autre. La couverture était concise. Elle était aussi exacte que possible et étendue. Vous avez vu la différence sur le plan de la qualité. Cependant, lorsque vous examinez les cotes d'écoute, vous vous rendez compte qu'elles ne traduisent tout simplement pas la qualité du produit.

Je n'arrive pas à comprendre cette tendance. J'imagine que l'on a déjà fourni au comité une explication logique de la raison pour laquelle, au Canada français, on consomme les nouvelles différemment qu'au Canada anglais. Nous vivons actuellement dans un environnement différent, mais je ne peux pas croire que les Canadiens veulent des nouvelles de style « restauration rapide » et qu'ils ne veulent pas s'asseoir et obtenir des renseignements détaillés.

Je suis certain que vous faites face à ce problème et que vous essayez d'y trouver une solution, c'est-à-dire, de continuer à diffuser d'excellentes nouvelles, à livrer un excellent produit et de faire grimper ces cotes d'écoute.

Mme McGuire : Je vais vous dire ce qui se passe du côté des services anglais. Il est évident que les marchés sont concurrentiels. La chaîne de nouvelles de la SRC est la plus importante de toutes. Nous sommes en tête de file du marché des nouvelles numériques avec CBCNews.ca. Nous sommes en tête des marchés, car nous diffusons des émissions d'actualités tous les matins dans tous les marchés radiophoniques du pays. Nous avons moins de succès avec nos émissions de télévision locale à l'heure du souper, mais la stratégie de diffusion de ces émissions a changé au cours des années. Malgré cela, l'émission que nous diffusons à l'heure du souper à Winnipeg entre 17 et 18 heures est la plus visionnée de toutes. Nous avons une émission très populaire entre 17 et 18 heures à Charlottetown, et nous devenons toujours plus concurrentiels dans d'autres marchés.

Il est évident que les marchés anglophones sont très concurrentiels. Nous savons aussi qu'en général — du côté de la télévision, en tout cas — les gens considèrent encore les émissions de nouvelles de Radio-Canada comme des émissions nationales, et nous avons encore beaucoup à faire pour qu'ils comprennent que nous sommes aussi engagés localement.

Il y a énormément de facteurs, mais notre produit est d'une aussi grande qualité que ceux de tous les autres radiodiffuseurs, et je vous assure que quand un événement survient, les gens se tournent vers nous. Nous avons observé cela même pour les informations de dernière heure aux États-Unis. Lorsque la SRC produit des reportages d'investigation et du journalisme original sur des sujets dont personne d'autre ne traite, les gens se tournent aussi vers nous.

[Français]

M. Cormier : En ce qui concerne le marché francophone, on profite d'un certain avantage sur le plan linguistique. Notre marché est concentré dans une même langue et échappe un peu à la concurrence anglophone, quoique pas complètement parce que l'arrivée de Netflix a quand même un impact chez nous aussi. Mais nos journaux télévisés sont quand même en bonne santé. On a des cotes d'écoute très appréciables.

On a tenté des expériences depuis le début de l'automne pour rendre le journalisme encore plus distinctif. On sait qu'à 22 heures, les gens sont au courant des nouvelles de la journée. On essaie alors d'approfondir nos recherches et de faire preuve d'originalité dans nos nouvelles. On a d'ailleurs remarqué que nos cotes d'écoute commencent à augmenter.

C'est un défi de tous les jours tant pour la CBC que Radio-Canada de maintenir notre pertinence et notre visibilité, notre impact, particulièrement dans l'actualité parce qu'il y a tellement de choses qui circulent.

Une des choses que nous faisons à Radio-Canada c'est de créer des moments d'information sur des sujets importants qui touchent les gens de temps en temps. On en a fait au début de septembre sur la crise des pensions de vieillesse : est-ce que les gens ont assez d'argent pour leur retraite? On sait que c'est un enjeu qui touche tous les Canadiens. Pendant quelques jours, ont fait de la programmation à la radio, sur le Web, à la télévision qui soit complémentaire.

Et là où ça rejoint la nouvelle stratégie dont je parlais, de raconter le pays, c'est que on essaie de voir quelles sont les différences entre les provinces pour les fonds de pension et tout ça, quelles sont les réalités différentes, pour s'assurer que, même s'ils sont des francophones de Colombie-Britannique, d'Alberta ou de l'Île-du-Prince-Édouard, qu'ils se sentent impliqués dans cette discussion sur des enjeux qui touchent tout le monde.

Alors, ça donne des résultats et pendant des jours on s'approprie un enjeu, on en fait une priorité, et donc ça devient la nouvelle, si on veut.

De la même façon qu'on se sert aussi d'Internet que des leviers maintenant, pour mettre en valeur le reportage que l'on fait.

L'an dernier, à l'émission Enquête, on a fait une enquête sur les commotions cérébrales au football au niveau secondaire, et on s'est rendu compte avec notre journalisme d'enquête que les règlements de base n'étaient pas respectés dans beaucoup des écoles secondaires du Québec.

En même temps, on avait tout un volet scientifique sur les effets de ces chocs-là sur le cerveau des jeunes, et tout ça qui était sur Internet, et qu'on n'aurait pas pu développer autant en télévision.

Alors, pendant une semaine on a parlé beaucoup de commotions cérébrales, on a comparé avec les États-Unis, avec le reste du Canada, et ça a mené à un changement de réglementation au Québec.

Alors, c'est une des façons dont on s'assure que notre journalisme a de l'impact, même si les cotes sont bonnes, et qu'on se distingue sur des enjeux d'intérêt public qui ont des effets sur la vie des gens.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Ma prochaine question porte sur la technologie, ou plus exactement sur la stratégie numérique que la SRC s'efforce de mettre en œuvre depuis très longtemps. Si j'ai bien compris, la société y a investi des dizaines de millions de dollars. Pourriez-vous nous dire quels effets cette stratégie numérique a produits? Avez-vous réussi à en mesurer les résultats d'une manière tangible, et quels effets cette stratégie a-t-elle eus sur votre diffusion et sur votre production d'informations?

Toujours au sujet de la technologie, j'ai l'impression que CBC/Radio-Canada se trouve à un énorme désavantage face à ses concurrents verticalement intégrés. À mon avis, vous vous êtes efforcés de vous rattraper d'une façon remarquable, mais cela n'est que du rattrapage.

À part cette stratégie numérique, est-ce que CBC/Radio-Canada développe d'autres idées technologiques novatrices pour se placer à la fine pointe de la technologie? Je comprends bien que ce n'est pas l'activité principale de la société. Bon nombre de vos concurrents se sont plongés dans l'entreprise médiatique — je les surnomme les « nouveaux convertis » — et ont fini par mettre ces technologies au point en affirmant que nous pourrions en profiter.

Mme McGuire : Dans le domaine de la technologie, je dirais que nous nous concentrons avant tout sur le contenu, à partir duquel nous développons des technologies novatrices. Ainsi, quand le service de nouvelles de la SRC a produit son appli avec la compagnie Apple, nous avons conclu un partenariat avec Apple afin de profiter pleinement des capacités que nous offrait la technologie tout en saisissant l'occasion de pousser le contenu des nouvelles de la SRC.

Du côté de la technologie, je vous dirais que nos plus grandes difficultés résident dans la modification du roulement de travail. Nous sommes très forts en radio et en télévision. Nous devons inciter la société à penser numérique avant tout et à penser aux types d'interaction, et surtout aux médias sociaux et aux conversations communautaires qui se déroulent dans l'espace numérique. C'est la direction dans laquelle nous cheminons, mais il nous reste du chemin à faire. Cependant je crois que pour le reste, avec l'évolution de la technologie nous pourrons bien placer notre contenu en collaborant avec les gens qui sont mieux adaptés que nous à tous les espaces.

[Français]

M. Cormier : On se rend compte assez rapidement, et c'est une très bonne question, que l'environnement de la consommation de l'information évolue à une vitesse vertigineuse.

Et lors des événements d'Ottawa, du côté de notre site web on a eu près d'un demi-million de gens sont venus, enfin, vivre ces événements-là sur nos plateformes web.

Ils venaient aussi en aussi grand nombre à la radio et à la télévision. Donc, ce n'est pas comme si les gens faisaient un choix ou l'autre, mais souvent les gens vont consommer à la fois aussi, dans l'expérience du deuxième écran, du « second screen », à la fois le numérique et la télévision, simultanément. Mais ce genre d'impact, on ne l'avait pas il y a un an ou un an et demi.

Alors, il y a vraiment une mutation dans les auditoires auxquels il faut vraiment répondre, et là on fait tous les efforts qu'on peut pour s'assurer qu'on a une offre qui est à la fois très forte et très rapide sur les plateformes numériques, mais qui vient compléter ce qu'on fait sur la radio ou la télévision.

[Traduction]

Mme McGuire : Pour vous donner un peu de contexte, notre site CBCNews.ca a reçu 19 millions de visiteurs pendant l'incident d'Ottawa, autant par notre appli mobile que par ordinateur, et 1,1 million de personnes ont regardé l'incident en direct sur ordinateur par diffusion numérique.

Le sénateur Housakos : Quand vous faites des reportages d'investigation, ou tout autre type de journalisme, par exemple le reportage sur les jeunes joueurs de football, surveillez-vous les heures et l'argent de la société que le journaliste investit pour produire son reportage? Est-ce qu'à un certain moment vous fixez un plafond, vous dites au journaliste : « Tire une conclusion, révise-le et fais-le passer aux nouvelles », ou est-ce qu'en fonction de l'intérêt que suscitera le reportage, les journalistes y consacrent un temps et un effort illimités, puis la société y injecte les ressources nécessaires?

Mme McGuire : Le journalisme d'investigation coûte toujours plus cher, parce que vous ne savez jamais où votre enquête va vous amener. Bien entendu, au service de nouvelles de la SRC, j'ai investi dans le journalisme d'investigation autant pour tout le réseau que pour les régions. Nous avons maintenant des unités d'investigation dans les provinces de l'Atlantique. Nous en avons une à Winnipeg et une à Edmonton.

Je vous dirai qu'elles ne s'occupent jamais d'un seul reportage à la fois jusqu'à ce qu'il soit presque prêt à être diffusé. Pour vous donner une idée, quand la SRC a dévoilé le reportage sur les Boy Scouts dans le Los Angeles Times, nous y travaillions déjà depuis deux ans. Nous n'y avons pas travaillé exclusivement pendant deux ans. Nous y avons travaillé pendant deux ans tout en produisant les autres reportages dont s'occupait l'unité d'investigation.

Je vous dirai que nous nous occupons continuellement des productions à court et à long terme, mais par définition le journalisme d'investigation coûte plus cher. Quand nous présentons des nouvelles de toute dernière heure, nous savons que c'est elles qui seront diffusées à la fin de la journée. Les journalistes d'investigation n'ont pas toujours cette assurance. Mais nous les surveillons. Nous examinons les coûts par production, et nous considérons cela comme un résultat attendu, c'est sûr.

[Français]

M. Cormier : Il est sûr que c'est ce qui fait notre marque de commerce. À Radio-Canada avec l'émission Enquête, on vit une période vraiment bénie du journalisme d'enquête.

Comme vous savez, le travail de nos journalistes a mené à la création de la Commission Charbonneau. Mais on fait beaucoup plus que ça, et pour nous c'est une priorité, malgré les compressions on s'est assuré qu'on touchait le moins possible à nos unités d'enquêtes parce que 'est ce qui nous distingue comme diffuseur public, c'est la forme achevée, si on veut, du journalisme à notre avis.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Je suis très heureux de vous revoir tous les deux. J'avoue que je suis heureux de voir une personne de l'Atlantique à la tête des services français de Radio-Canada. Toutes mes félicitations, Michel. Je suis heureux de vous voir à ce poste.

Je vais creuser un peu l'aspect journalistique de tout cela. Nous avons entendu ici de nombreux témoins qui ne venaient pas de la SRC. Je suis revenu souvent sur le sujet de la marque de la SRC, et je ne peux m'empêcher de repenser à ce qui est arrivé à la marque de l'émission Hockey Night in Canada. CBC/Radio-Canada a non seulement perdu ses droits de diffusion, mais il semblerait que la société ait donné cette marque à Rogers. Rogers s'en sert maintenant dans son logo. Cette marque a beaucoup de valeur, il faut la traiter en conséquence, elle a aussi énormément de valeur pour les journalistes.

En lisant la manière désastreuse dont la haute direction de la SRC a mené cette transaction, les changements au hockey, je me suis souvenu du reportage du Globe and Mail. Certains ont dit que la SRC ne comprend pas vraiment à quel point la situation a changé. Je ne crois pas qu'ils aient nécessairement raison. Je pense que bien des gens comprennent ce changement et qu'ils s'efforcent tout simplement de se rattraper, de réagir à ces changements.

La SRC devrait-elle modifier sa manière d'aborder la situation en s'éloignant de la création de contenu pour se concentrer plutôt sur quelque chose comme le traitement du contenu? Autrement dit, que fait la SRC non pas pour créer du contenu, mais pour rassembler et traiter tout le contenu que les Canadiens peuvent maintenant créer et lui fournir?

Je vais vous donner quelques exemples. Cela vous semblera simpliste, mais est-ce que la présentation de la météo ne se prêterait pas au journalisme citoyen? Et même la présentation du sport au niveau universitaire, ne pourrions-nous pas utiliser les productions sur les sports universitaires au Canada, leur donner notre marque, puis les intégrer et essayer de développer un auditoire pour ces productions?

Il me semble que ces concepts pourraient même s'appliquer au journalisme. Nous avons des écoles de journalisme au pays. Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.

Mme McGuire : Je crois que l'intention que Heather Conway, vice-présidente principale des services anglais, manifeste dans le plan 2020, c'est-à-dire de virer vers un modèle de production extérieure pour les documentaires et pour les émissions dramatiques, se prête parfaitement à ce concept de traitement du contenu que vous suggérez. Donc nous le faisons, et il est certain que nous le faisons au niveau local.

Nous avons des associations de producteurs indépendants partout au pays, et leurs documentaires et leurs émissions sont liés à la SRC. Nous nous sommes associés à des écoles de journalisme pour mener des initiatives visant un contenu particulier, mais généralement, notre processus de journalisme se déroule à l'interne afin que nous puissions être sûrs qu'il respecte les normes que nous pensons devoir y appliquer. Nous sommes prêts à conclure des partenariats, mais notre façon de faire est plus efficiente.

[Français]

M. Cormier : On a vécu ce que la CBC a vécu il y a déjà plusieurs années. On a perdu le hockey à Radio-Canada il y a plusieurs années, ce qui nous a forcés à faire une programmation autre, qui marche très bien. Pour ce qui est de l'agrégation des contenus, on est aussi rendus là depuis bien des années. On n'a plus vraiment de département de documentaires à l'interne.

Il y a longtemps qu'on travaille avec des producteurs privés. Ça donne quand même de bons résultats parce que ça permet un autre point de vue, si on veut, sur des enjeux, et ça permet aussi à des gens de pouvoir rayonner plus largement.

On achète aussi régulièrement des documentaires de la BBC et des autres grands producteurs dont on fait des adaptations pour la télévision. Ce sont des choses qui sont très appréciées et qui nous permettent d'élargir l'offre qu'on peut faire, parce que ce sont des points de vue qui sont soit de l'étranger, par des grands professionnels, ou des artisans de chez nous qui ont l'occasion de faire valoir leur création.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : J'ai une dernière question à vous poser. De nouveau, je me réfère à des témoignages que nous avons entendus, et je voudrais savoir ce que vous en pensez. Je ne me souviens plus du chiffre. Je crois qu'on a mentionné une somme de 70 millions de dollars tirée des services radiophoniques pour l'injecter dans la production télévisée. Est-ce correct?

Mme McGuire : Cela ne me paraît pas correct.

Le sénateur MacDonald : Bon, alors c'était un autre chiffre. On a pris de l'argent de CBC Radio, cependant.

Mme McGuire : Oui. Dans le cadre de la dernière vague de compressions, nous avons fait des compressions partout, mais nous ne les classons pas par plateforme. Par exemple, mon service ne concerne que les plateformes; j'ai autant d'émissions radiophoniques que d'émissions télévisées au service des nouvelles. Nous considérons les compressions comme étant intégrées, mais 70 millions de dollars semblent être complètement hors de la réalité.

Le sénateur MacDonald : Mon chiffre est peut-être incorrect, c'est pourquoi je n'étais pas sûr. Je voudrais juste que vous nous donniez votre opinion. Ne serait-il pas plus efficace de prendre un peu de l'argent que nous investissons dans des productions internes coûteuses, particulièrement dans des émissions dramatiques que peu de téléspectateurs ne regardent — très peu même — pour l'investir dans des émissions radiophoniques afin d'accroître l'usage de la radio?

Mme McGuire : Personnellement, je pense que la SRC doit communiquer avec les Canadiens de façon holistique. Nos émissions de radio sont extrêmement populaires, nos auditoires radiophoniques sont incroyablement loyaux, mais du point de vue démographique, il faut que notre diffusion numérique soit en mesure d'atteindre la prochaine génération de Canadiens.

Nous savons aussi qu'un nombre considérable de Canadiens consomment encore notre contenu à la télévision. Alors avec l'explosion des plateformes, la SRC est obligée de multiplier ce que nous faisons et non tout arrêter parce que notre auditoire migre. Nous le suivons. Nous savons qu'il migre.

Je crois que si vous posiez cette question à Heather Conway ou à Hubert Lacroix, ils vous répondraient que selon eux, les radiodiffuseurs publics sont dans l'obligation d'agir d'une manière démocratique et de favoriser la démocratie, mais qu'ils doivent aussi favoriser et soutenir la vie culturelle du Canada. À mon avis, cela répond à votre question.

[Français]

M. Cormier : Il est sûr qu'une partie du mandat est aussi de divertir, pas seulement d'informer. À Radio-Canada, nos téléromans sont très populaires. On a des cotes d'écoute énormes qui dépassent le million de téléspectateurs, mais ce ne sont pas que des copies des téléromans américains. On a une production de téléromans, et là je parle un peu au nom de peut-être mon vice-président, j'espère qu'il me le pardonnera.

Mais il est certain que nos téléromans on aussi une valeur sociale dans le sens où on a, par exemple, 30 Vies qui est une émission quotidienne qui se passe dans une école secondaire, dans une polyvalente du Québec où les enjeux des adolescents sont explorés dans un milieu scolaire, dans un environnement de fiction.

Mais on se rend compte que des familles entières après le souper quand on est chez nous, se réunissent autour de la télévision encore au Québec dans une grande proportion pour, si on veut, s'intéresser à ces enjeux-là qui parfois sont difficiles à aborder avec les jeunes.

Il y a des gens qui nous écrivent pour nous dire : « Cette émission-là nous permet de parler à nos adolescents, ce qui n'est pas facile. » Alors, il y a une volonté quand même de faire des téléromans qui ont une valeur sociale, qui nous permet de découvrir des univers très différents.

Unité 9, qui se passe dans une prison pour femmes, à une popularité énorme. Alors c'est le genre d'offre, je pense, qui nous permet de nous rendre distinctifs aussi et qui nous, nous amène des téléspectateurs de nos émissions d'information et au téléjournal. Alors, on y trouve notre compte aussi.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je n'ai qu'une question pour vous. Mon ami, le sénateur Housakos, a dit que nous avions complètement épuisé le sujet du journalisme. Selon moi, ce sujet est loin d'être épuisé, alors je vais essayer d'y puiser encore un peu d'information.

Le sénateur Eggleton : Puisez, puisez...

Le sénateur Plett : Madame McGuire, vous avez mentionné que l'organisme HonestReporting Canada s'était présenté devant ce comité et en effet, nous les avons entendus. Ma question concerne un peu leur témoignage. Quand je regarde les nouvelles, je regarde presque exclusivement les informations de CBC.

Le président : Nous pourrions donc dire que vous êtes un ami de la SRC?

Le sénateur Plett : Vous pourriez dire que je suis un ami de la famille.

Mme McGuire : Me permettez-vous de vous citer?

Le sénateur Plett : Oui, je suis un ami. Vous pouvez me citer comme étant un ami de la SRC.

Le sénateur MacDonald : Entre guillemets.

Le sénateur Plett : Ma question a trait à l'organisme HonestReporting. Selon moi, la SRC — et je l'ai dit à notre ami de l'organisme HonestReporting et je crois qu'il est d'accord avec moi — la SRC effectue la meilleure couverture du Moyen-Orient et surtout du conflit israélo-palestinien et autres. J'admire toujours les gens qui vont sur le terrain risquer leur vie sous les bombes et ainsi de suite.

Il se préoccupait du fait que les journalistes ont des opinions personnelles. Ma question ne porte pas uniquement sur la SRC, mais sur tous les radiodiffuseurs. Vous voulez présenter les nouvelles d'une manière équitable. Cherchez-vous à convaincre vos reporters qu'ils doivent se rendre sur le terrain et demeurer parfaitement impartiaux et qu'ils ne doivent pas exprimer leur propre opinion quand ils font leurs reportages en direct?

Mme McGuire : Nous voulons un bon équilibre et nous le mesurons au fil du temps. Vous comprenez bien que couvrir le Moyen-Orient constitue un défi énorme. Les reportages sont complexes. On ne présente jamais assez de contexte, et les partisans ainsi que les intervenants de toutes sortes ont des convictions très ardentes.

En présentant un reportage, nous nous efforçons de le faire d'une manière équilibrée. Pour certains sujets, nous permettons à nos reporters d'analyser des enjeux en appliquant leur profonde expérience de reporters afin de mieux présenter le contexte de la situation. Mais ces analyses reposent toujours sur les faits, à l'encontre de certains réseaux américains qui présentent chacun une opinion bien distincte. Nous suivons un processus d'approbation pour garantir que tous nos reportages se fondent sur les faits.

Alors pour répondre à votre question, les gens ont leurs propres opinions, et bien sûr nous avons des processus de révision pour garantir que tout soit bien équilibré. Nous mesurons cet équilibre. Il est certain que quand nous présentons des reportages sur Gaza, nous observons de l'extérieur, et j'analyse le contenu pour garantir que nous avons fait du bon travail. Je suis sûre qu'en général, nous faisons du bon travail.

Le sénateur Plett : Donc vous êtes convaincue que vous avez présenté ce sujet en particulier d'une manière équilibrée. Effectuez-vous cette analyse à vous seule?

Mme McGuire : Je vous dirai que tous les rapports de l'ombudsman dont je puisse me souvenir — et pour vous donner un exemple, l'organisme HonestReporting a déposé de nombreuses plaintes à l'ombudsman et a demandé des examens de l'ombudsman — tous les rapports annuels de l'ombudsman déclaraient que nos reportages sur le Moyen-Orient étaient équilibrés. Je ne dis pas que nous ne faisons pas d'erreurs. Quand nous faisons des erreurs nous les corrigeons, mais la grande majorité de nos reportages sont équilibrés.

Le sénateur Plett : Merci.

[Français]

M. Cormier : J'aimerais juste ajouter un petit commentaire parce cela nous préoccupe aussi. La question israélo-palestinienne est éminemment émotive et délicate, compliquée. On a deux interprétations de l'histoire qui sont diamétralement opposées souvent. Mais comme pour le cas de Jennifer, de la CBC, on fait des efforts particuliers en ce sens. On envoie des journalistes chevronnés à Montréal pour traiter de la question.

L'ombudsman trouve parfois des torts dans notre couverture et ce sont souvent des questions factuelles, des erreurs de fait. Je vous donne un exemple. Il y avait un de nos infographes qui avait mis un drapeau palestinien sur une carte qui datait de 1948, alors que le drapeau n'existait pas. Parfois ce sont des choses comme cela qui heurtent les sensibilités parce que c'est vrai, mais qui ne sont pas des erreurs. Ce sont toutes des erreurs de bonne foi, si on veut. On essaie vraiment de minimiser les torts, mais parfois on a des faits qui sont difficiles et des erreurs qui se glissent. Mais on rectifie le tout au moment que ça se passe.

[Traduction]

Mme McGuire : Pour vous donner une idée du contexte des services de nouvelles de la SRC, la majorité des plaintes déposées à l'ombudsman à notre sujet l'année dernière ne concernaient pas le Moyen-Orient. Elles visaient Kevin O'Leary.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question de suivi sur la question, ou sur le commentaire que le président a exprimé au début au sujet de la couverture en français de la fusillade de Moncton et du jugement porté à ce moment-là. S'agissait-il aussi d'un problème de ressources? Auriez-vous eu à un certain moment les ressources nécessaires sur place pour couvrir cela, est-ce que c'était un facteur?

[Français]

M. Cormier : C'est une bonne question, monsieur Eggleton. Maintenant, on travaille sur toutes les plateformes et notre couverture locale de cet événement était vraiment remarquable. Toute la station régionale s'était mobilisée pour s'assurer que les informations étaient à jour sur le Web. Alors, sans faire une étude exhaustive, on doit travailler sur plus d'une plateforme. Cela rend peut-être le travail un petit peu compliqué. Mais cela ne change rien au fait que c'était d'abord une erreur de jugement. On avait les ressources pour couvrir cet événement-là. C'est simplement une erreur de jugement qu'on ne veut pas répéter.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Ma deuxième question a trait à l'actualité et aux nouvelles diffusées à l'étranger. Nous savons tous que CNN diffuse à l'étranger. La BBC également. Je ne m'attends pas à ce que nous le fassions aussi, mais malgré tout nous avons d'autres occasions. Par exemple, TV5 a l'occasion de diffuser des émissions en français par ce système. Je ne sais pas si nous envisageons de nous joindre à quelque chose de similaire du côté anglais, mais y aurait-il moyen de diffuser plus de nouvelles canadiennes à l'étranger? Les gens voyagent énormément de nos jours. De temps en temps je vois quelque chose, soit sur la BBC, soit sur CNN. Ils transmettent quelque chose qui leur vient d'un journaliste canadien. Radio-Canada International nous permettait aussi de diffuser des nouvelles à l'étranger.

Qu'envisagez-vous de faire à ce moment-ci pour diffuser des émissions d'affaires publiques et de nouvelles à l'étranger?

Mme McGuire : Nous nous occupons encore beaucoup de diffuser des nouvelles à l'étranger et de couvrir des nouvelles de l'étranger. Cela fait partie intégrante de notre promesse à titre de radiodiffuseur public. Nous abordons cela de différentes façons. Nous travaillons à partir d'une sorte de centre, nous déployons nos productions à partir d'un centre au lieu d'établir des bureaux dans chaque pays. Il est évident que les bureaux sont beaucoup plus petits qu'ils ne l'étaient dans le passé.

Donc pour vous répondre simplement, nous y sommes très engagés. Nous considérons les nouvelles internationales et l'analyse des enjeux internationaux comme la couverture principale que nous diffusons pendant les émissions de nouvelles et d'actualité. Nous ne produisons pas d'émissions spéciales pour présenter les nouvelles internationales comme nous le faisions auparavant, et nous continuerons à faire les choses ainsi. Adrienne Arsenault revient à peine du Libéria, et son voyage a été extrêmement compliqué et coûteux, mais selon nous il était important de le faire, et nous continuerons à le faire.

Le sénateur Eggleton : Je parlais de couverture à l'étranger au lieu de recueillir des informations. Autrement dit, est-ce que les Canadiens qui voyagent à l'étranger, disons par exemple en Europe, et qui désirent regarder l'émission The National, pourraient le regarder sur un iPad?

Mme McGuire : Tout à fait, vous pouvez le regarder dans Internet.

La sénatrice Unger : Je visitais votre site web récemment, et j'y ai vu une étude que vous aviez commandée au cabinet Deloitte en 2011. L'auteur soulignait le rôle que jouait la SRC à titre d'innovatrice et de pionnière en technologies nouvelles. Pourriez-vous me donner deux exemples qui illustreraient cela?

Mme McGuire : Bien sûr. C'était l'époque où je travaillais à la radio. J'étais directrice des programmes de CBC Radio. Nous avons créé à l'interne une technologie permettant de glisser-déplacer du contenu radiophonique dans tout le système. C'était une technologie pour l'interne, et nous avons été les premiers à l'adopter. Nous avons été les premiers à offrir la baladodiffusion des émissions de radio. Dans le cas de l'espace numérique, nous avons travaillé très fort pour diffuser sur les téléphones intelligents et dans les médias sociaux et pour établir des équipes communautaires. Je pense que nous sommes parmi les premiers au Canada qui se soient engagés dans cette voie.

[Français]

M. Cormier : Il y aussi le fait qu'on profite des technologies qui existent pour faire des gains de productivité. Nous à Radio-Canada, on est en train de changer la façon dont on fait la mise en ondes des bulletins de nouvelles.

On passe en mode automatisé avec des ordinateurs, ce qui permet de réduire la taille des équipes qui fait la mise en ondes et d'économiser de l'argent pour investir dans le programme. De la même façon qu'il y a des nouveaux équipements de mise en ondes sur le terrain, un truc qui s'appelle le « Digiro », un genre de gros appareil cellulaire qu'on met sur la caméra et qui nous permet d'éviter l'utilisation d'un camion satellite.

Vous voyez parfois des camions destinés à faire des reportages en direct. Maintenant, on peut le faire avec une caméra seulement. Ce sont là des gains de productivité qui nous permettent d'être en ondes un peu partout grâce aux toutes dernières technologies. On peut être en direct du Nord de l'Irak avec ces appareils qui utilisent les satellites.

Il y également l'innovation que l'on fait à l'intérieur de notre boîte, mais aussi le fait qu'on s'assure de profiter de tous les développements technologiques pour augmenter l'efficacité de notre production.

[Traduction]

Mme McGuire : Permettez-moi d'ajouter que nous développons actuellement une nouvelle appli pour les iPhones. Elle nous permettra de diffuser en numérique directement du terrain. Ce sera toute une innovation pour nous et probablement pour d'autres.

Je voulais aussi vous mentionner une innovation d'aspect commercial. Comme vous le savez, le service des nouvelles de la SRC diffuse aussi dans des milieux commerciaux. Nous avons créé un service de manchettes visuelles à l'interne que l'on peut maintenant visualiser dans des lieux d'affaires. Ce système n'existait pas avant, c'est nous qui l'avons créé.

Le président : Monsieur Cormier, madame McGuire, je tiens à vous remercier de nous avoir présenté cet exposé et d'être venus nous parler aujourd'hui. Tout cela a été très utile et pratique, et nous apprécions beaucoup le soutien que nous recevons de la SRC.

Comme vous le savez, notre examen se poursuit. Demain nous entendrons les représentants de Téléfilm. On peut dire qu'ils sont amis de la SRC, membres du même club que le sénateur Plett et moi-même.

La semaine prochaine, nous tiendrons des audiences publiques à Montréal. Ensuite nous interromprons cet examen pendant un certain temps, car une loi sur la sécurité et le transport sera envoyée à notre comité. Nous allons aussi devoir examiner la loi d'exécution du budget. Mais nous entendons bien poursuivre cet examen. Nous rencontrerons nos amis de la haute direction de la SRC et d'autres organismes. Je vous remercie de votre soutien. Continuez à nous suivre. Nous nous efforcerons de faire des progrès dans la bonne direction. Nous espérons pouvoir accélérer notre travail en 2015 et produire un rapport.

Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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