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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 10 - Témoignages du 29 octobre 2014


OTTAWA, le mercredi 29 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[English]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

[Translation]

Nous recevons des représentants de deux organisations aujourd'hui. De Téléfilm Canada, accueillons Mme Carolle Brabant, directrice générale; M. Dave Forget, directeur des relations d'affaires et de la certification; et M. Jean-Claude Mahé, directeur des Affaires publiques et gouvernementales. Nous recevons également, de l'Office national du film du Canada, M. Claude Joli-Coeur, commissaire intérimaire du gouvernement à la cinématographie et président, ainsi que Mme Deborah Drisdell, directrice générale de l'Accessibilité et des entreprises numériques.

J'invite les représentants de chaque organisation qui souhaite présenter un exposé à le faire, mais je crois que nous allons commencer par les gens de l'Office national du film.

[English]

Claude Joli-Coeur, commissaire du gouvernement à la cinématographie et président de l'Office national du film du Canada par intérim, Bureau du commissaire, Office national du film du Canada : Bonsoir, membres du comité. Je tiens, en premier lieu, à vous remercier de nous avoir invités à participer à l'étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Conformément à la demande qui nous a été adressée, nous vous parlerons du mandat de l'ONF et de sa spécificité par rapport aux autres institutions culturelles gouvernementales. Nous vous fournirons aussi certaines précisions sur les modalités de notre collaboration avec la Société Radio-Canada/Canadian Broadcasting Corporation et nous évoquerons les secteurs potentiels de nouvelles collaborations.

L'Office national du film du Canada est un organisme culturel fédéral relevant du portefeuille du Patrimoine canadien, qui a été créé par une loi du Parlement en 1939. L'ONF a pour mandat de produire et de distribuer des œuvres audiovisuelles originales et innovatrices qui font connaître les enjeux auxquels est confrontée la population canadienne et qui font mieux connaître les valeurs et perspectives canadiennes au pays et de par le monde.

Ainsi, à titre de producteur et de distributeur public canadien d'œuvres audiovisuelles, l'ONF produit des documentaires, de l'animation d'auteur, du contenu interactif et des applications mobiles. Depuis sa fondation, l'ONF a d'ailleurs remporté plus de 5 000 récompenses pour ses créations, y compris 12 oscars.

Depuis sa création, l'ONF s'est engagé à rejoindre les Canadiens et les Canadiennes dans leur collectivité, par tous les moyens possibles. Aujourd'hui, l'avènement de nouvelles technologies permet à l'ONF d'ouvrir une nouvelle page de son histoire grâce à cette proximité retrouvée avec son auditoire.

[Traduction]

Deborah Drisdell, directrice générale, Accessibilité et entreprises numériques, Office national du film du Canada : En 2008, nous avions reconnu le potentiel des technologies numériques pour rejoindre les Canadiens et éveiller l'intérêt de notre public, chez nous comme ailleurs dans le monde. Nous avions également prévu l'éclatement du marché qui allait s'ensuivre, non pas à cause de la technologie en tant que telle, mais en raison de l'évolution des comportements auxquels cette technologie donne lieu chez les consommateurs. Nous avons ensuite entrepris de déployer une ambitieuse stratégie de distribution numérique afin d'accroître l'accessibilité, en plus de tous les efforts que nous continuons de déployer dans les marchés classiques.

En 2009, nous avons lancé l'Espace de visionnage en ligne, où nous diffusons 750 titres en anglais et en français, en plus d'une campagne vigoureuse de pénétration des plateformes mobiles. Le développement de notre infrastructure numérique nous permet de créer des applications mobiles qui améliorent l'expérience de notre public et favorise la redécouverte de notre collection par de nouveaux publics.

Notre public peut désormais télécharger ou visionner en ligne plus de 2 500 films des collections de l'ONF, depuis des appareils mobiles ou des télévisions intelligentes. Depuis notre lancement, nous avons enregistré plus de 57 millions de visionnements de notre programmation sur le site onf.ca ou nos sites partenaires. Il y a eu plus de 2,4 millions de téléchargements de nos diverses applications.

Cette stratégie nous a aidés à suivre l'évolution du marché commercial, qui se fait surtout ressentir pour le contenu de niche que nous produisons. Les revenus de télédiffusion ont longtemps constitué une part importante de nos revenus, mais ne représentent plus que moins de 25 p. 100 des revenus de l'Office national du film, et le public canadien n'a représenté que 32 p. 100 de l'ensemble de notre public l'an dernier.

Bien que la Société Radio-Canada et la CBC soient des partenaires importants de l'ONF, nous diffusons également notre contenu en collaboration avec divers autres diffuseurs canadiens, dont Silver Screen, TVOntario et Télé-Québec, pour n'en nommer que quelques-uns. En 2013-2014, les diffusions de la CBC ont attiré 10 p. 100 de notre public télévisuel au Canada, alors que la Société Radio-Canada a attiré 6 p. 100 de notre public et Doc Channel, 15 p. 100.

[Français]

M. Joli-Coeur : Par rapport aux autres institutions canadiennes qui œuvrent dans le domaine des arts et des médias au Canada, l'Office national du film du Canada se distingue par son mandat unique, soit celui de producteur et de distributeur d'œuvres audiovisuelles axées sur la culture et la société canadiennes.

À titre de radiodiffuseur public national devant « offrir des services de radio et de télévision qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit », la SRC/CBC a traditionnellement inclus une vaste gamme de documentaires dans son offre de contenu, y compris certaines productions et coproductions de l'ONF. Toutefois, son approche journalistique du documentaire diffère de celle de l'ONF, laquelle met plutôt l'accent sur le documentaire d'opinion.

Ainsi, avec la fragmentation croissante de l'industrie, les créneaux de télédiffusion réservés à l'animation d'auteur et au documentaire créatif, tant à la télévision publique que privée, ont considérablement diminué. Néanmoins, l'ONF demeure résolument engagé à produire et à distribuer de l'animation d'auteur, de la programmation interactive et du documentaire d'opinion — un genre qui, selon certains, devrait être officiellement reconnu comme la forme d'art nationale du Canada.

La collaboration entre l'ONF et la SRC/CBC existe depuis plusieurs décennies et comporte plusieurs dimensions. Cette collaboration a évolué au fil des années et se concentre aujourd'hui principalement sur les éléments suivants : les achats et préachats de production et de coproductions de l'ONF; la chaîne documentary; le concours Tremplin pour les cinéastes de la relève; et la distribution d'images d'archives par l'entremise du site Internet ONF-NFB Images.

[Traduction]

Au cours des cinq dernières années, la CBC, la SRC et le Documentary Channel de la CBC ont acquis un total de 396 titres de l'ONF. La vaste majorité de nos liens d'affaires avec la SRC/CBC sont indirects, puisqu'ils découlent d'ententes précommerciales avec nos coproducteurs pour la diffusion de contenu sur l'un des réseaux classiques de la corporation ou l'une de ses chaînes spécialisées, comme RDI, Nouveaux médias ou la plateforme Web de Radio-Canada.

Au cours des trois dernières années, nous avons signé des ententes précommerciales avec la SRC/CBC pour six coproductions en langue anglaise et 10 coproductions en langue française.

Le lancement récent de l'hommage centième anniversaire intitulé Je me souviens, 100 ans du Royal 22e Régiment, auquel la SRC a participé financièrement, est un bon exemple de collaboration fructueuse. La semaine où ce documentaire a été diffusé en primeur, plus de 500 000 personnes l'ont visionné sur les ondes de RDI.

L'ONF collabore également avec la chaîne de télévision spécialisée Documentary Channel, qui appartient à la CBC depuis juin 2007. Documentary Channel a acquis de nombreux documentaires de l'ONF, tant du contenu de collection à prix fixe que de nouvelles productions réalisées à un prix calculé en fonction de la valeur marchande.

Le concours Tremplin est un élément de l'initiative lancée par l'ONF pour découvrir et promouvoir le talent des cinéastes de la relève des minorités francophones du Canada. La SRC en est un partenaire important, non seulement grâce à son soutien financier au concours, mais par sa diffusion des œuvres sur ses ondes. En mars 2014, nous avons lancé la 8e édition de Tremplin en collaboration avec la SRC, qui a permis aux quatre lauréats de créer de courts documentaires.

Enfin, l'ONF a deux ententes avec la SRC pour la vente et la distribution d'archives vidéo grâce au site Images de l'ONF. À l'heure actuelle, 135 heures d'archives de la SRC sont en vente sur le site Images de l'ONF.

[Français]

M. Joli-Cœur : Depuis plusieurs années, plusieurs avenues de collaboration existent entre l'ONF et la CBC/SRC et permettent de profiter de la synergie entre les deux institutions et de la complémentarité de leur mandat respectif. Compte tenu de l'évolution du marché, des technologies et des auditoires, il existe un fort potentiel pour établir de nouvelles collaborations dans l'avenir entre les deux institutions. L'ONF salue ici l'effort déployé par le Sénat pour étudier les défis auxquels font face la SRC et la CBC, et nous espérons que vos réflexions contribueront à préserver la vitalité de nos institutions publiques culturelles et de radiodiffusion. Nous vous remercions de votre invitation, et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Joli-Coeur. Du côté de Téléfilm, nous accueillons Mme Brabant. Allez-y, madame Brabant, la parole est à vous.

Carolle Brabant, directrice générale, Patrimoine canadien, Téléfilm Canada : Bonsoir, monsieur le président et membres du comité. Je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir invités à examiner avec vous les défis auxquels la Société Radio-Canada et la CBC sont confrontées dans le contexte d'un environnement de télédiffusion et des communications en pleine mutation.

Mes commentaires porteront sur les trois aspects suivants : un survol de Téléfilm Canada et de nos priorités stratégiques par rapport au paysage changeant de la télédiffusion; le rôle de CBC/Radio-Canada dans le soutien apporté au contenu canadien et, notamment, aux longs métrages canadiens, et notre point de vue sur l'avenir d'une industrie audiovisuelle dans le contexte de la convergence.

Téléfilm Canada est un organisme culturel fédéral dont le mandat est de favoriser et de promouvoir le développement de l'industrie audiovisuelle au Canada. Dans cette optique, nous jouons un rôle de leader en offrant un soutien financier et en mettant en œuvre des initiatives qui contribuent à la réussite de l'industrie sur les plans culturel, industriel et commercial. Nos programmes de financement offrent une aide financière à des sociétés de production et de distribution canadiennes dynamiques, et ce, dans l'ensemble du pays. L'an dernier, par exemple, nous avons financé la production et le marketing de quelque 90 longs métrages. Nous faisons également la promotion du succès et des talents de l'industrie audiovisuelle canadienne dans des festivals, des marchés, et des événements sur la scène régionale, nationale et internationale.

Téléfilm favorise grandement les points de vue émanant des régions et des diverses collectivités, y compris ceux des talents émergents et des minorités linguistiques, ainsi que des communautés autochtones. Téléfilm administre aussi les programmes du Fonds des médias du Canada, qui totalisaient 354,5 millions de dollars durant l'exercice financier 2013-2014.

Nous formulons également des recommandations sur la certification de coproductions audiovisuelles en vertu des traités officiels du patrimoine — ces recommandations sont faites à la ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles.

En 2011, Téléfilm s'est lancé dans une campagne sous le thème Oser changer, en favorisant la réussite culturelle grâce à des partenariats et en mettant l'accent, en amont, sur la promotion de ses films.

[Traduction]

La stratégie de Téléfilm repose sur quatre piliers : maintenir et renforcer le rôle essentiel d'investisseur de Téléfilm; développer notre rôle de promoteur; devenir une source de référence en produisant et en partageant de l'information clé sur l'industrie; et renforcer l'excellence organisationnelle de Téléfilm.

Au cours des trois dernières années, nous avons procédé à une refonte de nos programmes; nous avons créé un nouvel indice de réussite qui offre une mesure du succès plus complète, c'est-à-dire au-delà des recettes-guichet; nous avons accru nos efforts de marketing pour mettre de l'avant nos talents et nos succès au Canada et dans le monde entier; nous avons maintenu et amélioré nos communications externes pour renforcer les relations avec les intervenants; nous nous sommes associés au secteur privé pour faire la promotion de talents canadiens par le biais d'événements B2C; et nous avons créé le Fonds des talents qui a amassé plus de 14 millions de dollars en contributions privées, incluant des avantages tangibles à long terme découlant des transactions Bell-Astral-Corus. Ces résultats ont contribué à ouvrir la voie à une meilleure communication entre l'industrie et les auditeurs canadiens.

[Français]

Lors d'une intervention présentée par Téléfilm au CRTC en 2013, dans le contexte du renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada, nous avons attiré l'attention sur le rôle capital que joue CBC/SRC dans le soutien de l'industrie audiovisuelle canadienne. Nous avions alors souligné que CBC/Radio-Canada, ainsi que d'autres organismes publics, comme Téléfilm Canada et l'Office national du film du Canada, formaient une base solide pour l'industrie audiovisuelle canadienne. Ensemble, nous contribuons largement à la définition, au développement et à la défense de la culture canadienne.

De solides institutions publiques nationales comme CBC/Radio-Canada, qui fournissent, distribuent et diffusent de l'information et du divertissement de grande qualité, sont essentielles pour toutes les régions du Canada. CBC/SRC possède également une longue histoire à titre de plus grand fournisseur de contenu télévisuel canadien original. Nous reconnaissons son rôle inestimable à cet égard. L'investissement dans du contenu canadien original offre une plateforme pour l'épanouissement des talents canadiens, donne de nombreuses possibilités aux artistes émergents de se faire connaître et permet à des vedettes établies de montrer l'étendue de leurs compétences.

Comme l'indiquait CBC/Radio-Canada dans une analyse environnementale en 2013, l'aspect économique de la création du contenu original au Canada pose tout un défi par rapport à l'acquisition de contenu étranger. Peut-être plus que tout autre type de contenu, le long métrage canadien est celui dont le financement est le plus complexe, puisqu'il s'écoule souvent plus de quatre ans entre le début du développement du scénario et le moment où le film est présenté sur les écrans. CBC/Radio-Canada, en tant que principal radiodiffuseur d'émissions canadiennes au Canada, a un rôle important à jouer dans le soutien de la production, mais aussi dans la promotion de longs métrages canadiens.

De 2009-2010 à 2013-2014, CBC/Radio-Canada a soutenu la production de 69 longs métrages canadiens, pour un investissement total de près de 10 millions de dollars.

[Traduction]

En 2009, CBC et Téléfilm Canada ont lancé une initiative visant à soutenir le développement et le financement de films qui ont d'abord profité d'une sortie en salles, puis d'une présentation peu de temps après sur les ondes de CBC Television et d'une distribution sur les autres plateformes. CBC, en collaboration avec Téléfilm, a ainsi travaillé avec des producteurs indépendants, leurs équipes de création et leurs distributeurs à la production et à la promotion des films. Cette initiative unique a mené à la production des films Barney's Version, Breakaway, Midnight's Children ainsi qu'au développement de Book of Negroes.

Nous espérons que d'autres initiatives de ce genre verront le jour et que CBC/Radio-Canada pourra ainsi participer plus activement au développement, à la production et à la promotion des longs métrages canadiens.

[Français]

L'environnement de la télévision est en train de se transformer radicalement en cette ère du numérique. Pourtant, la télévision demeure notre principale porte d'accès aux Canadiens, comme le démontre notre étude de consommation.

À Téléfilm Canada, nous sommes convaincus que la promotion et la mise en marché sur toutes les plateformes constituent la clé pour accroître la portée de nos produits, chez nous comme à l'étranger, et pour donner un maximum de visibilité à nos histoires.

Les avancées technologiques qui touchent notre système télévisuel ont des répercussions sur nous tous qui travaillons au développement, à la production et à la promotion du contenu canadien. L'écran de télévision peut maintenant se connecter à une multitude d'applications, de réseaux et d'appareils.

Le phénomène des quatre écrans constitue désormais la norme, où une variété de plateformes — télévision, tablettes, téléphones intelligents ou ordinateurs — sont utilisées simultanément. La question fondamentale qui nous concerne tous en tant qu'industrie est la suivante : comment pouvons-nous travailler ensemble, et j'insiste sur le mot ensemble, pour créer du contenu captivant et attrayant qui rejoindra les Canadiens et les auditoires du monde entier sur de multiples plateformes?

Nous sommes des investisseurs, des radiodiffuseurs, des distributeurs, des exploitants, des producteurs et des décideurs passionnés. Nous veillons à ce que le contenu le plus créatif, le plus innovant, le plus diversifié et de la meilleure qualité possible se retrouve sur les écrans afin que les auditoires puissent en faire l'expérience.

[Traduction]

Pensons simplement au succès retentissant du film Mommy de Xavier Dolan : 2,5 millions de dollars — et ce n'est pas terminé — en recettes-guichet jusqu'à maintenant, présenté à la une des magazines en France, vendu à l'étranger dans plus de 50 pays, des rumeurs d'Oscar à Hollywood, et près de 800 000 entrées en France seulement.

Notre industrie connaît beaucoup de succès, à l'heure où nos histoires trouvent écho auprès d'un public national et international. Notre industrie possède un talent, une créativité et des compétences de calibre mondial. Il est temps pour nous de travailler de concert pour offrir à nos talents les meilleures chances possible de continuer à réaliser leur plein potentiel.

Je vous remercie encore une fois de nous avoir invités aujourd'hui, et c'est avec plaisir que nous répondrons maintenant à vos questions.

[Français]

Le président : Merci, madame Brabant et monsieur Joli-Coeur. Je vais commencer par une question de comparaison avec vos relations entre la CBC et Radio-Canada et les relations entre les secteurs privé et public en ce qui concerne le partenariat actuel et, surtout, quant à vos plans futurs. Avez-vous des partenariats avec ceux qui viennent du monde de la production privée? Avez-vous une attitude différente envers Radio-Canada ou la SRC a-t-elle une attitude différente envers vous?

Mme Brabant : Comme on l'a mentionné dans notre présentation, depuis presque cinq ans, Téléfilm Canada a vraiment eu la volonté de créer de nouveaux partenariats, parce que nous croyons que nous devrions travailler ensemble. Nous avons du talent, des histoires à raconter et nous avons connu des réussites. Nous croyons que Téléfilm Canada, l'ONF, Radio-Canada ou même des partenaires privés doivent travailler ensemble et non seuls pour faire la promotion de ces talents et raconter ces histoires.

Nous avons travaillé à la fois avec des partenaires et avec l'ONF, ainsi qu'avec Radio-Canada et la CBC. Nous avons essayé de développer de nouveaux partenariats également.

Nous travaillons aussi avec des partenaires privés. Nous avons conclu des partenariats avec Rogers, Corus, et tout cela dans l'idée de faire la promotion et de faire connaître les talents que nous avons au Canada.

M. Joli-Coeur : Dans la foulée de ce que Mme Brabant vient d'expliquer, nous sommes des producteurs et des distributeurs. Nous traitons avec les deux entités de Radio-Canada, les réseaux français et anglais, avec Documentary, la chaîne spécialisée, comme avec tout autre radiodiffuseur. Nous sommes vraiment tributaires de l'organisation interne de ces chaînes auprès de Radio-Canada.

Il est sûr que ce sont des réseaux qui sont différents. Ce sont des interlocuteurs différents par la force des choses, mais nos pratiques d'affaires évoluent dans le même contexte économique de façon générale. Nous avons des partenaires de coproduction. Nous avons une palette assez vaste.

Le président : Votre partenariat dans l'élaboration de coproductions repose-t-il sur un modèle de travail différent entre l'entité publique et l'entité privée?

M. Joli-Coeur : Quand nous travaillons en coproduction en tant que producteurs, notre partenaire est un producteur privé. C'est lui qui est en relation d'affaires avec Radio-Canada, la CBC ou Documentary. Si nous produisons le programme seuls, nous sommes alors en relation directe avec eux. Tout dépend de la façon dont le projet est conçu.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Pour commencer, pouvez-vous nous donner une indication de la proportion des émissions de la CBC qui viennent de vos organisations respectives? En avez-vous une mesure? Consacre-t-elle beaucoup de temps à vos productions? Avez-vous des statistiques à ce sujet?

Mme Drisdell : Nous n'avons pas de statistiques sur le pourcentage de la programmation de la CBC qu'elles représentent. Nous savons quel pourcentage de notre contenu est diffusé par la CBC. Un petit nombre de nos productions aboutissent sur le réseau de la CBC ou de Radio-Canada. Elles attirent un auditoire important, mais le nombre de documentaires qui y sont diffusés n'est pas élevé. Nous pouvons vous fournir le pourcentage de notre contenu qui y est diffusé, mais pas ce qu'il représente sur l'ensemble de sa programmation.

Le sénateur Eggleton : Quel pourcentage de leur contenu représentent-elles?

Mme Drisdell : Je peux vous donner les chiffres pour notre public et nos revenus.

Le sénateur Eggleton : Pendant que vous cherchez, les représentants de Téléfilm Canada peuvent peut-être répondre à la question.

Dave Forget, directeur, Relations d'affaires et certification, Patrimoine canadien, Téléfilm Canada : Il ne faut pas oublier que notre entente nous lie à des producteurs indépendants, puisque Téléfilm n'est pas une maison de production en soi. Ainsi, les sociétés de production avec qui nous faisons affaire et qui investissent dans le projet doivent s'entendre avec la CBC pour que le film puisse être diffusé. Par conséquent, ni la CBC ni Téléfilm n'est le propriétaire ou le créateur de la production elle-même. Pour ce qui est du pourcentage de leur programmation que cela représente, par exemple, sur le marché anglophone, il y a deux longs métrages par mois qui sont diffusés à la CBC. Sur le lot, combien auraient bénéficié d'investissements de Téléfilm? En règle générale, nous participons à la production de la vaste majorité des films canadiens, donc j'imagine que la proportion doit être assez élevée.

Mme Drisdell : J'ai les chiffres ici. La diffusion à la CBC génère environ 10 p. 100 de notre public canadien pour un petit nombre de projets; Radio-Canada en génère 6 p. 100 et Doc Channel, environ 15 p. 100 au total.

Le sénateur Eggleton : Quel est le dernier chiffre?

Mme Drisdell : Doc Channel génère environ 15 p. 100.

Le sénateur Eggleton : Les productions de qualité ne sont pas nécessairement populaires. Nous avons d'ailleurs discuté des cotes d'écoute, dans le contexte de la CBC, bien sûr. Quelle est l'importance des cotes d'écoute et quels sont les autres facteurs qui vous semblent importants?

Mme Brabant : Je dois m'inscrire en faux avec votre première observation. Prenons simplement l'exemple du film Mommy que j'ai déjà donné. Je pense que tout le monde serait d'accord pour dire qu'il a été sélectionné au concours du Festival du film de Cannes. Il y a remporté un prix et reçoit beaucoup de publicité.

Lorsque nous mesurons le succès des longs métrages, comme je l'ai déjà mentionné, nous nous fondons sur un indice de succès et tenons compte des recettes-guichet, des ventes internationales, des prix et des festivals. Le monde du cinéma se distingue par tous ces éléments. Nous considérons que des recettes-guichet de 1 million de dollars au Canada représentent un succès pour un long métrage. Cette année, je pense que neuf de nos films ont atteint le seuil de 1 million de dollars en recettes-guichet.

Le sénateur Eggleton : Je parle de la CBC.

Mme Brabant : Je réagissais à votre affirmation selon laquelle le contenu de qualité ne serait pas nécessairement populaire. Pour moi, ce n'est pas nécessairement vrai.

Le sénateur Eggleton : Mais nous avons discuté ici des cotes d'écoute de la CBC. Elles ne sont pas toujours impressionnantes, pour certaines personnes, du moins.

Mme Drisdell : Nous évoluons vraiment dans le marché de niche des documentaires, qui a tendance à être un peu moins populaire que d'autres.

Par exemple, l'an dernier, trois documentaires ont été diffusés sur les ondes de la CBC et ont atteint des cotes d'écoute de 300 000 à 400 000 téléspectateurs. C'est peu pour les cotes d'écoute de la CBC, mais c'est tout de même beaucoup pour un documentaire. C'est un public important pour les documentaires. C'est l'une des raisons pour laquelle l'Office national du film juge très important de diversifier sa façon d'atteindre le public. La télédiffusion en est une composante importante, mais ce n'en est qu'une, et le marché du documentaire est un marché de niche, dans lequel les gens cherchent ce type de contenu.

Le sénateur Housakos : Si un film obtient 1 million de dollars en recettes-guichet, c'est que les gens sont allés le voir.

Mme Brabant : Absolument.

Le sénateur Housakos : Quand les gens vont voir un film, vous en tirez des revenus et c'est un succès. Je sais qu'il y a des gens qui n'aiment pas l'entendre, mais selon moi, les cotes d'écoute, quelle qu'en soit la forme, sont une preuve de succès dans le domaine des communications.

La CBC/Radio-Canada offre-t-elle suffisamment d'aide aux gens de votre industrie? En font-elles assez et consacrent-elles suffisamment de temps à l'art, à la culture et au cinéma canadien pour mettre en valeur le joyau culturel que nous avons ici? En font-elles assez pour vous procurer de la visibilité? Je parle de ce qu'elles font au-delà des obligations que leur impose le CRTC.

Mme Brabant : D'après ce que j'ai lu, mais je ne parle pas d'expérience personnelle, la société CBC/Radio-Canada diffuse beaucoup de contenu canadien à heure de grande écoute. Elle présente également des longs métrages. Comme nous l'avons mentionné, nous avons envisagé d'établir un partenariat avec elle pour différentes initiatives.

Comme Dave l'indiquait, nous ne sommes pas propriétaires du contenu, alors nous voulons que notre partenariat avec la CBC/Radio-Canada serve surtout à promouvoir le talent de chez nous. Nous avons une initiative à Halifax sur les courts métrages. Nous collaborons également avec la CBC/SRC et l'ONF pour « Le jour le plus Court », afin de promouvoir le talent d'ici.

Est-ce suffisant? La réponse est non. Nous voulons en faire plus. Nous aimerions que les Canadiens soient exposés à ce talent, et c'est pourquoi nous travaillons de concert pour en faire la promotion.

J'utilise souvent l'exemple du fromage. Au Québec, il n'y a pas si longtemps, on ne servait que des fromages français à nos invités, mais cela a beaucoup changé en 10 ans. On produit d'excellents fromages à l'échelle de la province, et je pense que c'est la même chose pour le vin en Ontario et en Colombie-Britannique.

J'aimerais que les Canadiens soient aussi fiers de nos talents locaux et qu'ils en fassent autant la promotion. Alors, non, nous n'en faisons pas assez, mais je pense que cela doit être un effort concerté.

M. Joli-Cœur : Je reviens à l'exemple de ce que nous avons fait avec Radio-Canada et The Van Doos, et j'abonde dans le même sens que Mme Brabant. Lorsque la volonté est là et que les partenariats sont en place, nous pouvons faire de très belles choses.

Avoir un auditoire de 500 000 personnes en une fin de semaine, c'est beaucoup. C'est un bon auditoire. Mais il a fallu pour cela que la volonté soit là, et le lancement du film, ainsi que sa promotion par Radio-Canada, étaient parfaits. Avec une telle volonté, nous avons une organisation qui a le pouvoir d'atteindre l'auditoire souhaité. Il s'agit de travailler ensemble.

Le sénateur Housakos : Jusqu'à présent, notre étude m'a permis de tirer quelques conclusions, mais je ne sais pas si je serai toujours du même avis à mesure que nous allons avancer. Comme nos voisins du Sud sont les champions mondiaux dans la promotion de leur culture, selon moi, le gouvernement fédéral a l'obligation d'intervenir et de soutenir notre industrie artistique et culturelle, notamment les cinéastes, les producteurs, les scénaristes et les acteurs. Pour moi, le mandat de la CBC/Radio-Canada a toujours été de promouvoir le contenu canadien.

Notre étude nous a permis d'apprendre, et des membres du comité l'ont vu, qu'en ce moment la CBC/Radio-Canada consacre entre 40 et 50 p. 100 de ses ressources — d'après les chiffres obtenus de la société elle-même — aux nouvelles. Et 30 p. 100 de son budget de production vont à la radio. Ce sont des données approximatives. Le reste est consacré à du contenu canadien, comme des émissions, des documentaires, des films, et cetera.

En tant que parlementaire, j'estime que ce n'est pas suffisant. Beaucoup d'entreprises se disputent déjà le monde des nouvelles, et c'est la même chose pour la radio. Ai-je raison de dire que vous n'avez pas suffisamment de plateformes pour promouvoir le travail des producteurs, des scénaristes et des cinéastes canadiens?

Question d'alimenter le débat, j'aime voir les choses autrement. Supposons que le gouvernement fédéral décidait demain matin d'enlever 1,2 million de dollars du budget d'une société d'État pour financer l'industrie cinématographique du Canada. Mais, en raison des coûts administratifs, nous retenons 95 p. 100 de ces 1,2 million de dollars qui sont destinés à aider les producteurs, les scénaristes et les acteurs à réaliser des films et des documentaires canadiens, des œuvres auxquelles la population entière du Canada pourra s'identifier.

Et le CRTC monte les choses d'un cran un moment donné en ce qui concerne la réglementation, et Dieu sait qu'il en est capable, et impose à tous les diffuseurs privés du pays qui veulent obtenir une licence de présenter du contenu et des films canadiens. Je sais que c'est un peu radical comme idée, mais quelle incidence est-ce que cela pourrait avoir sur la production canadienne et notre industrie cinématographique?

Mme Brabant : Nous avons discuté d'une telle possibilité pour mieux promouvoir le contenu canadien.

Un de nos cinéastes nous a déjà dit qu'il est allé à Cannes, et le festival de Cannes est énorme. Remporter un prix à Cannes, c'est un peu comme gagner la coupe Stanley, c'est donc tout un exploit pour un cinéaste. Ce cinéaste québécois se demandait donc pourquoi personne ne l'attendait à l'aéroport à son retour de Cannes, comme on l'aurait fait pour une personnalité sportive. Nous aimerions que ce soit le cas. Nous voulons que les Canadiens soient fiers de nos cinéastes, de nos acteurs et de nos scénaristes, autant qu'ils le sont de nos vedettes du sport.

Nous pensons qu'il faut mieux faire connaître les réussites de nos talents. Nous devons travailler ensemble pour qu'on arrête de parler de ce qui ne fonctionne pas.

L'industrie cinématographique est une industrie de recherche-développement. Si on prend l'exemple de Denis Villeneuve, ses films américains n'ont pas récolté autant de succès que son premier film. Nous étions là pour appuyer son premier, son deuxième et son troisième long métrage, et maintenant, c'est un artiste accompli. Il l'a toujours été, mais c'est aujourd'hui une star dans son domaine.

Je pense qu'il faut soutenir leurs premiers projets et, bien sûr, en faire une meilleure promotion.

M. Forget : Je pourrais peut-être ajouter deux choses. La première est digne de mention. Quand on parle de Cannes, il y a l'aspect glamour du festival et le fait qu'il offre de la visibilité aux œuvres cinématographiques. Mais il faut aussi se rappeler que Cannes offre le plus grand marché au monde pour l'échange de droits et la vente de longs métrages sur le marché international. L'intention derrière la célébration de nos auteurs d'œuvres cinématographiques dans ce contexte — cela leur permet de se faire un nom et c'est bien entendu flatteur — est aussi de favoriser l'industrie, qui est une industrie d'exportation. Nos films sont vus partout dans le monde, et c'est un élément qui mérite d'être mentionné.

Pour ce qui est de savoir où l'argent est dépensé par rapport à la production et à la promotion, il faut savoir que nos concurrents, par exemple les Américains, consacrent environ 25 p. 100 du budget de production à la promotion. Nous n'avons pas le même genre de ratios ici. Nous avons un petit marché, et nous pouvons réaliser des économies d'échelle. Je ne dis pas qu'il faut une masse critique d'activités de production — cela va de soi —, mais il est important de mettre l'accent sur la promotion.

Je ne veux pas trop m'étendre sur le sujet, mais je veux aussi mentionner que nous avons tous remarqué un virage dans le milieu. Pendant de nombreuses années, il y avait un ordre à suivre pour la sortie des films. On parle strictement des longs métrages ici. Le film avait une vie dans les salles de cinéma, en DVD, puis à la télé payante ou aux chaînes spécialisées, et finalement sur les ondes des télédiffuseurs comme Radio-Canada. Donc, dans le passé, on demandait aux diffuseurs de prendre part à la production d'un film, et d'être emballés à l'idée de pouvoir le diffuser trois ans plus tard.

Honnêtement, toute collaboration s'accompagnait de cette notion de cannibalisme de l'auditoire; il fallait préserver l'exclusivité. Au fil des ans, nous avons remarqué... Je vais prendre l'exemple d'un film que nous avons financé en partie il y a quelques années, qui s'appelait Passchendaele, écrit et réalisé par Paul Gross. Il a récolté beaucoup de succès au box-office, en plus d'avoir fracassé des records de vente sur DVD et de cotes d'écoute à la CBC. En termes d'auditoire, il a surpassé à tous les niveaux tous les autres films canadiens. Cela démontre bien que si on développe son auditoire, ce n'est pas vrai qu'on va la cannibaliser. Se faire un nom et gagner son auditoire permet d'avoir des bons résultats sur toutes les plateformes.

Pour faire une histoire courte, si vous me le permettez, l'idée de faire de la promotion et d'établir des partenariats vise entre autres à sortir des sentiers battus concernant la chronologie de lancement. Nos discussions avec la CBC portent notamment sur la possibilité de monter les échelons pour pouvoir présenter nos films plus rapidement à nos auditoires. Pouvons-nous partager les plateformes avec d'autres? De très bonnes idées sont lancées actuellement au sein de l'industrie en vue de redéfinir le processus. Nous sommes d'avis que si cela fait en sorte d'attirer un plus grand auditoire au contenu canadien sur toutes les plateformes, c'est positif. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Housakos : En bref, je crois que la CBC — et je ne mâcherai pas mes mots — donne trop dans les nouvelles, le sport, les Olympiques. Elle présente la même chose que tout le monde : il y a des sports et des nouvelles partout. Elle doit affronter tous les autres joueurs sur le marché, dont trois grands concurrents, et elle n'y arrive tout simplement pas. Elle n'a pas les cotes d'écoute voulues. Et parce qu'elle n'a pas les cotes d'écoute, elle n'a pas les revenus qui viennent avec. Elle gruge le budget qu'elle obtient des contribuables, et ce budget, à mon avis, doit servir à promouvoir du contenu canadien.

En ce qui me concerne, si un reporter me fait le résumé de ce qui est arrivé à la Chambre des communes sur une chaîne, je peux avoir le même résumé sur plus d'une autre chaîne. Sachant cela, pourquoi moi, en tant que contribuable, dois-je payer pour un des quatre bulletins de nouvelles? Je me souviens que pendant mon enfance, il arrivait que je regarde un grand film le vendredi ou le samedi soir. J'ai vu le film Malarek, par exemple. Je ne sais pas si vous vous en rappelez. Mon voisin du temps jouait dans ce film, et il est devenu une grande vedette aux États-Unis depuis. Il a eu sa chance grâce à votre industrie. Autrement, ce jeune acteur n'aurait jamais pu jouer dans Teenage Mutant Ninja Turtles et tous les autres films qui ont suivi. Il est devenu un acteur canadien populaire. Michael J. Fox ne serait pas devenu la grande vedette qu'il est devenu s'il n'avait pas eu sa chance ici. Il a été découvert entre autres grâce à la CBC.

Je ne sais pas si je représente la majorité ou la minorité, mais je suis convaincu que la CBC doit repenser son modèle et revenir à son mandat initial, qui était de faire la promotion du contenu canadien. Le gouvernement, le Parlement et la CBC elle-même doivent consulter les Canadiens pour déterminer ce qui constitue du contenu canadien.

J'en ai dit beaucoup. Encore une fois, je comprends que vous entretenez des liens importants avec elle, mais je veux avoir vos commentaires. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'elle pourrait vous donner plus d'espace pour promouvoir les films canadiens, de façon à ce qu'on sache qu'ils existent?

Beaucoup de films ont été acclamés sur la scène internationale, et j'ai appris leur existence en regardant CTV News. Vous avez connu du succès au Festival de Cannes. Je n'en ai pas entendu parler ailleurs; je n'ai vu aucune mention en faisant la promotion ailleurs. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet et déterminer si je suis sur la bonne voie. Dans le cas contraire, sentez-vous libre d'être en désaccord avec moi.

Mme Brabant : Comme je le disais, nous sommes d'accord pour en faire davantage la promotion. Une partie de la collaboration que nous avons avec CBC/Radio-Canada vise à nous assurer de la couverture de nos événements.

Le sénateur Housakos : Vous avez mentionné plus tôt que deux de vos films par mois...

Le président : Je vous inscris sur ma liste pour la deuxième série de questions; ce ne sera pas long.

Le sénateur Housakos : C'est ma dernière question. Vous avez dit plus tôt que deux films sont diffusés par mois à CBC/Radio-Canada, par exemple. Qu'en était-il il y a 15 ou 30 ans?

Mme Brabant : Je ne le sais pas.

Le sénateur Housakos : CBC/Radio-Canada diffusait-il deux films par mois, ou était-ce quatre ou cinq? Si vous pouvez retrouver cette information, je crois que ce serait important de nous la faire parvenir.

Mme Brabant : D'accord.

Le sénateur Demers : Merci de vos exposés. Les Canadiens peuvent désormais accéder aux productions télévisuelles et cinématographiques sur de multiples plateformes, dont la télévision traditionnelle, les ordinateurs, les téléphones intelligents et les tablettes. À votre avis, CBC/Radio-Canada est-elle désavantagée par l'émergence de cet environnement multiplateforme? La technologie est omniprésente. Comment voyez-vous la situation?

Mme Drisdell : L'environnement est certes plus complexe qu'auparavant, et c'est beaucoup plus fragmenté. Les licences de télédiffusion sont fragmentées, et CBC/Radio-Canada se trouve dans un environnement où il y a une plus forte concurrence.

C'est un fait que les consommateurs migrent vers le contenu sur demande, et c'est un défi avec lequel sont aux prises tous les diffuseurs et tous les distributeurs. Les consommateurs migrent vers le contenu sur demande offert sur diverses plateformes, et cela signifie sans aucun doute que la concurrence est maintenant plus forte dans le marché. Peu importe la plateforme, la consommation de contenu se fait maintenant plus sur demande qu'en fonction d'une grille horaire, ce qu'offre davantage un diffuseur traditionnel. Bon nombre de diffuseurs se rabattent sur un modèle hybride pour conserver leur auditoire et migrer vers cette nouvelle technologie.

[Français]

Mme Brabant : Je suis d'accord avec Deborah lorsqu'elle dit que c'est un environnement beaucoup plus fragmenté et qui comporte beaucoup plus d'enjeux, mais dans lequel il y a aussi des occasions. À Téléfilm Canada, on a fait une évaluation des habitudes de consommation des Canadiens en ce qui a trait aux longs métrages. Pour nous, il est important de mieux comprendre les habitudes de consommation.

Ce qui est intéressant, c'est que, effectivement, il y a probablement 6 p. 100 des visionnements qui se font sur des tablettes, mais il y a quand même une vaste majorité des visionnements de contenu de films qui se fait sur le grand écran. Les Canadiens visionnent encore beaucoup leur contenu audiovisuel, et particulièrement leurs films, sur les grands écrans. C'est pourquoi il est prioritaire de travailler en collaboration avec les diffuseurs, y compris Radio-Canada, pour faire en sorte que le contenu soit plus visible et plus disponible sur toutes les plateformes, mais aussi sur les écrans de télévision.

Le sénateur Demers : Je vous remercie pour votre réponse, madame. Quelle est la comparaison sur le plan des coûts entre la production d'un film pour la télévision et la production d'un film conçu pour la distribution digitale seulement?

[Traduction]

M. Forget : Je crois avoir compris la première partie de votre question. Pour la majorité des films, les catégories seraient les films prévus pour la projection en salle et les films diffusés directement à la télévision. Si vous me le permettez, je crois que ce serait une comparaison juste.

Dans le milieu cinématographique et ce que nous appelons les « films de la semaine » — c'est l'expression consacrée —, les films qui sont produits pour être directement diffusés à la télévision ont un budget qui se situe dans une certaine fourchette qui n'est pas très élastique. Leur budget est de 3 à 4 millions de dollars.

L'un des défis des longs métrages est que nous voyons des projets concernant la soixantaine de productions auxquelles nous contribuons financièrement par année. Le budget de ces films est de 150 000 $ à 25 millions de dollars, en fonction des partenaires internationaux. Bref, dans le milieu des longs métrages, il y a une vaste gamme de projets, et c'est en fait l'un des défis. Je ne suis pas certain que cela répond à votre question.

Le sénateur Demers : Oui. Par contre, qu'en est-il du coût de production d'un film pour la télévision et pour la diffusion numérique? Vous avez partiellement répondu à ma question. Le coût est évidemment différent. Vous produisez des films pour la télévision, et vous en produisez pour la diffusion numérique, je l'espère. Comprenez-vous ce que j'essaie de savoir?

[Français]

Mme Drisdell : Maintenant, avec la technologie, les tournages peuvent souvent se faire de manière relativement similaire selon le type d'écran, et je vais en parler un peu plus. Dans le cas du documentaire, il s'agit plutôt de la finition et de la livraison par la suite, parce que, maintenant, grâce à la technologie, les tournages se font en format numérique et, ensuite, c'est la livraison. Donc, il faut déterminer s'il doit être complété en 35 mm et si la finition du son sera en 5.2, et le reste. Par la suite, c'est le chantier de livraison qui détermine en quelque sorte le coût.

[Traduction]

M. Forget : Pratiquement aucun film n'est produit en 35 millimètres. Dans pratiquement toutes les productions que nous finançons, la qualité du produit numérique est tellement excellente de nos jours que les films sont produits en format numérique dès le début. Le temps des caméras avec des films à l'intérieur est révolu. Les cinémas sont maintenant équipés pour diffuser des films en format numérique. Nous sommes passés d'un environnement de production numérique à un environnement de projection et de diffusion numériques. On n'utilise presque plus de bobines de film.

Le sénateur Plett : Je m'excuse de mon retard ce soir. Si certaines de mes questions ont déjà été abordées dans vos exposés, je m'en excuse encore une fois.

J'aimerais que vous me parliez de vos partenaires. Avez-vous seulement CBC/Radio-Canada? Qui sont vos partenaires?

Mme Brabant : Nous avons une vaste gamme de partenaires. Nous avons un partenariat avec Rogers dans le cadre d'un programme pour des documentaires. Nous avons un partenariat avec Corus pour la production de divertissement pour enfants. Pour ce qui est de la promotion, nous collaborons avec le distributeur, le secteur privé et Birks. Il est important pour nous de trouver le plus de partenaires possible dans les secteurs privé et public. Les projections de nos films canadiens que nous faisons à Ottawa en sont un bon exemple. Nous avons de 5 à 10 partenaires chaque fois. En fonction des films, nous pouvons avoir jusqu'à 10 partenaires.

Le sénateur Plett : Le sénateur Housakos a nommé des vedettes qui ont connu du succès aux États-Unis après avoir fait leurs débuts ici. J'aimerais savoir combien de films canadiens ont connu du succès aux États-Unis. Je crois que Passchendaele est bien entendu un exemple d'un excellent film de l'avis de tous. Êtes-vous capable de connaître du succès dans le marché américain?

Mme Brabant : C'est un aspect qui a suscité beaucoup de réflexion à Téléfilm Canada; voilà pourquoi nous avons élaboré notre Indice de réussite. Nous voulions évaluer nos films et leur succès, tout en tenant compte que nous faisons des films indépendants. Nous ne faisons pas de grands films d'action.

Comme Dave le disait, le budget moyen de nos films est de 3 millions de dollars. Cela ne veut pas pour autant dire que leur qualité est inférieure aux autres productions, mais c'est un tout autre produit. Il est vrai qu'il y a une concurrence et que nos films sont vendus sur la scène internationale. Bon nombre de nos films sont vendus à l'étranger et sont en lice avec la crème de la crème dans des festivals partout dans le monde. Par contre, je fais souvent une comparaison. Il y a 10 fois moins de Canadiens que d'Américains. Nous produisons environ 10 fois moins de films qu'eux. Les Américains ont probablement produit 20 films que vous vous rappelez, par exemple. Des 800 films produits aux États-Unis l'année dernière, je ne sais pas si vous êtes en mesure de m'en nommer 20. J'en suis incapable. Des 80 films qui ont été produits au Canada, nous avons mentionné que 9 films ont récolté plus de 1 million de dollars au cinéma au Canada. Selon nous, c'est un indice de réussite.

Le sénateur Plett : Je ne le nie pas. Dans le cas d'un film qui a récolté 1 million de dollars au cinéma, quel type d'entente pourriez-vous conclure avec CBC/Radio-Canada?

Mme Brabant : Nous ne pouvons pas signer d'entente en ce sens. C'est le distributeur ou celui qui détient les droits du film qui peut conclure une telle entente avec CBC/Radio-Canada. Nous ne sommes pas les propriétaires des films. Nous ne les produisons pas. Nous les finançons. Nous versons une contribution financière. Dans le cas de certains films et de certains réalisateurs de grand talent, je peux vous dire que les distributeurs peuvent vendre ces films à l'avance à un meilleur prix que d'autres.

Le sénateur Plett : L'Office national du film a reçu quelque 67,5 millions de dollars l'année dernière du gouvernement fédéral, et l'organisme a généré des revenus d'un peu plus de 6 millions de dollars. Le rapport entre les revenus et les subventions, pour le dire ainsi, de l'Office national du film vous satisfait-il?

M. Joli-Coeur : Nous serions évidemment ravis que ce soit encore plus élevé, mais la réussite ne peut pas être mesurée en fonction uniquement des revenus générés. Il faut davantage tenir compte de la portée et de l'auditoire de notre produit. Nous offrons un service d'intérêt public. Combien de Canadiens et combien de gens dans le monde voient le point de vue canadien et les valeurs canadiennes? Nous sommes dans une économie où...

Le sénateur Plett : Je m'excuse de vous interrompre, mais j'aimerais savoir comment vous évaluer votre réussite. Vous dites que c'est en fonction du nombre de Canadiens qui regardent vos produits. C'est un élément dont le sénateur Housakos et moi-même avons parlé. Même notre collègue d'en face commence à convenir comme nous, je crois, que les cotes d'écoute sont en fait un indice de réussite; comme il en parle à chaque réunion ou presque, il doit être d'accord.

M. Joli-Coeur : Absolument.

Le sénateur Plett : Donc, comment mesurez-vous la réussite si vous affirmez ne pas utiliser les revenus pour ce faire?

Mme Drisdell : Les revenus sont l'un des éléments dont nous tenons compte, mais nous accordons une très grande importance à l'auditoire. Par exemple, nous avons 2 500 films en ligne que les Canadiens peuvent visionner gratuitement. Par année, environ 28 millions de Canadiens ont vu des films de l'ONF à la télévision, en ligne, au cinéma, lors de projections communautaires et dans le milieu scolaire, ce qui est très important pour nous. Nous offrons des prix réduits aux établissements scolaires en vue de nous assurer que les élèves canadiens voient des films canadiens.

Le sénateur Plett : Cela fait partie de votre mandat.

Mme Drisdell : D'après nous, cela fait partie de notre mandat. L'accessibilité au contenu que les contribuables canadiens ont financé au cours des 75 ans de l'ONF, c'est très important à nos yeux. Il arrive parfois que la projection de films ne soit jamais rentable, en particulier dans une collectivité éloignée. Cela fait partie de notre mandat; nous devons nous assurer que ces films sont disponibles dans ces collectivités.

Le sénateur Plett : Vous semblez essayer de jouer le rôle que mon collègue, le sénateur Housakos, aimerait que joue CBC/Radio-Canada.

Mme Brabant : Si je peux ajouter quelque chose, c'est un écosystème. L'ONF joue un rôle; CBC/Radio-Canada joue un rôle; nous jouons un rôle; et les partenaires privés jouent aussi un rôle. C'est un écosystème qui génère 5 milliards de dollars dans l'économie canadienne. Nous collaborons en vue de nous assurer du bon fonctionnement du système.

Je crois bien qu'une partie de notre mandat vise le développement du talent, et je crois que nous réussissons à encourager des artistes qui brillent dans les films diffusés. Une partie du mandat de CBC/Radio-Canada est de faire connaître ces artistes; il en va de même quant à l'ONF qui produit du contenu et qui fait connaître des artistes. Selon moi, c'est un écosystème dont les acteurs doivent collaborer entre eux pour rendre le tout efficace; c'est important, à mon avis.

La sénatrice Unger : Merci aux témoins de leur présence. Même si je trouve les discussions très intéressantes, cela porte également à confusion. Je suis d'Edmonton et je ne connais pas les films ou toutes les autres productions dont vous parlez. Voici ma première question. Le cas échéant, que faites-vous dans l'Ouest canadien? Je sais que vous avez un bureau à Edmonton.

Voici ma deuxième question. Pourriez-vous nous expliquer un commentaire tiré de votre plan d'entreprise? Voici le commentaire que vous faites au sujet de votre organisme et qui est répété dans le document :

[...] doit élargir son rôle de catalyseur de succès en recentrant ses efforts et ses ressources sur la stimulation de la demande des auditoires. Ce nouvel objectif redynamise notre mandat et aligne plus étroitement nos activités sur les besoins de l'industrie.

Pourriez-vous me l'expliquer?

Mme Brabant : Nous avons élaboré le plan stratégique il y a cinq ans. Nous avions l'impression que nous avions fait beaucoup en ce qui concerne ce que nous pouvions offrir en développant l'industrie et en encourageant ses artisans. Par contre, il restait du travail à faire du côté du contenu sur demande; il fallait nous assurer que le contenu était disponible aux Canadiens partout au pays et en tout temps, sur petits ou grands écrans. Nous sentions que nous avions un rôle à jouer en vue d'accroître le contenu offert.

C'est à cette époque que nous avons commencé à mettre sur pied la fondation pour répondre à cette demande. Nous avons réalisé rapidement qu'entre autres, aucune sensibilisation n'existait. C'est ce que vous avez fait valoir dans votre introduction. Nous nous sommes rendu compte que les Canadiens ne connaissaient pas les films ou les talents canadiens. Nous avons eu le sentiment que nous devions jouer un rôle de chef de file en nous familiarisant avec les habitudes des consommateurs canadiens et avec les mesures que nous pouvions prendre pour accroître la demande.

Nous avons donc commencé à effectuer des études, ce qui s'est révélé intéressant. Nous avons mené un sondage il y a trois ans. Nous nous sommes rendu compte que seul un Canadien sur trois pouvait nommer un film canadien. Alors, nous avons commencé à entreprendre quelques petits projets promotionnels et à faire équipe avec le secteur privé. Nous avons organisé des visionnements à Ottawa, et nous avons établi des partenariats avec le Festival du film de Calgary et le Festival du film féminin de Terre-Neuve, à St. John's. Nous avons été en mesure de faire passer à un sur deux le nombre de Canadiens qui peuvent nommer un film canadien. D'ici la fin de mon mandat, l'un de mes objectifs consistera à faire passer ce rapport à deux sur trois.

Nous avons modifié le mandat de notre directeur des communications afin d'y ajouter la commercialisation et le lancement de nouvelles initiatives. Nous avons rapidement pris conscience d'un nouveau fait, à savoir que les nouveaux cinéastes ne pouvaient se contenter de produire un seul film. Ils devaient en produire un deuxième, et même un troisième. On s'attendait vraiment à ce que les nouveaux cinéastes réussissent au Canada.

Dans les régions, nous avons lancé une initiative que nous avons appelée le « micro-budget ». Nous avons fait équipe avec des écoles et des coopératives des quatre coins du pays dans le but de financer le premier film des cinéastes. Nous sommes très fiers que le Festival international du film de Toronto de cette année ait présenté un nombre jamais vu de films provenant de toutes les régions du Canada. Les huit premiers films financés par notre micro-budget, dont un film produit par le cinéaste de Calgary, Clive Thomas, qui a été présélectionné lors de nombreux festivals, ont fait l'objet d'excellentes critiques. Nous espérons que cela contribuera à rehausser le profil de leur cinéaste et à lancer leur carrière.

La sénatrice Unger : Selon vous, les Canadiens se soucient-ils que les films soient produits au Canada, où sont-ils préoccupés davantage par le contenu des films?

Mme Brabant : Ils sont préoccupés davantage par le contenu. Notre étude l'a démontré clairement. Nous avons mené cette étude en collaboration avec l'Université de la Colombie-Britannique et l'École des Hautes Études Commerciales afin de mieux comprendre le profil de visionnement des Canadiens. Il est clair que les facteurs les plus importants sont le contenu, l'histoire et le genre des films. Les gens choisiront d'abord un film parce qu'ils souhaitent regarder une comédie ou un drame. C'est le critère le plus important.

M. Joli-Coeur : L'Office national du film possède des bureaux de production partout au Canada : à Edmonton, à Winnipeg et à Vancouver. Notre mandat consiste à raconter des histoires provenant des quatre coins du pays. Nos producteurs sont établis dans ces collectivités; ils travaillent avec des créateurs locaux et relatent des récits locaux. Selon moi, c'est crucial. Le contenu, c'est tout. Notre mandat consiste également à produire ces histoires canadiennes et à les distribuer à l'échelle nationale et internationale. Nous couvrons le pays d'une façon égale. J'aimerais juste mentionner un film en particulier, intitulé Nous n'étions que des enfants. C'est un documentaire remarquable qui porte sur les pensionnats indiens.

La sénatrice Unger : J'en ai entendu parler.

M. Joli-Coeur : Un tel film a une grande incidence.

La sénatrice Unger : J'adresse ma dernière question à Téléfilm Canada. Nous savons par expérience que les recettes-guichet ne révèlent pas toute l'histoire. Si c'est le cas, il faut que vous examiniez d'autres facteurs. Ces autres facteurs sont-ils mesurables?

Mme Brabant : Absolument. Nous avons pensé qu'il était très important de mesurer notre réussite différemment. Nous travaillons dans le domaine du film indépendant. La plus grande chance que nous avons dans ce domaine, c'est le caractère mondial du marché. Nous exerçons nos activités à l'échelle mondiale. Aujourd'hui, ce n'est plus simplement une question de recettes locales, mais aussi de recettes internationales.

Notre mandat consiste à lancer la carrière des cinéastes et des personnes de talent, notamment en les aidant à participer à des festivals et en favorisant la sélection de leurs films et l'obtention de prix. Notre indice mesure trois éléments, comme un indice des conditions financières. J'ai été comptable agréée dans le passé. Par conséquent, vous allez devoir vous accommoder de cette situation. Je souhaitais concevoir un indice qui nous aiderait à mesurer la réussite des films, des entreprises de production et des personnes liées aux films. L'indice tient compte de facteurs commerciaux. Nous mesurons les ventes internationales, les recettes-guichet et d'autres recettes nationales, comme celles liées à la télédiffusion. Nous tenons également compte des prix remportés par les films et de leur sélection dans le cadre d'importants festivals. Nous disposons d'une liste de 40 festivals à l'échelle mondiale qui organisent le visionnement de films de ce genre. De plus, comme cela compte pour nous, nous mesurons la capacité de l'entreprise de production à attirer des investissements privés. Cette combinaison d'éléments mesure non seulement les recettes-guichet, mais aussi la réussite du film et de l'entreprise de production. Je vais vous en donner un exemple.

Il y a cinq ans, une coproduction canadienne intitulée L'Aveuglement a connu un succès modéré au Canada, soit des recettes-guichet de 700 000 $. Elle n'a même pas atteint le seuil d'un million de dollars. À l'époque, j'étais directrice des Finances à Téléfilm Canada. Moins d'un an plus tard, nous avions récupéré la totalité de notre investissement en raison de l'immense succès que le film avait connu à l'échelle internationale. J'ai alors déclaré que, si nous n'étions pas fiers de cette réussite, nous devrions l'être. Comme nous mesurions seulement les recettes-guichet, cela ne peignait pas un tableau complet. J'ai pensé qu'il était important d'inclure dans notre mesure non seulement les recettes-guichet réalisées au Canada, mais aussi le succès remporté à l'étranger par les films que nous financions.

Le sénateur Greene : En ce qui concerne la concurrence sur le marché américain, il me semble que l'Australie est avantagée par rapport à nous. C'est un pays plus petit que le nôtre et, pourtant, il semble produire des films plus importants et plus populaires aux États-Unis, qui mettent en vedette des comédiens de renommée internationale, et cetera. Si l'on utilise les recettes-guichet pour mesurer la réussite des films, l'Australie semble l'emporter sur nous. Je me demande si vous connaissez les mesures que, contrairement à nous, l'Australie prend pour appuyer son système et que nous pourrions prendre également.

Mme Brabant : Je n'ai pas ces chiffres sous les yeux. Nous comparons souvent notre cinéma à ceux des autres pays. Il se peut que j'aie tort, mais je pense que l'une des tâches dont l'Australie s'acquitte mieux que nous consiste à promouvoir la réussite de ses vedettes qui gagnent leur vie aux États-Unis. Les Australiens sont très fiers de leurs vedettes qui déménagent aux États-Unis pour faire carrière là-bas, alors que, souvent, les Canadiens ne savent même pas que certaines vedettes d'Hollywood sont canadiennes. Je pense que c'est un travail que nous aimerions faire mieux.

Par exemple, l'an dernier, nous avons commencé à organiser à Los Angeles un événement visant à promouvoir les vedettes canadiennes, en partenariat avec le Fonds des médias du Canada et Bell Média. Je pense que les Australiens font cela. Toutefois, les données dont nous disposons n'indiquent pas que les films australiens ont plus de succès en moyenne que nos films canadiens. Êtes-vous d'accord avec moi à ce sujet?

M. Forget : Non. Nous pourrions examiner cette question.

Le président : Si vous avez ces chiffres et que vous pouviez nous les faire parvenir par l'entremise de notre greffier, nous vous en serions reconnaissants.

Mme Brabant : Nous serions prêts à le faire, mais ce n'est pas l'impression que nous avons.

M. Forget : Je tenais à ajouter cela, car la question a été soulevée à plusieurs reprises. Je crois donc qu'il vaut la peine de mentionner que les films canadiens se vendent très bien sur le marché américain. Grâce à l'offre d'abonnements à des services de vidéo sur demande et d'autres plateformes, nous avons constaté au cours des dernières années que les Américains ont plus que jamais envie de regarder des longs métrages indépendants canadiens.

L'exemple que je vais vous donner est surtout une anecdote, mais je pourrais obtenir des chiffres pour le corroborer. Il y a 5 à 10 ans, si un petit nombre de films canadiens présentés au festival de Toronto étaient achetés par des radiodiffuseurs ou des distributeurs américains, nous jugions que l'année avait été bonne. De nos jours, si tous les films canadiens ne sont pas vendus, nous nous demandons ce qui a mal tourné. Presque tous les films trouvent une place sur le marché américain, sous une forme ou une autre. Les films canadiens et, en particulier, les films de langue anglaise se vendent bien aux États-Unis et à l'étranger, pour des raisons évidentes. Je tenais à le signaler.

Le sénateur Greene : Cela m'amène à ma prochaine question. Si l'on exclut les ventes aux États-Unis, est-ce que les films québécois se vendent mieux sur le marché international que les films canadiens de langue anglaise?

M. Forget : En général, les films canadiens de langue anglaise ont tendance à obtenir plus de succès à l'échelle internationale. Sans surprise, les films québécois de langue française ont beaucoup de succès dans les pays francophones. Par exemple, le film intitulé Mommy, dont vous avez entendu parler plus tôt, réalise en ce moment d'excellentes recettes dans les cinémas français. En règle générale, les films de langue anglaise sont très bien reçus à l'échelle internationale, et pas seulement sur les marchés de langue anglaise.

Le sénateur Housakos : Je souhaite ramener le sujet à CBC/Radio-Canada. Je pense que nous sommes tous très bien disposés envers vos deux organisations. Du moins, je le suis.

Bref, ma question est la suivante : Qu'aimeriez-vous dire au comité au sujet de CBC/Radio-Canada et de vos expériences avec cette organisation? Que souhaiteriez-vous qu'elle fasse de plus pour contribuer à vos activités? Qu'est-ce que ce radiodiffuseur public pourrait faire pour faciliter le travail de vos deux organisations, en plus de ce qu'il fait déjà?

M. Joli-Coeur : Je pense qu'il devrait y avoir plus de partenariats et plus d'occasions de faire équipe avec cette organisation dès le début des projets, à l'étape de l'élaboration de la stratégie. Nous devrions unir nos forces. C'est crucial. L'exemple que je vous ai donné à propos du documentaire intitulé Le 22e Régiment en Afghanistan est parfait. Si les choses s'étaient passées de la même façon au cours d'autres projets que nous avons réalisés avec eux, les répercussions auraient été extraordinaires. Il faut que les dirigeants des organisations veuillent que les choses fonctionnent.

Le président : Avez-vous quelque chose d'autre à ajouter?

Mme Brabant : Pour en revenir à ce que nous disions, je pense que la promotion est cruciale pour nous. CBC/Radio-Canada est un important partenaire à cet égard. Il est également essentiel que cette organisation mette en valeur le contenu canadien, y compris les films. Pour en revenir à l'étude que nous avons menée et qui indique que les Canadiens souhaitent voir leurs films présentés au cinéma, je crois qu'il est important que CBC/Radio-Canada mette en valeur ces films.

Le sénateur Housakos : Lorsque vous parlez de « promotion », qu'entendez-vous exactement par là? Voulez-vous dire que les films doivent être diffusés? Que voulez-vous précisément?

Mme Brabant : Je veux dire qu'ils devraient faire équipe avec nous en présentant du contenu canadien, en organisant avec nous des événements comme celui que nous avons consacré aux courts métrages à Halifax, et en participant à toute initiative qui m'aidera à atteindre mon objectif, soit que deux Canadiens sur trois soient en mesure de nommer des films canadiens dans un an et demi.

Le sénateur Housakos : Selon vous, vos films sont-ils promus davantage par les émissions de radio de CBC/Radio-Canada que par ses émissions télévisées? Je parle d'annonces ou d'entrevues avec les vedettes de vos films? Y a-t-il un plus grand nombre d'émissions de radio qui font la promotion de la culture que d'émissions télévisées?

M. Forget : Que ce soit le cas ou non, je pense que vous avez abordé un élément important de l'ensemble de la promotion que je vais détailler un peu. Voici les occasions de promotion. Chaque fois que nous mettons en valeur des personnes talentueuses, nous mettons également en valeur leurs œuvres. Les émissions-débat qui mènent des entrevues, que ce soit à la radio ou à la télévision, offrent des occasions de mettre en valeur les personnes talentueuses et de les faire connaître. Nous n'avons jamais mené une étude dans le but de déterminer si cela se produit plus souvent à la télévision qu'à la radio.

Nous avons examiné la façon dont les cinéphiles choisissent les films qu'ils visionneront. Cela a fait ressortir, entre autres, le fait que le choix de voir un film ou un autre n'est pas déclenché par un seul événement, mais plutôt par une séquence d'événements. Vous enregistrez les renseignements que vous entendez le jour où vous choisissez le film en question. Que ce soit une entrevue que vous avez entendue ce matin à l'antenne de CBC/Radio-Canada, une annonce ou une affiche apposée sur les murs de l'abribus, la combinaison de tous ces éléments vous amène à penser que le film est crédible et qu'il relate une histoire qui vous intéresse. Selon moi, ce sont tous ces éléments pris dans leur ensemble qui contribuent au choix, mais nous n'avons pas vérifié si ces éléments étaient plus présents à la radio qu'à la télévision.

Mme Brabant : Il se peut que nous étudiions cela dans les années à venir.

Le sénateur Greene : J'aimerais vous soumettre une idée.

Mme Brabant : Nous sommes réceptifs aux idées.

Le sénateur Greene : Ce n'est qu'une idée qui m'a passé par la tête, mais je crois qu'un public ou un membre de ce public ne peut absorber qu'une certaine quantité d'informations au cours d'une journée, d'une semaine ou de quelle que soit la période. Le problème tient en partie au fait que le public canadien-anglais passe beaucoup de temps à regarder des émissions américaines. Ces téléspectateurs le font parce que nos cultures sont semblables, bien que différentes.

Les Canadiens se reconnaissent dans les comédies et les drames américains. Les anglophones canadiens ne ressentent pas le besoin d'être représentés dans des productions canadiennes parce qu'ils se reconnaissent, bien qu'imparfaitement, dans les productions américaines.

Les choses ne se passent pas ainsi au Québec. Les Québécois ont beaucoup plus besoin d'émissions télévisées propres à leur culture que les anglophones canadiens, parce que ces derniers ont une solution de rechange. Est-ce un point de vue réaliste?

Mme Brabant : Certes, des émissions canadiennes, comme Republic of Doyle ou Heartland, ont connu et continuent de connaître beaucoup de succès. J'étais en Europe récemment, et les gens là-bas fanfaronnaient à propos des Murdoch Mysteries. Ils avaient le sentiment que cette émission était réellement canadienne, et ils souhaitaient la regarder.

Dans chaque pays où les gens parlent une langue différente de l'anglais, je ne dirai pas que les choses sont plus faciles, mais les gens remarquent la différence et font le lien. Ils souhaitent regarder des émissions dans leur propre langue.

Oui, c'est une difficulté supplémentaire à surmonter lorsqu'on cherche à accroître la visibilité et l'accessibilité du contenu canadien, mais je ne suis pas certaine qu'on puisse dire que les Canadiens ne souhaitent pas regarder des émissions qui les concernent.

Le sénateur Greene : Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je pense qu'ils souhaitent regarder ces histoires, mais, si elles ne sont pas offertes, ils sont prêts à regarder des émissions américaines parce qu'ils se reconnaissent dans ces émissions.

Mme Brabant : Je suis assez âgée pour me souvenir d'une époque où toutes les émissions diffusées en français aux heures de grande écoute étaient des émissions américaines doublées. À cette époque, nous n'avions pas conscience d'avoir besoin d'un contenu canadien, mais, lorsqu'on nous a offert des émissions canadiennes, elles nous ont plu. Je pense qu'on peut dire la même chose des émissions qui ont du succès; les Canadiens souhaitent les regarder.

Le sénateur Greene : Merci.

Le président : Messieurs Mahé, Forget et Joli-Coeur, mesdames Brabant et Drisdell, je vous remercie de vos exposés.

Chers collègues, mardi matin prochain, nous accueillerons Éric Albert, premier vice-président de Stingray Digital Group. Et, comme vous le savez, les 5 et 6 novembre, nous visiterons la ville du sénateur Demers. Nos séances auront lieu à l'hôtel Queen Elizabeth de Montréal.

Merci beaucoup. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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