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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 17 - Témoignages du 8 février 2017


OTTAWA, le mercredi 8 février 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne, se réunit aujourd'hui, à 16 h 22, pour étudier ce projet de loi.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Ce soir, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

Je souhaite la bienvenue à notre témoin, Mme Marina Nemat, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Toronto. Mme Nemat est membre du conseil d'administration du Centre canadien pour victimes de torture. En 2007, Mme Nemat a publié un récit de sa vie en Iran, intitulé Prisonnière à Téhéran. Elle est aussi l'auteure d'un autre livre, After Tehran : A Life Reclaimed, publié en 2010.

Merci d'être venue témoigner devant nous. Nous allons d'abord entendre vos remarques liminaires à prononcer avant de passer aux questions. Bienvenue au comité.

Marina Nemat, à titre personnel : Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous.

Permettez-moi de vous donner un bref résumé. Je suis née à Téhéran en 1965. Lorsque j'avais 13 ans, la Révolution islamique a éclaté. J'allais à l'école secondaire à l'époque. Lorsque nos cours de mathématiques et de sciences ont été remplacés par de la propagande religieuse, j'ai protesté, ce qui a mené à mon arrestation, à l'âge de 16 ans, en 1982. J'ai été conduite à la prison d'Evin, avec des centaines et des centaines d'autres jeunes.

Dans les années 1980, il y a eu des vagues d'arrestations massives de jeunes en Iran. Après mon arrestation, j'ai été emmenée dans une salle d'interrogatoire. Deux hommes m'ont attachée à un lit de bois dépouillé. Ils m'ont enlevé mes chaussettes et mes chaussures. Ils m'ont menottée. Quand ils m'ont menottée, ils ont ri, car je pesais 90 livres, et ils ont compris que mes mains glisseraient des menottes. Ils ont donc placé mes deux poignets dans la même menotte. Lorsqu'elle s'est refermée, mon poignet droit a craqué, et la torture n'avait même pas encore commencé. Encore une fois, rappelez-vous que j'avais 16 ans et que je pesais 90 livres.

Lorsqu'ils m'ont enlevé mes chaussettes et mes chaussures, ils m'ont fouetté les deux pieds avec un bout de câble d'environ un pouce d'épaisseur. Chaque coup faisait exploser mon système nerveux. Ensuite, il se rétablissait comme par magie, et j'étais complètement éveillée au coup suivant.

Ils ne se sont pas arrêtés pour me poser la moindre question lorsqu'ils me battaient. Ils ont simplement continué à le faire.

À ce stade, si le diable m'était apparu pour me dire que si je lui vendais mon âme, il me ramènerait à ma mère, je la lui aurais vendue avec de la chantilly et une cerise sur le dessus. J'aurais fait n'importe quoi pour retourner à la maison, mais ce n'était pas une option.

J'ai passé deux ans à la prison d'Evin. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je pense qu'il suffit de dire que j'ai été torturée. J'ai été violée. La nuit, j'entendais les coups de feu qui mettaient fin à la vie de mes amis et je ne savais jamais quand mon tour viendrait.

Je fais partie de ceux qui ont eu de la chance. Je fais partie des survivants. Nombre de mes amis sont enterrés dans des fosses communes en Iran.

C'est arrivé il y a de nombreuses années. J'ai aujourd'hui 51 ans. Je vis au Canada depuis 1991. Nombre de mes bourreaux sont décédés, mais d'autres ont pris leur place. En Iran, les prisonniers sont toujours torturés, et ce pays compte toujours le plus d'exécutions par habitant au monde. Les gens continuent d'être généralement maltraités dans les prisons iraniennes. J'ai perdu l'espoir que quiconque a participé directement à mes exactions et à mon viol en soit tenu responsable, mais le fait est qu'il y a toujours des gens en Iran qui torturent et maltraitent quotidiennement des prisonniers.

Je fais partie de ceux qui ne croient pas en l'invasion de l'Iran ou d'un quelconque autre pays, en fait. Je m'oppose à l'imposition de sanctions générales à un pays, car ce type de sanctions nuit habituellement aux gens. Ce n'est pas du tout ce que je souhaite.

Cependant, je connais bien la loi Magnitski qui impose des sanctions ciblées très précises aux responsables russes qui ont participé directement à des actes de torture. J'aimerais beaucoup que l'on prenne les mêmes mesures à l'encontre des responsables iraniens qui ont participé à des actes de torture, de terrorisme, de mauvais traitement des prisonniers — ce type de choses.

Comme je fais partie de la communauté carcérale, je sais qu'il existe des bases de données et qu'il n'est pas du tout difficile d'obtenir le nom de ces individus. Je sais que nombre d'entre eux ont des propriétés et des comptes en banque au Canada.

Permettez-moi de vous dire qu'un jour, une de mes compagnes de cellule est tombée face à face avec son interrogateur dans le métro de Toronto. Elle n'arrivait plus à respirer. Elle a fait une dépression nerveuse.

Aucun d'entre nous ne veut que les interrogateurs qui nous ont torturés subissent le même sort. Aucun d'entre nous ne veut que nos interrogateurs et nos bourreaux soient exécutés et maltraités ou qu'ils subissent quelque violence du genre, mais il doit y avoir un quelconque mécanisme de reddition de comptes à l'échelon international. Encore une fois, la loi Magnitski a montré que c'est effectivement possible.

J'ignore si nous pouvons le faire au Canada, mais si c'est possible, j'en serais extrêmement reconnaissante. Je sais que nombre de mes compagnes de cellule et les familles de ceux qui sont décédés à la prison d'Evin le seraient aussi.

La présidente : Merci.

Vous avez fait allusion à la loi Magnitski, qui diffère de la mesure législative à l'étude. Avez-vous eu l'occasion de jeter un coup d'œil au projet de loi S-219?

Mme Nemat : Oui, j'en ai eu l'occasion.

La présidente : Il vise précisément l'Iran. Avez-vous des commentaires à formuler à son égard?

Mme Nemat : J'aimerais beaucoup qu'il soit mis en œuvre.

La présidente : Vous siégez maintenant au conseil d'administration du Centre canadien pour victimes de torture. Pourriez-vous nous en expliquer le fonctionnement? Est-il relié à d'autres centres internationaux ou s'agit-il d'un centre indépendant au Canada?

Mme Nemat : Nous sommes tous connectés, toutes les victimes de torture dans le monde entier. Elles sont nombreuses. Je ne saurais vous dire combien elles sont exactement, mais il y en a pas mal. Je connais celui du Danemark. Nous sommes tous étroitement liés. Nous fonctionnons en autonomie, plus ou moins, mais nous communiquons entre nous et nous collaborons à des programmes.

La présidente : Merci.

Le sénateur Oh : Merci de votre présentation.

Vous avez mentionné plus tôt qu'une de vos amies était arrivée face à face avec quelqu'un qui l'avait interrogée. C'était à Toronto.

Mme Nemat : Oui.

Le sénateur Oh : Avez-vous une idée du nombre d'interrogateurs iraniens qui vivent au Canada? Comment font-ils pour entrer au pays?

Mme Nemat : Ils présentent simplement une demande. Ils viennent ici avec des visas de touristes ou comme immigrants. Ils ont généralement beaucoup d'argent, des comptes en banque très imposants. Si vous voulez connaître le nom de certains d'entre eux, on peut s'arranger pour vous les fournir.

Le sénateur Oh : Y a-t-il un organisme de votre côté qui retrace ces personnes qui vivent au Canada?

Mme Nemat : Divers organismes le font. Le Centre canadien pour les victimes de torture ne le fait pas, mais il est clair que nous tombons sur le nom de ces personnes parce que nombre de leurs victimes vivent au Canada. Il existe de nombreux organismes dans le monde qui les retracent.

Le sénateur Oh : Pendant la Deuxième Guerre mondiale, on a retracé les persécuteurs et bien d'autres personnes. Je pense que nous devrions prendre des mesures pour intenter des poursuites contre les gens qui ont commis des actes criminels très graves avant de venir au Canada.

Mme Nemat : Je l'espère.

La sénatrice Bovey : Merci d'être venue aujourd'hui et de nous avoir donné un bref aperçu de vos expériences.

Je me suis intéressée à un entretien que vous avez accordé à la SRC en 2010, lors de la parution de votre second livre. À cette occasion, vous avez dit quelque chose qui m'a beaucoup interpellée :

La démocratie ne peut être exportée; elle doit être atteinte, et ce n'est pas un événement, mais bien un processus.

Étant donné que nous discutons du projet de loi S-219, de quelle partie de ce processus pensez-vous qu'il s'agisse?

Vous avez dit plus tôt que vous étiez contre les sanctions générales, mais que vous estimiez que les sanctions ciblées avaient leur raison d'être. Selon vous, quel rôle les sanctions peuvent-elles jouer? Favoriseraient-elles le développement de la démocratie ou lui nuiraient-elles?

Mme Nemat : Je suis certaine que vous comprenez que le peuple et le gouvernement iraniens sont deux entités très différentes. L'Iran a été une terrible dictature, et le prix à payer pour la dissidence est extrêmement élevé. En gros, ma génération a servi d'exemple de ce que les autorités feraient subir aux gens qui les dénonçaient, et le message a été reçu. Les Iraniens ont compris que s'ils parlaient, il y aurait pour eux et leurs enfants d'horribles conséquences.

Nous devons donc faire la distinction entre le peuple et le gouvernement iraniens. Grosso modo, les Iraniens sont les otages de leur gouvernement. Cependant, le gouvernement a la mainmise sur les médias. En conséquence, si les pays occidentaux imposent des sanctions générales à l'Iran et les Iraniens n'arrivent pas à acheter des médicaments pour leurs enfants ou à se nourrir à cause d'une hausse marquée du prix des denrées alimentaires, le gouvernement de l'Iran leur dira que c'est la faute de l'Occident, que c'est à cause du Canada, des États-Unis, de la France et de l'Allemagne qu'ils souffrent. Parce qu'ils contrôlent tous les médias, ils pourront faire en sorte que les Iraniens finissent par blâmer l'Occident, car il est plus facile de blâmer les ennemis de l'extérieur que de l'intérieur.

Cependant, si les sanctions sont ciblées, si elles ne visent pas le peuple iranien, mais bien certains individus... En passant, permettez-moi de vous dire que la plupart de ces individus sont aussi assez bien connus en Iran. Ils vivent dans des maisons énormes, de véritables palaces. Ils sont horriblement riches et ont très mauvaise réputation.

Alors si nous nous en prenons à ces individus, si le peuple iranien constate que l'Occident ne souhaite pas le faire souffrir, qu'il vise plutôt à faire souffrir les bourreaux, les meurtriers et les violeurs, il finira par comprendre, selon moi, le véritable objectif des sanctions.

La sénatrice Bovey : Dans le cadre du même entretien — de toute évidence, je l'ai trouvé intéressant — vous avez dit :

Les dictatures tombent. C'est une règle de l'histoire. L'an dernier, les Iraniens ont montré au monde qu'ils en avaient assez de leur système politique...

Manifestement, vous dites qu'ils en ont toujours assez de leur système politique.

Vous avez aussi affirmé que :

Ce dont le mouvement anti-régime a besoin en Iran est d'un dirigeant qui parle pour tout le monde...

Pour en revenir à la citation que j'ai utilisée tout à l'heure concernant le processus, où en est rendu le processus? Y a- t-il eu des changements au cours des sept dernières années?

Mme Nemat : Les choses ont un peu bougé. Je suis en contact quotidien avec des jeunes en Iran. Il est clair que la dissidence existe et qu'elle revêt plusieurs formes mais, comme je l'ai mentionné, son prix est très élevé et n'a pas baissé au cours des 10 dernières années. Même si l'Iran a élu un président soi-disant modéré, rien n'a fondamentalement changé. Les gens sont toujours torturés et violés dans les prisons iraniennes. C'est la même chose qu'avant.

Un des énormes problèmes associés à un mouvement répandu en Iran est ce qui se passe dans la région. J'ai de nombreux amis là-bas qui me disent : « Marina, tu as tout à fait raison; nous devons nous débarrasser de ce régime. Cela dit, regarde ce qui se passe en Syrie. Veux-tu que la même chose se produise ici? Si nous bougeons, le pays en entier sera réduit en cendres. Nous allons tous mourir parce que la quantité d'argent et d'armes que détiennent les gardes révolutionnaires dépasse l'entendement. » C'est impensable que les Iraniens puissent se rebeller contre pareil opposant; s'ils le font, une guerre civile éclatera. Est-ce vraiment ce que nous voulons voir survenir en Iran? Absolument pas.

Tant que la situation en Syrie ne sera pas réglée, nous ne verrons pas de changements importants en Iran, car les Iraniens sont terrorisés. Cela ne signifie pas que la communauté internationale ne devrait pas s'élever contre le mépris général et horrible pour les droits de la personne dans ce pays. Je pense qu'il est de notre devoir de le faire.

Encore une fois, je ne crois pas en la guerre. Je ne crois pas que la démocratie puisse être contrariée; pas du tout. Et je ne crois pas en des sanctions générales parce qu'elles causent du tort aux gens, mais il y a d'autres mesures que nous pouvons prendre.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d'être venu nous livrer votre récit aujourd'hui. Il est assez émouvant et horrifiant d'entendre certaines des choses qui sont arrivées. C'est une chose de les lire, mais une autre d'entendre une personne vous raconter son expérience personnelle — cela les rend encore plus réelles.

J'ai aussi pensé que vous aviez fait une importante distinction lorsque vous avez parlé de la différence entre le peuple et le gouvernement iraniens. Nous devons toujours garder cela à l'esprit lorsque nous faisons des généralisations fréquentes concernant un pays. En effet, les gens du pays veulent vivre dans la paix et l'harmonie; c'est avec le gouvernement que nous devrions faire affaire.

J'ai reçu une lettre du président du Congrès irano-canadien. Peut-être que tous les membres du comité l'ont aussi reçue, je n'en suis pas certaine. Dans sa lettre, il dit :

En tant que citoyen canadien de descendance iranienne, je trouve le projet de loi S-219 profondément préoccupant, inopportun et préjudiciable à l'égard de la communauté irano-canadienne forte de 350 000 membres.

Il affirme ensuite que le Congrès irano-canadien — je le dis dans mes propres termes — appelle le gouvernement du Canada à rétablir les relations diplomatiques avec l'Iran, y compris à rouvrir les ambassades dans les deux pays puisqu'il s'agit d'une question de la plus haute importance.

J'ai aussi reçu des messages de personnes qui faisaient valoir que si nous voulions avoir une incidence et améliorer les choses, nous ne pouvions pas le faire sans dialogue, que la fermeture de l'ambassade était peut-être une erreur, et que nous ne pouvions rien faire si nous n'avions personne dans le pays même qui puisse assurer les liens diplomatiques.

Vous avez mentionné que vous aviez lu le projet de loi. Votre avis diffère-t-il de celui du président du Congrès irano- canadien ou pensez-vous que ses préoccupations soient justifiées?

Mme Nemat : Permettez-moi de vous expliquer quelque chose. Lorsque l'ambassade a fermé ses portes à Ottawa, j'étais en train de négocier la libération de Hamid Ghassemi-Shall, le citoyen irano-canadien qui a été incarcéré pendant cinq ans à la prison d'Evin. Je travaillais à l'échelle internationale avec son épouse. Nous étions allées en Italie et au Royaume-Uni. Nous étions en discussions avec le gouvernement du Canada et nous venions d'entrer en communication avec quelqu'un de l'ambassade iranienne. Ce n'est pas moi qui communiquais directement avec l'ambassade, mais bien sa femme, Antonella. Je suis sur la liste des personnes recherchées de l'Iran, alors je n'ai pas voulu compliquer les choses lorsqu'il a fallu parler avec l'Iran. J'ai témoigné au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies contre le gouvernement iranien, si bien que je n'ai pas voulu m'en mêler. Antonella était en pleine négociation. La fermeture de l'ambassade nous a toutes les deux fait pleurer parce qu'elle a réduit à néant tous les efforts qu'elle avait déployés pour communiquer avec l'Iran.

Non, je ne sais pas pourquoi nous avons besoin de tout voir en noir et blanc. Pourquoi ne pas voir les choses en nuances de gris? Selon moi, nous pouvons exercer une influence par le truchement de la diplomatie. Je crois fermement que l'Iran, ou tout pays qui le souhaite, devrait avoir une ambassade au Canada. Et le Canada devrait avoir une ambassade dans tous les pays, bien sûr. Il ne suffit pas de discuter avec ses amis; ce sont les discussions avec ses ennemis que l'on appelle la diplomatie. Je ne suis pas contre les discussions ou les négociations, même avec mes pires ennemis.

N'oubliez pas un seul instant qu'il s'agit des gens qui m'ont attachée à un lit de bois dépouillé lorsque j'avais 16 ans, qui m'ont arrachée à ma famille et violée à répétition. Alors, je crois que je devrais leur parler s'ils veulent discuter avec moi. L'ennui, c'est qu'ils ne veulent pas, car j'ai essayé au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève. J'ai essayé. Lorsque j'ai témoigné contre eux, les membres de la délégation iranienne étaient assis en face de moi. Ils n'ont jamais croisé mon regard. J'étais là pour leur parler, mais ils ne m'ont même par regardée dans les yeux.

Je crois fermement aux négociations. Je crois que nous devrions avoir une ambassade en Iran. Je crois que l'Iran devrait en avoir une ici. Mais, parallèlement, je crois que ceux qui sont, qui ont été, des bourreaux en Iran, qui ont violé des filles de 16 et 17 ans et qui ont maintenant des millions de dollars dans des comptes en banque au Canada devraient être tenus responsables de leurs actes.

Encore une fois, j'ignore si c'est même possible côté pratique, mais si ce l'est... je comprends que le Congrès irano- canadien ait peur à cause de ce qui se passe aux États-Unis. Tout le monde est terrifié, car aux États-Unis, on brosse à grands traits une image négative des Iraniens. Je suis iranienne, tout comme mes bourreaux, mais sommes-nous tous les mêmes? Devrions-nous être perçus de la même façon? Absolument pas. Je suis la victime. Ce sont les bourreaux. Il faut donc faire une distinction. Voilà où je veux en venir. Il faut faire la distinction entre ceux qui souffrent et ceux qui infligent des souffrances. S'il est possible d'y arriver, par l'intermédiaire, bien sûr, de négociations et de relations diplomatiques, je n'ai absolument rien contre.

Le sénateur Gold : Merci d'avoir accepté de nous parler.

Je ne suis toujours pas certain de bien saisir vos vues quant à la portée précise du projet de loi à l'étude. J'ai cru comprendre que vous avez dit qu'une mesure législative semblable à la loi Magnitski, axée sur les auteurs des actes atroces dont vous et vos pairs avez été victimes, devrait faire en sorte qu'ils soient traduits en justice au Canada s'agissant notamment de leur présence et de leurs propriétés.

En fait, nous étudions pareille mesure législative en comité. Cependant, le projet de loi à l'étude me semble avoir une portée plus vaste et une orientation différente, en quelque sorte. Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la portée précise de cette mesure législative en particulier? Dans votre esprit, est-elle aussi ciblée qu'un projet de loi semblable à la loi Magnitski ou comporte-t-elle des aspects qui, selon vous, vont peut-être au-delà de ce que vous estimez être préférable?

Mme Nemat : Certains éléments du projet de loi actuel peuvent être améliorés. C'est clair. Je ne crois pas qu'il soit parfait.

Je pense que je l'explique assez clairement, mais je dois préciser que je ne suis ni avocate, ni politicienne. Je suis ici à titre de témoin, de victime du régime iranien. Je vous dis, au nom de nombreuses victimes, ce que nous aimerions voir. Nous aimerions que l'on impose des sanctions ciblées à l'encontre des responsables qui nous ont fait du mal ainsi qu'à nos familles et qui ont tué nos amis.

Parallèlement, nombre de mes amis et moi-même croyons aussi que, dans l'intérim, nous ne nous opposons pas à ce que l'Iran ait une ambassade ici ou que le Canada en ait une là-bas, car cela peut s'avérer utile. Si nous pouvons modifier le projet de loi de façon à tenir compte de tous ces détails, ce serait fantastique.

J'utilise toujours la loi Magnitski comme exemple parce que la connais extrêmement bien. Je l'ai lue à maintes reprises. J'ai fait affaire avec les personnes qui l'ont rédigée, alors je la connais très bien. Est-ce que je pense que ce projet de loi est aussi bon que la loi Magnitski et aussi ciblé? Non, je ne le pense pas.

Je serais plus que ravie de prendre le temps — à une autre occasion, peut-être — de l'examiner ligne par ligne et de vous dire exactement quelles sont celles que j'aimerais modifier.

Le sénateur Gold : Merci beaucoup.

La présidente : Merci. Je pense que le fait de savoir que vous estimez que le projet de loi a ses mérites nous permet de terminer sur une note positive. Vous nous avez fait part de vos vues concernant les modifications à y apporter. Votre message a été très clair et concis. J'admire quiconque peut traverser les épreuves que vous avez traversées et relater ses souvenirs avec autant d'impartialité. Nous vous remercions d'avoir été avec nous.

(La séance est levée.)

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