Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et
du commerce international
Fascicule no 15 - Témoignages du 14 décembre 2016
OTTAWA, le mercredi 14 décembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi S-226, Loi prévoyant la prise de mesures restrictives contre les étrangers responsables de violations graves de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale et apportant des modifications connexes à la Loi sur les mesures économiques spéciales et à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés; et le projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne, se réunit aujourd'hui, à 16 h 17 pour étudier les projets de loi.
Le sénateur Percy E. Downe (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. La sénatrice Andreychuk, la présidente du comité, est la marraine du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui; j'assumerai donc la présidence de la réunion.
Aujourd'hui, nous accueillons deux groupes de témoins. Avec les témoins du premier groupe, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-226, Loi prévoyant la prise de mesures restrictives contre les étrangers responsables de violations graves de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale et apportant des modifications connexes à la Loi sur les mesures économiques spéciales et à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
J'ai l'immense plaisir d'accueillir l'honorable Irwin Cotler. Si je commence à énumérer tous vos accomplissements, monsieur Cotler, je ne terminerai pas aujourd'hui. Permettez-moi de dire qu'il a été un ardent défenseur des droits de la personne tout au long de sa vie personnelle, de sa carrière au Parlement et de sa carrière de ministre fédéral. Son travail est reconnu à l'échelle internationale et lui vaut d'être honoré sur de nombreuses plateformes.
Nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres aujourd'hui, monsieur Cotler. Je vous demanderais de livrer votre exposé, et nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.
L'honorable Irwin Cotler, fondateur et président, Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne : Merci, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici et de comparaître devant votre comité pour participer à l'étude du projet de loi S-226.
Cette étude n'est pas sans lien avec une autre étude en cours à la Chambre des communes sur l'examen prescrit de deux mesures législatives, à savoir la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus et la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui sont évidemment liées au projet de loi dont vous êtes saisis.
De plus, l'audience en cours et l'audience qui s'est tenue à la Chambre se déroulent dans le contexte des motions adoptées à l'unanimité à la Chambre des communes et au Sénat, en plus de projets de loi d'initiative parlementaire connexes, qui concernent l'adoption d'une loi sur la responsabilité internationale qui demanderait au gouvernement de mettre en œuvre des mesures législatives efficaces favorisant la justice à l'échelle mondiale en ciblant surtout les responsables de violations de droits de la personne.
Je dois le préciser, car parfois, on croit à tort que nous ciblons les gouvernements. Nous ne ciblons pas les gouvernements, mais les individus. Nous n'imposons pas des sanctions générales, mais des sanctions précises. Nous n'appliquons pas les mesures à l'aveuglette; elles servent de conséquences aux individus responsables de graves violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale; nous les excluons en les empêchant d'entrer dans notre pays ou de blanchir leurs biens ici.
À mon avis, cette audience est opportune et nécessaire, car nous sommes témoins de la renaissance d'un autoritarisme mondial qui se traduit par une répression massive à l'échelle nationale. Nous le voyons de plus en plus dans des pays comme la Russie et l'Iran, où vous tiendrez des audiences peu après ma comparution, ainsi qu'en Chine et en Arabie saoudite.
Fait encore plus important, cette répression massive à l'échelle nationale est sous-tendue par une culture de l'impunité. Cette culture de l'impunité pousse les individus qui se livrent à des actes criminels et à la corruption à tenter de blanchir leurs biens à l'étranger. Cela peut faire en sorte que notre pays néglige sa responsabilité de protéger notre souveraineté et l'intégrité de notre économie, et cetera.
Heureusement, le Congrès et le Sénat américain ont récemment adopté la loi Magnitski sur la responsabilité internationale. C'est la suite de la loi de Sergueï Magnitski initialement adoptée par Chambre des représentants et le Sénat des États-Unis en 2012. Cette loi ciblait la Russie, alors que la loi récemment adoptée concerne la responsabilité internationale, mais elle découle toujours de l'affaire Magnitsky.
De plus, une coalition de parlementaires de tous les partis du Royaume-Uni a entrepris une initiative similaire. Fait intéressant, le gouvernement de l'Estonie, à la suite d'un vote unanime de ses propres parlementaires, a adopté cette mesure législative. Il est bon de souligner que même si l'Estonie est un pays voisin de la Russie, ses dirigeants n'ont pas reculé par crainte des représailles potentielles de la Russie.
J'aimerais très brièvement organiser mon exposé autour de trois volets. Le premier renferme une critique brève des mesures législatives adoptées par la Chambre qui sont liées au projet de loi S-226. Je parle de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, la LMES.
Le deuxième volet porte sur la raison d'être des deux mesures législatives concernant Sergueï Magnitsky et la responsabilisation mondiale. Il est possible que je n'aborde pas ce volet en raison des contraintes de temps, mais je répondrai à vos questions à cet égard.
Le troisième volet concerne les objectifs. Pourquoi voulons-nous adopter cette mesure législative? Je crois qu'on ne comprend pas pleinement sa raison d'être.
Permettez-moi de parler de la loi en vigueur à la Chambre des communes au Canada et qui est pertinente dans ce cas-ci, à savoir la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus. J'aimerais préciser que cette mesure législative, qui a été adoptée en 2011 au début du Printemps arabe, est limitée par le fait qu'on peut seulement l'appliquer lorsqu'un gouvernement étranger en fait la demande. Cela peut parfois revenir à demander à l'incendiaire d'éteindre le feu qu'il a allumé, et j'ajouterais donc que cette mesure législative, dans sa forme actuelle, ne nous permet pas d'atteindre nos objectifs, pour les raisons que j'ai mentionnées.
La deuxième mesure législative est la Loi sur les mesures économiques spéciales. La grande partie du régime de sanctions du Canada en vertu de cette mesure législative s'inscrit dans le cadre d'un régime de sanctions de l'ONU ou d'une collaboration entre le Canada et un regroupement multilatéral à cet égard. Toutefois, le problème avec cette mesure législative, c'est que d'un côté, le seuil est trop élevé, et de l'autre côté, le libellé est trop vague pour que le Canada prenne une mesure unilatérale et que le gouvernement ait le pouvoir d'imposer ses propres sanctions relativement à un comportement. En effet, seulement deux poursuites ont été intentées en vertu de ce régime, et elles étaient liées aux sanctions de l'ONU visant l'Iran. Le libellé de cette mesure législative — et c'est le point important en ce qui concerne nos travaux et votre projet de loi — n'est pas assez précis pour cibler les personnes responsables de graves violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale qui profitent indûment de notre souveraineté, de notre économie, et cetera — en résumé, qui abusent de leurs privilèges d'entrée dans notre pays pour y blanchir leurs biens.
Permettez-moi d'aborder le troisième volet. Comme je l'ai dit, je ne parlerai pas du deuxième volet, car il traite de l'adoption de la première loi de Sergueï Magnitsky et de l'élargissement subséquent de son application à l'échelle mondiale. Vous avez déjà entendu les témoignages de Bill Browder, de Thor Halvorsen, et d'autres à cet égard — et je les ai lus.
J'aimerais mentionner seulement une chose que je juge pertinente. En octobre 2011, j'ai proposé pour la première fois une mesure législative liée à l'affaire Sergueï Magnitsky. Cette mesure découlait de l'agression subie par Sergueï Magnitsky, une affaire que vous connaissez bien. Il venait de se produire, en Russie, la plus grande fraude fiscale de l'histoire du pays. Les représentants russes responsables de cette fraude fiscale sont également les personnes responsables de l'arrestation, de la détention, de la torture et du meurtre de Sergueï Magnitsky. Ils ont non seulement tenté de cacher ce crime, mais dans le cadre d'une initiative qui ferait rougir Kafka, Magnitsky a ensuite subi un procès posthume pour les crimes que les personnes responsables de son meurtre avaient commis.
En février 2012, Boris Nemtsov, le leader de l'opposition démocratique en Russie à ce moment-là, est venu au Parlement du Canada pour appuyer le projet de loi d'initiative parlementaire que j'avais proposé. Ce qu'il a dit à l'époque est tout à fait pertinent dans le cadre de notre audience d'aujourd'hui. Nous parlions seulement de la Russie, mais ses paroles ont une portée générale. Selon lui, cette mesure législative favorisait la Russie, elle servait le peuple russe et les défenseurs des droits de la personne qui mettent leur vie en jeu. Il a ajouté qu'il ne faut absolument pas conclure qu'elle est anti-russe, à part le fait qu'elle est contre les individus responsables de violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale qu'on devrait tenir responsables de cette culture de criminalité et de corruption, et de la culture de l'impunité qui rend l'adoption de cette mesure nécessaire.
Nous abordons maintenant la deuxième étape. Vous pourriez affirmer — et vous auriez raison — que la Russie n'est pas le seul pays responsable de graves violations de droits de la personne et que d'autres pays sont également responsables. C'est pourquoi nous ne cherchons pas à adopter une mesure législative qui vise un pays en particulier. Nous voulons obtenir une mesure législative qui cible précisément les personnes qui sont responsables de graves violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale.
Cela m'amène à mon dernier point, à savoir la raison d'être d'une telle mesure législative. Si vous examinez les témoignages des personnes qui ont comparu devant l'autre chambre et devant la Chambre des communes, en général, elles ont fourni trois raisons pour justifier l'adoption d'une telle mesure législative. Premièrement, pour forcer ou pour changer un comportement, deuxièmement, pour restreindre les activités d'une personne ou d'un groupe, et troisièmement, pour signaler les violations des normes internationales.
Toutefois, à mon avis, on a largement laissé de côté ou marginalisé, au cours de l'audience qui s'est tenue dans l'autre chambre — même si ce n'était pas volontairement —, plusieurs raisons convaincantes qui sous-tendent l'adoption de la première loi de Sergei Magnitski et de la mesure législative plus générale contenue dans votre projet de loi S-226, autrement dit, la Loi sur la responsabilisation mondiale pour les violations des droits de la personne. En raison de contraintes de temps, si vous me le permettez, j'aimerais expliquer brièvement chaque raison.
La première concerne l'importance de lutter contre les cultures persistantes et omniprésentes de corruption, de criminalité et, en particulier, de l'impunité qui rendent l'adoption de cette mesure législative nécessaire.
La deuxième vise à dissuader les autres responsables potentiels de violations de droits de la personne, car si nous permettons à la culture de l'impunité de se répandre, nous ne ferons qu'enhardir les responsables de violation de droits de la personne. Si nous imposons des sanctions à ces responsables de violation de droits de la personne, nous pourrons dissuader les autres, car ils savent qu'ils devront rendre des comptes.
Troisièmement, nous devons faire de la justice internationale une priorité dans le cadre de nos efforts généraux pour faire régner la justice, et un pilier de notre politique en matière de droits de la personne, à la fois à l'échelle nationale et internationale.
Quatrièmement, nous devons faire respecter la primauté du droit, la justice et la reddition de comptes sur notre territoire. Nous ne nous ingérons pas dans la souveraineté des autres pays. Nous n'intervenons pas dans ces autres pays. Nous cherchons à protéger notre propre souveraineté, notre propre économie et notre propre primauté du droit et nous tentons d'y parvenir par l'entremise d'interdictions de visa qui permettent d'empêcher les responsables potentiels de violation de droits de la personne d'entrer dans notre pays, car c'est effectivement un privilège, et non un droit. En ce qui concerne la saisie de biens, les témoignages de Thor Halvorssen et de Bill Browderin que j'ai lus récemment vous ont communiqué des études de cas dramatiques sur la mesure dans laquelle ces biens ont été blanchis ici, qu'il s'agisse du Venezuela ou de la Russie.
Cinquièmement, il faut protéger nos entreprises canadiennes qui mènent leurs activités à l'étranger. La Loi de Magnitski a permis d'exposer la plus grande fraude fiscale de l'histoire de la Russie, et cette fraude visait une entreprise basée au Royaume-Uni, Hermitage Capital. Une telle fraude pourrait cibler une entreprise canadienne qui mène ses activités en Russie ou ailleurs. Encore une fois, nous voulons protéger les entreprises canadiennes qui mènent leurs activités à l'étranger, du moins en ce qui concerne notre propre souveraineté et notre population.
Sixièmement, il est important de nommer et de blâmer les responsables de violations de droits de la personne, afin qu'ils ne puissent pas profiter de leur culture de criminalité et de corruption pour venir au Canada, y acheter des logements, y passer leurs vacances, envoyer leurs enfants dans nos écoles et blanchir leurs biens. Autrement dit, nous devons protéger l'intégrité de la souveraineté de notre pays, de notre économie et de la primauté du droit.
Le septième point est important, et je remarque qu'il a été énoncé par la sénatrice Andreychuk et vous-même, monsieur le président, dans un témoignage précédent devant le comité, mais il vaut la peine de répéter que cette mesure législative ne contraint pas le gouvernement. C'est une mesure habilitante, c'est-à-dire qu'elle donne un pouvoir au gouvernement. Elle lui donne une ressource et un outil avec lesquels il peut imposer des sanctions aux responsables de violations de droits de la personne et les empêcher de venir dans notre pays ou, comme je l'ai dit, de blanchir leurs biens ici. Cette mesure législative nous permet de protéger les droits de la personne et de ne pas donner libre cours — même de façon involontaire — aux violations des droits de la personne qui se produisent en l'absence de telle mesure législative.
Enfin, et c'est le point le plus important, cette mesure législative indique aux défenseurs des droits de la personne qu'ils ne sont pas seuls, qu'il s'agisse des Magnitsky et des Nemtsov de la Russie ou de leurs successeurs, des défenseurs de droits de la personne comme Raif Badawai, le blogueur emprisonné en Arabie saoudite, du Bahá'í emprisonné en Iran ou de Leopoldo López et des autres personnes emprisonnées au Venezuela. Nous sommes avec eux. Nous sommes solidaires. Nous appuyons la protection des droits de la personne dans leurs pays, à l'échelle internationale et dans notre pays.
Tout ce que nous voulons, c'est adopter une mesure législative contenant des sanctions précises qui ciblent des individus particuliers. Nous ne ciblons pas un pays et nous ne ciblons pas un gouvernement. On ne comprend pas suffisamment cela. Nous ciblons des individus particuliers et nous disons que ces personnes ne peuvent pas exporter au Canada cette culture de criminalité et de corruption dont elles ont été en mesure de profiter dans leurs pays, car ces pays favorisent peut-être la culture de l'impunité. Au Canada, nous avons l'obligation de protéger nos citoyens, notre population, notre primauté du droit, comme je l'ai dit, et notre système de justice nationale et internationale.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président : Merci beaucoup. C'était un merveilleux exposé. Vos antécédents d'ancien professeur de droit, d'ancien ministre de la Justice et d'ancien procureur général au sein du gouvernement du Canada ont également brillé dans votre exposé. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Le sénateur Ngo : Merci, monsieur Cotler.
Toutes les violations de droits de la personne n'ont pas reçu la même attention, et les renseignements sur les personnes qui ont commis ces graves violations ne sont pas toujours facilement accessibles. Pourriez-vous nous parler davantage du type de renseignements dont le gouvernement devrait tenir compte pour imposer des sanctions à ces responsables de violations de droit de la personne?
M. Cotler : Oui. Je vous remercie, sénateur Ngo, d'avoir posé la question.
C'est manifestement le gouvernement qui mettra en œuvre cette mesure législative. C'est le gouvernement qui sera responsable de recueillir les preuves qui mèneront à l'imposition de sanctions contre des personnes précises, et de plus en plus de sources différentes sont accessibles à cet égard. Il y a, par exemple, les renseignements fondés sur les preuves qui émanent maintenant des procédures spéciales mises en œuvre dans le système de l'ONU par les rapporteurs spéciaux. Il existe maintenant des rapporteurs spéciaux sur la torture, la liberté d'expression, la liberté de religion, et cetera. Chacun de ces rapporteurs recueille des renseignements probants à cet égard, et cela ne vise pas seulement des pays, mais parfois des individus.
Les membres du Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies recueillent également des preuves sur des individus particuliers. Ils mènent régulièrement des enquêtes et, grâce à leur propre cueillette de faits ou à leurs conclusions juridiques, ils peuvent déterminer s'il y a eu emprisonnement arbitraire, torture, et cetera. C'est ce qu'ils ont fait, par exemple, dans le cas de Raif Badawi et d'autres fonctionnaires emprisonnés en Arabie saoudite.
Il y a une série d'enquêtes fondées sur les preuves dans le système de l'ONU. Il y a également un examen universel périodique et des évaluations. Il y a des organismes issus de traités dont les membres se penchent sur des enjeux liés aux défenseurs des droits de la personne, à la torture, et cetera.
Je n'ai pas parlé de la possibilité d'un partage d'information avec des pays qui ont adopté une mesure législative de responsabilisation mondiale, comme les États-Unis, qui sont une mine de renseignements à cet égard, le Royaume-Uni et l'Estonie — si ce pays adopte une telle loi.
Manifestement, nous avons nos propres systèmes de cueillette de renseignements au Canada, par l'entremise du ministère de la Justice, du ministère de la Sécurité publique, d'Affaires mondiales Canada, et cetera. Et je n'ai même pas mentionné la communauté des ONG et leurs processus de cueillette de renseignements, qui sont de plus en plus accessibles et omniprésents.
Thor Halvorssen, qui a comparu devant votre comité, parraine notamment, par l'entremise de sa fondation sur les droits de la personne, un Forum annuel sur la liberté à Oslo auquel j'ai participé et au cours duquel on entend précisément des témoignages des membres de la famille de dissidents et d'anciens prisonniers politiques, et parfois les témoignages des prisonniers eux-mêmes.
Il existe une variété de sources intergouvernementales, gouvernementales et non gouvernementales auxquelles on peut avoir accès pour atteindre cet objectif.
Le sénateur Ngo : Comme nous le savons, ce projet de loi vise les personnes responsables de violations de droits de la personne, comme vous le dites. Toutefois, j'aimerais poser une question très importante dans ce cas-ci. Un régime comme celui du Vietnam est un régime communiste, comme celui de la Chine et d'autres pays qui ont un régime communiste. Dans ce cas, il ne s'agit pas seulement d'une personne, mais de l'ensemble du régime. Que faites-vous dans ces cas?
M. Cotler : Nous ne visons pas le gouvernement. Nous ne visons pas le pays. Nous visons les personnes qui cherchent à entrer au Canada et qui tentent de blanchir leurs biens dans notre pays. En effet, cette mesure législative constitue une loi sur la responsabilisation mondiale en matière de justice dans laquelle on identifie, par l'entremise de preuves, comme je l'ai dit, les responsables de violation de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale, les individus qui ont commis des actes de torture et ceux qui ont participé à des exécutions sommaires.
J'aimerais vous donner un exemple. Après cette audience, on tiendra une audience sur l'Iran. Je vais vous donner le nom d'un haut fonctionnaire de ce pays qui ne devrait jamais avoir l'autorisation d'entrer dans notre pays. Si cet individu ou ses collègues tentaient de blanchir des biens, ils devraient être poursuivis en justice. Il s'agit de Mostfa Pourmohammadi, le ministre de la Justice de l'Iran. Les preuves à cet égard sont tout à fait accessibles et proviennent de sources objectives, et cetera. Ce ministre est responsable du meurtre de milliers de dissidents en Iran en 1988 et pendant les années suivantes. Pourtant, il travaille maintenant au ministère de la Justice de l'Iran. À mon avis, il s'agit d'un haut fonctionnaire qui ne devrait pas avoir le privilège de pouvoir visiter notre pays, et encore moins d'y blanchir des biens.
Tous les individus au sujet desquels il existe des preuves qu'ils ont participé à des activités de torture, à des exécutions sommaires ou à d'autres violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale sont des personnes que nous voulons cibler. Nous signalerons à ces individus que s'ils participent à des actes de torture, à des exécutions sommaires et à l'emprisonnement généralisé et systématique de défenseurs de droits de la personne, ils seront tenus responsables, pas dans leur pays, mais ici au Canada, car nous ne leur accorderons pas le privilège de profiter de leurs violations pour entrer dans notre pays et y blanchir leurs biens.
Le sénateur Ngo : Je vous remercie de ces éclaircissements.
La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Cotler, nous parlons de hauts fonctionnaires qui participent — lorsqu'il y a des preuves contre eux — à des violations de droits de la personne, à des actes de torture et à des meurtres. Quelle est notre responsabilité à cet égard lorsque nous intervenons dans les pays en développement? Je fais référence à l'Afghanistan. Je ne sais pas si vous êtes au courant de l'histoire qui est sortie hier au sujet du vice-président reconnu comme étant l'un des leaders les plus brutaux. Que faisons-nous dans un tel cas? Comment pouvons-nous leur dire que ces personnes ou ces groupes sont inacceptables? Quelle est notre responsabilité? Nous sommes toujours présents en Afghanistan et nous fournissons toujours de l'aide à ce pays.
M. Cotler : Selon moi, les enjeux, même s'ils sont liés entre eux, sont néanmoins mutuellement exclusifs, car nous vivons dans une communauté internationale dans laquelle nous n'avons pas seulement la mondialisation des médias, des marchés, de la technologie et du commerce, mais également les relations diplomatiques, et cetera. Rien n'empêche que l'on poursuive nos relations avec les gouvernements, même si nous n'aimons pas le comportement de ce gouvernement ou de ses hauts fonctionnaires et même si nous leur exprimons cela par l'entremise d'échanges diplomatiques, de réunions, de rencontres informelles, et cetera
Nous parlons d'un seul type de comportement précis, c'est-à-dire que lorsque des preuves claires et vérifiables démontrent qu'un haut fonctionnaire a commis des violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale et que ce dernier tente d'entrer au Canada ou d'y blanchir ses biens, le gouvernement peut exercer un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, cette situation n'oblige pas notre gouvernement à agir. Cette mesure législative habilite notre gouvernement à prendre des mesures. Elle lui permet d'exercer un pouvoir discrétionnaire, fondé sur les preuves vérifiables dans certaines circonstances et seulement en ce qui concerne ce qui se produira sur notre territoire, et non ce qui se produit en Azerbaïdjan ou ailleurs. C'est une mesure législative restrictive, car elle est seulement appliquée dans certaines circonstances avec l'autorisation du gouvernement.
D'une certaine façon, elle nous permet de tenir responsables de leurs actes les personnes qui commettent des violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale. Elle ne nous permet pas de faciliter les choses à ces responsables de violations en les autorisant à venir ici pour y blanchir leurs biens.
Le sénateur Woo : J'aimerais d'abord préciser qu'il s'agit de ma première réunion à titre de membre de ce comité. Je le précise seulement pour m'excuser à l'avance au cas où ma question vous semblerait ignorante ou irrecevable.
M. Cotler : Les questions sont toujours recevables; ce sont les réponses qui ne le sont pas toujours.
Le sénateur Woo : Je suis très chanceux de pouvoir entendre une discussion aussi intéressante lors de ma première réunion. Vous avez été très convaincant.
J'ai une question au sujet des droits de la personne reconnus à l'échelle internationale. Comme vous le savez, les déclarations internationales visent les droits civiques et politiques, ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels. Existe-t-il un certain risque que les droits liés aux enjeux économiques, sociaux et culturels soient visés par cette définition? Je parle notamment du droit au logement, à l'éducation, à l'eau potable et aux besoins de base de l'être humain. Quel est le risque que la définition liée à l'application soit trop vague?
M. Cotler : La portée de l'application pourrait être contrebalancée par le pouvoir discrétionnaire responsable qui doit être exercé par le ministre et les fonctionnaires concernés — dans ce cas-ci, le ministre des Affaires étrangères. On exige que les considérations soient fondées sur des preuves.
Essentiellement, nous parlons — et je le mentionne, car nous nous réunissons dans le sillage de la Déclaration universelle des droits de l'homme — des droits de la personne reconnus à l'échelle internationale qui sont ancrés dans cette déclaration universelle. Il se trouve que nous nous réunissons également au 40e anniversaire des deux conventions, c'est-à-dire le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Je fais référence aux violations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Nous faisons référence aux violations de ces droits de la personne reconnus, car les éléments auxquels j'ai fait référence plus tôt, qu'il s'agisse de la torture, de l'exécution sommaire ou de ce que j'appelle la criminalisation des libertés fondamentales telle la liberté de religion ou d'expression, d'association et d'assemblée — tous ces droits sont ancrés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que dans les déclarations universelles.
J'ai remarqué qu'en ce qui concerne les responsables de violations de droits de la personne, nous cherchons à imposer des sanctions dans le cas des exemples que vous avez devant vous. Dans les autres cas, nous parlons vraiment des personnes qui commettent régulièrement de graves violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale comme ceux que j'ai mentionnés. Étant donné que je représente des prisonniers politiques depuis 40 ans, j'ai remarqué que dans le cas des prisonniers politiques avec lesquels je travaille maintenant, par exemple les blogueurs emprisonnés en Arabie saoudite, Leopoldo López au Venezuela ou Liu Xiaobo, le lauréat du prix Nobel emprisonné en Chine — le seul qui est emprisonné en Chine —, dans chacun de ces cas et d'autres que je n'ai pas mentionnés, la nature de la violation des droits de la personne est la même partout. C'est ce que j'appelle la criminalisation de l'innocence, c'est-à-dire la criminalisation de ce que ces personnes sont — des défenseurs des droits de la personne —, plutôt que de ce qu'elles font. Il s'agit de la criminalisation de leurs libertés fondamentales telles qu'établies dans ces traités sur les droits de la personne reconnus à l'échelle internationale. Qu'il s'agisse de torture pendant l'emprisonnement ou d'exécutions sommaires, nous observons ces éléments dans tous les cas de violations des droits.
Ce que nous leur disons, c'est que s'ils participent à ces violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale et que leur propre gouvernement ne les tient pas responsables — c'est le premier endroit où on devrait exiger une reddition de comptes — et s'ils tentent d'exporter cette criminalité dans notre pays et d'en profiter par l'entremise du blanchiment de leurs biens, nous les tiendrons responsables au Canada dans les limites de nos pouvoirs relativement à notre souveraineté et à la protection de ces droits de la personne reconnus à l'échelle internationale. Et j'ajouterais que nous avons l'obligation d'agir ainsi à titre d'État partie de ces conventions internationales.
Le sénateur Gold : Monsieur Cotler, c'est un honneur et un privilège, à plusieurs égards, d'être assis en face de vous aujourd'hui. Vous avez répondu à la question que je voulais poser, mais selon votre expérience, quel est l'argument le plus solide contre ce projet de loi, si un tel argument existe? D'où vient-il, et comment devrions-nous répondre? J'appuie ce projet de loi.
M. Cotler : Je me suis également posé cette question. Honnêtement, Bill Browder a livré un témoignage convaincant devant votre comité et il a dit qu'il ne voyait pas pourquoi nous avons l'obligation d'accorder un privilège à un responsable de violations de droits de la personne en lui permettant de venir dans notre pays et d'y blanchir ses biens. Par conséquent, il n'existe pas vraiment d'argument crédible contre ce que nous tentons de faire ici, c'est-à-dire l'imposition de sanctions précises contre des individus particuliers qui commettent de graves violations de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale qui sont au cœur de notre identité de gouvernement et de peuple, et qui s'expriment à l'échelle nationale dans notre Charte canadienne des droits et libertés. J'aimerais ajouter, incidemment, qu'on ne comprend pas toujours cela, mais cette mesure découle de la mesure législative sur les droits de la personne reconnus à l'échelle internationale à laquelle je fais référence et, bien sûr, de notre participation à la promotion et à la protection de ces droits de la personne reconnus à l'échelle internationale.
Une préoccupation que je crois légitime n'a pas été soulevée, et je pense qu'elle devrait être exprimée. Nous voulons veiller à ce que même les responsables de violations puissent avoir droit à l'application régulière de la loi. Autrement dit, nous ne voulons pas créer une situation dans laquelle leur comportement arbitraire et leurs graves violations de droits de la personne deviennent le miroir du caractère arbitraire de notre application de la loi. Je crois que la loi et le projet de loi S-226, d'après ce que je comprends, visent à offrir des garanties d'application régulière de la loi à cet égard. C'est une préoccupation légitime et je crois que nous sommes en mesure d'inclure cet élément dans l'élaboration et la rédaction de la mesure législative.
Mais encore une fois, il ne faut pas s'écarter de la raison d'être générale de ces mesures, c'est-à-dire obliger ces personnes à rendre des comptes.
La sénatrice Cordy : Merci, monsieur Cotler, comme toujours, de comparaître devant nous. J'ai l'impression que nous devrions tout simplement vous laisser parler.
Lorsque j'ai demandé à M. Browder comment améliorer le projet de loi, il a répondu qu'il ne fallait pas laisser la perfection devenir l'ennemie du bien, et je crois que c'était un bon commentaire.
Tout d'abord, le Canada a-t-il actuellement des sanctions qui ne permettent pas le blanchiment d'argent, ce qui était l'un des exemples donnés, et qui ne permettent pas à ces gens de transférer de l'argent dans notre pays en vue de le protéger? Je suis surprise que nous n'ayons rien prévu à cet égard. Comment ce projet de loi améliorera-t-il cela?
Deuxièmement, l'American Human Rights Accountability Act est-elle efficace ou est-il trop tôt pour le savoir? Avons-nous observé des signes qui démontrent que cette loi empêche des individus d'entrer au pays ou qu'elle ne permet pas à des fonds obtenus illégalement d'être versés dans des comptes situés aux États-Unis? Avons-nous déjà de tels renseignements?
M. Cotler : Certaines personnes soutiennent que nous n'avons pas de régime juridique, mais nous avons un tel régime. Le problème, c'est que notre régime juridique actuel est insuffisant. C'est pourquoi nous devons l'améliorer. La LMES, la Loi sur les mesures économiques spéciales, est un régime de sanctions, mais comme je l'ai dit, c'est un régime qui, en grande partie, est déclenché par notre participation aux sanctions imposées par les Nations Unies ou en collaboration avec d'autres régimes multilatéraux. Lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre des sanctions unilatérales, la LMES, dans sa forme actuelle, doit être modifiée pour remplir cet objectif, afin que des sanctions puissent être prises pour cibler des individus précis dans des circonstances qui offrent des preuves vérifiables.
En ce qui concerne la saisie de biens, j'ai mentionné que nous avons la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus. Le problème, dans ce cas, c'est que cette loi peut seulement être appliquée lorsqu'un gouvernement en fait la demande — et c'est une contrainte importante. Je comprends qu'à sa mise en œuvre initiale, lors du Printemps arabe en 2011, elle aurait pu représenter un avantage si un pays comme la Tunisie ou un pays semblable avait formulé une demande à cet égard, mais dans la plupart des cas, si vous attendez une demande formulée par un régime qui viole les droits de la personne, cette demande ne viendra pas et cela contribuera tout simplement à aggraver la culture de l'impunité.
Dans leur documentation au sujet de la première loi de Sergueï Magnitsky adoptée en 2012, les Américains ont mené un examen très pointu des individus qui devraient être tenus responsables. C'était un examen très exhaustif. J'ai consulté les preuves moi-même et, en fait, seuls certains individus ont été choisis parmi ceux qui leur avaient été signalés, car les Américains ont utilisé le seuil en matière d'enquête, de renseignements probants et de documentation selon lequel il devait exister des preuves vérifiables qui démontrent clairement que ces individus avaient effectivement commis des violations de droits de la personne. Le Congrès américain mène régulièrement de tels examens et les Américains nous ont démontré que ce processus pouvait être mené efficacement.
La sénatrice Andreychuk : Tout d'abord, j'aimerais remercier M. Cotler de son travail dans le domaine des droits de la personne, et surtout dans le domaine des droits de la personne à l'échelle internationale. J'ai eu le privilège de travailler avec lui pendant de nombreuses années, mais nous ne divulguerons pas ce nombre d'années.
L'origine de ce projet de loi est attribuable à l'affaire Magnitsky, à Bill Browder et à vous-même, monsieur Cotler. Ce que vous avez fait auparavant et ce que nous espérons accomplir ici, au Sénat, c'est de réunir les gens qui souhaitent travailler sur la question des droits de la personne. Cet enjeu ne concerne pas seulement un côté de la Chambre ou l'autre, car ce projet de loi a reçu l'appui vigoureux de tous les partis, et surtout des partis politiques qui ont annoncé dans leur campagne électorale que leurs membres appuyaient le projet de loi. Les choses progressent, peut-être pas aussi rapidement que nous le souhaitons, mais j'aimerais vous en attribuer le mérite.
L'un des arguments qu'on formule parfois, c'est que si nous faisons cela et que nous attirons l'attention sur un individu — et c'est ce que vous dites : il faut cibler l'individu, et non le gouvernement —, cela pourrait engendrer des répercussions sur d'autres enjeux liés à la politique étrangère. On a souvent dit que si nous appliquions cette mesure, le gouvernement du pays d'origine de cet individu pourrait exercer des représailles par l'entremise d'autres mesures en matière de politique étrangère. Je vous remercie de faire la différence entre le gouvernement et les individus. Nous ciblons les individus, mais parfois, il peut être difficile de dissocier un individu du gouvernement.
Que répondriez-vous à un gouvernement qui soutient qu'il n'est pas sûr de vouloir utiliser cette mesure, car elle pourrait entraîner des répercussions dans d'autres domaines? Que répondriez-vous à cela, à part la réponse évidente, c'est-à-dire que ce gouvernement peut décider, par l'entremise de son pouvoir discrétionnaire, d'utiliser cet outil ou non? Il peut évaluer les conséquences. Comme vous l'avez dit, c'est un outil habilitant. C'est le seul argument que j'ai entendu contre le projet de loi S-226.
M. Cotler : Sénatrice, vous avez absolument raison, le gouvernement n'est pas obligé d'appliquer la mesure législative sous aucune circonstance si, selon son jugement, les risques liés à l'application de cette mesure sont plus élevés que le besoin de le faire. Toutefois, je dirais que si nous examinons les objectifs, nous nous rendons compte que nous ciblons des individus particuliers et des violations précises de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale en utilisant un seuil élevé, par exemple la torture, et en nous fondant sur des preuves vérifiables. C'est une obligation que nous avons nous-mêmes adoptée en vue de promouvoir la justice à l'échelle nationale et internationale, et à titre d'État partie, en vue de respecter ces traités, par exemple le traité sur l'interdiction de torture.
S'il faut choisir entre se soustraire à nos obligations à titre de pays, de gouvernement, de parlement et de peuple et craindre les représailles d'un gouvernement qui justifie ces représailles en disant qu'on a refusé l'entrée au pays à une personne qui s'est livrée à des actes de torture, eh bien, je crois que c'est le type de risque que nous devrions être prêts à prendre. Dans le cadre de la série d'obligations que nous devons respecter à l'échelle nationale et internationale en ce qui concerne l'application de la justice et la protection des personnes qui sont prêtes à risquer leur vie pour protéger les libertés fondamentales, le moins qu'on puisse faire, c'est notamment d'affirmer que nous sommes solidaires de ces personnes, que nous sommes avec elles, que nous partageons leurs engagements et qu'à titre de gouvernement, de parlement et de peuple, nous remplirons nos obligations, non seulement pour protéger ces personnes lorsqu'elles profitent de leurs droits de la personne reconnus à l'échelle internationale, mais en particulier lorsqu'il s'agit de tenir responsables les personnes qui ont commis des violations de ces droits de la personne reconnus à l'échelle internationale et les obliger à rendre des comptes à l'égard de notre pays, de notre souveraineté, de notre population et de nos valeurs.
Le vice-président : Honorables sénateurs, j'aimerais remercier, en votre nom, l'honorable Irwin Cotler d'avoir livré un témoignage aujourd'hui et d'avoir pris le temps, même s'il est occupé, de comparaître devant notre comité.
La sénatrice Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente : Honorables sénateurs, après ce groupe de témoins, j'aimerais que nous nous réunissions à huis clos pour régler un point en suspens. Je ne crois pas que ce sera long. Nous prendrons donc un moment à la fin de ces témoignages pour permettre aux témoins de quitter la salle, afin de nous réunir à huis clos.
Pour l'instant, avec l'aide de ce groupe de témoins, nous entreprenons l'étude du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.
Le parrain de ce projet de loi est notre collègue, l'honorable sénateur Tkachuk, qui est avec nous aujourd'hui. Veuillez vous joindre à moi pour lui souhaiter la bienvenue à cette réunion du comité. Je crois que c'est la première fois que vous comparaissez devant notre comité. Vous serez notre premier témoin, et vous serez suivi de Mme Sheryl Saperia, directrice des politiques (Canada) à la Fondation pour la défense des démocraties. Je vous souhaite la bienvenue au comité.
L'honorable David Tkachuk, parrain du projet de loi : J'aimerais également vous présenter Danny Eisen, de la Canadian Coalition Against Terror, qui est ici pour m'aider.
En fait, ce n'est pas la première fois que je comparais, mais la deuxième fois. J'ai comparu devant le comité des affaires étrangères avec les deux mêmes personnes au sujet de la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, qui a été présentée ici il y a de nombreuses années. Cette mesure législative a fait le tour de la Chambre et du Sénat pendant cinq ans et a ensuite été adoptée à titre de législation gouvernementale.
Madame la présidente et honorables collègues, je vous remercie de m'avoir invité à vous parler du projet de loi S- 219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.
Le projet de loi arrive au bon moment, car le gouvernement canadien est en train de réévaluer ses relations avec l'Iran. Le projet de loi ne nuira pas du tout à cette initiative. Ce n'est pas l'intention, et si vous le lisez attentivement, vous constaterez qu'il n'est pas conçu pour nuire aux tentatives visant à améliorer ces relations.
Il vise à établir les conditions sur lesquelles repose toute amélioration, au-delà de ce qui est énoncé dans le Plan d'action global conjoint. Comme bon nombre d'entre vous le savent, le plan d'action demandait la réduction des sanctions prises contre l'Iran pour ses activités nucléaires, et cet accord a été signé en juillet 2015. En janvier dernier, l'Agence internationale de l'énergie atomique a confirmé que l'Iran s'était conformé à tous les engagements prévus dans le plan d'action.
Par conséquent, le Canada a levé sans tarder les sanctions liées au nucléaire imposées à l'Iran pour permettre « un rétablissement contrôlé sur le plan économique ». Ces sanctions avaient été imposées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, la LMES, et visaient les obstacles aux opérations commerciales, y compris les transferts de fonds personnels. On a également éliminé l'interdiction générale liée aux importations et aux exportations d'Iran.
Au moment d'annoncer leur élimination, la ministre du Commerce, Mme Chrystia Freeland, a déclaré :
Grâce à ces modifications aux sanctions canadiennes contre l'Iran, les entreprises canadiennes pourront dorénavant se positionner en vue de nouvelles possibilités commerciales. Cependant, nous maintiendrons également de rigoureux contrôles sur toutes exportations qui suscitent de sérieuses préoccupations liées à la prolifération.
Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères, M. Stéphane Dion, a dit :
En vue du rétablissement des échanges avec l'Iran, comme c'est le cas pour tout pays suscitant des préoccupations, le Canada adoptera une approche fondée sur des efforts diplomatiques visant à favoriser le dialogue et la diplomatie plutôt que le désengagement et l'isolement.
Le Canada n'abaissera pas la norme à laquelle l'Iran doit se conformer, surtout en ce qui a trait à son bilan au chapitre des droits de la personne et à son agressivité à l'égard de l'État d'Israël. Le renouvellement de nos échanges diplomatiques avec l'Iran nous servira à appuyer les efforts de promotion des droits de la personne et la sécurité régionale.
Les sanctions générales imposées ont amené l'Iran à la table de négociations. Cela a donné lieu à une entente qui a permis de faire régresser le programme nucléaire de l'Iran, une entente à laquelle l'Iran se conforme. Nous devons reconnaître ce progrès et continuer d'encourager l'Iran à se conformer entièrement au Plan d'action global conjoint.
L'objectif du projet de loi cadre bien avec les objectifs du ministre à l'égard de l'Iran. En fait, il n'entre pas en conflit avec eux, il vient plutôt les compléter.
Je crois que les propos du ministre Dion ont ouvert la porte à cette mesure. Permettez-moi de revenir sur ce qu'il a dit :
Le Canada n'abaissera pas la norme à laquelle l'Iran doit se conformer, surtout en ce qui a trait à son bilan au chapitre des droits de la personne et... Le renouvellement de nos échanges diplomatiques avec l'Iran nous servira à appuyer les efforts de promotion des droits de la personne et la sécurité régionale.
Le ministre a également souligné que l'imposition de sanctions a joué un rôle capital dans le retour de l'Iran à la table des négociations.
Ainsi, ce projet de loi permet au gouvernement de tenir parole et lui donne les moyens de faire exactement ce qu'il avait dit qu'il ferait. Il ne nuit pas à sa relation avec l'Iran, mais donne plutôt au Canada les outils voulus pour suivre de très près les progrès réalisés.
J'ai décrit les particularités du projet de loi lors de mon discours en deuxième lecture :
Au-delà du comportement de l'Iran au chapitre des armes nucléaires, qui, à tort ou à raison, est devenu légitime du fait du Plan d'action global conjoint, le Parlement canadien reconnaît trois autres menaces toxiques émanant de l'Iran : les violations massives des droits de la personne, le soutien, par l'État, du terrorisme dans le monde et l'incitation à la haine et au génocide sanctionnée par l'État.
J'ai également mentionné le viol, la torture et le meurtre, en 2003, de la citoyenne canado-iranienne Zahra Kazemi par le gouvernement iranien. Nous ne devons pas l'oublier ni perdre de vue le fait qu'à ce jour, l'Iran a fait subir ce genre de traitement à des milliers de ses citoyens. Ce projet de loi porte sur ces transgressions et d'autres violations semblables commises par l'Iran dont il faut tenir compte dans le cadre de notre relation bilatérale.
Prenons par exemple la communauté bahá'ie. Cette communauté est la cible d'attaques en Iran. Les membres sont détenus, arrêtés et emprisonnés, de façon arbitraire. Leurs entreprises sont pillées et attaquées, et elles n'ont aucune protection en vertu de la Constitution iranienne. Est-ce que cela vous rappelle quelque chose?
Pensez-y un instant : En Iran, le sang de la communauté bahá'íe est considéré comme mobah, c'est-à-dire qu'il peut être répandu en toute impunité. En Iran, les homosexuels sont persécutés et les jeunes sont exécutés. Il ne faut pas oublier que l'Iran, par son appui au Corps des gardiens de la révolution islamique, participe aux crimes du régime Assad contre l'humanité — c'est-à-dire les génocides qui sont perpétrés en ce moment même à Alep. Je veux que vous gardiez tout cela à l'esprit alors que Sheryl et moi-même vous entretenons de ce projet de loi.
Le projet de loi demande au ministre des Affaires étrangères, en l'occurrence le ministre Dion, que j'ai cité un peu plus tôt, de publier un rapport annuel sur les comportements répréhensibles de l'Iran — et même criminels au Canada —, pas nécessairement en lien avec le nucléaire, mais dans d'autres domaines. Je parle ici du fait que l'Iran continue de soutenir et de parrainer le terrorisme et de commettre des actes constituant de l'incitation à la haine ou des violations des droits de la personne.
Le rapport du ministre identifierait les représentants officiels de l'Iran responsables de ces actes puis décrirait les mesures prises par le gouvernement du Canada en réaction à ces actes.
Le projet de loi prévoit le maintien des sanctions canadiennes actuelles contre l'Iran jusqu'à ce que deux rapports annuels consécutifs concluent que celui-ci a réalisé des progrès considérables dans les trois domaines sanctionnés.
Il prévoit également que les règlements pris en vertu de la LMES s'appliquent aux organisations et aux personnes étroitement liées à la conduite de pareilles activités. Il s'agit ici des dirigeants, dont la longue liste figure dans le projet de loi, y compris des organisations telles que le Comité exécutif de l'ordre de l'imam Khomeyni, le CEOIK, et le Corps des gardiens de la révolution islamique, le CGRI.
Le CEOIK est une entité qui a été mise sur pied en Iran au début du siècle pour gérer les actifs des dirigeants iraniens, qui sont assez considérables, comme vous pouvez vous en douter. Le CGRI a été créé en 1979 pour protéger la République islamique d'Iran et les idéaux de la révolution de 1979. Tout cela peut sembler anodin, jusqu'à ce qu'on réalise qu'il assume un rôle militaire traditionnel consistant à exporter la révolution et à supprimer les ennemis nationaux à l'intérieur du pays.
Le projet de loi prévoit le maintien des sanctions canadiennes actuelles contre l'Iran jusqu'à ce que deux rapports annuels consécutifs démontrent qu'il y a eu des améliorations dans les trois domaines précités.
Enfin, le projet de loi demande au ministre de la Sécurité publique d'envisager l'inscription du CGRI sur la liste établie en vertu du Code criminel. Une branche du CGRI, la force Al-Qods, qui est responsable des opérations militaires et terroristes à l'étranger, est déjà considérée comme une entité inscrite aux termes du Code criminel. Aux fins du présent projet de loi, toute l'organisation serait inscrite sur la liste et ferait l'objet de sanctions, tout comme le CEOIK.
Chers collègues, je crois le gouvernement sur parole lorsqu'il dit qu'il ne va pas abaisser les normes internationales en matière de comportement qu'il demande à l'Iran de respecter. Autrement dit, il ne va pas lever les sanctions tant que l'Iran n'aura pas amélioré — de façon considérable — son comportement à l'égard du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.
Je suis inquiet lorsque j'entends que le député Majid Jowhari a rencontré en privé des responsables iraniens à son bureau de circonscription le mois dernier. Je suis inquiet lorsque j'entends que le maire Denis Coderre s'est rendu en Iran la semaine dernière pour rencontrer ses homologues de Téhéran, et je suis inquiet lorsque j'entends que le ministre Dion a rencontré en coulisse des dirigeants iraniens lors de la réunion de l'Assemblée générale de l'ONU, en septembre dernier.
Si je m'inquiète, c'est parce que l'Iran a réagi avec colère à la décision d'un tribunal canadien de saisir une partie des actifs du gouvernement iranien au profit de familles de victimes d'attentats perpétrés par les groupes qu'il parraine. L'Iran veut faire infirmer cette décision. Un porte-parole du gouvernement iranien a dénoncé cette décision en déclarant que :
Toute normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays nécessite une révision essentielle des politiques extrémistes et erronées du gouvernement canadien, entre autres en ce qui concerne la violation de l'immunité judiciaire du gouvernement iranien.
Autrement dit, « si vous voulez être notre ami, vous devez non seulement renverser la décision du tribunal, mais aussi abroger la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, qui a permis aux victimes de terrorisme d'entamer des poursuites judiciaires au départ. »
Si je m'en inquiète, c'est parce que l'Iran n'a eu aucun problème à emprisonner une professeure de Montréal, Mme Homa Hoodfar, dans la célèbre prison d'Evin tout simplement parce qu'elle travaillait à faire avancer la cause du féminisme. Elle y a séjourné pendant 112 jours et a été interrogée par les membres du CGRI, qui la menaçaient de renvoyer sa dépouille au Canada.
Le projet de loi S-219 aidera le Canada à respecter son engagement de ne pas réduire ses normes à l'endroit de l'Iran dans les domaines des droits de la personne, de l'incitation à la haine et du terrorisme. Il veillera à ce que l'on ne perde pas de vue notre perspective dans notre empressement à normaliser les relations avec un régime anormal. En même temps, il faut que le gouvernement tienne parole, et je pense entre autres au geste posé en janvier dernier, lorsqu'il a levé les sanctions à l'égard du programme nucléaire.
Honorables sénateurs, lors de sa conférence de presse, le premier ministre a déclaré que « le gouvernement est très ouvert à de nombreux points de vue. » J'espère que cela comprend ce point de vue-ci à l'égard de l'Iran.
J'aimerais conclure en reprenant les propos du ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, au sujet du plan d'action : « Les sanctions générales imposées ont amené l'Iran à la table de négociations. » Nous en demandons ni plus ni moins dans ce cas-ci. Je vous remercie et je vais céder la parole à Sheryl, qui pourra vous en dire davantage sur le projet de loi et les comportements du régime à l'origine du projet de loi.
Sheryl Saperia, directrice des politiques (Canada), Foundation for Defense of Democracies : Bonsoir, honorables sénateurs. Au cours des dix dernières années, j'ai eu le privilège de témoigner devant le Sénat à quelques reprises pour discuter du terrorisme en général et de la République islamique d'Iran en particulier. Je suis donc ravie d'être des vôtres aujourd'hui pour vous entretenir du projet de loi S-219, une mesure visant à mieux structurer la relation bilatérale entre le Canada et l'Iran.
Il faut définir cette relation en tenant compte de deux principales circonstances : premièrement, la manifestation d'un plus grand nombre de comportements malveillants et alarmants; et deuxièmement, la volonté de notre gouvernement de rétablir ses liens avec l'Iran.
Le Canada n'était pas partie au Plan d'action global conjoint relatif au programme nucléaire iranien convenu entre le groupe P5+1 et l'Iran, mais quoi qu'il en soit, il a écarté bon nombre des sanctions qu'il avait imposées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales après la mise en œuvre de l'accord.
Même si on avait bon espoir que le plan d'action aurait un effet modérateur sur les activités malveillantes de l'Iran, cela n'a pas été cas. Par exemple, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de la personne en Iran, l'ambassadeur Ahmed Shaheed, a indiqué que le nombre de violations des droits de la personne en Iran s'était accru depuis l'arrivée du président Hassan Rouhani, y compris au cours de la période suivant la conclusion de l'accord.
Le Canada fait maintenant face à un dilemme; il doit choisir entre sa volonté de renouveler sa relation avec le régime iranien et celle de le tenir responsable de ses actes pour, si je reprends les mots du premier ministre Trudeau, « sa position de violation des droits de la personne, de ses ambitions nucléaires et, bien sûr, du parrainage du terrorisme dans le monde entier. »
Même s'il existe de bonnes raisons de rétablir les anciennes sanctions à l'égard de l'Iran, aujourd'hui, je vais seulement vous parler de ce qu'il conviendrait de faire avec les sanctions actuelles, qui ont été imposées en vertu de la LMES en réaction au programme nucléaire de l'Iran.
La première option consiste simplement à lever toutes les sanctions imposées dans un effort concerté pour rassurer Téhéran et permettre aux entreprises canadiennes de profiter pleinement de tous les débouchés qui pourraient exister en Iran.
Mesdames et messieurs les sénateurs, à part les considérations politiques, on ne devrait pas se faire d'illusions quant aux risques pour les finances et la réputation des entreprises canadiennes qui voudraient percer sur le marché iranien. L'Iran ne s'est pas encore attaqué aux enjeux importants en matière de blanchiment d'argent dans tous les secteurs d'activité économique, en plus d'un problème de corruption systémique à la grandeur des organismes gouvernementaux. Le gouvernement iranien a montré une propension à prendre des étrangers en otage, ce qui met les intérêts internationaux à risque. Un système judiciaire opaque et arbitraire représente une menace pour les entreprises engagées dans un litige.
De plus, faire des affaires en Iran signifie invariablement faire des affaires avec le régime lui-même, particulièrement le chef suprême de ce régime et le Corps des gardiens de la révolution islamique, le CGRI, qui pourrait bien contrevenir aux sanctions américaines. Les entreprises américaines sont aux prises avec cet enjeu. Le Comité des services financiers de la Chambre des représentants des États-Unis a récemment tenu une audience pour discuter des préoccupations entourant une entente de plusieurs milliards de dollars entre le géant américain de l'aérospatiale, Boeing, et Iran Air, une compagnie aérienne appartenant au gouvernement qui a été complice de la prolifération des armes en Iran, de l'appui au terrorisme et de l'incitation à la haine en Syrie.
Les victimes du terrorisme peuvent également compliquer les choses pour les entreprises occidentales à la recherche de profits en Iran. Les avocats qui représentent les centaines de familles des victimes du terrorisme parrainé par l'Iran ont dit à Boeing qu'ils allaient enregistrer des privilèges sur tous les appareils vendus à l'Iran pour s'assurer de dédommager les victimes. Les entreprises canadiennes peuvent s'attendre à un traitement juridique semblable.
Il faut donc partir du principe que les avantages de faire des affaires en Iran sont assez limités. Toutefois, même s'ils ne l'étaient pas, bien que les intérêts financiers du Canada soient importants, on ne peut pas les dissocier de ses intérêts en matière de sécurité nationale et de son engagement à l'égard des droits de la personne.
Éliminer nos sanctions alors que les violations commises par l'Iran se multiplient ne fera qu'encourager l'Iran à poursuivre dans cette voie. Par conséquent, le Canada devrait se servir des sanctions qu'il lui reste pour contenir les élans de ce régime, appuyer les forces démocratiques libérales de ce pays et, au bout du compte, établir la ligne de conduite de Téhéran en vue de renforcer et d'améliorer la relation entre le Canada et l'Iran.
Pour ce qui est des sanctions qu'il reste, le Canada dispose de plusieurs autres options.
Certains soutiennent qu'Ottawa devrait simplement maintenir les sanctions, en réaction aux données qui nous indiquent que l'Iran enfreint déjà les conditions de l'accord nucléaire. Par exemple, le service du renseignement intérieur allemand a publié un rapport en juin dernier, selon lequel « les activités illégales d'approvisionnement et de prolifération » menées par l'Iran en Allemagne « atteignent un niveau assez élevé, particulièrement en ce qui a trait au matériel qui pourrait servir dans le domaine de la technologie nucléaire et du programme ambitieux de missiles de l'Iran. »
Une troisième possibilité serait de maintenir ou d'abolir les sanctions en vertu de la LMES liées au programme nucléaire de l'Iran, selon ce que le gouvernement juge approprié, tout en imposant de nouvelles sanctions plus sévères à l'égard de ses violations des droits de la personne.
La quatrième option figure déjà dans ce projet de loi. Le Canada devrait notamment lever les sanctions actuelles, dans la mesure où le régime met fin à ses activités terroristes, cesse de demander la destruction d'Israël et met un terme à son système de répression nationale. Cela cadrerait bien avec l'approche adoptée par les États-Unis; lorsqu'ils ont négocié un accord sur le contrôle des armes avec l'Union soviétique, un lien a été établi entre la sécurité, l'économie et les droits de la personne.
Conformément aux dispositions du projet de loi S-219, les sanctions actuelles imposées en vertu de la LMES doivent être maintenues jusqu'à ce que deux rapports annuels consécutifs concluent qu'il n'y a aucune preuve crédible établissant que des actes constituant des activités terroristes ou de l'incitation à la haine imputables à l'Iran ont été commis et que celui-ci a réalisé des progrès considérables dans le respect des droits de la personne. J'aimerais aborder brièvement ces trois critères.
Premièrement, le terrorisme. L'Iran est largement reconnu comme l'un des principaux États qui soutiennent le terrorisme, et il est sur la liste du Canada et des États-Unis. La République islamique d'Iran est impliquée dans des attaques terroristes à Beyrouth, à Berlin, à Buenos Aires et en Bulgarie, ainsi que dans les complots avortés pour faire sauter des bombes à l'aéroport JFK en 2007 et dans un restaurant de Washington (D.C.) en 2011.
En outre les forces Al-Qods, bras armé des Gardes de la révolution islamique, le Hamas et le Hezbollah — toutes des entités terroristes inscrites comme telles au Canada — continuent de bénéficier d'un soutien essentiel de l'Iran et d'en recevoir des directives. Même le président Obama, qui s'est débattu avec acharnement pour conclure une entente sur le nucléaire avec l'Iran, affirme que cet État continue de soutenir le terrorisme. Ainsi, aux États-Unis, malgré la levée de nombreuses sanctions relatives au nucléaire, la désignation de l'Iran comme étant un État qui soutient le terrorisme demeure intacte.
Le deuxième aspect est l'incitation à la haine de la part de l'Iran, que le projet de loi définit comme étant tout commentaire public, écrit ou non, qui incite à la haine ou au mépris envers un groupe identifiable ou un État membre des Nations Unies. Le but de cela est de contrer le langage déshumanisant que le régime emploie contre des groupes minoritaires en Iran comme les baha'is, ainsi que les appels à l'élimination de l'État juif d'Israël et ses habitants juifs. Dans ce dernier cas, c'est en fait un crime en vertu de la Convention sur le génocide, et comme l'ancien procureur général Irwin Cotler l'a écrit, lutter contre l'incitation à la haine de l'Iran est une responsabilité juridique que le Canada a l'obligation d'appliquer comme État signataire de la Convention sur le génocide. Il est important de souligner que la convention interdit le crime d'incitation en soi, qu'il y ait génocide ou pas par la suite.
La troisième condition au relâchement des sanctions en vertu du projet de loi S-219 est l'amélioration en Iran du respect des droits de la personne. Honorables sénateurs, la répression intérieure en Iran est choquante. Le régime écrase les soulèvements pour la démocratie; torture les détenus qui entrent dans le système carcéral au moyen de méthodes comme l'ablation chirurgicale des yeux, l'amputation des mains et la flagellation. Il affiche le taux par personne le plus élevé au monde d'exécutions en général, et d'exécutions d'enfants en particulier. Il impose la peine de mort à des filles d'à peine neuf ans pour des délits mineurs et persécute les membres de la communauté LGBT et des minorités religieuses et ethniques. Nous connaissons très bien la propension du régime à arrêter des Canadiens pour avoir insulté le caractère sacré de l'islam, pour avoir insulté le guide suprême de l'Iran ou, comme dans le cas d'Homa Hoodfar, pour avoir manifesté de l'intérêt pour le féminisme.
Je m'en voudrais de ne pas avoir mentionné que même s'il est souvent question, dans l'Ouest, du soutien du Kremlin à Bashar al-Assad en Syrie, les médias et les représentants des gouvernements ont eu tendance à oublier le rôle de Téhéran en tant que principal commanditaire étranger d'al-Assad. Le guide suprême Ali Khamenei, qui a le dernier mot sur toutes les questions de politique étrangère, et le Corps des gardiens de la révolution islamique, ou l'IRGC, qui se charge de l'exécution de la filière syrienne, se sont tous les deux donné beaucoup de mal pour protéger al-Assad.
Depuis cinq ans, le soutien de la République islamique d'Iran a pour effet de bien faire tourner la machine de mort de Bashar al-Assad, ce qui lui permet de commettre des crimes de guerre et des atrocités qui ont causé la mort de près d'un demi-million de personnes et le déplacement de la moitié de la population du pays, ce qui a donné lieu à la pire crise humanitaire du XXIe siècle.
Je le répète : l'Iran continue d'investir des sommes astronomiques dans les organisations terroristes à l'échelle planétaire, de torturer et d'exécuter des membres de la communauté gaie d'Iran et d'emprisonner des personnes ayant la double nationalité, notamment des Canadiens qui ont cherché un nouveau début avec le régime.
Le projet de loi S-219 propose un programme concret et bien calibré qui établit un juste équilibre entre les préoccupations du Canada concernant le comportement de l'Iran et ses objectifs de rétablissement. Il maintient les quelques sanctions restantes que nous avons contre l'Iran, jusqu'à ce que le régime fasse preuve d'une conduite appropriée correspondant à des normes de base. Il permet au Canada de rétablir les relations avec l'Iran tout en empêchant des personnes qui commettent les pires violations des droits de la personne de tirer parti de notre ouverture et de notre bonne volonté.
L'engagement du Canada en matière de droits de la personne et de lutte contre le terrorisme doit faire partie intégrante de nos relations officielles avec l'Iran et ne doit pas être que beaux discours. Je crois que le projet de loi S- 219 contribue à faire avancer les intérêts du gouvernement et les positions qu'il a énoncées concernant le rétablissement de ses relations avec l'Iran. Je vous invite fortement à appuyer ce projet de loi.
Merci.
Le sénateur Percy E. Downe (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Je vous remercie de vos exposés. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de votre exposé. Le gouvernement actuel aimerait entreprendre un dialogue avec l'Iran. Qu'est-ce que les parlementaires peuvent faire, quand ils amorcent ces discussions avec le régime iranien, pour veiller à soulever la question des droits de la personne, que ce soit concernant les baha'is, les musulmans sunnites ou les femmes et les étudiants?
Des Iraniens interagissent constamment avec moi par Twitter parce que je fais beaucoup de travail avec la communauté baha'ie de Toronto, et la dernière fois, c'était à propos de l'arrestation de quatre personnes qui offraient leur soutien à des prisonniers en grève de la faim. La liste des sévices n'a pas de fin; ils arrêtent des gens pour presque rien, et la prison d'Evin est célèbre. Quand vous y entrez, vous êtes chanceux d'en sortir.
Comment pouvons-nous faire des pressions sur le gouvernement?
Le sénateur Tkachuk : Nous ne sommes pas informés des discussions du gouvernement du Canada avec l'Iran, mais il y a des moyens d'obtenir la transparence — il y a manifestement la période des questions à la Chambre des communes. Et les Nations Unies font un suivi des violations des droits de la personne.
Pour revenir au projet de loi, cependant, ce que nous cherchons à obtenir, c'est la transparence. Autrement dit, le gouvernement aura son dialogue avec l'Iran. Rien ne peut l'en empêcher, et je ne pense pas que nous devrions faire quoi que ce soit pour l'en empêcher. Ils ont un programme, et je crois que leur programme est de faire la promotion des droits de la personne. Le ministre des Affaires étrangères, M. Dion, l'a dit et je n'ai aucune raison d'en douter, mais ce que le projet de loi fait, c'est rendre le processus plus transparent.
En d'autres mots, quand le gouvernement agit, c'est qu'il y a une raison. Il va déposer un rapport à la fin de mars, disant qu'il a fait ceci ou cela, et que cela a amélioré le respect des droits de la personne, et qu'il a pris certaines mesures qui ont amélioré la vie des Iraniens, et qu'il va donc peut-être faire ceci ou cela pour étendre encore le commerce ou les discussions avec l'Iran.
C'est à peu près tout ce que je peux dire sur cette question. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre a quelque chose à dire.
Mme Saperia : Je pense que c'est une excellente question, et le projet de loi traite exactement de cela, ce qui dépasse le simple fait que le gouvernement discute avec l'Iran, car nous obtenons ainsi l'assurance que le respect des droits de la personne et le terrorisme sont des enjeux qui comptent. Cependant, je crois que l'intérêt explicite que notre gouvernement a exprimé nous rend vulnérables aux exigences de l'Iran. « Oh, Canada, vous souhaitez tellement faire des affaires ici; nous allons vous dire les conditions à respecter pour faire votre entrée sur notre marché. » Mais ce projet de loi change la dynamique et dit : « Oui, le Canada va en effet continuer de discuter avec l'Iran, mais voici les jalons que vous, Téhéran, devez franchir pour que nous poussions plus loin notre relation. »
En fait, les relations pourraient se dérouler mieux en raison des critères qui sont énoncés. Le gouvernement précise les critères auxquels il est lié. Nous ne pouvons vous donner rien de plus, à moins que vous en fassiez davantage sur les questions du respect des droits de la personne, du terrorisme ou de l'incitation à la haine. Plutôt que de compter uniquement sur les représentants du gouvernement pour dire les bonnes choses, nous laissons de côté les beaux discours pour plutôt imposer des conditions officielles qu'il faut respecter avant le retrait d'autres sanctions.
La sénatrice Ataullahjan : Avec l'élection du nouveau président aux États-Unis, je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression qu'on souhaite établir aussi des relations avec l'Iran. Les ambitions de l'Iran sont bien connues. Vous n'avez qu'à regarder du côté du Yémen. L'Arabie saoudite et l'Iran s'y font la guerre. Il faut que vous regardiez ce que l'Iran fait concernant ses voisins, que ce soit l'Afghanistan ou le Pakistan — l'interférence aux frontières et la façon dont il encourage les chiites à causer des troubles civils.
Craignez-vous que cela change notre perception à tous de l'Iran et la façon dont nous sommes prêts à discuter? Il faut dire que je crois dans une certaine mesure au dialogue, mais il faut certaines conditions pour ce dialogue.
Le sénateur Tkachuk : Je pense qu'il y a en ce moment beaucoup de spéculation sur ce que le nouveau président élu fera. Il nous est très difficile d'emprunter cette direction, car nous n'avons aucune idée de ce qu'il va faire, honnêtement.
La sénatrice Ataullahjan : Je me fie à des rapports qui nous sont venus de là, et j'étais préoccupée, car je suis sûre que si vous suivez la situation, vous savez qu'une conversation s'amorce.
Mme Saperia : C'est intéressant, car les remarques du président élu, M. Trump, au sujet de la Russie et de la Syrie sont source de préoccupations, d'un côté, mais il s'est montré extrêmement critique, de l'autre côté, concernant le plan d'action global commun, l'entente sur le nucléaire, et il parle de le déchirer, ce qui ne se produira pas d'après moi — en tout cas, pas le premier jour. Cependant, certaines choses pourraient changer sous sa présidence, sans que l'entente sur le nucléaire soit déchirée, et certains critiques de l'entente sur le nucléaire seraient satisfaits. Entre autres, cela causera des craintes et de l'incertitude pour les entreprises de l'Ouest qui souhaitent faire des affaires en Iran, car il y a maintenant un nouveau président, et tout est sur la table. Je pense que ces entreprises vont s'inquiéter encore plus des nouvelles sanctions qui vont venir rendre leurs vies encore plus difficiles.
L'une des choses que le président Obama a faites et que bien des gens souhaitent voir le président Trump faire, c'est mettre un frein aux violations de l'entente sur le nucléaire qui se produisent très progressivement. Étant donné que le président Obama semble vraiment vouloir cette entente, il a fermé les yeux sur certaines de leurs violations; je pense que le président Trump ne ferait pas nécessairement cela.
L'entente sur le nucléaire donne aux pays de l'Ouest la latitude de rejeter les mauvais comportements de l'Iran. Vous verrez peut-être cela avec le nouveau président.
La sénatrice Ataullahjan : Merci.
Le vice-président : Mais n'est-il pas aussi vrai que ce qui s'est produit avec l'annonce par les Iraniens de l'achat d'avions, c'est qu'ils ont réellement freiné tout ce que le président élu Trump ferait à ce sujet, car s'il fait quelque chose, ils vont annuler ce marché?
Mme Saperia : Pouvez-vous répéter la question?
Le vice-président : Dans votre exposé, vous avez parlé du marché que les Iraniens ont annoncé, concernant l'achat d'avions américains. Il me semble que c'est plus qu'une coïncidence, qu'ils aient fait cela après l'élection de M. Trump, mais avant son assermentation. S'il fait quelque chose dès le premier jour, ne vont-ils pas annuler ce marché?
Mme Saperia : Je ne suis pas sûre que ce marché allait être conclu avant son élection; je pense que c'était avant l'élection. Et je ne sais pas ce qui va advenir de ce marché; voilà toute la question. Je pense que les entreprises de l'Ouest doivent être extrêmement méfiantes dans leurs relations d'affaires avec l'Iran. Quelles que soient les pressions exercées par les entreprises canadiennes sur le gouvernement, je pense que tout le monde devrait prendre du recul et attendre un peu.
Le vice-président : D'accord.
La sénatrice Eaton : Renseignez-moi. C'est très intéressant. Quelles sanctions non liées au nucléaire avons-nous en ce moment contre l'Iran?
Mme Saperia : Nous n'avons rien en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Toutes les sanctions contre l'Iran en vertu de la LMES sont liées au nucléaire. Avec une définition plus large des sanctions, nous pourrions dire que l'Iran est un État qui soutient le terrorisme en vertu des lois canadiennes, mais ce n'est pas une sanction économique en vertu de la LMES.
La sénatrice Eaton : Nous n'avons absolument aucune sanction économique contre eux.
Mme Saperia : Seulement pour le nucléaire.
La sénatrice Eaton : Rien pour les violations flagrantes des droits de la personne?
Mme Saperia : C'est cela.
La sénatrice Eaton : Les actes terroristes? Rien?
Mme Saperia : C'est cela.
Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre exposé. Quelle est la position de la Foundation for Defense of Democracies concernant le Plan d'action global conjoint?
Mme Saperia : Oui. La Foundation for Defense of Democracies, où je travaille, est un groupe de réflexion basé aux États-Unis. Je suis une Canadienne qui travaille dans le domaine des politiques canadiennes, alors je ne connais pas particulièrement bien le volet américain. C'est là-dessus que je me concentre et je serais ravie de vous donner de l'information à ce sujet.
Globalement, nous sommes d'avis que l'entente est très viciée et qu'elle donne à l'Iran une occasion de développer patiemment sa capacité et d'obtenir tout ce qu'il veut. Il n'a qu'à attendre encore un peu. Dans huit ans, presque toutes les sanctions auront disparu. Dans 15 ans, il aura un meilleur accès aux matières nucléaires. Il sera beaucoup mieux à même de créer une arme nucléaire rapidement. Je peux entrer dans les détails, si vous le voulez.
Pour la prochaine décennie, l'Iran n'a qu'à faire preuve de patience pour devenir une puissance nucléaire seuil dotée d'un programme d'enrichissement de l'uranium et de plutonium de taille industrielle, mais d'une capacité presque nulle en cas de scission nucléaire, et ayant des programmes de missiles balistiques et de missiles balistiques intercontinentaux avancés ainsi qu'une économie plus puissante qui pourrait alors être immunisée aux sanctions de l'Ouest, dans 15 ans.
L'entente sur le nucléaire comporte une autre faiblesse majeure — c'est là que votre projet de loi représente une amélioration —, et c'est qu'elle ne fait aucun lien avec ces enjeux liés à la sécurité, à l'économie ou aux droits de la personne et qu'elle ne fait rien pour résoudre la gamme complète des activités illicites de l'Iran. Même si l'Iran a temporairement réduit une partie de ses activités nucléaires en vertu de l'entente, ses autres activités pernicieuses, comme le terrorisme et les violations des droits de la personne, s'accroissent et s'accélèrent, en réalité.
Donc, avec le retrait de certaines des sanctions américaines, Téhéran a maintenant la devise forte qu'il lui fallait absolument pour régler ses dettes impayées, commencer à réparer son économie et consacrer les fonds libérés au financement du terrorisme. Il y a un an environ, en janvier 2016, le secrétaire d'État John Kerry admettait que l'Iran utiliserait une partie des fonds dégagés dans le sillage de la levée des sanctions pour soutenir le terrorisme.
Le sénateur Woo : Est-ce aussi votre position? Vous avez dit ne pas représenter l'organisation mère américaine, mais vous adoptez ce même point de vue, et vous êtes d'avis que le Canada ne devrait pas appuyer le Plan d'action global conjoint?
Mme Saperia : Je pense que même ceux qui critiquent les détails de l'entente avec l'Iran ont très bien compris pourquoi les États-Unis et leurs alliés européens souhaitaient tant conclure une entente avec l'Iran. J'estime que là où nous avons échoué, c'est que l'Ouest voulait tellement conclure une entente qu'il en est venu à conclure une mauvaise entente. Je pense que nous aurions dû être prêts à reculer pour veiller à conclure une entente valable. Alors oui, je dirais que cette entente est très viciée.
Le sénateur Woo : Merci.
Le sénateur Ngo : Je vous remercie de vos exposés.
Nous savons que le Canada n'impose jamais de sanctions seul, alors ce projet de loi mettrait en place des changements qui pourraient changer les choses, par rapport à l'Iran — des sanctions imposées par l'État. Pensez-vous que les sanctions unilatérales contre l'Iran seraient efficaces, avec ce projet de loi?
Mme Saperia : Vous voulez savoir si vos sanctions unilatérales seront efficaces?
Le sénateur Ngo : Oui.
Mme Saperia : Les sanctions canadiennes à elles seules ne vont pas causer la faillite de l'Iran. Mais nous commençons par prendre position. C'est symbolique. Deuxièmement, même si le Canada n'est pas le joueur le plus important sur la scène mondiale, nous sommes importants pour nous-mêmes, et ce projet de loi décrit ce que nos relations bilatérales avec l'Iran devraient être. Donc, dans la mesure où cela exerce de la pression sur le régime iranien de la part du gouvernement canadien, peu importe la mesure de cette pression, c'est quand même ce que j'estime que nous devons faire.
Le sénateur Tkachuk : C'est aussi le reflet de nos valeurs.
Le sénateur Ngo : Merci.
Le sénateur Moore : Merci à nos témoins de leur présence.
Avons-nous eu une réaction ou une réponse des autorités iraniennes au Canada concernant ce projet de loi? Est-ce que quelqu'un a dit quelque chose? Savons-nous s'ils sont même au courant de cela, à l'ambassade? Est-ce que quelqu'un nous a dit quelque chose, à nous, au Sénat ou à n'importe qui d'autre?
Le sénateur Tkachuk : Personne n'a rien dit à notre bureau, que je sache. Je ne sais pas si quelqu'un a dit quelque chose à un bureau du gouvernement, mais il n'y a rien eu à notre bureau.
Le sénateur Moore : Savons-nous s'ils ont dit quelque chose au ministre des Affaires étrangères, au gouvernement fédéral?
Le sénateur Tkachuk : Je n'ai rien entendu. Et ça fait un bon moment.
Le sénateur Moore : C'est un projet de loi très important, et cela fait un bon moment, alors je pense que si cela préoccupait quelqu'un, on aurait communiqué avec l'un de vous.
Le sénateur Tkachuk : Ils attendent peut-être. C'est un long processus. Vous savez exactement de quoi je parle.
Le sénateur Moore : Je sais, mais c'est une question de portée internationale et c'est très important. D'accord. Merci.
Le sénateur Tkachuk : Merci, sénateur Moore.
La sénatrice Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente : Il n'y a pas d'autres questions? Je m'excuse auprès du sénateur Tkachuk et des témoins. Je vous promets de lire tous les témoignages. J'ai dû résoudre deux problèmes relatifs à ce comité à la chambre, et comme vous le savez, ils sont en train de régler bien des choses. Je suis désolée d'avoir dû m'éclipser. Je n'ai pas pu prendre la parole aussi rapidement que j'aurais dû, parce que les sénateurs peuvent se lever et intervenir, mais il y a eu un bon débat, et j'ai dû attendre. Je vous assure que ce n'est pas par manque de respect pour votre projet de loi, et je vous remercie d'avoir comparu devant le comité et de l'avoir fait aussi efficacement. Vous avez dit qu'il faudrait une heure, et je pense que vous vous en êtes tenu à moins que cela, sénateur Tkachuk. Merci beaucoup.
Le sénateur Tkachuk : Merci, madame la présidente, et merci de nous avoir reçus. Nous sommes des sénateurs et comprenons pourquoi vous avez dû vous absenter, et parce que nous vous connaissons, nous savons très bien que vous allez lire tous les témoignages.
La présidente : Et je vais vous poser d'autres questions.
Le sénateur Tkachuk : Je n'ai aucun doute à ce sujet.
La présidente : Honorables sénateurs, nous allons suspendre la séance afin de poursuivre à huis clos pour un point à l'ordre du jour. Nous allons demander aux sénateurs de rester.
(La séance se poursuit à huis clos.)