LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 21 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, se réunit aujourd’hui à 16 h 15 pour l’examiner.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Chers collègues, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui pour examiner la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne des obligations internationales.
Avant de passer à nos invités qui comparaissent aujourd’hui, je vais présenter les sénateurs. Je m’appelle Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan, et je suis la présidente du comité.
Le sénateur Greene : Stephen Greene, d’Halifax.
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de Toronto.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.
La présidente : Nous accueillons aujourd’hui des représentants d’Affaires mondiales Canada, soit M. Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint, Sécurité internationale et affaires politiques, et M. Kevin Thompson, directeur général, Direction générale de la Stratégie pour l’Amérique du Nord.
Nous vous remercions de votre présence. Nous avions demandé à avoir des témoins d’Affaires mondiales Canada qui pouvaient nous parler des accords. Trois conventions en particulier sont concernées, mais il y en a beaucoup d’autres. Nous espérions donc avoir les divers représentants d’Affaires mondiales en mesure de nous parler en détail des accords, ainsi que des conséquences politiques des mesures que le gouvernement a prises, puisque c’est pour cela que nous sommes réunis.
Il s’agit essentiellement d’une étude, et nous avons jusqu’à la fin avril pour déposer notre rapport — au plus tard le 1er mai — sur les conséquences qu’aura le projet de loi C-45 sur nos obligations internationales, et ce terme a une portée très large. Nous allons donc vous entendre et il se pourrait que nous ayons du suivi à faire. C’est un préavis, en quelque sorte. On m’a dit que les deux messieurs qui sont ici, au lieu des 20 environ que j’attendais, peuvent répondre à toutes les questions. Je pense que nous devrions les mettre à l’épreuve après leur exposé.
C’est un domaine très vaste, et je pense qu’il est important de comprendre que les effets du projet de loi peuvent aller bien au-delà des trois conventions internationales en question, car les enfants et nos obligations internationales sont en cause. Quelle est notre approche, de quelle manière pourrions-nous contrevenir à nos obligations, et comment le gouvernement gérera-t-il le tout?
Nous avons demandé à la ministre de venir témoigner pour répondre aux questions vraiment politiques, mais nous allons commencer par vous. Vous êtes courageux d’être ici pour lancer le processus. Nous sommes heureux que vous soyez les premiers à témoigner dans le cadre de notre étude.
Monsieur Gwozdecky, je vais vous demander de faire votre exposé, et comme vous êtes déjà venu témoigner auparavant, vous savez donc que nous vous poserons ensuite des questions.
Je vous souhaite la bienvenue au comité. Je vous cède la parole pour que vous nous parliez des obligations internationales du Canada et des répercussions que le projet de loi C-45 pourrait avoir sur elles. Bienvenue.
[Français]
Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint, Sécurité internationale et affaires politiques, Affaires mondiales Canada : Affaires mondiales Canada est chargé de coordonner les efforts globaux du Canada dans le cadre de la lutte contre le problème mondial de la drogue, en partenariat avec tous les ministères fédéraux qui ont un mandat en vertu de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, notamment Santé Canada, Justice Canada et Sécurité publique Canada.
La communauté internationale reconnaît depuis longtemps que la prise en charge des conséquences causées par le trafic international de drogues et la consommation problématique de substances est une responsabilité partagée. Les efforts déployés par Affaires mondiales Canada tiennent compte du fait que les criminels ne respectent pas les frontières nationales. Les groupes du crime organisé transnational et les trafiquants internationaux de drogue constituent de graves menaces pour la sécurité, la stabilité et la primauté du droit. Les substances dont ils font le trafic posent également de graves risques pour la santé et le bien-être de nos citoyens.
Le gouvernement du Canada est déterminé à collaborer avec ses partenaires internationaux pour lutter contre le trafic international de drogues et atténuer les conséquences négatives qui découlent de la consommation problématique de substances.
[Traduction]
La coopération internationale dans le cadre de la lutte contre le problème mondial de la drogue est fondée sur trois conventions des Nations Unies sur les drogues, soit la Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants de 1961, la Convention des Nations Unies sur les substances psychotropes de 1971, et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.
Ensemble, ces trois conventions ont pour objectif ultime de protéger la santé et le bien-être de l’humanité. Je vais revenir à ce concept lorsque je vous parlerai de l’approche du Canada.
En plus d’adhérer aux conventions, la communauté internationale se réunit régulièrement afin de discuter des tendances et des menaces émergentes concernant le problème mondial de la drogue et de recommander des mesures que les États devraient prendre pour y faire face. Ces discussions se tiennent régulièrement, et elles font également l’objet d’un examen périodique, tous les cinq à dix ans, par la communauté internationale.
Le consensus mondial le plus récent sur la lutte contre le problème mondial de la drogue a été établi en avril 2016 lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le problème mondial de la drogue, aussi appelé UNGASS. Cette réunion a donné lieu au document final de l’UNGASS, selon lequel le problème mondial de la drogue demeure un enjeu complexe et multiforme qui nécessite des mesures équilibrées et exhaustives tenant compte des questions de santé publique et des droits de la personne.
Le document final de l’UNGASS reconnaît également que le problème mondial de la drogue se manifeste différemment à la grandeur de la planète, qu’une approche unique est irréaliste et que les États ont besoin de suffisamment de latitude pour ajuster leurs politiques en fonction des circonstances et des priorités nationales. Ensemble, les conventions sur les drogues, le document final de l’UNGASS et d’autres documents de politique antidrogue de l’ONU orientent la coopération internationale face au problème mondial de la drogue.
[Français]
Le gouvernement du Canada est résolu à mettre en œuvre les recommandations opérationnelles énoncées dans le document sur les résultats de l’UNGASS, lesquelles concordent avec la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, y compris les mesures de soutien à la prévention, au traitement, à la réduction des méfaits et à l’application de la loi, qui sont toutes ancrées dans une solide base de données probante. Le Canada utilise aussi le document sur les résultats de l’UNGASS pour orienter les efforts qu’il déploie à l’échelle internationale en collaboration avec d’autres États pour combattre le problème mondial de la drogue. J’aimerais vous parler brièvement des efforts en cours dans ce dossier.
Le Canada est un membre estimé et de longue date de la Commission des stupéfiants des Nations Unies. Depuis la création de la commission en 1946, le Canada a maintenu son statut de membre élu pendant 66 de ses 72 années d’existence. En avril 2017, le Canada a été élu pour un autre mandat de quatre ans. Le Canada participe activement à la commission, notamment en communiquant régulièrement de l’information sur les menaces et les expertises nouvelles et émergentes associées à la lutte contre la consommation problématique des substances.
En outre, le Canada est déterminé à renforcer les capacités des États en vue d’améliorer l’intervention menée à l’échelle internationale pour lutter contre le trafic de stupéfiants et la consommation problématique de substances. Affaires mondiales Canada est responsable de l’administration du programme visant à renforcer les capacités de lutte contre la criminalité, qui a pour objet de renforcer la capacité des États à gérer la menace que pose le trafic de stupéfiants, entre autres crimes. À l’heure actuelle, des programmes opérationnels d’une valeur totale de 17 millions de dollars sont exécutés dans le cadre de ce programme avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. À cela s’ajoute un soutien financier de 2,7 millions de dollars pour des projets en cours d’élaboration, principalement dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes. Bien que ces projets ne visent pas uniquement à combattre le trafic des stupéfiants, ils contribuent à renforcer les capacités des États bénéficiaires, ce qui les aide à mieux gérer la menace posée par le trafic des stupéfiants et d’autres menaces pour la sécurité, et à mener de meilleures interventions.
Le Canada attache aussi une très grande importance à la coopération régionale. Nous collaborons régulièrement avec nos partenaires de l’hémisphère en vue de mettre en commun notre expertise, nos expériences et nos renseignements, et de renforcer nos capacités par l’intermédiaire de la Commission interaméricaine de lutte contre l’abus des drogues de l’Organisation des États américains. De plus, nous déployons des efforts au niveau trilatéral, avec les États-Unis et le Mexique, pour favoriser la tenue de discussions dans le cadre du dialogue nord-américain relatif aux drogues afin de lutter contre les menaces auxquelles est exposé le continent, y compris celles découlant de la crise des opioïdes qui perdure. Par l’intermédiaire de ces tribunes régionales, nous avons réalisé des progrès concrets quant à l’établissement d’une compréhension commune des menaces présentes dans l’hémisphère et nous avons réussi à faire progresser des initiatives conjointes visant à lutter contre le trafic des stupéfiants et à renforcer les interventions que mènent nos institutions en réponse à la consommation problématique de substances.
[Traduction]
Voilà certains des efforts déployés par Affaires mondiales Canada pour appuyer la coopération internationale face au problème mondial de la drogue. Le projet de loi C-45 ne changera pas cet engagement. Le Canada continuera de collaborer avec ses partenaires pour lutter contre le trafic de stupéfiants à l’échelle internationale et atténuer les effets de la consommation problématique de substances.
Nos partenaires sont reconnaissants des contributions du Canada au cadre de lutte contre la drogue. Toutefois, le fait que le Canada deviendra le deuxième pays du monde à légaliser le cannabis au niveau national suscite à juste titre l’intérêt de nos partenaires.
Le projet de loi C-45 propose un cadre réglementaire strict — pour la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis —, assorti de peines sévères pour ceux qui enfreignent la loi. Il vise ainsi à restreindre l’accès des jeunes au cannabis et à décourager les activités criminelles. Le Canada considère que ces objectifs sont conformes à l’objectif global des conventions et des efforts collectifs internationaux déployés pour protéger la santé et le bien-être des citoyens.
Comme l’a mentionné la ministre Freeland au début mars 2017 lors de la période de questions au Sénat, le gouvernement reconnaît que l’approche proposée par le Canada à l’égard du cannabis entraînera la violation par le Canada de certaines obligations liées au cannabis en vertu des conventions de l’ONU sur les drogues. Cependant, le Canada demeure un ardent défenseur du cadre international de contrôle des drogues et s’engage à travailler avec les partenaires des traités. La légalisation du cannabis ne change pas cet engagement. À l’heure actuelle, le Canada n’a pas l’intention de prendre des mesures conventionnelles. Nous continuerons de travailler avec nos partenaires internationaux pour faire avancer les objectifs du cadre de contrôle des drogues.
Dans le cadre de notre engagement international, nous avons clairement indiqué que la réalité au Canada est que, malgré près d’un siècle d’interdiction criminelle stricte appuyée par d’importantes ressources policières, l’usage du cannabis est répandu et relativement courant, et il est facile de s’en procurer partout au Canada. L’approche actuelle ne parvenait pas à protéger adéquatement la santé et la sécurité des Canadiens, en particulier celle des jeunes. Elle a fait en sorte que le Canada affiche l’un des taux de consommation de cannabis chez les jeunes les plus élevés au monde, et elle a permis aux criminels et au crime organisé de tirer profit de la vente du cannabis.
En résumé, avec le projet de loi C-45, le gouvernement du Canada répond à des défis nationaux en matière de santé et de sécurité publique en adoptant une approche réglementaire stricte et conforme aux objectifs généraux des conventions, à savoir la protection de la santé et du bien-être des citoyens. Il s’agit d’une réponse nationale à des défis nationaux.
L’objectif du gouvernement du Canada est de garder le cannabis hors des mains des jeunes et d’empêcher le crime organisé de continuer à tirer profit du marché illégal du cannabis. Le gouvernement du Canada ne préconise pas la légalisation comme solution pour d’autres pays et demeure déterminé à contribuer au cadre international de contrôle des drogues, notamment par l’échange de renseignements sur les menaces liées aux drogues, l’échange des connaissances sur la consommation problématique de substances et le soutien au renforcement des capacités, afin de renforcer la réponse internationale au problème mondial de la drogue.
La présidente : Merci, monsieur Gwozdecky. Je vais vous demander de clarifier un point.
Vous êtes en train de dire que si le projet de loi C-45 est adopté, vous ne prendrez aucune mesure à l’égard des trois grandes conventions dont vous avez parlé en demandant une réserve ou une modification à ces conventions. Vous maintiendrez donc le statu quo face à ces trois conventions?
M. Gwozdecky : Oui. Nous examinons l’expérience des autres pays et les réactions qu’aura notre loi chez nos partenaires, et nous chercherons la meilleure façon d’harmoniser notre nouvelle position avec celle des conventions. Comme je l’ai mentionné, il y a d’autres pays, un à tout le moins, qui est allé aussi loin que le gouvernement du Canada a l’intention d’aller, et c’est l’Uruguay. Le pays n’a pris aucune mesure à l’égard des traités et poursuit ses activités en bonne et due forme au sein du cadre international de contrôle des drogues. D’autres pays ont opté pour des approches différentes. Je pourrai vous donner plus de détails un peu plus tard. Certains pays ont opté pour des approches différentes, mais comme je l’ai mentionné, il ne semble pas y avoir une approche unique à la situation.
La présidente : Je répète donc encore une fois, violerions-nous l’une ou l’autre des sections des trois grandes conventions en adoptant le projet de loi C-45? Je pense que c’est là la question. C’est une question d’ordre juridique. Nous avons signé ces conventions. Les Canadiens respectent les conventions. Ils s’attendent à ce que les autres en fassent autant. Nous avons besoin de savoir si le projet de loi C-45 viole des éléments des conventions et quelles mesures vous allez prendre à cet égard.
Les représentants de l’Uruguay ont mentionné qu’ils ne se préoccuperaient pas de cela, si j’ai bien compris. Je ne voudrais pas mal les citer, mais c’est ce que j’ai lu dans la presse. La question n’a pas été examinée. Nous voulons respecter pleinement les conventions. C’est pourquoi la question juridique est importante.
M. Gwozdecky : Nous croyons que l’approche du Canada respecte entièrement les objectifs généraux de ces conventions, à savoir la protection de la santé et de la sécurité des citoyens. Nous allons contrevenir à un sous-ensemble de dispositions sur le cannabis dans les conventions. Je dois vous rappeler, toutefois, que dans au moins une des conventions, il y a 124 substances qui doivent être contrôlées, et que le cannabis et ses différentes déclinaisons n’en constituent qu’une très faible partie. Parmi les autres substances, un grand nombre sont très dangereuses et doivent être contrôlées rigoureusement, beaucoup plus que le cannabis, bien sûr.
Et nous croyons que nous allons continuer de respecter pleinement toutes ces dispositions, et continuer de collaborer pleinement au sein du partenariat que nous avons avec la communauté internationale afin de veiller à ce que ces substances plus dangereuses soient soumises à un régime adéquat.
La présidente : Pour que mes membres puissent aussi participer, je présume que votre service juridique a effectué une analyse. Vous pourriez peut-être nous fournir l’information sur les sections qui ne sont pas respectées et indiquer que vous ne prendrez pas de mesures, si j’ai bien compris, à cet égard.
M. Gwozdecky : Nous pouvons vous fournir les sections des conventions qui portent sur le cannabis et auxquelles nous contreviendrions, techniquement. Ce que j’essaie de faire ressortir, c’est que ces conventions vont bien au-delà du cannabis.
La présidente : Nous en sommes conscients, mais je pense que nous devons connaître les faits et les répercussions qu’aura le projet de loi C-45. C’est le mandat qui nous a été confié, alors nous devons nous en acquitter. La question n’est pas de savoir si, selon vous, il s’agit d’un élément important ou peu important. Est-ce que le projet de loi a des répercussions sur les conventions, et si j’ai bien compris ce que vous dites, c’est le cas.
Nous n’allons pas aborder la question de la qualité. Cela nous serait utile, donc, de savoir quelles sections, selon vous — et vous avez utilisé le mot « techniquement » —, nous ne respecterions pas, afin que nous soyons pleinement informés des faits, et ce, d’une manière très responsable et transparente. Nous allons devoir présenter un rapport. C’est la tâche qu’on nous a confiée. J’aimerais recevoir cette information.
M. Gwozdecky : En effet.
La présidente : Ma question de suivi est de savoir si, pour votre analyse, vous avez consulté le ministère de la Justice, en plus de votre service juridique? Le ministère joue-t-il un rôle dans l’analyse pour déterminer si vous respectez ou non les conventions, en particulier dans le cas du projet de loi C-45?
M. Gwozdecky : Oui, en effet. En plus de Justice, nous avons consulté nos partenaires à Santé Canada et ailleurs à Affaires mondiales, ceux qui sont concernés par la question.
La présidente : J’ai beaucoup d’autres questions, mais je vais céder la parole à six intervenants pour l’instant.
La sénatrice Ataullahjan : Le 19 mars, le Comité sénatorial permanent sur la sécurité nationale et la défense a entendu des témoins sur la question de la frontière entre le Canada et les États-Unis, et on avait de sérieuses inquiétudes au sujet des répercussions que le projet de loi C-45 pourrait avoir pour les Canadiens qui se rendent aux États-Unis. Quelqu’un pourrait, par exemple, être banni à vie des États-Unis s’il avouait consommer légalement de la marijuana au Canada.
La question que je me pose est de savoir si Affaires mondiales Canada a mené une analyse sur les répercussions que le projet de loi C-45 pourrait avoir sur les déplacements transfrontaliers des Canadiens après son entrée en vigueur?
Kevin Thompson, directeur général, Direction générale de la stratégie pour l’Amérique du Nord, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup, sénatrice. Je serai heureux de répondre à votre question.
Le Canada et les États-Unis collaborent très étroitement sur les enjeux liés à la frontière et à la sécurité, et nos agences frontalières respectives — l’Agence des services frontaliers du Canada et la Customs and Border Protection Agency des États-Unis — ont des liens très solides. La légalisation du cannabis ne changera pas les liens entre nos agences frontalières. Nous restons fermement déterminés à travailler avec le gouvernement américain pour faire respecter les lois qui régissent la circulation transfrontalière du cannabis afin que rien n’entrave la circulation des gens et des biens à notre frontière commune.
Je vais répondre à votre question au sujet de l’usage antérieur, mais je veux présenter quelques faits auparavant. Tout d’abord, il s’agit d’un enjeu qui s’applique tant au trafic du nord au sud que du sud au nord. L’usage récréatif chez les adultes est légalisé dans environ 10 administrations aux États-Unis, soit neuf États et le district de Columbia. Un citoyen américain sur cinq peut maintenant consommer légalement du cannabis à des fins récréatives.
De plus, si on regarde du côté des États frontaliers, quatre d’entre eux sur onze — et le Michigan pourrait voter sur la question plus tard cette année — ont déjà légalisé l’usage du cannabis à des fins récréatives chez les adultes.
Environ 29 États ont légalisé le cannabis, la marijuana, à des fins médicales, donc 10 des 11 États frontaliers ont déjà légalisé la marijuana à des fins récréatives ou à des fins médicales.
Nous sommes bien au fait des préoccupations qui ont été soulevées au sujet de Canadiens qui se rendaient aux États-Unis et à qui on a demandé s’ils avaient déjà consommé du cannabis et qui se sont vus, dans certains cas, interdits de séjour aux États-Unis.
C’est bien sûr une des questions que nous avons soulevées, et continuons de soulever, auprès des autorités américaines dans le cadre des mécanismes que nous avons mis en place pour discuter de cette question, et nous avons plusieurs mécanismes. Il y a notamment le groupe de travail qui réunit l’ASFC et la Customs and Border Protection Agency des États-Unis, et il y a aussi le dialogue permanent, pluriministériel, que nous avons avec l’ambassade américaine ici.
Il est important que les Canadiens qui veulent se rendre aux États-Unis comprennent qu’ils doivent respecter les lois du pays pour y entrer. Le fait est que le Canada se propose de modifier sa loi, mais ce n’est pas le cas des États-Unis. En vertu des lois existantes, les agents frontaliers ont le droit de poser des questions au sujet de l’usage antérieur. La Customs and Border Protection Agency nous a dit, de même que d’autres membres de l’administration, que les États-Unis n’ont pas l’intention de changer leur position ou leur pratique actuelle à l’égard de ce genre de questions, mais ils n’ont pas l’intention non plus de modifier radicalement le type de pratique qu’ils ont à l’heure actuelle.
Permettez-moi de mettre en contexte certaines des préoccupations concernant l’interdiction de territoire. En 2017, environ 13 millions de Canadiens ont traversé les frontières terrestres. Selon les statistiques du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis, le CBP, le nombre de Canadiens à qui l’on a refusé d’entrer a été d’environ 6 800 — c’est le nombre de tentatives d’entrées aux États-Unis qui ont été traitées. Cela concernait peut-être une multitude de personnes, mais des 13 millions de voyages aux États-Unis, il y a eu environ 6 800 décisions d’interdiction de territoire, ce qui représente approximativement 0,05 p. 100 des Canadiens qui se sont rendus aux États-Unis.
Nous croyons qu’il est important de se pencher sur ce problème, qui est bien réel et, assurément, une source de préoccupation pour les Canadiens qui se sont vus interdire d’entrer aux États-Unis à cause de ces questions. Je crois qu’il est important de voir cela dans un contexte plus large.
La sénatrice Ataullahjan : Vous parlez de 6 000 personnes. Pour moi, c’est beaucoup. Quel conseil donneriez-vous à ces Canadiens? Leur diriez-vous de traverser à l’un des quatre États frontaliers où le cannabis a été légalisé? Est-ce que c’est ce que vous dites? Alors, qu’allez-vous dire aux personnes qui veulent aller aux États-Unis?
La présidente : Nous devrions d’abord savoir si les questions frontalières aux États-Unis relèvent du gouvernement central ou des États particuliers.
M. Thompson : Vous avez raison.
La présidente : Il est important de tirer cela au clair et de le consigner dans le compte-rendu.
M. Thompson : C’est vrai. L’entrée aux États-Unis est effectivement régie par une loi fédérale de ce pays.
Je dois préciser que ce chiffre de 6 800 interdictions de territoire comprend toutes les décisions d’interdiction, et pas seulement celles qui découlent de l’utilisation de cannabis. Cela comprend les décisions prises antérieurement pour une vaste gamme de motifs « criminels », comme le fait d’avoir des papiers incomplets pour aller travailler aux États-Unis. Nous n’avons pas été en mesure d’obtenir des statistiques précises de la part du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis concernant le nombre de Canadiens qui ont été bloqués pour usage de cannabis. Nous croyons qu’il s’agit d’un très petit pourcentage des 6 000 cas recensés.
La sénatrice Ataullahjan : C’est un petit pourcentage maintenant, parce que le cannabis n’a pas encore été légalisé. Si la légalisation va de l’avant au Canada, ce pourcentage risque d’augmenter considérablement. Il y aura peut-être plus de gens qui seront disposés à admettre qu’ils fument du cannabis.
M. Thompson : Ce que nous faisons par rapport à cette question, c’est que nous avons un engagement passablement sérieux avec le CBP. Je me permets de souligner que lundi dernier, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense, l’ancien commissaire du CBP a dit ceci:
Mais demander s’ils ont consommé de la marijuana au point où nous en sommes dans nos deux pays? Cela ne constituerait pas une utilisation efficace des ressources très limitées du Service des douanes et de la protection des frontières […]
Et en ce qui concerne le fait de demander à tous les Canadiens s’ils ont déjà fumé de la marijuana, le CBP a indiqué qu’il n’a aucune intention de modifier ses pratiques actuelles pour l’instant.
Nous continuons de travailler en étroite collaboration avec l’administration pour mettre en évidence les objectifs de ces mesures législatives. Il y a un certain nombre d’États aux États-Unis qui ont manifestement légalisé la marijuana pour les mêmes raisons que nous — pour protéger la jeunesse et faire reculer le crime organisé —, alors nous avons bon espoir de maintenir des relations très étroites avec les États-Unis sur cette question et d’être en mesure de trouver des solutions aux problèmes qui surviendront.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à M. Gwozdecky. Dans votre allocution et dans vos réponses, vous avez parlé des trois grandes conventions de l’ONU sur le contrôle des drogues. Le gouvernement a-t-il relevé d’autres obligations juridiques ou engagements politiques internationaux sur lesquels l’adoption du projet de loi C-45 pourrait avoir des répercussions? Je pense plus particulièrement à des répercussions sur la Convention relative aux droits de l’enfant, sur la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones ou sur tout autre accord ou traité multilatéral. Si ce projet de loi a des répercussions sur ces conventions, quelles mesures correctives le gouvernement prendrait-il pour régler ces irrégularités et s’assurer que le Canada réponde à ses engagements internationaux?
[Traduction]
M. Gwozdecky : Merci, sénateur. Nous avons effectivement fait des recherches à ce sujet et nous ne croyons pas qu’il y aura d’incidence négative sur la capacité du Canada de se conformer à ces autres conventions ou à ces ententes juridiques auxquelles il souscrit. En fait, vous avez mentionné les droits de l’enfant. L’objectif du projet de loi est de mieux protéger nos enfants et nos jeunes, et nous estimons qu’à cet égard, la loi nous aidera à mieux respecter notre engagement de protéger les droits de nos enfants.
Comme je l’ai dit, nous n’avons pas vu comment ces mesures législatives pourraient nuire à nos autres obligations internationales.
Le sénateur Oh : J’ai une question complémentaire pour la question du sénateur Cormier.
Le gouvernement fédéral a-t-il l’intention de se retirer officiellement des traités de l’ONU sur le contrôle des drogues, ou a-t-il l’intention d’aller à l’encontre de ses obligations internationales lorsque le projet de loi C-45 sera adopté?
M. Gwozdecky : Merci, sénateur. Les traités sur les drogues portent sur la circulation d’une vaste gamme de drogues et de substances. J’ai dit plus tôt qu’il y en a au moins 124, et que les produits du cannabis ne sont qu’un petit sous-ensemble de cela. Beaucoup d’entre eux sont destinés à des usages médicaux et scientifiques. Le retrait de ces traités serait une réponse excessive et injustifiée, retrait qui nuirait à la fois aux intérêts du Canada et à ceux de la communauté internationale.
La légalisation du cannabis ne change pas l’engagement du Canada quant à l’atteinte des objectifs du cadre international de contrôle des drogues et à la protection de la santé et de la sécurité des citoyens. Elle ne change rien non plus à notre approche consistant à travailler à l’échelle internationale pour assurer la mise en place d’un écosystème de contrôle des drogues approprié.
Je me dois ici d’ajouter que nous sommes constamment en discussion avec nos partenaires internationaux, et que nombre d’entre eux voient d’un très mauvais œil la possibilité que le Canada puisse se retirer de ces traités. Ils accordent de la valeur à la contribution du Canada. Ils espèrent que le Canada continuera à faire partie de ces traités en raison des contributions qu’il y apporte et du rôle qu’il y joue. Par conséquent, nous examinons toutes les options qui s’offrent à nous, mais nous croyons qu’un retrait serait un geste excessif, injustifié et dommageable.
Le sénateur Oh : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que les agents frontaliers américains n’ont pas l’intention de modifier quoi que ce soit pour s’adapter à l’adoption par le Canada du projet de loi C-45. Est-ce exact?
M. Thompson : Oui. Dans les discussions que nous avons eues jusqu’ici avec les Américains, les États-Unis ne nous ont donné aucune indication qu’ils allaient changer leurs façons de faire. Leur loi actuelle leur donne effectivement le droit de poser des questions sur la consommation antérieure. Ils ont toute la latitude voulue pour demander si les gens sont en possession de cannabis. Ils nous ont indiqué que leurs pratiques actuelles ne changeront pas.
Le sénateur Oh : Vous attendez-vous à ce qu’un grand nombre de Canadiens se voient désormais refuser l’entrée aux États-Unis si l’on se met à leur demander s’ils ont consommé de la marijuana ou du cannabis au cours des 21 derniers jours?
M. Thompson : Nous ne prévoyons pas d’augmentation majeure du nombre de cas. Comme je l’ai dit, le CBP a déjà ce pouvoir et, comme le montrent les chiffres, ses agents ne demandent pas systématiquement aux Canadiens s’ils ont fumé de la marijuana. Je suis certain qu’il y a des cas où des personnes qui tentent de se rendre aux États-Unis pourraient donner l’impression qu’elles sont en possession de cannabis, et qu’un agent du CBP pourrait poser des questions pour essayer de soutirer une réponse à cet égard.
Sauf que pour l’instant, c’est une question qui relève de l’application de la loi. Ils essaient d’empêcher le trafic transfrontalier de cannabis. Les agents continueront d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire afin de réduire le nombre de cas de trafic transfrontalier.
Le sénateur Oh : Je ne comprends pas. Tout à l’heure, vous avez dit que nous sommes le deuxième pays au monde en ce qui a trait à la consommation de cannabis chez les jeunes. Par conséquent, le nombre de personnes qui tenteront de traverser aux États-Unis va nécessairement augmenter considérablement. Pourquoi resterait-il le même?
M. Thompson : À l’heure actuelle, nous avons un taux d’utilisation très élevé chez nos jeunes, et le nombre de Canadiens qui se voient refuser l’accès au territoire américain est un très faible pourcentage de ceux qui voyagent aux États-Unis. Nous n’avons aucune raison de croire que ce nombre augmentera de façon significative si cette loi est adoptée.
La sénatrice Bovey : Merci de votre présence, et merci de nous faire part de vos points de vue et connaissances en la matière.
Nous avons parlé des traités. Comme vous le savez, « notre » ALENA est présentement en renégociation, et nous avons un certain nombre d’accords commerciaux avec différents pays. Croyez-vous que tout cela pourrait avoir une incidence sur les accords commerciaux du Canada avec ces pays? Parmi nos accords commerciaux, y en a-t-il qui sont liés à la participation du Canada aux traités des Nations Unies sur le contrôle des drogues?
M. Gwozdecky : Merci, sénateur. Je peux vous le garantir: la légalisation du cannabis n’ira pas à l’encontre des obligations du Canada à l’égard de l’ALENA, de l’Organisation mondiale du commerce ou de l’AECG, notre accord commercial avec l’Union européenne. Comme pour la mise en œuvre de n’importe quelle mesure concernant le commerce international, il faudra veiller à assurer l’uniformité par rapport aux obligations internationales existantes du Canada. Nous avons donc examiné cet aspect des choses avant de procéder.
Je peux vous dire que la question de la légalisation du cannabis n’a pas été soulevée dans le cadre des négociations actuelles de l’ALENA.
La sénatrice Bovey : Par conséquent, est-il juste de présumer que le commerce, l’importation et l’exportation de médicaments ne seront pas touchés par ces nouvelles dispositions? Croyez-vous que les traités encadrant le contrôle et le commerce international de médicaments le seront? Je crois que je viens de passer de l’aspect général à l’aspect médical des choses.
M. Gwozdecky : La nouvelle loi n’aura aucune incidence sur l’importation et l’exportation de cannabis. Comme c’est actuellement le cas, l’importation et l’exportation de cannabis médical continueront d’être permises dans des circonstances très limitées, sous réserve de l’autorisation de Santé Canada et conformément à nos obligations en vertu de ces traités internationaux sur les drogues. L’importation ou l’exportation non autorisée de cannabis restera une infraction criminelle grave.
Le sénateur Greene : Merci beaucoup. La plupart des questions que j’avais ont été posées. Néanmoins, j’aimerais savoir si l’ambassade du Canada à Washington et ses consulats aux États-Unis ont prévu mettre en œuvre quelque plan de sensibilisation ou de communication à l’intention de leurs auditoires américains en ce qui concerne le cannabis au Canada?
M. Thompson : Oui, l’ambassade du Canada participe à des discussions avec l’administration. À ce stade, il y a eu peu de discussions avec les membres du Congrès. En fait, nous avons récemment recensé le nombre de fois où cette question a été soulevée lors des discussions avec les membres du Congrès, et nous avons constaté qu’elle n’a été mentionnée que deux fois au cours des 12 derniers mois. La question a été évoquée une fois par un membre du Congrès qui faisait l’apologie de la légalisation, et une autre fois par un membre du Congrès qui voulait savoir comment la légalisation s’alignait avec notre stratégie plus large en matière d’opioïdes.
En ce qui concerne notre vaste réseau de consulats aux États-Unis, nous préparons une stratégie de communication pour veiller à ce que les membres de l’administration américaine et les gens qui évoluent au sein des États — c’est l’échelon local aux États-Unis — soient mis au courant de la loi que nous tentons d’instaurer et, surtout, qu’ils soient informés que le passage transfrontalier de cannabis continuera d’être interdit.
Le sénateur Greene : Au cours des réunions que vous avez eues avec les Américains et des activités de sensibilisation menées par les consulats, et cetera, quels sont les deux ou trois principaux enjeux ou signaux d’alarme qui ont été évoqués? Qu’est-ce qui préoccupe les Américains?
M. Gwozdecky : Permettez-moi de vous donner mon point de vue. Les discussions et les relations qu’entretiennent les Américains et les Canadiens sont diversifiées et elles portent sur un très grand nombre de choses. J’ai des contacts réguliers avec mon homologue du département d’État américain, et mes collègues des autres ministères ont leurs propres échanges. Lorsque je parle avec mon homologue, j’essaie avant tout d’avoir des précisions au sujet de l’attitude qu’adopteront les agents du CBP. Je veux savoir comment ils comptent interagir avec les Canadiens qui traverseront la frontière. Plus nous aurons de précisions au sujet des types de questions qui seront posées aux Canadiens, de ce à quoi les Canadiens devront s’attendre pour entrer aux États-Unis — ce type de précisions —, mieux le gouvernement sera en mesure d’élaborer les programmes et les campagnes d’information qui seront mis en œuvre sur une base continue pour veiller à ce que les Canadiens soient dûment renseignés au sujet des risques et des exigences dont ils devront tenir compte pour entrer aux États-Unis et sortir des États-Unis sans problème.
Le sénateur Housakos : Merci, messieurs, d’être ici aujourd’hui.
Le gouvernement actuel a-t-il demandé au ministère des Affaires étrangères de faire une analyse ou une cueillette de renseignements au sujet de partenaires d’autres pays du monde qui ont une façon différente d’approcher la consommation de marijuana? Par exemple, la Norvège s’est révélée être le pays où les jeunes consomment le moins de marijuana. Le ministère des Affaires étrangères a-t-il fait une analyse ou une étude à l’intention du gouvernement sur les différents modèles qui existent en dehors de celui qui est proposé actuellement?
M. Gwozdecky : Je suis certain que nous avons fait une quantité appréciable de recherches à cet égard. Comme je le disais plus tôt, il y a de nombreux modèles dans le monde entier; les gouvernements ont adopté différentes approches. La Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies a affirmé à maintes reprises qu’il devait y avoir des approches différentes, et que les gouvernements devaient adapter leurs politiques et leurs prises de position en fonction de leurs propres circonstances nationales.
Au moment d’élaborer la loi canadienne, nous avons examiné ce que d’autres ont fait et nous avons tenté de cerner l’approche qui convenait le mieux à la réalité canadienne. C’est ce qui fait que la loi prend la forme qu’elle a aujourd’hui.
Le sénateur Housakos : Donc, les Affaires étrangères ont fait des propositions au gouvernement par l’intermédiaire de la commission qui a étudié la légalisation de la marijuana. La commission a proposé au gouvernement une analyse réalisée par Affaires étrangères au sujet des autres modèles utilisés dans le monde; est-ce bien ce que vous dites?
M. Gwozdecky : Je ne connais pas en détail la méthode qui a été appliquée, mais je sais qu’au moment d’élaborer le projet de loi, mes collègues du ministère de la Santé et du ministère de la Justice ont pu s’appuyer sur une grande variété de renseignements et de recherches, dont des études comparatives sur ce qui s’est fait dans d’autres pays.
Le sénateur Housakos : Donc, vous nous dites qu’Affaires étrangères a fait cette analyse et qu’il détient cette information.
M. Gwozdecky : Affaires étrangères a fourni beaucoup d’analyses et de renseignements à ceux qui ont rédigé le projet de loi, oui. Ces informations portaient entre autres sur les modèles en usage dans d’autres pays, sur la façon dont ces pays ont procédé et sur les leçons qui ont été retenues à cet égard.
Le sénateur Housakos : Croyez-vous que vous pourriez communiquer cette information au comité sans trop de problèmes?
M. Gwozdecky : Je serai heureux de mettre ce type d’information à la disposition du comité.
Le sénateur Housakos : Je vous en saurais gré.
Ma deuxième question porte sur l’affirmation que le gouvernement ne cesse de répéter — et que vous avez reprise ici, aujourd’hui —, cette affirmation selon laquelle le Canada aurait le taux le plus élevé de consommation de marijuana chez les jeunes. Vous serait-il possible de nous donner la source de cette information et de nous indiquer la méthode qui a été utilisée pour en arriver à cette conclusion? De toute évidence, Affaires étrangères est d’accord avec ce point de vue. Ce sont des statistiques que des ministres ont servies au Sénat, et le gouvernement continue de répéter cette affirmation provenant d’un rapport de l’UNICEF de 2013. L’UNICEF affirme qu’elle a tiré cette information d’un rapport de Justice Canada, lequel aurait été subventionné par Statistique Canada. Or, il semble y avoir une certaine ambiguïté à propos de cette étude. Pourtant, je vois que les fonctionnaires d’Affaires étrangères continuent d’utiliser cette information. J’aimerais savoir si Affaires étrangères pourrait expliquer au comité d’où provient la méthode qui a été utilisée pour arriver à ces chiffres dont votre ministère se sert pour affirmer que le taux de consommation de marijuana chez les jeunes Canadiens est le plus élevé au monde.
M. Gwozdecky : Merci de cette question. Je ne suis pas en mesure de vous donner ce type de réponse. En tant qu’employé d’Affaires globales, mon mandat est international. Or, l’information que nous utilisons et que vous demandez est de l’information nationale. Ce sont nos partenaires et les organismes nationaux qui sont chargés de mettre au point ces statistiques et les informations connexes. Ce sont des informations qui pourraient être mises à votre disposition et que vous pourriez examiner afin d’en contrôler la validité.
Le sénateur Housakos : Madame la présidente, pourrions-nous faire des demandes en ce sens auprès des ministères concernés?
La présidente : Je crois que c’est ce dont il s’agit. On nous a dit que c’était l’UNICEF, mais l’information est d’origine canadienne. Faudrait-il nous adresser au ministère de la Justice ou à Statistique Canada pour en savoir plus long au sujet de ce rapport? La seule chose qu’on nous donne, c’est la conclusion.
Le sénateur Housakos : Encore aujourd’hui, les fonctionnaires ont évoqué cette statistique, alors j’ai cru que le ministère était en mesure de l’appuyer.
La présidente : Lors d’autres travaux que nous avons faits avec Statistique Canada, il s’est avéré très utile de connaître quels étaient leurs objectifs et ce qu’ils cherchaient à réaliser. Lorsqu’il n’y a que les résultats, on ne sait pas trop sur quoi ils sont fondés. On peut donc se poser des questions à leur sujet. Si nous pouvons avoir ces précisions de Statistique Canada — nous l’avons fait pour le commerce, et cela a été très utile —, nous serons en mesure de nous en servir à bon escient. Si vous pouviez nous dire qui…
M. Gwozdecky : Je crois que les gens qui sont à la source de cette information sont nos collègues de Santé Canada et de Statistique Canada. C’est probablement le fruit d’une collaboration entre ces deux ministères.
Le sénateur Housakos : Ma dernière question concerne les services frontaliers Canada-États-Unis. Comme vous le savez, les gouvernements successifs ont travaillé très fort sur la stratégie visant à « amincir » cette frontière et à la rendre aussi accessible que possible tant pour la circulation des personnes que pour le commerce. Bien sûr, nous avons multiplié les dispositifs de précontrôle dont les citoyens peuvent se prévaloir des deux côtés de la frontière.
Êtes-vous d’accord avec moi pour dire qu’il sera beaucoup plus facile de continuer à collaborer pour l’« amincissement » de cette frontière si les deux côtés ont des points de vue compatibles sur des questions aussi importantes que, par exemple, le trafic de drogue et la consommation de drogue?
Le code criminel américain est très strict en ce qui concerne les lois sur la marijuana. Or, voilà que nous allons en sens inverse, à l’autre extrémité du spectre. Dans cette optique, il est plaisant et rassurant pour le comité de se faire dire qu’il ne devrait pas y avoir d’incompatibilité et que la collaboration des dernières années au sujet des questions frontalières se poursuivra, mais certains d’entre nous, de ce côté-ci, sont un peu sceptiques. Au bout du compte, quelle incidence cela aura-t-il sur le programme NEXUS? NEXUS est un exercice de collaboration serré entre les services frontaliers du Canada et ceux des États-Unis. Nous aurons donc deux agents des services frontaliers qui auront tenté au cours des dernières années de s’accorder le mieux possible afin d’« amincir » la frontière, mais qui se retrouveront à appliquer deux protocoles diamétralement opposés concernant cette question névralgique. Comment pouvons-nous surmonter cette compatibilité? Je m’inquiète des effets que cela aura sur le programme NEXUS actuel.
M. Thompson : Sénateur, merci de cette question. Il y aura toujours des différences entre le Canada et les États-Unis en matière de frontières et de conditions d’entrée. Prenons l’exemple des armes à feu. Il y a des différences entre le régime canadien et le régime américain en ce qui concerne la possession d’armes à feu et le fait de passer la frontière avec des armes à feu. Cela n’a pas empêché nos deux pays de travailler en collaboration. Nos agents des services frontaliers ont été en mesure de travailler ensemble afin de composer avec ces différences.
Permettez-moi cependant de dire une chose. Nous sommes tout à fait alignés sur le principe central qui veut que l’importation et l’exportation de cannabis de part et d’autre de la frontière resteront interdites. Par conséquent, l’Agence des services frontaliers du Canada et la Customs and Border Protection vont travailler en étroite collaboration pour veiller à ce que cette prohibition soit respectée. Il y a donc un alignement rigoureux entre nos deux pays en ce qui concerne ce principe fondamental. Tout à l’heure, un autre sénateur a demandé quelles étaient les questions que les Américains avaient soulevées. Eh bien, les Américains veulent savoir ce que nous allons faire de façon proactive pour veiller à ce que les Canadiens n’essaient pas d’entrer aux États-Unis en possession de cannabis. Nous allons mener une campagne d’éducation publique pour veiller à ce que les Canadiens et les Américains sachent que, même s’il y a légalisation au Canada, la circulation du cannabis à la frontière continuera d’être interdite. Sur ce plan, les deux agences frontalières appliqueront sensiblement le même manuel.
Le sénateur Housakos : Vous n’avez pas répondu à ma question à propos de NEXUS, ma plus grande préoccupation. À l’heure actuelle, il y a des tonnes de gens des deux côtés de la frontière qui profitent du programme NEXUS, ce programme qui permet aux Canadiens d’entrer rapidement et presque sans à-coups aux États-Unis et aux Américains de faire de même vers le Canada. C’est probablement le programme le plus homogène qu’il y a présentement entre nos deux services frontaliers.
Quelle incidence la légalisation aura-t-elle? Quelle incidence une incompatibilité sur un tel enjeu criminel aura-t-elle sur le programme NEXUS lorsque les Américains s’apercevront que le Canada est passé à l’acte et qu’ils doivent désormais composer avec cela? Cela aura-t-il une incidence sur le programme NEXUS actuel?
M. Thompson : Sénateur, c’est l’Agence des services frontaliers du Canada qui administre le programme NEXUS au Canada. Or, l’agence indique que la perte des privilèges associés au fait d’être membre du programme NEXUS ou au programme EXPRES sera déterminée par le non-respect par le demandeur des conditions desdits programmes. Ainsi, l’agence informera ses partenaires de la CBP que l’adhésion d’une personne au programme a été refusée ou révoquée. Chaque agence frontalière est responsable d’administrer le programme.
Aux termes du programme NEXUS actuel, le Canada et les États-Unis sont tous les deux responsables de déterminer leur propre processus d’admission. À cause des lois sur la protection des renseignements personnels, les raisons motivant un refus d’admissibilité ne sont pas communiquées d’un pays à l’autre. Par l’intermédiaire du processus de recours des États-Unis, il est possible d’interjeter appel au sujet des annulations et des refus de cartes NEXUS initiés par des agents de la CBP. Un processus semblable existe aussi au Canada.
Je crois que nous devons prendre en considération que le programme NEXUS est le programme pour voyageurs le plus rigoureux que nous ayons avec les États-Unis. Sa raison d’être est de faciliter les déplacements des Canadiens qui satisfont à ces critères de sécurité très rigoureux. Par conséquent, la participation au programme NEXUS n’est pas un droit. Idem pour le programme EXPRES.
Pour l’instant, nous allons continuer de surveiller de très près toutes les conséquences que la légalisation pourra avoir sur les programmes NEXUS ou EXPRES, et nous allons travailler en étroite collaboration avec la CBP afin d’analyser et de surveiller la tournure que les choses prendront avec le temps.
La sénatrice Cools : Je tiens à remercier les témoins d’être venus nous rencontrer, mais je dois leur dire que je ne suis pas convaincue par ce que j’entends. J’ajouterais que ce changement particulier en matière de politique publique me dérange beaucoup. Pour des raisons évidentes, je n’en vois pas la nécessité.
Cela dit, j’aimerais rappeler aux collègues que nous parlons d’un stupéfiant psychotrope. Donc, nous ne légalisons pas la consommation de chocolat ou de quelque chose de très banal et sans danger. J’utilise le mot « psychoactif », mais les gens ne savent peut-être pas de quoi il s’agit. Une drogue psychoactive est une drogue qui agit sur la chimie du cerveau et qui réorganise la réalité de la personne qui la prend. Vous vous souvenez que dans les années 1960, il y avait beaucoup de morts associés à la prise de LSD, une drogue à la fois psychotrope et psychoactive. Je pense que nous devrions garder cela à l’esprit. Nous ne parlons pas ici d’une petite chose insignifiante; nous parlons d’un stupéfiant. Je ne vois pas comment ce changement de fond dans la politique publique canadienne pourrait ne pas avoir d’incidence sur nos relations avec les États-Unis d’Amérique.
Il y a quelques années, un groupe de parlementaires canadiens — j’étais la seule sénatrice, mais les autres étaient des députés de la Chambre des communes — avait été convoqué d’une façon ou d’une autre à une réunion très exclusive avec un Américain qui intervenait dans les hautes sphères de la réglementation des drogues. Or, cet homme nous avait expliqué sans détour que si le Canada décidait de s’engager sur la voie de la légalisation de la marijuana, les États-Unis allaient prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger leurs jeunes contre cette drogue. Il s’agissait de mots très forts pour quelqu’un dont nous étions les hôtes, mais ses propos sont restés gravés dans mon esprit.
Je ne sais pas si vous voulez dire quelque chose là-dessus, mais je ne vois pas comment un changement profond comme celui qui est planifié et anticipé n’aura pas d’effet sur nos relations. Vous êtes peut-être extrêmement compétents dans le domaine de la fraternité. Cela pourrait très bien être le cas. La diplomatie est une chose que je respecte énormément, mais la situation actuelle va nécessairement changer. Désormais, lorsqu’une personne traversera la frontière américaine en brandissant son identité canadienne, la réaction sera différente. Rien ne peut changer tout en restant pareil. Je vous remercie. À vous maintenant.
La présidente : Voulez-vous répondre à cela ou relayer la question au ministre?
M. Gwozdecky : Je serais très heureux de relayer la question au ministre, sénatrice. Cependant, je n’ai pas entendu de question, mais une observation bien appuyée, observation que je me ferai un plaisir de relayer.
La sénatrice Cools : Je vous en saurais gré. C’est une question de taille que nous avons devant nous. Je n’arrive pas moi-même à décider si je devrais voter pour ce projet de loi ou pas.
Le sénateur Ngo : Je crois que toutes les questions ont été posées, mais je vais quand même en poser quelques autres, car je crois que M. Thompson et M. Gwozdecky ne nous ont pas encore donné la bonne réponse.
Selon le témoignage d’un avocat américain qui a comparu devant le Comité de la sécurité nationale et de la défense, les Canadiens qui admettent avoir consommé de la marijuana peuvent être interdits à vie d’entrée aux États-Unis. Il a dit que les États-Unis continueront à refuser l’entrée aux Canadiens qui admettent avoir fumé de la marijuana ou qui reconnaissent avoir de la marijuana en leur possession, même si le cannabis devient légal au Canada.
Vous avez dit que lors des passages frontaliers de l’an dernier, environ 13 millions de personnes ont été interrogées. Si le projet de loi C-45 est adopté, les enfants de 12 à 17 ans pourront eux aussi avoir 4 grammes de cannabis en leur possession, et ceux de plus de 18 ans pourront en avoir plus. Si la marijuana devient légale au Canada, pensez-vous qu’une famille qui cherchera à traverser la frontière avec des jeunes de 12 ou 17 ans — des adolescents adultes dans leur voiture — ne se fera pas poser de questions par les agents frontaliers des États-Unis? Cette famille se verra refuser l’entrée et elle sera bannie à vie. Un enfant de 12 ou 13 ans peut avoir 4 grammes de cannabis dans sa poche sans le savoir. Ils pourraient être inculpés. Que pensez-vous de cela?
M. Gwozdecky : Sénateur, c’est une question très sérieuse que vous soulevez là. Je peux commencer en disant que tous les Canadiens, lorsqu’ils voyagent, devraient être au courant des lois nationales du pays dans lequel ils cherchent à entrer. Nous devons poursuivre et améliorer notre campagne nationale de sensibilisation afin d’informer les Canadiens au sujet de ce que l’on attend d’eux, et des risques et exigences dont ils doivent tenir compte s’ils décident d’entrer aux États-Unis avec une substance interdite aux termes de la loi fédérale de ce pays.
Ce que je peux vous dire, c’est que les États-Unis, comme mon collègue l’a mentionné, n’ont indiqué d’aucune façon qu’ils avaient l’intention de changer de position quant à leur façon d’interagir avec les Canadiens à la frontière. À ce jour, ils ne posent pas la question: « Avez-vous déjà consommé du cannabis ou de la marijuana dans votre vie? » Sauf qu’ils ont le droit de le faire. Je suppose qu’ils continueront d’agir de la même façon qu’à l’heure actuelle: s’ils voient des signes évidents dans un véhicule ou sur une personne, s’ils constatent que quelqu’un a sur lui des objets associés à la consommation de drogue ou qu’une voiture sent le cannabis, ils se prévaudront de leur droit de poser les questions qui s’imposent. C’est une pratique qui va probablement se poursuivre. Les Canadiens devront être conscients qu’ils doivent prendre des précautions lorsqu’ils tentent de traverser la frontière. Ils ne devraient pas avoir de cannabis en leur possession. Ils ne devraient pas présenter de signes évidents de consommation, car ils risquent de se faire poser des questions. Ce droit sera un droit que l’agence de protection des frontières des États-Unis continuera d’avoir, tout comme nos agents des services frontaliers ont le droit d’interroger des personnes lorsque des incertitudes surgissent à l’occasion de leur entrée au Canada.
Le sénateur Ngo : Je ne suis toujours pas très satisfait, car, lorsque cette substance sera légale et que des personnes se présenteront à la frontière pour entrer aux États-Unis, je parle de personnes âgées de 12 à 17 ans et de 18 ans et plus, les douaniers américains penseront automatiquement qu’il est possible qu’un jeune ait en sa possession 4 grammes de cannabis. Ils pourront procéder à une fouille. Des jeunes âgés de 13 et 14 ans pourraient n’avoir aucune intention d’en avoir en leur possession, mais s’ils en ont des traces dans leur poche, par exemple, ils pourront être accusés. On parle ici de jeunes de seulement 13 ou 14 ans.
M. Gwozdecky : M. Gwozdecky: Sénateur, je vous rappelle que la loi prévoit un contrôle strict de la consommation de cannabis et des dispositions pour faire en sorte que cette substance ne se retrouve pas entre les mains de jeunes. Il sera donc illégal au Canada pour un jeune de 14 ans d’être en possession de cannabis, alors ne parlons même pas d’essayer d’en faire entrer dans un autre pays. Donc, le scénario que vous évoquez…
Le sénateur Ngo : Êtes-vous certain? Le projet de loi C-45 prévoit que des jeunes âgés entre 12 et 17 ans auront l’autorisation de posséder 4 grammes de cannabis.
M. Gwozdecky : Non.
Le sénateur Ngo : Qu’ils soient autorisés ou non à le consommer, je ne le sais pas, mais je sais qu’ils pourront avoir 4 grammes en leur possession.
M. Gwozdecky : Sénateur, les citoyens canadiens âgés de moins de 18 ans n’auront pas l’autorisation de posséder ni de consommer du cannabis en vertu de la nouvelle loi. Je crois que vous parlez du fait qu’ils ne seront pas poursuivis en justice si on découvre qu’ils ont en leur possession 4 grammes ou moins de cannabis. L’intention de la loi est de faire en sorte que le cannabis, dans la mesure du possible, ne se retrouve pas entre les mains des jeunes, en vue de remédier au problème auquel nous sommes confrontés actuellement, c’est-à-dire le taux élevé de consommation de cannabis chez les jeunes.
La présidente : Je crois que vous devriez peut-être examiner le projet de loi tel qu’il est présenté. Vous voudrez peut-être ajouter quelque chose à votre témoignage au sujet de certains articles du projet de loi C-45. Il sera possible pour des jeunes d’en posséder, et cette situation est différente de celle à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Il sera aussi possible de le partager d’une façon qui n’était pas autorisée auparavant. Je crois que nous entrons dans les détails. Vous voudrez peut-être examiner le projet de loi et modifier votre témoignage. Si ce n’est pas le cas, nous allons accepter votre témoignage tel qu’il est. D’accord?
M. Gwozdecky : Si je puis me permettre, sénatrice, je dois dire que, pour obtenir des réponses détaillées à vos questions, vous devriez vous adresser au ministère qui parraine ce projet de loi, à savoir le ministère de la Santé. Je ne prétends pas connaître à fond tous les articles du projet de loi. Je vous présente ma compréhension de cette loi. Si vous voulez une réponse détaillée, vous devriez vous adresser à nos collègues de Santé Canada.
La présidente : Je pense que mes analystes me parlent de l’article 8.1(c) du projet de loi C-45. Vous y répondez, alors je crois que vous voudrez peut-être revenir sur votre réponse à la question du sénateur Ngo.
M. Gwozdecky : Sénatrice, si je n’ai pas répondu avec exactitude à la question, je vais certes corriger ma réponse. Je suis ici en tant que représentant du ministère des Affaires mondiales. J’ai davantage le mandat de parler de l’aspect international du projet de loi, et ces aspects intérieurs ne relèvent pas nécessairement de mon domaine de compétence.
Le sénateur Ngo : J’ai une autre question, si je puis me permettre. Elle concerne l’aspect international.
Dans certains pays, comme la Malaisie ou d’autres pays d’Asie, vous pouvez obtenir la peine de mort pour possession de cannabis. Vous dites que vous préparez des campagnes de sensibilisation. Qu’en est-il des voyageurs dans d’autres pays qui n’en connaissent pas les coutumes, les traditions et les lois et qui peuvent faire l’objet de poursuites criminelles dans le pays en question? Comme en Malaisie, vous pouvez obtenir la peine de mort pour possession de cannabis.
Aussi, quelle incidence aura selon vous la légalisation de la marijuana sur les étudiants étrangers au Canada?
M. Gwozdecky : Sénateur, Affaires mondiales formule des avertissements à l’intention des voyageurs, et ce pour tous les pays du monde. Nous publions ces avertissements dans notre site web à l’intention de tous les Canadiens et nous les encourageons à consulter ces avertissements avant de se rendre dans un autre pays. Ces avertissements comportent maintenant des renseignements à propos des risques auxquels peuvent s’exposer des Canadiens qui voyagent à l’étranger. Ces avertissements comportent toutes sortes d’informations, que ce soit sur la criminalité ou les peines dont vous parlez. Il est très important que les Canadiens suivent les conseils, car les voyageurs canadiens qui sont en possession de certains stupéfiants s’exposent à un risque réel, et ce risque continuera bien entendu d’exister dans l’avenir malgré la nouvelle loi. Affaires mondiales a la responsabilité de fournir des conseils aux voyageurs canadiens afin qu’ils évitent ces risques.
Le sénateur Ngo : Ma deuxième question concernait les étudiants étrangers.
M. Gwozdecky : Je ne sais pas exactement quoi vous répondre. Un étudiant étranger qui vit au Canada serait assujetti aux lois canadiennes, et tant qu’il respecte ces lois, il ne devrait pas y avoir de problème. Alors vous voulez peut-être davantage…
Le sénateur Ngo : Ce que je veux savoir, c’est quelle incidence aura la légalisation de la marijuana sur ces étudiants. Dans leur propre pays, ils ne sont pas autorisés à consommer du cannabis. Un étudiant de 21 ans à l’Université de la Colombie-Britannique a le droit de consommer du cannabis, d’en acheter un ou deux grammes et de le fumer.
M. Gwozdecky : Sénateur, la loi ne contraint pas les Canadiens adultes, les visiteurs au Canada ou les étudiants à consommer du cannabis. Elle rend la consommation possible, permise et légale. Ainsi, un étudiant étranger a la même liberté qu’un Canadien adulte de consommer ou non du cannabis.
La présidente : Je crois que la question n’est pas d’ordre juridique. Les étudiants qui viennent ici adoptent un mode de vie et ils peuvent développer une dépendance, et ensuite, ils retournent chez eux. Sont-ils plus vulnérables? Qu’allons-nous faire pour les mettre en garde? C’est la même situation. Affaires mondiales est confronté à cela depuis des années. Des Canadiens, surtout des jeunes, se rendent dans un autre pays et ils pensent qu’ils peuvent faire là-bas tout ce qu’ils peuvent faire au Canada. C’est pourquoi nous avons fait beaucoup de sensibilisation pour que les gens sachent que, dans un pays où cette substance est absolument interdite, on peut payer de sa vie. Nous avons fait beaucoup de sensibilisation.
Ce que je trouve un peu contradictoire dans vos propos, c’est que vous dites, d’une part, qu’en vertu des conventions internationales, c’est la substance qui entraîne les conséquences les moins graves. Il y a tous ces autres stupéfiants et drogues dans les conventions internationales, et le cannabis, à votre avis, est la substance qui entraîne les conséquences les moins graves. Cependant, si les Canadiens se rendent à l’étranger avec l’idée qu’il n’y a pas vraiment de problème — et je sais que les jeunes ne lisent pas les petits caractères de tous les bons renseignements que vous fournissez — et que nous continuons de dire que les conséquences ne sont pas très graves, ils vont continuer de penser que c’est sans importance lorsqu’ils visiteront un autre pays, mais ils vont se rendre compte que ce n’est pas le cas.
Mes questions sont les suivantes. Que proposez-vous en matière de sensibilisation? Avez-vous entrepris une campagne de sensibilisation? Est-ce qu’une campagne est en cours en ce moment ou est-ce qu’il y en aura une une fois que le projet de loi aura été adopté? Est-ce qu’on avisera le public que la marijuana peut circuler facilement ici, mais que ce n’est pas le cas ailleurs? Avez-vous élaboré un programme de sensibilisation? C’est ce que je veux savoir.
M. Gwozdecky : Sénatrice, je vous remercie pour votre question. Je ne suis au courant d’aucune mesure qui a été prise à cet égard. Je serai ravi de consulter mes collègues et de vous fournir cette information.
Comme vous le savez, l’éducation relève des provinces, donc, en ce qui concerne les étudiants étrangers, nous travaillons avec les provinces pour en recruter. Vous avez tout à fait raison. Nous voudrons certes nous assurer que les étudiants étrangers, leurs familles et leurs parents soient bien au courant des situations dans lesquelles ces étudiants pourraient se retrouver à la suite de l’adoption de ce projet de loi. La sensibilisation devra donc se faire dans les deux sens. Les Canadiens devront savoir comment se comporter lorsqu’ils voyagent à l’étranger, et, de même, les étrangers, particulièrement les étudiants étrangers, devront connaître les lois qui s’appliquent au Canada.
Je dois dire que ce ne sera pas la première fois que des étrangers devront s’adapter à d’autres lois. En ce qui concerne l’alcool, par exemple, il est interdit dans de nombreux pays. Au Canada, ce n’est pas le cas, alors les étudiants étrangers qui viennent d’un pays où l’alcool est interdit doivent actuellement s’adapter à cette situation, et leurs parents doivent prendre des décisions en fonction de cela.
La présidente : Il y a une responsabilité, par contre, à l’échelon fédéral, en ce qui concerne les passeports et les voyages. Lorsque des Canadiens ont des problèmes, on doit leur fournir des services consulaires. Il ne s’agit donc pas seulement d’une responsabilité provinciale.
Je me demande si on a envisagé d’adapter les programmes de sensibilisation pour les voyageurs canadiens qu’on a élaborés au fil des années? Faites-vous quoi que ce soit pour modifier ces programmes en fonction du projet de loi C-45?
M. Gwozdecky : Pardonnez-moi, sénatrice. Je croyais que vous parliez des étudiants étrangers qui viennent au Canada.
La présidente : J’aime bien votre réponse de toute façon. Elle porte sur un autre aspect.
M. Gwozdecky : En ce qui concerne les Canadiens qui voyagent à l’étranger, nous allons bien entendu modifier nos conseils et nos autres communications pour que la population connaisse les risques qui existent à l’étranger afin qu’elle puisse s’adapter.
La présidente : Êtes-vous en train de le faire, ou allez-vous le faire une fois que la loi sera adoptée?
M. Gwozdecky : Je vais devoir consulter mes collègues pour vous donner l’information exacte quant aux produits précis que nous avons en tête.
La présidente : Pouvez-vous répondre par écrit?
M. Gwozdecky : Oui.
La sénatrice Bovey : J’ai déjà côtoyé des étudiants étrangers au Canada et des étudiants canadiens qui vont faire des études à l’étranger, alors je peux dire que, pour de nombreux étudiants étrangers qui viennent au Canada, il n’y a pas seulement la légalisation de la marijuana qui est un aspect nouveau, il y a aussi l’alcool. Les étudiants étrangers doivent également s’adapter aux habitudes alimentaires et aux résidences mixtes. Je l’ai constaté.
Je crois que ce sera un autre élément à ajouter dans les programmes de sensibilisation qui existent déjà à l’intention des étudiants qui souhaitent venir au Canada, surtout ceux qui proviennent de certaines régions du monde. En ce qui concerne nos étudiants qui vont à l’étranger, je peux vous dire que, lorsqu’ils font une demande à l’étranger, ils ont parfois l’occasion de bénéficier d’un mentorat— et j’espère que c’est le cas — à l’université qu’ils fréquentent au Canada, et c’est ce que nous voulons leur offrir avant qu’ils partent.
Je me demande, madame la présidente, s’il s’agirait d’une bonne idée d’inviter des représentants d’Universités Canada, par exemple, à comparaître devant le comité pour nous parler des mesures, compte tenu du projet de loi C-45, qu’ils prendraient pour nos étudiants qui vont à l’étranger et les étudiants étrangers qui viennent ici, car je sais que les taux de demande de la part d’étudiants étrangers sont en augmentation.
La présidente : C’est pourquoi je dis que, chaque fois que nous procédons à un changement, nous devons veiller à faire de la sensibilisation.
La sénatrice Bovey : Je crois qu’il serait utile de nous entretenir avec des représentants d’Universités Canada. Je crois qu’un certain nombre de personnes pourraient comparaître.
La présidente : Nous sommes pressés par le temps, alors nous allons voir.
J’ai quelques questions à poser. Elles ne concernent pas l’aspect juridique, mais plutôt les relations internationales.
Pendant des décennies, nous avons été à l’avant-garde relativement aux normes internationales, et les conventions sur les stupéfiants en font partie. Nous ne voulions pas que les drogues circulent d’un pays à l’autre, alors nous avons toujours été à l’avant-garde en ce qui concerne la coopération internationale. Le multilatéralisme est très important pour nous, mais nous avons résisté. Même si j’ai proposé au ministère parfois d’exprimer une réserve à propos d’une convention, le ministère des Affaires mondiales m’a répondu qu’il ne voulait pas formuler de réserve parce que, si tous les pays que nous avons encouragés à prendre part à une convention commencent à inclure des exemptions, la convention deviendra moins efficace.
Ce sera tout un changement pour le Canada de procéder à cette légalisation malgré les conventions qu’il a signées. Vous mettez l’accent sur le fait que les différences et les circonstances nationales devraient être prises en compte. Toutefois, si nous commençons à utiliser cela comme excuse pour justifier que nous ne respectons pas entièrement la convention, est-ce que nous ne nous trouvons pas à inviter d’autres pays à faire de même et à utiliser les circonstances nationales de n’importe quelle façon? Comme je l’ai dit, le Canada a encouragé le respect complet des conventions et il a essayé de décourager le recours à cette excuse que constituent les circonstances nationales.
Je peux vous parler de conventions que j’ai étudiées et de toutes les autres pour lesquelles nous disons que cela serait mieux. Il y a entre autres l’article 2 de la convention de l’Organisation des États américains. Nous aurions pu exprimer une réserve, très sérieuse, et cela aurait eu un effet sur la convention interaméricaine. Nous avons dit non, car nous ne voulions pas exprimer une réserve.
Qu’en est-il de ce changement? Avez-vous envisagé son incidence sur les normes internationales, d’autant plus que nous vivons dans un monde très fragile où certains pays n’aiment pas du tout nos normes internationales? Nous savons de quels pays il est question. Ils font maintenant complètement fi de certaines normes internationales comme la souveraineté, et cetera.
Comment avez-vous fait pour prendre tout cela en compte au ministère des Affaires mondiales? Pour moi, tout cela va au-delà de la convention. Il est question de la façon dont le Canada a abordé l’élaboration de conventions et de traités.
M. Gwozdecky : Je vous remercie. Je crois que c’est l’une des principales questions. Vous avez tout à fait raison. Le Canada doit respecter l’ordre international et ses règles. Nous respectons l’idée que des normes internationales régissent le comportement des États.
Vous avez parlé de l’aspect politique de la question et non pas des aspects techniques et juridiques. Je reviendrais sur le fait que la communauté internationale comprend bien que chaque convention est unique et qu’elle peut évoluer. Lorsque les signataires des conventions sur les stupéfiants se sont réunis lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, ils ont reconnu que les conventions sur les stupéfiants ne devraient pas être constituées de normes figées, car elles devraient évoluer, et ce, en fonction des circonstances nationales et des priorités des pays. Le problème des stupéfiants se manifeste différemment dans le monde, alors différentes approches devront être adoptées.
Durant les discussions politiques au sein des organismes de contrôle des stupéfiants, on reconnaît qu’il faut faire preuve de souplesse parce que les normes évoluent. Il y a quelques décennies, les femmes n’avaient pas le droit de vote, mais cette norme a évolué heureusement au fil du temps pour devenir plus progressiste. En ce qui concerne l’approche à adopter face au problème mondial des stupéfiants, je le répète, on reconnaît qu’il faut faire preuve de souplesse et que certains pays adopteront des approches différentes pour atteindre l’objectif global.
Je vous rappelle que nos partenaires à l’étranger estiment qu’il est prioritaire de préserver la santé et le bien-être de l’humanité. C’est notre but, et non pas de respecter à la lettre tous les aspects techniques des conventions — bien que cela soit important — mais l’objectif politique global est la santé et la sécurité. Nous estimons que ce projet de loi contribuera d’une façon positive à l’atteinte de cet objectif global.
La présidente : Vous avez défendu ce changement de la même façon que je l’ai entendu de la part de pays qu’on pourrait qualifier de fragiles alors qu’en fait ils subventionnent des acteurs étatiques et non étatiques grâce aux stupéfiants et à leur trafic dans le monde. C’est le même argument. Comment pouvons-nous dire alors sur la scène internationale que ce que font ces pays n’est pas correct, mais que, dans notre cas, c’est bien?
M. Gwozdecky : Sénatrice, je vous répète que les mesures que prend le Canada sont conformes à l’approche que les signataires des conventions sur les stupéfiants ont adoptée, à savoir qu’il est nécessaire de faire preuve de souplesse pour s’adapter aux différentes circonstances. Tant que les objectifs concordent avec le but global, c’est-à-dire la santé et le bien-être, nous croyons que nous allons apporter une contribution positive. Je peux vous assurer que nos partenaires ailleurs dans le monde nous disent qu’ils souhaitent que le Canada ne se retire pas de ces conventions, mais qu’il continue à en faire partie parce qu’ils trouvent que notre contribution est utile et que nous accordons de l’importance au cadre international de contrôle de ces nombreuses substances, dont un grand nombre sont très dangereuses et doivent être contrôlées de façon plus rigoureuse que d’autres.
La présidente : Ce qui préoccupe aussi la communauté internationale est la question de savoir si nous allons l’avertir si nous procédons à des changements. Avez-vous eu des discussions avec des organismes internationaux, des responsables de traités ou d’autres États en ce qui concerne la nouvelle approche d’Affaires mondiales?
M. Gwozdecky : Premièrement, je peux vous assurer, sénatrice, que le monde est très intéressé par la nouvelle politique du gouvernement actuel. Elle a été annoncée publiquement durant la campagne. Elle fait partie des engagements qui ont été pris publiquement. Le monde en a pris connaissance, sans l’aide vraiment d’Affaires mondiales. Je peux vous assurer également que nous discutons régulièrement avec nos partenaires dans le monde à propos de la nouvelle loi et de la nouvelle approche que compte adopter le Canada.
Pour ce qui est des organismes créés en vertu d’un traité, il y a l’Organe international de contrôle des stupéfiants. Il s’agit de l’organisme qui s’occupe des aspects techniques liés au cadre pour les stupéfiants. Il communique régulièrement avec nous. En fait, nous avons accueilli des représentants de l’OICS en octobre 2016. Ils voulaient connaître la nouvelle approche et la façon dont nous la mettrons en application. La discussion se poursuit à tous les niveaux, et nous sommes toujours très ouverts et transparents à propos de ce que nous essayons d’accomplir et également en ce qui concerne notre engagement soutenu à l’égard du cadre international pour les stupéfiants.
La présidente : Vous avez parlé à plusieurs reprises de la santé et du bien-être et vous en avez parlé également à d’autres pays. Avez-vous une définition précise pour la santé et le bien-être, ou s’agit-il simplement de termes techniques que vous utilisez en ce qui concerne la loi?
M. Gwozdecky : Sénatrice, je veux parler de la santé et du bien-être de l’humanité. Je dois m’expliquer. Ces termes sont tirés du préambule de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. Je ne sais pas s’il existe une définition juridique officielle, mais je pourrais me renseigner.
La présidente : Je ne me suis peut-être pas exprimée correctement. Vous dites que vous utilisez cela à titre de justification. Alors, quelle est la source canadienne qui dit qu’en effet, grâce au projet de loi C-45, nous contribuons à la santé et au bien-être de l’humanité? Quelle justification avons-nous donnée à la communauté internationale? C’est ce que je veux savoir.
Nous allons avoir un débat national sur le projet de loi C-45, mais si des pays se sont adressés à vous ou si vous vous êtes adressé à certains pays et que vous avez dit que le projet de loi C-45 contribuera à la santé et au bien-être de l’humanité, quelle définition avez-vous utilisée? Ou en avez-vous utilisé une? Est-ce que vous vous contentez simplement de dire que le projet de loi C-45 va contribuer à la santé et au bien-être et vous n’avez pas à donner davantage d’explications? Est-ce que c’est cela?
M. Gwozdecky : Non, il est certain que nous cherchons à convaincre nos partenaires de l’utilité de cette nouvelle approche, et nous croyons que de réduire la consommation de cannabis chez les jeunes Canadiens constitue une contribution positive à la santé et au bien-être de notre population. Nous estimons que de réduire ou d’éliminer les revenus que tirent le crime organisé et les criminels du marché du cannabis constitue également une contribution positive à la santé et au bien-être de notre pays. Voilà les arguments que nous invoquons lorsque nous discutons de notre nouvelle approche sur la scène internationale.
La présidente : Je vais m’adresser à M. Thompson, car j’ai un dernier commentaire à formuler. Ensuite, il y aura un suivi.
Monsieur Thompson, ce que je veux vous dire, c’est que nous entendons beaucoup parler du cannabis sous bien des formes et de la présence de résidus dans l’air — des spores, et cetera — et dans une voiture, par exemple. Des gens vont vouloir traverser la frontière américaine. A-t-on communiqué des informations à propos des résidus, car si on n’a pas consommé de cannabis aujourd’hui, on pourrait en avoir consommé quelques jours auparavant.
Comment les Canadiens feront-ils pour connaître la durée des effets du cannabis en vue d’un passage à la frontière? Il peut y avoir des résidus dans leur voiture, sur leurs vêtements, et cetera. Nous ne connaissons pas très bien toutes les technologies pour détecter le cannabis. Nous sommes en train d’en apprendre à ce sujet.
M. Thompson : Malheureusement, je ne suis pas un expert en ce qui concerne l’aspect scientifique des résidus du cannabis. Ce que je peux dire, c’est que nous allons procéder à une campagne publique de sensibilisation pour que les Canadiens sachent qu’il est interdit de se présenter à la frontière américaine avec du cannabis et à quoi ils doivent s’attendre lorsqu’ils veulent entrer aux États-Unis.
Il s’agit certes d’un élément dont je peux faire part aux personnes chargées de préparer la campagne de sensibilisation. Je peux les encourager à traiter de ce point de sorte que, lorsque des Canadiens se présenteront à la frontière et qu’il y aura, par exemple, des chiens renifleurs, ils ne se retrouveront pas dans une situation où ils doivent subir un deuxième contrôle.
La présidente : Je vous remercie. Je crois que ce serait utile. J’espère qu’on travaille actuellement sur ce point, mais si ce n’est pas le cas, je crois que vous devriez leur en faire part. Je pense que nous pouvons permettre au sénateur Ngo de faire un suivi, et ensuite, nous mettrons fin à la séance.
Le sénateur Ngo : J’aimerais faire un suivi au sujet de vos questions. Compte tenu du droit international et des conventions internationales, est-ce que le projet de loi C-45 nuira à la candidature du Canada pour l’obtention d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU?
M. Gwozdecky : Je vous remercie, sénateur. Je ne peux pas me prononcer sur ce que pourraient faire d’autres pays en ce qui concerne cette loi. Nous croyons que de nombreux pays vont considérer que le Canada agit de manière progressiste en faisant évoluer les normes relatives à la consommation de cannabis, qu’il réglemente d’une manière stricte afin que cette substance ne se retrouve pas entre les mains de jeunes, et en faisant en sorte que les criminels et les réseaux criminels ne profitent pas du commerce de cette drogue. Nous croyons que de nombreux pays vont considérer que nous agissons d’une manière très positive et qu’il s’agit d’une mesure progressiste qui pourra les amener à penser que nous pourrions apporter une contribution utile au Conseil de sécurité.
Toutefois, il y aura sans aucun doute des pays qui auront une opinion différente, et c’est leur droit souverain d’avoir un autre point de vue. Tout ce que je peux dire, c’est que, en ce qui concerne le Canada, nous croyons que cette mesure législative est très appropriée pour notre pays, étant donné les problèmes auxquels nous sommes confrontés, et nous espérons qu’avec le temps d’autres pays constateront les avantages d’une telle loi.
Le sénateur Ngo : Alors vous croyez que le Canada ne se met pas du tout en porte-à-faux?
M. Gwozdecky : Je ne peux pas prédire, sénateur, ce que feront d’autres pays lorsque viendra le temps de voter. Ils devront prendre bien des éléments en considération lorsqu’ils examineront la candidature du Canada par rapport à celle d’un autre pays. Il est possible que cela fasse partie des éléments à prendre en considération, et ce pourrait être un aspect positif ou non selon eux. Cependant, je crois que cette loi n’est pas proposée dans l’optique d’obtenir un siège au Conseil de sécurité. Cette loi est présentée parce que nous croyons qu’elle sera bénéfique pour la santé et le bien-être des Canadiens.
La présidente : Je crois que c’est tout pour les questions. Je vous remercie d’avoir tenté de répondre à toutes les questions qui ont été posées sur toutes sortes d’aspects. C’est un sujet très difficile. Je crois que c’est une mesure législative qui aura une incidence sur de nombreux Canadiens. À mon avis, la sensibilisation est essentielle, car, bien que nous en discutions avec vous, je ne sais pas combien de Canadiens sont au courant du contenu de ce projet de loi. Je crois qu’il aura une incidence sur chacun d’entre nous. Il est absolument essentiel qu’un pays comme le Canada se penche sur les aspects d’ordre international. Nous dépendons beaucoup de nos relations multilatérales, alors je vous remercie d’avoir comparu devant nous.
Nous vous serions reconnaissants de faire un suivi sur les questions auxquelles vous n’avez pas pu répondre, et si nous avons besoin de plus d’information, nous allons communiquer avec le ministère et nous sommes convaincus que vous allez nous répondre. Nous avons un délai très court. Nous subissons des pressions, et il est possible que nous devions exercer des pressions sur vous. Je vous dis cela pour vous avertir que notre délai est très serré.
Je vous remercie d’avoir comparu, d’avoir répondu aux questions et d’avoir amorcé le débat et la réflexion sur les répercussions du projet de loi C-45 sur nos relations internationales.
Mesdames et messieurs les sénateurs, j’ai deux choses à mentionner. Premièrement, la réponse du gouvernement du Venezuela vous a été distribuée plus tôt cette semaine. Le comité de direction examinera cette réponse et déterminera si nous voulons répondre à nouveau au gouvernement vénézuélien. Vous pouvez lire cette réponse.
Deuxièmement, nous nous réunissons demain dans la pièce 257 de l’édifice de l’Est. Nous prenons la place du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, car ce comité recevra de nombreux témoins, et cette pièce n’est pas suffisamment grande pour accueillir tout le monde. Nous avons l’habitude de nous entraider. Je vous rappelle que cette salle se trouve dans l’autre immeuble, alors je vais voir combien d’entre vous se présenteront là-bas, y compris moi-même. Nous sommes souvent pressés. N’oubliez pas qu’il s’agit de la salle 257. Je vous remercie.
(La séance est levée.)