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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 6 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 16, pour étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Je suis présidente du comité, la sénatrice Andreychuk de la Saskatchewan, et j’aimerais faire un tour de table en commençant par ma droite pour donner aux sénateurs l’occasion de se présenter.

Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Housakos : Leo Housakos, du Québec.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, Manitoba.

La sénatrice Cools : Anne Cools, de Toronto. C’est en Ontario.

La présidente : Le comité a eu l’autorisation du Sénat pour étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.

Dans le cadre de ce mandat, le comité va entendre aujourd’hui des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada. Je suis ravie d’accueillir au comité Mme Andrea Desmarteau, directrice adjointe, Industries créatives, Services financiers et professionnels; M. Peter Lundy, directeur général, Diplomatie ouverte et Initiatives spéciales; M. Patrick Riel, directeur adjoint, Diplomatie culturelle et Promotion des intérêts, Appui aux missions; et, enfin, M. Stuart Savage, directeur général, Coordination géographique et appui aux missions.

Monsieur Savage, je crois comprendre que vous allez commencer. Êtes-vous le seul à présenter avant la période des questions? Ou allez-vous vous partager la tâche?

Stuart Savage, directeur général, Coordination géographique et Appui aux missions, Affaires mondiales Canada : J’ai été élu comme seul présentateur, mais mes collègues sont à votre disposition pour répondre à vos questions au besoin.

La présidente : Merci d’avoir répondu à notre demande. Comme vous le savez, nous commençons notre étude. Nous avons entendu deux témoins qui nous ont donné leur perspective sur la diplomatie culturelle et la position du Canada, et nous estimions qu’il était important que les représentants d’Affaires mondiales Canada viennent nous parler de ce que le ministère a fait par le passé, si possible, et de ce qu’il fait maintenant, voire quels changements il prévoit dans un avenir proche.

Bienvenue au comité, vous avez la parole, monsieur Savage.

[Français]

M. Savage : Merci de nous donner l’occasion de nous adresser à vous.

[Traduction]

J’aimerais vous faire une mise en contexte de l’approche d’Affaires mondiales en matière de diplomatie culturelle, et vous dire comment nous reconnaissons que les arts et la culture du Canada sont des atouts pour faire la promotion du Canada à l’étranger à titre de pays socialement et économiquement progressiste.

[Français]

En 2016, le gouvernement du Canada a annoncé un investissement de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans dans les arts et la culture. De cette enveloppe, Affaires mondiales a reçu 15,4 millions de dollars sur deux ans pour mettre en valeur les arts et les industries créatives du Canada dans le monde entier et pour aider les missions canadiennes à l’étranger à promouvoir la culture et la créativité canadiennes sur la scène internationale. Cet automne, le gouvernement a annoncé du financement à venir pour poursuivre ses efforts au cours des cinq prochaines années.

[Traduction]

Le renouvellement de notre engagement en matière de relations culturelles internationales est réaffirmé dans la lettre de mandat de la ministre des Affaires étrangères:

[…] poursuivre la revitalisation de la diplomatie publique du Canada, la mobilisation des intervenants et la collaboration avec des partenaires du Canada et à l’étranger et augmenter l’interaction du Canada avec le monde sur le plan de l’éducation et de la culture. Cela comprend, avec le ministre du Commerce international, un appui à la ministre du Patrimoine canadien dans le rétablissement des programmes de promotion de la culture, leur modernisation et la bonification de leur financement.

La diplomatie culturelle a toujours été un pilier de la diplomatie publique pour informer et influencer les gouvernements de même que les gens et les communautés au-delà des voies politiques traditionnelles. Il s’agit d’un outil efficace pour renforcer les liens interpersonnels et pour générer un dialogue constructif entre les sociétés. La diplomatie publique, y compris la diplomatie culturelle, permet aux pays de stimuler les échanges, d’améliorer la compréhension culturelle internationale et de contribuer à la prospérité.

[Français]

La communauté artistique canadienne reflète des caractéristiques du pays, telles la diversité, la créativité, l’innovation, l’excellence et l’audace. Elle compte des artistes de renommée internationale, y compris la lauréate du prix Nobel de littérature Alice Munro, l’architecte autochtone Douglas Cardinal, jusqu’aux nombreux jeunes réalisateurs et réalisatrices de films, danseurs et danseuses, peintres et tant d’autres. Le contenu culturel canadien est l’un des meilleurs véhicules permettant de faire valoir notre identité et de présenter au monde qui nous sommes, et ce, afin de contribuer positivement à l’image du Canada et de promouvoir nos intérêts.

[Traduction]

Selon la perspective d’Affaires mondiales, la promotion des arts et de la culture du Canada sert trois objectifs principaux : l’interaction, la défense des intérêts et la prospérité. D’abord, la diplomatie culturelle permet une interaction accrue avec le monde au moyen d’échanges et de collaboration avec des partenaires et des intervenants clés à l’étranger. À l’étranger, cela implique des occasions de réseautage pour avoir accès à des auditoires cibles. La formation de partenariats, la réciprocité, le dialogue et les occasions d’apprentissage bidirectionnelles s’inscrivent dans le cadre de cet objectif. Par exemple, notre ambassade à Rome a facilité la participation de producteurs italiens à une semaine canadienne de la musique, ce qui a fait en sorte que des artistes et des imprésarios canadiens soient invités à participer à la Semaine de la musique à Milan, en Italie.

Deuxièmement, la diplomatie culturelle est un outil puissant pour la défense des intérêts. Grâce à leur travail et à leur créativité, des artistes, des auteurs et des entrepreneurs créatifs peuvent transmettre un message puissant qui correspond aux valeurs et aux priorités du Canada en matière de politique, comme la démocratie, la diversité et l’inclusion, les droits de la personne, l’égalité entre les sexes et la prospérité inclusive. Par exemple, notre ambassade à Moscou a soutenu le visionnement d’un film canadien et la participation d’un réalisateur canadien au festival LGBT « Side by Side » en Russie. Cette participation a renforcé la position du Canada en matière de droits de la personne et souligné l’importance que nous accordons à la diversité et à l’inclusion.

Troisièmement, nous tentons d’augmenter la prospérité du Canada grâce à la diversité culturelle. Le fait de soutenir des artistes qui œuvrent dans des industries créatives à l’étranger accroît les débouchés et favorise la découverte du secteur des arts et des industries artistiques au Canada. Prenons, par exemple, le Salon du livre de Francfort, le plus important salon du livre au monde, où le Canada sera l’invité d’honneur en 2020. Cet événement va faciliter la création d’occasions d’affaires et de promotions pour les éditeurs et les auteurs canadiens.

Affaires mondiales possède un certain nombre d’atouts pour appuyer notre diplomatie culturelle. L’atout le plus important est notre personnel dans le réseau des missions à l’étranger. Les employés locaux et basés au Canada sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain. Ils ont recours à leurs connaissances et à leur compréhension du domaine culturel pour soutenir les artistes et les industries de la création. Ils misent sur les occasions qui se présentent et aident à faire avancer les politiques étrangères du Canada et nos partenaires culturels canadiens. Par exemple, nous offrons de l’aide au ministre de passage, comme la ministre du Patrimoine, en organisant des tables rondes locales de même que des échanges avec des artistes et des créateurs sur le terrain.

Notre réseau modeste d’espaces culturels représente un autre atout. Des lieux de diffusion dans cinq grandes villes se consacrent à promouvoir notre créativité. Par exemple, à Berlin, le salon Marshall-McLuhan sert de lieu de diffusion multimédia pour l’ambassade. Son mandat principal est d’informer les jeunes Allemands sur tous les aspects de la culture canadienne. Le lieu et ses technologies font en sorte que le salon soit devenu un espace d’exposition officielle pour deux festivals d’envergure internationale: la Berlinale et la Transmediale.

[Français]

Notre collection d’œuvres d’art est un autre de nos atouts culturels. Elle compte plus de 6 000 œuvres produites par des artistes de toutes les régions du Canada et reflète ainsi notre patrimoine riche et multiple. La plupart de ces œuvres sont exposées dans les espaces publics de nos ambassades et de nos résidences officielles à l’étranger.

[Traduction]

Grâce aux ressources supplémentaires octroyées dans le budget de 2016, Affaires mondiales a créé des postes dans deux fonds visant à tirer profit des possibilités offertes au secteur des arts canadiens à l’étranger. Le Fonds culturel de la mission est un fonds de 1,75 million de dollars mis à la disposition de toutes les missions pour tirer profit des initiatives culturelles canadiennes afin de promouvoir nos artistes à l’étranger tout en faisant progresser les priorités de la politique étrangère. Le Fonds de la stratégie axé sur le commerce d’intégration du ministère a été étendu aux industries créatives. Ce financement d’un quart de million de dollars permet aux missions commerciales d’appuyer des initiatives interentreprises qui procurent un avantage économique direct aux entrepreneurs créatifs canadiens dans les marchés internationaux.

[Français]

Seize employés engagés localement ont été embauchés dans 13 missions pour aider à renforcer notre réseau. Nous avons également créé deux postes en parallèle à la centrale à Ottawa pour soutenir le travail des missions et coordonner la collaboration avec nos partenaires culturels canadiens.

[Traduction]

La collaboration renouvelée et améliorée d’Affaires mondiales Canada avec d’autres sources de financement des arts et organismes comme le Conseil des arts du Canada et Patrimoine canadien représente un élément clé de son approche en matière de diplomatie culturelle. Parmi les avantages multiples découlant de partenariats solides entre ces organisations, mentionnons la transmission d’informations aux missions sur les occasions de promouvoir les artistes canadiens, l’optimisation du financement dans la programmation d’initiatives et de tournées à l’étranger, la réduction des dédoublements et une meilleure coordination des efforts avec les intervenants.

[Français]

Nous avons reçu les premiers fonds destinés aux initiatives culturelles à l’étranger au cours du quatrième semestre du dernier exercice financier. À la fin du dernier exercice financier en mars 2017, 84 de nos 174 missions canadiennes avaient reçu des fonds pour un total de 253 projets. Ces projets ont permis d’appuyer bon nombre des priorités de nos politiques étrangères, telles que les droits de la personne et la démocratie, ainsi que le commerce et l’accès aux marchés. Plusieurs projets ont aussi contribué aux célébrations du 150e anniversaire du Canada s’articulant autour de quatre thèmes : la diversité culturelle et l’inclusion, la réconciliation avec les peuples autochtones, la jeunesse, et l’environnement.

[Traduction]

La capacité et l’expertise des missions augmenteront au fil du temps, notamment au moyen de la formation, de l’échange de renseignements et de l’orientation stratégique. Par ailleurs, nous avons hâte d’officialiser notre collaboration avec les partenaires fédéraux afin de saisir davantage d’occasions, par exemple en sachant quand et où les artistes financés par le Conseil canadien voyagent. Ainsi, nous pourrons réaliser le plein potentiel de la diplomatie culturelle afin de faire progresser les objectifs du Canada à l’échelle internationale.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je serai ravi de répondre à vos questions.

La présidente : Merci.

J’ai une liste de personnes qui veulent poser des questions. Je donne d’abord la parole au sénateur Oh.

Le sénateur Oh : Je vous remercie de votre présentation.

La fierté du Canada s’accroît grâce à l’acceptation et à la célébration de la diversité culturelle. J’étais avec la ministre Joly lors du lancement des célébrations entourant Canada 150 en Chine. Aussi, le Canada a été désigné meilleure destination de voyage en 2017 par Lonely Planet.

Quels programmes de notre campagne Canada 150 ont bien fonctionné et quels programmes ont été réalisés par nos missions diplomatiques?

M. Savage : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai indiqué dans mon exposé, la première vague de projets que nous avons été en mesure de financer avec les fonds reçus à la fin de 2016 avait surtout pour but d’appuyer les célébrations entourant Canada 150 partout dans le monde. Il y a eu tout un éventail de projets, mais nous ne les avons pas dirigés proprement dit. Ces projets étaient, bien sûr, associés aux priorités de Canada 150, soit la société inclusive, la réconciliation avec les peuples autochtones, la jeunesse et l’environnement.

Je ne sais pas si mon collègue, Peter Lundy, qui œuvre dans le domaine de la diplomatie ouverte et dont le prédécesseur a dirigé les célébrations de Canada 150 à l’étranger, a des précisions à apporter.

Peter Lundy, directeur général, Diplomatie ouverte et Initiatives spéciales, Affaires mondiales Canada : Monsieur le sénateur, j’aimerais ajouter que la plupart des activités de diplomatie ouverte menées au cours de la dernière année l’ont été sous la bannière Canada 150. Comme l’a dit Stuart, les thèmes principaux de la diversité, de l’inclusion, de la réconciliation, de la jeunesse et de l’environnement ont trouvé écho dans les types d’activités de diplomatie ouverte auxquelles participent chaque année nos missions.

Nous effectuons présentement une synthèse finale des données et des retombées. Je peux toutefois vous dire que je crois que notre suivi démontrera que nous avons rejoint un très vaste public — l’une des mesures concerne la portée dans les médias sociaux — lorsqu’il est question des personnes qui, d’une façon ou d’une autre, ont interagi avec la marque Canada 150 et qui s’y sont identifiées. Je crois que nous avons obtenu des résultats très fructueux à cet égard.

En résumé, la plupart des événements tenus au cours de la dernière année étaient associés à Canada 150 de façon très publique grâce à l’utilisation de la marque. De plus, nos indicateurs préliminaires montrent que tous les événements ont grandement rejoint et mobilisé les publics cibles.

Le sénateur Oh : Y a-t-il d’autres commentaires? Merci.

La sénatrice Ataullahjan : J’aimerais citer ce que l’un de nos témoins a dit la semaine dernière: « Nous devons recréer une chose dont nous profitions autrefois à Affaires mondiales. Affaires mondiales a la capacité, mais il faut prendre un engagement ferme. »

J’aimerais savoir ce qui doit être mis en œuvre dans les ambassades canadiennes à l’étranger afin de s’assurer que la culture et les arts canadiens s’insèrent de façon significative dans la politique étrangère du Canada.

M. Savage : Je vous remercie de votre question. Je crois que le fait que le gouvernement l’ait affirmé et que l’un de ses premiers messages à nos chefs de mission canadiens à l’étranger était qu’il voulait que ceux-ci aillent de l’avant et appuient la démocratie ouverte, et que le fait que le premier ministre a énoncé dans la lettre de mandat de la ministre des Affaires étrangères, ainsi que dans celle du ministre du Commerce international, l’objectif d’accroître les interactions culturelles avec le monde a envoyé un message clair à nos missions partout dans le monde qu’il s’agit maintenant d’une priorité et d’un secteur d’activité qui se refléteront dans l’évaluation de la performance.

C’est également ce que nous avons constaté en ce qui touche l’intérêt. Le fonds a été établi avec un montant modeste de 1,75 million de dollars pour 174 missions partout dans le monde. Au cours de la première année, nous avons eu environ 353 projets, en plus de nombreuses propositions de projet, mais nous ne pouvions pas les subventionner parce que les ressources étaient insuffisantes. Non pas que tout était parfait ou complètement cohérent, mais c’est un exemple qui illustre le fait que le message a été entendu et que nos missions partout dans le monde se mettent au parfum et mettent de nouveau l’accent sur la culture comme moyen de promouvoir le Canada à l’échelle internationale d’une façon qui n’était pas aussi évidente au cours des dernières années.

La sénatrice Ataullahjan : Faut-il mettre des mesures en place pour évaluer la réussite et les échecs de ces programmes? Y a-t-il quelque chose en place qui permette d’évaluer ces programmes pour voir s’ils obtiennent les résultats escomptés?

M. Savage : C’est une excellente question. Nous sommes de bons fonctionnaires et nous aimons avoir des mesures qui nous permettent de faire rapport sur la façon dont les deniers publics sont dépensés.

Nous faisons effectivement un suivi des projets, grâce à des indicateurs de coût et de rendement qui ont été établis pour chacun d’entre eux afin de déterminer si oui ou non ils atteignent leurs objectifs. Puisque nous ne sommes qu’au deuxième exercice et que le premier exercice n’a permis d’examiner que le dernier trimestre, nous n’avons pas encore suffisamment de données pour mener une analyse approfondie et valable, mais c’est ce que nous voulons faire. Voilà pourquoi nous recueillons les données nécessaires au fur et à mesure que les projets progressent pour être le mieux renseignés possible et veiller à l’utilisation efficace des ressources limitées dont nous disposons.

La sénatrice Ataullahjan : Je dois signaler que j’ai vu ce que l’ambassade à Taïwan avait préparé pour le cent cinquantenaire, la façon dont ils ont suscité l’adhésion de la population locale et à quel point tout le monde était heureux d’être là. Par ailleurs, l’ambassade au Sri Lanka vient tout juste de recevoir une œuvre d’art d’un artiste canadien qu’ils ont mise en valeur. C’est un très beau travail.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie tous d’être présents. C’est intéressant de constater qu’il y a une interaction culturelle accrue à l’échelle mondiale, pour reprendre vos paroles. Comme j’ai quelque peu d’expérience dans ce domaine, je suis heureuse que vous ayez mentionné la collection. Je pense qu’elle a été mise sur pied par l’ambassadeur étranger canadien George Kidd et Freeman Tovell il y a de nombreuses années. Vous possédez de véritables trésors dans cette collection. C’est bien de pouvoir les diffuser.

Je comprends que vous en êtes seulement au deuxième exercice pour ce qui est de cette initiative améliorée pour mener, comment dirais-je, ce type d’activité. Vous avez signalé que vous avez agi en réponse à ce que souhaitent les artistes subventionnés par le Conseil des arts. Quelle activité de rayonnement avez-vous faite pour des artistes dans les autres disciplines ou les autres organisations artistiques réparties dans l’ensemble du pays qui ne se retrouvent pas à Ottawa, mais qui aimeraient bien que leurs œuvres et leur collaboration dépassent nos frontières nationales? Leur avez-vous tous tendu la main? Adhèrent-ils au projet?

M. Savage : Merci pour cette question. Vous soulevez un élément très important, je crois. Au ministère des Affaires mondiales, notre capacité à rejoindre tous les secteurs au pays est limitée, même si nous avons tenté de communiquer avec certaines des organisations clés, par exemple, le Musée canadien de l’histoire, et avec différentes associations d’artistes.

Nous visons à travailler de près avec le Conseil des arts du Canada et avec Patrimoine canadien et ces organismes du portefeuille afin de transmettre, par leur entremise, de l’information liée aux intérêts et à la disponibilité des artistes afin de tenter de les jumeler avec ce que nos missions estiment être des possibilités à l’étranger.

Notre perspective est plus axée sur les affaires étrangères et nous tentons de voir ce qui pourrait intéresser les artistes canadiens en vue de créer des possibilités pour eux et de promouvoir le Canada à l’étranger. Mais nous travaillons aussi avec des partenaires canadiens afin d’être le mieux informés possible de la façon de communiquer avec ces artistes pour qu’ils puissent profiter de ces occasions.

Il s’agit là d’un travail en cours. Nous avons mis sur pied un groupe de travail qui est composé de personnes à tous les niveaux, jusqu’aux sous-ministres, de représentants du Conseil des arts du Canada et de Patrimoine canadien pour essayer de maximiser les occasions d’exploiter nos connaissances mutuelles, notre expertise et nos ressources au profit des Canadiens et nous allons poursuivre nos efforts.

La sénatrice Bovey : Si vous m’autorisez une question de suivi là-dessus… Je parle d’expérience puisque je siège au Sénat et, bien évidemment, je jouis d’une longue expérience qui s’étale sur de nombreuses années. Je suis d’avis qu’il y a beaucoup d’artistes et d’organisations qui ne reçoivent pas de fonds du Conseil des arts du Canada ou de Patrimoine canadien à cause des règles qui existent et qui exigent qu’ils aient eu un certain nombre d’expositions avant d’être admissibles. En réalité, ce sont les mêmes artistes qui risquent d’être ceux qui tissent des liens internationaux. Mon souhait serait que vous puissiez regarder au-delà de ces deux entités qui sont importantes, j’en conviens, mais il en existe d’autres que je vous encourage à envisager.

Pendant de nombreuses années, j’ai dirigé un musée d’art et, une fois par an, je recevais la visite d’une personne, un haut fonctionnaire d’Affaires étrangères, qui venait me dire franchement quelles allaient être les priorités pour les trois à cinq prochaines années. Je me souviens d’une conversation où il a pu élaborer un peu plus, ce qui nous a permis, à moi, en tant que directrice de l’institution, et à mon personnel, de faire correspondre les projets en cours afin de planifier les choses.

Ainsi, nous avons eu des partenariats très fructueux avec la Chine, le Japon, l’Allemagne, toutes les régions d’Asie et d’Europe, jusqu’aux États-Unis et certains avec des pays d’Amérique du Sud. Je me demande si vous avez prévu ou pas ce genre de consultation auprès des organisations du pays, toutes disciplines confondues.

M. Savage : La réponse courte est « pas complètement ». Nous avons commencé. Comme je l’ai dit, nous sommes encore en train de nous outiller.

Le gouvernement a annoncé il y a seulement un mois et demi qu’il a l’intention d’offrir un financement continu. Il faudra voir comment ce financement sera distribué et comment nous travaillerons entre les différents ministères.

Nous ne pouvons donc pas parler des priorités au-delà de cet exercice financier. Avec l’aide de nos dirigeants politiques, nous espérons être en mesure de le faire au cours des six prochains mois environ. À ce moment-là, nous pourrons commencer un dialogue plus significatif à moyen et à long terme avec d’importantes institutions comme votre ancien musée.

La sénatrice Bovey : J’aimerais poursuivre avec une question plus originale. Nous avons tous un passé historique, et il est facile de dire : « Refaisons ce que nous avions l’habitude de faire. » Par contre, ce comité cherche vraiment de nouvelles façons de faire qui soient plus constructives.

Je vais vous poser une question sur ce que j’appellerai les « courants », car je n’ai pas encore trouvé de meilleur terme, mais je pourrais le changer plus tard. Avez-vous pensé à des collaborations internationales, comme entre les pays circumpolaires ou les pays sur l’axe nord-sud, de l’Amérique du Sud au Canada?

Si je me penche sur nos écrivains et nos musiciens — j’ai rencontré des gens dans le domaine de l’opéra et je connais le milieu des galeries et des universités —, j’ai l’impression qu’avec notre argent, nous nous contentons d’envoyer l’artiste A ou l’écrivain B ailleurs au lieu d’essayer de créer des collaborations artistiques et culturelles créatives qui enrichiront non seulement d’autres pays avec ce que le Canada a à offrir, mais aussi le Canada avec les contributions des pays dont tant de nos citoyens sont originaires. Je crois que nous sommes le seul pays au monde dont la population est composée de citoyens de tous les pays du monde. Nous avons des débouchés que d’autres pays n’ont peut-être pas.

Je me demande si vous avez songé à bâtir ces programmes différemment.

M. Savage : Je ne crois pas que nous ayons la couverture politique pour reconstruire les programmes à proprement parler. Pour ce qui est de notre administration des programmes, nous aurons une certaine latitude. Nous avons parlé de donner priorité aux régions et au travail en région, comme avec les pays nordiques. Je dois dire que le Conseil des arts du Canada participe largement à l’organisation d’un Sommet culturel des Amériques qui se tiendra ici au printemps 2018. Nous offrons un peu d’appui à ce projet.

Alors que notre financement se stabilise, nous pourrions aller plus loin avec nos idées. Nous pourrons concrétiser certaines avenues qui ont un riche potentiel, comme vous l’avez souligné.

Le sénateur Housakos : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui. Sous les gouvernements successifs — celui de Jean Chrétien en particulier —, nous avons mené pendant bon nombre d’années des délégations et des missions commerciales partout dans le monde. D’autres gouvernements l’ont aussi fait, évidemment. À chaque fois, il y a des visites officielles et nous invitons les ministres, le gouvernement ou une délégation officielle de dirigeants d’entreprises canadiennes, des investisseurs, et cetera. Par le passé, est-ce que le gouvernement du Canada a pensé au potentiel de mener des missions culturelles sur une base régulière dans plusieurs pays? Si on y a pensé, pourquoi est-ce que cela ne s’est pas fait?

M. Savage : Du point de vue d’Affaires mondiales, nous avons un financement précis prioritaire pour appuyer les secteurs de la création dans notre promotion commerciale. Je demanderais toutefois à nos collègues du Patrimoine canadien de parler du secteur de la création. Patrimoine canadien — si je ne m’abuse, et je pense que vous avez invité ses représentants à comparaître — est en train d’élaborer une stratégie d’exportation des industries de la création. Je pense que la ministre du Patrimoine canadien a déjà exploré et entrepris de telles initiatives, comme celles que je crois comprendre que vous avez décrites, mais je ne veux pas parler au nom de Patrimoine canadien. Aujourd’hui, je suis ici pour Affaires mondiales.

Le sénateur Housakos : Nous allons mettre leurs noms sur notre liste.

La présidente : Ils seront ici demain.

Le sénateur Housakos : Notre présidente et notre comité directeur sont à leur affaire. Je poserai donc cette question demain.

La présidente : Avant de passer à la deuxième série de questions, je vais poser quelques questions.

Je veux comprendre exactement ce que vous faites et quels sont vos paramètres. Mon problème, lorsque j’étais à Affaires mondiales il y a longtemps, était de déterminer ce que je pouvais faire avec le peu de ressources dont je disposais. Il existait plus de demandes concurrentielles sur la façon de traduire notre culture, notre marque — peu importe de quoi il s’agissait — dans les collectivités que nous desservions. Cela représentait toujours un dilemme, car on ne nous donnait que des lignes directrices générales.

D’un autre côté, j’étais bombardée de demandes. Par exemple, il y a un groupe d’une petite ville en Saskatchewan qui vient avec des élèves qui ont une chorale. On veut les mettre en évidence et les présenter avec des jeunes du Kenya, par exemple. Comment choisir entre deux symphonies, par exemple?

Comment faites-vous ce choix? Car vous allez froisser quelqu’un et récompenser quelqu’un d’autre. C’est très difficile. Vous aurez des fonds, mais vous aurez toujours les mêmes vieux dilemmes. Est-ce encore un problème aujourd’hui?

M. Savage : Nous voulons toujours nous assurer d’investir dans des projets de qualité. Depuis que nous recevons ce nouveau financement du gouvernement, nous avons élaboré un ensemble de critères que toutes les propositions de projets doivent remplir avant d’être prises en compte. Une fois que ces critères sont remplis, ce qui comprend une harmonisation avec les priorités, il y a un processus d’examen. Par exemple, dans le cas de Canada 150, nous avons consulté nos partenaires à Patrimoine canadien, au Conseil des arts du Canada, aux bureaux géographiques associés à ces pays et à la mission dans le pays — mais généralement, c’est la mission qui fait une proposition, alors ce n’est pas trop important de les consulter à ce moment-là — et nous faisons notre possible.

Comme je l’ai dit, nous n’en sommes qu’au début. Bon nombre de missions essaient de voir comment faire, quoi faire et s’il vaut la peine d’investir leur temps et leur énergie, car il arrive souvent qu’organiser ou soutenir des activités culturelles requière un gros investissement en temps et en ressources humaines, ce qui manque déjà à nos missions à l’étranger. Elles ne proposent pas quelque chose au hasard sans être quasiment certaines qu’elles peuvent aller de l’avant.

Est-ce difficile? Pas jusqu’à présent. Nous communiquons avec les missions. Nous en parlons. Nous remettons les choses en contexte. Les missions doivent remplir les critères pour être admissibles. Jusqu’à maintenant, cela n’a pas été un grand problème, mais cela pourrait le devenir avec le temps, vous avez raison. C’est un bon défi, car nous avons plus de possibilités que de capacités de mener à bien tous les projets. Par contre, à ce jour, personne n’est retourné chez soi en se sentant lésé.

La présidente : Ensuite, comment trouver un équilibre pour le Canada dans ce processus. Si vous choisissez un critère — et si vous avez ces critères par écrit et qu’ils sont disponibles, ce serait très utile d’en recevoir une copie — tout critère, politique ou pratique serait très utile. Veuillez s’il vous plaît les envoyer à la greffière.

Ce qui m’inquiète, c’est que nous avons un si grand pays et que tout le monde veut être représenté. Qui fait les choix? Qui établit un équilibre entre les régions du Canada d’un côté, et qui trouve l’équilibre entre les arts émergents et les arts établis, la musique, l’éducation ou tout autre critère que vous utilisez d’un autre côté? Qui trouve le juste équilibre? C’est ma deuxième question.

Ma troisième question est la suivante : où se situent les provinces qui ont une présence outre-mer dans tout cela? Je pense que j’en connais plus sur le Québec que quiconque, mais je sais que d’autres provinces sont aussi représentées. Alors comment tient-on compte de ce volet provincial à Affaires mondiales?

M. Savage : Pour répondre à votre question sur l’équilibre, je ne suis même pas certain si le tout est équilibré à l’heure actuelle. Vous avez posé une question plus tôt au sujet du contrôle, de la mesure et de l’analyse. Nous n’avons pas encore toutes les données pour avoir une image complète et objective de la situation. Nous n’avons pas le sentiment qu’il existe un déséquilibre majeur. Nous savons que les régions plus grandes ont tendance à avoir plus d’artistes qui voyagent et plus d’artistes à soutenir et c’est pourquoi ces artistes ont tendance à obtenir plus de soutien. Toutefois, comme nous n’avons pas encore procédé à une analyse poussée, je ne peux pas vous fournir une réponse claire à ce sujet. C’est un sujet que nous examinerons plus en détail.

Je crois qu’il s’agit d’un élément dont nous devrons tenir compte lorsque nous progresserons. Nous voulons nous assurer que le Canada est aussi représenté équitablement à l’étranger, car nous voulons nous assurer que les communautés minoritaires de même que la diversité et la complexité de notre grand pays sont représentées dans notre diplomatie culturelle à l’étranger.

Quant aux provinces et aux territoires, nous les traitons certainement comme des intervenants et des partenaires. Nous pourrions certainement vous fournir plusieurs exemples d’occasions où nous avons travaillé avec eux, et pas nécessairement par l’entremise d’un bureau officiel à l’étranger. Nous avons certainement travaillé avec le Québec, notamment à l’occasion de la Foire du livre de La Havane l’an dernier avec la ministre de la Culture, dont j’oublie le nom. En fait, c’était l’Association des auteurs du Québec qui collaborait avec l’Association des auteurs canadiens, le ministère de la Culture et d’autres. Nous nous associerons donc à de tels groupes. En fait, nous espérons que notre modeste fonds pour les missions culturelles soit utilisé exactement de cette façon, c’est-à-dire pour travailler avec d’autres partenaires et tirer profit de ce partenariat afin de réaliser quelque chose ensemble qu’aucun d’entre nous ne pourrait réaliser seul.

Nous ne voulons pas ou nous ne pouvons pas retourner à l’époque où une compagnie de ballet ou d’opéra pouvait faire une tournée à l’étranger grâce au seul financement d’Affaires mondiales. Cette époque est révolue. Nous espérons que, en établissant des partenariats avec les provinces, les territoires, les villes, des associations d’artistes et des industries créatives, nous pourrons en faire plus avec les moyens limités dont nous disposons.

La présidente : Et le juste équilibre entre les artistes émergents et professionnels…

M. Savage : C’est effectivement une considération. Nous avons rédigé le mandat du fonds culturel pour les missions, que nous serons très heureux de faire circuler, et qui montrera que nous appuyons les artistes, que nous voulons soutenir les artistes ou les associations d’artistes et pas nécessairement des entreprises comme telles, bien qu’il y ait un angle plus axé sur le commerce… Mes collègues du côté commercial sauront vous le dire.

Le fonds se veut souple afin d’être bien adapté même aux plus petites missions car, lorsqu’on est affecté à une mission à l’étranger, on ne connaît pas toujours les possibilités qui existent avant d’arriver sur place, alors votre allusion au directeur de chorale invité est très à propos.

Cela ne serait pas nécessairement admissible au fonds culturel pour les missions, car il s’agit d’une chorale d’amateurs. Cependant, si nous apprenions soudainement qu’un chanteur d’opéra canadien visitait un pays en particulier et qu’il était disposé à donner un cours d’opéra ou de musique punk, et si cette visite coïncidait avec un festival de rock, par exemple, la mission pourrait profiter de la souplesse de ce fonds pour apparier l’occasion avec la demande locale et offrir une occasion à un artiste canadien tout en faisant rayonner le Canada.

La présidente : J’ai deux autres questions, après quoi nous passerons au deuxième tour.

Vous dites que vous conservez quelque 6 000 articles. Il s’agit pour l’essentiel de peintures et de sculptures, c’est exact?

M. Savage : La collection d’œuvres artistiques d’Affaires mondiales compte effectivement plus de 6 000 articles.

La présidente : Où ces œuvres sont-elles entreposées et comment le sont-elles? Comment les missions fixent-elles ces critères? Un de nos membres semblait indiquer que c’étaient elles qui prenaient ces décisions lorsque nous avons parlé, au départ, de la façon dont nous présentons ces œuvres.

Je sais que, par exemple, toute résidence possède ses quartiers privés dans lesquels la famille peut faire tout ce qu’elle veut, et ensuite, il y a les salons publics.

Qui choisit cet espace? On entrepose donc pas moins de 6 000 articles différents qui ne font pas partie des collections du Musée des beaux-arts.

M. Savage : C’est exact. C’est une collection à part. Je crois qu’il y a… Je ne connais pas l’emplacement exact, mais je peux vous l’obtenir, de l’endroit où l’on entrepose les œuvres qui ne décorent pas actuellement nos résidences ou ambassades à l’étranger. Cependant, je crois savoir que la grande majorité sont bel et bien exposées à l’étranger. L’intention est de faire en sorte qu’elles soient exposées dans les salons publics des ambassades et résidences officielles, et pas dans les quartiers privés.

Je crois comprendre que la direction de l’immobilier fait appel aux services d’un consultant qui collabore avec les gens du service des œuvres d’art pour déterminer quelles œuvres seraient appropriées, mais si j’arrive à trouver une politique précise concernant les œuvres d’art, je serai ravi de vous la transmettre. La collection est gérée par un groupe de conservateurs, ou du moins deux ou trois conservateurs. Je ne connais pas leur nombre exact. Ils sont consultés et ils formulent des conseils concernant les œuvres d’art et leur emplacement idéal. C’est tout un processus, et les œuvres peuvent être remplacées au fil des ans.

Ce n’est pas une réponse complète, mais je peux vous obtenir un complément d’information.

La présidente : Vous dites qu’il y a 6 000 œuvres, reste à savoir où elles se trouvent et comment elles sont entreposées. Après tout, elles font partie du patrimoine canadien. Ce sont les Canadiens qui en sont propriétaires. Elles relèvent du ministère des Affaires étrangères — qui s’appelle maintenant Affaires mondiales —, mais, néanmoins, il s’agit d’un avoir de grande valeur et nous devons savoir exactement où se trouvent ces pièces, comment elles sont manipulées et comment elles sont exposées. Sommes-nous en train de conserver leur valeur, ou de la diminuer, dans certains cas? Je sais qu’il y a certaines missions où l’on n’envoie pas certaines œuvres à cause de l’humidité ambiante et des risques de détérioration. J’ai moi-même vu certaines pièces qui se sont détériorées.

Nous devons donc nous assurer de mettre cette collection pleinement en valeur. Il nous serait aussi très utile d’avoir un complément d’information.

Passons à autre chose. Je suis peut-être en retard sur les événements, mais existe-t-il toujours un fonds pour les ambassadeurs, ou ce fonds a-t-il été remplacé par ce programme? Je demande, car le Fonds canadien était un outil très utile pour les ambassadeurs, qui sont les mieux placés pour optimiser la présence du Canada dans leur pays et pour aider certains secteurs de la collectivité où ils habitent et qui ont besoin de soutien. Vous parliez de Moscou et de sa communauté. Je me demande s’il s’agit d’une question sociale ou culturelle.

M. Savage : Chaque mission obtient sa part du fonds.

La présidente : Pourrez-vous nous donner des chiffres exacts?

M. Savage : Il s’agit d’un fonds canadien d’initiatives locales. C’est un fonds indépendant doté de son propre mandat et de sa propre gouvernance du Conseil du Trésor. Il est assorti de directives semblables ou différentes, mais clairement énoncées sur son utilisation, et il est censé appuyer, chaque année, un certain nombre de priorités qui peuvent être adaptées.

De plus, il existe ce qu’on appelle le financement post-initiative, que reçoit chaque mission à l’étranger. C’est un montant modeste, qui peut passer de 2 000 $ — peut-être moins, je ne sais pas — pour les très petites missions à un maximum de 50 000 $ pour les grandes missions. Dans le cadre de certains critères et de certaines directives, il peut appuyer des initiatives locales. Bref, c’est un fonds plus souple.

L’on s’en est servi à des fins culturelles par le passé, mais pas exclusivement.

La présidente : Il serait aussi intéressant d’obtenir ces références pour connaître toutes les options possibles sur le plan culturel.

Ma dernière question serait la suivante : qui établit les priorités? Je comprends que, lorsqu’un nouveau gouvernement est élu, ses membres disent: « Nous allons nous concentrer sur l’Asie » ou « Nous allons nous concentrer sur les États-Unis ou l’Amérique latine. » En matière d’affaires internationales, chaque gouvernement semble se concentrer sur une région. Dans le cas de la culture, je me demande qui prend la décision définitive. Est-ce la ministre ou y a-t-il dans votre ministère un département où l’on prend les décisions définitives qu’on recommande ensuite à la ministre?

M. Savage : Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous entendez par « décision définitive ». Nous suivons l’orientation et les priorités fixées par le gouvernement et la ministre. Toutefois, dans le cas de projets précis individuels, la ministre n’est pas directement impliquée.

La présidente : Dans ce cas-là, qui prend la décision?

M. Savage : Ce serait généralement le chef de mission, avec l’appui de l’unité dont il relève à l’administration centrale et de mon unité à Affaires mondiales.

La présidente : Alors, vous avez le dernier mot quant à l’allocation des fonds?

M. Savage : Dans une certaine mesure. C’est négocié.

La présidente : C’est là un des problèmes. Mettons-nous l’accent sur nos grandes missions? Comment cela cadre-t-il avec tous les autres objectifs de la politique étrangère?

M. Savage : Vous abordez les mêmes enjeux avec lesquels nous devons composer. Nous travaillons à l’heure actuelle à ces enjeux. Nous savons maintenant que nous aurons un financement continu. Il nous faudra désormais avoir un cadre clair et logique. Je vous remercie de reprendre cette affirmation.

La sénatrice Bovey : Je veux revenir sur quelques idées que vous avez exprimées et voir ce que vous en pensez. J’aurai ensuite une question sur un autre sujet. Lorsque nous parlons de la collection et de son emplacement, cette collection est-elle en ligne?

M. Savage : Je ne sais pas. On me dit qu’elle n’est pas en ligne.

La sénatrice Bovey : Étant donné que la ministre s’intéresse à la numérisation, je penserais que, si la collection était en ligne, cela serait très utile non seulement pour les œuvres qui sont envoyées dans les missions, mais aussi pour les auteurs qui s’intéressent à l’art, aux historiens de l’art et aux musées des beaux-arts qui pourraient vouloir les emprunter ou les publier. La publication aiderait à les faire connaître. C’est une idée à laquelle on pourrait plus réfléchir.

J’ai une autre question, par contre, au sujet de la personne qui approuve l’allocation des fonds: avez-vous envisagé ou accepteriez-vous d’envisager l’idée que des jurés formés de pairs d’une même discipline puissent décider afin que la décision quant à qui reçoit tel montant soit prise par des gens qui connaissent le domaine plutôt que par des gens qui ne savent pas nécessairement ce qui se passe? Je pense que c’est quelque chose que vous pourriez vouloir examiner. Bien entendu, ces jurés prendraient leur décision en se fondant sur les critères que vous nous enverrez.

Ma question concerne les délégués commerciaux et la situation dans laquelle ils se retrouvent depuis quelques années, depuis qu’on a décidé de réduire le nombre d’attachés culturels. Certains d’entre eux m’ont dit, avant et après ma nomination au Sénat, qu’ils estimaient ne pas avoir les compétences nécessaires pour choisir un programme culturel, tâche qui leur a été refilée dans bien des cas.

Ma question est la suivante : offre-t-on de la formation? Quel type de formation continue offrez-vous aux employés des diverses missions qui doivent composer avec un chanteur ou un artiste qu’ils aiment ou n’aiment pas? Quels types de programmes de formation existe-t-il? Y a-t-il des besoins ou d’autres organisations qui pourraient vous aider à cet égard?

Andrea Desmarteau, directrice adjointe, Industries créatives, Services financiers et professionnels, Affaires mondiales Canada : Je suis ici pour répondre aux questions concernant le Service des délégués commerciaux. Oui, vous avez raison. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous ne portions pas beaucoup attention au secteur, car il ne faisait plus partie de nos priorités depuis quelques années. Nous avons maintenant ces 16 nouveaux postes dans des missions à l’étranger qui sont consacrés au commerce et au développement des affaires pour les industries créatives. Nous sommes donc aussi en train de rebâtir notre capacité dans ce domaine.

Pour y parvenir, nous avons demandé à ces délégués sur place de travailler avec des consultants locaux pour mieux comprendre ces marchés. Nous ramenons également certains de ces nouveaux délégués à Ottawa pour qu’ils suivent une formation. Nous travaillons régulièrement avec eux pour leur fournir les réponses dont ils ont besoin pour mieux comprendre les modèles d’affaires dans les divers sous-secteurs ou disciplines.

La sénatrice Bovey : Je pense que le fait d’avoir des artistes et des organisations d’artistes représentés au sein de certaines des missions commerciales que nos provinces et notre gouvernement fédéral organisent pourrait également être très utile. Lorsqu’on examine les retombées économiques de la scène artistique à l’étranger, on constate que le fait d’avoir des artistes dans ces missions commerciales avait été très positif. Je crois que c’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle Alice Munro a réussi à décrocher le prix Nobel. Elle a participé à de nombreuses lectures un peu partout dans le monde au fil des ans, ce qui l’a aidée à se faire connaître.

Monsieur Riel, vous étiez présent Musée des beaux-arts de Winnipeg lorsqu’une grande exposition ukrainienne y a été présentée. C’était d’ailleurs très important étant donné le pourcentage de la population de cette province qui est d’origine ukrainienne. D’une part, on pourrait faire valoir qu’il s’agissait d’une exposition provenant d’un autre pays et que, pour cette raison, cela n’est pas pertinent pour notre discussion. Par contre, cette exposition a été extrêmement utile pour la population manitobaine d’origine ukrainienne. Je sais aussi qu’il y a eu une grande exposition grecque, avec des artefacts provenant de 22 institutions, qui a été présentée au Musée canadien de l’histoire.

C’est une façon de redonner aux citoyens canadiens originaires de ces pays. Je me demande quel rôle Affaires mondiales a ou pourrait vouloir avoir dans ce type d’activités.

Patrick Riel, directeur adjoint, Diplomatie culturelle et Promotion des intérêts, Appui aux missions, Affaires mondiales Canada : J’aimerais soulever quelques points. Il y a la question de la réciprocité, qui est pour nous très importante. Il y a aussi la question des fonds disponibles. Lorsqu’on examine le budget disponible, on constate que ce n’est pas beaucoup d’argent pour 174 missions. Si on divise ce montant par 1,75, on se retrouve avec pas grand-chose.

Nous devrons déterminer ce que nous pourrons faire plus tard. Comme Stuart l’a dit, nous devons examiner les données. Nous avons relancé ce dossier en janvier 2017, c’est donc assez récent.

Nous avons beaucoup de défis intéressants. La présidente en a nommé quelques-uns. Nous adorons ces défis, mais il nous faudra un peu de temps pour les relever, particulièrement dans le cas des événements qui ont lieu au Canada et dans les collectivités. Nous devrons y jeter un coup d’œil.

Par exemple, nous essayons de déterminer comment nous pouvons faire venir des acheteurs de l’étranger à des foires au Canada et comment nous pouvons traiter ces échanges. Il s’agit d’initiatives qui devront être tentées pour déterminer si elles sont rentables et calculer leurs retombées. Nous en sommes toutefois encore au début de notre analyse de ces projets.

La sénatrice Bovey : J’étais pour dire que peu importe les sommes d’argent qui peuvent y être consacrées, même si elles sont minimes, cela pourrait permettre d’attirer d’autres investissements pour concrétiser ces projets.

Je me souviens d’une des plus grosses subventions que j’ai obtenue d’Affaires mondiales. Je ne blague pas en disant que les fonctionnaires du ministère m’avaient dit qu’il ne restait plus que 1 500 $ dans le fonds. J’avais demandé beaucoup plus d’argent. Toutefois, j’ai pu utiliser cette subvention pour convaincre des entreprises et des particuliers d’investir des dizaines de milliers de dollars dans mon projet. Je vous raconte cela pour que vous compreniez que toute subvention d’Affaires mondiales est perçue comme un sceau d’approbation qui vous permet ensuite de vous adresser ailleurs et de passer aux prochaines étapes.

M. Lundy : J’ajouterais quelques observations qui découlent de mon expérience à l’étranger. J’ai eu le privilège d’être chef de mission au Danemark lors de ma dernière affectation à l’étranger. Il s’agissait donc d’une mission de taille petite ou moyenne.

Je veux simplement démontrer qu’il ne s’agit pas toujours d’argent. Je ne sous-estime pas l’importance des fonds lorsqu’il s’agit de préparer un programme ou de prendre des décisions. Bien souvent, les artistes et les groupes culturels ne viennent pas dans les ambassades à l’étranger pour y quêter de l’argent. En fait, certains d’entre eux s’en tirent assez bien seuls, mais ils viennent nous voir pour obtenir des conseils quant aux conditions des marchés locaux. Ils veulent utiliser le réseau de contacts de l’ambassade. Ils nous demandent de l’aide pour promouvoir leurs activités. Nous les mentionnons alors dans un bulletin ou dans la page Facebook de l’ambassade.

Parfois, tout ce qu’ils souhaitent, c’est pouvoir être là. La présence de l’ambassadeur du Canada à cet événement est le sceau d’approbation dont vous avez parlé. Ils viennent souvent aux ambassades, porteurs de nouvelles possibilités. J’aimais vraiment apprendre que des groupes culturels canadiens seraient présents; je pouvais dire que j’allais inviter six personnes avec lesquelles j’avais besoin de passer du temps, et que ce serait là une occasion pour moi de le faire.

Nous pouvons parfois proposer des installations. Même pour une toute petite mission comme celle à laquelle je participais, une chorale canadienne d’une université de la région de Sherbrooke est venue en ville. Il se trouvait que cela coïncidait avec une activité que nous tenions. Je leur ai dit que nous allions leur préparer une scène. Encore là, il n’était pas question d’argent, mais plutôt de ce lien avec l’ambassade qui représente le Canada dans ce pays. Il y a tant de choses que nous pouvons faire, bien souvent sans dépenser le moindre dollar. Je tenais à le dire. Je sais que beaucoup d’entre vous, ici, l’ont vécu sur le terrain.

La présidente : Merci. C’est très instructif; c’est une relation bilatérale.

À ce que j’ai compris, il y a eu au ministère des Affaires mondiales un groupe consultatif sectoriel des industries culturelles sur le commerce international. Est-ce qu’il existe encore et est-ce qu’il a obtenu des résultats clés qui ont été évalués?

Mme Desmarteau : Non, je ne pense pas qu’il existe encore. Il en est encore question sur le site web, à ce que j’ai compris, mais je ne crois pas qu’il existe toujours. Peut-être devriez-vous poser la question aux représentants de Patrimoine canadien demain parce que la ministre Joly a dit dans un récent discours, sur le Canada créatif, qu’elle aurait un conseil de ce genre.

La présidente : Pourriez-vous nous dire si vous avez eu le moindre contact avec lui?

Mme Desmarteau : Non, aucun.

La présidente : En avez-vous eu? J’aimerais bien connaître l’historique, comment ce groupe a été créé et le lien qu’il entretenait avec Affaires mondiales; j’espère que nos analystes me rappelleront de poser la même question à Patrimoine canadien.

Ceci m’amène à la question de la technologie moderne, et je pense que la sénatrice Bovey l’a soulevée. Vous avez une collection de quelque 6 000 articles. La population devrait le savoir et y avoir accès. Le voyage virtuel est maintenant possible.

Il n’est plus nécessaire d’aller dans les musées ou les expositions. On peut ouvrir une session et voir ces articles. Je ne pense pas que le ministère des Affaires mondiales exploite cette possibilité autant qu’il le pourrait dans le monde entier. Nous sommes maintenant branchés, et nous pourrions donc offrir bien des choses. Le coût en serait minime, et on peut désormais se brancher à tant de choses, alors qu’auparavant, il fallait soit le papier, soit la personne, comme on disait. Ce n’est plus le cas maintenant.

Et de plus, évidemment, il y a toutes ces technologies que je ne comprends même pas. Je me bats encore avec les gazouillis et Facebook, mais j’entends beaucoup parler de ces autres concepts. Dans quelle mesure appuyons-nous la culture avec les nouvelles technologies et les outils qu’utilisent les nouveaux artistes?

M. Savage : Au sujet de la première question, pour parachever mes propos de tout à l’heure, la collection n’est actuellement pas en ligne, mais à ce que je sache, des efforts sont déployés pour que ce soit fait. Ce n’est qu’une question de ressources et de temps, mais je vous comprends très bien, et vous ne faites que confirmer la nécessité de faire cet effort.

Au sujet du numérique, nous avons appuyé des artistes qui travaillent dans le domaine numérique au moyen du fonds, et je pense que Patrimoine canadien pourra vous en parler. La stratégie d’exportation touche tout un secteur, mais je ne veux pas vous en parler à leur place.

Nous avons, c’est certain, appuyé des artistes qui font des œuvres numériques, modernes et de pointe qui repoussent les frontières de notre entendement traditionnel de l’art.

La présidente : Nous n’avons pas beaucoup parlé d’éducation. Est-ce que vous avez maintenant des liens avec les universités et leurs facultés des arts?

M. Savage : Pour vous donner une réponse courte: non, pas de façon formelle. D’autres secteurs au sein d’Affaires mondiales Canada travaillent avec les universités et en font la promotion à l’étranger afin d’inviter les étudiants étrangers à venir au Canada. De plus, M. Lundy travaille à encourager les études canadiennes à l’échelle internationale. Cependant, dans le domaine des arts, nous n’avons pas de mécanisme formel avec les universités pour l’instant.

La présidente : J’ai travaillé avec des artistes canadiens dans d’autres pays. J’ai, entre autres, participé à un projet novateur regroupant l’art inuit et kisii au Kenya. En fait, ce n’était pas tellement un projet artistique, mais plutôt un projet sur le côté commercial de l’art. Dans le Nord, il y a des coopératives qui s’entraident et avec lesquelles nous avons travaillé pendant des années sur l’élaboration de concepts. Ce sont ces coopératives qui sont allées au Kenya afin de travailler avec les artistes sur place. Elles leur ont dit qu’ils ne recevaient rien de leur art parce que les intermédiaires accaparaient tout. Alors, comment démarrer une entreprise? Comment participer? Qu’est-ce que cela entraînera? Ce sont généralement des questions auxquelles les artistes ont de la difficulté à répondre dans certains pays où nous sommes présents. Faites-vous des efforts dans ce domaine, ou la situation est-elle aussi aléatoire qu’elle l’était?

Je vous laisse y réfléchir. Ce que nous voulons, c’est comprendre les activités culturelles que nous devrions connaître au sein de votre ministère ainsi que les possibilités qui se présentent à nous.

Notre comité était très enthousiaste à l’idée d’entreprendre une étude sur la diplomatie culturelle. Dans le cadre de celle-ci, nous voulons comprendre là où vous en êtes, les occasions qui existent, la contribution que nous pouvons apporter et les recommandations que nous pouvons formuler à la ministre du Patrimoine, à la ministre des Affaires étrangères ou au ministre du Commerce international pour appuyer l’activité culturelle au Canada et renforcer ce pilier de notre politique étrangère.

S’il y a quoi que ce soit d’autre que vous pensez que nous devrions savoir et que l’on a délaissé ou quelque chose de novateur ou que vous avez dans vos politiques, ce serait extrêmement utile. Ce sont là les devoirs que je vous donne. Je m’en excuse.

Merci d’avoir comparu devant nous aujourd’hui et d’avoir participé au début de notre étude. C’est la raison pour laquelle je vous dis, après réflexion, que s’il y a quoi que ce soit qu’il pourrait, selon vous, nous être utile de savoir dans le cadre de cette étude, de communiquer avec notre greffière Marie-Eve, qui transmettra les renseignements au comité.

(La séance est levée.)

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