Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et
du commerce international
Fascicule no 21 - Témoignages du 5 avril 2017
OTTAWA, le mercredi 5 avril 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi C-30, Loi portant mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres et comportant d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 16 h 19, pour poursuivre son étude de ce projet de loi.
Le sénateur Thanh Hai Ngo (président suppléant) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président suppléant : Bienvenue à tous au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je suis le sénateur Ngo, président suppléant pour la présente réunion.
[Traduction]
Nous nous rencontrons aujourd'hui pour poursuivre notre étude du projet de loi C-30, Loi portant mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres et comportant d'autres mesures.
[Français]
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Son Excellence Mme Marie-Anne Coninsx, ambassadrice de la Délégation de l'Union européenne au Canada. Elle est accompagnée de M. Karsten Mecklenburg, chef de la Section économique et commerciale, de la Délégation de l'Union européenne au Canada.
[Traduction]
Merci d'avoir accepté notre invitation de comparaître devant le comité. Nous avons hâte d'entendre vos exposés et vos réponses à nos questions.
Vous pouvez parler en français ou en anglais, selon votre préférence, mais veuillez le faire à un rythme modéré afin de permettre aux interprètes de bien communiquer tout ce que vous dites. La parole est à vous.
[Français]
Marie-Anne Coninsx, ambassadrice, Délégation de l'Union européenne au Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, honorables sénateurs. Je vous remercie sincèrement de m'avoir invitée à témoigner dans le cadre de ce débat très important sur l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne. Je m'exprimerai dans ma présentation en anglais, mais je suis tout à fait disposée à répondre à des questions en français.
[Traduction]
Honorables sénateurs, en guise d'introduction, j'aimerais mettre l'accent sur la motivation et le contexte liés à cet accord de libre-échange de nouvelle génération sans précédent, et ce, du point de vue de l'UE.
En 2009, nous avons entrepris les négociations liées à l'AECG, mais la voie avait déjà été bien préparée — et j'ajouterais ici, par les deux parties — notamment grâce à une étude exploratoire sur les avantages de l'accord, qui, déjà, était très positif.
Dès le début, je dirais que nous comprenions très bien l'importance de l'AECG du point de vue économique et géographique. C'est une occasion de moderniser et d'approfondir notre partenariat économique avec un très proche partenaire commercial, un allié et un ami. Je dirais que la justification de l'AECG est encore plus pertinente et importante, aujourd'hui, en cette période d'importante incertitude et même de troubles à l'échelle mondiale.
Les avantages liés au fait de compter l'Union européenne comme partenaire commercial — permettez-moi de le dire — sont évidents. La politique commerciale de l'Union européenne — reflétée dans ses accords commerciaux — est fondée sur l'unique marché interne de l'Union européenne, qui est le plus intégré qui soit. Il s'agit de la région la plus intégrée du globe, et, durant mes trois années d'expérience au Canada, j'ai remarqué que, à certains niveaux, l'intégration économique de l'Union européenne est encore plus poussée, je dirais, que dans certaines régions du Canada.
Je suis heureuse de remarquer que l'AECG contribue aussi à un débat, ici, et ouvre la voie à une possible accentuation des processus commerciaux interprovinciaux, particulièrement maintenant que le Canada approche les célébrations du 150e anniversaire de la Confédération.
L'Union européenne est la plus importante économie du monde et le plus important bloc commercial, avec un marché interne de plus de 500 millions de consommateurs. Grâce à l'AECG, plus de la moitié des échanges commerciaux de l'Union européenne seront couverts par des accords de libre-échange. L'Union européenne est le premier partenaire commercial de 80 pays du monde, beaucoup plus que, par exemple, les États-Unis, qui est le principal partenaire commercial de seulement 3 pays.
Nous possédons, pour l'instant, 40 accords commerciaux avec des pays du monde entier, et, à la lumière de notre expérience, je peux dire sans exception que, dès que ces accords commerciaux entrent en vigueur, ils entraînent immédiatement une augmentation des échanges commerciaux, créent beaucoup de bénéfices et contribuent assurément à la prospérité économique mutuelle des parties. Le dernier exemple en lice, c'est l'accord avec la Corée du Sud, où, dès la première année, nos échanges commerciaux ont augmenté de 25 p. 100.
En ce moment, nous négocions 20 autres accords commerciaux avec des partenaires comme le Japon, le Mexique, l'Indonésie et le Mercosur. Toutes ces activités font de nous un partenaire très apprécié dans de nombreuses régions du globe, et je crois que cet accès privilégié aux chaînes d'approvisionnement mondiales peut être un autre argument en faveur de tels accords pour le Canada.
Pour l'Union européenne, le Canada est un choix évident en tant qu'important partenaire commercial. Le Canada est notre allié le plus proche. Le Canada est l'un des neuf partenaires stratégiques de l'Union européenne dans le monde. Le Canada est un joueur important sur le plan économique, avec des échanges commerciaux bilatéraux d'une valeur de plus de 80 milliards de dollars canadiens et plus de 600 milliards de dollars en investissement direct. Il arrive au 12e rang de nos plus importants partenaires commerciaux, et au 4e rang des plus importants partenaires d'investissement de l'Union européenne. Plus particulièrement, j'ajouterai que ce dernier point, le fait que le Canada arrive au quatrième rang de nos partenaires d'investissement, n'est pas bien connu.
Nous partageons aussi les mêmes valeurs et les mêmes engagements à l'égard du libre-échange, des ambitieuses politiques sociales et des normes élevées en la matière et nous sommes tous les deux engagés à faire passer les gens en premier.
L'AECG est bénéfique pour les entreprises européennes et canadiennes de toutes les tailles, dans tous les secteurs, et j'ajouterai que l'AECG offrira des avantages dans toutes les régions du Canada, à l'est comme à l'ouest ainsi qu'à tous les États membres de l'Union européenne. Nous possédons des économies très diversifiées au sein de l'Union européenne, et c'est exactement cette diversité économique qui est l'une de nos forces.
L'AECG est l'accord commercial le plus ambitieux — et puis-je ajouter le meilleur accord et aussi le plus progressiste — à n'avoir jamais été conclu par les deux parties. Il a été approuvé au niveau européen parce que le dernier et très important vote a été un vote largement positif du Parlement européen. Cela entraînera l'application provisoire de l'AECG lorsque le Sénat canadien aura terminé ses procédures.
L'application provisoire veut dire que l'AECG entrera en vigueur immédiatement à plus de 95 p. 100. Je crois que c'est très important de le souligner. Cela signifie concrètement que nos entreprises, nos gens d'affaires, nos citoyens, pourront déjà profiter de la majeure partie des avantages associés à l'AECG.
C'est vrai que le débat sur l'AECG a été assez difficile dans certaines régions de l'Europe. Je dirais ici que cela n'a rien à voir avec le Canada. Au contraire — je vais peut-être me permettre une petite anecdote —, lorsqu'il y a eu un vote devant le Parlement européen, il y a un parti politique au sein du Parlement qui affichait de grosses pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Oui au Canada, non à l'AECG ». Toutes les interventions ont permis de bien voir que personne n'avait quoi que ce soit contre le Canada, bien au contraire. Cependant, malheureusement, l'AECG a suscité un débat en Europe, qui fait intervenir des sentiments anti libre-échange, antimondialisation, et des gens qui sont préoccupés par le fait que les avantages de la mondialisation ne sont peut-être pas distribués équitablement dans la société. Ce sont certaines de ces préoccupations que nous dissipons en nous assurant que les gens qui pourraient être touchés par les mauvais côtés de la mondialisation bénéficieront des filets de sûreté nécessaires.
On a donc été aux prises, malheureusement, avec ces mouvements anti libre-échange et antimondialisation. On ne les entend pas moins pour l'instant. De plus, l'AECG a risqué de devenir une victime de certains dénouements populistes, une certaine rhétorique populiste, au sein de l'Union européenne. Là aussi, on en entend moins parler, particulièrement, je dirais, depuis les dernières élections, les élections présidentielles en Autriche, et les dernières élections, aux Pays-Bas, où un parti a constaté une spectaculaire augmentation du nombre de ses votes, un parti pro Union européenne et pro immigration. Cependant, en Europe, et, je crois, au Canada aussi, nous savons que se replier sur soi-même n'est pas la bonne solution, et nous croyons que l'ouverture et des normes élevées vont de pair et se soutiennent l'une l'autre. Nous savons que construire des murs et des barrières n'est absolument pas la solution de rechange, que les accords commerciaux sont un outil important pour promouvoir la prospérité, la croissance et la création d'emplois.
Par conséquent, je crois que le milieu du commerce s'attend de l'Union européenne et du Canada qu'ils communiquent un message contre le protectionnisme, contre les politiques isolationnistes. Par conséquent, nous avons une responsabilité conjointe de faire de l'AECG une réussite commune. Nous avons la responsabilité d'en assurer la réussite et, particulièrement, je dirais la mise en œuvre rapide.
Merci beaucoup. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Le président suppléant : Merci, votre Excellence, de nous avoir présenté votre exposé.
Avant de passer aux questions, j'aimerais que les sénateurs se présentent afin que Son Excellence sache qui nous sommes, en commençant par ma droite.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Housakos : Je suis le sénateur Leo Housakos, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l'Ontario.
Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Cools : Je suis la sénatrice Anne Cools, de Toronto, en Ontario.
Le sénateur Marwah : Sarabjit Marwah, de Toronto, en Ontario.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Pat Bovey, du Manitoba.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Je suis Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
Le président suppléant : Merci, sénateurs de vous être présentés. Madame la sénatrice Eaton, vous pouvez commencer à poser des questions.
La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Eaton : Madame, c'est un plaisir de vous avoir avec nous.
[Traduction]
Vous savez que le premier ministre de la Wallonie, Paul Magnette, a dit la semaine dernière que son gouvernement ne soutiendra pas l'AECG au moment de la ratification, sauf si des changements sont apportés aux mécanismes de règlement des différends prévus dans l'accord.
Puisque vous êtes le point de contact entre l'UE et le Canada, j'aimerais savoir quel est votre point de vue sur la façon dont le dossier de la Wallonie est géré et aussi connaître vos préoccupations en ce qui a trait à son opposition. Quel est votre rôle dans le cadre du défi avec la Wallonie?
Mme Coninsx : Voulez-vous que je réponde à chaque question?
Le président suppléant : Oui.
Mme Coninsx : Je vous remercie, madame la sénatrice, je vais essayer de répondre avec le plus de neutralité possible, puisque je suis Belge.
La sénatrice Eaton : Vous n'avez pas à être neutre ici.
Mme Coninsx : Du côté flamand. Cela ne change rien. Je crois que, comme je l'ai dit, il est très important de se rappeler que l'AECG entrera en vigueur de façon provisoire dès que le Canada l'aura aussi ratifié et, par la suite, la prochaine étape sera et est un processus normal au sein de l'Union européenne. Par la suite, les parlements nationaux, et, dans certains pays, comme la Belgique, il y a, je crois, six parlements, il y aura un processus de ratification national.
À la lumière de notre expérience, par exemple, dans le cas de l'accord avec la Corée du Sud, le processus de ratification par les parlements nationaux peut prendre très longtemps. Il a fallu cinq ans avant d'obtenir la ratification de tous les États membres dans le cas de la Corée du Sud.
Nous avons pris acte de ce que le gouvernement wallon a dit. Nous croyons que les dispositions relativement à la clause sur les investissements, qui a été modifiée, je dirais, très tard durant le processus de négociation, sont très modernes et tiennent compte de beaucoup des préoccupations qui ont été exprimées. Il a fallu plus en débattre en Europe qu'au Canada.
Je ne veux pas formuler des commentaires trop précis sur ce que M. Magnette a dit. L'application provisoire s'appliquera à tout ce qui concerne les compétences exclusives, mais les questions du code, le code d'investissement, c'est quelque chose qui ne sera pas appliqué tant qu'on n'aura pas obtenu l'accord de tous les États membres. Cependant, nous croyons vraiment avoir présenté une proposition qui devrait être acceptable pour tous, y compris la Belgique, et il n'est pas uniquement question ici de la Wallonie. Il faudra obtenir la position belge, et la Belgique est, depuis le début, très positive et très favorable aux négociations sur l'AECG et les conclusions de l'accord, aussi.
La sénatrice Eaton : Pouvez-vous préciser quelque chose pour moi? C'est seulement lorsque le Canada — le Sénat a fait sa part — aura ratifié l'AECG que vous commencerez le processus en Europe? Vous ne le ferez pas en même temps?
Mme Coninsx : L'application provisoire commencera en même temps, exactement. Nous avons terminé, de notre côté, en Europe. Le conseil a informé le Canada, et nous attendons seulement que votre processus soit terminé, ici, et puis, ce sera une question de semaines avant qu'on établisse une date commune et que l'AECG entre en vigueur de façon provisoire en même temps, au Canada et dans l'Union européenne.
La sénatrice Eaton : Ce que j'essaie de dire, en fait, c'est que le processus devant le Parlement européen ne commencera pas avant que les 25 ou 28 parlements, je crois, aient procédé à la ratification. Ensuite, nous entreprendrons notre processus de ratification. Est-ce exact?
Mme Coninsx : Non. Il y a, si je ne m'abuse, 46 parlements nationaux au sein de l'Union européenne.
La sénatrice Eaton : Qui doivent être d'accord?
Mme Coninsx : Mais cela n'influera pas sur la ratification.
La sénatrice Eaton : Merci.
Le sénateur Woo : Votre Excellence, merci de votre témoignage. Je veux vous demander si vous croyez que le fait que le Canada fait partie de l'ALENA, une très grande zone économique, est une des raisons pour lesquelles l'Union européenne voulait conclure une entente avec notre pays? Et, dans l'affirmative, y a-t-il des préoccupations liées aux échos provenant de Washington, D.C., au sujet d'une possible renégociation de l'ALENA?
Mme Coninsx : Merci, monsieur le sénateur. Pour ce qui est de la première question, je dois dire d'entrée de jeu que le Canada a affiché beaucoup d'intérêt à l'égard de la conclusion de l'AECG. J'aimerais souligner ici tout particulièrement le travail des sénateurs du Québec, parce que je crois que le père de l'AECG, s'il a un père, c'est l'ancien premier ministre Charest, qui a beaucoup mis l'épaule à la roue. Il y a 40 ans — ça ne s'appelait pas un accord commercial —, mais le premier accord économique entre l'Union européenne et le Canada a en grande partie été conçu par le père du premier ministre Trudeau actuel. Je dirais donc que le Canada a affiché un intérêt marqué dès le départ pour cet accord, et je dirais que c'est principalement parce que le Canada voulait assurer la diversification de ses forces. Nous savons que le Canada affiche un très haut niveau d'échanges commerciaux et une certaine dépendance, je dirais, à l'égard des États-Unis. Nous, au sein de l'Union européenne, et aussi avec nos voisins, affichons aussi de hauts niveaux d'échanges commerciaux, c'est donc absolument normal. Cependant, la diversification des échanges commerciaux est toujours importante. Par conséquent, je crois qu'une des raisons du côté canadien, c'est à des fins de diversification.
Pour ce qui est du côté européen, je dirais que c'est à la fois l'importance du rôle d'allié du Canada, parce que, honnêtement, je ne connais pas deux pays ni même un pays dans la région qui a une relation aussi étroite que l'Union européenne et le Canada. En même temps, il y a aussi un important intérêt économique du côté européen, et je dirais donc qu'il était dans l'intérêt mutuel des deux parties de conclure l'accord.
L'ALENA n'a pas d'impact direct sur l'AECG. Peut-être que, au contraire, ce qui se passe aux États-Unis — et nous ne savons pas encore exactement quelle sera la politique commerciale de la nouvelle administration américaine —, mais nous croyons que vu certaines des choses qui se passent et que nous avons entendues, il est encore plus important de conclure un accord avec le Canada.
J'ai mentionné le fait que nous négocions avec le Mexique. C'est une coïncidence, mais avant d'être ambassadrice au Canada, j'étais ambassadrice de l'Union européenne au Mexique. Nous avons un accord commercial avec le Mexique, mais, plus particulièrement en raison de ce qui se passe aux États-Unis, nous mettons le pied sur l'accélérateur. Nous négocions et nous accélérons le processus pour mettre à jour l'accord entre l'UE et le Mexique. Par conséquent, nous avons à l'œil ce qui se passe relativement à l'ALENA, mais cela n'influera assurément pas sur l'AECG.
Le sénateur Woo : Si vous me permettez une question complémentaire sur votre accord révisé avec le Mexique, y aura-t-il des dispositions sur les investissements dans l'accord l'UE-Mexique qui pourraient faire du Mexique une destination d'investissement plus attirante que le Canada, par exemple, pour ce qui est de l'accès aux marchés de l'ALENA?
Mme Coninsx : Nous prévoyons des dispositions sur la protection des investissements dans tous nos accords, ce ne sera rien de nouveau. Très probablement en raison des discussions que nous avons eues avec le Canada, le Canada et l'Union européenne dans le cadre de l'OMC, travaillent en collaboration pour mettre en place un tribunal multilatéral de protection des investissements.
Je m'avance en terrain peu sûr, ici, parce que je ne sais pas exactement quel est le mandat de négociation, mais lorsque nous apportions des changements au processus de protection des investissements canadiens, c'était l'intention, à l'avenir, de l'utiliser dans le cadre d'autres accords de libre-échange.
Le sénateur Housakos : Merci, madame l'ambassadrice, d'être là. Je suis le critique de ce projet de loi dans la Chambre, et, en tant que critique, je suis dans une situation inhabituelle, parce que je soutiens avec autant d'enthousiasme le projet de loi que son parrain, et c'est en raison du fait que le caucus conservateur est fier de ses racines historiques, sous la gouverne de Brian Mulroney, et nous avons beaucoup soutenu les échanges commerciaux et le libre-échange. En outre, comme vous l'avez souligné de façon appropriée, le premier ministre Charest a assumé un rôle de visionnaire en enclenchant le processus, et Stephen Harper a eu la force et la volonté politique de commencer les négociations. Cela prouve le fait que des gouvernements successifs soutiennent tout autant les mérites de cet accord. Le Canada est une nation commerciale et soutiendra donc toujours les accords commerciaux lorsqu'ils sont gagnant- gagnant. Nous croyons assurément que c'est le cas ici.
J'imagine qu'une petite source de scepticisme ou de préoccupation est liée au fait que le commerce croît toujours et favorise toujours la croissance lorsqu'on bénéficie de la stabilité politique, et, actuellement, en Europe, il y a eu le Brexit dans le cadre duquel une des trois principales puissances économiques veut quitter l'UE. Du point de vue politique, nous avons vu que, dans un certain nombre de pays partenaires de l'UE, le régionalisme et le nationalisme territorial commencent à être présents, ce qui est préoccupant pour certains législateurs au Canada.
Quel effet le Brexit aura-t-il sur l'AECG, et plus particulièrement la croissance de certains mouvements politiques nationalistes dans certains États membres de l'UE? Encore une fois, est-ce que cela devrait être préoccupant pour les Canadiens?
Mme Coninsx : La réponse brève, c'est non, mais je vais vous fournir de plus amples explications.
Merci, sénateur, de me le rappeler — j'avais l'intention de le mentionner — de rendre hommage au gouvernement précédent. Nous avons vraiment bien travaillé avec Ed Fast sur le dossier, et, en tant qu'Européens, nous étions impressionnés par le consensus au Canada parmi les parlementaires et par le soutien pour cet accord important.
Le Canada est une nation commerçante, tout comme l'Union européenne. Pour ce qui est des préoccupations que vous avez exprimées d'entrée de jeu, je peux vous assurer que nous bénéficions de la stabilité politique voulue au sein de l'Union européenne et dans tous les pays.
Nous avons célébré la semaine dernière, parce que c'était le 25 mars, le sixième anniversaire du Traité de Rome. Le Traité de Rome a été le premier traité ayant pavé la voie à l'Union européenne d'aujourd'hui. Pour l'occasion, les dirigeants européens ont organisé un sommet à Rome, et ils ont fait une déclaration non seulement sur les réalisations du passé, mais aussi sur l'avenir. Je dois dire que ce sommet réunissait 27 dirigeants.
Nous regrettons le vote du Brexit, mais c'est quelque chose qu'il faut respecter. Enfin, le Royaume-Uni a maintenant présenté son avis officiel, qui enclenchera les négociations. À la fin d'avril, nous définirons le mandat des négociations qui seront menées par la Commission européenne, mais déjà, le président Tusk du Conseil européen a indiqué certains des principes de base sous-jacents à ces négociations, soit qu'il faut faire passer les gens en premier, dans la mesure où nous nous assurerons des intérêts de nos citoyens qui vivent au Royaume-Uni, mais aussi ceux qui vivent en Europe afin qu'ils puissent conserver leurs droits. De plus, nous allons tout faire pour éviter l'incertitude pour le milieu des affaires, pour qu'il n'y ait aucun changement de conditions. Le principe de base, c'est que le Royaume-Uni devra respecter ses engagements financiers, puis, il y aura un principe en bonne et due forme visant à s'assurer qu'on mettra en place un régime spécial et que ce ne sera pas nécessaire d'établir une frontière bien gardée entre le Royaume-Uni et l'Irlande.
Nous voulons un divorce bien ordonné, et quel que soit le résultat, le Royaume-Uni sera toujours un partenaire important de l'Union européenne.
Il n'y aura aucun impact direct du Brexit au cours des prochaines années, je dirais, sur l'AECG. En ce qui a trait au pays, nous avons commencé le processus de ratification des parlements nationaux. La Lettonie a déjà ratifié le document. Nous nous attendons à ce que cinq autres pays l'aient fait dans le prochain mois, et nous savons que le Royaume-Uni est aussi déterminé à le ratifier le plus rapidement possible. Les Britanniques vont définitivement profiter de l'AECG au cours des prochaines années. Le Royaume-Uni est favorable au libre-échange, et je suis sûr qu'il ne lésinera pas.
Après, on verra bien. Je ne veux pas spéculer, mais les Britanniques devront aussi conclure un accord commercial avec l'Union européenne, et, entre-temps, le Royaume-Uni ne peut négocier des accords commerciaux avec aucun partenaire, même un partenaire très proche, avec aucun pays du monde.
Pour ce qui est de la montée du nationalisme, un des résultats de la déclaration des dirigeants à Rome dans le cadre des célébrations du 60e anniversaire de l'Union européenne, c'est que les dirigeants des 27 pays sont plus déterminés que jamais à rester bien soudés. L'unité de l'Union européenne est importante.
L'une de mes principales tâches au Canada, c'est d'assurer la visibilité de l'Union européenne. Malheureusement, très souvent, les manchettes au sujet de l'Union européenne sont plus négatives que la réalité l'est. Il y aura toujours certaines difficultés — c'est inévitable lorsqu'on est dans une famille qui compte 27 membres différents —, mais, lorsque ça compte, les liens tiennent.
Notre situation économique a beaucoup augmenté. Nous affichons une croissance économique dans tous les États membres, et, dans certains, on parle même d'une croissance économique spectaculaire. Je tiens à mentionner deux pays : l'Irlande et l'Espagne. Il y a quelques années, ces pays avaient de graves problèmes économiques. La situation économique s'améliore.
Pour la première fois depuis 2009, nous affichons un taux de chômage de moins de 10 p. 100 au sein de l'Union européenne. C'est un important progrès, même si, dans certaines régions de l'Union européenne, il y a un problème de sous-emploi, mais nous y voyons, particulièrement en ce qui concerne l'emploi des jeunes.
Je dirais que nous sommes peut-être en période de changement. Il y a un vent de renouveau très positif qui illumine, au sein de l'Union européenne, ces tendances nationalistes. J'ai mentionné les deux élections qui ont eu lieu, l'élection présidentielle, en Autriche, et les élections néerlandaises. Je ne sais pas si vous le savez au Canada, mais au cours des dernières semaines, il y a eu des milliers de personnes qui ont marché en faveur de l'Union européenne dans plus de 60 villes d'Europe.
Et là, il est facile d'organiser une manifestation contre quelque chose, mais d'avoir des manifestations spontanées qui n'ont été organisées par personne, mais réunissent des milliers de personnes, qui descendent dans les rues d'Europe pour manifester en faveur de l'Union européenne, c'est quelque chose.
Je vois de façon très positive cette nouvelle et très récente tendance. Le Brexit a peut-être été le signal d'alarme, tout comme ce qui se produit, ici, avec votre voisin du Sud. Bien sûr, la grande question, c'est de savoir ce qui se produira dans le cadre des élections françaises, mais nous verrons.
Je suis plus optimiste, je dirais, parce que l'Union européenne est forte. Nous avons des défis, et je ne veux pas les minimiser, mais nous avons constamment vu, dans le passé, que, lorsque nous devions surmonter des défis, l'Union européenne en sortait toujours beaucoup plus forte.
La sénatrice Bovey : Je tiens à vous souhaiter la bienvenue et à vous remercier de votre exposé. Je vais poursuivre la série de questions du sénateur Housakos sur le Royaume-Uni et le Brexit.
Il y a un ensemble de données liées aux déficits et surplus commerciaux, et je vais vous fournir certaines données de Statistique Canada pour l'année dernière : il y a un déficit commercial de 10,4 milliards de dollars avec l'Union européenne et un excédent commercial de 10,3 milliards de dollars avec le Royaume-Uni. Je sais qu'il y a d'autres statistiques qui présentent les choses un peu différemment, alors j'utilise les données plus conservatrices.
Lorsque vous entendez ces chiffres et à la lumière de ce qui passe dans le cadre du Brexit, prévoyez-vous une accentuation du déséquilibre pour le Canada, un statu quo ou une occasion pour le Canada de gagner du terrain dans le cadre de cette relation commerciale?
Mme Coninsx : Je suis convaincue que tout le monde, le Canada et l'Union européenne, profitera de cet accord commercial, indépendamment du fait que nous constatons constamment une amélioration du commerce. On parle vraiment ici d'une nouvelle génération d'accord commercial, une situation gagnant-gagnant pour les deux parties.
Il générera immédiatement des avantages pour les entreprises en réduisant les tarifs de façon générale. Les tarifs actuels ne sont pas très élevés, mais, tout de même, si le tarif sur le sirop d'érable est de 8 p. 100, passer de 8 p. 100 à 0 p. 100, c'est une grosse différence. Les fruits de mer sont particulièrement importants pour les régions de l'Est du Canada. Dans ce cas-là, on parle de tarifs de 18 à 21 p. 100 qui tombent à zéro. Les tarifs, même sur les marchandises industrielles, diminueront, et cela donnera une impulsion.
J'aimerais souligner quelque chose d'encore plus important, c'est l'abolition des obstacles non tarifaires. Ce sera particulièrement important pour les petites et moyennes entreprises. J'entends souvent parler de l'AECG et j'en parle aussi souvent. On me pose des questions liées au fait que l'AECG est particulièrement bénéfique pour les grandes entreprises. Je ne suis pas d'accord. Les grandes entreprises ont besoin de cet accord de libre-échange beaucoup plus que les petites et moyennes entreprises, parce qu'elles seront immédiatement avantagées par les tarifs. Cependant, l'élimination des lourdeurs administratives et l'entrée en vigueur de certaines dispositions qui prévoient une reconnaissance mutuelle de certaines procédures d'accréditation — par exemple, si certains instruments qui doivent maintenant être testés deux fois, au Canada et en Europe, avant d'être exportés, si les cadres d'accréditation sont reconnus, les tests devront seulement être faits une fois —, ce qui réduira les coûts pour ces entreprises.
Nous prévoyons que, pour ces entreprises, la réduction du nombre d'obstacles et la réduction des coûts changeront la donne dans le cadre des échanges commerciaux. Ensemble, nous travaillons au Canada, de pair avec la délégation, sur certains instruments que nous tentons de mettre en place et nous essayons de fournir suffisamment de renseignements aux petites et moyennes entreprises afin qu'elles soient en mesure de tirer parti davantage et mieux de l'AECG.
L'AECG ouvrira les marchés des services, et c'est un marché qui est extrêmement important pour le Canada et l'Union européenne. Dans un même ordre d'idées, nous facilitons la mobilité des professionnels, des gens qui travaillent pour des entreprises ou qui réalisent d'autres activités professionnelles. Par exemple, dans le cas des activités après-vente qui ont lieu en Europe et au Canada, les gens bénéficieront d'une meilleure mobilité.
Il y a aussi la reconnaissance des qualifications professionnelles, processus qui est déjà enclenché. Il y a certaines professions comme les ingénieurs, les architectes et les comptables. Nous irons encore plus loin dans ce domaine que certains des cadres de reconnaissance professionnelle qui existent au Canada.
L'ouverture dans le domaine de l'approvisionnement public est aussi un aspect qui — particulièrement, je dirais, pour les entreprises européennes — est important parce qu'on gagne l'accès au marché de l'approvisionnement aux échelons provinciaux et locaux, mais des seuils ont été établis afin que les petites demandes de propositions puissent seulement être attribuées à des entreprises locales.
Puis il y a le meilleur cadre de règlement des différends et la protection pour les investissements.
Je dirais qu'il y a un certain nombre de dispositions et qu'on conserve tout de même des normes élevées. C'est quelque chose qui, particulièrement au sein de l'Union européenne, était une importante préoccupation de certains groupes contre l'AECG, qui affirmaient qu'on allait ainsi réduire les normes environnementales, les normes du travail et les normes en matière de santé. Ce n'est pas le cas, et je crois que ce ne sera pas le cas non plus au Canada.
Nous prévoyons que l'accord donnera une impulsion au commerce et aux investissements, alors ce ne peut qu'être bénéfique pour les deux parties.
La sénatrice Bovey : Vous avez déjà répondu à ma question suivante, au sujet des services et des professionnels. Merci.
Le sénateur Pratte : Vous avez mentionné tantôt à deux ou trois reprises — et c'est probablement quelque chose que vous connaissez très bien, mais ce n'est peut-être pas le cas pour tout le monde — de l'application provisoire et de la ratification. Pouvez-vous nous rappeler ce qui se produira une fois qu'on aura adopté le projet de loi, qui permettra ensuite l'application provisoire. Mais ensuite, qu'est-ce qui arrivera seulement après la ratification?
Mme Coninsx : Une fois que vous aurez ratifié — et le Parlement européen l'a déjà fait —, en fait, dès que vous aurez informé l'UE que votre procédure de ratification est terminée, il faut prévoir un délai de deux ou trois semaines afin que nous puissions commencer à appliquer de façon provisoire l'AECG la même semaine. Cela signifie que l'AECG entrera en vigueur immédiatement à plus de 95 p. 100. Je dirais que c'est principalement les dispositions liées à la protection des investissements qui ne s'appliqueront pas. Cela signifie que l'accord entrera en vigueur, à l'exception de ces quelques enjeux.
Entretemps, les parlements nationaux des États membres de l'Union européenne procéderont à la ratification, mais rien ne changera. Il faut attendre que les 28 États membres, les parlements, en fait, ratifient l'accord. Ces ratifications nationales n'auront, durant cette période, aucun impact sur l'AECG ou son application. À la fin, lorsque tout le monde aura ratifié l'accord, alors nous pourrons dire qu'il est appliqué complètement.
Je ne sais pas si j'ai bien expliqué le processus.
Le sénateur Pratte : Si je comprends bien ce que cela signifie, l'application provisoire se produirait dans les quelques semaines suivant un vote favorable à l'égard du projet de loi devant le Sénat, si c'est ce qui se produit. Puis, au moment de la sanction royale, quelques semaines plus tard, les tarifs commenceraient à diminuer, en fait, le...
Mme Coninsx : Immédiatement.
Le sénateur Pratte : Immédiatement. Et le reste de l'accord de libre-échange commencerait à être appliqué, sauf quelques dispositions dans la partie de l'accord qui concerne les investissements.
Mme Coninsx : C'est exact.
Le sénateur Pratte : La partie liée au régime de protection des investissements s'appliquerait seulement après la ratification par les parlements européens.
Mme Coninsx : En Europe et au Canada, parce que c'est un accord entre ces parties qui inclut des mesures de protection des investissements. Une fois le processus de ratification par les parlements nationaux terminé — lorsque les 34 parlements nationaux auront tous ratifié l'accord — à ce moment-là, l'AECG sera mis en œuvre en entier.
Mais je le répète : la pratique habituelle dans le cadre de tous nos accords commerciaux précédents, c'est de prévoir un système d'application provisoire, puis d'application complète. N'eût été le dossier de la Wallonie, personne n'en aurait parlé. Il s'agissait de quelque chose qui était, je dirais, une procédure tellement normale et qui n'avait jamais, dans le passé, été une source de problème. C'est seulement dans le cadre de l'AECG que cet enjeu a été soulevé.
On me demande aussi souvent ce qui arrive si un des parlements nationaux ou régionaux dit non. La réponse, c'est que nous ne le savons pas. Ce n'est jamais arrivé avant, mais nous sommes convaincus que c'est peu probable de se produire, pour différentes raisons, l'une d'elles étant que, une fois l'AECG entré en vigueur, les avantages pour les deux côtés seront évidents, et les gens constateront aussi que l'AECG n'a pas d'impact négatif sur leur vie, mais qu'il a plutôt des répercussions positives. Cela jouera un rôle important. Par conséquent, nous avons très hâte de commencer la mise en œuvre provisoire le plus rapidement possible parce que tout commencera à partir de ce moment-là. On en tirera des avantages. C'est la meilleure preuve et la meilleure publicité pour l'AECG.
On n'a pas des difficultés dans tous les parlements. Je dirais que, de façon générale, au sein de l'Union européenne, il y a un très grand support pour l'AECG, mais il y a le cas précis de la Belgique. Je dois dire — ce n'est peut-être pas diplomatique de ma part et je ne devrais peut-être pas le dire — que c'est peut-être aussi lié un peu à la situation politique interne belge.
Le sénateur Marwah : J'ai une question complémentaire. Pour ce qui est de l'application provisoire dont vous avez parlé, vous avez mentionné que, si certains parlements ne ratifient pas l'AECG, vous ne savez pas quelles seront les conséquences. Cette réponse me trouble un peu. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet des possibles résultats? Vous devez avoir une certaine idée des directions probables où le processus irait. Est-ce que cela signifie que, pour ce parlement précis, l'AECG ne s'applique pas, mais qu'il s'applique aux 27 autres?
Mme Coninsx : Non, c'est impossible. Bien sûr, nous avons certaines idées. Si cela se produit, un État membre ne peut pas empêcher la mise en œuvre de l'AECG. En ce moment, l'ensemble du dossier devra faire l'objet de discussions au sein du Conseil des ministres de l'Union européenne, parce qu'ils ont aussi examiné initialement l'accord. Ils l'ont approuvé et, par conséquent, en cas de problème, il faudra en discuter avec tous les ministres du Conseil des ministres de l'Union européenne.
Le sénateur Marwah : J'ai encore une question complémentaire. Combien de parlements faudrait-il? Je sais que c'est extrêmement peu probable. Combien de parlements devraient voter non avant que l'accord soit annulé? Y a-t-il un scénario dans le cadre duquel cela pourrait se produire?
Mme Coninsx : C'est très peu probable, parce que nous savons déjà très bien quels parlements sont les plus susceptibles de voter en faveur de l'accord, et c'est la grande majorité. Nous sommes seulement au fait de quelques cas où il faudra observer ce qui se passe, et, de plus, nous ne resterons pas là passivement, dans la mesure où — ce qui est arrivé en octobre dernier — si certaines préoccupations sont exprimées par certains parlements, nous allons aussi essayer de leur expliquer ou de dissiper leurs préoccupations. C'est très important de ne pas dire : « Ce que vous faites n'est pas correct » ou quelque chose du genre. C'est très important, par exemple, quand la Wallonie exprime certaines préoccupations, de fournir des réponses claires et d'essayer de montrer que les préoccupations ne sont pas fondées. Vous savez aussi probablement qu'il y a eu un document, sur lequel l'Union européenne et le Canada se sont entendus, et qui donne une interprétation de certains des articles. Ce document était simplement une réponse à certaines des préoccupations soulevées par ces parlements.
Par conséquent, je dirais que la probabilité qu'un parlement ou une région dise non est extrêmement mince, mais nous avons le temps, d'ici là, et du côté européen et du côté canadien, de faire tout ce qu'il faut pour avoir un débat et des discussions avec ces parlements. D'ici là, nous sommes très convaincus que les avantages de l'AECG seront clairs et que, pour les personnes des régions ou des pays concernés, il sera beaucoup plus difficile d'y dire non.
Le sénateur Marwah : Merci. C'est très utile.
La sénatrice Martin : Je suis heureuse de vous revoir, madame l'ambassadrice. Je suis désolée : je suis arrivée en retard parce que j'étais à une autre réunion. J'ai donc manqué votre exposé. Cependant, tandis que j'écoutais, je me suis rappelé le jour où l'accord de libre-échange entre le Canada et la Corée a été signé. Les producteurs d'orge de brasserie avaient dit : « Nous venons de doubler nos exportations. » Il y a eu ce genre de résultats instantanés pour certains exportateurs et importateurs des deux côtés. Par conséquent, les exportateurs et importateurs actuels vont assurément en sortir gagnants. Je suis d'accord avec vous.
Je me demande quelque chose. Pour toutes les nouvelles entreprises canadiennes qui voudront profiter de l'accord et le mettre à profit une fois qu'il aura été mis en œuvre par les deux parties, ce sera un processus difficile d'essayer de pénétrer de nouveaux marchés. J'aimerais savoir s'il y a des mécanismes vraiment clairs en place, des bureaux, qui aideront à faciliter l'augmentation des exportations et des importations des nouveaux exportateurs et importateurs en plus de ceux qui sont déjà là. J'aimerais que vous nous parliez de l'existence d'un tel mécanisme.
Mme Coninsx : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Je dirais que ce que nous avons fait, au Canada et au sein de l'Union européenne, en tant que gouvernements, c'est de créer cet instrument. C'est un peu comme construire une nouvelle route. Alors nous construisons une nouvelle route ou un nouveau pont, mais c'est aux utilisateurs de l'emprunter, ce qui signifie concrètement que la promotion des activités commerciales et les explications quant aux débouchés commerciaux seront réalisées aux échelons national et provincial ainsi que par des intervenants économiques comme les chambres de commerce, les délégués commerciaux et d'autres intervenants, qui devront accroître la visibilité et fournir des explications relativement aux possibilités.
Du point de vue européen, nous avons créé un instrument, par exemple, dans le cadre duquel nous aiderons à accroître les réseaux de notre chambre de commerce au Canada. Nous pourrons aussi détecter, rapidement s'il y a certains obstacles pour les entreprises canadiennes au Canada afin que nous puissions les éliminer rapidement.
Les États membres n'attendent pas la mise en œuvre de l'AECG; déjà, il y a deux ou trois ans ou récemment, il y a eu plusieurs missions économiques d'États membres qui ont adopté différents parcours au Canada. J'ai été invitée. C'était environ il y a un an et demi. Il s'agissait d'une mission belge en Colombie-Britannique et en Alberta, et j'ai été invitée non pas en tant que Belge, mais en tant qu'ambassadrice de l'Union européenne. Il s'agissait d'une importante délégation, et plus de 300 personnes d'affaires se sont rendues dans ces provinces. L'ambassadeur de Belgique s'est fait demander durant l'entrevue : « Monsieur l'ambassadeur, est-ce que la Belgique a déjà des relations commerciales ou d'affaires avec l'Ouest du Canada? » Sa réponse a été : « Pas encore. » Nos États membres se préparent.
J'étais à Toronto hier. Je vais souvent à Toronto ces temps-ci. Je passe aussi très souvent du temps à Montréal, où nous avons de plus en plus... Nous avons aussi des ministres de chambres de commerce. Il y a un ministre suédois qui est en visite actuellement pour promouvoir la Suède. Je sais, par exemple, que l'ambassadeur suisse, avec l'ambassadeur du Canada en Suède, a fait une tournée en Suède pour promouvoir certaines choses dans lesquelles des entreprises canadiennes pourraient vouloir investir là-bas, et vice-versa.
Je crois donc qu'il se passe beaucoup de choses. Je suis sûre que le gouvernement canadien, de pair avec les provinces, fera tout ce qu'il faut pour promouvoir l'AECG et expliquer l'accord aux petites et moyennes entreprises.
Le dernier point que je tiens à souligner, c'est que je sais que, peut-être, au Canada, certains marchés de l'Union européenne sont mieux connus que d'autres — le Royaume-Uni, par exemple —, mais j'aimerais attirer tout particulièrement votre attention sur certains des nouveaux marchés et des nouveaux États membres de l'Union européenne, et plus particulièrement dans la partie est. Ces pays affichent de très hauts taux de croissance économique, et ce sont des marchés très intéressants à exploiter, et qui veulent vraiment échanger davantage avec le Canada.
Le sénateur Gold : Bienvenue, Votre Excellence.
J'ai une question au sujet du règlement des différends, sujet qui a suscité beaucoup d'intérêt et de préoccupations. Vu l'importante quantité d'investissements entre l'Union européenne et le Canada, de votre point de vue, quelle est la réaction des investisseurs, qu'ils soient européens ou canadiens, au nouveau mécanisme de résolution des différends envisagé dans l'AECG? Pouvez-vous nous parler de la mesure dans laquelle la préoccupation au sujet des nouveaux mécanismes est répandue au sein des États membres de l'Union européenne, qu'elle soit justifiée ou non?
Mme Coninsx : Nous avons discuté avec des entreprises au Canada, et notre impression c'est que, d'entrée de jeu, elles ne sont pas préoccupées par les nouvelles dispositions parce qu'elles ne l'étaient pas avec les dispositions déjà là. Ces dispositions sont déjà dans l'accord actuel, alors les anciennes n'ont pas causé de problème aux entreprises, et les nouvelles dispositions, qui sont encore plus perfectionnées, offriront plus de garanties, de transparence, de jugements professionnels et ainsi de suite. Du point de vue des entreprises, la réaction est positive.
Honnêtement, toute la discussion sur la question du règlement des différends a suscité un intérêt en Europe lorsque les Européens ont découvert que c'était quelque chose dont on discutait avec les Américains dans le cadre de notre accord commercial. Tout ce qui vient des États-Unis n'est pas toujours reçu avec autant d'enthousiasme que ce qui vient du Canada. Ce dossier a suscité l'attention de certains groupes de la société civile en Europe, et ainsi, ils ont découvert qu'il y avait une clause similaire aussi dans l'AECG. Voilà pour le contexte.
Cela dit, lorsque nous avons entendu dire qu'il y avait des préoccupations même si nous avons conclu, à l'échelle nationale, plus de 1 700 ententes nationales... Il y a des clauses sur les investissements dans chacun de ces accords. Lorsqu'on a réfléchi aux préoccupations — et je crois qu'il s'agit ici de leçons apprises du côté européen —, nous avons tenu certains enjeux trop pour acquis. Pour nous, cette clause d'investissement est une bonne clause, surtout maintenant qu'il y a la nouvelle formule. Cependant, nous n'avons peut-être pas fait assez d'efforts pour expliquer pourquoi c'est une bonne chose et pour tenir ces discussions, surtout lorsqu'on pense à ce qui est arrivé avec le Brexit. C'est là une autre raison pour que les Européens s'expliquent mieux : si les gens ont des préoccupations, il faut prendre ces préoccupations au sérieux et les dissiper.
La sénatrice Cools : Je tiens à souhaiter la bienvenue à Son Excellence et lui dire qu'il y a quelqu'un ici qui la soutient vivement, puisque je suis la seule sénatrice avec un nom belge — un nom flamand — comme vous l'aviez sûrement remarqué. Il y a des douzaines de Cools à Anvers et dans ces régions. C'est un nom très rare au Canada.
Je tiens à vous remercier tout particulièrement pour tout le travail que vous avez fait relativement à cet accord vraiment nouveau et avant-gardiste. C'est quelque chose de très nouveau d'une certaine façon. Tout ce qui est nouveau exige habituellement beaucoup de temps, d'efforts et de compétences.
Pour ma part, j'apprécie les résultats positifs que le Canada tirera sans aucun doute et qui lui seront légués par le projet de loi C-30 et l'AECG. Pour ce qui est du Canada, il pourra saisir un grand nombre d'occasions merveilleuses.
La question que je veux vous poser est beaucoup plus simple : j'ai regardé les dates proposées d'entrée en vigueur du projet de loi C-30. Chers collègues, ce que nous avons devant les yeux, ce n'est pas l'accord. Ce que nous avons devant nous c'est un projet de loi du Parlement du Canada. C'est ce que nous appelions avant des projets de loi d'autorisation. Il permettra au gouvernement d'aller de l'avant avec l'AECG. Au bout du compte, l'AECG est un accord signé entre le gouvernement du Canada et ces autres gouvernements.
Je me demandais si vous pouviez nous expliquer de quelle façon et quand le projet de loi entrera en vigueur. Regardez à la page 109 du projet de loi, si vous en avez une copie devant les yeux. C'est standard, chers collègues. À la fin de chaque projet de loi, il y a une section intitulée « Entrée en vigueur », qui, essentiellement, annonce les dates auxquelles le gouverneur en conseil veillera à l'entrée du projet de loi en vigueur, soit par décret, soit par proclamation.
Je vois qu'on semble être dans une situation nouvelle. Tout est à l'article 138, aux paragraphes 1, 2, 3, 4 et 5. Il y a là selon moi un genre d'entrée en vigueur progressive. Par exemple, le paragraphe 138(1) porte que :
Sous réserve des paragraphes (2) à (5), les dispositions de la présente loi, à l'exception des articles 133 à 137, entrent en vigueur à la date fixée par décret.
La même technique ou méthode est répétée aux paragraphes 2, 3, 4 et 5.
J'ai choisi de parler d'une « entrée en vigueur progressive ». Il me semble que quelqu'un a déployé beaucoup d'efforts et a beaucoup réfléchi — d'une façon très claire et très appropriée — de façon à mesurer le niveau d'entrée dans ces marchés.
Pouvez-vous nous parler de ce genre d'entrée en vigueur progressive dont il semble être question dans le dernier article sur l'entrée en vigueur, justement? On ne voit pas souvent un genre de processus d'entrée en vigueur progressif comme celui-ci. C'est quelque chose de très unique. Je ne sais pas.
Pour les sénateurs qui ne le savent pas, l'entrée en vigueur, c'est le jour où un projet de loi est adopté.
Mme Coninsx : Lorsque l'AECG entrera en vigueur, le processus ne sera pas progressif. Nous ne dirons pas « cette partie de l'AECG entre en vigueur », à l'exception, je dirais, de l'article sur les investissements et les répercussions provisoires. Lorsque l'AECG entrera en vigueur, ce sera en entier. Il est possible que, dans le système canadien — mais vous êtes mieux placés que moi pour le dire — il y ait certaines dispositions sur lesquelles il faudra travailler afin de les mettre en œuvre. C'est ce dont il s'agit, j'imagine. Mais je dirais que c'est davantage...
La sénatrice Cools : C'est quelque chose de local.
Mme Coninsx : C'est plus un fait canadien...
La sénatrice Cools : C'est quelque chose de local, de toute évidence.
Mme Coninsx : ... qu'un enjeu européen. Pour nous, c'est important de connaître la date à laquelle vous terminerez vos travaux et à laquelle le projet de loi sera adopté. Laissez-moi vous dire que nous avons tous très hâte, parce que tout le monde est si impatient. Si vous parlez aux entreprises, vous verrez qu'elles veulent que tout commence le plus rapidement possible.
La sénatrice Cools : C'est logique, parce que, comme je l'ai dit, il s'agit d'un projet de loi habilitant, alors le gouvernement sait qu'il a beaucoup de travail à faire. Il se donne un maximum de liberté pour y arriver, ce qui est souhaitable, selon moi.
Le président suppléant : Merci, Votre Excellence, d'avoir été là aujourd'hui et de tous les renseignements que vous nous avez fournis.
Mme Coninsx : Merci. Je vous souhaite beaucoup de succès en ce qui concerne l'adoption du projet de loi.
Le président suppléant : Honorables sénateurs, le comité poursuivra son étude du projet de loi C-30, Loi portant mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres et comportant d'autres mesures.
[Français]
Pour cette deuxième partie de notre réunion, nous avons le plaisir d'accueillir, de la coopérative Agropur, M. René Moreau, président, et M. Dominique Benoit, vice-président principal, Affaires institutionnelles et communications.
[Traduction]
Et Claire Citeau, directrice générale de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire. Je demanderais à Mme Citeau de présenter sa déclaration, puis nous entendrons la déclaration d'Agropur.
Claire Citeau, directrice générale, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire : Je vous remercie de l'invitation de m'adresser au comité au nom de l'ACCA, porte-parole des exportateurs canadiens de produits agricoles et agroalimentaires, au sujet de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, l'AECG.
L'ACCA représente les fermiers, les transformateurs et exportateurs canadiens de bœuf, de porc, de grains, d'oléagineux, de légumineuses à grains, de soja, de malt et du secteur du sucre. Ensemble, les membres de l'ACCA comptent pour 90 p. 100 des exportations canadiennes, soit 54 milliards de dollars de produits agricoles et agroalimentaires par an, et soutiennent 940 000 emplois au Canada.
Notre priorité est d'obtenir un accès compétitif aux marchés mondiaux grâce aux ententes commerciales. L'Europe, le Japon, la Chine, la région Asie-Pacifique et l'ALENA sont les priorités de l'ACCA.
L'accès au marché européen pour les produits agricoles et agroalimentaires canadiens est un des points forts de l'AECG pour le Canada. L'ACCA a toujours été un grand défenseur de l'AECG et d'un commerce accru avec l'Europe.
L'ACCA a souvent rencontré les négociateurs ainsi que les représentants du gouvernement afin de s'assurer que les résultats des négociations procureraient des avantages réels aux exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires.
D'emblée, l'ACCA a exprimé son appui solide pour le potentiel de l'accord en principe de l'AECG annoncé en octobre 2013. Nous sommes également satisfaits de la conclusion des négociations et étions présents à Bruxelles lors de la signature de cet accord historique.
L'AECG offre un immense potentiel. L'AECG garantit un accès considérable à l'un des rares marchés multimilliardaires du monde et le fait avant même nos concurrents principaux. Avec une population de 500 millions d'habitants, l'Union européenne est, de loin, le plus grand importateur de produits agricoles au monde.
En 2014, le Canada a exporté pour 3,2 milliards de dollars de produits agricoles et agroalimentaires vers l'UE, surtout du blé, du soja, des oléagineux, des légumineuses à grain, de l'huile de canola, des fruits surgelés et du sirop d'érable. Cela ne représente qu'environ 5 p. 100 du total des exportations agroalimentaires du Canada et, vraiment, les exportations du Canada devraient être beaucoup plus élevées.
L'ACCA a exprimé son soutien envers l'AECG, car le marché de l'UE offre un potentiel d'exportations considérable pour l'agroalimentaire : l'entente pourrait déboucher sur des exportations additionnelles de 600 millions de dollars de bœuf, de 400 millions de dollars de porc, de 100 millions de dollars de grains et d'oléagineux, de 100 millions de dollars de produits contenant du sucre, ainsi que de 300 millions de dollars en aliments transformés. Pris dans son ensemble, l'AECG pourrait se traduire par 1,5 milliard de dollars de nouvelles exportations de produits agroalimentaires vers l'UE, si l'on présume que les résultats négociés mèneront à un accès commercialement viable.
Les exportations canadiennes de produits agroalimentaires sont actuellement assujetties à des droits de douane élevés, de 13,9 p. 100, en moyenne. Dès sa mise en œuvre, les droits de douane seront éliminés sur presque 94 p. 100 des exportations et de nouveaux quotas permettront un plus grand accès pour bon nombre de produits agroalimentaires.
Mais les tarifs douaniers et les quotas ne sont qu'une partie de la question de l'accès au marché. Depuis longtemps, l'ACCA déclare qu'afin de concrétiser un accès significatif, les membres de l'ACCA demandent que les obstacles tarifaires et non tarifaires soient réglés avant la mise en œuvre de l'AECG.
Dans l'AECG, le Canada et l'UE se sont engagés à travailler en collaboration sur plusieurs enjeux non tarifaires. Actuellement, il est évident que l'accès commercialement viable promis à tous les exportateurs ne sera pas concrétisé avant un certain temps.
Les obstacles non tarifaires empêcheront une grande partie du secteur agroalimentaire de tirer profit de l'accord si ces problèmes ne sont pas résolus. Il s'agit notamment de l'approbation et de la réévaluation dans les délais opportuns des traits issus de la biotechnologie et des intrants agricoles et de l'approbation des systèmes de transformation des viandes.
Pendant la période de 2014-2016, l'ACCA a vivement encouragé la conclusion des processus légaux et politiques liés à l'AECG, tout en veillant à terminer les discussions techniques afin que les bénéfices prévus de l'accord puissent être réalisés sous la forme d'un accès commercialement viable pour tous les exportateurs canadiens.
Au cours de 2016, l'ACCA a déclaré que son soutien à la mise en œuvre de l'AECG serait évalué selon la mesure dans laquelle les résultats négociés mèneront à un accord commercialement viable.
En août dernier, nos membres ont rencontré les responsables d'Affaires mondiales Canada et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada afin de discuter du mérite du plan de mise en œuvre de l'AECG pour les exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires dans le cadre de la voie à suivre.
Aujourd'hui, étant donné le temps que l'UE met à régler ces enjeux, l'ACCA accorde son soutien conditionnel à la mise en œuvre de l'AECG, avec les trois conditions suivantes : l'ACCA accordera son soutien à la mise en œuvre de l'AECG, avec un engagement du gouvernement du Canada à mettre en œuvre une stratégie de plaidoyer financée et un plan de mise en œuvre de l'AECG exhaustif pour les exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires, de façon à parvenir à un accès réel. Ce plan se concentrera sur la transformation des résultats négociés en accès commercialement viable, y compris, mais non limité, aux secteurs des grains et oléagineux et au secteur des viandes, en établissant des groupes de travail de haut niveau.
L'ACCA demande aussi que le comité recommande dans son rapport sur le projet de loi C-30, que le gouvernement du Canada s'engage formellement envers le plan de mise en œuvre de l'AECG pour les exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires canadiens afin d'assurer un accès commercialement viable pour les secteurs agricoles et agroalimentaires. Ce plan doit être appliqué jusqu'à ce que les résultats en matière d'accès aux marchés soient réalisés et commercialement viables pour tous les exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires canadiens. Nous demandons au gouvernement du Canada qu'il déploie un maximum d'efforts pour résoudre les obstacles techniques dans l'intervalle, jusqu'à ce que l'accord soit mis en œuvre.
Pour conclure, il reste encore beaucoup à faire. Étant donné le potentiel énorme et la collaboration que l'ACCA a toujours accordée au gouvernement, l'ACCA soutient le projet de loi C-30 ainsi que la mise en œuvre de l'AECG sous réserve des trois conditions énoncées ci-haut.
Nous serons heureux de faire rapport au comité, de façon régulière, sur les progrès réalisés pour l'accès réel au marché européen des exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires, pendant la mise en œuvre de l'AECG.
[Français]
René Moreau, président, Agropur Coopérative : Bonjour, et merci aux membres du comité de nous donner l'occasion de nous prononcer sur la mise en œuvre de l'accord Canada-Europe.
Tout d'abord, permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet d'Agropur. C'est la plus grande coopérative laitière canadienne, propriété de 3 345 producteurs de lait répartis dans les cinq provinces de l'Est du Canada.
Nous générons maintenant un chiffre d'affaires de 6 milliards de dollars et notre entreprise compte plus de 8 000 employés, y compris 6 000 au Canada. Nous possédons 39 usines de transformation laitière de fromage, de lait et de yogourt, dont 27 sont réparties dans huit provinces au Canada. Nous avons connu une expansion rapide au cours des années 2000. En effet, notre chiffre d'affaires est passé de 1,2 milliard de dollars à 6 milliards de dollars. Nous sommes l'un des cinq transformateurs laitiers parmi les plus importants en Amérique du Nord et nous figurons parmi les plus grands joueurs laitiers à l'échelle internationale.
Grâce à notre formule coopérative, nous pouvons répartir nos profits en ristournes aux membres propriétaires. Au cours des cinq dernières années, nous avons retourné plus de 400 millions de dollars dans les régions de l'Est du Canada.
En ce qui concerne les objectifs en matière de quotas d'importation liés à cette entente, je vais passer la parole à M. Benoit.
Dominique Benoit, vice-président principal, Affaires institutionnelles et communications, Agropur Coopérative : Agropur Coopérative est en faveur de l'entrée en vigueur de l'accord, soit le projet de loi C-30. Cela dit, nos propos sont liés à la décision éminente sur l'allocation des quotas d'importation de fromages issue de l'Accord économique Canada-Europe.
De notre point de vue, les objectifs liés à cet enjeu, qui est spécifique à notre industrie, devraient viser le respect des obligations internationales canadiennes tout en protégeant le secteur dans lequel Agropur Coopérative opère, soit la gestion de l'offre dans le secteur laitier. Nous croyons qu'il est important pour le gouvernement de minimiser, dans l'allocation des quotas, les impacts sur l'industrie laitière canadienne et de compenser les transformateurs pour les pertes qui seront subies.
Dans le cadre de ce mécanisme d'allocation des quotas d'importation, nous croyons qu'il sera important que le gouvernement prévoie une période de transition, car nous jouons avec un produit sensible, c'est-à-dire les fromages. Nous devons donc planifier cette mise en marché. Selon nous, il est important de réduire les risques à la santé publique en confiant à des experts la responsabilité de gérer ces produits sensibles. Nous envisageons de permettre à Agropur Coopérative de poursuivre son développement en tant que joueur important dans le marché des fromages fins, ici, au Canada.
Dans le cadre de l'entente et du projet de loi, nous comprenons qu'afin de respecter ses obligations, le gouvernement devra accorder au moins 30 p. 100 des nouveaux quotas d'importation de fromages, soit 17 700 tonnes, à de nouveaux joueurs dans le marché de l'importation. Nous croyons qu'il est souhaitable que le gouvernement accorde ces nouveaux quotas à l'Alliance canadienne de fromagers, qui est une organisation créée à cette fin. Dans le but de minimiser les impacts sur l'industrie laitière canadienne et de compenser l'industrie pour les pertes subies, nous souhaitons que ces nouveaux quotas d'importation soient offerts aux fabricants de fromages.
Nous sommes d'avis que le gouvernement doit assurer une période de transition de six à neuf mois de façon à nous permettre d'élaborer des plans de mise en marché adaptés à la réalité du secteur des fromages. Une fois cette transition terminée, les quotas pourraient entrer en vigueur sur une période de cinq ans, tel que le prévoit l'entente.
Nous sommes convaincus que les transformateurs sont les mieux placés pour gérer les programmes d'assurance de la qualité et minimiser les risques à la santé publique. Les fromages sont des produits alimentaires sensibles, et ce sont les fabricants qui, aujourd'hui, gèrent les programmes d'assurance de la qualité, les programmes de rappels, et cetera.
Notre entreprise et les entreprises comme la nôtre ont l'expertise et le savoir-faire liés à l'importation des fromages. Nous croyons qu'il est important que les quotas d'importation soient alloués aux fabricants canadiens sur la base de leur fabrication fromagère actuelle. Le gouvernement devrait s'assurer d'appuyer les fabricants canadiens de fromages qui ne possèdent pas de capacité de fabrication en Europe et qui, le cas échéant, bénéficieraient d'un avantage au Canada et en Europe.
En choisissant la méthode d'allocation des quotas — le ministre du Commerce international, M. Champagne, devra prendre cette décision dans les semaines à venir —, nous croyons que le gouvernement doit veiller à stabiliser un marché des fromages très vulnérable. Les méthodes administratives visant la stabilité sont souhaitables.
À nouveau, le marché des fromages requiert une expertise, des connaissances approfondies de la logistique et de la distribution, des mécanismes appropriés de gestion de la qualité et des rappels, soit toutes des qualités que les fabricants canadiens de fromage possèdent. Nous sommes convaincus que le gouvernement doit appuyer les bâtisseurs de l'industrie laitière canadienne tels qu'Agropur Coopérative, qui est une entreprise canadienne qui compte 6 000 employés dans 29 usines réparties dans 8 provinces. Nous sommes un contributeur économique important dans les collectivités rurales, et c'est pourquoi nous croyons qu'il est important de soutenir ce secteur pour l'économie canadienne.
Nous vous remercions et nous nous mettons à votre disposition pour discuter avec vous et répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président suppléant : Merci beaucoup de nous avoir présenté votre exposé. Je vais commencer par la sénatrice Eaton. Vous êtes la première à poser des questions.
La sénatrice Eaton : Je vais poser mes questions rapidement et je vous demande de répondre aussi rapidement. Je sais que beaucoup de personnes veulent poser des questions autour de la table.
Qu'en est-il des obstacles non tarifaires? Nous tenons pour acquis que le canola et le miel sont des aliments génétiquement modifiés. Je me rappelle avoir appris, l'année dernière, lorsque j'étais membre du Comité de l'agriculture, que l'Allemagne n'allait pas permettre l'importation du miel canadien après avoir découvert en examinant du miel produit au Canada que les abeilles étaient passées par des champs où il y avait des OGM et découvert des OGM dans le miel. Y a-t-il d'autres obstacles non liés au commerce? Et de quelle façon allons-nous les surmonter?
Pour ce qui est d'Agropur, je me trompe peut-être, mais je lis votre mémoire et je vous ai entendu dire en français :
Nous comprenons qu'afin de respecter ses obligations, le gouvernement doit allouer au moins 30 p. 100 des nouveaux quotas à de nouveaux entrants. Nous croyons souhaitable que le gouvernement alloue ces nouveaux quotas à l'Alliance des fromagers du Canada.
Je croyais que les quotas allaient être réservés aux fromages européens importés ici, mais, de toute évidence, je ne comprends pas ce que vous avez voulu dire.
Mme Citeau : Pour ce qui est des obstacles non tarifaires, et simplement pour commencer, de façon générale, le secteur agricole est confronté à des obstacles tarifaires et non tarifaires lorsqu'il est question d'avoir accès aux marchés.
La sénatrice Eaton : En quoi consistent les obstacles non tarifaires?
Mme Citeau : Ce que font les accords de libre-échange, c'est qu'ils éliminent les tarifs; cependant, d'après notre expérience, ce que constatent nos membres, c'est que, dès que les tarifs sont éliminés, très souvent il y a un certain nombre d'obstacles non tarifaires qui apparaissent. Dans l'AECG, le Canada et l'UE se sont engagés à éliminer un certain nombre d'obstacles non tarifaires, y compris l'approbation rapide des produits génétiquement modifiés. Le canola est un produit génétiquement modifié, et l'accord ne précise pas que le canola ne peut pas être exporté. En fait, il peut être exporté sous forme de biocarburant ou de matière première, ce qui est permis au titre de la réglementation de l'UE. Cela ne changera donc pas.
Ce que prévoit l'engagement, c'est que ces approbations doivent être accordées rapidement. Actuellement, nous sommes confrontés à des obstacles non tarifaires en ce qui a trait aux produits génétiquement modifiés, parce que l'UE n'a pas respecté son engagement en matière d'approbation rapide de ces échanges. Il y a un certain nombre d'échanges qui doivent être approuvés, et le délai d'approbation est très long alors que, en principe, il devrait être beaucoup plus court de façon à ce que nos exportateurs puissent se préparer à tirer profit des marchés de l'UE et qu'ils commencent à planter des cultures, aujourd'hui, afin de pouvoir les vendre. Cependant, ils ont besoin de ces signaux du marché maintenant. De ce point de vue, le temps presse. Nous sommes confrontés plus ou moins à la même situation pour ce qui est de la viande aussi. Les obstacles sanitaires et phytosanitaires sont des obstacles non tarifaires, et la raison pour laquelle, aujourd'hui, si l'accord devait entrer en vigueur, nos exportateurs de viande — de bœuf et de porc, surtout — ne pourraient pas tirer profit de l'élimination des tarifs, c'est en raison des obstacles non tarifaires liés à l'approbation des systèmes de transformation de la viande que l'UE refuse encore d'accorder.
M. Benoit : Je veux que ce soit bien clair. Le gouvernement canadien s'est engagé à ouvrir le marché canadien à 17 700 tonnes de fromage supplémentaires de l'UE et, de ces 17 700 tonnes, il s'est engagé à accorder au moins 30 p. 100 de cette quantité — on parle donc d'environ 5 000 tonnes, au moins 5 000 tonnes — à de nouveaux importateurs.
Ce que nous disons, c'est que, selon nous, il faudrait limiter ce volume à 30 p. 100 et nous serions très favorables à ce que ces quantités soient offertes à l'Alliance des fromagers du Canada.
La sénatrice Eaton : Ce sont donc des importateurs et non des producteurs de fromage?
M. Benoit : L'Alliance des fromagers du Canada est un groupe de petites et moyennes entreprises qui n'importent pas actuellement de fromage, mais qui se sont regroupées et qui ont demandé au gouvernement de leur accorder 30 p. 100 de ces nouveaux quotas d'importation.
Nous sommes favorables à une telle mesure. Et je dirais que nous le sommes parce que nous croyons que les fromagers sont les mieux placés pour gérer les importations. C'est la raison pour laquelle nous demandons au gouvernement d'attribuer les nouveaux quotas d'importation aux fromagers parce que, parmi les fromagers actuels, il y en a un certain nombre qui possèdent des quotas d'importation, comme Agropur. Agropur est un importateur de fromages qui possède des quotas d'importation de l'OMC. Il y a un certain nombre de petits fromagers regroupés sous l'égide de l'Alliance des fromagers, et nous sommes favorables à ce que ce soient ces entreprises qui bénéficient de ces 30 p. 100 accordés à de nouveaux importateurs.
Le sénateur Woo : Merci aux témoins. J'ai une série de questions pour nos collègues d'Agropur et une question pour notre collègue de l'ACCA.
Ma première question destinée à M. Moreau et M. Benoit est très simple. Dans quelle mesure peut-on s'attendre à ce que le prix du fromage diminue après l'entrée en vigueur de l'AECG? Ce n'est pas grave si vous ne pouvez pas répondre. Vous me direz peut-être que vous ne vous attendez pas à ce que le prix du fromage diminue. C'est exact?
M. Benoit : Voici ma réponse : c'est très difficile de savoir ce qui va arriver. Je dirais que tout dépend en grande partie des entités qui obtiendront les quotas et la façon dont elles le géreront.
Je vais vous donner un exemple. Nous croyons que, si les quotas étaient gérés de façon à faire du dumping de fromage au Canada, on recevrait probablement des fromages relativement peu coûteux. Cependant, ce ne serait pas une façon logique de bâtir une industrie. Selon nous, le fromage est un produit de nature délicate qu'il faut gérer avec attention. Nous croyons que, dans l'intérêt de l'industrie, mais aussi des consommateurs — nous pouvons parler des consommateurs —, un environnement stable est bénéfique pour les consommateurs et pour les producteurs et les transformateurs comme nous.
Le sénateur Woo : Merci de la réponse. J'imagine que tout dépendra aussi des choix des producteurs canadiens en matière de production. Si vous décidez de réduire votre production en fonction de l'augmentation de 17 700 tonnes, cela aurait pour effet d'éliminer l'augmentation de l'offre dans le marché et, par conséquent, d'assurer la stabilité des prix, non?
Passons à la question de savoir qui devrait obtenir les quotas. Pouvez-vous expliquer pourquoi le fait d'attribuer les quotas aux fromagers est plus susceptible de réduire le coût des fromages pour les consommateurs? Parce que, vous savez, au bout du compte, l'accord de libre-échange doit être bénéfique non seulement pour les exportateurs, mais aussi pour les consommateurs. Pourquoi est-ce que cela serait plus bénéfique que d'attribuer les quotas de fromage aux détaillants qui, effectivement, pourraient accroître la concurrence dans le marché des fromages importés?
[Français]
M. Moreau : La raison principale pour laquelle on demande que ce soit les transformateurs qui continuent d'avoir ces nouveaux quotas est la suivante. On a développé l'industrie des fromages fins, comme vous le savez, depuis une trentaine d'années, particulièrement au Québec, mais aussi au Canada, en combinaison avec les importations. Avant ces 17 700 tonnes de nouveaux quotas à venir, 20 000 tonnes étaient déjà importées d'Europe depuis plusieurs années. Il faudrait que ce soit les transformateurs qui contrôlent ces importations. Les fromages que nous importons sont en complément à la production domestique. Ils ne sont pas en compétition directe avec les fromages d'ici. C'est le principal avantage de pouvoir exercer ce contrôle.
Lorsqu'on veut faire des offres à nos clients, le fait de pouvoir leur offrir toute la gamme constitue un autre avantage. Avec les grands clients, si on n'a pas toute la gamme de produits, soit les fromages importés et les fromages produits ici, on ne peut même pas soumissionner. C'est l'avantage de pouvoir contrôler les importations.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Je ne vois pas en quoi cela entraînera une réduction du prix des fromages, mais passons.
J'aimerais maintenant souligner que cet accord fournit au gouvernement du Canada jusqu'à 350 millions de dollars en indemnisations pour une diversité d'initiatives visant à aider l'industrie laitière. On parle de 17 700 tonnes de fromages importés, ce qui donne environ 20 $ par kilogramme de fromage. C'est la contribution des contribuables qui vient s'ajouter au prix qu'il faut payer pour les formages de spécialité, alors ce sera beaucoup plus dispendieux que ça.
J'aimerais que nos collègues du secteur laitier nous disent pourquoi, selon eux, l'industrie mérite cette indemnisation alors que d'autres secteurs du Canada essuieront des pertes de marché découlant des importations de l'UE.
M. Benoit : Ce serait une erreur, selon moi, de vous donner l'impression que les produits laitiers au Canada sont plus dispendieux qu'ailleurs dans le monde. Nous avons beaucoup de données prouvant que les produits laitiers au Canada ne sont pas plus chers qu'aux États-Unis, en Australie ou en Nouvelle-Zélande.
La réalité, c'est que nous croyons que les mécanismes en place actuellement permettent d'offrir des prix justes aux consommateurs tout en créant un environnement stable qui permet aux producteurs et transformateurs de croître.
Et maintenant, pour ce qui est de la question de l'indemnisation, nous avons compris que le gouvernement offrira à l'industrie — à l'industrie de la transformation, qui sera la plus touchée par l'accord —, une somme de 100 millions de dollars. D'après notre interprétation, ce montant est lié non pas directement aux importations de fromages, mais plus au besoin pour l'industrie d'investir dans une stratégie associée aux ingrédients et de mettre en place des mécanismes pour produire des ingrédients au Canada.
Je dirais que la stabilité de notre environnement contribue beaucoup à l'économie dans les zones rurales, où sont situées les fermes et les installations de transformation.
Je serai heureux de discuter d'autres questions avec vous plus tard, au besoin, concernant l'étude que nous avons commandée au Boston Consulting Group, il y a deux ans, sur la gestion de l'offre. Je me ferai un plaisir de vous parler de ce sujet, si vous le souhaitez.
Le sénateur Woo : Je vais garder mes questions qui s'adressent à Mme Citeau pour le deuxième tour de questions.
Le sénateur Housakos : J'ai une question qui s'ajoute à celle du sénateur Woo, qui, je crois, est fondamentale. Au bout du compte, nous savons, comme législateurs au Canada, que nous avons choisi d'avoir une industrie très axée sur les cartels en ce qui concerne le lait et le fromage. Cela a été favorable pour l'industrie.
Il s'agit à la fois d'une question et d'une opinion. Je trouve qu'il est très difficile de comprendre pourquoi les nouveaux entrants sur le marché européen devraient être des fabricants qui sont déjà en concurrence directe au Canada en raison des quotas déjà en place. Si vous êtes un distributeur ou un détaillant de fromages n'importe où en Europe — il s'agit de produits fins dans le marché actuel —, vous êtes en concurrence directe.
Par exemple, au Québec, nous avons d'excellents producteurs de fromage de chèvre, et leurs produits sont en concurrence directe avec les fromages de chèvre provenant de l'Europe. Si nous souhaitons que nos préoccupations soient axées sur le marché, je crois que ce que le gouvernement devrait faire — et, bien sûr, cela découlera du processus de mise en œuvre de l'accord, cela ne relève pas de notre compétence —, c'est allouer ces quotas aux distributeurs et aux détaillants. Les petites et grandes entreprises de fabrication au Canada tireront déjà des avantages de cet accord en obtenant un accès accru au deuxième marché en importance au monde.
Le fait que nous ayons un marché est un avantage pour les fabricants, car nous pouvons pénétrer ce marché avec nos excellents fromages de chèvre du Québec à un prix concurrentiel et être en mesure de faire concurrence dans ces marchés. C'est dans un contexte semblable que les ententes de libre-échange peuvent procurer des avantages à toutes les parties. Encore une fois, j'aimerais entendre votre avis à ce sujet.
Je sais que vos membres ont toujours le réflexe de protéger les acquis, mais, si nous sommes partie à cet accord de libre-échange, qui offre un monde nouveau, et que nous avons accès à un marché plus grand et plus riche dans lequel il est possible de mettre nos produits en concurrence, nous devons, en retour, être prêts à permettre que des produits entrent sur notre marché et créent de la concurrence, ce qui procurera aussi un net avantage à nos consommateurs. Parce que, si l'on affirme qu'un accord commercial n'est bon que si l'on gagne la guerre de l'excédent commercial, nous devrons vendre plus de marchandises en Europe qu'il ne se vend de produits européens ici. Je suis d'avis que, quand une telle situation survient, c'est la fin des accords commerciaux. Je vous prie d'exprimer votre point de vue.
[Français]
M. Moreau : Avec l'accord Canada-Europe, nous aurons le droit d'exporter en Europe. Les gains ne seront pas réalisés à court terme, mais plutôt à long terme. Comme on le sait, le prix du lait en Europe est beaucoup plus bas, grâce aux subventions et à la politique agricole commune de l'Europe, qui représente environ 83 milliards d'euros par année. Il est très difficile d'y faire concurrence. Avec notre système de gestion de l'offre, on ne reçoit aucune subvention. Il sera donc très difficile pour nous de profiter à court et moyen terme de l'ouverture vers l'Europe.
[Traduction]
M. Benoit : J'ajouterais aux commentaires de M. Moreau que la gestion de l'offre est un choix de société. Le gouvernement du Canada a décidé il y a 40 ans que, ici, au lieu de subventionner l'industrie laitière, nous aurions un système qui permet à l'industrie d'exister grâce au prix équitable que les consommateurs paient pour le produit qu'ils achètent.
C'est une tout autre histoire en Europe, et encore une autre aux États-Unis. En Europe, les responsables ont supprimé le système de quotas il y a deux ans; regardez ce qui est arrivé là-bas depuis. Aujourd'hui, il y a une crise dans le secteur des produits laitiers en Europe parce que l'industrie souffre beaucoup en raison de la réglementation.
Pour faire écho à ce que M. Moreau a dit, dans les faits, il est irréaliste d'espérer que le Canada exportera des produits laitiers vers l'Europe. Cela ne se produira pas, et nous ne tirerons aucun avantage de l'entente entre le Canada et l'Union européenne.
L'industrie laitière est le secteur sacrifié pour que l'industrie exportatrice représentée par l'ACCA puisse exporter vers l'Europe. Dans les faits, nous serons perdants et notre industrie sera perdante. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement que, au moment d'examiner les quotas d'importation de fromage, il gère cette perte. Nous sommes d'avis que, s'il alloue les quotas d'importation de fromage aux fabricants, le gouvernement réduira les incidences sur notre industrie.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : En analysant votre mémoire — et je m'adresse surtout à Agropur —, je note que vous avez beaucoup de commentaires ou de recommandations liés à la mise en œuvre administrative et à la relation, entre autres, avec Santé Canada et Agriculture Québec.
De façon générale, j'ai deux questions au sujet de vos recommandations. Tout d'abord, vous parlez des risques pour la santé publique. On sait qu'il y en a. Toutefois, mon expérience avec l'industrie m'a permis de constater à quel point on faisait preuve de professionnalisme et de sérieux dans la prévention des contaminations et la gestion des risques. Vous indiquez que les transformateurs sont les mieux placés pour gérer les programmes d'assurance de la qualité et minimiser les risques pour la santé publique. Dans la mise en œuvre de l'entente, souhaitez-vous des changements dans vos relations actuelles et dans les responsabilités qu'ont Santé Canada et les ministères de l'Agriculture provinciaux, en l'occurrence celui du Québec?
M. Benoit : La réponse est non, bien entendu. Il y a actuellement des processus en place, tant à Santé Canada qu'à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Ces processus sont très bien structurés et organisés. Ce qu'on essaie de dire dans ce paragraphe, c'est que dans la vraie vie, ce sont les transformateurs qui sont responsables des programmes de gestion des rappels de produits.
Aujourd'hui, quand survient un problème lié à un fromage, qu'il soit canadien ou importé, c'est nous, de par notre expertise en tant que fabricants, qui prenons en charge le rappel des produits auprès de nos clients et des consommateurs. On a vécu la crise de la listériose en 2008, et cet événement vient à l'esprit quand on parle de rappels. Les grands transformateurs comme nous, vous l'avez mentionné, ont pris cette question très au sérieux, car elle constitue un enjeu de santé publique important. Ces mécanismes ne sont pas gérés par nos clients. Ils sont gérés par nous, les transformateurs.
La sénatrice Saint-Germain : Je voulais comprendre justement si vous demandiez des changements dans l'administration. Lors de la crise de la listériose, alors que j'étais protectrice du citoyen au Québec, j'avais mené une enquête, vous vous en souvenez peut-être. J'avais alors constaté que la bureaucratie, tant fédérale que provinciale, était très lente à réagir et à répondre à vos besoins. Je sais qu'il y a eu des améliorations depuis ce temps. Je fais donc le lien avec ces constats, à l'époque de la crise de la listériose. À la dernière phrase de l'avant-dernier paragraphe de votre bref document, on peut lire ce qui suit :
Ainsi, des méthodes administratives visant la stabilité sont souhaitables.
Dans cette affirmation, vous parlez de l'allocation des quotas précisément. Qu'entendez-vous par « méthodes administratives visant la stabilité »?
M. Benoit : Ce commentaire n'est pas en lien avec la gestion de la qualité, mais plutôt avec le fait que les fromages, et les fromages fins en particulier, sont des produits mis en marché qui ont leur propre vie. L'importation d'un camembert de Normandie est très différente de l'importation d'un bloc de cheddar commun. Les fromages ont leur personnalité, et ce marché doit être développé. Or, ce développement ne peut se faire au moyen de mécanismes administratifs instables pour gérer les quotas d'importation. Par exemple, dans certains secteurs d'activités, comme celui du bœuf, la gestion est basée sur le principe du premier arrivé, premier servi. Au début de l'année, les importateurs se présentent à la frontière et obtiennent les quotas d'importation. Une fois le quota rempli, c'est fini.
Pour notre part, nous prétendons que les quotas d'importation de fromages doivent être gérés de façon stable, comme ils le sont aujourd'hui. Les gens qui développent ces marchés font des plans de mise en marché, des plans de marketing, présentent le produit aux consommateurs et développent à long terme un marché. Donc, quand on parle de méthodes administratives qui stabilisent tout cela, c'est parce qu'un fromage, ce n'est pas une commodité; c'est un produit spécifique.
La sénatrice Saint-Germain : Un dernier point; vous avez dit dans votre présentation que l'Alliance canadienne de fromagers a été créée spécifiquement pour gérer l'allocation des quotas. Dois-je comprendre qu'il y a un consensus au sein de l'industrie, tant de la part des transformateurs que des fabricants, quant à l'idée que l'alliance serait l'instance de l'industrie la mieux placée?
M. Benoit : Encore une fois, concernant l'allocation des quotas, le gouvernement s'est engagé à en accorder 30 p. 100 à de nouveaux entrants. Nous pensons, du point de vue d'Agropur, que l'alliance est bien placée pour gérer ces 30 p. 100. Les 70 p. 100 restant, selon nous, devraient être accordés aux transformateurs traditionnels, tels Agropur et d'autres joueurs.
La sénatrice Saint-Germain : Je vous remercie.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : Ma première question s'adresse à Mme Citeau. Vous avez mentionné trois conditions à l'intention du comité. Pourriez-vous les répéter? Vous les avez exposées très rapidement.
[Français]
Si vous pouviez répéter cette condition pour le comité, ensuite, j'aurais une question à poser aux gens d'Agropur.
Mme Citeau : C'est la deuxième condition, je la répète :
[Traduction]
L'ACCA demande au comité qu'il recommande au gouvernement du Canada, dans son rapport sur le projet de loi C-30, de s'engager à l'égard d'un plan de mise en œuvre de l'AECG à l'intention des exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires pour s'assurer que les résultats négociés leur donnent un accès commercialement viable.
[Français]
Le sénateur Pratte : Merci, c'est plus clair.
Pour les gens d'Agropur, je suis un peu « dur de comprenure », comme on dit; j'ai encore un peu de difficulté à vous situer dans ce tableau. Je comprends que les producteurs qui sont regroupés au sein de l'alliance sont de moyens ou de petits producteurs. Donc, cela ne vous désigne pas, il ne s'agit pas de gens qui ont des liens avec vous. Cependant, vous voulez que ce soit eux qui reçoivent les quotas d'importation, et que les 70 p. 100 qui restent soient accordés à des gens qui ont déjà des quotas d'importation, comme vous. Ce que vous ne voulez pas, c'est que les nouveaux joueurs soient des détaillants, si je comprends bien. Qu'est-ce que vous craignez qu'il arrive, si ce sont des détaillants?
M. Moreau : Comme on le mentionnait plus tôt, le risque le plus important, c'est de déstabiliser le marché. Il y a différentes périodes de l'année pendant lesquelles la vente des fromages fins fluctue beaucoup. On sait que la période des fêtes et la période de Pâques sont les temps forts de l'année. Nous pouvons contrôler les importations pour ne pas nuire à nos productions domestiques mais, également, le moment de l'année où on les importe est très important. C'est notre principale préoccupation. Si cela tombe entre les mains des détaillants, on n'aura aucun contrôle, et il est évident que, pendant les temps forts de l'année, les importations risquent d'augmenter. Cela pourrait nuire au marché des fromages fins et le déstructurer, soit un marché que nous avons tout de même contribué à bâtir depuis une trentaine d'années.
Le sénateur Pratte : Pour me faire l'avocat du diable, et pour rejoindre un peu ce que le sénateur Woo disait plus tôt, est-ce qu'il n'y a pas, à l'inverse, un avantage pour le consommateur? Est-ce que le détaillant ne chercherait pas à faire en sorte que le consommateur ait le plus de choix possible, au prix le plus bas possible?
M. Benoit : Vous comprendrez qu'on ne fera pas le procès de nos clients devant la caméra. Je pense que ce qui est important pour nous, c'est de regarder tout ce qui s'est fait comme développement dans la fromagerie au Canada depuis 20, 25 ans, au Québec, mais aussi en Colombie-Britannique et en Ontario. Il y a un grand nombre de joueurs de taille petite et intermédiaire qui sont très à risque avec l'arrivée de ces 17 000 tonnes de fromage.
Je prends l'exemple d'un fabricant qui fait du gouda, tout près de Québec. Il produit de 1 500 à 2 000 tonnes de fromage gouda annuellement. C'est très facile pour un détaillant d'importer au Canada 10 000, 5 000, ou 2 000 tonnes de gouda et de présenter au consommateur canadien un gouda européen, et non pas un gouda canadien. C'est possible. Alors, comment, préserver notre industrie fromagère? C'est en donnant les quotas d'importation aux fabricants fromagers qui connaissent cette industrie. L'alliance, en l'occurrence, est bien placée pour cela. Il s'agit de petits et moyens joueurs qui n'ont pas nécessairement une expertise en importation, mais qui peuvent faire la distribution et une mise en marché de façon complémentaire à leur propre fabrication.
Le sénateur Pratte : Je suis favorable à votre position, mais je trouve que c'est un peu une alliance contre nature, parce que vous êtes aussi un gros concurrent pour ces petits et moyens producteurs.
M. Benoit : Nous avons la prétention de croire que plusieurs des petits joueurs qui existent aujourd'hui ont vu le jour parce qu'on a pu développer un goût pour les fromages au Canada et au Québec, grâce à l'importation de fromages. Ces entreprises ont pris une place qui est la leur. Aujourd'hui, elles ont leur place sur le marché dans le contexte de la gestion de l'offre. Demain, de quelle façon ces 17 700 tonnes vont-elles être gérées? Il s'agit d'une quantité énorme de fromages fins, quand on la compare au marché canadien. Selon la façon dont on définit les fromages fins, le marché canadien représente de 60 000 à 100 000 tonnes. Importer au Canada 17 000 tonnes, cela représente une part de 17 à 40 p. 100 du marché canadien des fromages fins.
Il est sûr que cela aura un impact important. Agropur, demain matin, sera encore en vie; nous serons encore présents, nous allons survivre à cela, mais nous sommes conscients qu'il y a de petits joueurs dont la santé est plus fragile. Nous les connaissons, nous les côtoyons et nous appuyons leur demande d'obtenir 30 p. 100 des nouveaux quotas.
Le sénateur Pratte : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Merci de votre présence ce soir. Je vais me pencher de nouveau sur vos recommandations, monsieur Benoit. Vous en avez parlé dans votre exposé. Vous avez dit : « Nous sommes d'avis que le gouvernement doit assurer une période de transition d'au moins six à neuf mois de façon à nous permettre de bâtir des plans de mise en marché adaptés. »
Nous avons entendu, immédiatement avant vous, l'ambassadrice de la Délégation de l'Union européenne au Canada. Elle a affirmé que, si ce projet de loi est adopté par le Parlement canadien, 95 p. 100 de l'accord sera en vigueur de façon provisoire. Elle a dit que les investissements seraient exclus, donc cela signifierait que les dispositions sur les fromages seraient appliquées dans les semaines suivant l'adoption du projet de loi.
Selon vous, une période de transition de six à neuf mois nuirait-elle aux exportations des produits des fabricants de fromage canadiens si les fromages européens entrent au Canada dans les semaines suivant l'adoption du projet de loi?
M. Benoit : Dans les faits, nous sommes conscients que l'accord entrera en vigueur. Ce que nous ignorons, c'est de quelle façon le gouvernement appliquera les quotas quant aux fromages exemptés de droits de douane.
Selon nous, pour réussir la mise en marché la première année, cela devrait toucher une partie des 17 000 tonnes. Ce ne sera pas 17 000 tonnes de fromage la première année, parce que la mise en œuvre s'étalerait sur cinq ans. La première année, il y aurait peut-être 2 000, 3 000 ou 4 000 tonnes qui devraient être mises en marché au Canada.
Nous affirmons que, pour bien réaliser ce travail, élaborer un plan de mise en marché, établir une relation avec les clients et offrir ces produits en plus de ceux que nous produisons, il nous faut du temps. Si le gouvernement ne nous accorde pas le temps nécessaire, je peux vous garantir que le secteur fromager connaîtra des montagnes russes, et il en sera de même pour ceux qui seront touchés par cet accord.
Ce que nous disons, c'est que, pour une organisation comme la nôtre, qui dispose de beaucoup de ressources, il nous faudra de six à neuf mois, au moins, pour préparer un plan de mise en marché pour ce volume de produits. Pour un petit producteur, il lui faudra vraisemblablement plus de temps, car il dispose de moins de ressources.
Ce que nous souhaitons — c'est ce que nous avons demandé dans notre exposé —, c'est qu'on nous alloue cette période afin de permettre une transition en douceur, notre objectif étant de réduire les répercussions et d'éviter de perturber notre marché qui est déjà fragile.
La sénatrice Cordy : Êtes-vous en train d'élaborer des plans de mise en marché en ce moment?
M. Benoit : Nous ne savons pas combien de quotas seront alloués. Je dois dire qu'il est très difficile de mettre au point un plan de mise en marché en se fondant sur des inconnues. Nous avons tous cela en tête et nous y réfléchissons. Toutefois, nous ne pouvons affirmer que nous déboursons de l'argent aujourd'hui pour quelque chose que nous ne connaissons pas; nous ne dépensons pas beaucoup d'argent aujourd'hui pour élaborer ces plans de mise en marché, parce que nous n'avons pas l'information.
La sénatrice Cordy : Nous avons beaucoup parlé des importations. Actuellement, les importations de fromage au Canada s'élèvent à 17 700 tonnes. Cette quantité augmentera de 30 p. 100. Quelles sont les quantités exportées actuellement du Canada vers l'Union européenne? Avez-vous ces chiffres?
M. Benoit : Encore une fois, pour mettre les choses au point, 17 700 tonnes s'ajouteront aux quantités actuellement importées. Trente pour cent de cette quantité seraient alloués à de nouveaux importateurs, à de nouveaux...
La sénatrice Cordy : Donc, en réalité, les 17 700 tonnes sont une augmentation.
M. Benoit : Oui.
En ce qui concerne les exportations, le Canada exporte de très petites quantités de fromage en Europe actuellement. Agropur exporte un peu de cheddar au Royaume-Uni, pour la Reine au Royaume-Uni. Nous aimons le souligner. Mais il ne s'agit pas d'un marché que nous comptons développer, parce que nos prix ne sont pas concurrentiels en Europe. Nous ne pouvons faire concurrence en raison des subventions accordées en Europe.
La sénatrice Cordy : D'accord. Merci.
La sénatrice Eaton : J'aimerais faire suite aux propos de la sénatrice Cordy. Je suis — pardonnez-moi — étonnée. C'est plutôt typique. Des responsables d'entreprises canadiennes nous ont déjà confié que nous n'osons pas prendre de risque. Nous ne prenons pas les devants. Nous attendons de recevoir les choses. En ce qui concerne Agropur — et vous avez connu beaucoup de succès; vous êtes une très importante préoccupation —, j'ai l'impression que vous n'avez rien élaboré et que vous n'êtes pas entrés sur ce marché. J'adore les fromages du Québec, de l'Ontario et du Nouveau- Brunswick. Je ne sais pas pourquoi nous ne pouvons pénétrer ce marché et tenter d'y faire concurrence. Je ne sais pas pourquoi vous n'offrez pas votre aide. Si vous souhaitez voir le gouvernement canadien allouer des quotas d'importation à de petits producteurs et fabricants de fromage, je ne comprends pas pourquoi vous n'essayez pas de vendre leurs produits en Europe aussi. Je pense simplement que c'est désolant que vous n'essayiez pas; vous n'osez pas prendre de risque pour entrer sur le marché européen et faire la promotion des fromages canadiens, qui n'ont rien à envier aux fromages français, allemands ou britanniques.
[Français]
M. Moreau : Les producteurs de fromage du marché européen, outre ceux que j'ai mentionnés tantôt, paient d'abord le prix du lait, leur matière première, beaucoup moins cher qu'ici. Donc, au départ, il est difficile de faire concurrence. C'est un marché très bien occupé. L'Europe est le plus grand producteur de fromage au monde, avec un marché de 500 millions d'habitants, qui est l'un des plus grands exportateurs dans le monde.
Nous ne sommes pas fermés. À long terme, nous allons tenter de développer des marchés niches en Europe pour des produits spécifiques, mais certainement pas à court terme.
[Traduction]
La sénatrice Eaton : Des vins canadiens sont vendus en Europe, et ce marché est beaucoup plus difficile que celui auquel se mesurent les fromages canadiens.
Le président suppléant : Merci. Après cette question, je souhaite vous remercier, madame Citeau, monsieur Moreau et monsieur Benoit, de votre présence.
(La séance est levée.)