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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 55 - Témoignages du 29 novembre 2018


OTTAWA, le jeudi 29 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi C-47, Loi modifiant la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et le Code criminel (modifications permettant l’adhésion au Traité sur le commerce des armes et autres modifications), se réunit aujourd’hui, à 10 h 33, pour étudier le projet de loi.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, la séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte.

Nous nous réunissons aujourd’hui pour poursuivre notre étude du projet de loi C-47, Loi modifiant la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et le Code criminel (modifications permettant l’adhésion au Traité sur le commerce des armes et autres modifications).

Avant de donner la parole à nos témoins, je vais inviter les sénateurs à se présenter, en commençant par ma gauche.

La sénatrice Coyle : Bonjour. Je suis Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.

Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Je tiens à souhaiter la bienvenue à la sénatrice Coyle, qui devient un membre permanent du comité. J’ai reçu l’avis. Bienvenue. Je crois que nous profiterons beaucoup de votre contribution et de votre expérience.

Je suis Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan, et je préside le comité.

Je vais présenter nos témoins dans l’ordre où ils m’ont été donnés par notre greffier : M. Thomas Woodley, président de Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient; Mme Peggy Mason, présidente de l’Institut Rideau; M. Cesar Jaramillo, directeur général de Project Ploughshares; M. Kenneth Epps, conseiller en politiques, Traité sur le commerce des armes, Project Ploughshares; Mme Catherine Gribbin, conseillère juridique principale, Droit international humanitaire, Croix-Rouge canadienne; et, enfin, M. Alain Dondainaz, chef de mission au Canada, Comité international de la Croix-Rouge.

Bienvenue au comité. Je vais vous demander de présenter de brefs exposés, afin qu’il reste du temps pour les questions des sénateurs. Je suis ravie que vous ayez tous été en mesure de venir sur place ce matin. Vous êtes nos derniers témoins, et ce sera tout pour les témoignages devant le comité.

Nous avons une sénatrice qui vient d’arriver avec un peu de retard. Nous ne cherchons pas à vous montrer du doigt, mais nous aimerions que vous vous présentiez.

La sénatrice Cordy : Bienvenue au comité. Je suis Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Nous allons commencer par M. Woodley, président de Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient.

Thomas Woodley, président, Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient : Bonjour, je m’appelle Thomas Woodley et je suis le président de Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient, ou CJPMO. Je remercie le comité de me donner l’occasion de vous parler ce matin. J’ai hâte de pouvoir avoir une discussion honnête avec vous au sujet du Canada et de son rôle dans les tristes réalités du commerce international des armes de nos jours.

CJPMO est une organisation qui a pour mission de donner les moyens aux Canadiens de tous les horizons de promouvoir la justice, le développement et la paix au Moyen-Orient. À cause du rôle dévastateur que les armes ont joué au Moyen-Orient au fil des années, mon organisation est de plus en plus impliquée dans les tentatives visant à limiter le flux d’armes au Moyen-Orient.

À la fin de 2015, nous avions de grands espoirs que le gouvernement nouvellement élu allait adhérer au Traité sur le commerce des armes de manière à remédier aux lacunes persistantes des contrôles des exportations d’armes existants au Canada. Néanmoins, lorsque le projet de loi C-47 a été présenté, il a immédiatement été évident que les dispositions du projet de loi contournaient la plupart des objectifs fondamentaux du TCA, que ce soit par omission ou à cause d’exclusions ou du recours à la voie réglementaire.

Par exemple, quand ils ont témoigné devant le comité de la Chambre, des représentants du gouvernement ont indiqué que l’adhésion au TCA n’exigerait pas que le Canada fasse le suivi de ses ventes d’armes et en fasse rapport aux États-Unis. Cependant, CJPMO n’est pas d’accord avec cette position, et c’est bien ce qui ressort à lecture du TCA. Par exemple, l’article premier du TCA insiste sur « les normes communes les plus strictes possibles » pour la vente d’armes. Pourtant, l’accord existant entre le Canada et les États-Unis ne s’appuie pas sur une norme stricte ou commune.

L’article 2 du TCA précise également que sa mise en œuvre s’applique à toutes les exportations d’armes des pays adhérents. Exempter les exportations d’armes canadiennes vers les États-Unis est expressément contraire à cette obligation.

Finalement, l’article 5 du TCA requiert que les dispositions du traité soient appliquées de façon cohérente, objective et non discriminatoire. Le processus distinct et moins strict qui s’applique aux exportations d’armes canadiennes vers les États-Unis ne correspond manifestement pas à la cohérence exigée par le TCA.

Les arrangements du Canada avec les États-Unis en application de l’Accord sur le partage de la production de défense ne respectent manifestement pas les obligations du Canada relevant du TCA.

Pour défendre l’approche du projet de loi, les témoins représentant le gouvernement ont expliqué que le Canada considère certains pays comme les États-Unis comme des pays ayant une politique ouverte, étant donné que le Canada estime que les contrôles à l’exportation de ses partenaires de l’OTAN sont suffisamment rigoureux. Ils ont indiqué, en parlant du Canada et des États-Unis, que : « Nous partageons les mêmes objectifs : nous voulons éviter que ces armes soient utilisées par des terroristes, les membres du crime organisé ou les personnes engagées dans un conflit armé. »

De telles justifications posent deux problèmes importants. Premièrement, le Canada et les États-Unis ont peut-être en commun l’objectif d’empêcher que des armes tombent entre les mains de certains groupes, comme Daech et les talibans, en 2018, mais un tel alignement est moins clair avec la tendance occasionnelle des États-Unis à armer des acteurs non étatiques dans des pays dont les politiques ne s’accordent pas aux leurs, ou la tendance occasionnelle des États-Unis à armer des régimes autoritaires, ce qui fait que les armes américaines sont finalement utilisées pour commettre de graves violations des droits de la personne.

Deuxièmement, comme le montre clairement le gouvernement Trump, tous les gouvernements américains ne se comportent pas de la même manière, et le Canada ne peut pas croire aveuglément que chaque administration américaine maintiendra des contrôles rigoureux des exportations. En ce moment même, selon les groupes préconisant le contrôle des armes à feu aux États-Unis, l’administration Trump s’efforce de modifier radicalement la politique américaine en matière d’exportation d’armes classiques afin de vendre plus d’armes, plus rapidement et avec moins de transparence et de contrôles, simplement pour stimuler l’économie américaine.

Interrogé à savoir s’il allait limiter le flux d’armes à l’Arabie saoudite à la suite du meurtre de M. Khashoggi, Trump a répondu que tant que les Saoudiens dépenseraient des milliards pour les armes américaines, l’assassinat du journaliste résident américain n’allait pas poser de problème.

Dans ce contexte, mon organisation demande l’amendement du projet de loi C-47 afin qu’il garantisse que les contrôles canadiens et les rapports sur les ventes d’armes aux États-Unis en vertu du TCA ne soient pas traités différemment des ventes d’armes aux autres pays.

Je suggère aux membres du comité de se demander si le Canada est vraiment le modèle que de nombreux Canadiens croient être en matière de droits de la personne. Une coalition dirigée par l’Arabie saoudite mène au Yémen une guerre qui est peut-être devenue la pire crise humanitaire au monde. Plus de 22 millions de personnes — soit trois quarts de la population — ont désespérément besoin d’aide et de protection. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les frappes aériennes de la coalition sont la principale cause de la mort d’enfants. Environ 3 000 décès chez les civils ont été causés par la coalition saoudienne.

Pourtant, même si tout cela est connu depuis des années et même s’il existe des preuves convaincantes que des véhicules blindés fabriqués au Canada sont utilisés au Yémen, le gouvernement canadien a initié, signé, approuvé et défendu la vente de 15 milliards de dollars en véhicules blindés aux Saoudiens. En vertu des contrôles à l’exportation en vigueur au Canada, cet accord n’aurait jamais dû être approuvé. Pourtant, contrairement à toute logique, et contrairement à l’opinion publique, il l’a été.

Le témoin du gouvernement, Richard Arbeiter, a affirmé l’année dernière devant le comité des affaires étrangères de la Chambre des communes que « le Canada a été l’un des précurseurs de la promotion des contrôles à l’exportation pour atténuer les risques que pose le commerce illégal et non réglementé des armes. » Aussi venue témoigner pour le gouvernement, Wendy Gilmour a soutenu que « l’adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes consolidera son rôle de chef de file dans l’effort mondial d’universalisation des pratiques exemplaires en vue d’avoir des contrôles à l’exportation efficaces. »

À la lumière de l’accord de vente d’armes saoudien, les déclarations et prétentions des témoins du gouvernement n’ont aucun sens. Le Canada a besoin de la rigueur d’une adhésion entière et complète au TCA pour faire en sorte que de tels accords ne soient jamais signés à l’avenir.

Je ne peux pas résumer dans mon exposé tous les amendements que nous recommandons au projet de loi. Je vous prie donc de lire le document produit par un groupe d’ONG canadiennes, dont CJPMO fait partie, et qui est intitulé Le projet de loi C47 et l’adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes : Les préoccupations et les recommandations de la société civile. Nous y proposons plusieurs amendements concernant la reddition de comptes, la portée et les exclusions du projet de loi C-47, la surveillance exercée par le Parlement et l’évaluation des risques.

En adhérant de façon rigoureuse au TCA, le Canada a la possibilité de prévenir les souffrances inutiles provoquées à travers le monde par des ventes d’armes mal avisées et illicites. Mon organisation et moi exhortons le comité à proposer les amendements nécessaires pour veiller à ce que le Canada adhère au TCA dans le respect de la lettre et de l’esprit du TCA.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Merci, monsieur Woodley.

C’est maintenant au tour de Peggy Mason. Nous vous écoutons.

Peggy Mason, présidente, Institut Rideau : Merci beaucoup. Je m’excuse aux membres du comité de ne pas avoir fourni mon texte à tous. Les sténographes et interprètes l’ont, et j’espère que vous l’obtiendrez plus tard, quand il aura été traduit.

Je vais brièvement souligner l’élément qui représente pour moi le plus grand progrès dans le projet de loi C-47. Je vais ensuite parler rapidement de quelques amendements particuliers et de la façon de les faire.

En guise d’introduction, je vais me concentrer sur les limites légales strictes dont le pouvoir discrétionnaire fait l’objet. Pendant les audiences, on a beaucoup parlé de la mise en équilibre des intérêts commerciaux et des valeurs plus générales du Canada, mais il est important de comprendre que le droit international ne permet aucun compromis de cette nature quand il s’agit de notre obligation légale fondamentale de ne commettre ou de ne faciliter aucune violation grave du droit international humanitaire ou des droits de la personne.

Le Traité sur le commerce des armes énonce ces obligations aux articles 6 et 7. L’article 6 comporte une interdiction absolue s’il y a connaissance, au moment où l’autorisation est demandée, que ces armes ou ces biens puissent servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité ou des violations graves des Conventions de Genève de 1949. Je suis sûre que nos amis de la Croix-Rouge et du Comité international en auront plus à dire à ce sujet.

L’article 7 du Traité sur le commerce des armes exige que le transfert d’armes fasse l’objet d’une évaluation du risque permettant de déterminer s’il porterait atteinte à la paix et à la sécurité ou pourrait servir à commettre une violation grave du droit international humanitaire ou des droits de la personne ou à en faciliter la commission.

Si l’évaluation permet de déterminer qu’il existe un risque prépondérant de réalisation d’une des conséquences négatives et que ce risque est impossible à atténuer, l’État partie exportateur « n’autorise pas l’exportation ». Autrement dit, il n’existe aucun pouvoir discrétionnaire d’approuver le transfert pour d’autres raisons s’il répond aux critères négatifs des articles 6 et 7 du TCA.

C’est donc avec grande satisfaction que nous félicitons le gouvernement d’avoir amendé le projet de loi C-47 à l’étape de l’étude en comité à la Chambre des communes — bien sûr, vous avez entendu le ministre en parler hier — et d’y inclure un nouvel article 7 dans lequel il est prévu que « le ministre ne peut délivrer la licence » s’il y a un « risque sérieux » que les biens exportés pourraient servir à la commission ou à faciliter la commission d’une violation grave du droit international humanitaire ou d’une violation grave en matière de droits de la personne, et si le risque sérieux ne peut être atténué.

D’après nous, cette nouvelle disposition impose des limites légales strictes au pouvoir discrétionnaire ministériel jusqu’ici indûment vaste; elle cadre tout à fait avec les obligations légales actuelles du Canada en vertu du droit humanitaire international et des droits de la personne; et elle va permettre aux tribunaux de jouer leur rôle de surveillance judiciaire comme il se doit.

Cela va donc corriger en partie la situation et permettre au Canada de redevenir le leader qu’il était dans ce domaine.

Cependant, pour ce faire, il faut apporter quelques autres amendements au projet de loi. Pardonnez-moi de passer à des choses un peu plus techniques. Je vais me pencher sur un aspect de façon plus détaillée, parce qu’on a beaucoup débattu de la question des règles législatives qui empêchent des modifications alors que ces modifications seraient sensées.

Je veux parler de la façon de combler l’écart flagrant entre ce que le TCA exige et ce que le projet de loi C-47 prévoit. Je parle de l’exemption de la plupart des exportations de biens et technologies militaires vers les États-Unis, même si le traité exige clairement l’inclusion de toutes les armes classiques expédiées vers toutes les destinations.

Le gouvernement a soutenu que mettre fin à cette exemption nuirait indûment au commerce de défense entre le Canada et les États-Unis, mais vous avez entendu le témoignage de Martin Butcher, expert du commerce de la défense dans l’Union européenne, qui a dit qu’il y a des mécanismes de contrôle minimal très réalisables qui permettent la conformité complète au traité d’un côté, et une profonde intégration du commerce de défense de l’autre. Veuillez noter également que le gouvernement du Canada ne partirait pas à zéro, car il y a déjà un mécanisme en vertu de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation qui s’applique à une petite catégorie d’exportations de matériel militaire destiné aux États-Unis et qui exige déjà des licences d’exportation. Autrement dit, il y a déjà dans la Loi sur les licences d’exportation et d’importation un mécanisme qui exige des licences d’exportation pour cette petite catégorie d’armes destinées aux États-Unis.

Je vais approfondir cela dans un moment.

Vous avez aussi entendu de la part du gouvernement — ou vous l’entendrez quand vous en serez à l’étude article par article — que la règle législative, la règle de la loi existante ne permet que les amendements aux dispositions de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation que le gouvernement a ouvertes au moyen du projet de loi C-47. Vous ne pouvez donc amender que les dispositions de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation que le gouvernement lui-même propose déjà de modifier. Par conséquent, on a soutenu, et ce à l’étape de l’étude à la Chambre des communes, que même si le gouvernement le voulait, il ne pourrait pas amender le projet de loi C-47 pour y inclure toutes les exportations de matériel militaire vers les États-Unis.

Malgré tout le respect que m’inspire cet argument juridique — et je l’avoue, je suis aussi avocate —, il me semble que l’inclusion de toutes les exportations de matériel militaire vers les États-Unis peut en fait se faire au moyen d’un amendement additionnel à une disposition que la Loi sur les licences d’exportation et d’importation a déjà ouverte par le projet de loi C-47.

Pensez à la façon dont la Loi sur les licences d’exportation et d’importation traite les exportations de matériel militaire destiné aux États-Unis dans les cas où une licence est requise. Pour expliquer ceci, je m’appuie sur un document des plus utile pour comprendre la très complexe LLEI, le Manuel des contrôles à l’exportation. C’est ce que tous les exportateurs utilisent pour comprendre ce qui se passe et pour se conformer aux règles.

Voici ce qu’on y trouve dans la section D.5, « Exportations vers les États-Unis ».

Un grand nombre de marchandises et de technologies qui figurent sur la [liste des marchandises d’exportation contrôlée] peuvent être expédiées sans licence d’exportation à un destinataire aux États-Unis.

Et voici la partie importante :

Les articles qui nécessitent une licence d’exportation pour être expédiés aux États-Unis sont définis dans la [liste des marchandises d’exportation contrôlée] (la mention « Toutes destinations » indique que le contrôle s’applique à tous les pays).

Autrement dit, toutes les marchandises de la liste des marchandises d’exportation contrôlée qui ont la désignation « Toutes destinations » doivent faire l’objet de licences pour toutes les destinations, y compris les États-Unis.

Donc, en modifiant simplement la liste des marchandises d’exportation contrôlée pour préciser « Toutes destinations » pour toutes les exportations de matériel militaire du Canada, on inclurait les exportations de matériel militaire destiné aux États-Unis.

Qu’en est-il de la loi existante? Est-ce que le projet de loi C-47 peut modifier la liste des marchandises d’exportation contrôlée? Autrement dit, est-ce qu’il y a déjà une modification proposée à la liste des marchandises d’exportation contrôlée? Il y en a une.

Après vérification, je peux ajouter à mes observations que l’article 6 qui est proposé dans le projet de loi C-47 vise une modification à la liste des marchandises d’exportation contrôlée, ce qui signifie que le comité peut proposer un amendement à la liste afin de préciser que ce sont toutes les destinations pour toutes les exportations de matériel militaire du Canada. Respectueusement, je souligne au comité que cette brèche flagrante peut être comblée assez facilement en fonction d’un mécanisme que les exportateurs connaissent déjà dans le cadre de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation.

Il ne reste pas beaucoup de temps, et j’aimerais donc formuler — et répondre ensuite aux questions sur ce sujet — une proposition visant à limiter le pouvoir d’exemption, car ce qui nous préoccupe — et nous l’avons mentionné dans nos préoccupations principales —, c’est que les règlements prévoient un pouvoir d’accorder des exemptions à l’application de la loi. Nous aimerions que ce pouvoir soit limité, afin de ne pas inclure les exemptions au nouvel article 7, c’est-à-dire le critère du risque sérieux. J’ai formulé des commentaires sur la façon dont nous pouvons apporter cette modification. Encore une fois, il s’agit d’une autre modification à un paragraphe qui a déjà été ouvert par le gouvernement dans le projet de loi C-47.

Je serai heureuse de répondre aux questions sur la proposition d’une modification qui vise à veiller à ce que les sociétés d’État, par exemple la Corporation commerciale canadienne, et tous les ministères et organismes se conforment entièrement à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation. J’ai été heureuse d’entendre les commentaires de la ministre lorsqu’elle a dit, hier, que, à son avis, il était évident que tous les ministères et les organismes devraient se conformer entièrement à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, telle que modifiée par le projet de loi C-47. Nous sommes heureux d’avoir obtenu cette assurance, mais nous aimerions que cela soit écrit dans la loi.

Enfin, j’aimerais formuler une proposition liée à la promotion de la transparence, l’un des objectifs principaux de la loi, afin d’empêcher le recours abusif à la confidentialité commerciale. Je serai heureuse de répondre aux questions à cet égard, car ce sujet a été très frustrant pour tous les organismes de la société civile et les Canadiens qui tentent de comprendre et de suivre la position du gouvernement sur les exportations continuelles d’armes, de pièces, de composantes et de services liés à l’entretien de l’équipement à l’Arabie saoudite, qui utilise cet équipement au Yémen. Selon moi, le secret entourant ce contrat va jusqu’à porter atteinte à la politique publique. C’est l’argument que je ferais valoir si cette affaire se retrouvait devant les tribunaux.

Je crois que nous voulons indiquer clairement — et j’espère que le comité tentera de déterminer comment y arriver — que la confidentialité commerciale devrait être limitée le plus possible, afin de permettre l’exercice d’une reddition de comptes et d’une surveillance démocratiques.

Je remercie beaucoup les membres du comité de leur attention.

La présidente : Merci.

La parole est maintenant à M. Jaramillo et à M. Epps, de Project Ploughshares.

Cesar Jaramillo, directeur général, Project Ploughshares :

Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant le comité.

Depuis des décennies, les efforts visant à mieux réglementer les exportations illicites et irresponsables d’armes et à renforcer les règlements liés au contrôle des armes sont au cœur des activités de Project Ploughshares. Nous étions d’ardents défenseurs du Traité international sur le commerce des armes, un traité historique, longtemps avant son adoption et nous avons participé à toutes les Conférences des États parties au TCA à titre de représentants de la société civile. Nous maintenons également une base de données complète sur les exportations militaires du Canada depuis plus de 30 ans.

La décision du Canada d’adhérer au Traité sur le commerce des armes après une absence notable nous a beaucoup encouragés, et nous collaborons de manière constructive avec nos collègues d’Affaires mondiales Canada dans ce dossier important. Toutefois, selon notre évaluation d’experts, le projet de loi, tel qu’il est actuellement étudié par votre comité, ne permettra pas au Canada de satisfaire entièrement aux exigences et aux attentes du Traité sur le commerce des armes.

Nous accueillons favorablement une modification extrêmement importante apportée au projet de loi qui répond à l’une des préoccupations principales que nous — et d’autres parties intéressées de la société civile — avons exprimées au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international et qui concerne l’inclusion d’une disposition liée au risque sérieux.

Aujourd’hui, je concentrerai mon exposé sur ce qui représente peut-être la lacune principale du projet de loi. En effet, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-47 n’aborde pas les exemptions de longue date dont profitent les exportations militaires canadiennes aux États-Unis.

Selon la pratique actuelle, les exportations militaires canadiennes aux États-Unis sont exemptées des exigences en matière de permis et de rapports applicables à toute autre destination. Même si elles sont liées, il s’agit de deux exemptions majeures distinctes, car l’une est liée aux permis et l’autre aux rapports. Ces exemptions sont visiblement incompatibles avec la lettre et l’esprit du Traité sur le commerce des armes.

Nous savons que selon Affaires mondiales Canada, les exemptions accordées aux exportations vers les États-Unis sont conformes au Traité sur le commerce des armes. Pour plusieurs raisons, nous devons exprimer notre désaccord avec ce point de vue.

Comme mes collègues l’ont dit, le TCA exige les normes internationales communes les plus élevées possible. Cette exigence comporte deux éléments interreliés et d’égale importance, à savoir les normes les plus élevées possible et des normes internationales communes. Pourtant, cet arrangement avec les États-Unis ne représente pas la norme la plus élevée possible et il n’est pas conforme aux normes appliquées ailleurs.

L’article 2 indique expressément qu’il s’applique à toutes les exportations militaires visées par le traité. L’article 5 indique ce que le TCA doit être mis en œuvre de façon cohérente, objective et non discriminatoire.

Selon nous, il est très difficile de voir comment le mot « toutes » pourrait signifier autre chose que la totalité des exportations canadiennes, y compris celles destinées aux États-Unis. De plus, le traitement accordé aux États-Unis n’est manifestement pas conforme aux attentes liées à la cohérence, à l’objectivité et la non-discrimination précisées dans l’article 5.

De telles exemptions seraient incompatibles avec les obligations formulées dans le TCA, quel que soit le destinateur. Le cas des États-Unis est encore plus problématique, car ce pays est le plus grand exportateur d’armes et d’équipement militaire dans le monde. Des composantes canadiennes peuvent donc être intégrées aux systèmes aux États-Unis et ensuite exportées à des tierces parties sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’autorisation du Canada.

Les États-Unis sont également, et de loin, le pays qui reçoit le plus de marchandises militaires canadiennes. Malgré un manque de transparence à cet égard, Project Ploughshares estime que les exportations de marchandises militaires canadiennes aux États-Unis représentent jusqu’à 2 milliards de dollars par année, et qu’elles forment habituellement plus de la moitié des exportations militaires totales du Canada. Au bout du compte, avec le projet de loi C-47 dans sa forme actuelle, la majorité des exportations militaires canadiennes ne feront pas l’objet de rapports et ne seront pas assujetties à des exigences en matière de permis d’exportation, même lorsque le Canada aura adhéré au TCA.

De plus, il est extrêmement important de noter que les États-Unis ne sont pas un État partie du TCA et qu’on ne s’attend pas à ce qu’ils le soient dans un avenir rapproché. Par contre, le Canada deviendra un État partie, et on s’attend à ce que tous ses règlements en matière d’exportation d’armes soient entièrement conformes aux dispositions du traité.

L’argument selon lequel l’arrangement du Canada avec les États-Unis est conforme au traité ne tient tout simplement pas la route. En effet, si un tel arrangement était acceptable, on peut imaginer que chaque État partie du TCA pourrait exempter son plus grand acheteur d’exportations militaires de l’obligation de faire des rapports et d’obtenir les permis nécessaires, même lorsque cet acheteur n’est pas un État partie du TCA.

Cela irait manifestement à l’encontre de l’objectif et de l’aspiration du traité, qui consistent à établir les normes universelles les plus élevées. L’ensemble du régime sur lequel le traité est fondé s’effondrerait sous le poids de son inefficacité.

Mesdames et messieurs les membres du comité, je m’en voudrais de ne pas profiter de cette occasion pour souligner ce qui, à mon avis, représente le défi le plus flagrant à la rhétorique autrement bien accueillie que nous avons entendue d’Affaires mondiales Canada au sujet de l’engagement à faire preuve d’une plus grande rigueur et d’une plus grande transparence à l’égard des exportations d’armes canadiennes. Je parle des exportations qui se poursuivent vers l’Arabie saoudite. Les arguments qu’on a fournis jusqu’ici pour l’armement de l’Arabie saoudite ne sont pas convaincants sur le plan moral et juridique. Ottawa affirme maintenant que l’interruption des envois d’armes pourrait entraîner des sanctions pécuniaires élevées.

Comment se peut-il que le mandat souverain du Canada, sa prérogative et son obligation d’appliquer la loi, y compris par l’entremise de l’annulation des permis d’exportation, comme la ministre des Affaires étrangères l’a confirmé devant votre comité il y a deux jours, soient assujettis au libellé d’un contrat commercial et à des considérations financières?

La reconnaissance explicite par le gouvernement de sa prérogative souveraine de geler les exportations d’armes vers l’Arabie saoudite, sans pour autant exercer cette prérogative, ne fait que donner l’illusion de la fermeté. Pendant que le débat progresse, les exportations d’armes canadiennes continuent d’être acheminées vers l’Arabie saoudite, qui est aussi le principal instigateur de la crise humanitaire dévastatrice qui sévit au Yémen, un pays maintenant au bord de la pire famine qu’il ait connu depuis un siècle.

Notre gouvernement affirme fièrement que le Canada est un modèle en matière de droits de la personne et de droits des femmes. Il fait état de son engagement à l’égard d’une réglementation plus stricte et plus transparente en matière de contrôle des armes chaque fois que l’occasion se présente. Il dit qu’il sera ferme lorsque des violations des droits de la personne se produiront. Il déclare que le féminisme et la poursuite d’un ordre international fondé sur des règles sont des piliers de l’engagement du Canada sur la scène internationale. Toutefois, à mesure que le Canada continue d’armer l’un des pires violateurs des droits de la personne et des droits de la femme de la planète, le fossé entre la rhétorique et la réalité s’élargit.

Dans ce contexte, nous encourageons tous les intervenants, y compris les membres de ce comité, à tenter d’élaborer une législation forte et efficace pour les exportations d’armes canadiennes, une législation qui soit vraiment conforme aux attentes modernes en matière de rigueur, de responsabilité et de transparence dans le commerce mondial des armes, notamment par l’entremise du plein respect des obligations découlant du Traité sur le commerce des armes. Merci.

Kenneth Epps, conseiller en politiques, Traité sur le commerce des armes, Project Ploughshares : J’aimerais remercier le comité sénatorial de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui.

Le projet de loi C-47 offre une rare occasion d’examiner et de renforcer les contrôles canadiens en matière d’exportations d’armes. Nous sommes d’avis qu’il faut profiter de cette occasion pour s’assurer que les contrôles canadiens respectent toutes les obligations énoncées dans le Traité sur le commerce des armes.

Plus encore, nous croyons que le projet de loi C-47 offre au Canada l’occasion de reprendre le leadership dont il a fait preuve dans le suivi et le contrôle du commerce international des armes.

Le contrôle canadien de l’exportation de marchandises militaires n’a pas beaucoup changé depuis 1986, au plus fort de la guerre froide. La seule étude menée par le Parlement sur les exportations d’armes canadiennes a été entreprise quelques années plus tard, en 1992, par un sous-comité du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes.

Cette étude a été motivée en partie par la première vente, par le Canada, de plus de 1 100 véhicules blindés à l’Arabie saoudite. Le sous-comité a formulé 20 recommandations dans son rapport final, y compris une recommandation visant à ce qu’un examen plus approfondi du système de contrôle des exportations militaires soit entrepris par un comité parlementaire après cinq ans.

Il est inutile de dire que cette recommandation, comme la plupart des autres, n’a pas été prise en compte par le gouvernement de l’époque et les gouvernements qui lui ont succédé. Par conséquent, les réunions des comités parlementaires liées à l’adoption du projet de loi C-47 ont accordé au système canadien de contrôle des exportations d’armes l’attention législative la plus détaillée depuis plus d’un quart de siècle.

Mon intention est donc de souligner les raisons pour lesquelles il est important de bien rédiger le projet de loi C-47. Si l’on se fonde sur le passé, le fait de ne pas refléter pleinement les obligations liées au TCA dans le droit canadien actuel pourrait signifier qu’il faudrait des années, voire des décennies, pour corriger les omissions ou les lacunes dans la mise en œuvre du traité par le Canada.

Au cours de cette période, non seulement le Canada n’atteindrait pas l’objectif du traité d’établir les normes communes les plus élevées possible, mais les opposants au TCA feraient valoir de façon convaincante que le Canada est un État partie pour des raisons de convenance plutôt que d’engagement.

Parmi les lacunes du projet de loi C-47, le plan du gouvernement visant à mettre en œuvre de nombreuses obligations prévues dans le TCA par l’entremise de règlements est particulièrement inquiétant. Cela s’explique par le fait que l’on ne sait presque rien sur le nombre, la nature ou la portée de ces règlements. Il est impossible de déterminer dans quelle mesure ces règlements respecteront les obligations prévues dans le TCA qui ne sont pas visées par le projet de loi C-47.

Nous savons seulement que le gouvernement prévoit formuler ces règlements une fois que le projet de loi aura obtenu la sanction royale. On ne sait toujours pas si le gouvernement offrira au public ou au Parlement la possibilité de procéder à un examen approfondi avant leur mise en œuvre.

Pour ne citer qu’un exemple de ce problème, le TCA oblige les États parties à s’attaquer activement au détournement des transferts d’armes. Les détournements vers des utilisateurs non autorisés à des fins non autorisées sont une préoccupation universelle, et elle est suffisamment importante pour être visée par le traité et faire l’objet de son propre article, soit l’article 11.

Le détournement était également le thème principal de la Conférence des États parties au TCA de 2018. Pourtant, les deux paragraphes de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation du Canada qui font référence au détournement ne traitent pas des dispositions relatives au TCA et le projet de loi C-47 ne contient pas de modifications connexes. On ne peut donc que supposer que le Canada s’acquittera de ses obligations liées au traité qui concernent le détournement par l’entremise de règlements. Toutefois, le gouvernement n’a pas précisé si, comment ou quand cela se produira.

Il semble que d’autres obligations liées au traité attendent des règlements non précisés, mais pour atteindre son objectif de réduire les souffrances humaines, le TCA mérite une mise en œuvre complète de la part de tous les États parties, y compris le Canada. À cette fin, nous proposons que le Parlement exerce une surveillance dans le cadre d’un processus visant à s’assurer que les règlements liés au TCA sont adaptés aux obligations du traité. Plus précisément, nous recommandons la création d’un sous-comité du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes qui pourrait être chargé d’examiner les règlements sur les exportations d’armes.

Le Canada a déjà fait preuve d’un leadership important dans le suivi et le contrôle des exportations d’armes. Il a été l’un des premiers États exportateurs d’armes à publier un rapport annuel sur l’exportation de marchandises militaires. Il a été l’un des premiers partisans du Registre des armes classiques de l’ONU, un autre mécanisme de transparence important. La Liste des pays désignés en matière d’armes automatiques créée par le Canada est unique en son genre dans le domaine du contrôle des armes classiques grâce à l’identification des destinateurs d’armes admissibles.

Toutes ces initiatives remontent toutefois à plus de 25 ans, et les normes de contrôle des armes classiques, y compris celles du TCA, ont progressé et leur portée s’étend au-delà de celles du Canada. Pour retrouver son rôle de chef de file, le Canada devra faire un effort.

Le projet de loi C-47 représente donc une occasion pour le Canada non seulement d’adhérer au TCA, un traité bien accueilli, mais aussi de donner l’exemple. Il ne pourra pas le faire sans modifier le projet de loi actuel.

Merci.

Catherine Gribbin, conseillère juridique principale, Droit international humanitaire, Croix-Rouge canadienne : Merci beaucoup de l’invitation à comparaître. Je livrerai un exposé conjoint de la Croix-Rouge canadienne et du Comité international de la Croix-Rouge.

Comme mes collègues ici présentsl’ont démontré, le TCA est un traité sur les armes à vocation humanitaire. En raison des effets dévastateu rs des armes classiques partout dans le monde, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge s’est engagé à collaborer avec les gouvernements, afin d’améliorer la réglementation du commerce des armes pour réduire les souffrances qu’elles causent.

Même si nous félicitons le gouvernement d’avoir fait les démarches nécessaires pour adhérer au TCA, nous avons tout de même des préoccupations.

Avec un mandat humanitaire visant à protéger la vie et la dignité des personnes touchées par les conflits armés et les catastrophes naturelles, le CICR et la CRC ont tous deux intérêt à collaborer avec le gouvernement du Canada pour assurer le respect du droit international humanitaire.

Le droit international humanitaire, ou DIH, est un corpus juridique visant à protéger ceux qui ne participent pas ou qui ne participent plus aux hostilités, ainsi qu’à restreindre les moyens et les méthodes de guerre. La réglementation des transferts d’armes classiques dans le monde peut ainsi accroître la probabilité que les armes ne se retrouvent que dans les mains de ceux qui les utiliseront conformément au DIH et au droit international en matière des droits de la personne, ce qui peut avoir un effet considérable sur la protection des civils. Aujourd’hui, notre mémoire souligne les problèmes que nous avons cernés dans le projet de loi. Ce n’est pas une liste exhaustive, mais ce sont des préoccupations que nous souhaitons soulever pour le moment.

Le paragraphe 11(2) du TCA énonce qu’un État partie exportateur doit évaluer le risque de détournement des marchandises exportées. Le risque de détournement, comme il a été mentionné plus tôt, n’est pas indiqué dans le paragraphe 7.3(1) du projet de loi. Nous recommandons donc que le risque de détournement soit mentionné dans la liste des risques contenue dans le projet de loi, puisque le paragraphe 11(2) du TCA requiert que cet élément soit pris en considération.

Notre deuxième préoccupation concerne la mise en œuvre du paragraphe 6(3) du traité. Le projet de loi proposé ne reflète pas l’interdiction énoncée dans cet article, qui interdit le transfert d’armes classiques lorsqu’un État partie « a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves [...] », des attaques dirigées contre des civils ou d’autres crimes de guerre.

Dans l’objectif d’être conforme au traité, un libellé reflétant cette obligation devrait figurer dans le projet de loi.

Le paragraphe 7(1) du TCA, qui est reflété dans le paragraphe 7.3(1) du projet de loi, n’entre en jeu que si l’exportation n’est pas interdite par l’article 6 du TCA.

Notre troisième préoccupation concerne l’évaluation des risques prévue à l’article 7.4 du projet de loi. Le paragraphe 7(3) du TCA interdit l’exportation lorsqu’il existe un risque prépondérant que les conséquences négatives énumérées puissent se réaliser. Dans l’article 7.4 du projet de loi C-47, le langage utilisé est légèrement différent : « entraînerait » (« would result in »). À notre avis, il s’agit d’un seuil inutilement plus élevé, et nous recommandons que le projet de loi soit reformulé pour que le verbe « pouvoir » soit utilisé, comme dans le traité.

Quatrièmement, nous nous préoccupons des dispositions sur les réexamens. Le paragraphe 7(7) du TCA dicte ce qui suit :

Si, après avoir accordé l’autorisation, un État Partie exportateur obtient de nouvelles informations pertinentes, il est encouragé à réexaminer son autorisation [...]

Cependant, ni la Loi sur les licences d’exportation et d’importation ni le projet de loi C-47 ne prévoient la révocation d’une licence si les conditions dans le pays importateur changent au point où l’exportation d’armes vers le pays importateur crée un risque prépondérant de la réalisation d’une des conséquences négatives.

Afin de s’assurer que la loi reflète l’objet et le but du TCA, une option de révocation de la licence d’exportation fondée sur ces motifs est nécessaire. Un paragraphe pourrait être ajouté pour refléter le libellé du traité figurant au paragraphe 7(7).

Notre dernière préoccupation est également liée aux exportations militaires à destination des États-Unis.

Le paragraphe 5(1) du TCA énonce que les États parties doivent mettre en œuvre le traité de façon cohérente, objective et non discriminatoire. Encore une fois, c’est une obligation juridique en vertu du traité. Le traité ne prévoit aucune exemption à cette obligation. Ce qui est actuellement proposé n’est pas conforme à cette obligation du traité et ne respecte ni l’objet ni l’objectif de transparence du traité. Même si l’on considère que les États-Unis sont dotés d’un solide système d’exportation d’armes, le Canada ne peut pas compter sur les États-Unis pour effectuer l’analyse qu’il est tenu de faire afin de remplir ses obligations juridiques en tant qu’État partie au TCA. Afin de satisfaire aux obligations du TCA, il ne doit pas y avoir d’exemption.

En conclusion, l’un des trois objectifs du Traité sur le commerce des armes est de réduire les souffrances humaines, et nous espérons que l’incorporation du traité dans la loi, les politiques et la pratique canadienne aura cet effet.

Nous sommes très confiants que le gouvernement du Canada prendra en considération nos recommandations et nous nous réjouissons de poursuivre ce dialogue très important et de répondre à vos questions. Merci beaucoup.

La présidente : Merci. Est-ce que cela vient clore les déclarations pour les deux témoins?

Mme Gribbin : Oui. Merci infiniment.

La présidente : Je céderai la parole à la sénatrice Saint-Germain pour la première question.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Merci beaucoup de vos présentations et des mémoires que nous avons reçus. C’est très intéressant.

Je comprends bien à la fois votre volonté de transparence et d’exemplarité dans la protection des personnes qui sont victimes d’un certain trafic illicite d’armes.

Je m’intéresse plus particulièrement à deux de vos recommandations en termes de pragmatisme. Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, on doit équilibrer les enjeux liés à la protection des personnes, comme le trafic licite d’armes qui serviront à protéger des personnes et à prévenir le trafic illicite d’armes qui serviront à commettre des crimes de guerre et à violer le droit humanitaire international.

D’autre part, il y a les enjeux économiques qui sont tout de même importants. Lorsque vous parlez du transfert des pièces et composants aux États-Unis, vous souhaitez que l’on considère comme des armes les pièces et composants. Nous avons entendu des représentants de l’industrie, et je comprends que, dans la réalité de l’intégration de l’industrie de l’armement canado-américaine, c’est quelque chose d’impossible en ce qui a trait aux composants, parce qu’on ne sait jamais si tel composant servira à produire tel type d’armes et, finalement, à qui seront vendues les armes éventuellement. C’est un enjeu qui est très important. Selon vous, comment cette recommandation peut-elle être mise en œuvre dans la réalité?

Mme Mason : Merci beaucoup de la question. Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.

La sénatrice Saint-Germain : Bien sûr.

[Traduction]

Mme Mason : L’une des choses intéressantes dont on ne se rend pas compte, souvent, quand on parle des États-Unis, c’est qu’ils font un suivi de tout. Le Canada doit donc, pour les marchandises d’origine américaine, exercer le même contrôle rigoureux dans le cadre du processus entourant les permis d’exportation. Nous pouvons être en désaccord avec les décisions américaines sur la destination finale d’une pièce ou d’un bien, mais le problème n’est pas que les États-Unis ne peuvent pas faire un suivi très serré de chacune des pièces exportées ou qu’ils n’en font pas. Il y a un système robuste très complet qui fonctionne et qui n’empêche manifestement pas les États-Unis de profiter du commerce. Je ne crois donc pas que cela pose un problème sur le plan technique. Bien sûr, l’industrie canadienne résistera à toute demande accrue, mais elle sera confrontée aux mêmes demandes auxquelles l’industrie américaine est déjà confrontée.

Je ne crois pas qu’il y ait de véritable problème tangible qui nous empêche de le faire.

Mon ami, Kenneth Epps, voudra peut-être ajouter quelque chose.

M. Epps : Pas pour l’instant.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : C’est contraire à ce que les représentants de l’industrie nous ont dit, mais je vais aller plus loin avec cette question. Si je comprends bien, vous souhaiteriez que le Canada prenne la décision de limiter certaines exportations, soit l’exportation de composantes et d’armes aux États-Unis sur la base de la présomption que les États-Unis vont éventuellement exporter ces armes à des pays qui les utiliseront à des fins contraires au traité. Est-ce bien le sens de votre recommandation?

[Traduction]

Mme Mason : Oui. Merci beaucoup. C’est tout à fait juste. Le fait est qu’en tant que pays souverain, nous devons prendre nos propres décisions à ce sujet. Par conséquent, nous devons être certains que par la non-réglementation de l’exportation de matériel militaire fabriqué au Canada vers les États-Unis, nous ne trouvons pas à nous en remettre totalement au jugement des États-Unis. Bien sûr, c’est une obligation en vertu du TCA. Il dicte clairement que nous devons exercer un contrôle sur toutes nos exportations, y compris celles de pièces et de composantes. Il ne suffit pas de dire que les États-Unis exerceront un contrôle et de nous en laver les mains. Le Canada manquerait ainsi à ses obligations souveraines de veiller à ce que ses exportations de matériel militaire vers toutes les destinations sont conformes aux obligations du Canada en vertu du Traité sur le commerce des armes.

M. Woodley : Quand vous dites qu’il faut limiter nos exportations d’armes vers les États-Unis, ce serait pour ainsi dire la deuxième étape. La première étape serait de les inclure dans notre régime de déclaration. Ne nous leurrons pas. C’est la raison pour laquelle nous recommandons d’élargir les exigences de rapport, afin d’inclure les exportations à destination des États-Unis. Si nous en venions à juger que les États-Unis font des choses avec lesquelles nous ne sommes pas à l’aise avec les composantes canadiennes, il reviendrait au gouvernement au pouvoir de prendre une décision en temps et lieu. Soyons clairs, nous ne parlons pour l’instant que d’exigences de déclaration.

Mme Mason : Je pourrais peut-être mieux m’exprimer. Il s’agit aussi de savoir ce qui se passe et d’exercer un contrôle. Autrement dit, la limitation des exportations viendrait après. Nous ne savons pas ce qui se passe; nous avons besoin d’information. Nous parlons d’exiger des permis d’exportation pour tous les biens et toutes les destinations, pour que nous puissions savoir exactement qu’est-ce qui va où et le déclarer aussi. Ensuite, on peut espérer qu’il y aurait une surveillance parlementaire, une certaine analyse de que ces renseignements nous enseignent. Y a-t-il des problèmes de réexportation vers d’autres destinations? Encore une fois, quand nous-mêmes importons des pièces des États-Unis pour les réexporter, les États-Unis exigent que nous respections leurs normes en matière de réexportation. On parle ici de véritable réciprocité entre le Canada et les États-Unis. Merci.

La sénatrice Cordy : C’est presque comme si vous vous étiez tous concertés pour préparer vos déclarations, parce que vous nous présentez un message bien uniforme. Je vous en remercie.

Je souhaite particulièrement la bienvenue à Catherine Gribbin, qui vient de Darmouth et qui est allée à l’école avec ma fille.

Mme Gribbin : C’est un plaisir de vous voir.

La sénatrice Cordy : J’aimerais parler du risque de détournement que vous avez tous mentionné. Il faut tenir compte, au Canada, du fait que si nous exportons des marchandises vers les États-Unis — parce que c’est l’exemple qui nous occupe —, nous devons savoir s’ils seront ensuite expédiés hors des États-Unis, où et à qui.

Proposez-vous un amendement ou proposez-vous plutôt d’y voir par règlement?

M. Epps : Je pense que Catherine proposait un amendement en particulier, qui nous semble bien, mais dans l’état actuel des choses, nous croyons que le projet de loi C-47 ne permet absolument pas d’éviter les détournements, donc il faudra y voir par règlement, s’il est adopté, et nous n’avons aucune idée de ce qui paraîtra dans le règlement.

M. Jaramillo : Merci, sénatrice. Concernant la possibilité de détournement, ou même la possibilité évoquée un peu plus tôt que les États-Unis réexportent des marchandises vers un pays tiers vers lequel le Canada n’autoriserait pas l’exportation de ses composantes sinon, c’est une possibilité bien réelle, puisque c’est déjà arrivé, qu’il y a des précédents et qu’il y a des signes que cela pourrait arriver encore. Il ne faut pas oublier que la raison ultime à cela est la conformité au Traité sur le commerce des armes. Nous croyons que ce n’est pas une question d’opinion ni d’interprétation.

La seule source qui vous dira que ces dispositions sont conformes au Traité sur le commerce des armes, c’est Affaires mondiales Canada. Or, le principal document de référence sur lequel s’appuie le contre-argument est le traité lui-même, qui est sans équivoque et a été rédigé minutieusement pour comprendre des mots comme « toutes », « cohérents », « l’ensemble de », « non discriminatoires« , et cetera, précisément pour éviter qu’il y ait des exemptions visant l’exportation, comme dans notre cas, vers un État partie non signataire, qui se trouve à recevoir plus de la moitié de nos exportations militaires.

Mme Mason : Je dois aussi mentionner que je viens de la Nouvelle-Écosse. Je voulais ajouter, bien sûr, que nous aimerions beaucoup y voir un libellé très solide pour prévenir le risque de détournement. L’actuelle Loi sur les licences d’exportation et d’importation atteste de la gravité de ce problème et l’interdit. Elle prévoit des peines pour cela, mais elle mérite une mise à jour.

Ce qui nous dérange, c’est que la règle législative en place est telle que si le gouvernement lui-même n’ouvre pas la porte à la modification de cette partie de la loi, nous ne pouvons rien proposer. C’est la raison pour laquelle je mets tant de temps à trouver toutes les portes ouvertes pour proposer des modifications faciles.

Il me semble que le comité pourrait au moins, en toute déférence, demander au gouvernement de s’engager formellement à prendre des mesures parallèles afin d’assurer tout le suivi nécessaire à la mise en œuvre du projet de loi C-47, pour corriger ces failles graves qui portent atteinte au TCA.

Mme Gribbin : Ma réponse tient en deux volets : oui et oui. Oui, ce serait une possibilité de l’ajouter à la liste des risques. C’est l’une des possibilités qui s’offre à nous dans le cadre de cet examen, donc on pourrait l’inscrire à l’article 7.

Ensuite, bien entendu, ce sera établi plus en détail par règlement. C’est la nature même des règlements. Nous aimerions beaucoup que cela figure parmi les risques, puis bien sûr, qu’on prévoie toutes les autres étapes nécessaires que mes collègues ont mentionnées ou qu’on les établisse par règlement.

La sénatrice Cordy : Vous avez tous parlé de l’exemption applicable aux États-Unis. Nous avons également entendu des dirigeants d’entreprises, puisque nous essayons de récolter tous les points de vue avant de prendre des décisions. Quand nous avons entendu les dirigeants de Pratt et Whitney, ils nous ont dit qu’ils avaient absolument besoin d’une frontière ouverte pour la poursuite de leurs activités et qu’ils ont 13 000 employés dans le monde, dont 6 000 au Canada.

Je pense que vous avez tous présenté d’excellents arguments pourquoi il ne devrait pas y avoir d’exemption, mais de notre côté, que pouvons-nous dire aux gens de l’industrie?

Mme Gribbin : Je me ferai un plaisir de briser la glace sur cette question. Au sujet du TCA et des données qui ont éclairé les négociations sur le traité, il est clair que la présence d’armes à certains endroits a une incidence sur la protection de la population civile. Les négociations, dont Cesar peut nous parler plus en détail, nous montrent que quand nous prenons des décisions en matière d’exportation, nous mettons vraiment l’accent sur l’impact des articles 6 et 7 du TCA et les mesures prises pour prévenir toute violation du droit international humanitaire.

Donc si vous envisagez d’adhérer au TCA, le Canada aura plusieurs obligations juridiques à respecter et à ce titre, il devra envisager d’interdire certaines exportations si les armes risquent d’être utilisées à mauvais escient. Il pourrait donc décider d’interdire des exportations sous le régime de l’article 7.

Dans la discussion sur ces deux enjeux, si vous examinez bien les objectifs du projet de loi et les modifications qu’il propose pour assurer la conformité au TCA, nous devrons tenir compte de ces obligations.

M. Jaramillo : C’est une excellente question, et bien sûr, les préoccupations commerciales sont importantes dans cette conversation.

La première chose que je vous dirais, c’est que nous devons collectivement éviter la fausse dichotomie qu’il y aurait entre le commerce avec les États-Unis, d’une part, et une réglementation lourde et très perturbatrice qui nous bloquerait complètement, d’autre part. Les deux ne s’opposent pas ainsi.

En fait, nous sommes d’avis que le commerce avec les États-Unis est totalement compatible avec la conformité au traité. Il y a des mécanismes qui existent, et certains accéléreront le processus pour nous permettre de respecter le TCA tout en poursuivant nos échanges commerciaux avec les États-Unis, parce que personne ne nie la relation spéciale et durable qui nous lie aux États-Unis ni l’étendue de la frontière. Ces choses sont tenues pour acquises.

Nous ne croyons pas que la conformité au traité paralyserait le commerce avec les États-Unis, mais comme Catherine l’a dit, quand on adhère à un traité, on prend certains engagements, et il faut être à la hauteur des attentes.

Enfin, concernant l’exportation d’armes, il ne s’agit pas ici de blé, d’orge, ni de fournitures médicales. Les exportations d’armes entrent dans une catégorie spéciale, à juste titre. C’est une catégorie très délicate, et pas seulement au Canada, partout. Je pense qu’il y a des attentes qui ne sont pas déraisonnables pour une catégorie aussi sensible d’exportations.

M. Woodley : Les accords qui régissent les relations commerciales entre les États-Unis et le Canada ont été établis il y a des dizaines d’années, ils remontent pour la plupart à la guerre froide. Beaucoup de choses ont changé depuis. Je ne dis pas nécessairement que tout mérite d’être revu dans le contexte du projet de loi C-47, mais nous devons repenser ce qui a changé depuis les années 1950, 1960 et 1970, où ces accords ont été établis. Vaudrait-il la peine que nous les réexaminions avec les États-Unis, pour peut-être repenser le régime? Nous devrions peut-être l’examiner plus attentivement.

Mme Mason : Au risque de trop me répéter, concernant la nécessité d’une frontière ouverte et les marchandises d’origine américaine, les États-Unis exigent que des permis s’appliquent. Nous parlons de réciprocité, et l’industrie canadienne respecte cela aussi pour se conformer aux normes internationales établies par le Traité sur le commerce des armes.

La présidente : On craint des détournements depuis les États-Unis. Évidemment, vos craintes n’émanent pas que de la lecture du texte juridique. Les avocats arrivent toujours à trouver des difficultés, comme nous le savons. Peggy et moi avons travaillé ensemble il y a bien longtemps.

Auriez-vous des exemples récents à nous donner dans lesquels des biens ont ainsi fini par se rendre jusqu’à l’extérieur des États-Unis, sans que le Canada le sache ou en sa connaissance?

M. Epps : Le problème à cet égard, c’est bien sûr qu’il y a très peu de transparence. Bien entendu, le détournement lui-même est une activité généralement illégale, si bien que sa nature même le rend difficile à détecter.

Nous connaissons un exemple relativement récent faisant intervenir des produits de Pratt & Whitney Canada, justement, qui s’est fait imposer une amende de 75 millions de dollars américains par le département d’État américain pour détournement. En gros, l’entreprise a conspiré pour envoyer des moteurs d’aéronef en Chine et a obtenu des permis d’exportation parce qu’ils avaient deux usages possibles et qu’il était inscrit dans la demande qu’ils serviraient à des fins civiles. Je m’excuse, il s’agissait en fait d’un logiciel pour moteurs d’aéronef plutôt que de moteurs en tant que tels. Le permis d’exportation octroyé par le gouvernement canadien visait le logiciel pour une utilisation commerciale. En fin de compte, il a été utilisé pour construire des hélicoptères militaires en Chine.

L’autre aspect intéressant, dans cette affaire, c’est que c’est le gouvernement des États-Unis qui a mis à l’amende l’entreprise canadienne, et non le gouvernement canadien, parce que le gouvernement du Canada n’a pas enquêté sur la situation et n’a entrepris aucune mesure judiciaire.

Dans l’état actuel des choses, le Canada est tellement dépendant des décisions américaines quant aux exportations d’armes que même devant un cas de détournement soupçonné ou connu, il dépend aussi du gouvernement américain pour agir, même si c’est une entreprise canadienne qui s’est fait prendre.

Mme Gribbin : Si je peux me permettre une intervention, je pense qu’il faut aussi faire une distinction entre les exportations et les détournements. Je rappelle qu’il y a des obligations qui s’appliquent à toutes les exportations, et je reviens encore à l’objet et l’objectif du traité, qui doivent être appliquées de manière cohérente, objective et non discriminatoire. C’est une obligation juridique distincte des obligations touchant le détournement.

Je pense qu’il faut aussi évaluer les propositions et les amendements au projet de loi à la lumière des obligations du Canada en adhérant au traité, puisqu’il doit réaliser ces objectifs. C’est l’une de ses obligations. Il y a d’autres obligations propres au détournement lui-même. Donc, je pense que quand nous nous pencherons sur des amendements possibles au projet de loi, il faudra faire la distinction entre les deux.

Je trouve souvent facile de les confondre, mais il me semblerait important, lorsque nous étudierons les modifications possibles au projet de loi, de trouver une façon de faire la différence entre les deux pour bien cerner les différences juridiques et les obligations qui découlent de ce traité. Je tenais à le préciser, si vous me le permettez. Merci.

La présidente : Merci. Notre séance tire à sa fin. Je vous remercie de vos déclarations. Au nom du comité, je pense que la sénatrice Cordy a indiqué que, de toute évidence, vous travaillez ensemble. Nous vous remercions, collectivement et individuellement, d’avoir su nous faire part de votre position sur le projet de loi C-47 et le Traité sur le commerce des armes.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous venons à peine, ce matin, de recevoir le rapport du CCC. Je ne l’ai pas encore lu. Il vient tout juste d’être déposé. Vous l’avez reçu par voie électronique, mais nous avons reçu les témoignages ce matin même. Nous essaierons de terminer l’étude de ce projet de loi rapidement, mais nous interromprons nos travaux ici, puis en effectuerons l’étude article par article la semaine prochaine. Nous vous aviserons du moment exact de cette étude. Nous souhaitons la faire rapidement, et nous aurons la fin de semaine pour y réfléchir.

(La séance est levée.)

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