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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 56 - Témoignages du 5 décembre 2018


OTTAWA, le mercredi 5 décembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi S-6, Loi mettant en œuvre la Convention entre le Canada et la République de Madagascar en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu, se réunit aujourd’hui, à 16 h 15, pour étudier le projet de loi.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour entreprendre notre étude du projet de loi S-6, Loi mettant en œuvre la Convention entre le Canada et la République de Madagascar en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu.

Nous sommes heureux d’accueillir au comité des représentants du ministère des Finances Canada. Avant de les présenter, j’invite les sénateurs à se présenter.

La sénatrice Coyle : Je suis la sénatrice Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.

Le sénateur Greene : Steve Greene, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Je m’appelle Raynell Andreychuk, et je suis de la Saskatchewan.

Nous accueillons au comité M. Ted Cook, directeur général de la Division de la législation de l’impôt, et Mme Stephanie Smith, directrice principale de la Section des conventions fiscales.

Je suis persuadée que vous n’en êtes pas à votre première fois devant un comité parlementaire. Nous voulons connaître la procédure entourant la convention et savoir pourquoi nous avons conclu une convention de double imposition avec Madagascar. Allez-y.

Ted Cook, directeur général, Législation de l’impôt, ministère des Finances Canada : Merci beaucoup de nous donner l’occasion de témoigner aujourd’hui devant votre comité.

Nous avons préparé un exposé pour vous expliquer les objectifs des conventions fiscales en général et de la convention avec Madagascar en particulier. Le Canada a conclu de nombreuses conventions fiscales. Nous avons actuellement 93 conventions fiscales en vigueur. Si le projet de loi S-6, qui met en œuvre la convention fiscale avec Madagascar, est adopté, nous en aurons 94 en vigueur.

La convention fiscale contenue dans le projet de loi S-6 se fonde sur le Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE que nous avons quelque peu modifié pour tenir compte des éléments propres au régime fiscal canadien. La majorité des conventions fiscales qui sont maintenant négociées dans le monde se fondent sur le Modèle de convention fiscale de l’OCDE.

Comme l’indique le titre de la convention fiscale, ce document a deux objectifs. Premièrement, cela vise à éviter les doubles impositions en vue de promouvoir les échanges et les investissements bilatéraux entre le Canada et Madagascar. Deuxièmement, cela vise aussi à prévenir l’évasion fiscale et l’évitement fiscal en favorisant en particulier l’échange de renseignements.

En ce qui a trait au premier de ces deux objectifs, soit d’éviter les doubles impositions en vue de promouvoir les échanges et les investissements bilatéraux, une double imposition survient lorsqu’une personne peut être assujettie à l’impôt dans deux pays. La double imposition freine les échanges entre les pays, et la convention vise à prévenir les doubles impositions par divers moyens. Premièrement, elle procure une plus grande assurance aux contribuables concernant les cas où ils seront assujettis à l’impôt dans chacun des deux pays. Deuxièmement, la convention répartit les droits d’imposition entre le Canada et Madagascar pour que ce soit clair qu’un pays, soit souvent le pays de résidence du contribuable, détient le droit exclusif d’imposition. Cela veille aussi à ce qu’il n’y ait aucune imposition discriminatoire dans l’un ou l’autre des pays, c’est-à-dire que la convention prévoit des protections aux nationaux des deux pays pour garantir qu’ils ne seront pas traités de manière discriminatoire dans l’autre pays.

Enfin, la convention traite de ce que nous appelons une imposition excessive, ou le risque d’une imposition excessive. Ce que j’entends par « une imposition excessive », c’est que le régime fiscal canadien applique une retenue à la source sur certains types de revenus passifs versés aux non-résidents. Si nous prenons les montants versés à des non-résidents à l’extérieur du Canada sous la forme d’intérêts, de dividendes ou de redevances, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, le taux d’imposition est de 25 p. 100, et ce taux de 25 p. 100 est prélevé sur le montant brut du paiement. La majorité des administrations semblables appliquent ainsi la telle retenue à la source. Une retenue à la source de 25 p. 100 peut être un taux très élevé parce que c’est prélevé sur le montant brut et non le montant net des revenus, et c’est normalement ainsi que les administrations perçoivent l’impôt sur le revenu dans le cas de leurs propres citoyens.

La convention représentera un accord entre les deux pays en vue de réduire le taux de leur retenue à la source, ce qui viendra réduire l’obstacle que crée l’imposition pour les investissements. En vertu de cette convention, au lieu d’appliquer une retenue à la source de 25 p. 100, l’impôt pour certains types de dividendes, si un certain seuil de contrôle est atteint, sera de 5 p. 100 et de 15 p. 100 dans le cas des autres dividendes. Par ailleurs, la retenue à la source ne pourra pas généralement excéder 10 p. 100 du montant des intérêts et des redevances; dans le cas de certains types de redevances, et ce taux peut être réduit à 5 p. 100 pour certains types de redevances. L’imposition de cette limite sur les taux de la retenue à la source que peuvent appliquer les deux administrations contribuera à réduire le fardeau que peut imposer cette retenue à la source, et cela vise à accroître les échanges et les investissements bilatéraux et à renforcer les liens économiques entre Madagascar et le Canada.

L’autre grand objectif de la convention fiscale que j’ai mentionné, c’est de contribuer à prévenir l’évasion fiscale et l’évitement fiscal. Pour ce faire, la convention fiscale prévoit des dispositions sur l’échange de renseignements entre les deux administrations fiscales dont elles peuvent se servir dans la gestion de leur propre législation fiscale. Comme je suis persuadé que le comité est à même de le comprendre, la transparence et l’accès aux renseignements sont des outils importants pour le fisc en vue de faire respecter ses propres règles. Les dispositions de la convention fiscale sont conformes à la norme internationale actuelle en matière d’échange de renseignements.

Je souligne que, en raison de la manière dont la convention est structurée, une administration ne pourrait pas s’appuyer sur les lois sur le secret bancaire pour ne pas fournir de renseignements à l’autre administration, et la convention n’inclut pas ce que nous appelons l’exigence d’un intérêt national. Ce concept signifie qu’une administration qui fournit des renseignements doit avoir besoin de ces renseignements pour ses propres fins avant de pouvoir échanger ces renseignements avec une autre administration. Ce n’est pas le cas ici.

En conclusion, les deux principaux objectifs sont d’éviter les doubles impositions et de contribuer à lutter contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal. J’ai terminé mon exposé. Merci.

La présidente : Madame Smith, avez-vous quelque chose à ajouter ou êtes-vous ici pour répondre aux questions?

Stephanie Smith, directrice principale, Conventions fiscales, ministère des Finances Canada : Je suis ici pour répondre aux questions. Merci.

Le sénateur Massicotte : J’ai des questions de nature technique. Une autre personne aimerait peut-être y aller en premier.

La présidente : Je crois que vous pouvez y aller en premier. Les questions de nature technique nous seront peut-être tous utiles.

Le sénateur Massicotte : Je devrais peut-être demander au sénateur Greene, puisqu’il est le parrain. Préférez-vous que je vous pose directement mes questions, sénateur Greene?

La présidente : Vous pouvez le faire après la réunion.

Le sénateur Massicotte : C’est de nature très technique, comme vous pouvez l’imaginer. Je vais commencer par des questions de nature générale. Je crois comprendre qu’il s’agit d’une convention fiscale normale, si nous regardons les taux et l’application des lois de l’impôt sur le revenu. Autrement dit, selon ce que j’en comprends, si vous avez des gains provenant de l’aliénation de biens immobiliers, ces gains sont assujettis à l’impôt dans le pays où les biens immobiliers se situent. Je regarde toutes ces règles, et je me demande si cela correspond pratiquement à la norme. Vous conformez-vous aux règles internationales convenues dans cette convention en particulier?

Mme Smith : Oui. Cette convention s’inspire grandement du modèle de l’OCDE, comme nous l’avons mentionné plus tôt. Bref, cette convention ressemble passablement au modèle de convention fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Le sénateur Massicotte : Par exemple, avons-nous une convention fiscale avec les Bahamas? Est-ce similaire à de nombreux égards? Avec des taux de 5 et de 10 p. 100. Ces taux sont-ils la norme pour un petit pays ou un grand pays? Qu’en est-il du côté des États-Unis? Comment cela se compare-t-il aux taux dont nous avons convenu avec les États-Unis?

Mme Smith : Les taux sont très similaires à ce dont nous avons convenu avec les États-Unis sauf pour ce qui est des intérêts, parce que les intérêts émis avec un lien de dépendance et sans aucun lien de dépendance sont exonérés de la retenue à la source.

Le sénateur Massicotte : Puis-je vous donner des exemples pour m’assurer de bien comprendre? Si vous avez des gains provenant de l’aliénation de biens immobiliers, ces gains sont seulement assujettis à l’impôt dans le pays où ces biens immobiliers se situent, indépendamment de votre lieu de résidence au chapitre de l’impôt sur le revenu. Est-ce exact?

La présidente : C’est une question de nature générale.

Mme Smith : Oui. C’est exact. Il y a une seule exception, parce que la loi canadienne prévoit un impôt de départ. Dans le cas d’un résident canadien qui possédait un bien immobilier et qui a ensuite déménagé à Madagascar, il pourrait y avoir quelques différences. Toutefois, de manière générale, si le bien immobilier appartenait au particulier, les gains seraient assujettis à l’impôt dans l’État où le bien immobilier se situe.

Le sénateur Massicotte : Selon ce que j’en comprends, si un Canadien a une entreprise à Madagascar, Madagascar sera le seul pays à imposer les bénéfices de cette entreprise, et les bénéfices ne seront pas assujettis à l’impôt au Canada. Est-ce exact?

Mme Smith : Non. Ce n’est pas tout à fait exact. Si un Canadien exploite une entreprise à Madagascar, Madagascar aura le droit d’assujettir à l’impôt les bénéfices de cette entreprise dans la mesure où il y a un établissement stable à Madagascar. Il faut atteindre un certain seuil ou il faut qu’un certain pourcentage des activités ait lieu à Madagascar avant que Madagascar ait le droit d’imposition en la matière. Si Madagascar a le droit d’imposition, dans certaines circonstances, selon les revenus et la forme des paiements reçus au Canada, le Canada peut aussi avoir un droit d’imposition.

Le sénateur Massicotte : Les choses ont évolué. Toutefois, de mémoire, à une certaine époque, si une entreprise avait des usines à Madagascar et au Canada, nous établissions l’imposition en fonction d’un pourcentage des recettes et possiblement d’un pourcentage des coûts en fonction de l’établissement dans chaque pays. Est-ce le cas? Comment procédez-vous concernant l’établissement des prix de transfert? Comment établissez-vous les recettes d’une société qui a des activités dans plus d’un pays? Cela fonctionne-t-il au prorata des recettes et du coût de la main-d’œuvre?

Mme Smith : Ce n’est malheureusement pas aussi simple. La norme internationale concernant l’établissement des prix de transfert se fonde sur le principe de pleine concurrence. Il faut examiner les types de transactions, puis vous établissez les prix en fonction du principe de pleine concurrence et vous l’appliquez à la situation où il y a un lien de dépendance entre les sociétés. Nous le faisons normalement au cas par cas.

Le sénateur Massicotte : Je ne suis pas sûr de comprendre, mais je vais poursuivre.

Passons à un autre élément. Les gains provenant de la vente d’actions ou d’une participation dans une société ou d’obligations sont seulement assujettis à l’impôt dans le pays de résidence du contribuable. Est-ce exact?

Mme Smith : Oui. Ce serait exact de dire que ce serait imposable dans le pays de résidence du contribuable, mis à part l’exception que j’ai commencé à expliquer plus tôt au sujet de votre question sur les biens immobiliers. Nos règles entourant l’impôt de départ permettront de récupérer une partie de ces gains.

Le sénateur Massicotte : Je suis d’accord quand vous avez une transition. En ce qui concerne les actions, je peux le comprendre. Cela m’apparaît logique dans le cas d’une société ouverte parce qu’il s’agit d’une marchandise, et vous affirmez que le seul point de référence possible est le lieu de résidence. Cependant, si vous détenez des actions d’une société fermée qui produit du sucre, par exemple, à Madagascar et que le propriétaire est un Canadien, les gains provenant de la vente de ces actions d’une société privée seront-ils seulement assujettis à l’impôt au Canada ou l’inverse?

Mme Smith : Oui. Les gains seront assujettis à l’impôt dans le pays de résidence de la personne qui vend les actions.

Le sénateur Massicotte : Peu importe que ce soit des actions liquides ou non liquides ou des actions d’une société ouverte ou fermée?

Mme Smith : Que l’entreprise soit ouverte ou fermée n’a pas d’importance. L’important est de déterminer si les actions tirent principalement leur valeur de biens immobiliers. Ensuite, l’État où cela se passe conserverait...

Le sénateur Massicotte : Dans mon exemple, je parle d’actions — et non de biens immobiliers — d’une société qui a peut-être des centaines d’employés à Madagascar, mais vous affirmez que, lorsque je vends ces actions, les gains sont seulement assujettis à l’impôt dans mon pays de résidence qui est, dans ce cas-ci, le Canada. Est-ce exact?

Mme Smith : En ce qui concerne les gains en capital, oui.

Le sénateur Massicotte : Je crois comprendre que, si je vous demande la manière dont c’est traité dans cet exemple, la situation inverse s’applique, n’est-ce pas?

Mme Smith : Oui.

Le sénateur Massicotte : Madagascar s’engage à respecter les mêmes conditions.

Si nous examinons les renseignements que nous avons et la relation sur le plan des importations et des exportations entre nos deux pays, nous profitons grandement de cette relation commerciale. Par conséquent, je présume que nous avons beaucoup d’entreprises canadiennes qui ont des activités à Madagascar, ce qui signifie que, même si cette convention fiscale apparaît équitable, dans le cas en question, le Canada profitera peut-être grandement de cette convention fiscale, parce que cela permet d’éliminer le risque lié à l’incertitude pour nos entreprises canadiennes et que cela réduit énormément leurs impôts, étant donné que la société mère rapatrie probablement l’argent au Canada. Ai-je raison?

M. Cook : L’incidence sur une entreprise ou un contribuable précis dépendra de sa propre situation. Toutefois, dans l’ensemble, nous pouvons dire que ce sera utile pour les contribuables et les entreprises canadiennes d’avoir les dispositions que prévoit cette convention et l’assurance qu’elle leur donne.

Je crois que vous faites allusion à la balance commerciale entre Madagascar et le Canada en ce qui concerne les exportations de Madagascar à destination du Canada. Je crois que les dernières données que nous avons chiffraient le tout à environ 100 millions de dollars par année par rapport aux échanges dans l’autre sens.

Le sénateur Massicotte : Est-ce, en partie, ce qui vous a motivés à conclure cette entente? Autrement dit, le gouvernement du Canada essaie-t-il de faire en sorte que les quelques entreprises qui mènent d’importantes activités commerciales à Madagascar rapportent leurs dividendes chez eux? Est-ce une partie de la raison pour laquelle nous avons conclu une entente avec ce pays plutôt qu’avec les nombreux autres pays avec lesquels nous ne faisons pas affaire?

Mme Smith : Je crois que oui, à en juger par le bilan en la matière; si vous examinez les pays avec lesquels nous avons conclu des traités, vous constaterez qu’ils représentent souvent des endroits où il existe d’importants débouchés pour les entreprises canadiennes — par exemple, là où il y aurait des perspectives d’exploitation minière —, ce qui élargirait les possibilités qui s’offrent à elles. C’est assurément un facteur qui entre en ligne de compte dans l’une des décisions prises par le gouvernement quand vient le temps d’engager des négociations avec un pays en particulier, et je pense que cela s’appliquerait ici également.

Le sénateur Massicotte : Permettez-moi de vous poser mon autre question.

C’est un sujet qui me contrarie parfois. Évidemment, la retenue vise l’argent qui est transféré. D’habitude, le revenu est un montant brut, et non net. Vous l’avez mentionné tout à l’heure. Force est de constater que, dans le cas des dividendes, qui représentent vraiment le montant net de tous les coûts, pour la personne qui vit à Madagascar, la collecte de dividendes d’une entreprise canadienne constitue une retenue. Un point, c’est tout. En d’autres mots, la personne n’a pas à payer d’autres impôts pour la retenue des minimums imposés et, habituellement, ce taux d’imposition est inférieur à celui applicable à un Canadien qui possède les mêmes actions dans la société ouverte. Cet aspect m’a toujours dérangé lorsque je vérifiais par le passé si c’était le cas, mais je crois comprendre que c’est la norme mondiale et je présume que les gouvernements font cela parce qu’ils peuvent, à tout le moins, attirer des capitaux étrangers dans leurs marchés financiers. Je n’en suis pas sûr. Qu’en pensez-vous? C’est, me semble-t-il, injuste pour les Canadiens, de ce point de vue-là.

M. Cook : Si je peux me permettre de clarifier un point, je pense que vous avez dit qu’il y avait une retenue d’impôt sur les dividendes qui sont versés.

Le sénateur Massicotte : Cela dépend des circonstances.

M. Cook : En effet, cela dépend des circonstances. Pour ce qui est du traitement fiscal accordé à la personne qui reçoit les dividendes à Madagascar, cela dépendra du droit malgache, et il pourrait y avoir, ou non, une inclusion de revenu ou un crédit pour impôt étranger. À mon sens, les répercussions réelles dépendront de la situation fiscale du contribuable qui reçoit des paiements assujettis à une retenue.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Je comprends que l’objectif du traité est d’éviter la double imposition. Il y a donc un principe d’équité ou de justice fiscale derrière le traité.

Madame Smith, vous avez dit que le traité est, pour l’essentiel, basé sur les traités types qui sont signés avec l’Organisation de coopération et de développement économiques. Ce traité contient-il des dispositions qui sont différentes des autres ententes fiscales conclues par le Canada jusqu’à maintenant?

[Traduction]

Mme Smith : En gros, non. Je pense que c’est conforme à tous les traités que nous avons conclus en général.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Vous savez que le Québec a aussi son système d’imposition et son agence du revenu. Au moment de la ratification de ce traité, le gouvernement du Québec aura-t-il été consulté, dans une perspective d’harmonisation fiscale fédérale et provinciale?

[Traduction]

Mme Smith : Non, on ne tient aucune consultation particulière avec les provinces lorsqu’un traité est conclu. La convention proprement dite ne vise que les impôts au niveau fédéral et ne lie pas les provinces. Voilà pourquoi il n’y a pas de consultation particulière avec les provinces.

Le sénateur Dean : Madame Smith, en réponse à une question du sénateur Massicotte, vous avez dit que les avantages éventuels que cette convention procurerait aux entreprises canadiennes étaient l’un des facteurs à l’origine de la convention. Quels étaient les autres facteurs? Autrement dit, pourquoi Madagascar et pourquoi maintenant?

Mme Smith : Je crois que c’est parce que Madagascar offre des possibilités d’exploitation minière. Puisque ce pays est également membre de la Francophonie, d’où l’existence d’un certain nombre d’autres relations bilatérales entre nos deux pays, et étant donné que le Canada est une nation commerçante relativement petite, il y a une volonté de chercher d’autres débouchés à l’extérieur du Canada pour les entreprises canadiennes.

Le sénateur Dean : Y a-t-il d’autres facteurs qui se rapportent à la fiscalité? Du point de vue de la perte fiscale ou du gain fiscal pour le Canada sur le plan financier, y a-t-il quelque chose d’autre, mis à part l’intérêt du secteur privé et la participation à la Francophonie? Est-ce tout? Je conviens qu’il s’agit de bonnes raisons pour signer cette convention dans la conjoncture actuelle, mais y avait-il d’autres facteurs qui ont été pris en considération?

Mme Smith : Je pense que l’autre facteur qui a été pris en considération, c’est le fait que nous voulons également nous assurer de lutter contre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale. Sans cette convention, nous n’avons aucune relation en matière d’échange de renseignements avec Madagascar, ce qui signifie que l’Agence du revenu du Canada ne pourrait pas obtenir des renseignements pour appliquer les lois à l’échelle nationale. Voilà un autre avantage de cette convention avec Madagascar.

Le sénateur Dean : Merci.

La sénatrice Coyle : J’ignore si vous pouvez répondre à ces questions, puisque vous venez du ministère des Finances. En fait, vous avez déjà répondu à quelques-unes des questions que je voulais vous poser. Lorsque nous négocions une convention de cette nature, j’imagine qu’un des résultats que nous cherchons habituellement à obtenir, c’est une augmentation des échanges commerciaux entre notre pays et celui avec lequel nous concluons la convention. Je me demande si vous pouvez parler des répercussions prévues de cette convention sur nos relations commerciales avec Madagascar, pour autant que vous le sachiez. De plus, si vous êtes en mesure de fournir des détails sur la présence d’entreprises canadiennes à Madagascar, je vous invite à le faire.

Mme Smith : Je vais d’abord répondre à la dernière question. Nous savons que Sherrett International, une société minière cotée à la Bourse de Toronto, participe à l’extraction et à l’affinage du nickel. Il y a quelques années, elle a présenté des soumissions en vue de projets d’entreprise à Madagascar. Elle est encore en activité là-bas, mais je crois qu’il y a eu dernièrement une légère baisse de sa participation à une entreprise conjointe. À mon avis, c’est attribuable à l’instabilité politique qui régnait il y a quelques années à Madagascar. Il y a lieu d’espérer qu’une stabilité prolongée permettra d’accroître les possibilités.

En ce qui a trait aux chiffres précis liés à l’augmentation des échanges commerciaux et des investissements, nous ne faisons pas ce genre de prévisions dans le cadre des conventions fiscales. Il s’agit d’un exercice très difficile parce que, de toute évidence, les obstacles fiscaux au commerce et aux investissements ne sont qu’un des aspects qui influent sur une décision en la matière. Il est donc difficile de quantifier avec précision les répercussions propres à la convention.

La sénatrice Coyle : Merci.

La présidente : Je veux simplement revenir sur un point. Au moment de conclure des conventions sur la double imposition — et notre comité en a déjà été saisi —, on effectue une analyse de la stabilité politique, ainsi que de la stabilité liée aux règles et à leur mise en œuvre. Quelque part en cours de route, vous avez dû faire une telle évaluation. Vous venez de dire que la convention prévoit une exemption pour certains renseignements fiscaux. Je n’ai pas trop compris ce que vous vouliez dire par là. Madame Smith, je crois que c’est vous qui en avez parlé. Relativement à cette convention, vous avez dit quelque chose à propos d’une exclusion de renseignements fiscaux, mais à l’échelle locale. Je vais devoir me reporter à la transcription. Vous avez parlé d’« intérêt national ».

M. Cook : C’est un élément auquel j’ai fait allusion au début. La convention comporte des dispositions sur l’échange de renseignements. En gros, celles que nous utilisons en ce moment constituent la norme actuelle en matière d’échange de renseignements.

J’étais en train de souligner deux problèmes qui surgissent lorsque les autorités fiscales cherchent à obtenir des renseignements. Le premier concerne les lois sur le secret bancaire. Selon l’endroit, le secret bancaire pose parfois un problème. Dans cette convention, il n’y a aucune exclusion permettant de protéger des renseignements pour motif de secret bancaire.

Le deuxième élément que j’ai évoqué, et je crois que c’est de cela que vous parlez, porte sur ce que nous appelons l’exigence d’un intérêt national. Dans certains cas, les conventions prévoient que le pays qui est appelé à fournir des renseignements ne pourra les obtenir auprès d’un contribuable que s’il en a besoin pour ses propres fins; il faut donc un intérêt national pour qu’un pays puisse obtenir les renseignements et les communiquer à l’autre pays. En raison de la manière dont la convention avec Madagascar est conçue, cela n’empêcherait pas le fisc canadien d’obtenir des renseignements.

La présidente : Pourquoi s’agirait-il d’un obstacle en l’occurrence? Dans certains cas, nous ne voulons pas que les renseignements sur les Canadiens soient utilisés au-delà de la convention fiscale, et nous ne sommes pas sûrs qu’ils seront tenus confidentiels dans l’autre pays, ou il pourrait y avoir une raison. Dans le cas qui nous occupe, pourquoi une telle disposition a-t-elle été négociée?

M. Cook : En l’espèce, si je ne m’abuse — et Mme Smith pourra me corriger si je me trompe —, aux termes de la convention, les renseignements sont fournis à des fins fiscales seulement; par conséquent, si les deux parties obtiennent des renseignements, elles sont obligées de les utiliser uniquement à des fins fiscales. Il y a donc une protection quant à l’utilisation des renseignements qui sont échangés entre les deux pays.

La présidente : Pour y arriver, il faudrait faire confiance à l’autre régime, c’est-à-dire avoir l’assurance que l’autre pays utiliserait les renseignements uniquement à cette fin, d’où la nécessité d’analyser la stabilité du pays, la fiabilité de ses entreprises et les barrières de sécurité intégrées à son régime fiscal pour que les renseignements fiscaux ne servent pas à d’autres fins. Y a-t-il un moyen de surveiller et de vérifier cet aspect, ou s’agit-il d’une situation où, une fois la convention signée, il faut espérer que les choses se dérouleront conformément à ce qui a été négocié?

Mme Smith : Je vais répondre à cette question. Il y a deux aspects qui nous donnent une plus grande assurance dans ce domaine. Premièrement, même s’il y a un engagement en matière d’échange de renseignements, le Canada a toujours le droit, s’il se rend compte qu’il existe des difficultés ou des problèmes dans l’autre pays, de suspendre la demande d’échange de ces renseignements. La convention nous donne toujours cette possibilité. Ce sont des facteurs que l’Agence du revenu du Canada prendrait en considération lorsqu’une demande de renseignements lui serait présentée.

Deuxièmement, il existe une organisation internationale appelée le Forum international sur la transparence et l’échange de renseignements. Le Canada en est membre, tout comme Madagascar et plus de 150 autres pays. Dans le cadre de ce processus, les pays font l’objet d’une évaluation par les pairs. Madagascar sera donc évaluée par des pairs au cours des prochaines années. Cette évaluation par les pairs comprend, entre autres, une analyse des règles de confidentialité dans le pays concerné. C’est quelque chose qui, à l’échelle internationale, est pris au sérieux par tous ces pays, et les dispositions très strictes en matière de confidentialité prévues dans la convention sont respectées dans tous ces pays. L’assurance que Madagascar, à titre de membre de cette organisation, fera l’objet d’une évaluation par les pairs et que ses processus seront soumis à un examen continu aide à accroître la confiance envers ce pays et sa capacité de protéger les renseignements.

Le sénateur Massicotte : Relativement à la même question, vous dites que Madagascar fera l’objet d’une évaluation par les pairs au cours des prochaines années. Quels étaient les résultats de la dernière évaluation par les pairs en ce qui concerne la fiabilité et l’intégrité du régime fiscal de Madagascar? À quand remonte le dernier rapport, et quelles en étaient les conclusions?

Mme Smith : Ce sera la première évaluation par les pairs dans le cas de Madagascar. Comme le pays est un membre relativement nouveau du forum mondial, il n’a pas encore fait l’objet d’une telle évaluation. Toutefois, en se joignant au forum mondial, Madagascar a pris l’engagement de respecter les normes et d’apporter toute modification nécessaire à l’échelle nationale, selon les recommandations qui seront faites.

Le sénateur Massicotte : S’agit-il de la même organisation, ou est-ce plutôt l’OCDE qui publie une liste des régimes fiscaux et du degré de coopération ou de fiabilité des pays? S’agit-il de la même liste? On publie parfois une liste noire de certains pays qui ne sont pas jugés dignes de confiance ou fiables en ce qui a trait à l’utilisation des renseignements. Où se place Madagascar dans cette autre liste?

Mme Smith : À ma connaissance, Madagascar n’a jamais fait partie d’une liste noire produite par l’OCDE. À vrai dire, l’OCDE n’a pas produit de liste noire depuis des années. Les plus récentes listes sont probablement celles qui ont été créées par l’Union européenne. Pour autant que je sache, Madagascar ne figure pas sur cette liste. De plus, le G20 a demandé que l’OCDE, en collaboration avec le forum mondial, élabore ce qu’on appelle une liste des pays non coopératifs. Dans la première liste qui a été dressée — c’était, je crois, il y a un an —, Madagascar n’y figurait pas.

Le sénateur Massicotte : En ce qui concerne notre régime fiscal, comme vous le savez, certains pays ont décidé, comme stratégie fiscale, de ne pas prélever d’impôt sur le revenu. Au lieu de cela, ils appliquent principalement des taxes à l’importation, comme c’est le cas aux Bahamas. Ainsi, ils n’ont pas de régime fiscal basé sur le revenu. Savez-vous un peu en quoi consistent les pratiques adoptées par Madagascar? Y a-t-il une forme d’impôt sur les bénéfices des organisations, le revenu d’emploi, et cetera?

Mme Smith : Oui, il y en a. Madagascar prélève des impôts sur le revenu des entreprises résidentes, en plus d’appliquer des taux sur le revenu des particuliers. Le pays perçoit aussi des impôts sur les gains en capital.

Le sénateur Massicotte : Est-ce à un taux considérable? Ce n’est pas 5 ou 2 p. 100? J’en déduis que c’est un pourcentage important.

Mme Smith : Oui. En général, le revenu d’entreprise serait imposable à un taux de 20 à 33 p. 100, en fonction des taxes applicables.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La sénatrice Saint-Germain : Je ne vois aucune disposition dans le projet de loi S-6 qui améliorerait la coopération internationale ou bilatérale et l’échange de renseignements dans le but de lutter contre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale. Ai-je raison? Le projet de loi S-6 aurait-il un certain effet sur l’évitement fiscal et l’évasion fiscale au Canada?

Mme Smith : Dans le projet de loi S-6, l’annexe 1 contient le texte de la convention elle-même, et l’article 25 est la disposition qui porte sur l’échange de renseignements. C’est cette disposition qui permettrait au Canada de demander des renseignements en provenance de Madagascar pour être en mesure d’appliquer les lois canadiennes. C’est grâce à l’échange de renseignements que nous pouvons aider à combattre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale.

La sénatrice Saint-Germain : Cela engloberait les renseignements nécessaires à une enquête sur l’évasion fiscale?

Mme Smith : C’est exact.

La sénatrice Saint-Germain : Merci.

La présidente : Comme il n’y a pas d’autres questions, nous allons mettre fin à notre discussion avec vous, monsieur Cook et madame Smith. Merci d’être venus témoigner devant nous. Vos observations nous ont été utiles non seulement pour mieux comprendre la double imposition, mais aussi pour en savoir un peu plus sur la procédure.

Chers collègues, nous allons lever la séance de ce soir et revenir demain à 10 h 30. S’il n’y a pas d’autres témoins à convoquer, je serais prête à recevoir une motion pour procéder à l’étude article par article, si c’est ce que souhaitent les membres du comité. Nous tiendrions ensuite une réunion à huis clos pour discuter du rapport sur la diplomatie culturelle. J’espère que nous ferons preuve d’efficacité et que nous terminerons le tout cette semaine.

(La séance est levée.)

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