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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 5 - Témoignages du 15 mars 2016


MONCTON, le mardi 15 mars 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 heures pour son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue. Je suis le sénateur Maltais, je viens du Québec et je suis le président du comité. J'aimerais d'abord demander aux sénateurs de se présenter, en commençant de ce côté.

Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Oh : Sénateur Victor Oh, de l'Ontario.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Hubley : Sénatrice Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci beaucoup.

Nous entendrons d'abord Brenda Simmons, directrice générale adjointe du Conseil de la pomme de terre de l'Île-du- Prince-Édouard. Nous entendrons ensuite Janice Ruddock, directrice principale de Taste of Nova Scotia.

Bienvenue, mesdames. Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui.

Brenda Simmons, directrice générale adjointe, Conseil de la pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard : Merci. Bonjour.

Comme vous l'avez dit, je suis Brenda Simmons. Je suis la directrice générale adjointe du Conseil de la pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui, pour représenter les cultivateurs de pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard.

Notre conseil d'administration se réunit également aujourd'hui. Cette réunion était déjà prévue. Je ferai de mon mieux pour les représenter et pour vous démontrer qu'un grand nombre de gens, à l'Île-du-Prince-Édouard, s'intéressent beaucoup à vos délibérations et au sujet de cette audience.

J'ai distribué un document que je tenterai de parcourir brièvement aujourd'hui. Sénatrice Hubley, vous connaissez certaines des personnes à l'avant. Ce sont des membres de la famille Linkletter, de la région de Summerside, à l'Île-du- Prince-Édouard.

L'industrie de la pomme de terre constitue un moteur économique important pour notre province. Elle génère de nombreux emplois et assure la prospérité des habitants de l'île. Selon une analyse menée en 2012 par l'Université Dalhousie, cette industrie emploie directement ou indirectement plus de 8 200 habitants de l'île, soit 12 p. 100 de notre main-d'œuvre provinciale. En 2012, l'activité économique totale de l'industrie de la pomme de terre a produit, selon les estimations, des retombées directes et indirectes de plus de 1 milliard de dollars, soit 10,8 p. 100 du PIB de l'Île-du- Prince-Édouard.

Comme vous pouvez le voir à la page suivante, notre industrie est formée d'exploitations agricoles familiales. Quelques-unes sont constituées en personne morale, mais c'est seulement pour des raisons fiscales, et cetera. Les exploitations familiales représentent 93 p. 100 de nos champs de pommes de terre. Deux cents exploitations agricoles de l'île du Prince-Édouard produisent des pommes de terre. En tout, 89 000 acres ont été récoltées en 2015. Je tiens à préciser que nous faisons la rotation des cultures de pommes de terre avec celles des céréales et des oléagineux et avec les cultures fourragères. Je vais parler des pommes de terre, mais toutes ces exploitations agricoles cultivent également ces autres produits.

L'île du Prince-Édouard a une masse terrestre d'environ 600 000 acres. Chaque année, près de 15 p. 100 de ces terres arables produisent des pommes de terre.

En 2015, on a récolté presque 25 millions de quintaux. Un quintal représente 100 livres de pommes de terre, ce qui signifie que 25 millions de sacs de 100 livres de pommes de terre ont été récoltés en 2015. Cela représente environ 25 p. 100 de la production canadienne de pommes de terre.

Soixante pour cent de notre production est maintenant destinée à des entreprises de transformation telles Cavendish Farms, McCain Foods et Frito Lay. Nous avons également une usine de déshydratation, AgraWest, à l'extrémité est de l'île du Prince-Édouard. Trente pour cent de la production se retrouve sur le marché frais. Lorsque je parle du « marché frais », je parle des pommes de terre de consommation destinées aux services d'alimentation ou aux épiceries et celles qui sont prêtes à être utilisées dans les différentes usines de transformation autour du monde. Dix pour cent de la production est cultivée et vendue sous forme de pommes de terre de semence.

L'Île-du-Prince-Édouard est toujours une grande productrice de pommes de terre en raison de ses conditions de culture favorables, de sa tradition de qualité en production de pommes de terre, et de sa proximité des grands marchés et des ports principaux. Il est très important que nous ayons accès aux voies maritimes.

Je crois que vous avez eu la visite du ministre et du sous-ministre de l'Île-du-Prince-Édouard hier.

Sur la diapositive suivante, vous pouvez voir qu'en 2014-2015, les exportations agroalimentaires totales de l'Île-du- Prince-Édouard s'élevaient à 345,9 millions de dollars. C'est un montant très élevé, et 296 millions de dollars de ce total découlent des pommes de terre et de ses produits. Ce secteur représente donc une très grande partie de nos exportations, et il représentait 86 p, 100 en 2014-2015.

Au cours des trois dernières années, les exportations agroalimentaires totales de l'Île-du-Prince-Édouard ont augmenté de 53 millions de dollars ou de 18 p. 100. La valeur du dollar a certainement contribué à cette augmentation. Ces données sont en dollars canadiens.

Au cours de la même période, c'est-à-dire les trois dernières années, les exportations de produits de pommes de terre fraîches et transformées ont augmenté de 41 millions de dollars. Au cours de l'année dernière, nous avons expédié des pommes de terre de semence dans environ huit pays, des pommes de terre fraîches dans 20 pays et des pommes de terre transformées dans 40 pays.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, en 2014-2015, nos exportations totales de pommes de terre représentaient 296 millions de dollars. Les États-Unis constituent donc l'un de nos marchés principaux, car ce pays a acheté 241 millions de dollars, soit 81 p. 100, du total de nos exportations cette année-là. Il s'agit donc d'un marché très important pour nous. Nous y exportons nos produits depuis longtemps, et nous importons ceux des Américains; ce sont des liens de longue durée. Malgré cela, nous croyons que la diversification vers d'autres marchés moins établis offre un plus grand potentiel de croissance et des taux plus élevés pour la suite des choses.

Je crois que vous visiterez Cavendish Farms demain. C'est pourquoi, à partir de maintenant, je parlerai surtout des pommes de terre de semence et des pommes de terre fraîches. Encore une fois, lorsque je dis « fraîches », cela comprend les pommes de terre de consommation, mais aussi l'un de nos secteurs en croissance, c'est-à-dire l'exportation de pommes de terre fraîches vers des usines de transformation situées partout dans le monde. En effet, nous expédions des pommes de terre fraîches en Indonésie, où elles sont utilisées par les usines de croustilles du pays. Il faut posséder des techniques spécialisées qui permettent de les cultiver et de les entreposer, de les expédier ensuite par voie maritime pendant plus de 40 jours et de faire en sorte qu'elles arrivent en excellente condition, afin d'être utilisées dans une usine de transformation dans des pays où les pommes de terre ne sont pas produites localement.

Outre les États-Unis, nous avons divers marchés importants, notamment le Venezuela, où se trouve un grand marché de pommes de terre de semence, l'Indonésie, la Thaïlande et Trinité-et-Tobago. Nous avons de nombreux intérêts dans un grand nombre de régions.

Nous pouvons expédier nos produits de façon économique sur de nombreux marchés autour du monde, y compris en Asie, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. C'est, entre autres, parce que ces régions du monde envoient de nombreux conteneurs vers l'Amérique du Nord. Nous profitons essentiellement du voyage de retour vers l'Asie, et cetera.

En ce qui concerne l'accès aux marchés, la pomme de terre est un produit qui revêt un aspect politique important, car de nombreux pays les produisent dans une certaine mesure. Manifestement, ces pays tiennent à protéger leur production, tout comme nous. Cela peut poser certains problèmes liés à l'accès aux marchés. Par exemple, l'Île-du- Prince-Édouard a vendu des pommes de terre pour 6,8 millions de dollars à la Russie en 2010-2011, et pour 2,4 millions de dollars en 2013-2014. Évidemment, ce marché a été fermé aux pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard et à la plupart des produits agricoles à la suite des événements qui se sont produits en Ukraine. Nous avons donc perdu ce marché.

Le Costa Rica représentait également un marché en croissance, encore une fois pour les pommes de terre fraîches, car elles sont utilisées dans la production de croustilles, mais les restrictions phytosanitaires imposées par ce pays l'an dernier ont énormément limité notre accès à ce marché. Ces restrictions ont été mises en œuvre après la récolte, et nous avions déjà expédié deux conteneurs par voie maritime. Nous n'avons pas pu expédier d'autres produits dans ce pays pendant le reste de la saison — même s'il s'agissait autrefois d'un marché de plusieurs millions de dollars pour nous — jusqu'à ce que l'ACIA soit en mesure de mieux comprendre les nouvelles exigences du Costa Rica. Ensuite, nous avons dû lancer une nouvelle saison de croissance et nous soumettre à certaines restrictions, afin d'être en mesure de satisfaire aux nouvelles exigences. Nous pouvons donc connaître des hauts et des bas même si nous déployons des efforts acharnés pour développer des marchés.

Les accords de libre-échange sont très importants. Nous encourageons la négociation de nouveaux accords, mais il est très important, dans notre milieu, de souligner que le gouvernement fédéral doit prendre d'autres mesures pour garantir l'accès des exportations de pommes de terre canadiennes, avec ou sans accord de libre-échange.

Dans certains cas, des ententes de libre-échange ont été signées par le Canada, mais il n'y a toujours pas d'accès pour les produits de la pomme de terre canadiens, car les pays en question ont des préoccupations d'ordre phytosanitaires ou il faut tout simplement régler d'autres détails. Je crois qu'on ne se rend pas toujours compte de cela.

Nous soutenons que les accords bilatéraux sont nécessaires pour garantir l'accès aux pommes de terre dans certains cas. Dans d'autres cas, il faut mener des recherches pour veiller à ce que ces pays et ces nouveaux marchés soient rassurés quant à la situation concernant un organisme nuisible. Il se peut que les pays tiennent à ce que nous leur confirmions que nous ne sommes pas aux prises avec un problème particulier, mais l'ACIA peut seulement les rassurer en menant des recherches à l'échelle du pays. Essentiellement, l'ACIA a subi des compressions budgétaires importantes en ce qui concerne l'évaluation de la santé des plantes. On a surtout mis l'accent sur la sécurité alimentaire, à juste titre, mais au détriment de l'évaluation de la santé des plantes. En effet, l'ACIA n'a pas le budget nécessaire pour embaucher du personnel ou pour payer les coûts de fonctionnement liés aux travaux d'évaluation de la santé des plantes. Nous espérons que la situation pourra être corrigée.

En ce qui concerne les accords de libre-échange, nous perdons du terrain par rapport aux États-Unis en raison de l'absence de contingents tarifaires pour la pomme de terre canadienne dans certains cas. Le Panama est un bon exemple. En effet, ce pays s'intéresse beaucoup à notre produit et nous l'expédions là-bas, mais les États-Unis ont réussi à négocier un accord de libre-échange. Je crois que c'était après celui signé par le Canada, mais nous devons payer des droits de douane de 81 p. 100 pour exporter nos pommes de terre au Panama, alors que les États-Unis ne paient aucun droit en vertu d'un contingent tarifaire. En effet, le pays profite d'un contingent qui lui donne un accès en franchise de droits. Ce contingent est relativement petit, mais il s'accroît au fil du temps. Étant donné que les acheteurs du Panama pensent que les produits des États-Unis sont en franchise de droits, les Américains ont fait bonne impression, et ils sont donc devenus leur fournisseur principal, du moins au début.

Un accord de libre-échange entre le Canada et la République dominicaine est en cours de négociation. Nous en sommes heureux, mais il faut absolument qu'un contingent tarifaire en fasse partie. En effet, la République dominicaine constituait un marché important pour le Canada, et en particulier pour l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, mais nous avons pris du retard en raison de l'absence d'un accord de libre-échange. Nos pommes de terre sont frappées d'un droit de 20 p. 100, alors que celui imposé aux États-Unis, qui est de 3,3 p. 100, sera complètement éliminé d'ici 2020.

Comme je l'ai dit, nous étions autrefois le fournisseur principal de la République dominicaine, mais en 2015, nos exportations de pommes de terre fraîches ont atteint un peu moins de 300 000 $ dans ce pays, alors que celles des États- Unis ont atteint 3,5 millions de dollars. La situation de l'exportation des pommes de terre du Canada atlantique sur ce marché a donc été complètement inversée.

Nous pourrions accéder à de solides marchés dans d'autres pays, ce qui constituerait un élément important d'une stratégie de diversification. La Corée du Sud est un très bon exemple. À l'instar des États-Unis, nous avons signé un accord de libre-échange avec la Corée du Sud, mais il ne vise pas la pomme de terre, contrairement à celui des États- Unis. En 2015, les États-Unis ont expédié des pommes de terre fraîches pour 10,8 millions de dollars en Corée du Sud, tandis que le Canada n'en a exporté aucune. Même chose en Taïwan, où les exportations des États-Unis ont atteint 9,8 millions de dollars dans ce secteur, mais celles du Canada sont restées à zéro.

Ce sont des marchés sur lesquels notre situation phytosanitaire était aussi bonne, sinon bien meilleure, que celle des États-Unis, et ce n'est donc pas pour cette raison que nous ne pouvons pas y expédier notre produit dans ces pays. C'est seulement que l'accès n'a pas été négocié.

Nous sommes très préoccupés par l'initiative de l'Agence canadienne d'inspection des aliments visant à examiner le recouvrement des coûts, mais je présume que cela se produit à l'échelle du gouvernement fédéral. Nous croyons que cet examen pourrait avoir de graves répercussions sur les activités de nos cultivateurs à l'avenir. Par exemple, le nématode à kyste de la pomme de terre, un organisme nuisible, a été découvert dans une petite région du Québec. Il ne se trouve dans aucune autre région du Canada, mais nos cultivateurs doivent tester toutes leurs semences avant de pouvoir les expédier sur le marché des semences américain. Ce test coûte à lui seul 100 $ l'acre et il faut donc débourser 4 000 $ pour un champ de 40 acres. Le champ doit être testé à l'automne, avant qu'on connaisse bien les marchés, et les cultivateurs doivent donc assumer cette dépense même s'il est possible qu'ils ne puissent pas entrer sur un marché. Les taux de recouvrement des coûts actuels sont appliqués, mais ils sont tous présentement assujettis à un examen. S'ils augmentent de façon importante, cela nous empêchera d'avoir accès à ces marchés.

Le deuxième point que j'aimerais faire valoir, c'est que nous devons créer un programme de sélection de la pomme de terre rigoureux au Canada, afin de produire des variétés qui seront en demande sur les marchés d'exportation. En effet, nos exportations actuelles sont en grande partie composées d'anciennes variétés, c'est-à-dire qu'elles ont plus de 40 ou 50 ans. Elles sont bien accueillies sur certains marchés d'exportation, mais de nouvelles variétés ont été mises au point aux Pays-Bas ou en Écosse, et cetera, et nous ne pouvons pas toutes les cultiver au Canada. Les changements récents apportés aux droits des phytogénéticiens nous aident à cet égard, et les entreprises de sélection de plantes des Pays-Bas nous donneront accès à la culture de ces produits en Amérique du Nord, mais elles ne nous permettront pas de les cultiver pour les exporter dans d'autres régions du monde, car elles veulent le faire elles-mêmes à partir des Pays- Bas. Si nous ne pouvons pas offrir de variétés canadiennes exclusives ou personnalisées pour certains marchés d'exportation, nous risquons d'être exclus. Nous avons également fait face à ce type de difficulté.

J'aimerais terminer en vous rappelant que les marchés d'exportation sont très importants pour nos exploitations de pommes de terre. Nos cultivateurs savent comment cultiver des pommes de terre qui répondent à des critères très précis. Nos plantes sont en très bonne santé, et nous souhaitons ardemment en tirer parti. Comme je l'ai souligné dans les premières diapositives, c'est un secteur très important pour l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard.

Je vais m'arrêter ici. Je vous remercie de votre intérêt.

Le président : Merci beaucoup, madame Simmons.

Janice Ruddock, directrice exécutive, Taste of Nova Scotia : Bonjour. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui, et d'avoir l'occasion de vous présenter Taste of Nova Scotia. Je vous donnerai ensuite un aperçu général de certaines des forces, des faiblesses et des occasions liées à l'accès aux marchés internationaux.

Je tiens à vous fournir une brève description de Taste of Nova Scotia et de ses objectifs, car notre association ne se dévoue pas à un seul secteur. En effet, nous avons des membres dans différents secteurs et il serait donc inapproprié, en ce moment, de nous concentrer sur l'un d'eux. Je livrerai donc un exposé général.

Nous sommes une association à but non lucratif formée de 184 producteurs d'aliments et de boissons, transformateurs et restaurants dont le modèle opérationnel est axé sur les normes de qualité et la promotion de la Nouvelle-Écosse. Notre mandat principal est d'aider nos membres à faire croître leur entreprise. À cette fin, nous nous concentrons sur la sélection des fournisseurs, et nous participons à des initiatives de commercialisation qui se déroulent surtout à l'extérieur de la Nouvelle-Écosse et à des activités de développement de produits dans la province en vue d'attirer les visiteurs. Notre association se consacre au tourisme, au secteur alimentaire et agroalimentaire et au secteur des fruits de mer. Toutes ces initiatives sont menées en partenariat avec nos membres.

Parmi nos autres initiatives stratégiques, nous voulons notamment faire mondialement reconnaître la Nouvelle- Écosse comme destination gastronomique, renforcer l'image de marque « Taste of Nova Scotia », assurer l'évaluation et la surveillance permanentes des normes de qualité auxquelles sont assujettis les producteurs et les transformateurs et encourager et faciliter pour les membres les possibilités d'acheter et d'appuyer les entreprises d'autres membres.

Nos membres comptent 70 producteurs alimentaires néo-écossais. Ces producteurs versent annuellement des cotisations de 500 à plus de 2 000 $ pour faire partie de l'association. La diversité des secteurs où se recrutent nos membres se voit à leurs noms : fruits de mer Clearwater Seafoods, farine Valley Flax Flour, établissements vinicoles Benjamin Bridge Wineries.

Toutes ces entreprises voient dans leur adhésion à « Taste of Nova Scotia » l'une des pierres angulaires de leurs programmes de développement commercial. En 2016 uniquement, le nombre de nos membres a augmenté de 20 p. 100, malgré la période de difficultés économiques traversée par les entreprises du Canada atlantique. De plus, il ne suffit pas de le demander pour devenir membre. Il faut se qualifier par des normes de qualité industrielle supérieures à la moyenne, l'achat de produits néo-écossais et l'appui aux entreprises néo-écossaises. « Taste of Nova Scotia » n'est pas un programme de sensibilisation à l'achat de produits locaux. C'est un programme de développement économique pour les secteurs alimentaire, agroalimentaire et des fruits de mer de la Nouvelle-Écosse.

« Taste of Nova Scotia » se finance par les cotisations de ses membres, la vente de paniers-cadeaux mettant en vedette des produits de nos membres, l'appui de la province et de l'État fédéral, les honoraires de gestion d'activités spéciales de tiers et les droits versés par les promoteurs de projets. Essentiellement, l'association est en mesure de subvenir à tous ses frais d'administration et elle utilise les fonds publics pour financer des activités de marketing pour faire croître les entreprises de 184 membres. Chaque année, nos membres injectent 25 millions de dollars de recettes fiscales dans l'économie de la Nouvelle-Écosse.

Le modèle de « Taste of Nova Scotia » est le seul du genre au Canada, et très peu d'organismes dans le monde peuvent s'y comparer. Je le sais, pour avoir parlé à maintes reprises à des délégués commerciaux principaux des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada. Dans ce modèle, « Taste of Nova Scotia » sert de plaque tournante qui facilite et suscite des occasions économiques pour les entreprises néo-écossaises, grâce à sa collaboration journalière avec l'industrie, des associations industrielles, des joueurs de l'administration publique et des partenaires en affaires. Après 27 ans, ce modèle de partenariat a prouvé son efficacité comme véhicule de croissance pour les entreprises des secteurs alimentaire, agroalimentaire et des fruits de mer de la Nouvelle-Écosse. Ces 10 dernières années, elle n'a perdu que deux membres dont les entreprises avaient cessé d'être viables.

Si, comme je le crois, c'est la deuxième journée que consacre le comité à la question, je suis sûre qu'il a entendu jusqu'ici de nombreux témoignages et une foule de statistiques. À partir de maintenant, j'axerai mon exposé sur nos atouts, nos faiblesses, les occasions à saisir et les pièges à éviter, pour aider le comité dans son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Cet état des lieux a bénéficié du concours d'industriels membres de l'association qui nous ont communiqué leurs impressions de leur participation à plus de 15 initiatives internationales de création d'entreprises et, aussi, de rencontres personnelles avec nos membres.

L'examen des programmes actuels d'accès aux marchés internationaux qui existent au Canada nous a permis de déceler des atouts. Il existe certainement de nombreuses occasions de faire connaître ses réactions grâce à des questionnaires et à des bilans des manifestations. C'est le genre de renseignements qu'on demande sans cesse aux entreprises et à l'industrie et qu'elles sont des plus heureuses de fournir.

Les provinces et l'administration fédérale reconnaissent que l'accès aux marchés internationaux est une étape importante pour la croissance et le développement des entreprises canadiennes. Il est rassurant pour l'industrie de savoir qu'elle peut y trouver des appuis.

Les organismes fédéraux de développement économique travaillent en partenariat avec les provinces pour appuyer les objectifs d'exportation des provinces. Leur collaboration est un atout.

Les faiblesses sont toujours difficiles à évaluer, mais nous nous concentrons sur les plus flagrantes, qui sont autant d'occasions de nous améliorer. La multitude de programmes d'accès aux marchés internationaux financés par les deniers publics rend pratiquement insurmontable aux exportateurs la tâche de déterminer lequel leur convient le mieux.

De même, les programmes d'achat local instaurent un faux sentiment de sécurité chez les petites entreprises, qui, cependant, pensent que les programmes d'accès aux marchés internationaux n'ont été conçus que pour les grandes. Pour les PME qui ne veulent que vendre leurs produits, les processus de développement et de mise en œuvre de ces produits sont laborieux.

Les occasions qui s'offrent à nous nous permettent de voir l'utilité d'une base centrale de données pour les programmes fédéraux et provinciaux favorisant l'accès des PME aux marchés internationaux. Les uns et les autres existent, mais leur combinaison exige leur actualisation rigoureusement quotidienne, parce que l'information change tous les jours.

La création d'initiatives industrielles clés dans les programmes d'accès aux marchés internationaux ou la mise en place d'occasions pour y accéder inclurait la définition des rôles de chaque partenaire public d'une entreprise canadienne. Beaucoup d'agents et beaucoup d'organismes y travaillent, mais quel est le rôle de chacun dans cette tâche? Nous avons besoin de la collaboration avec des partenaires publics et des associations industrielles pour plus d'initiatives axées sur l'action et un modèle avantageant les contributeurs, mais en étant juste et équitable pour toutes les entreprises. Il faut vraiment que les entreprises y mettent du leur pour bien apprécier les occasions offertes, mais je doute qu'elles le fassent, malgré les nombreuses occasions qui leur sont offertes en ce moment.

Nous devons aussi considérer le commerce interprovincial comme une occasion d'exporter pour chaque province. Nous savons que l'Ontario, peut-être notre premier acheteur de produits alimentaires et agroalimentaires au Canada, avec le Québec, doit importer des produits d'autres provinces pour satisfaire ses besoins. Que cette occasion s'offre aux autres provinces qui pourraient alimenter les gros marchés de l'Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique, plutôt qu'elles aient à contourner des barrières érigées pour entraver ce commerce interprovincial.

Nous visons aussi moins d'éducation et plus de formation. Il faut distinguer. Formation connote embauche; éducation connote entrevues. Il est difficile de créer des occasions d'accès aux marchés internationaux.

Pour conclure sur ce qui a été reconnu comme des pièges à éviter, le principal, et vous me passerez le mot, bien éloquent à notre époque, est que les produits alimentaires, agroalimentaires et les fruits de mer ne sont pas assez « sexy » pour qu'on y engage des dépenses publiques. Les fruits de mer de l'Atlantique sont les premiers de leur catégorie dans le monde entier, et il ne faudrait pas les rabaisser au profit de nouvelles industries qui, j'insiste là-dessus, ont encore leurs preuves à faire.

De grandes entreprises canadiennes exercent des pressions pour la réduction de l'aide publique, du financement et des occasions, parce qu'elles sont capables de lancer elles-mêmes des initiatives pour accéder aux marchés internationaux. Elles considèrent que l'aide publique est une invitation à la libre concurrence sur les marchés. C'est simplement faux.

Actuellement, le troisième point faible est la difficulté, pour les petites entreprises, à réunir des capitaux à investir, lesquels sont plus faciles que jamais à obtenir pour les grandes, au détriment de l'innovation dans les premières.

Bref, tout en regardant vers l'avenir, je ne doute aucunement que, ces derniers jours, vos témoins vous aient lancé beaucoup de recommandations, de données, d'idées, d'enjeux et d'occasions à saisir. J'oserais dire que, d'un bout à l'autre du pays, ils se ressembleraient beaucoup. Cependant, j'espère qu'un message important en est ressorti. Les entreprises des secteurs agricole et forestier sont des acteurs passionnés, voués au développement des exportations. Nous ne devons pas l'oublier. La plupart comprennent que la recette de leur durabilité passe par l'exportation. Cette industrie cherche des partenaires publics déterminés, compétents, qui comprennent leur rôle dans l'accès aux marchés internationaux. La détermination maximise le rendement de chaque initiative, réduit les ressources consacrées à l'examen des programmes publics et procure une vision plus claire de la marche à suivre pour appliquer les stratégies d'accès aux marchés internationaux.

Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez offerte d'exposer les principales opinions de « Taste of Nova Scotia » sur l'une des plus importantes industries exportatrices du Canada.

Le président : Merci beaucoup. Votre témoignage est très important pour nous.

Le vice-président du comité, le sénateur Terry Mercer, entamera la première série de questions.

Le sénateur Mercer : Mesdames, je vous remercie beaucoup d'être ici. Je m'attendais à ce que Mme Simmons se mette à changer, vu la piètre qualité des chanteurs dans les nouvelles publicités sur les pommes de terre de l'Île-du- Prince-Édouard. Peut-être faudra-t-il atteindre la pause.

Tout d'abord, madame Ruddock, la question de la base centrale de données que vous avez soulevée est intéressante, parce que je pense qu'elle ne concerne pas seulement l'agriculture, l'agroalimentaire et la pêche. Elle touche toutes les industries qui veulent exporter et qui veulent coordonner leurs activités avec l'État fédéral et la province.

Vous en avez parlé, mais quelle est la situation actuelle? Les discussions se poursuivent-elles sur la question ou sont- elles au point mort?

Mme Ruddock : Nous y œuvrons depuis quelques années et, tout dernièrement, nous avons collaboré avec l'un de vos témoins d'hier, les producteurs et transformateurs de produits alimentaires du Canada atlantique. Ce jour-là, nous avions un forum public, et la question est revenue sur le tapis. On trouve beaucoup de renseignements sur les sites du gouvernement du Canada et de la Nouvelle-Écosse consacrés à différents programmes, mais ces sites manquent de relief et sont peu adaptés à la recherche de renseignements. On en revient les mains vides. Ils pourraient constituer une base de données mobile très dynamique.

Les entreprises nous disent que l'information est là, qui attend, mais quand on cherche, on constate que la présentation est très peu maniable, très peu conviviale, vu l'amélioration quotidienne de la technologie et des programmes. En fait, on pourrait construire une base de données polyvalente, accessible, consultable, utilisable et capable de sensibiliser les entreprises.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de la nécessité d'y mettre du sien. Je pense que l'une des valeurs du programme est qu'on ne se contente pas d'y adhérer et d'attendre. En fait, on participe.

Mme Ruddock : Exactement.

Le sénateur Mercer : Mais vous avez aussi dit qu'il n'est pas facile de devenir membre. Quel est la principale condition à remplir?

Mme Ruddock : C'est que nos membres producteurs et transformateurs examinent leurs normes de qualité et leurs processus de production. Les normes de qualité s'appliquent sans exception à toutes les entreprises portant la marque « Taste of Nova Scotia », dont font partie les fruits de mer Clearwater Seafoods et les farines Valley Flax Flour, et les entreprises sont évaluées séparément, parce que tout accident chez l'une d'elles risque de nuire à toutes.

Le principal critère pour les produits canadiens exportés est leur qualité. Nous sommes réputés à l'étranger pour nos produits de qualité, et ça doit continuer.

Le sénateur Mercer : Je savais la réponse, mais je voulais la faire entendre.

Mme Ruddock : Bien sûr que vous la saviez.

Le sénateur Mercer : Je ne voulais pas qu'on croie que, pendant les 67 dernières années, j'ai été distrait. Mon gabarit doit beaucoup à « Taste of Nova Scotia ».

Madame Simmons, le transport est un volet important de votre activité. Nous examinons souvent les exploitations agricoles, particulièrement celles du Canada atlantique, parce qu'elles sont petites. Celles de l'Île-du-Prince-Édouard où on produit des pommes de terre sont étendues, et les habitants de l'île ne pourraient pas consommer toute votre production. Pour l'accès aux marchés des États-Unis, vous parlez de transport par camion.

Mme Simmons : Principalement.

Le sénateur Mercer : Quant aux nombreux autres marchés dont vous avez parlé, il s'agissait de transport par bateau.

Mme Simmons : Oui.

Le sénateur Mercer : Et ceci est une publicité politique payée pour le port de Halifax. Comment se fait ce transport par bateau? À partir de l'île ou après transport du produit de l'île vers Halifax ou Saint John pour le transborder sur des bateaux? Je remarque que vous en envoyez en Indonésie. Impressionnant et un peu étonnant, vu la difficulté de conserver au produit sa fraîcheur après un si long voyage.

Mme Simmons : C'est vrai. Je vous remercie de vos questions. Tout ce que vous avez dit, nous le faisons. Pour les marchés des États-Unis, le transport se fait surtout par camion. Vous avez raison. Porto Rico est un débouché très important pour nous. Nos statistiques l'incluent dans les États-Unis. Notre produit s'y rend surtout par conteneur, à partir de Saint John. Halifax est très important pour l'Indonésie et la Thaïlande. La plus grande partie de ce transport se fait maintenant dans des conteneurs. Dans les années 1970 et 1980, peut-être, nous faisions beaucoup appel au transport en vrac, avec rupture de charge, à partir de Summerside et de Charlottetown. C'est encore le cas de quelques bateaux, chaque année. Plus tôt, cette année, nous avons chargé un bateau à destination du Venezuela. Actuellement, des inspecteurs de ce pays inspectent les pommes de terre de semence dans l'île. Un deuxième bateau devrait arriver bientôt à Summerside ou Charlottetown, mais l'immense majorité du transport se fait par conteneurs, en passant surtout par le port de Halifax.

La chanson dont vous parlez, ce sont des producteurs de l'île qui la chantent.

Le sénateur Mercer : Je sais. Visiblement, certains ont séché les cours de solfège à l'école. Mais ça rend la publicité intéressante.

Mme Simmons : C'est vrai.

Le sénateur Mercer : C'est évident que ce sont de vrais agriculteurs. Ils se font sûrement taquiner par leurs semblables, mais ils vendent leurs produits, et c'est ce qui compte, finalement.

Mme Simmons : Oui.

Vous avez parlé de l'Indonésie. Je trouve très intéressante, moi aussi, cette possibilité d'expédier directement dans une usine de croustilles d'Indonésie, de Thaïlande et des environs, à partir de la côte est, des pommes de terre de qualité en bon état. Un ensemble assez rigoureux de critères de qualité s'applique pour l'obtention de belles croustilles légèrement dorées. C'est une spécialité créée dans notre province.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé d'un programme d'amélioration génétique de la pomme de terre. L'une des dernières fois que je suis passé par ici, alors que j'étais membre d'un comité de l'agriculture, nous avons visité la station de recherches d'Agriculture Canada à Fredericton. Nous avons été très impressionnés par les diverses variétés de pommes de terre qu'on y expérimentait. Une pomme de terre à chair violacée était, si je me souviens bien, intéressante à regarder. Avez-vous collaboré étroitement avec Agriculture et Agroalimentaire Canada et les chercheurs du conseil de recherches, qui participent à cette recherche? Je sais qu'on fait beaucoup de recherches sur les fruits à Kentville, mais, sur la pomme de terre, c'est à Fredericton. Avez-vous collaboré étroitement avec ces chercheurs?

Mme Simmons : Oui, et plus particulièrement ces quelques dernières années. Vous avez raison : Fredericton est l'établissement d'Agriculture Canada qui se spécialise dans l'amélioration génétique de la pomme de terre pour l'ensemble du pays. Il rassemble la plupart des compétences. Des confrères et consœurs à nous, partout au pays, font partie du secteur de la pomme de terre. Ce qui se fait à Fredericton les intéresse.

Nous connaissions, avant, l'importance de ces travaux, mais, ces dernières années, nous avons constaté celle de liens plus étroits avec Agriculture Canada, pour que nos agents présents sur les marchés d'exportation et ceux qui transigent avec les détaillants puissent conseiller les chercheurs d'AAC sur les besoins des consommateurs. Il nous importe de communiquer plus directement avec les obtenteurs, pour que les besoins soient mieux connus de ceux qui sont capables de les satisfaire.

Fredericton a des capacités très considérables. Tout ce qu'il nous faut, c'est d'être un peu mieux alignés. Au cours de la dernière année, certains efforts ont été faits pour inciter les entreprises de transformation à s'investir davantage dans notre programme d'amélioration de la pomme de terre, notamment sur le plan de la rétroaction et de choses de ce type. Après tout, ce sont elles qui accaparent probablement 50 voire 60 p. 100 de toutes les pommes de terre produites à l'échelle du pays.

Le sénateur Mercer : Oui, tout à fait. Toujours à l'occasion du voyage auquel j'ai fait allusion, nous avons passé du temps chez McCain Foods et Cavendish Farms, et nous avons jeté un coup d'œil à leurs travaux de recherche et à leurs procédés de transformation. Les deux entreprises ont des usines très impressionnantes, mais ce qui manque, c'est la recherche en matière de culture. Comme cela concerne tout le monde, c'est un aspect important.

Selon vous, les gros joueurs — les McCain et les Irving — ont-ils porté attention à l'aspect production, par opposition à l'aspect transformation?

Mme Simmons : Oui. En fait, au cours des dernières années, il se fait plus de recherche sur ce type de choses. Il y a environ deux ans, McCain a amorcé ce qu'elle appelle son « initiative de transition de l'industrie de la pomme de terre du Nouveau-Brunswick ». L'entreprise travaille avec les cultivateurs du Nouveau-Brunswick et Agriculture Canada afin d'essayer de résoudre les problèmes de rendement et de productivité qui ont une incidence sur le prix qu'elle paie aux termes de ses marchés avec les producteurs de brut — comme elle les appelle — ou sur le prix des pommes de terre qui aboutissent dans les usines de transformation. Nos transformateurs sont en concurrence avec les producteurs de l'ouest des États-Unis, qui réussissent à produire de 400 à 600 quintaux par acre, alors que nous en sommes à 300 à 350 quintaux par acre.

Une nouvelle initiative a été lancée en collaboration avec les cultivateurs, les transformateurs, l'Agence de la pomme de terre du Nouveau-Brunswick et notre conseil — à l'Île-du-Prince-Édouard — afin de tenter d'améliorer les rendements. Le Nouveau-Brunswick a lancé cette initiative il y a environ 18 mois, peut-être deux ans. Nous avons eu la chance d'observer ce qu'ils font et d'apprendre certaines choses. L'Île-du-Prince-Édouard vient tout juste d'emboîter le pas. Nos cultivateurs et nous avons aussi investi de l'argent dans une autre initiative visant à améliorer la qualité et le rendement. McCain, Pommes de terre Nouveau-Brunswick, les cultivateurs du Manitoba et Agriculture Canada y participent aussi. Les travaux ont commencé il y a environ un an et nous en sommes très heureux.

Le sénateur Mercer : Ma dernière question porte sur la capacité. Vous avez fait mention d'environ 89 000 acres répartis dans plus de 200 exploitations agricoles. L'île n'est pas très grande. Y a-t-il une possibilité de développer l'industrie sur place sans forcer les fermes existantes à renoncer à leur production actuelle? Est-il possible d'augmenter la superficie des terres arables destinée à la production de pommes de terre?

Mme Simmons : C'est une excellente question. La rotation est un aspect important de la qualité, de la santé des sols, et cetera. C'est quelque chose qui nous préoccupe, nous aussi. Il fut un temps, en 1999, où nous avions 113 000 acres de pommes de terre. Je ne vous ai pas fait part de ces statistiques. Pour dire vrai, les conditions de production d'une partie de la superficie cultivée à cette époque étaient probablement moins qu'idéales. Quoi qu'il en soit, nous ne voulons pas revenir à ces 113 000 acres. Nous croyons qu'une superficie oscillant entre 90 000 et 95 000 acres est un niveau de production que nous pouvons maintenir. J'ai dit que l'Île-du-Prince-Édouard dispose d'environ 600 000 acres de terres arables propices à la culture de la pomme de terre. À l'heure actuelle, nous en utilisons environ 15 p. 100 chaque année, alors nous pourrions en cultiver plus, mais nous devons nous assurer de pouvoir maintenir la rotation triennale.

Le sénateur Mercer : Beaucoup de ces terres sont couvertes par des terrains de golf, n'est-ce pas?

Mme Simmons : C'est sans aucun doute une valeur ajoutée.

Le sénateur Mercer : Merci, madame Simmons et madame Ruddock.

Le sénateur McIntyre : Merci à vous deux pour vos exposés.

Madame Simmons, ma question porte sur la gestion des éléments nutritifs et la lutte antiparasitaire. Dans la partie de votre exposé qui portait sur l'accès aux marchés, vous avez dit que des enquêtes avaient été faites pour rassurer les nouveaux clients au sujet de la situation des ravageurs au Canada. Bien entendu, la gestion des éléments nutritifs et la lutte antiparasitaire sont des aspects importants des plans de gestion des cultures des agriculteurs.

Les moyens chimiques et non chimiques de lutte antiparasitaire dont disposent les cultivateurs du Canada atlantique sont-ils adéquats? Qu'est-ce que le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux peuvent faire pour atténuer les problèmes liés à la lutte contre les ravageurs et les maladies?

Mme Simmons : Une autre très bonne question. Tout d'abord, en ce qui concerne ce que le Canada peut faire, nous sommes évidemment d'accord avec les initiatives qui se penchent sur des choses comme les espèces envahissantes afin d'assurer la qualité de ce qui entre au Canada et de veiller à ce que la question des ravageurs soit prise en compte.

Nous étions justement à Ottawa la semaine dernière, pour assister à l'assemblée générale du Conseil canadien de l'horticulture, et nous avons été informés de l'élaboration d'un nouveau plan d'intervention en cas d'urgence en matière de santé animale et de santé végétale. Nous voulons être inclus là-dedans, et c'est d'ailleurs la raison d'être de ces consultations.

Il est important d'empêcher les ravageurs allogènes d'entrer au Canada. En ce qui concerne les ravageurs que nous avons déjà, les cultivateurs vous diront toujours que les autres pays disposent d'autres outils de protection qui ne sont pas offerts au Canada. En qui concerne l'accès aux phytoprotecteurs, nous recherchons toujours l'harmonisation, surtout avec les États-Unis. C'est quelque chose d'important pour nous, mais il faut aussi souligner que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a fait de l'excellent travail pour tenter de nous mettre au diapason d'autres pays, notamment par la diligence dont elle a fait montre quant à l'examen et l'approbation de nouveaux produits.

À l'Île-du-Prince-Édouard, le taupin est un gros problème. Il y a environ quatre ans, cet insecte a causé des pertes d'environ 7 millions de dollars. Nous avons beaucoup travaillé avec Agriculture Canada et avec les cultivateurs afin de trouver des solutions autres que des produits antiparasitaires. On cultive maintenant la moutarde à l'Île-du-Prince- Édouard. Une alternance avec la culture du sarrasin et d'autres types de cultures peut aider à garder les sols en santé et à éliminer le problème des taupins.

Aux États-Unis, on utilise un produit appelé « fipronil ». Hier, nous avions avec nous un chercheur d'Agriculture Canada de la Colombie-Britannique. Dans la salle, il y avait 200 agriculteurs qui recherchaient des solutions et réclamaient des mises à jour au sujet des recherches en cours. Le chercheur a affirmé que de très petites quantités de fipronil suffiraient assurément à éliminer le taupin, mais que ce produit n'est pas homologué au Canada. Il y a encore des inégalités à ce chapitre.

La gestion des éléments nutritifs est une question qui intéresse la plupart des agriculteurs et beaucoup d'entre eux se débrouillent bien à cet égard. Nous faisons aussi de la recherche dans ce domaine. Nous avons un programme qui, en anglais, s'appelle The Four Rs, qui pourrait se traduire par « les quatre B » pour « la bonne proportion du bon produit au bon endroit et au bon moment ». C'est quelque chose que nous avons commencé il y a environ deux ans. Nous cherchons à nous assurer que les cultivateurs n'utilisent pas trop de fertilisants afin d'éviter que les excédents se retrouvent dans les cours d'eau et ailleurs. Cet aspect fonctionne bien.

Nous avons aussi une initiative intégrée pour la durabilité de la lutte antiparasitaire. C'est McDonald's qui a commencé cela, aux États-Unis. Il s'agissait d'une initiative des actionnaires. Maintenant, tous les transformateurs qui approvisionnent McDonald's font partie de cela et nos cultivateurs ne sont pas en reste. Ils font chaque année une enquête sur la durabilité et un premier audit sera réalisé à cet égard cette année. Il s'agira d'évaluer toutes les pratiques — gestion des éléments nutritifs, lutte antiparasitaire, gestion de l'eau et toutes les autres choses de ce genre — qui peuvent aider les agriculteurs d'ici à se mettre au diapason.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais disons qu'il y a beaucoup d'initiatives en cours. La plupart des marchés d'exportation ne sont pas soumis à des conditions de la sorte, mais ce sont des choses qui comptent pour les fournisseurs nord-américains et qui sont importantes sur le plan de la durabilité.

Le sénateur McIntyre : Madame Ruddock, j'ai aussi trouvé votre exposé très intéressant. Certaines provinces ont bel et bien mis au point des programmes de mise en marché. « Taste of Nova Scotia » en est un exemple, et je note que ce programme a aussi une composante visant le développement du marché de l'exportation. Comme vous l'avez dit, il s'agit d'un programme qui est axé sur la promotion des produits alimentaires locaux, mais qui peut aussi tirer parti du développement de marchés à l'étranger. Je sais que vous avez dit un mot sur la question de l'accessibilité aux marchés d'exportation, mais j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur les problèmes qui se posent à vous lorsque vous tentez d'accéder aux marchés internationaux.

Mme Ruddock : Dans le secteur agroalimentaire néo-écossais, le principal enjeu à l'heure actuelle est de faire comprendre aux entreprises que l'exportation est très importante pour la durabilité de leurs produits et pour l'essor de leur organisation. C'est la raison pour laquelle j'affirmais tout à l'heure que le mouvement de soutien à l'achat local contribue certainement à donner aux entreprises cette fausse idée que les choses vont être aussi faciles partout dans le monde. Par exemple, dans le mandat central de la Société des alcools de la Nouvelle-Écosse, on peut lire en toutes lettres que la société appuiera l'industrie des boissons alcoolisées de la Nouvelle-Écosse. Essentiellement, il suffit que vous vous présentiez à la Société des alcools de la Nouvelle-Écosse avec une nouvelle boisson alcoolisée produite localement pour que votre produit se retrouve dans un de leurs magasins sinon dans chacun de leurs 115 magasins.

C'est un faux sentiment de sécurité en bonne et due forme, car nous savons que le monde ne fonctionne pas de la sorte. À l'heure actuelle, je crois que les entreprises doivent être informées de ce qui est à leur disposition pour les aider à grandir. Elles doivent en outre comprendre que c'est la voie qu'elles devraient adopter, car la Société des alcools de la Nouvelle-Écosse ne sera jamais en mesure d'acheter assez de vin et de spiritueux pour justifier ces millions de dollars d'investissement dans les distilleries et les fabriques de vin.

Je dirais que le premier défi pour ces entreprises et ces secteurs serait de se prévaloir des occasions qui se présentent à eux par l'intermédiaire d'organismes comme Agriculture et Agroalimentaire Canada et l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. Cette année, nous avons recherché des participants pour cinq initiatives internationales et certaines entreprises nous ont dit : « Non, pas cette année, nous ne sommes pas prêts. » Les entreprises doivent aussi comprendre que les marchés étrangers procèdent de cycles de vente de deux ans. Ce n'est pas comme si vous faites affaire avec la Société des alcools de la Nouvelle-Écosse où on vous donnera une commande livrable à l'entrepôt aux six semaines. Si l'entreprise n'est pas prête aujourd'hui, et qu'elle affirme qu'elle le sera peut- être dans un an, c'est maintenant qu'elle doit commencer à aller outre-mer ou aux États-Unis, selon son plan d'affaires. Je crois qu'il y a vraiment une occasion à saisir pour les PME, notamment pour les petites, et non pour Clearwater et McCain. Les PME croient vraiment que les choses fonctionnent partout ailleurs comme en Nouvelle-Écosse, ce qui n'est pas le cas.

Le sénateur McIntyre : Vos membres comptent des intervenants des secteurs de la production, de la transformation et de la vente au détail. Si j'ai bien compris votre présentation, la chaîne d'approvisionnement a besoin d'une meilleure coordination, ce qui nous donnerait un avantage en ce qui concerne le développement du marché de l'exportation. Est- ce exact?

Mme Ruddock : C'est exact, tout à fait exact. Cette coordination est vraiment nécessaire. À l'heure actuelle, il s'agit d'un empilage de couches. Ce n'est ni efficace ni efficient. Il nous faut travailler davantage les uns avec les autres et comprendre quel est notre objectif commun fondamental. Tout le monde a un rôle à jouer là-dedans.

Il y a énormément d'insécurité lorsque vous devez faire votre marque dans une situation économique difficile, comme c'est le cas maintenant. Nos formidables médias canadiens ne publient pas des tonnes de bonnes nouvelles. Chacun ressent de l'insécurité. Si je travaille avec eux, quelqu'un finit toujours par se demander : « Mais pourquoi a-t- elle besoin d'eux? » Quand vous identifiez clairement les rôles et les fonctions de chacun, ce genre de question disparaît, car tout le monde y trouve son compte.

Le sénateur McIntyre : La stratégie de la marque Canada est-elle utile à la commercialisation de vos produits à l'étranger?

Mme Ruddock : Elle l'est à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Oui, elle est très utile. Je ne sais pas où se trouve le Nouveau-Mexique aux États-Unis et je ne connais pas le nom des sept cantons suisses. Lorsque vous sortez de l'Amérique du Nord, il est important de le faire avec la marque Canada. Tout ce que nous faisons à l'extérieur de l'Amérique du Nord nous le faisons avec Nouvelle-Écosse, Canada. Bien entendu, Nouvelle-Écosse fait partie de notre nom. Nous ne décollons jamais de l'aéroport international d'Halifax sans le Canada.

Le sénateur McIntyre : Mes félicitations pour le beau travail que vous faites avec votre programme de mise en marché.

Mme Ruddock : Merci beaucoup.

La sénatrice Hubley : Merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous nous avez donné beaucoup de nouveaux renseignements et cela compte énormément pour nous.

Je vais m'adresser à Brenda, car je suis très proche de l'industrie de la pomme de terre. Voyez-vous, je suis native de l'Île-du-Prince-Édouard. J'aimerais revenir sur un point soulevé par le sénateur Mercer, nommément sur l'industrie de la pomme de terre de semence.

Pouvez-vous nous en dire plus long sur la vigueur de cette industrie? Il y a quelques années, à l'Île-du-Prince- Édouard, il y avait des phytogénéticiens qui travaillaient en étroite collaboration avec Cavendish Farms. Je crois qu'il y avait certaines souches, comme la Yukon Gold, qui étaient identifiées comme étant canadiennes. Je ne sais pas si la Yukon Gold a été mise au point à Fredericton ou pas. Il y a assurément eu des avancées au sein de l'industrie pour répondre aux besoins en matière de mise en marché. Je crois que nous sommes maintenant passés aux petites pommes de terre rouges, blanches et jaunes. Il y a peut-être une composante temporelle qui est associée à la mise au point de ces pommes de terre, mais il y a probablement aussi une demande de la part des consommateurs pour ce genre de produits.

Tout d'abord, pourriez-vous me dire quels sont les types de pommes de terre que l'industrie réclame à l'heure actuelle — y compris l'industrie de la pomme de terre —, notamment pour le marché de la frite. Vous avez fait naître le doute en moi lorsque vous avez dit que l'Écosse et la Hollande ont des pommes de terre de semence et qu'ils sont prêts à nous en donner à condition que nous ne les commercialisions pas. Je me demande si tous les autres pays qui participent aux industries du marché des semences se retrouvent dans une telle impasse. J'aimerais avoir une idée de la vigueur de l'industrie du marché des semences au Canada et du travail qu'elle ferait pour nous.

Mme Simmons : Je vais commencer par les exploitations semencières de l'Île-du-Prince-Édouard. L'Île-du-Prince- Édouard est l'endroit au Canada où il y a le plus d'acres de semences de pommes de terre. Nous avons de 20 à 24 p. 100 de tous les acres de pommes de terre de semence du Canada. Une bonne partie de notre marché est consacrée à faire pousser la prochaine récolte de pommes de terre destinées aux frites, à la consommation, et cetera. C'est un gros marché pour nous et c'est un marché relativement captif, ce qui est important.

J'ai parlé du recouvrement des coûts. Il fut un temps où tous les acres cultivés sur l'Île-du-Prince-Édouard étaient destinés à la culture des semences. Le fait d'utiliser les terres pour une si noble culture avait des effets très positifs sur la santé des végétaux. Les agriculteurs récoltaient quand même les pommes de terre les plus grosses aux fins de consommation et gardaient les semences pour la prochaine culture. Lorsque le recouvrement des coûts est entré dans l'équation, la note à payer était considérable. Les gens se disaient « je n'ai pas vraiment besoin de tous ces acres pour les semences, alors je vais diminuer ma production », une décision qui peut aussi comporter certains risques pour la santé des plantes et en matière de biosécurité. Quoi qu'il en soit, nous avons encore pas mal d'exploitations semencières et d'exploitants qui ont une longue feuille de route dans ce domaine. Nous estimons que les marchés des semences constituent un potentiel plus que considérable pour le Canada.

Nous collaborons étroitement avec les agriculteurs du Nouveau-Brunswick et de l'Alberta, parce que nous sommes les trois plus importantes régions pour les semences. Nous formons ensemble Pommes de terre Canada. Vous avez parlé de l'image de marque du Canada. C'est également très important pour les pommes de terre. L'industrie canadienne conjugue ses efforts au sein de Pommes de terre Canada pour essayer de repérer les marchés d'exportation et collabore en ce qui a trait aux semences. Nous devons composer avec le problème que j'ai mentionné, à savoir que nous n'avons pas de variétés canadiennes qui donnent de bons résultats dans les marchés d'exportation. Nous avons besoin de ces variétés pour que les gens se disent qu'ils peuvent seulement les avoir s'ils viennent au Canada.

Il n'y a pas seulement les Pays-Bas et l'Écosse. Il y a aussi l'Allemagne. La majorité des grands pays européens ont une tradition dans le domaine de la sélection des pommes de terre. Ils autorisent la culture de leurs variétés au Canada, mais ils restreignent également les marchés où nous pouvons exporter ces variétés protégées. Ils sont très heureux que nous cultivions leurs variétés en Amérique du Nord pour le marché nord-américain. La variété Rooster en est un bon exemple. Je ne sais pas si vous la connaissez. C'est une variété britannique. L'entreprise Griffin la cultive à l'Île-du- Prince-Édouard et l'exporte partout en Amérique du Nord. Cette variété est également cultivée en Idaho, et c'est une variété intéressante. Elle a fait l'objet de diverses promotions au Royaume-Uni. Nous pouvons la cultiver pour la consommation au pays, mais je ne pense pas que nous pouvons décider de l'exporter ailleurs. C'est important d'avoir un tel accès au pays, mais l'accès au marché international nous est souvent limité.

En ce qui a trait aux types de pommes de terre qui sont cultivées, vous avez raison; les pommes de terre de type Fingerling et les pommes de terre grelots ou les petites pommes de terre occupent maintenant une grande part du marché et représentent une part d'une grande valeur. Il est drôle de nous rappeler qu'il y a 15 ou 20 ans, il y avait une levée de boucliers contre les petites pommes de terre dans les réunions à Ottawa. Vous vous en souvenez probablement, sénateur Mockler. Nous ne voulions pas les voir dans le marché, parce que nous considérions qu'elles diminuaient la valeur des catégories Canada. La donne a vraiment changé. Ces pommes de terre grelots sont maintenant plus petites que celles qui faisaient l'objet de débats par le passé, mais elles occupent une place très importante dans le marché. Nous avons encore une fois des agriculteurs, en particulier, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Alberta qui se sont vraiment consacrés à la culture des pommes de terre grelots et de type Fingerling. Je crois que c'est merveilleux. C'est un produit qui peut être cuit beaucoup plus rapidement; c'est leur caractère pratique qui les rend attrayantes. Il y a vraiment beaucoup de variétés dans cette catégorie de pommes de terre, mais cela fonctionne.

Les pommes de terre rouges et jaunes ont beaucoup gagné en popularité dans les assiettes des Nord-Américains, et nous avons également consacré plus d'acres à ces pommes de terre au Canada. Je crois que les variétés de pommes de terre destinées à la transformation sont le pain et le beurre de l'industrie. Elles représentent 60 p. 100 du marché.

En ce qui concerne le remplacement de certaines variétés, la Russet Burbank arrive encore au premier rang au Canada. C'est une vieille variété qui a très bien su tenir le coup, mais elle a une longue saison de croissance. En ce qui a trait aux questions environnementales, nous ne pouvons pas récolter cette variété de pommes de terre avant la fin octobre, et nous ne pouvons pas avoir une culture de couverture aussi tard dans la saison. Les champs sont donc vulnérables au vent et à l'érosion du sol. Nous aimerions trouver une variété pour remplacer la Russet Burbank, et je crois que les transformateurs d'aliments sont du même avis.

Fredericton peut nous aider grandement par rapport aux questions relatives à la sélection, si nous travaillons encore plus étroitement que nous l'avons fait par le passé.

La sénatrice Hubley : Le ministre McIsaac est venu témoigner hier devant notre comité, et nous avons discuté un peu de la rotation des cultures. Il disait s'inquiéter que ce qui est cultivé après les pommes de terre ne soit pas aussi rentable pour les agriculteurs qu'il l'aurait souhaité. Je me demande si des travaux sont faits au sujet de la rotation des cultures. Il a même proposé de passer d'une rotation sur trois ans à une rotation sur quatre ans, ce qui n'est pas anodin. Je peux comprendre pourquoi certains pourraient être réticents à le faire.

Chemin faisant, nous devrons prendre des décisions difficiles en ce qui a trait à la qualité du sol et au maintien de cette qualité. En ce qui concerne les cultures qui sont actuellement incluses dans la rotation, des travaux sont-ils faits pour développer une culture différente ou une culture ayant une meilleure valeur? Pourriez-vous nous en donner une idée?

Mme Simmons : La question de la valeur est très difficile. Comme vous le savez probablement, nous avons cultivé du soja, et le maïs occupe maintenant une place plus importante dans notre rotation. Nous avons connu un énorme changement dans l'industrie bovine. Le secteur de l'élevage à l'Île-du-Prince-Édouard a connu un déclin en raison de la maladie de la vache folle et de la fermeture de l'usine de transformation du porc. Nous avons beaucoup moins de fumier et nous avons beaucoup moins besoin de cultures fourragères dans notre rotation pour alimenter le secteur de l'élevage. Le secteur laitier est encore très présent; nous en remercions le ciel. Notre système de production à l'Île-du- Prince-Édouard a connu d'énormes changements en relativement peu de temps, ce qui a représenté un défi pour les agriculteurs, parce qu'ils n'ont plus accès au fumier qui contribue notamment à la santé du sol.

Des travaux sont réalisés sur de nouvelles cultures, mais ces cultures apportent aussi leur lot de défis. Le marché d'exportation pour le soja est en croissance. Nous expédions nos produits de l'Île-du-Prince-Édouard à Taiwan en particulier, mais le soja peut entraîner la prolifération de pourriture sclérotique, soit une maladie. Cette culture peut également avoir plus de conséquences sur la matière organique que les cultures fourragères, étant donné que les cultures fourragères sont un endroit de prédilection pour les vers fil-de-fer. Cela veut donc dire qu'ensuite nous créons l'environnement par excellence pour les vers fil-de-fer, parce que nous avons des cultures fourragères qui sont bénéfiques pour la santé du sol.

Des recherches sont réalisées sur de nouvelles cultures, mais ces cultures visent en gros à contribuer à la santé du sol, mais pas nécessairement à la santé économique de la ferme. Il est vrai que la moutarde sera utile pour lutter contre les vers fil-de-fer et peut-être également la verticilliose et les nématodes, mais ce n'est pas une culture qui générera de la richesse. Cependant, si un agriculteur peut récolter de 15 à 20 quintaux de plus par acre, parce que cette culture est incluse dans sa rotation, c'est quelque chose dont nous devons également tenir compte.

Actuellement, nous concentrons davantage nos efforts sur la santé du sol et nous cherchons à comprendre la manière dont cela influe sur la productivité de la culture de la pomme de terre. Nous restons également à l'affût d'une culture rentable à inclure dans notre rotation, mais ce n'est pas facile. Certaines fermes adoptent des rotations sur quatre ans, mais je suis d'avis que les agriculteurs doivent décider par eux-mêmes de le faire lorsqu'ils en voient l'avantage. Nous avons une loi qui prévoit qu'un agriculteur ne peut pas cultiver la pomme de terre plus d'une fois tous les trois ans. Cela fonctionne bien dans certaines régions, tandis que des agriculteurs d'autres régions ont l'impression qu'ils pourraient cultiver la pomme de terre deux fois tous les cinq ans, par exemple. Nous avons examiné hier des études du Maine sur la rotation. De nombreuses fermes de cet État adoptent une rotation sur deux ans. Au Michigan, c'est également une rotation sur deux ans. Nous devons faire concurrence à des agriculteurs qui adoptent des rotations plus courtes, mais nous devons faire attention à la santé de notre propre sol. Bref, la majorité des agriculteurs adoptent actuellement une rotation sur trois ans.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

Le sénateur Oh : Croyez-vous que les médias canadiens appuient vos secteurs de l'industrie alimentaire? Nous ne voyons pas vraiment de bonnes nouvelles dans les médias dans les temps qui courent. Les médias vous appuient-ils jusqu'à maintenant ou la situation s'est-elle améliorée?

Mme Ruddock : Les médias dans le monde doivent actuellement composer avec plusieurs défis différents, et ils ont 141 caractères pour diffuser leurs nouvelles. Je ne dirais pas qu'ils sont un atout actuellement pour les affaires et l'économie au Canada. Ils pourraient vraiment l'être, mais j'ai constaté une légère amélioration. Je dois vraiment avouer que la situation s'est un peu améliorée, mais les médias sociaux ont pris le dessus. Sur les médias sociaux, les gens ne font qu'attendre les nouvelles négatives pour donner leur opinion. Malheureusement, cela se fait vite, et cela se fait plus vite qu'à l'époque des médias papier. À l'époque, si je n'aimais pas le commentaire, j'écrivais une lettre à l'éditeur qui était publiée trois jours plus tard. Maintenant, cela ne prend que 30 secondes, et les gens ont l'impression d'avoir le droit de donner leur opinion. Nous paraissons très brillants lorsque nous avons des opinions contraires.

Il ne fait aucun doute que c'est actuellement très complexe avec les médias. De mon point de vue, je ne les vois pas pour l'instant comme l'atout qu'ils pourraient être. Il y a une solution politique.

Mme Simmons : Je suis d'accord avec ce que vous dites. Je trouve cela intéressant de mon point de vue. Les médias locaux ont tendance à être relativement négatifs à l'endroit des grandes industries dans la province. Dans notre cas, c'est la pomme de terre. À cause des médias sociaux et de quelques groupes d'activistes, vous pouvez avoir une opinion assez négative dans les médias locaux de ce qui se passe sur les fermes. J'ai écouté les nouvelles nationales hier soir, et il y avait un reportage sur un nouveau piège pour attraper les taupins adultes, qui découlait de notre petit atelier d'hier sur les vers fil-de-fer. Cette histoire positive a fait les manchettes nationales. Cela a permis de montrer ce que nous essayons de faire plus globalement au lieu de nous rabattre seulement sur les produits chimiques. Cela semblera injuste, mais les médias à l'extérieur de l'Île-du-Prince-Édouard sont généralement plus sympathiques à notre endroit que ceux de notre province. Dans notre région, nous avons tendance à mettre l'accent sur les petits problèmes, et cela rend le tout difficile.

Je ne sais pas si vous en êtes au courant, mais notre industrie a été victime en 2014 d'une terrible attaque qui a porté atteinte à l'intégrité de ses produits. Des individus ont inséré des aiguilles dans des pommes de terre. Six ou sept fermes ont trouvé des aiguilles. Les médias ont été bons à notre endroit dans cette situation; ils ont rapporté de manière relativement responsable l'information, mais ils se sont un peu emballés lorsque des gens ont affirmé avoir trouvé des choses dans des pommes de terre qui ne provenaient pas de l'Île-du-Prince-Édouard. Je ne sais même pas où cela s'est produit, mais cela semblait renforcer cette histoire. Je dois dire que dans cette histoire, la couverture médiatique était décente et que les médias se sont montrés sensibles à l'égard des fermes touchées.

Le sénateur Oh : Utilisez-vous toutes les deux beaucoup les médias sociaux pour créer et promouvoir une meilleure image de votre industrie?

Mme Ruddock : Oui. Nous le faisons assurément. Nous les utilisons de manière très positive. Tous les comptes de médias sociaux de notre organisme font la promotion de nos réussites commerciales et de celles de nos membres en vue d'essayer de nous faire connaître. Nous diffusons un bon nombre de communiqués. Nous avons un média en Nouvelle- Écosse qui prend nos communiqués et qui les réécrit. Je ne sais même pas si ce sont les mêmes. Notre nom apparaît, mais ce ne sont vraiment pas les communiqués que nous leur envoyons. C'est véritablement un profond exercice sur la manière dont les médias prennent une nouvelle pour lui donner un côté plus sensationnaliste ou négatif qu'elle l'est réellement.

Nous essayons de le faire. Nous essayons de gérer le message. Les médias creusent profondément pour trouver des choses. Ils s'imaginent que nous essayons de dire quelque chose de positif lorsque ce ne l'est pas, ce qui est absolument faux.

Mme Simmons : Je suis d'accord. Nous utilisons également davantage les médias sociaux, et nos publications visent principalement les consommateurs nord-américains et non ceux ailleurs dans le monde. Je n'utilise pas Facebook. Je suis un véritable dinosaure, mais notre organisme a une page Facebook. Nous expédions davantage nos produits dans l'Ouest canadien, par exemple. Sur notre page Facebook, nous publions les endroits où les consommateurs peuvent acheter des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard lorsqu'il y en a aux magasins Calgary Co-op, par exemple. Nous publions l'information. Je trouve impressionnant l'effet multiplicateur des partages sur les diverses plateformes qui se traduit par une hausse des ventes.

En ce qui concerne les questions environnementales et les enjeux propres à notre province, nous devons redoubler d'efforts. Nous devons obtenir de meilleurs résultats. Nous essayons de nous améliorer à mesure que nous avançons. Je crois que les médias peuvent être utiles, mais il y a un angle qui ne nous plaît pas nécessairement toujours, comme le prouve l'expérience de Janice.

Le sénateur Oh : Vous avez mentionné plus tôt que vous expédiiez des pommes de terre en Indonésie et que cela prenait 40 jours. Il y a une énorme usine de fabrication de croustilles dans le nord-est de la Chine. Y expédiez-vous quelque chose à partir d'ici?

Mme Simmons : Nous n'expédions pas nos produits en Chine. Le Canada a été le premier pays à signer une entente d'accès pour les pommes de terre avec la Chine, mais cette entente vise seulement les minitubercules, soit en gros les pommes de terre produites dans des laboratoires ou des serres. Il s'agit d'une production sans terre. Nous n'avons pas accès pour l'instant au marché chinois en ce qui a trait aux pommes de terre fraîches.

Nous expédions des pommes de terre servant à la fabrication de croustilles à Hong Kong, mais pas en Chine continentale.

Le sénateur Oh : Ce n'est pas directement en Chine continentale.

Mme Simmons : Non. Nous ne pouvons pas du tout le faire en Chine même.

Le sénateur Oh : Savez-vous si des négociations sont en cours à ce sujet?

Mme Simmons : Pas à ce que je sache. C'est un énorme marché. Nous avons notamment participé au Congrès mondial de la pomme de terre qui s'est déroulé en Chine l'été dernier. La quantité de travail qui est fait quant aux produits de consommation à base de pommes de terre était apparemment époustouflante. Je n'y suis pas allée, mais notre directeur général y a été. Nous aimerions exporter des pommes de terre fraîches à Harbin et ailleurs.

Le sénateur Oh : C'est intéressant. J'ai une dernière question.

En supposant la ratification du PTP, Affaires mondiales Canada dit que cela entraînera « l'élimination des droits tarifaires et l'amélioration de l'accès aux marchés pour l'agriculture canadienne au sein du PTP ». L'industrie est-elle prête à percer ces marchés, outre le Japon, la Malaisie et le Vietnam?

Mme Simmons : Nous avons eu une présentation la semaine dernière à Ottawa sur le PTP en ce qui a trait aux pommes de terre. Vous avez raison; les droits tarifaires seront réduits, mais n'empêche qu'il faut avoir une entente d'accès qui répond aux inquiétudes phytosanitaires que ces pays peuvent avoir au sujet des pommes de terre avant de pouvoir en expédier. Nous attendrons de prendre connaissance du texte dès que nous le pourrons, mais il y aura tout de même une autre étape à franchir avant d'avoir accès à certains de ces marchés. Je crois que nous avons actuellement accès au marché malaisien. Nous essayons déjà d'y vendre nos produits. Je crois que c'est une bonne chose.

Le sénateur Oh : Parfait. Merci.

Le sénateur Mockler : Je vous félicite toutes les deux. J'ai trouvé rafraîchissante l'information dont vous nous avez fait part. J'ai quatre ou cinq questions.

Pour ce qui est des pommes de terre de semence, nos principaux concurrents sont sans doute les Pays-Bas qui sont encore bien présents sur les marchés mondiaux.

Mme Simmons : Effectivement.

Le sénateur Mockler : Cela étant dit, j'aimerais revenir au sujet que le sénateur Oh vient d'aborder. Je veux parler du secteur en pleine croissance des minitubercules. Qui est le chef de file de cette industrie actuellement? Au bénéfice des gens ici présents et des membres du comité, pourriez-vous nous expliquer ce que sont ces minitubercules et comment ils sont cultivés? Dans le contexte de notre volonté de pénétrer le marché chinois ou même celui des pays du Partenariat transpacifique, il faut dire que le Canada conserve une bonne réputation à titre de producteur de minitubercules en laboratoire.

Mme Simmons : Je ne m'y connais pas très bien en production de semences de première génération. Il y a parmi mes collègues des gens qui s'occupent de ces questions. Le Conseil de la pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard est propriétaire d'une ferme à Fox Island dans l'ouest de la province. C'est un système fermé. Nous débutons avec des plantules d'une certaine variété que nous multiplions. Nous plaçons ensuite ces plantules dans un abri grillagé ou dans une serre pour qu'elles produisent des minitubercules. Ceux-ci ont un peu l'apparence des grelots que l'on peut voir au marché, mais il s'agit en fait de pommes de terre de semence de grande qualité cultivées dans cet environnement protégé. Nous les produisons à l'Île-du-Prince-Édouard principalement pour notre propre usage. C'est la première étape de notre système de production de semences.

Il y a au Nouveau-Brunswick une grande usine de production de minitubercules. La Chine autorise l'importation de ces minitubercules. Je ne crois pas qu'il y ait un autre pays qui ait accès au marché chinois pour la vente de pommes de terre fraîches. C'est un marché qui offre des perspectives immenses, mais nous devons y avoir accès pour pouvoir l'exploiter.

Le sénateur Terry Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.

Le sénateur Mockler : Si l'on s'intéresse non seulement à vos minitubercules mais aussi à ce qui se passe dans les champs, comment nous tirons-nous d'affaire? Le sénateur Mercer y a déjà fait allusion, mais pourriez-vous nous dire comment vous interagissez avec les autres régions productrices de pommes de terre au Canada pour la mise en commun des pratiques les plus efficaces, notamment du point de vue technologique?

Mme Simmons : Il y a une collaboration étroite entre les régions du pays dans le cadre du Conseil canadien de la pomme de terre. Toutes les régions productrices y sont représentées à l'exception de Terre-Neuve. Il y a donc coopération à l'échelle nationale dans le domaine de la recherche.

Il y a environ cinq ans, nous avons élaboré la toute première stratégie canadienne en matière de recherche sur la pomme de terre. C'était le fruit d'une collaboration entre les organisations de producteurs, mais des entreprises comme McCain ont aussi contribué à cet effort. Cette stratégie nous a été vraiment bénéfique. Comme les ressources financières sont de plus en plus rares et difficiles à mobiliser, nous avons investi ensemble dans les secteurs que nous considérions comme des priorités nationales. Nous nous sommes également assurés de communiquer à tous les autres les pratiques en usage dans nos provinces respectives. À titre d'exemple, si les Manitobains sont aux prises avec un problème que nous avons déjà eu à combattre à l'Île-du-Prince-Édouard, ils peuvent nous appeler pour savoir comment nous nous en sommes sortis. L'autre province n'est pas ainsi obligée de recommencer tout le processus du début. Elle peut considérer les mesures prises ailleurs et les adapter à sa propre situation. Ce serait la même chose pour nous si nous avions un problème de ravageurs ayant déjà touché l'Alberta, par exemple. Nous voudrions savoir ce qu'ils ont fait pour s'en débarrasser. Partout au pays, il y a une grande volonté de mettre ainsi en commun les capacités de recherche et les connaissances touchant la pomme de terre. Cette stratégie a eu selon moi des retombées très positives au cours des cinq ou six dernières années, et le programme des grappes agroscientifiques d'Agriculture Canada y a également contribué.

Le sénateur Mockler : Pour ce qui est de ce programme de grappes, pourriez-vous nous donner le classement des différentes régions quant à la superficie cultivée?

Mme Simmons : L'Île-du-Prince-Édouard produit 24 ou 25 p. 100 des pommes de terre cultivées au Canada. Je vais sans doute échouer votre test, mais je crois que la province suivante est le Manitoba. On retrouverait ensuite l'Alberta, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique.

Le sénateur Mockler : J'ai fait ce matin au restaurant ce que je fais toujours lorsque je suis en déplacement. Si les pommes de terre ne viennent pas du Nouveau-Brunswick, je me tourne vers celles de l'Île-du-Prince-Édouard, plutôt que d'aller vers l'Idaho.

Mme Simmons : Nous vous en sommes reconnaissants.

Le sénateur Mockler : Je n'oublie pas la Nouvelle-Écosse, Janice. J'allais en parler.

La sénatrice Hubley : J'aimerais m'adresser à Janice. Lors de notre séance d'hier, nous avons posé plusieurs questions concernant les fermes biologiques et les produits biologiques. On nous a notamment indiqué que les gens semblaient vouloir se tourner davantage vers les marchés publics pour acheter leurs fruits et légumes frais et rencontrer les producteurs, et que les produits biologiques étaient peut-être moins en demande qu'auparavant. J'ai été quelque peu décontenancée de vous entendre dire que les programmes d'achat local créent une fausse impression de sécurité.

J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous vouliez dire exactement par là. Est-ce que les efforts que vous déployez peuvent ouvrir de nouvelles possibilités aux petits exploitants qui ont atteint leur zone de confort quant au niveau de production, ou bien devraient-ils continuer à essayer d'écouler leurs produits via des mécanismes comme les marchés publics?

Mme Ruddock : Quand je parlais d'une fausse impression de sécurité, c'était davantage dans le contexte d'une volonté de croissance de l'entreprise. Sans parler d'efficience, les programmes de sensibilisation à l'achat local comme Select Nova Scotia sont certes beaucoup plus propices à l'augmentation des ventes dans les marchés publics et, par le fait même, à la croissance des entreprises. Les choses ne sont toutefois pas toujours aussi simples; il ne suffit pas nécessairement de connaître du succès sur le marché local pour pouvoir viser une croissance de son entreprise. Je pense notamment à l'un de ces exploitants qui exprimait sa façon de voir les choses quant au développement de ses marchés. Il croyait sincèrement que le cycle des ventes serait aussi court en Nouvelle-Écosse qu'en Suède. L'achat local lui a donc donné une fausse impression quant au fonctionnement des marchés. Il se disait qu'il avait un excellent produit s'appuyant sur une bonne histoire de réussite, et qu'il allait le vendre à Stockholm. Il a dû toutefois se rendre à l'évidence. Il s'agissait effectivement d'une bonne histoire et d'un excellent produit pour la province de la Nouvelle- Écosse, mais Stockholm est inondé de milliers de ses histoires de réussite et de ses produits formidables. Il est bien certain qu'il faut acquérir des compétences plus poussées. Ce ne sera pas nécessairement chose facile. C'est la raison pour laquelle je parlais d'une fausse impression de sécurité. Quelle était l'autre partie de votre question?

La sénatrice Hubbley : C'est à peu près tout. Je voulais seulement que ce soit bien clair, car je crois que la plupart des provinces ont un programme d'achat local. Selon moi, c'est une considération vraiment importante, car les consommateurs sont désormais bien sensibilisés à la question. Nous en sommes arrivés à vouloir acheter d'abord auprès des producteurs locaux puis, de ceux du Nouveau-Brunswick et, sinon, des autres provinces canadiennes. C'est une progression que nous suivons. J'estime que ces programmes ont produit de bons résultats.

Mme Ruddock : Certainement. Pour revenir à votre question de tout à l'heure, je crois que vous vouliez aussi savoir ce que nous faisions pour les entreprises en croissance. Ces entreprises prennent de l'expansion grâce au système canadien des marchés de producteurs. La demande pour leurs produits augmente. Je pense notamment à une entreprise de Mahone Bay qui écoulait d'abord ses produits sur les marchés publics. C'était un très beau produit, bien emballé et avec une belle étiquette.

Dans le cadre de l'une de nos initiatives, cette entreprise a pu participer à un coût minime à une foire commerciale dans le Canada central. Elle a ainsi pu se faire une idée de la forme que les choses pourraient prendre si elle s'attaquait à un plus grand marché. On a pu discuter avec des acheteurs de plus grande envergure pour connaître leurs besoins. L'exploitant a été très reconnaissant de l'occasion que nous lui avons offerte, car il était désormais mieux à même de savoir comment s'y prendre pour développer son entreprise.

Nous avons des mécanismes pour les aider à aller de l'avant. C'est toujours un peu la même chose lorsqu'une entreprise prend son envol. On teste la viabilité d'un produit dans le système des marchés publics ou auprès des petits détaillants. On peut ensuite adhérer à un programme comme Taste of Nova Scotia et commencer à tirer parti de débouchés plus importants à l'extérieur du pays ou ailleurs au Canada.

La sénatrice Hubbley : Je voulais seulement préciser que les chanteurs de l'Île-du-Prince-Édouard sont excellents. Je veux que tout le monde sache bien que je m'insurge contre une telle affirmation. Je connais la plupart de ces chanteurs et j'espère qu'ils n'ont pas été blessés par cette remarque.

Le vice-président : Mais ils sont encore bien meilleurs lorsque vous les accompagnez au violon, sénatrice Hubbley.

La sénatrice Hubbley : C'est bien vrai.

Le vice-président : Il nous reste du temps pour deux ou trois autres questions.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Simmons, dans votre mémoire, vous avez parlé d'une petite exportation en Russie, de près de 7 millions de dollars. Est-ce récurrent ou est-ce ponctuel?

[Traduction]

Mme Simmons : La Russie est un marché qui peut être intéressant à l'occasion. Il arrive que nous y trouvions des débouchés et nous avons la capacité excédentaire pour en bénéficier. En 2010-2011, les Russes ont vécu une situation terrible notamment attribuable à une sécheresse. Ils ont alors importé des pommes de terre d'un peu partout dans le monde. Nous en avons exporté pour une valeur d'environ 7 millions de dollars. Nous y vendons nos produits depuis quelques années, parfois en quantité moindre. En 2013-2014, nos exportations se chiffraient à quelque 2 millions de dollars. C'est un marché où la demande peut fluctuer, mais il est maintenant complètement fermé en raison de la situation en Ukraine.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'ai une question sur un autre élément qui m'a surpris dans votre témoignage. Nous avons la vache canadienne, le cheval canadien et la poule canadienne, mais nous n'avons pas la pomme de terre canadienne. D'où vient la première pomme de terre canadienne?

[Traduction]

Mme Simmons : Si c'est bien ce que vous voulez savoir, nous avons une organisation, Pommes de terre Canada, qui fait la promotion des produits canadiens à l'échelle internationale. C'est une très petite organisation qui bénéficie du financement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. C'était environ 200 000 $ pour une période de trois ans. Nous avons malheureusement passé une année complète sans financement. Nous avons attendu de 9 à 10 mois pour que notre projet soit évalué et nous n'avons appris que la semaine dernière qu'il était approuvé. Nous allons donc poursuivre nos efforts pendant trois années encore. Est-ce bien ce que vous souhaitiez savoir?

[Français]

Le sénateur Maltais : C'est qu'il faut se rappeler que, dans l'histoire, la pomme de terre provient de l'Amérique, et non pas de l'Europe ou d'autres pays. Elle provient de l'Amérique du Sud et du Nord. Donc, il doit y avoir une particularité de la pomme de terre canadienne qui provient de l'Amérique.

[Traduction]

Mme Simmons : Les pommes de terre proviennent à l'origine du Pérou. Elles ont été transplantées en Europe, et c'est sur ce continent que leur culture a surtout pris de l'expansion. Elles ont par la suite fait le voyage de l'Europe vers l'Amérique du Nord.

Nous avons effectivement une longue histoire de production de la pomme de terre. Nous en exportons dans différents pays du monde depuis plus de 80 ans, notamment en échange de rhum pour ce qui est des Antilles, ce qui n'est pas une mauvaise affaire. Ce n'est donc pas d'hier que nous cultivons des pommes de terre au Canada.

Nos hivers sont généralement froids, ce qui est une très bonne chose du point de vue sanitaire. Comme le gel a raison des ravageurs, le cycle de plusieurs maladies est rompu.

Cela fait partie des avantages dont profite le Canada. Il arrive que nos amis albertains s'appuient sur ce concept de vigueur nordique pour commercialiser leurs produits. C'est même leur marque de commerce : « Northern Vigor ». Je crois que le Canada a assurément des particularités à offrir sur le marché mondial de la pomme de terre. Nous devons capitaliser sur ces éléments qui nous distinguent.

Nous accueillons à l'Île-du-Prince-Édouard des délégations qui aiment nous visiter pendant l'été pour voir en pleine période de croissance les pommes de terre qu'elles vont importer dans leurs pays respectifs. Ces gens-là sont toutefois toujours un peu étonnés lorsqu'on leur présente une vidéo montrant de quoi notre pays a l'air en hiver. Ils sont conscients du fait que nos températures froides ont l'avantage de briser les cycles des maladies.

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup.

Le vice-président : Ils ne viennent pas ici pour regarder pousser nos pommes de terre. Ils viennent pour les plages et les terrains de golf; c'est simplement que leur visite coïncide avec la saison des patates.

Mme Simmons : Nous essayons également de leur laisser du temps libre pour tout cela.

Le vice-président : Le sénateur Mockler, président sortant de ce comité, va conclure cette portion de notre séance avec quelques brèves questions.

Le sénateur Mockler : J'ai trois questions très courtes.

J'ai noté que vous n'aviez pas parlé de nos troisièmes partenaires, les Mexicains.

J'aimerais que vous nous entreteniez également toutes les deux des difficultés que nous connaissons avec les travailleurs étrangers temporaires.

Enfin, je voudrais bien savoir comment notre industrie réussit à s'adapter à la diversification de la demande alimentaire, notamment en provenance des nouveaux immigrants canadiens.

Mme Simmons : Je vais parler d'abord de la situation du Mexique. Ce pays était autrefois un marché important pour nos pommes de terre de semence. Je dirais qu'autour de 2006-2007, la région de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick était sans doute celle qui exportait le plus de pommes de terre de semence vers le Mexique. C'était donc un marché vraiment intéressant pour nous. Nous prenions de l'ampleur, et j'ai l'impression que c'est justement pour cette raison, pour dire les choses bien franchement, que l'on a voulu limiter ces importations. Les inspections sont devenues plus rigoureuses.

Les producteurs de l'Ouest canadien ont pris la relève sur ce marché et obtenu de bons résultats pendant un certain nombre d'années. Depuis deux ans, il n'y a eu aucune exportation canadienne vers le Mexique, même si les conditions sont toujours en place pour ce faire. Pour tout dire, les négociations avec les Mexicains deviennent extrêmement difficiles, ce qui est déplorable.

Il y a également des débouchés pour les pommes de terre de consommation au Mexique. Nous pourrions les exploiter de façon rentable par la voie maritime, mais nous n'avons pas non plus accès à ce marché pour l'instant.

Nous surveillons de près la situation au Mexique, car c'est un marché de grande taille. On y importe de grandes quantités de pommes de terre des États-Unis. L'importation n'est autorisée que dans un rayon de 50 kilomètres à l'intérieur de la frontière. C'est la limite fixée pour l'importation de pommes de terre de consommation.

Le Mexique est bien évidemment un marché de proximité plus facilement accessible aux Américains, mais nous voudrions tout de même accroître nos échanges avec ce pays. C'est simplement que les coûts sont devenus prohibitifs. Les Mexicains doivent venir au Canada à trois reprises. Ils envoient leurs inspecteurs et c'est l'exportateur canadien qui paie la note. Il y a ensuite des tests à effectuer, tout cela sans aucune garantie.

Je ne suis pas une spécialiste de la problématique des travailleurs étrangers temporaires. Je peux toutefois vous dire qu'il en a été beaucoup question la semaine dernière au Conseil canadien de l'horticulture. Nos fermes sont de plus en plus nombreuses à faire appel à des travailleurs étrangers. Je sais que cela remonte à plus longtemps encore en Nouvelle-Écosse. Il y a un sous-programme, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, qui semble faire l'objet de moins de restrictions que le Programme des travailleurs étrangers temporaires dont les usines de transformation du poisson souhaiteraient bien pouvoir bénéficier. Il est toujours difficile de trouver de la main- d'œuvre, mais il y en a davantage actuellement dans la foulée de la crise pétrolière qui touche l'Alberta. Les entreprises de camionnage faisaient venir des conducteurs étrangers. Lors d'une rencontre il y a quelques semaines, on nous a dit qu'il n'y avait jamais eu autant de main-d'œuvre disponible, car des conducteurs du Canada atlantique rentrent de l'Ouest avec tout un bagage de qualifications. La pénurie de main-d'œuvre s'est donc temporairement atténuée. Reste quand même que les exploitations agricoles ont de plus en plus besoin de travailleurs saisonniers.

Mme Ruddock : Et l'offre de produits alimentaires diversifiée pour les immigrants.

Mme Simmons : Oh, merci beaucoup. C'est une excellente occasion de commercialisation.

Les pommes de terre font partie du régime alimentaire dans bien des pays du monde. Il y a dans le centre de l'Ontario une chaîne de magasins d'alimentation, T&T, dont Loblaws a fait l'acquisition. Nous les avons approchés pour voir s'il était possible de faire la promotion de nos pommes de terre au moyen d'un affichage dans différentes langues. Nous estimons les perspectives très intéressantes. C'est un marché que nous souhaiterions assurément exploiter davantage.

Mme Ruddock : Je ne vais pas vous parler du Mexique, car les membres de Taste of Nova Scotia se sont intéressés de près à ce marché il y a une douzaine d'années sans toutefois donner suite à ces efforts. Pour toutes sortes de raisons, le Mexique n'est tout simplement pas devenu pour nous un important partenaire commercial. Aucun de nos membres ne nous pose de questions au sujet des perspectives pour ce marché. Personne n'exprime sa volonté d'en faire davantage sur ce plan.

Pour ce qui est du Programme des travailleurs étrangers temporaires, je vous dirais que l'accès à une main-d'œuvre spécialisée capable d'accomplir le travail est l'un des principaux enjeux pour tous nos membres. Nous devons explorer toutes les possibilités qui s'offrent à nous pour atténuer ce problème qui risque d'inhiber leur croissance et leurs chances de réussite. Nous savons que le Programme des travailleurs étrangers temporaires a fait la manchette en raison de ce dossier dans l'Ouest canadien où l'on a fait appel à des étrangers pour travailler dans un McDonald. Il n'en demeure pas moins qu'il est difficile de trouver de la main-d'œuvre peu spécialisée. Nous devons chercher une solution.

Le sénateur Mockler : Pourriez-vous nous dire quelle est la durée d'emploi des travailleurs étrangers dans le Canada atlantique et combien d'heures ils travaillent chaque semaine?

Mme Ruddock : Je ne suis pas au courant de ces détails.

Le vice-président : Merci beaucoup, madame Ruddock.

Un grand merci également à Mme Simmons. J'ai l'impression que je suis toujours en train de remercier une Simmons. Comme c'est le nom de famille de ma femme, c'est un peu mon lot dans la vie. Merci de votre présence et de vos exposés très intéressants.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

Le président : Pour la deuxième partie de notre réunion, nous accueillons à nouveau un groupe d'excellents témoins. Nous allons discuter de la commercialisation des bleuets.

Nous recevons donc M. Homer Woodward, membre du conseil d'administration de l'Association des bleuets sauvages de l'Amérique du Nord; M. Jim Baillie, directeur de l'Association des producteurs de bleuets sauvages de la Nouvelle-Écosse; et M. Murray Tweedie, président de Bleuets Nouveau-Brunswick.

Sont également des nôtres à titre de représentants de l'Agence des producteurs de canneberges du Nouveau- Brunswick, MM. Gerald Richard. président; Graeme Jones, vice-président; et Melvin Goodland, membre du conseil d'administration.

Bienvenue à tous.

Qui commence? Monsieur Woodward?

Homer Woodward, membre du conseil d'administration, Association des bleuets sauvages de l'Amérique du Nord : Oui, merci. Je tiens à remercier les honorables sénateurs ici présents de bien vouloir prendre le temps de nous écouter pour en apprendre un peu plus au sujet de l'industrie du bleuet sauvage au Canada.

On cultive le bleuet sauvage dans la partie nord-est de l'Amérique du Nord, soit principalement au Nouveau- Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Québec, à Terre-Neuve et dans l'État du Maine.

L'origine du bleuet à feuilles étroites ou Vaccinium angustifolium remonte à plus de 10 000 ans. C'est une espèce indigène du nord-est de l'Amérique du Nord. Les membres des Premières Nations ont été les premiers à s'intéresser aux bleuets lors de leurs activités traditionnelles de cueillette. Les colons européens ont ensuite intégré progressivement le bleuet sauvage à leur alimentation.

Dans le Maine, on a commencé la mise en conserve des bleuets dès les années 1800, et des agents ont acheté des bleuets sauvages un peu partout au Canada à compter des années 1900.

Aux alentours de 1950, la congélation est devenue le mode de préservation des fruits et des légumes en vue de leur consommation future. C'est également pendant les années 1950 que les producteurs de bleuets ont commencé à cultiver leurs terres en utilisant des méthodes modernes de gestion agricole.

Les premières ventes outre-mer remontent aux années 1970, et c'était à destination de l'Allemagne. La production de bleuets sauvages a connu une très forte croissance au cours des 30 dernières années. En 1980, elle se chiffrait à 40 millions de livres pour l'ensemble de l'industrie. En 2014, nous avons acheminé sur les marchés quelque 325 millions de livres de bleuets sauvages.

Plus de 98 p. 100 des bleuets sont congelés au moment de leur récolte. Ils servent principalement à la fabrication d'aliments en vue du développement d'un marché de détail. Plus de 90 p. 100 des bleuets sauvages canadiens sont exportés dans 28 pays différents.

Outre quelques exportations, la majorité de la production du Maine est destinée au marché américain intérieur; le Canada est le champion pour ce qui est de l'exportation des bleuets.

Au cours des trois dernières années... je ne vous donnerai pas la production de chaque province, mais en 2013, la récolte globale de bleuets sauvages se situait à 213,5 millions de livres. En 2014, elle était de l'ordre de 326,1 millions de livres. En 2015, c'était de 302 millions. Essentiellement, au cours des deux dernières années, nous avons eu trois récoltes, ce qui a posé tout un défi pour les gens responsables de la commercialisation.

L'Association des bleuets sauvages de l'Amérique du Nord a été créée en 1981 par les transformateurs et les producteurs, avec le soutien des organismes gouvernementaux. Il y a des organisations parallèles aux États-Unis et au Canada qui participent aux efforts de commercialisation afin de faire la promotion des bleuets sauvages à l'échelle mondiale et qui assurent l'administration de certains programmes de commercialisation internationale.

Le rôle de l'association consiste à faire connaître les bleuets sauvages à l'échelle internationale et à fournir une tribune de communication pour les producteurs, leur permettant ainsi de faire des comparaisons. L'association participe à l'élaboration et à la gestion de stratégies de commercialisation et de promotion internationales et favorise les recherches dans le domaine de la santé, qui sont un enjeu critique pour ce qui est de nos efforts de promotion.

Nous soulignons la qualité des ingrédients et la valeur des bleuets sauvages par rapport à notre concurrence, en mettant l'accent sur les bienfaits pour la santé de notre produit, qui constitue désormais un ingrédient de spécialité.

Nous ciblons les relations commerciales et des activités précises telles que les foires alimentaires, les salons d'aliments santé, la recherche dans le domaine de la santé et les colloques de recherche. Nous sommes à l'écoute de nos clients, nous désignons des agences dans d'autres pays pour nous représenter et faire la promotion des bleuets sauvages, et nous écoutons les experts qui nous aident à présenter notre produit aux consommateurs de la meilleure façon possible. Nous évaluons les nouveaux marchés et nous accordons un soutien en permanence aux efforts visant à faire connaître les bienfaits pour la santé de notre produit.

Voici un exemple qui illustre notre réussite au fil des ans : en 2010, nous vendions 64 produits différents qui contenaient des bleuets sauvages en Allemagne. En 2014, nous en vendions 357 dans ce même pays.

Nous comptons 10 marchés d'exportation principaux, dont le premier est les États-Unis, suivi par l'Allemagne, le Japon, les Pays-Bas, la France, la Chine, le Royaume-Uni, la Belgique et, plus récemment, la Corée du Sud. En 2014, les exportations canadiennes, totalisant 130 millions de livres, étaient destinées à ces 10 principaux importateurs.

Jusqu'à 90 p. 100 de la récolte canadienne de bleuets sauvages est exportée chaque année. Le marché intérieur concerne les aliments congelés, les produits boulangers et les services alimentaires. Sans bouder le marché intérieur, nous savons que nous devons regarder plus loin pour être en mesure d'écouler notre production.

Notre plan stratégique pour les trois prochaines années est le suivant : tout d'abord, une meilleure exploitation de nos terres en mettant l'accent sur la productivité maximale des surfaces existantes; la mise au point d'une agriculture de précision et son application dans nos champs; une amélioration de la formation sur l'utilisation optimale des produits phytosanitaires dans le cadre de programmes de lutte antiparasitaire intégrés; une analyse intensive des champs afin de tenir compte de la grande diversité des sols, de la topographie et des microclimats auxquels nous sommes confrontés. Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles méthodes afin d'exploiter de façon optimale de nouvelles surfaces pour la production.

Deuxièmement, nous appuyons la rentabilité des exploitations en améliorant les programmes de formation sur la gestion des champs; en fournissant de nouvelles données sur les coûts de production qui constituent une référence pour l'industrie et en formant les gens afin de réaliser une analyse du coût de la production, ce qui est critique pour permettre aux producteurs de comprendre leurs coûts de production. Nous mettons en œuvre de nouvelles initiatives de gestion financière, d'expansion stratégique et de croissance à l'intention des entreprises et des fermes.

Troisièmement, nous œuvrons au chapitre des relations et de la coopération au niveau régional. La compétitivité de l'industrie à l'échelle régionale et sa rentabilité sont améliorées grâce à des programmes coordonnés, à la coordination accrue de la production, à la lutte antiparasitaire, à la gestion des champs et à la recherche et l'information. Nous offrons un appui régional solide à l'égard des programmes de commercialisation internationale et de recherche dans le domaine de la santé.

Quatrièmement, en assurant une production saine, nous mettons l'accent sur sa durabilité et la gestion des peuplements sauvages; nous transmettons des messages factuels et clairs à l'intention des consommateurs sur les méthodes de gestion particulières utilisées pour commercialiser un produit sauvage de façon sûre et durable; nous avons davantage recours aux méthodes de lutte antiparasitaire intégrée adaptées à la production de bleuets sauvages et nous améliorons les protocoles de traçabilité.

Cinquièmement, nous favorisons les relations avec les transformateurs, en nous assurant que les producteurs comprennent la nécessité d'assurer la qualité des fruits et de réduire la freinte; nous mettons en œuvre des initiatives de traçabilité; nous veillons à la communication et à l'équité dans la chaîne de valeur; nous entretenons un partenariat solide avec l'Association des bleuets sauvages de l'Amérique du Nord pour ce qui est de ses efforts de promotion et de recherche sur les bienfaits pour la santé.

Sixièmement, nous comprenons qui nous sommes, c'est-à-dire notre profil industriel et nos données de référence, notre direction claire et notre vision pour la croissance et le développement de l'industrie, notre engagement pour la rentabilité des fermes et la stabilité de l'industrie, et notre rôle dans la croissance économique rurale avec nos partenaires des secteurs public et privé.

Ce qu'il faut retenir, c'est que nous misons sur les exportations, maintenant et à l'avenir. Le rôle du gouvernement dans la promotion du commerce et de l'accès aux marchés est d'une importance critique, et l'aide fournie a été très précieuse aux yeux de nos organisations.

La recherche joue un rôle vital pour ce qui est de la compétitivité et de la durabilité, et elle doit être faite ici. Les programmes gouvernementaux aident à atténuer les risques commerciaux et à assurer la compétitivité en garantissant des profits nets pour l'économie.

J'ai terminé mon exposé. J'ai aussi des photos et d'autres documents. Je vous remercie pour votre temps et de m'avoir donné l'occasion de vous parler.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Woodward.

Murray Tweedie, président, Bleuets Nouveau-Brunswick : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, je m'appelle Murray Tweedie. Je suis le président de Bleuets Nouveau-Brunswick Blueberries, l'organisation provinciale qui représente les producteurs de bleuets au Nouveau-Brunswick.

Notre agence, BNBB, a été créée pendant l'été de 2006 au titre de la Loi sur les produits naturels du Nouveau- Brunswick, à la suite de deux séries de consultations régionales et d'un vote organisés par la Commission des produits de ferme du Nouveau-Brunswick.

BNBB représente les producteurs de bleuets du Nouveau-Brunswick et leur offre ses services, tout en travaillant de près avec les producteurs de bleuets et les autres intervenants de l'industrie, des associations agricoles et des organismes gouvernementaux afin de répondre aux besoins et aux priorités des producteurs de bleuets et d'appuyer les efforts de recherche et de promotion du marché qui contribuent à une meilleure rentabilité au sein de l'industrie.

Le mandat de BNBB est le suivant : tout d'abord, offrir des services aux producteurs de bleuets du Nouveau- Brunswick, y compris un accès amélioré à l'information et aux possibilités de formation, assurer une représentation au sein des organisations industrielles et des groupes de travail, élaborer des politiques qui défendent les intérêts des producteurs et en faire la promotion, et mettre au point et offrir des programmes qui répondent aux besoins de l'industrie.

Deuxièmement, appuyer et encourager la recherche qui favorise de bonnes pratiques culturales, qui améliore la gestion et la durabilité de la production de bleuets et qui améliore la productivité et la rentabilité au sein de l'industrie.

Troisièmement, appuyer et mettre en œuvre des programmes de développement du marché et de promotion qui donnent lieu à de meilleures possibilités de commercialisation et à de plus grandes recettes pour les producteurs du Nouveau-Brunswick.

En vertu de la Loi sur les produits naturels, BNBB a l'autorité nécessaire pour percevoir des redevances sur tous les bleuets produits au Nouveau-Brunswick. L'arrêté a été pris en 2006 et prévoit une redevance de huit cents la livre pour permettre à l'association de réaliser son mandat.

Il est étonnant de comparer la production de 2006, lorsque BNBB a été constitué, et les volumes d'aujourd'hui. En 2006, nous avons produit 21 millions de livres de bleuets sauvages au Nouveau-Brunswick à partir de 25 500 acres, dont la moitié de la production est récoltée chaque année, ce qui donne en moyenne 1 640 livres par acre. En 2015, nous avons produit 78 millions de livres de bleuets sauvages à partir de 39 000 acres, avec un rendement moyen de 4 000 livres par acre.

Cette montée en flèche de la production, des surfaces et des rendements a fait que le Nouveau-Brunswick s'est classé au premier rang des producteurs de bleuets sauvages du Canada en 2015. Vu le caractère unique de notre produit, il est important d'accroître la collaboration avec les autres provinces productrices, ainsi que le Maine, et de travailler ensemble comme région afin d'assurer notre compétitivité à l'échelle internationale.

Il importe de souligner l'excellent travail des producteurs qui adoptent les pratiques élaborées à partir des résultats de recherche dans leurs exploitations afin d'augmenter leur rendement et d'être plus efficaces, par exemple dans le domaine de la pollinisation, de la lutte antiparasitaire intégrée, de la fertilisation et de l'adoption de nouvelles technologies. Il est tout aussi important de regarder vers l'avenir afin de voir ce qui s'annonce et de s'y préparer. En fait, l'intensification de la production n'est qu'un début.

Il est intéressant, mais non surprenant, de constater que de nombreux problèmes pressants de 2006 constituent toujours des défis de nos jours. Dans le domaine de la recherche, il y a 10 ans déjà que nous discutions de problèmes qui sont toujours présents; comme la disponibilité des pollinisateurs, ou en fait le manque de ceux-ci, le besoin d'établir des normes afin de jauger la qualité du fruit, le coût de production, et la nécessité d'une surveillance et d'une modélisation accrues vis-à-vis des divers ravageurs de bleuets.

Il nous reste tant à apprendre et il faut encourager la recherche au moyen d'un soutien financier et aussi d'une collaboration avec chaque intervenant au sein de l'industrie. BNBB est bien positionné pour contribuer de façon significative aux efforts de recherche et veiller à ce que les producteurs occupent une place qui leur permette d'établir les priorités en matière de recherche. À cette fin, nous travaillons avec le ministère de l'Agriculture, de l'Aquaculture et des Pêches du Nouveau-Brunswick au sein des cinq groupes de travail qui ont été constitués afin de proposer des plans d'action pour chaque priorité établie dans la dernière stratégie provinciale visant le secteur du bleuet sauvage.

Nous faisons partie du Comité pour les bleuets du Conseil canadien de l'horticulture, et nous avons présenté une demande de fonds dans le cadre d'un programme national afin de fixer des priorités en matière de recherche et d'être sûrs que nous pouvons accéder aux programmes fédéraux. Nous participons également à une initiative des Maritimes et du Québec visant à rationaliser les projets de recherche afin de trouver un financement de contrepartie fédéral aux fonds dont dispose l'industrie et d'optimiser le financement.

Nous participons également à la recherche dans le domaine de la santé, par l'entremise de l'Association des bleuets sauvages de l'Amérique du Nord, notre organisation sœur qui est responsable de la promotion du bleuet sauvage dans les marchés existants et de l'identification de nouveaux marchés possibles. Nous sommes également très fiers de contribuer aux efforts de cette association et de siéger à ses conseils afin que les producteurs aient une place à la table, non seulement dans le domaine de la recherche sur les bienfaits pour la santé, mais également dans celui de la promotion internationale du bleuet sauvage, le produit que nous cultivons.

BNBB a été très actif, mais nous devons évoluer et nous renforcer, nous unifier davantage, et parler d'une seule voix si nous voulons conserver notre place à la table et avoir notre mot à dire sur l'orientation des recherches et des efforts de promotion. Pour ce faire, nous devons nous restructurer et nous redéfinir. Ainsi, notre organisation provinciale a reçu un crédit de l'APECA ainsi que de Cultivons l'avenir 2 afin d'établir de nouveaux plans stratégique et opérationnel, des plans qui correspondent davantage aux défis propres à la phase 1 de 2016.

Au courant de l'automne et de l'hiver 2015-2016, BNBB a tenu des séances de consultation dans les trois districts de la province afin de demander conseil auprès de ses membres sur l'élaboration de ces plans stratégique et opérationnel. La phase 2 du financement de l'APECA consiste à travailler sur un nouveau modèle de gouvernance à partir de 2016.

Au chapitre de l'avenir, de la stabilité des prix et de la succession des exploitations : malgré le succès que nous avons connu au cours des 10 dernières années, le producteur indépendant n'a pas pu franchir une étape critique, c'est-à-dire se faire reconnaître comme partenaire dans la chaîne de valeur de la filière des bleuets sauvages. Cette reconnaissance au sein de la chaîne de valeur assurerait des recettes équitables aux producteurs compte tenu des investissements, du coût et des risques. Le problème de tous les producteurs continue d'être l'absence d'un système d'établissement des prix équitable et transparent.

En ce moment, les producteurs doivent tout simplement accepter le prix offert et ne peuvent ou à peine exercer une influence quelconque. Des études menées par le cabinet québécois Forêt Lavoie Conseil indiquent que les prix touchés par les producteurs des Maritimes au cours des quatre dernières années sont inférieurs à ceux touchés par les producteurs du Québec et du Maine.

Une vraie chaîne de valeur, c'est lorsque les consommateurs reçoivent un produit de qualité moyennant un prix juste et un prix équitable est offert à tous les intervenants au sein de la chaîne de valeur, compte tenu du coût, des investissements et des risques. L'absence des producteurs dans la chaîne de valeur créera au final des problèmes pour ce qui est de leur avenir dans le secteur du bleuet sauvage. Pour que les producteurs indépendants survivent et transmettent leurs exploitations à la prochaine génération, l'industrie doit transformer les rapports entre le producteur et le transformateur, qui sont actuellement inégaux et source de tensions, et en faire une chaîne de valeur transparente, inclusive et collaborative.

Nous aurons ainsi une plus grande stabilité des prix, le consommateur économisera davantage à cause de la réduction des pertes dans la chaîne de valeur, et tous toucheront des recettes plus importantes. L'industrie du bleuet sauvage pourra ainsi être plus concurrentielle sur le marché international.

Des prix établis en fonction de la qualité : au contraire de la plupart des autres produits agricoles du Canada, le système actuel d'établissement des prix du bleuet sauvage dans les Maritimes ne prévoit pas des normes en matière de qualité. De ce fait, les producteurs qui exportent des bleuets de grande qualité touchent le même prix que ceux dont le produit est de qualité inférieure. Il faut changer ce système si nous voulons exporter des volumes plus élevés de bleuets de qualité supérieure vers les marchés étrangers. Même si les bleuets produits correspondent à des normes de qualité supérieure, il peut y avoir une dégradation pendant la récolte, la manutention et le transport vers les installations de transformation. Des précautions s'imposent pour s'assurer qu'un produit de la meilleure qualité possible parvient au transformateur X. Il nous faudra des fonds afin d'améliorer la technologie utilisée à la récolte et les pratiques de manutention. La dégradation de la qualité et la hausse des pertes correspondent à une baisse des recettes.

Les pollinisateurs : la pollinisation est considérée par de nombreux intervenants dans le secteur, en fait, je devrais dire la plupart des intervenants du secteur, comme étant le facteur le plus important pour la production de bleuets sauvages. Compte tenu de l'augmentation proposée des surfaces consacrées aux bleuets sauvages dans notre province à elle seule au cours des 10 prochaines années, soit de 25 000 à 30 000 acres, le besoin en pollinisateurs sera énorme. Pour prendre en main ces surfaces accrues, il nous faudra de 40 000 à 60 000 ruches supplémentaires de pollinisateurs de qualité supérieure. Il faudra rapidement mettre en œuvre des efforts concertés pour répondre à cette demande.

La recherche : dans un climat en évolution constante, nous sommes confrontés à des défis croissants en raison des ravageurs et des maladies qui apparaissent. Face à ce changement, il faudra intensifier les activités de recherche si nous voulons assurer notre production. Nous avons besoin de plus de chercheurs et de fonds. Il faudra également accorder davantage d'importance aux besoins en matière de fertilisation pour maximaliser la production. Les amendements sont particuliers dans le cas du bleuet sauvage, car au contraire des autres cultures agricoles, les bleuets poussent dans des sols très acides.

Promotion : vu l'explosion de la production des bleuets cultivés à l'échelle internationale, notre industrie a besoin d'un soutien gouvernemental constant pour faire la promotion de notre bleuet sauvage et de ses qualités nutritives et ses saveurs supérieures qui le distinguent de ses cousins cultivés. WBANA a rendu un service exceptionnel à notre industrie en faisant la promotion du bleuet sauvage comme étant un produit sain à caractère unique. Il nous faut les efforts continus de WBANA si nous voulons concurrencer les autres petits fruits sur le marché international. Nous réussirons à maintenir nos efforts seulement si nous continuons à disposer de fonds gouvernementaux.

Les tarifs : des pays étrangers continuent d'imposer des tarifs élevés sur les bleuets sauvages, notamment en Asie, où ce fruit n'est même pas cultivé. Notre gouvernement doit prendre les mesures nécessaires afin de réduire ou éliminer ces tarifs pour nous permettre d'accéder plus facilement à ces marchés et ainsi écouler notre production accrue.

Les ressources humaines : l'accès à la main-d'œuvre saisonnière est un problème continu auquel fait face l'industrie du bleuet sauvage et il prendra de l'ampleur au fur et à mesure que les surfaces et la production augmentent. Nous avons beaucoup à faire dans ce dossier si nous voulons régler ce problème, et nous avons besoin de l'aide du gouvernement.

Les installations de transformation : au Nouveau-Brunswick, l'ajout de 30 000 acres de bleuets sauvages au cours des 10 prochaines années donnera lieu à une hausse de la production de l'ordre de 60 millions de livres par année, uniquement attribuable à ces surfaces, si l'on conserve le taux de production actuel par acre. L'augmentation projetée de la production de 6 000 livres par acre comparativement au taux actuel de 4 000 livres par acre dans 10 ans donnera lieu à une production supplémentaire globale de 70 millions de livres, et ce, uniquement dans notre province. Ainsi, la production annuelle globale du Nouveau-Brunswick pourrait atteindre 210 millions de livres par année. Il faut prendre des mesures immédiatement afin d'aider les installations de transformation à s'accommoder de cette hausse dramatique de la production.

En conclusion, grâce à la collaboration des producteurs et des transformateurs, et avec le soutien du gouvernement fédéral et des provinces, notre industrie du bleuet sauvage continuera à s'épanouir et à contribuer à la solidité des communautés rurales et au bien-être économique et culturel de la province dans notre pays florissant, le Canada.

Le président : Merci à vous, MM. Tweedie et Woodward, pour vos exposés fort intéressants. Votre témoignage nous est extrêmement utile.

Monsieur Richard.

Gerald Richard, président, Agence des producteurs de canneberges du Nouveau-Brunswick : Merci à vous, honorables sénateurs, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Je m'appelle Gerald Richard. Je suis le président de l'Agence des producteurs de canneberges du Nouveau-Brunswick. Je suis accompagné de Graeme Jones, notre vice- président, et de Melvin Goodland, qui siège à notre conseil d'administration. Nous sommes tous producteurs ici au Nouveau-Brunswick et nous représentons environ 25 p. 100 des surfaces consacrées à la canneberge au Nouveau- Brunswick.

Le secteur actuel de la canneberge du Nouveau-Brunswick a vu le jour au début des années 1990, à la suite d'une étude de faisabilité financée par le gouvernement et portant sur l'établissement d'une industrie de la canneberge au Nouveau-Brunswick. À partir de l'étude, on a établi des lignes directrices et offert un financement par l'entremise du Programme de prêts pour l'établissement de cultures vivaces de la province, qui a permis aux participants d'établir une exploitation de canneberges et de produire une culture jusqu'à sa maturité. Après la cinquième année, les exploitations pouvaient renouveler leurs prêts en s'adressant à des prêteurs traditionnels. Les fonds remboursés pouvaient être réutilisés pour établir d'autres exploitations, jusqu'à ce que l'industrie atteigne une masse critique qui justifierait une production à valeur ajoutée au Nouveau-Brunswick.

Avant la fin de la décennie, on comptait environ 460 acres au Nouveau-Brunswick. C'est à ce moment-là que nous avons connu le premier fléchissement des prix, ce qui nous a empêchés de rembourser nos prêts contractés aux termes du Programme de prêts pour l'établissement de cultures vivaces. De plus, les prêteurs traditionnels n'ont pas voulu refinancer nos exploitations.

L'Association des producteurs de canneberges du Nouveau-Brunswick, toute nouvelle à l'époque, a dû proposer un règlement collectif à la province du Nouveau-Brunswick pour réduire la dette des cultivateurs à un niveau qui rassurerait les prêteurs. Il n'en a fallu que quelques années avant que les prix ne deviennent rentables pour les producteurs, et l'industrie a repris de plus belle. En fait, le prix du fruit s'est élevé jusqu'à 90 cents la livre en 2008. Les canneberges sont devenues très chères et donc rédhibitoires pour les fabricants de produits alimentaires ayant la canneberge comme ingrédient principal.

Parallèlement, Ocean Spray, le plus grand manutentionnaire de fruits au monde, a indiqué qu'il lui fallait 5 000 acres de plus en nouvelles plantations pour répondre à la demande prévue sur le marché en 2012 et au-delà. Le corollaire, c'est que les cultivateurs d'Ocean Spray ont planté 5 000 acres en canneberges et les producteurs indépendants en ont également planté 5 000 acres. On a donc eu les plus grands stocks excédentaires jamais enregistrés, ce qui a fait chuter les recettes à la ferme aux niveaux historiques les plus bas. Outre les rendements historiques, la hausse projetée par Ocean Spray au niveau de la demande ne s'est jamais réalisée, selon les renseignements statistiques du Cranberry Marketing Committee. La production excédentaire a été transformée en concentré de jus, et même si pendant les prochaines années les prix sont restés historiquement bas, en raison de l'excédent des stocks dont se sont justifiés les transformateurs, il n'y a pas eu d'engorgement des stocks de fruits entiers chez les manutentionnaires.

Aujourd'hui, notre industrie est dans une position très précaire. La superficie ensemencée au Nouveau-Brunswick a atteint 883 acres, alors que le prix est demeuré en dessous du coût de production. Ces dernières années, on a développé de nouvelles variétés hybrides qui produisent de deux à trois fois plus de fruits par acre que les variétés traditionnelles cultivées ici dans la province.

Nous avons élaboré un plan stratégique à l'intention de notre industrie qui définit les trois principaux aspects à améliorer. Nous aimerions augmenter notre productivité, accroître notre rentabilité et promouvoir l'utilisation des canneberges. Le problème tient à la disponibilité des fonds.

En raison du faible prix des fruits, la valeur nette des exploitations agricoles a fléchi, et les programmes provinciaux n'ont pas les ressources financières pour nous permettre d'obtenir des résultats concrets. Il nous faut au moins 40 000 $ pour ensemencer un acre de canneberges. Aujourd'hui, nous aimerions renouveler quelques acres pour y inclure des nouvelles variétés, mais le coût peut facilement atteindre 20 000 $ l'acre, pour les vignes seulement. Pour améliorer leur rentabilité, les producteurs n'ont d'autre choix que d'investir dans les nouvelles variétés, la technologie et l'expertise. Par conséquent, ils doivent pouvoir compter sur des fonds suffisants et des programmes adaptés à la nature des nouvelles variétés qui prennent de trois à cinq ans pour atteindre leur pleine capacité de production. Les programmes qui exigent que les producteurs disposent de 50 p. 100 des coûts ne sont pas du tout utiles car, compte tenu de la baisse des prix, les producteurs ont épuisé toutes leurs économies pour tenter de maintenir le cap.

C'est ce qui met fin à mon exposé, et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Richard. La canneberge est un fruit très important au Canada.

Le sénateur qui va amorcer la période de questions est le vice-président du comité, Terry Mercer.

Le sénateur Mercer : Messieurs, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Les bleuets et les canneberges sont deux produits très importants.

J'aimerais revenir sur des statistiques — très pertinentes, soit dit en passant — concernant l'industrie canadienne du bleuet sauvage. J'ai été intrigué par les statistiques se rapportant à la Corée du Sud. En 2015, on y a exporté 454 872 kilogrammes de bleuets surgelés. C'est un chiffre impressionnant, mais si on examine l'année 2013, on constate que les exportations de bleuets surgelés vers la Corée du Sud s'élevaient à 1 014 831 kilogrammes et que ce nombre était encore plus élevé en 2012. Qu'est-il arrivé à ce marché?

M. Woodward : C'est assez simple. Comme vous le savez, la Corée du Sud paie des droits de douane sur les bleuets sauvages qui entrent au pays. Le gouvernement canadien a pris certaines mesures, et les droits de douane seront réduits au cours des sept prochaines années. La mauvaise nouvelle, c'est que les exportations canadiennes ont perdu du terrain en raison des droits de douane moins élevés imposés par les États-Unis. Je crois qu'ils ont deux ou trois ans d'avance sur nous. Les acheteurs coréens achètent donc des bleuets sauvages aux États-Unis plutôt qu'au Canada.

Le sénateur Mercer : Par conséquent, ils achètent des bleuets du Maine plutôt que...

M. Woodward : C'est exact.

Le sénateur Mercer : ... du Nouveau-Brunswick, du Québec ou de la Nouvelle-Écosse?

M. Woodward : Tout à fait. Lorsque les droits de douane étaient égaux...

Le sénateur Mercer : Tout est une question de prix.

M. Woodward : Absolument. Ils n'ont pas à payer autant. Je pense que le taux tarifaire se situe à 40 p. 100, et ces droits seront réduits progressivement, au cours des sept prochaines années, jusqu'à disparaître complètement.

Le sénateur Mercer : Oui.

M. Woodward : Malheureusement, le gouvernement américain a commencé à réduire ses droits de douane quelques années avant le Canada. Nous serons donc de nouveau sur un pied d'égalité dans cinq ans, étant donné que le taux tarifaire sera nul pour les deux pays.

Le sénateur Mercer : Il est donc important que nous demeurions présents sur le marché afin que nous puissions récupérer...

M. Woodworth : Il faut demeurer concurrentiel. Nous n'insisterons jamais assez sur la nécessité que le gouvernement canadien élimine ces droits de douane.

La Chine en est un autre exemple. Nous pourrions accroître considérablement nos exportations vers la Chine. Un droit de douane de 50 p. 100 est actuellement imposé sur les exportations de bleuets, alors qu'il n'y a aucun droit de douane à payer pour les bleuets qui viennent du Chili. Par conséquent, pour que nous puissions lutter à armes égales, il est essentiel que notre gouvernement prenne toutes les mesures de réduction tarifaire possible.

Le sénateur Mercer : La production de bleuets s'est accrue considérablement dans l'Ouest du Canada, en Nouvelle- Écosse, au Nouveau-Brunswick et au Québec en particulier. Lorsque je voyage en Nouvelle-Écosse, je suis toujours étonné de voir le nombre croissant de bleuetières. C'est une bonne chose, parce que ces terres ne conviennent pas à tous les produits. C'est donc une bonne nouvelle.

Comme on l'a dit plus tôt, la commercialisation des bleuets est problématique. Nous produisons beaucoup plus qu'avant, alors nous devons adopter une approche plus dynamique. Qu'est-ce que le gouvernement du Canada pourrait faire pour aider les producteurs à commercialiser leurs bleuets? Monsieur Baillie...

M. Woodworth : Je vois qu'il est impatient.

Le sénateur Mercer : M. Baillie a presque bondi de son siège, alors je crois qu'il est prêt à répondre. Il a peut-être la réponse à notre problème.

Jim Baillie, directeur, Association des producteurs de bleuets sauvages de la Nouvelle-Écosse : Je vous remercie. Je représente l'Association des producteurs de bleuets sauvages de la Nouvelle-Écosse, la WVPANS, et j'aimerais renforcer certains propos tenus par ces deux messieurs, ou plutôt partenaires.

Le sénateur Mercer : Ils ont probablement besoin d'aide. Je comprends ça.

M. Woodworth : Toute aide peut s'avérer nécessaire.

Le sénateur Mercer : C'est à ça que nous servons, les Néo-Écossais.

M. Baillie : En tant que producteur, je préside le Comité de l'industrie et de la durabilité de la WBPANS, et beaucoup de possibilités s'offrent actuellement à nous. Comme on l'a dit ce matin, la recherche portant sur la qualité en matière de production est aussi importante. La qualité est un beau produit à commercialiser. Nous voulons aider les gens comme Homer à commercialiser ces produits dans d'autres marchés.

Par ailleurs, nous estimons qu'il faut prendre des mesures à l'échelle régionale. Je ne parle pas uniquement de la Nouvelle-Écosse, mais aussi du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Québec. La commercialisation, comme je l'ai dit, et comme nous l'avons entendu ce matin de la part de la WBANA, est essentielle. Et ce programme, je crois qu'il s'agit du Programme Agri-marketing...

M. Woodworth : Oui, c'est exact.

M. Baillie : ... nous aidera, plus que jamais, à pénétrer ces marchés.

Le sénateur Mercer : D'accord.

M. Baillie : Nous payons tous notre part — je dirais que nous avons un système de prélèvements — et nous travaillons en collaboration avec des gens et le gouvernement pour optimiser nos efforts de commercialisation.

En ce qui concerne les droits de douane, nous reconnaissons que c'est un problème, et on l'a signalé tout à l'heure. C'était donc ce que j'avais à dire.

Le sénateur Mercer : Monsieur Woodworth, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Woodworth : Oui, j'aimerais en dire davantage à ce sujet. Le Programme Agri-marketing a été essentiel aux efforts de la WBANA visant à promouvoir les bleuets sauvages partout dans le monde en vue de développer de nouveaux marchés. Et ce que Jim disait plus tôt, c'est que tous les producteurs des Maritimes versent environ un demi cent la livre à la WBANA. Les transformateurs font de même pour chaque livre qu'ils transforment.

Le sénateur Merce : Cela représente donc un cent pour la même livre de bleuets?

M. Woodward : C'est exact. Pour chaque livre qu'un transformateur produit — parce que la plupart des transformateurs sont également des producteurs —, on verse un cent.

Cet argent est versé dans un fonds que la WBANA distribue à différents offices de commercialisation. Par le passé, et nous espérons qu'il en sera encore ainsi pour plusieurs années, le Programme agroalimentaire nous a accordé un financement de contrepartie afin de stimuler nos efforts de promotion sur les marchés d'exportation. Et ces fonds seront d'autant plus essentiels si la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et les autres provinces développent leurs capacités, comme Murray l'a indiqué tout à l'heure. Toutefois, pour y arriver, nous devrons rapidement trouver de nouveaux débouchés pour encourager la production de bleuets.

Le sénateur Mercer : D'accord, merci.

Et en parlant de commercialisation, j'aimerais revenir sur les canneberges. C'est surtout moi qui cuisine à la maison et qui fais l'épicerie pour ma famille. C'est un rôle que j'assume depuis des années, car mon épouse n'était pas en mesure de le faire pour diverses raisons. Elle est maintenant à la retraite et pourrait prendre la relève, mais je préfère continuer de le faire car, étant membre du Comité de l'agriculture et des forêts, cela me permet d'être plus au fait de la situation de l'industrie.

J'aimerais maintenant parler de la commercialisation des canneberges. J'ai récemment acheté des canneberges, et chaque fois que j'en achète, je vérifie d'où elles proviennent. J'ai du mal à comprendre pourquoi, lorsque j'achète des canneberges à Sackville, en Nouvelle-Écosse, les canneberges ne sont pas cueillies près de Sackville, en Nouvelle- Écosse, ni même à Sackville, au Nouveau-Brunswick. Je me retrouve avec des canneberges de la Colombie-Britannique ou d'ailleurs.

La situation est un peu contradictoire pour nous. Nous voulons parler de l'origine des canneberges, mais nous changeons ensuite d'optique pour parler contre l'étiquetage indiquant le pays d'origine imposé par les États-Unis concernant le bœuf. Toutefois, cette discussion sera pour une autre fois.

Pourquoi n'est-il pas indiqué sur les étiquettes des canneberges produites dans le Canada atlantique qu'elles sont locales? Si je vais chez Sobey's ou dans un supermarché pour acheter des canneberges, je veux des canneberges locales. Évidemment, je préférerais des canneberges cueillies en Nouvelle-Écosse, mais si je ne peux pas en trouver, je vais acheter celles du Nouveau-Brunswick.

M. Woodward : C'est une très bonne question, et on nous la pose souvent. Nos amis et notre famille nous demandent sans cesse : « Où puis-je me procurer vos canneberges? »

La majorité de nos canneberges sont transformées et prises en charge par d'autres entreprises de l'extérieur de la région, et la plus grande entreprise de production de canneberges au monde est sans aucun doute Ocean Spray. Cette entreprise est établie au Massachusetts et contrôle probablement 70 p. 100 des canneberges de la planète.

Tout dépend du produit; si c'est un produit frais, par exemple, vous pouvez vous le procurer localement, tout comme certains produits surgelés. Toutefois, le problème, c'est qu'Ocean Spray n'est pas la seule entreprise, mais elle est la plus importante avec des produits de marque maison. Par conséquent, les autres entreprises, les entreprises indépendantes, bref nos marchés, vendent principalement des fruits industriels. Ils les vendront à General Mills, entre autres, qui les utilisera dans ses produits, mais notre nom n'apparaîtra pas sur l'emballage. Par conséquent, si vous voulez acheter des produits locaux, il y a en fait une entreprise à Lunenburg qui produit des canneberges sucrées et séchées et des jus également. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, mais la plus grande partie de nos fruits n'est pas transformée ici au Nouveau-Brunswick.

Nous avons une installation où on procède à la première étape du nettoyage — en fait nous en avons deux — à partir de laquelle le produit sera acheminé à une autre entreprise de transformation. Le produit prendra une autre forme et nous reviendra, soit avec une étiquette d'Ocean Spray, soit dans un produit céréalier ou autre.

Le sénateur Mercer : Je pensais justement à cela lorsque je mangeais ma barre tendre un peu plus tôt, qui contenait des fruits, des noix et des canneberges. Évidemment, cela ne me dit pas d'où proviennent les canneberges, mais cela démontre que nous diversifions l'utilisation des petits fruits. Et j'imagine que les 9 millions de kilogrammes de bleuets surgelés qui sont expédiés en Allemagne se retrouvent dans des produits comme des muffins, des barres tendres, et cetera.

Merci.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, messieurs, pour vos exposés très intéressants.

Un groupe a parlé des bleuets; l'autre groupe a parlé des canneberges. Qu'en est-il de la camerise?

Comme vous le savez, la camerise est nouvelle sur le marché canadien. Le cameriser semble se développer dans un climat froid, dans les hautes latitudes et peut pousser dans des sols humides et dépourvus d'oxygène. Si je comprends bien, ce fruit est une excellente source d'antioxydants, encore plus que le bleuet. En outre, puisque la camerise mûrit en juin, les producteurs de bleuets pourraient produire les deux récoltes.

Ces nouveaux fruits, comme la camerise, pourraient-ils permettre aux producteurs de bleuets de diversifier leurs marchés? Quelles mesures les gouvernements fédéral et provinciaux pourraient-ils prendre au chapitre de la diversification des marchés? Monsieur Woodward, voudriez-vous répondre?

M. Woodward : Nous nous sommes penchés sur la question, et nous avons constaté qu'il n'y a pas vraiment de marché établi pour la camerise pour l'instant.

Nous sommes très intéressés à examiner d'autres possibilités. Wyman's est une entreprise de fruits; nous sommes une entreprise de bleuets sauvages, mais nous sommes devenus au fil du temps une entreprise de fruits. Par conséquent, si nous pouvons utiliser les millions de dollars d'équipement qui dorment en attendant les récoltes de bleuets pour autre chose que les bleuets, cela nous permettrait de réduire nos frais généraux.

Nous envisageons la possibilité de cultiver la camerise. Nous examinons plusieurs autres possibilités en ce moment. J'ai un agronome et un nouveau vice-président du marketing qui tâtent le terrain pour voir si on ne pourrait pas produire d'autres petits fruits. Et il ne s'agirait pas uniquement de Wyman's; n'importe quel producteur de bleuets pourrait cultiver la camerise parce que, comme vous l'avez dit, ces fruits mûrissent à la fin juin, début juillet, si je ne me trompe pas.

Le sénateur McIntyre : Absolument.

M. Woodward : Et ce serait un bon complément, s'il y avait une demande pour ce produit. Toutefois, il n'est pas évident pour personne de prendre des risques et de cultiver un produit sans savoir s'il y a vraiment un marché.

Le sénateur McIntyre : Ces plants semblent se développer dans un climat froid.

M. Woodward : En effet.

Le sénateur McIntyre : Et dans le Canada atlantique, il y a des températures froides pendant au moins quatre mois.

M. Woodward : L'autre chose, c'est qu'on essaie de trouver une façon de cueillir mécaniquement les camerises. Je crois qu'on a des cueilleuses, mais elles ne sont pas très efficaces. Les ouvriers agricoles constituent un gros problème pour les producteurs de bleuets. C'est pourquoi la majeure partie de nos régions se sont converties à la cueillette mécanique. Et il en serait de même pour la camerise, si elle devait être cueillie à la main.

Le sénateur McIntyre : Ma prochaine question concerne la lutte antiparasitaire. Monsieur Woodward, vous avez soulevé cet enjeu dans votre mémoire. Les outils de lutte antiparasitaire, chimiques et non chimiques, à la disposition des producteurs du Canada atlantique sont-ils adéquats? Que peuvent faire les gouvernements fédéral et provinciaux pour remédier à ce problème? Autrement dit, comment peut-on atténuer les problèmes liés à la lutte contre les ravageurs et les maladies?

M. Woodward : Je pense que le Canada ferait un grand pas en avant s'il appliquait les mêmes normes d'un bout à l'autre du pays, pour éviter que ce ne soit un enjeu provincial.

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ou ARLA, est l'organisme fédéral responsable de la lutte chimique, mais les gouvernements provinciaux essaient constamment d'adopter des mesures législatives visant à modifier cette réglementation. Je crois que c'est attribuable à la rectitude politique à l'égard des différentes régions plutôt qu'à des fondements scientifiques.

Je pense que le gouvernement arrive très bien à limiter la présence des organismes nuisibles. Lorsque nous parlons d'organismes nuisibles, nous ne parlons pas que d'insectes, mais aussi de lutte contre les maladies, comme vous l'avez dit. Vous savez, il faut simplement s'assurer que nous ayons les outils nécessaires et que tout le monde cherche activement une option plus douce que nos solutions actuelles. Mais les produits chimiques que nous employons aujourd'hui, sont les meilleurs qui soient à notre disposition. Plus nous avons d'outils dans notre trousse d'agriculteur, plus nous sommes avantagés. Quant au fait d'avoir un produit chimique qui remplit une fonction donnée, nous trouvons de loin préférable d'avoir deux ou trois solutions à un problème pour éviter de devoir sans cesse utiliser un même produit.

Le sénateur McIntyre : La lutte antiparasitaire est particulièrement importante pour les producteurs de bleuets.

M. Woodward : Oh que oui.

Le sénateur McIntyre : J'ignore à quel point elle l'est dans le milieu des canneberges, mais je sais que c'est fort important dans le secteur des bleuets. Souhaitez-vous commenter, monsieur Richard?

M. Richard : Bien sûr. La lutte antiparasitaire est bel et bien très importante pour nous aussi. J'ajouterai que les bleuets et les canneberges appartiennent tous les deux au genre Vaccinium, ce pour quoi ils ont des problèmes de culture communs ou des similitudes, disons. Mais nous aussi aimerions que les mêmes normes s'appliquent à l'ensemble des provinces et aux États-Unis, où Ocean Spray est le principal acheteur et manutentionnaire de canneberges, comme je l'ai dit tout à l'heure. J'imagine que certains règlements ne sont pas les mêmes ici et dans les régions du monde d'où l'entreprise expédie ses produits. Tandis que nos concentrations sont inférieures et ne parviennent peut-être pas aussi efficacement à lutter contre un organisme nuisible donné, l'entreprise utilise des concentrations bien plus élevées qui lui permettent peut-être de minimiser les problèmes plus facilement que nous.

Certains des produits à large spectre que nous utilisions ont été retirés du marché, et je pense que ce n'est pas pour rien. Les nouveaux produits qui arrivent sur le marché nous demandent peut-être d'employer quatre ou cinq produits différents pour lutter contre les mêmes organismes nuisibles. Plutôt que d'appliquer un produit pour différents organismes, nous disposerons de quatre ou cinq produits pour nous attaquer à quatre ou cinq organismes distincts. Il se peut donc que nous devions sortir au champ plus souvent qu'auparavant, mais nous avons très peu d'emprise là- dessus. Les organismes de réglementation estiment que c'est la méthode la plus sécuritaire.

Le sénateur McIntyre : Messieurs Tweedie et Woodward, vous avez tous les deux abordé la question des pays producteurs de bleuets. J'ai remarqué que ces pays intensifient continuellement leurs activités. Par exemple, le Chili seulement a augmenté sa production de 20 p. 100 ces dernières années, de sorte que le marché mondial est désormais plus concurrentiel.

Dans quelle mesure l'évolution du marché a-t-elle touché les producteurs du Canada atlantique? Comment les producteurs de bleuets canadiens composent-ils avec la concurrence en provenance du Chili et des États-Unis, bien sûr, qui est notre principal concurrent?

M. Woodward : Le bleuet en corymbe cultivé a exercé une pression énorme sur le marché du bleuet sauvage. Nous estimons que notre produit est meilleur. Nos bleuets sont savoureux, et les bleuets sauvages sont préférables aux bleuets cultivés. Mais nous subissons assurément une pression désormais bien réelle de la part de ce milieu. Ces producteurs peuvent cultiver leurs bleuets là où les pommes de terre ou les tomates peuvent pousser; ils produisent des bleuets cultivés n'importe où. Ils ont de multiples variétés adaptées aux différents climats, de sorte que la compétition est féroce.

Certains grands bienfaits sur la santé du bleuet sauvage se retrouvent aussi dans le bleuet cultivé, mais de façon bien moins prononcée. Et il y a des volets pour lesquels nos bleuets sont préférables, comme le nombre de fruits par livre attribuable à leur petite taille. Nos bleuets sont également plus riches en antioxydants puisqu'ils ont davantage de peau par livre. Nous avons donc un très bon produit. Mais nous n'avons toutefois pas beaucoup d'emprise sur l'écart de prix sur le marché.

Nous pouvons généralement demander 10 à 25 cents de plus par livre pour le bleuet sauvage par rapport au bleuet cultivé. Dès que l'écart devient trop important, notre clientèle industrielle modifie ses formules au profit des bleuets cultivés, et la seule façon de la reconquérir est de diminuer nos prix. Voilà qui a bel et bien des conséquences majeures sur le prix que nous pouvons demander.

M. Tweedie : Puis-je simplement compléter ce que vous avez dit, Homer?

D'habitude, le bleuet en corymbe, ou le bleuet cultivé si vous préférez, était une denrée fraîche. Sa peau épaisse peut supporter le transport. Comme je l'ai dit, cette variété de bleuets était destinée au marché du frais et ne se retrouvait pas sur le marché du surgelé.

Compte tenu de la hausse de production du bleuet en corymbe, les fruits qui ne sont pas vendus sur le marché du frais sont congelés. Or, les producteurs obtiennent leur meilleur prix sur le marché du frais, et ce sont essentiellement les pertes qui aboutissent sur le marché du surgelé. Nous sommes donc désavantagés sur ce plan.

En raison de la production de plus en plus importante de bleuet en corymbe cultivé, un volume grandissant du fruit se retrouve sur le marché du surgelé. Il s'agit donc d'une concurrence directe aux ventes de bleuets sauvages, et le grand volume qui parvient sur le marché du surgelé nous rend la tâche très difficile.

Le sénateur McIntyre : Dans votre exposé et votre mémoire, monsieur Richard, vous avez mentionné Ocean Spray, le plus grand manutentionnaire de fruits au monde. Il y a quelques années, je me souviens avoir lu dans les journaux à propos d'un différend entre l'entreprise et des producteurs de canneberges locaux de votre région. Le conflit a-t-il été réglé, ou se poursuit-il encore?

M. Richard : Je sais que les médias ont tenté de faire croire que nous étions contre la présence de l'entreprise au Nouveau-Brunswick. Est-ce bien l'histoire dont vous parlez?

Le sénateur McIntyre : Oui.

M. Richard : Si j'avais une plainte à formuler, moi qui étais alors président... Ce sont les médias qui m'ont appris qu'Ocean Spray s'installait au Nouveau-Brunswick lorsqu'ils m'ont appelé pour me poser des questions : « Que pensez- vous de l'arrivée de l'entreprise dans la région? Elle va causer votre fermeture. Qu'avez-vous à dire? » Ces gens se cherchaient une histoire à raconter. J'ai répondu : « Écoutez, la présence d'Ocean Spray — que vous m'apprenez d'ailleurs — doit être remarquable puisque vous m'appelez. Nous sommes ici depuis 12 ans, et c'est la première fois que les médias m'appellent pour savoir comment nous allons. »

Il n'y a jamais eu de conflit entre Ocean Spray et les producteurs. Il s'agit d'une entreprise indépendante qui cultive une grande quantité de fruits. Elle fait la promotion des fruits partout dans le monde. Nous aimons beaucoup Ocean Spray, et c'est grâce à elle si nous sommes ici aujourd'hui.

On pourrait parfois croire que l'entreprise nuit à nos affaires, mais c'est plutôt le contraire. Ce que je veux dire, c'est qu'elle est l'industrie, tandis que nous faisons partie de l'industrie. Mais si j'avais une critique à formuler à l'endroit d'Ocean Spray, je dirais que l'entreprise est extrêmement puissante. Si elle a trop de fruits, elle peut s'en débarrasser sur le marché du frais. Elle produit désormais des produits surgelés séparément, ce qui était surtout fait par les manutentionnaires de bleuets qui ont des installations à cette fin. Elle produit un peu de canneberges, mais lorsqu'elle a trop de fruits, elle s'en débarrasse en grandes quantités sur le marché des fruits surgelés séparément.

Pour ma part, je ne dirais pas qu'il y a un conflit avec Ocean Spray, et je me réjouis de sa présence. Il est dommage qu'elle n'ait pas pu atteindre la masse critique qui lui aurait donné une valeur ajoutée dans la province, mais il s'agit d'une décision opérationnelle, et voilà où nous en sommes aujourd'hui. Je crois que l'entreprise possède 125 acres. Je ne le sais pas personnellement, mais je ne crois pas qu'il y ait d'animosité à l'égard d'Ocean Spray chez les producteurs.

Le sénateur McIntyre : Les choses se sont donc calmées?

M. Richard : Tout à fait.

Le sénateur McIntyre : Bien.

Melvin Goodland, membre du conseil d'administration, Agence des producteurs de canneberges du Nouveau-Brunswick : Puis-je ajouter une chose là-dessus?

M. Richard : Oui.

M. Goodland : Même si Ocean Spray est la bienvenue ici et que nous collaborons très bien avec elle, il y a un problème sur le marché mondial. En fait, l'entreprise s'adonne à une pratique commerciale qui est considérée comme étant déloyale en diminuant le prix des canneberges sur le marché.

Je pense qu'elle le fait pour nuire aux joueurs indépendants comme Decas Cranberries et d'autres. Il y a quelques années, l'entreprise Northland a été contrainte de cesser ses activités, après quoi elle a été rachetée par Ocean Spray en 2014, si ma mémoire est bonne. Quoi qu'il en soit, cette pratique pose un problème aux producteurs de canneberges indépendants.

À l'heure actuelle, nos prix sont plus bas que jamais, une situation qui perdure depuis plusieurs années. Je crois que c'est surtout attribuable à la pratique d'Ocean Spray, qui vend des canneberges au-dessous du cours sur le marché mondial, ce qui fait chuter les prix payés aux cannebergières.

Même si nos rapports sont très bons avec le personnel d'Ocean Spray sur le terrain, l'entreprise essaie de nuire aux producteurs indépendants pour retrouver sa position dominante d'autrefois, j'imagine. À une époque, elle détenait environ 85 p. 100 du marché, et vous dites qu'elle en possède désormais 60 à 70 p. 100, ce qui fait partie du problème.

Il y a actuellement une poursuite devant les tribunaux américains, et il faudra probablement quelques années encore avant que l'affaire ne soit résolue. Mais lors des audiences préliminaires, le système judiciaire a jugé que la poursuite était justifiée.

[Français]

Le président : Monsieur Goodland, le Sénat vient de déposer un rapport concernant l'obésité au Canada, en particulier chez les jeunes. Les jus de bleuet et de canneberge sont fort réputés pour les diabétiques afin de remplacer les liqueurs très sucrées au Canada. Moi-même, je souffre du diabète de type 2. Bien sûr, j'achète le jus de canneberge et de bleuet non sucré, mais, malheureusement, je suis obligé de l'acheter en gros contenants. Comme je passe ma vie sur la route, je n'arrive pas à en trouver en petits contenants. Vous devriez peut-être songer à faire concurrence à Coke ou à Pepsi et 7UP dans les machines distributrices, en offrant de petits contenants diététiques. Je suis convaincu qu'il y a assez de clients au Canada pour encourager les entreprises et les producteurs qui cultivent ces petits fruits. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

M. Goodland : C'est une excellente idée. À vrai dire, il y a déjà une entreprise de transformation du Canada atlantique qui y travaille. Elle a d'ailleurs introduit des produits sur le marché par l'intermédiaire des magasins Sobeys et Co-op. L'entreprise vend bel et bien un jus sans sucre en petit contenant individuel pour les diabétiques. C'est donc déjà fait dans le Canada atlantique. L'entreprise de transformation tente d'étendre ses activités dans d'autres provinces, et je crois qu'elle compte introduire son produit cette année sur les marchés du Québec et de l'Ontario. Il y a donc déjà des jus en portion individuelle pour les diabétiques.

Je suis diabétique moi aussi — je pense que c'est lié à notre constitution —, et je peux vous assurer que c'est en train d'être fait, et qu'un produit du Canada atlantique est mis en marché en ce moment même.

[Français]

Le président : C'est important, parce que cela concerne l'avenir de bien des jeunes dans les efforts pour lutter contre l'obésité. Je sais que, au Québec, il y a une compagnie qui produit des canneberges et qui fait beaucoup de promotion dans les écoles primaires et secondaires. Elle offre de petits contenants mais, malheureusement, ils sont en carton, ce qui n'est pas fameux. Comme vous le savez, des machines distributrices, il y en a partout. S'il était possible d'offrir ces jus sous forme de cannettes ou de petites bouteilles, en n'y ajoutant que le sucre nécessaire pour les conserver en bonne condition, je crois qu'il y aurait là un marché important, parce que les jeunes générations sont de plus en plus conscientes de leur santé, et les plus vieux veulent vivre le plus longtemps possible. Il s'agit donc là de groupes de consommateurs fort importants. C'est une suggestion que je vous transmets, à vous et à vos collègues, afin que les entreprises commencent à songer à un type de distribution en petite quantité. Voilà, merci.

Maintenant, passons au sénateur Oh.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Messieurs, je vous remercie d'être parmi nous.

En novembre 2014, le Canada a fait en sorte que les bleuets frais puissent pénétrer le marché chinois. Comment les choses se passent-elles?

M. Tweedie : C'était pour les bleuets en corymbe frais. Jusque-là, je crois qu'il n'y avait aucun marché pour ce bleuet en Chine, mais je pense que les gouvernements chinois et canadiens ont convenu de laisser le bleuet en corymbe frais pénétrer le marché chinois.

Le sénateur Oh : Je vois, mais avant, vous pouviez uniquement exporter des bleuets surgelés en Chine.

M. Tweedie : Oui. Si je suis au courant de la situation, c'est parce que j'ai passé la semaine dernière à Ottawa, où j'ai assisté à des réunions du CCH, et il semble que c'est surtout la Colombie-Britannique qui collaborait avec le gouvernement chinois afin de répondre aux dernières exigences sanitaires qui permettraient à la Chine d'importer des bleuets frais de cette province. Le processus avait été entamé trop tard en 2015, et je pense que la province vient vraiment tout juste d'en expédier environ 100 000 livres sur le marché chinois.

Par la suite, la B.C. Blueberry Growers Association compte entamer le processus en juin 2016, je crois, et elle s'attend à exporter bien plus sur le marché du frais chinois, ce qui nous aidera beaucoup. C'est bénéfique pour tout le monde, car chaque livre de bleuet frais vendue est une livre en moins sur le marché du surgelé, où le produit ferait concurrence à nos clients.

Le sénateur Oh : C'est vrai; lors de mon passage en Chine, je suis allé au supermarché pour vérifier, et les bleuets proviennent de l'Australie et des États-Unis.

M. Tweedie : Je crois que le Chili exporte beaucoup de bleuets frais en Chine.

Le sénateur Oh : En effet.

Y a-t-il une différence entre le bleuet sauvage et le bleuet sauvage cultivé, en ce qui a trait à l'exportation en Chine? Existe-t-il une différence, ou s'agit-il simplement d'un bleuet ordinaire?

M. Tweedie : Le bleuet sauvage ne se conserve pas assez longtemps pour se vendre frais en Chine; nous pouvons uniquement le vendre surgelé. Nous avons commencé à percer le marché chinois à l'aide de notre produit surgelé, mais nous sommes encore soumis à des droits tarifaires de 50 p. 100 sur tout ce qui est exporté là-bas.

Le sénateur Oh : Vous n'êtes donc pas en mesure d'exporter des bleuets sauvages en Asie?

M. Tweedie : Pas s'ils sont frais.

Le sénateur Oh : Non?

M. Tweedie : Non.

Graeme Jones, vice-président, Agence des producteurs de canneberges du Nouveau-Brunswick : La peau du bleuet sauvage est vraiment plus mince que celle du bleuet en corymbe, dont la peau plus épaisse résiste au transport. Voilà pourquoi sa durée de conservation est supérieure.

Le sénateur Oh : Pour ce qui est du bleuet sauvage, j'en comprends donc qu'il y a des bleuets en corymbe, qui poussent à l'état sauvage puis, des bleuets cultivés.

M. Woodward : Non, non. Pour vous simplifier les choses, j'invite tous les membres du comité à visiter la région du bleuet sauvage pendant la récolte ou la pollinisation, afin que vous puissiez voir la différence.

Le bleuet sauvage pousse à moins de 10 pouces du sol, tandis que le bleuet en corymbe pousse dans un arbuste d'une hauteur de 6 à 10 pieds. Ce sont deux fruits totalement différents. Le bleuet sauvage se propage au moyen de rhizomes sous terre, et il est comme un iceberg puisque les deux tiers de la plante sont invisibles dans le sol. En revanche, le bleuet cultivé regroupe diverses variétés ayant été créées pour les différentes régions de culture, et pour différents usages. C'est donc un tout autre produit.

C'est une des choses que nous essayons de bien faire comprendre aux gens. Même si les deux fruits sont cousins à nos yeux, nous devons les commercialiser et les utiliser tout à fait différemment. Les bleuets sauvages frais n'ont pas une bonne durée de conservation...

Le sénateur Mercer : La qualité et le goût sont différents.

M. Woodward : C'est exact.

Le sénateur Mercer : Le bleuet sauvage, ou bleuet nain est de bien meilleure qualité.

M. Woodward : Je suis entièrement d'accord avec vous, monsieur le sénateur.

Le sénateur Oh : Moi aussi, car le consommateur moyen, bon nombre de mes amis et les médecins disent que les bleuets sont bons pour nous. On nous incite à manger des bleuets sauvages puisqu'ils sont bons pour nos yeux.

M. Woodward : Ils sont bons pour tout.

Le sénateur Oh : Oui.

On prend donc une marque, et c'est écrit « bleuets sauvages ». Beaucoup de gens ignorent qu'il existe différents types de bleuets sauvages.

M. Woodward : Dans les champs de bleuets sauvages, nous n'avons pas des types, nous avons des clones. Un champ peut contenir 30 clones différents, ayant chacun leurs propriétés, chacun leur goût, et quand nous les récoltons, nous les récoltons tous en même temps. Nous ne cueillons pas un seul clone, nous les cueillons tous. Les bleuets sauvages sont donc un mélange de différents clones, tandis qu'avec les bleuets en corymbe, les clones deviennent des variétés, et on récolte toute une variété à la fois puis, une autre. C'est donc un produit complètement différent. C'est la même chose, mais en même temps c'est différent.

Le sénateur Oh : D'accord.

M. Woodward : Très différent.

J'aimerais beaucoup organiser, par l'entremise de l'ABSAN, une tournée pour tous les membres du comité qui aimeraient visiter la région durant la saison de croissance. Ainsi, vous verriez la différence entre les bleuets en corymbe cultivés en Colombie-Britannique et les bleuets sauvages produits dans la région.

Le sénateur Oh : Quelqu'un m'a donné une bouteille de concentré de bleuets sauvages. C'était comme une bouteille de vin.

M. Woodward : C'était du jus?

Le sénateur Oh : C'était du jus, mais on ne précisait pas si c'était des bleuets sauvages ou cultivés.

M. Woodward : Quand ce sont des bleuets sauvages, c'est écrit. C'est l'objectif principal de l'ABSAN : maintenir la différence entre les bleuets sauvages et les bleuets cultivés afin que les gens comprennent les avantages des bleuets sauvages et la manière dont ils poussent, et qu'ils comprennent aussi que les bleuets sauvages sont sauvages et que les bleuets cultivés sont produits par des exploitations agricoles.

Le sénateur Oh : En ce qui touche le commerce interprovincial, avez-vous le droit d'expédier vos produits en Ontario ou dans d'autres provinces?

M. Woodward : Nous avons le droit pour les produits congelés. Le Canada a une belle histoire. La consommation de bleuets par habitant a doublé au Canada durant les 15 dernières années : elle est passée d'un peu plus d'une livre à plus de deux livres.

Les entreprises du Canada et des Maritimes fournissent des bleuets à Tim Hortons pour ses muffins; elles font aussi affaire avec le secteur de la restauration, les boulangeries. Beaucoup de bleuets sont envoyés aux pâtisseries de Toronto, qui en font des tartes et des gâteaux.

Deux agences de publicité travaillent avec l'ABSAN pour promouvoir les bleuets sauvages au Canada. Une œuvre précisément au Québec et dans la région francophone du pays, et l'autre est une agence nationale qui nous représente dans l'ensemble du Canada.

Le sénateur Oh : Alors pensez-vous que le PTP vous aiderait à développer le marché, tant pour les bleuets que pour les canneberges?

M. Tweedie : Absolument.

M. Woodward : C'est un marché immense que nous venons juste de commencer à pénétrer.

M. Tweedie : Toutefois, nous devons absolument financer l'ABSAN en tant qu'agriculteurs. L'ABSAN doit aussi recevoir des fonds du gouvernement fédéral pour promouvoir les bleuets sauvages et pour faire la distinction, la différence entre les bleuets sauvages et les bleuets cultivés.

Le sénateur Oh : Je crois que je dois visiter votre ferme pour pouvoir bien la promouvoir.

M. Woodward : Je vous en prie.

M. Tweedie : Oui, et nous faisons du jus de bleuets sauvages. Nous le vendons seulement sur le marché local, mais il y a une entreprise de la Nouvelle-Écosse qui produit des bouteilles d'un demi-litre de jus de bleuets sauvages et qui les vend partout dans le monde.

Le sénateur Oh : Avez-vous quelque chose à dire, monsieur Richard?

M. Richard : Pour les canneberges qui servent d'ingrédients, elles sont expédiées ailleurs sous différentes formes. Aussi, vous avez parlé de concentré et de concurrence. En fait, pour nous, le problème, c'est la substitution. On dit que les canneberges sont un ingrédient coûteux. Ce qui est arrivé — la raison pour laquelle nous avons une telle surabondance —, c'est qu'à un certain moment, on a fait de la substitution. On ajoute du jus de grenade ou du jus de pomme concentré à nos produits, ce qui crée un mélange qui ne contient pas nécessairement assez de canneberges pour obtenir les bienfaits du fruit. C'est la difficulté que nous éprouvons.

Nous suggérons aux manutentionnaires de remettre le pourcentage puisqu'ils ont les stocks. Or, ils ont maintenant créé des marchés, ils ont un pourcentage de 27 p. 100, mais ils donnent un autre nom au produit. En fait, ils n'ont pas nécessairement créé de nouveaux marchés, c'est plutôt le consommateur qui choisit un autre produit. En gros, on utilise donc la même quantité de canneberges. Toutefois, vous avez mentionné le PTP, et bien sûr, ce sera très avantageux d'expédier des canneberges là-bas.

Un autre point que nous pouvons soulever au sujet de la diversification pour les canneberges, même si ce n'est pas au Nouveau-Brunswick, ce sont certainement les possibilités. Un tiers de la production québécoise est maintenant certifiée biologique ou en voie de le devenir; c'est plus de 3 000 acres. À mon avis, les producteurs visent le marché européen plutôt que le marché américain parce que l'Europe préfère les produits biologiques. Il y a donc certainement beaucoup de choses qui se passent en ce moment.

Sur le plan de notre productivité, les stocks de canneberges sont énormes, mais nous participons au marché indépendant. Nos acheteurs nous disent de faire pousser autant de fruits possible parce qu'ils n'ont pas de surabondance. C'est entre les mains d'Ocean Spray. Selon les données du Cranberry Marketing Committee, il y a des stocks importants des années précédentes, mais c'est surtout à cause d'Ocean Spray.

Ainsi, le Nouveau-Brunswick, une région géographique distincte du Québec, a de grandes possibilités de faire pousser beaucoup de canneberges. À mon avis, les possibilités sont nombreuses. Bien sûr, les accords commerciaux les favorisent; je crois qu'ils sont très avantageux pour nous.

Le sénateur Oh : Chaque fois que je me rends à l'étranger, je vais chez Costco et j'achète de l'Ocean Spray. Les gens adorent cela.

M. Richard : Oui.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Terry Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Merci, sénateur Oh.

Sénatrice Hubley?

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à chacun de vous pour vos exposés et votre présence.

J'aimerais m'adresser d'abord aux producteurs de canneberges. Je crois que vous avez dit que les trois personnes ici aujourd'hui représentent 25 p. 100 des acres du Nouveau-Brunswick. Ocean Spray possède donc le reste? Ou combien d'autres producteurs de canneberges y a-t-il au Nouveau-Brunswick?

M. Richard : Le Nouveau-Brunswick compte actuellement 27 producteurs, et les exploitations vont de 6 à 135 acres.

La sénatrice Hubley : Nous étudions la commercialisation et nous tentons d'évaluer notre efficacité dans la promotion des produits canadiens. Ce matin, l'organisme Taste of Nova Scotia nous a parlé du programme de commercialisation qu'il a mis sur pied pour promouvoir les produits cultivés dans la province, parfois à l'échelle mondiale. C'est un exemple de programme de commercialisation qui comprend un volet touchant le développement des exportations.

J'aimerais entendre vos observations sur ce type de programme, mais je voudrais aussi savoir ce que vous faites pour promouvoir les produits frais. Je pense à Noël et à l'Action de grâces, et je me demande si les marchés fermiers ou les programmes comme ceux qui encouragent à acheter local vous ont aidés, et dans quelle mesure?

M. Richard : Oui, certainement. Je pense que je vais demander à Melvin ou à Graeme de répondre. Ils travaillent dans le marché frais de notre secteur; je cède donc la parole à Melvin.

M. Goodland : Nous sommes responsables de presque toute la cueillette faite pour le marché frais au Nouveau- Brunswick, mais la province n'est pas dotée d'installations de transformation de fruits frais. Nous aimerions en faire construire, mais actuellement, nous n'avons pas les fonds nécessaires.

Tous nos fruits frais sont envoyés en Nouvelle-Écosse, où il y a un manutentionnaire qui les emballe et les expédie partout dans le monde. Nous aimerions un jour que le Nouveau-Brunswick ait des installations pour transformer lui- même ses fruits frais. Toutefois, nos deux exploitations produisent presque tous les fruits frais qui proviennent du Nouveau-Brunswick.

Des agriculteurs de chaque ville et de chaque collectivité vendent des canneberges dans les marchés fermiers; c'est donc quelque chose qui se fait, mais ce sont de petits volumes dans des marchés comme ceux de Moncton, de Fredericton ou d'ailleurs. Ce ne sont pas d'énormes marchés. Ils contribuent aux ventes de petites exploitations, mais ils n'utilisent certainement pas une grande quantité de produits.

La sénatrice Hubley : Oui. On a aussi suggéré de se servir du Canada comme étiquette promotionnelle, autrement dit de parler de produits du Canada, et non nécessairement de produits du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse ou de Terre-Neuve. Est-ce qu'Ocean Spray élimine d'autres processus de commercialisation à cause de leur volume si élevé?

M. Goodland : Il y a quelques autres producteurs, mais ils sont tous au Massachusetts ou au Wisconsin, et ils pénètrent le marché canadien. On trouve des fruits d'Ocean Spray et de Decas sur le marché canadien parce que les magasins à succursales achètent de grandes quantités. Avant, nous pouvions faire des ventes directes. C'est une difficulté que j'ai rencontrée; nous pouvions nous adresser aux supermarchés et leur vendre nos produits directement. C'est rendu presque impossible.

La sénatrice Hubley : Oui.

M. Goodland : Il faut passer par leur entrepôt, et leur entrepôt veut faire affaire avec une exploitation, un vendeur, un groupe. Ocean Spray a donc accès à plus d'endroits que nous parce que les exploitations agricoles ne peuvent plus faire affaire directement avec les magasins. C'est devenu un grave problème.

Avant, je transportais beaucoup de mon produit dans les régions de Moncton et de Fredericton; je l'apportais directement aux magasins et je le vendais. Nous ne pouvons plus procéder de la sorte. Il faut envoyer le produit à Stellarton, en Nouvelle-Écosse, parce que l'entrepôt de Sobeys est là-bas. Puis, quelques jours plus tard, le produit est de retour à Sackville, au Nouveau-Brunswick, et il a perdu deux ou trois jours de fraîcheur.

La sénatrice Hubley : C'est vrai.

M. Goodland : J'ignore quelle est la solution, mais nous devons faire quelque chose pour que les produits restent locaux.

La sénatrice Hubley : Oui.

M. Goodland : Pendant quelque temps, nous avions un programme vraiment local, mais l'impossibilité de faire affaire directement avec les magasins nous empêche de participer aux initiatives tout à fait locales.

Le vice-président : Le plus contrariant, ce n'est pas la vente, mais bien l'expédition. Si vous pouviez vendre de manière centrale et expédier localement...

M. Goodland : Oui.

Le vice-président : Mark Eyking, un député du Cap-Breton, est agriculteur. Son exploitation fait pousser beaucoup de laitue et elle la vend à Sobeys, pour les magasins Sobeys du Cap-Breton. Elle expédie la laitue à Stellarton pour qu'elle soit ensuite renvoyée au Cap-Breton. Vous savez probablement comme moi que la laitue se défraîchit assez rapidement. Mark Eyking est un porte-parole du secteur dans ce dossier, car cela touche sa famille. Mark ne travaille plus dans l'agriculture, mais ses frères, oui, et c'est un problème.

Sénatrice Hubley, avez-vous terminé?

La sénatrice Hubley : J'aimerais seulement obtenir un commentaire des producteurs de bleuets, si vous le permettez. Si le texte du PTP est ratifié, quels en seront les avantages pour vous?

M. Woodward : Le Partenariat transpacifique?

La sénatrice Hubley : Oui.

M. Woodward : Je crois que les avantages pour nous seront nombreux. Il nous ouvrira de nouveaux marchés. Il nous fournira aussi les outils nécessaires pour agrandir nos marchés actuels dans la région. J'appuie donc très fortement cet accord.

Nous sommes principalement une industrie d'exportation. Nous vendons nos fruits au Canada, mais 90 p. 100 de notre production est exportée ailleurs dans le monde. Nous gagnons donc sur tous les plans avec cet accord.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

Le vice-président : Sénateur Mockler.

Le sénateur Mockler : Sans les abeilles, les pollinisateurs, vous ne seriez pas ici. Le comité a présenté un rapport au Sénat du Canada après avoir reçu l'ordre de renvoi d'étudier la santé des abeilles, le plus grand défi. J'aimerais savoir si vous avez contribué à donner suite à une de nos recommandations. Voici la recommandation 8 du rapport sur la santé des abeilles, présenté par le comité au Sénat du Canada et à l'ensemble du gouvernement :

Le comité recommande qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada, par l'intermédiaire du Forum sur la santé des abeilles et de concert avec les provinces et les territoires, adopte des initiatives visant à améliorer les pratiques de gestion des apiculteurs amateurs et des agriculteurs tout en réduisant le recours aux produits chimiques et en assurant la disponibilité de semences non traitées.

Ma question est donc la suivante : avez-vous participé à ce processus, et si la réponse est non, pourquoi?

M. Woodward : Je joue un rôle actif dans le dossier de l'apiculture. En fait, l'entreprise pour laquelle je travaille et grâce à laquelle je fais l'argent nécessaire pour venir à des réunions comme celles-ci, où j'aime vraiment être, élève ses propres abeilles. C'est un problème. La santé des abeilles est un problème.

C'est difficile d'élever des abeilles au Canada. Nous apprenons encore la meilleure façon de le faire. Les associations d'apiculteurs et de producteurs de bleuets collaborent très étroitement pour veiller à ce que nous ayons suffisamment de pollinisateurs. Nous ajoutons à la pollinisation par les abeilles domestiques la pollinisation par les bourdons partout au Canada et au Maine.

Il y a de nombreuses idées erronées sur la santé des abeilles. Je pense que vous avez mis le doigt directement dessus, sénateur Mockler. Nous avons beaucoup de choses à apprendre et beaucoup de normes à établir en matière de gestion des abeilles.

Je joue un rôle des deux côtés de la frontière, aux États-Unis et au Canada. J'ai participé à différentes études sur l'habitat des abeilles et sur les moyens de l'améliorer. Il s'agit d'un processus continu, et oui, nous travaillons certainement avec les apiculteurs.

Le vice-président : Je me suis rendu il y a quelques semaines à Truro, en Nouvelle-Écosse, pour un congrès sur l'innovation dans le secteur agricole. Un des participants vient de créer un nouvel habitat pour les abeilles. Il croit que c'est une solution. Nous verrons.

M. Woodward : Nous verrons comment cela fonctionne.

Le vice-président : C'est un travail en chantier, comme toujours.

M. Baillie : J'aimerais juste dire que pour tout dossier, c'est très important d'examiner des données scientifiques fiables, en premier comme en dernier lieu.

Le vice-président : Merci. On nous le dit de plus en plus, et je pense que le gouvernement actuel écoutera, du moins nous l'espérons.

M. Baillie : J'aimerais juste ajouter que nous, les agriculteurs, nous ne nous faisons pas toujours entendre autant que nous le devrions, pour différentes raisons. D'autres groupes emploient d'autres moyens pour communiquer des messages que, souvent, nous ne pouvons pas appuyer.

Le vice-président : Merci. D'habitude, vous ne vous faites pas tellement entendre parce que vous êtes trop occupés à faire ce que vous faites. C'est du dur travail.

Au nom du comité, je vous remercie tous de votre présence. La discussion a été très instructive. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer malgré vos horaires chargés. Vous trouverez sûrement des échos de vos propos dans notre rapport final.

Si vous avez d'autres informations à nous fournir après votre témoignage, je vous encourage à les transmettre au greffier. Nous nous assurerons de les ajouter à l'étude. Merci.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

Le président : Madame et messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant le comité. Il est très important pour nous de connaître l'orientation du marché d'aujourd'hui et de demain.

Nous commencerons par M. Marc Cormier.

Marc Cormier, président, Producteurs de poulet du Nouveau-Brunswick : Merci d'avoir invité Producteurs de poulet du Nouveau-Brunswick à venir parler de notre industrie.

Je laisserai Kevin vous présenter notre exposé. Ensuite, je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

Le président : Monsieur Grondin, vous avez la parole.

Kevin Grondin, gestionnaire adjoint, vérificateur/inspecteur des Programmes à la ferme, Producteurs de poulet du Nouveau-Brunswick : Merci de permettre à Producteurs de poulet du Nouveau-Brunswick de comparaître afin de parler de notre industrie.

Producteurs de poulet du Nouveau-Brunswick est composé de 37 détenteurs de contingents commerciaux répartis dans plusieurs régions de la province. Environ 80 p. 100 de notre production est réalisée dans le nord de la province. Nous comptons également des exploitations dans les régions de Moncton, de Rogersville et de Gagetown. La production annuelle de nos élevages varie entre moins de 15 000 kilogrammes à plusieurs millions de kilogrammes. Nous avons une multitude de types de production.

J'aimerais partager avec vous quelques statistiques sur la production de poulet au Nouveau-Brunswick. Cette année, nos producteurs élèveront plus de 40 millions de kilogrammes de poulets vivants en application du système de gestion de l'offre. Cette production générera environ 64 millions de dollars en recettes agricoles. La production de poulet au Nouveau-Brunswick respecte les lignes directrices rigoureuses des programmes de salubrité des aliments et de soins des animaux. Le Nouveau-Brunswick compte deux usines de transformation proprement inspectées. Elles sont toutes les deux situées dans la région de Madawaska, dans le nord-ouest de la province. Nous comptons également deux couvoirs situés dans les régions de Fredericton et de Madawaska. En 2016, Producteurs de poulet du Nouveau-Brunswick célébrera son 50e anniversaire. Je crois qu'il y aura une petite célébration lors de notre prochaine assemblée annuelle. Nos bureaux sont situés à Fredericton.

Grâce à la gestion de l'offre, la production de notre industrie a crû régulièrement. Cette croissance a été profitable à une multitude de secteurs connexes dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick. Les usines de transformation, les fabriques d'alimentation et les couvoirs, notamment, créent de nombreux emplois et contribuent à l'économie de la province. Par exemple, environ 80 p. 100 de notre production est réalisé à Saint-François-de-Madawaska où l'on retrouve également deux usines fédérales. Le taux de chômage dans cette région est très bas, probablement le plus bas de toute la province. C'est grâce au secteur du poulet si la demande de main-d'œuvre dans ces régions est si élevée. Dans ces régions, il n'y a pratiquement pas de chômage. Nous sommes fiers de dire que notre industrie contribue à l'emploi et aide à créer des communautés dynamiques dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick.

Bien que la production intérieure de l'industrie du poulet ait permis aux producteurs de poulet du Nouveau- Brunswick de contribuer continuellement aux économies du Canada et de la province grâce à l'achat de grains et de poussins, à la création d'emploi et au paiement des impôts, elle leur a également permis de réinvestir dans leurs exploitations afin d'assurer des entreprises efficaces et viables en mesure de fournir des produits de grande qualité aux consommateurs. Les producteurs de poulet du Nouveau-Brunswick sont fiers d'être accrédités par le programme national de soins des animaux et le programme national de salubrité des aliments.

La croissance de l'industrie canadienne du poulet a aussi permis au Nouveau-Brunswick de créer un programme pour les nouveaux agriculteurs. Ce programme donne aux jeunes agriculteurs l'occasion d'investir dans l'industrie et de démarrer leur propre entreprise agricole. Grâce à ce programme, une nouvelle ferme est maintenant en exploitation et deux autres devraient l'être d'ici la fin de l'été. Une troisième pourrait également être en exploitation dans un avenir rapproché.

Il est très important pour les producteurs de poulet de la province que le marché intérieur soit protégé. Comme vous l'ont signalé les représentants de Producteurs de poulet du Canada, nos producteurs s'inquiètent beaucoup de l'accès excessif à notre marché intérieur. L'accès consenti au titre de l'entente de l'OMC et du PTP atteindra plus de 9,5 p. 100 de la production canadienne, soit plus de 105 millions de kilogrammes par année. Outre cet accès, les produits supplémentaires qui seront introduits sur le marché canadien en raison du contournement du contrôle à l'importation perturberont davantage le marché intérieur. Le gouvernement doit absolument mettre en œuvre les mesures de contrôle annoncées dans le cadre du PTP afin de neutraliser cet accès inutile à notre marché, et ce, dès que possible.

Il y a, notamment, l'exclusion du poulet dans les Programmes d'exonération des droits et de report des droits de l'ASFC, la mise en œuvre d'une certification obligatoire pour toutes les importations de volaille de réforme et la modification de la règle sur les mélanges définis de spécialité, la règle du 13 p. 100, pour assujettir au contrôle à l'importation les produits du poulet renfermant de la sauce. Cela permettra d'accroître la production intérieure de poulet ce qui entraînera des retombées pour les économies locales du pays. Notre objectif est de continuer à satisfaire à la croissance intérieure et à la demande des consommateurs canadiens pour du poulet de grande qualité.

En terminant, nous constatons une augmentation de la demande pour les produits du poulet et nous accueillons favorablement cette occasion de faire croître davantage notre industrie. La gestion de l'offre stabilise l'industrie et permet aux producteurs d'investir dans leurs exploitations.

Je suis accompagné aujourd'hui de Marc Cormier, un exploitant agricole de troisième génération. Sa famille offre des produits de qualité depuis plus de 50 ans. J'ai appris, sur l'heure du midi, que la quatrième génération participe maintenant à l'entreprise familiale de production de poulet. Comme tous les producteurs de poulet du Nouveau- Brunswick, la famille espère être en mesure d'investir dans cette industrie pour les années à venir. Nous sommes fiers d'être des producteurs de poulet au Canada et de faire partie d'un système national.

Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Grondin.

Monsieur Matthew Harvie, de la Nouvelle-Écosse, vous avez la parole.

Matthew Harvie, directeur, membre du conseil d'administration et délégué auprès des Producteurs de poulet du Canada : Je suis producteur de poulet de deuxième génération dans la belle vallée de l'Annapolis. Je suis probablement plus habitué de parler à mes poulets que de témoigner devant un comité sénatorial. Donc, je vous demande un peu de patience et d'indulgence. J'y arriverai.

Merci de nous avoir invités à comparaître. Nous vous sommes reconnaissants de cette occasion de vous faire part de notre point de vue sur l'accès au marché international pour le secteur du poulet et les priorités du secteur. J'aimerais vous parler un peu de notre organisation, de notre industrie et de notre rôle au sein de l'industrie du poulet du Canada. Je parlerai ensuite des avantages que procure notre industrie au secteur agricole de la Nouvelle-Écosse et du Canada. Malgré le PTP, notre industrie pourra croître.

Chicken Farmers of Nova Scotia est un comité de gestion de l'approvisionnement réglementé. Il représente 88 détenteurs enregistrés de contingents pour le poulet et 50 producteurs de poulets fermiers. Les six membres du conseil d'administration sont des producteurs de poulet. Ces membres élus administrent le système de réglementation afin d'assurer la viabilité de l'industrie. L'industrie du poulet est certainement l'une des quatre principales industries agricoles de la Nouvelle-Écosse. Les produits de poulet soumis à la gestion de l'offre, la dinde, les œufs et les produits laitiers comptent pour près de la moitié des revenus annuels à la ferme dans la province.

En 2015, les revenus à la ferme pour les producteurs de poulet s'élevaient à un peu moins de 83 millions de dollars pour 50 millions de kilogrammes de poulet. Mais il y a plus. La production de poulet aide à soutenir les intervenants de l'industrie et leurs employés. Les fournisseurs d'aliments pour animaux, les couvoirs, les fournisseurs de transport, les producteurs de grains, les fournisseurs d'équipement, les constructeurs de granges et les prêteurs tirent tous un avantage de notre industrie

Notre poulet est élevé en Nouvelle-Écosse et transformé en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Le poulet est transporté librement partout au pays. Il est donc possible de trouver du poulet et des produits du poulet provenant de n'importe quelle province sur les étagères des supermarchés de presque partout au pays. Nous savons que des représentants de Producteurs de poulet du Canada sont venus témoigner au début du mois de février. Bon nombre des messages qu'ils vous ont transmis s'appliquent aussi à l'échelle provinciale en raison de la nature du système de gestion de l'offre qui touche toute l'industrie, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle provinciale.

L'industrie du poulet est une des principales composantes du paysage agricole canadien. Elle permet aux producteurs de toucher un revenu constant et stable. Les producteurs savent qu'il est préférable de disposer d'un portefeuille agricole diversifié, stable et durable. À l'échelle nationale, 40 p. 100 des producteurs de poulet cultivent le maïs, le blé et le soya, 20 p. 100 élèvent du bétail et 15 p. 100 cultivent le canola. Il est incroyable de constater que 34 p. 100 du revenu familial des producteurs de poulet provient d'activités hors ferme.

Concernant l'accès au commerce, l'industrie du poulet respecte et appuie les engagements commerciaux du Canada et offre un accès important à ses marchés. La plupart de ses activités sont menées discrètement et régulièrement et rarement, voire jamais, en est-il question dans les médias. En 2015, le Canada a importé 214 millions de kilogrammes de poulet.

J'aurais quelques statistiques importantes venant de Producteurs de poulet du Canada à vous transmettre. Le Canada pointe au 17e rang des plus importants importateurs de poulet au monde. Il est le troisième marché d'exportation de poulet en importance pour les États-Unis. Des 12 pays membres du Partenariat transpacifique, le Canada importe plus de poulet que les États-Unis, le Pérou, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Brunei réunis. Seule 10 p. 100 de la production mondiale de poulet est vendue à l'échelle mondiale et les États-Unis et le Brésil exportent environ 75 p. 100 de ces poulets.

Comme en font foi les statistiques, le marché mondial du poulet est très concentré et ce sont les États-Unis et le Brésil qui en profitent le plus. En raison de notre climat nordique, de nos hivers froids et de nos étés chauds, comparativement au Brésil, notamment, nous ne pouvons pas soutenir la concurrence sur le marché international. Nous sommes plutôt sur un pied d'égalité avec le milieu commercial international. En raison de l'accès prévu par le PTP, les importations au Canada s'élèveront à plus de 9,5 p. 100 de notre production intérieure. Cela nous rapprochera du 10 p. 100 établi comme point de référence en matière de commerce.

Grâce à une croissance stable et constante de notre marché intérieur, notre industrie contribue déjà à l'économie canadienne. Bien que les importations soient inévitables, il n'est pas nécessaire de les augmenter au point d'atteindre un niveau qui nuirait à notre industrie indispensable. Le contournement du contrôle à l'importation entraîne un niveau d'importations qui dépassent nos capacités de gestion et qui rend notre industrie vulnérable. Ces importations nuisent à notre capacité à gérer correctement l'approvisionnement intérieur et peuvent s'avérer coûteuses, tant pour l'industrie du poulet que pour l'économie canadienne.

Il est important de mettre fin au contournement du contrôle à l'importation. L'expertise de Producteurs de poulet du Canada et les détails du dossier du commerce sont indispensables à notre industrie. Plutôt que de réinventer la roue, je vais reprendre les explications de Producteur de poulet du Canada sur la façon d'accroître notre contribution à l'économie canadienne malgré les concessions faites dans le cadre de négociations du PTP. À la fin de la période de mise en œuvre du PTP, le Canada accordera l'accès au marché à 27 millions de kilogrammes de poulet. Tout cela s'ajoute à l'accès de 7,5 p. 100 de notre production permis au titre de l'entente de l'OMC, ce qui représente 80 millions de kilogrammes. Comme je l'ai dit plus tôt, cela signifie que 9,5 p. 100 des poulets de notre marché seront importés. Le remplacement de notre production découlant de cet accès supplémentaire prévu par le PTP peut être atténué par l'élimination du contournement du contrôle à l'importation.

Le 5 octobre 2015, une fois les négociations entourant le PTP terminées, le gouvernement a annoncé des mesures visant à mettre fin au contournement. Il est essentiel que le gouvernement mette en œuvre ces mesures dès que possible.

Il y a d'abord l'inclusion du poulet dans le cadre des Programmes d'exonération des droits et de report des droits de l'ASFC. Ces programmes permettent aux transformateurs canadiens d'importer, de transformer et de réexporter du poulet dans un délai de quatre ans. Environ 96 millions de kilogrammes ont été importés en 2015, soit 9 p. 100 de la production totale au Canada. Les entreprises devraient avoir à utiliser le Programme d'importation pour réexportation d'Affaires mondiales Canada. Le gouvernement doit rendre le poulet inadmissible dans le cadre du Programme d'exonération des droits. Il n'y aura aucune conséquence pour les entreprises légitimes.

Ensuite, il y a la mise en œuvre d'une certification obligatoire pour toutes les importations de volaille de réforme. Les vieilles pondeuses, non assujetties aux contingents tarifaires du Canada, peuvent être importées en quantités illimitées. Des importations de 100 millions de kilogrammes représentent encore 9 p. 100 de notre production et privent le Canada de près de 8 900 emplois et de presque 600 millions de dollars en PIB. En fait, nos importations de viande de poitrine de volaille de réforme excèdent la production des États-Unis. C'est de la fraude pure et simple. Le gouvernement doit mettre en œuvre la certification obligatoire de la viande de volaille et commencer à utiliser le test d'ADN élaboré par l'Université Trent pour distinguer poulet et volaille de réforme.

Il doit aussi modifier la règle sur les mélanges définis de spécialité, le 13 p. 100, pour assujettir au contrôle à l'importation les produits du poulet renfermant de la sauce. La solution est simple. Il doit rétablir dans les tarifs douaniers les exigences sur la sauce et la cuisson contenues dans la liste des engagements négociés auprès de l'OMC. Cela cadre entièrement avec les droits et les obligations du Canada en matière de commerce international. En plus des mesures visant le contournement du contrôle à l'importation, des programmes d'indemnité ont aussi été annoncés pour aider l'industrie à faire face au nouvel accès prévu par le PTP. Nous croyons que ces mesures reconnaissent les difficiles concessions que le Canada a dû faire pour obtenir l'accès à d'autres marchés et que, bien que temporaires, elles aideront un peu les producteurs et les transformateurs.

Conformément à l'annonce faite en octobre, le programme de revenu garanti devrait permettre à l'industrie du poulet de recevoir environ 225 millions de dollars au cours des 15 prochaines années. Cela représente 5 600 $ par ferme par année. Cette somme aidera les producteurs à couvrir certaines pertes découlant du remplacement de la production en raison des importations prévues par le PTP. Le nouveau gouvernement a approuvé cette indemnité.

Le programme garanti de la valeur des contingents vise à stimuler la confiance à l'égard des institutions financières. Selon les prévisions du gouvernement, il ne devrait y avoir aucune baisse de la valeur des contingents.

Finalement, il faudrait mettre en place un programme de modernisation des transformateurs pour faire la mise en marché et établir un fonds afin d'aider à promouvoir nos produits, tant sur le marché intérieur que sur le marché international.

En terminant, l'industrie du poulet du Canada et son système de gestion de l'offre en constante évolution continuent de jouer un rôle important dans la santé générale et la force du secteur agricole canadien. Nous sommes novateurs, nous investissons dans notre industrie et nous modernisons notre système afin de satisfaire aux exigences changeantes du marché et de répondre aux demandes des consommateurs. Nous appuyons l'utilisation de systèmes commerciaux fondés sur des règles et comptons sur le gouvernement pour qu'il mette en œuvre, dès que possible, les mesures anti- contournement du contrôle à l'importation afin que nous puissions profiter pleinement du marché canadien.

Je vous remercie de votre temps et de votre intérêt.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Harvie. C'est un bon exposé, un exposé très important. Selon vous, le vrai problème, c'est le niveau d'importations venant des États-Unis. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, en commençant par le vice-président du comité, M. Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mercer : Merci à vous deux pour ces exposés. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté notre invitation.

Avant de commencer, j'aimerais calmer les inquiétudes de Shelly. Je lui ai fait part d'un article que j'ai lu ce matin dans le journal d'Halifax concernant les producteurs de poulet, mais après vérification, il était question des producteurs d'œufs. Donc, ça ne vous concerne pas. Par contre, il y en a qui ont un problème sur les bras.

Quoi qu'il en soit, vos exposés étaient tous les deux excellents, et je vous en remercie.

Matthew, je suis certain que vos poulets seront les plus instruits de la côte Est si vous leur parlez de ces enjeux. J'ai plusieurs questions; je tâcherai d'être bref.

Vous avez indiqué qu'un programme de modernisation de la transformation vous aiderait à promouvoir nos produits sur les marchés national et international. Cela me semblait très bien, mais je ne sais pas ce que cela signifie. Qu'entendez-vous par là?

M. Harvie : Cela a été annoncé comme une des mesures d'atténuation après l'entrée en vigueur du PTP, car on s'est rendu compte que l'industrie de la transformation serait touchée, qu'il y aurait une perte d'occasions d'affaires. Au moment de l'annonce, on a aussi indiqué que cela entraînerait la création d'un programme permettant aux transformateurs de se moderniser. Du financement a été réservé à cette fin. J'oublie le montant, mais il a été mentionné lors de l'annonce initiale sur le PTP, à Atlanta.

Le sénateur Mercer : Vous avez également dit que selon ce qui a été annoncé le 5 octobre, les programmes de revenu garanti fourniraient à l'industrie du poulet quelque 225 millions de dollars sur 15 ans, ce qui représente environ 5 600 $ par producteur, par année. Vos calculs sont bons. Toutefois, lorsque je pense à cela — mes collègues me l'ont entendu dire si souvent qu'ils pourraient sans doute le dire à ma place —, je suis préoccupé qu'on donne cet argent directement aux producteurs. Comme vous le savez, l'équipement le plus important d'une ferme américaine, c'est la boîte aux lettres, car c'est là qu'arrivent les chèques du gouvernement fédéral. L'une des raisons pour lesquelles le système de gestion de l'offre fonctionne et pour lesquelles les Canadiens ont une bonne réputation sur les marchés mondiaux, c'est l'absence de subventions. Comment pouvons-nous justifier l'envoi de 5 600 $ par année à chaque producteur, pendant 15 ans, sans considérer cela comme une subvention? Je reconnais que cela fait partie du PTP, mais ne risque-t-on pas d'accroître l'importance de la boîte aux lettres sur les fermes canadiennes?

M. Harvie : Je dirais d'abord que je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. L'un des arguments que je soulève continuellement lorsque je parle de la gestion de l'offre, c'est que les producteurs ne reçoivent aucune subvention. Cela dit, il a été reconnu que l'impossibilité de produire ce poulet représentera une perte de valeur économique pour chacune des exploitations agricoles au Canada et pour l'industrie canadienne de la transformation. Je suis probablement d'avis que si nous laissons le gouvernement administrer ces programmes d'assurance, si on veut les appeler ainsi, il pourra trouver une façon de les rendre avantageux pour les agriculteurs et ainsi les aider à compenser les pertes de revenus.

Le sénateur Mercer : Je précise que je ne suis pas contre. Ne vous y méprenez pas; je ne suis pas contre. Je pense simplement que nous devons trouver une façon de le formuler, de trouver les mots justes, d'en faire la promotion, si vous voulez, pour que cela ne soit pas perçu comme une subvention. Les Américains le font depuis des années. Ils disent qu'il n'y a pas de subventions, mais tous les matins, sur toutes les fermes américaines, on se précipite vers la boîte aux lettres pour savoir si le chèque du département américain de l'Agriculture est enfin arrivé. Nous devons trouver une façon de faire passer le message, parce que c'est cet aspect qui fera l'objet de critiques. Ce ne sera pas pendant les deux ou trois premières années après l'entrée en vigueur du PTP, mais vous savez que la gestion de l'offre a ses opposants. Ils ne sont pas très loin. Ce qui me préoccupe, lorsque nous utilisons de telles formulations, c'est l'interprétation que pourraient en faire des gens qui ne sont pas aussi favorables à la gestion de l'offre que je le suis. Je ne connais pas la solution. Je vous renvoie la balle : trouvons une meilleure explication. Monsieur Cormier, avez-vous un commentaire à ce sujet?

M. Cormier : J'ai un commentaire. Si le gouvernement doit traiter des trois points dont nous venons de parler par rapport au programme commercial, les poulets seront considérés comme illégaux. Cela aurait une incidence réduite sur les indemnisations. C'est l'un des aspects.

Le sénateur Mercer : Très bien.

J'ai deux autres petites questions. L'une d'elles porte sur la question de savoir si nous pourrions mettre en œuvre la gestion de l'offre et sur l'idée selon laquelle nous n'importerions pas de poulet. Nous savons que les Américains mentent; cela a été dit, en passant. Je n'ai aucune réticence à le dire publiquement, parce que vous l'avez souligné lorsque vous avez parlé du pourcentage de poulet de réforme. Si nous pouvions respecter intégralement les règles, aurions-nous la capacité de produire un volume suffisant de poulet pour compenser? Si on respectait toutes les règles, le système actuel pourrait-il satisfaire à la demande?

M. Harvie : Je dirais que oui. J'aimerais aussi préciser que le poulet de réforme qui est importé au pays n'entre pas entièrement au pays de façon illégale. J'aimerais aussi faire valoir que même si je sais que des Américains expédient ces produits de ce côté de la frontière, il y a également des entreprises canadiennes qui les achètent et les vendent en sachant très bien qu'il s'agit d'une pratique frauduleuse; elles tentent de contourner les contrôles à l'importation au pays.

Le sénateur Mercer : À mon avis, c'est là qu'intervient le gouvernement; il devrait faire appliquer les règles existantes de façon beaucoup plus rigoureuse, car on sait distinguer le poulet de réforme du poulet. Voilà ce qu'il devrait faire.

J'ai été quelque peu surpris d'entendre les statistiques que vous avez mentionnées dans votre exposé. Je ne devrais jamais être étonné des chiffres sur les revenus d'appoint des fermes canadiennes. Je comprends cela. Toutefois, j'ai été vraiment surpris d'apprendre que dans le contexte d'une exploitation soumise à la gestion de l'offre, les revenus hors ferme représentent 34 p. 100 des revenus des producteurs canadiens de poulet. Je ne doute pas de vos chiffres, parce que c'est votre industrie. Encore une fois, je dirais que la population canadienne ne comprend pas ces choses. Je pense que c'est un autre aspect d'un autre argument pour la gestion de l'offre. À mon avis, la gestion de l'offre ne posera pas problème pour les 4 à 10 prochaines années, selon les politiques du pays.

Sans vouloir être trop politique, je pense que le système de gestion de l'offre ne sera pas menacé pour les quatre ou cinq prochaines années. Quant à l'avenir, il n'y a aucune garantie. Vous devez trouver une façon de dire les choses. Je siège à ce comité depuis 2004. Je ne suis pas nouveau ici, et suis tout de même surpris d'entendre de tels chiffres par rapport au secteur de la gestion de l'offre. Lorsque je parle aux agriculteurs, en général, je ne suis jamais surpris de la proportion élevée des revenus d'appoint. Par contre, lorsque je parle à des gens du secteur de la gestion de l'offre, je m'attends à une proportion très faible, voire nulle, en raison de l'idée qu'on se fait de la gestion de l'offre. Je pense que cela nuit à la défense de la gestion de l'offre.

M. Harvie : Ce que j'aimerais faire, si possible, serait de trouver d'où proviennent ces chiffres et de vous présenter un contexte plus large. Je pourrais vous les faire parvenir pour que vous ayez plus d'informations.

Le sénateur Mercer : Nous vous en serions reconnaissants. Ce serait utile, pas nécessairement pour cette étude précise, mais pour consultation ultérieure. Je continue de me faire l'avocat du diable en parlant de la façon de défendre la gestion de l'offre. Comme je l'ai indiqué, je ne suis pas préoccupé outre mesure pour les quatre prochaines années. Mes préoccupations sont liées à d'autres personnes qui sont déjà venues témoigner et qui continuent de véhiculer une idée fausse de la gestion de l'offre. Je pense que vous avez de bons chiffres, de bons arguments, mais que vous devez trouver une façon de la mettre en valeur. Il convient de tenir un discours qui permettra à monsieur et madame Tout-le- monde de comprendre qu'il est préférable d'acheter du poulet canadien, des œufs canadiens et des produits laitiers canadiens plutôt que des produits qui viennent de l'autre côté de la frontière, qu'il s'agisse de celle qui n'est pas trop loin d'ici ou d'autres frontières.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Mercer.

[Français]

Avant de donner la parole au sénateur Mockler, permettez que le président vous pose deux petites questions.

La première question est la suivante : a-t-on besoin d'importer autant de poulet de réforme des États-Unis? Que fait- on de ce poulet-là, monsieur Cormier?

M. Cormier : Une partie de ce poulet-là, qui entre au Canada, sert à faire des croquettes de poulet. Cependant, l'étiquette est trompeuse, car il sert aussi de poulet à faire bouillir.

Le président : Oui.

M. Cormier : Une fois sur les tablettes, il change de nom. C'est du poulet à griller. C'est ce qui affecte notre marché, parce qu'il y a beaucoup trop de fraudes qui se produisent au Canada de cette manière-là.

Le président : Est-ce que les grandes compagnies comme Campbell's, Aylmer, Habitant ou Compliments font des soupes à l'aide de ce poulet-là, d'après vous?

M. Cormier : Elles l'utilisent certainement pour cette raison. Moi, je ne connais pas ces compagnies-là personnellement, mais le poulet est utilisé de cette façon aussi.

Le président : Comme le sénateur Mercer, je fais l'épicerie de temps en temps, et j'explore la section du poulet. Par exemple, dans une rangée, dans le frigo, le poulet est étiqueté comme du poulet frais du Canada. C'est donc celui-là que je prends. Dans l'autre rangée, quelle sorte de poulet y a-t-il? Du poulet du Canada qui n'est pas frais ou du poulet de réforme, ou je ne sais quoi. Pourquoi y a-t-il deux sortes de poulet? L'un des types de poulet est frais, mais l'autre ne l'est-il pas également? Est-il bon pour être consommé?

[Traduction]

M. Harvie : Ce qu'on voit surtout, en particulier si vous avez l'occasion de voir l'étiquette « Élevé par un producteur canadien », qui est une nouvelle marque dont nous faisons la promotion au Canada... Nous essayons d'inciter l'ensemble de l'industrie de la transformation à apposer cette étiquette sur leurs produits. Je suis d'avis que les consommateurs préfèrent avoir le choix et savoir ce qu'ils achètent. Nous faisons de la promotion et nous avons une marque : « Élevé par un producteur canadien », à laquelle nous accordons beaucoup d'importance. L'industrie investit des sommes considérables pour en faire la promotion afin que les consommateurs connaissent les produits qui leur sont offerts. En ce qui concerne le poulet de réforme, je pense que le problème c'est surtout qu'il est importé sous l'appellation « poulet de réforme », mais qu'il est commercialisé avec la mention « poulet ». On se trouverait donc à ne jamais consommer de poulet, mais plutôt du poulet de réforme. Comme nous l'avons indiqué, cela peut être carrément de la fraude.

Je crois savoir que dans notre rapport, nous avons mentionné un test d'ADN créé par l'Université de Trenton. Lorsque nous avons mis au point ce test et signifié notre intention de l'utiliser sur le marché, les importations de poulet de réforme ont presque immédiatement chuté. Elles sont maintenant revenues à leur niveau antérieur parce que nous n'utilisons pas ce test, même si nous devrions le faire. Le test d'ADN a été mis au point par les Producteurs de poulet du Canada et l'Université de Trenton, mais nous ne pouvons l'utiliser, car tout ce que nous pourrions faire serait de dépister le produit dans le commerce de détail. Il doit plutôt être utilisé par des organismes du secteur de l'importation — notamment l'ASFC —, qui devraient être autorisés à mener ces activités en notre nom. Nous observons actuellement une certaine réticence à cet égard.

Le sénateur Mercer : Donc, la résistance ne viendrait pas d'Agriculture et Agroalimentaire Canada ou d'Agriculture Canada, mais de l'Agence des services frontaliers du Canada?

M. Harvie : Oui, à ma connaissance. Encore une fois, je peux trouver des renseignements à ce sujet pour vous.

Le sénateur Mercer : Madame Acker?

Shelly Acker, gestionnaire, Chicken Farmers of Nova Scotia : Selon moi, c'est une question de définition précise ou de compréhension des rôles respectifs. On parle de l'Agence des services frontaliers du Canada et de l'ACIA; l'un des deux organismes pourrait se charger du test et l'autre, de la vérification du produit. Ce sont deux choses distinctes. Lorsqu'un produit arrive à la frontière, l'ASFC peut l'inspecter, mais je crois savoir que l'organisme ne peut mener des tests en raison de restrictions de nature réglementaire ou de raisons techniques. Les tests d'ADN devraient relever de l'ACIA. Les deux organismes ne collaborent pas encore dans ce processus.

Le sénateur Mercer : Incroyable. Des organismes gouvernementaux qui ne collaborent pas. Voilà qui est surprenant.

[Français]

Le président : Je vous parle au nom du consommateur canadien. Si on entre dans un supermarché pour acheter du poulet qui est étiqueté comme poulet du Canada, c'est parfait, je crois que 95 p. 100 des consommateurs prendront ce poulet. Cependant, en ce qui concerne le poulet qui n'est pas identifié, il faudrait peut-être obliger les grandes chaînes de magasins à l'étiqueter comme « poulet de réforme ».

[Traduction]

Il provient des États-Unis.

[Français]

On verra bien pendant combien de temps ce poulet restera sur les tablettes. Pour le consommateur canadien, il est vraiment important que les produits canadiens puissent être étiquetés comme tels. Nous savons que les Canadiens consomment beaucoup de poulet. C'est donc tout à l'avantage des éleveurs canadiens, qui élèvent du poulet d'excellente qualité. Cependant, il ne faut pas leur donner l'occasion de se tromper. Les grandes chaînes de magasin, bien entendu, essaient toujours de nous tenter. Il est certain que, si un poulet coûte 10 $ et, de l'autre côté, un poulet de réforme coûte 7 $, le consommateur choisira le poulet à 7 $. Il ne regardera pas l'étiquette du « poulet du Canada ». Il faudrait donc que le poulet soit étiqueté pour qu'il soit clair qu'il s'agit de poulet canadien ou de poulet de réforme. On ne sait pas d'où proviendra le poulet de réforme, mais il faudrait qu'il soit étiqueté pour éclairer le consommateur, car c'est ce dernier qui vous fait vivre. C'est lui qui mange vos poulets, et il doit être en mesure de déterminer la source du poulet.

Le sénateur Mockler : Merci, monsieur le président.

J'ai abordé des dossiers liés au marché national, et ce que vous nous présentez ici met certainement l'accent sur vos inquiétudes. Cependant, lorsqu'on prend les magasins de grande surface, comme les Costco —

[Traduction]

— ou les Walmart, et lorsqu'on voit comment Walmart se lance dans le secteur alimentaire...

[Français]

— est-ce que ce genre de distribution favorise votre production? Si oui, pouvez-vous m'en donner des exemples? Si ce type de distribution ne favorise pas notre production à nous, que pourrions-nous recommander à ces gens-là? Nous l'avons constaté, monsieur le président, lors de notre étude sur l'innovation dans le domaine de l'agriculture et du sirop d'érable. Grâce à nos recommandations, aujourd'hui, Walmart Canada achète tout son sirop d'érable au Nouveau- Brunswick et au Québec. Donc, est-ce que vous pouvez me donner des exemples qui nous permettraient de comprendre la mécanique de distribution des produits de la volaille?

M. Cormier : Oui. Je crois que les compagnies canadiennes achètent beaucoup de notre poulet. On pourrait rendre un peu plus attrayants les produits à l'importation, mais je crois qu'il faut promouvoir la marque « Canada » et continuer à travailler en ce sens.

Le sénateur Mockler : Merci.

[Traduction]

M. Harvie : Pour répondre à votre question, qui est de savoir si les magasins à grande surface sont bons pour notre industrie, je crois que nous vendons notre poulet partout. Vous pouvez le trouver dans les marchés publics, les boucheries et les magasins à grande surface. Vous savez, je pense que ce sont tous nos clients, pour la plupart, et l'industrie du poulet les appuie. Évidemment, de notre point de vue, nous voudrions qu'on vende uniquement du poulet canadien. Nous subissons parfois certaines pressions lorsqu'une entreprise achète un volume plus élevé, mais en général, ce sont nos clients et nous sommes heureux de les compter parmi notre clientèle. Il n'y a pas une grande différence quant à la provenance du poulet.

Le sénateur Mockler : Très bien.

Nous assistons à l'arrivée de nouveaux Canadiens, mais il n'y a pas qu'eux. Par exemple, le sénateur Oh est au Canada depuis de nombreuses années. Il est Canadien. En ce qui concerne leurs habitudes alimentaires — et nous savons qu'ils ont l'habitude d'acheter des produits alimentaires diversifiés —, quel est le rôle du gouvernement ou des acteurs du milieu dans l'amélioration de votre production de produits à valeur ajoutée?

M. Harvie : Premièrement, en ce qui concerne les immigrants qui arrivent au Canada, on sait que dans les pays dont ils sont originaires, le poulet est une partie importante du régime alimentaire des gens, probablement plus qu'il ne l'est au Canada. Nous constatons que la demande pour le poulet croît plus rapidement que la population. On pourrait dire que cela correspond en quelque sorte à l'augmentation de la demande des produits de spécialité qu'ils utilisent. Ils aiment beaucoup le poulet élevé au Canada.

Le sénateur Mockler : Monsieur le président, permettez-moi de dire que le sénateur Oh et moi-même sommes allés au Moncton Flight College, qui est fréquenté par beaucoup d'étudiants chinois. En fait, je dirais aux fins du compte rendu que le Nouveau-Brunswick — et le Canada — est l'un des endroits au monde où l'on forme le plus d'apprentis pilotes chinois. Nous y sommes allés aujourd'hui. Vous savez ce que nous avons vu sur la table? Que des mets chinois. Il y en avait 17 près des classes; nous l'avons remarqué.

Ma prochaine question porte sur un sujet qui semble susciter des préoccupations. Le sénateur Mercer en a parlé. Si nous voulons augmenter notre production et essayer de contrôler les importations — je ne veux pas employer le terme « frauduleux » — que je qualifierais de douteuses, dans une certaine mesure... Pouvez-vous nous parler des travailleurs étrangers temporaires? Quelle est leur incidence sur votre industrie, le cas échéant?

M. Harvie : On m'a informé que dans certains cas, l'industrie de la transformation n'est pas nécessairement l'un des endroits où il est le plus agréable de travailler et il arrive qu'on retrouve des travailleurs étrangers. Je crois savoir qu'il y a eu des problèmes en Alberta. Il y a aussi les ramasseurs de poulets. Certains travailleurs étrangers font ce travail, qui est un travail de nuit. Je n'en sais pas beaucoup à ce sujet. Cela dit, je viens d'une communauté agricole où l'on trouve beaucoup de cueilleurs de pommes et de travailleurs des champs pour la récolte du chou-fleur, et cetera. Nous habitons dans une collectivité où l'on retrouve beaucoup de Mexicains et de Jamaïcains, des gens qui vivent parmi nous pendant l'été et retournent dans leur pays pour l'hiver. Je connais assez bien cet aspect, mais je ne sais pas précisément quelle incidence cela a sur l'industrie de poulet.

Le sénateur Mockler : Merci.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs.

Le sénateur Mercer et le président ont parlé de l'enjeu du poulet de réforme. Si le gouvernement canadien ratifiait le texte du PTP, quelle serait votre plus grande préoccupation : les programmes du PTP qu'il faudrait mettre en œuvre ou l'importation de poulet de réforme provenant des États-Unis? Selon vous, lequel des deux facteurs a le plus d'incidence sur le secteur de la production de poulet?

M. Cormier : Eh bien, nous aimerions que ces questions soient réglées avant leur mise en œuvre, que les questions liées à ce programme, comme les trois aspects, soient réglées. On parle des contrôles à l'importation du poulet de réforme; comme Matthew l'a indiqué, on utilise au Canada plus de poulet de réforme qu'on en produit aux États-Unis, ce qui nuit à notre marché.

Le sénateur Oh : Vous affirmez que cela entraînera la perte de 8 900 emplois et une diminution de 600 millions de dollars du PIB. Quelle quantité de poulet de réforme produisons-nous? Exportons-nous aux États-Unis?

M. Harvie : À une certaine époque, la majeure partie du poulet de réforme importé au Canada était importé vivant et transformé dans les usines canadiennes. Il entrait ensuite dans la fabrication de pâtés au poulet et de croquettes de poulet. Ce qu'on importe, c'est de la viande de poitrine, de sorte qu'il est difficile de distinguer la viande de poitrine de poulet de réforme et la viande de poulet, ou du moins d'exercer une certaine surveillance.

Par rapport à votre premier commentaire, j'ajouterais que nous, les producteurs, avons communiqué avec le gouvernement et exercé des pressions pour qu'on traite des mesures qui ont un effet de distorsion sur le commerce au pays. Régler ces questions et mettre en place de telles mesures pourraient presque réduire à néant les effets du PTP, du moins dans le secteur de poulet. Je ne peux dire ce qu'il en est des œufs, des produits laitiers et des autres produits, mais dans le secteur du poulet, mettre en œuvre des mesures ou régler les failles liées à l'importation pourrait presque compenser le volume de poulet importé au Canada aux termes de l'accord du PTP.

M. Godin : Au sujet de ce que Matthew vient de dire, j'ajouterais que d'après ce que je sais, ces trois problèmes existent depuis longtemps. Or, si nous ne les réglons pas, cela pourrait compenser ou réduire à néant les effets des dispositions du nouveau PTP liées à l'accessibilité. Ce sont des enjeux qui persistent depuis longtemps dans l'industrie.

Mme Acker : A-t-on répondu à votre question, sénateur? Je n'en suis pas certaine. Cet enjeu suscite des passions chez nous; nous avons donc tendance à examiner toutes sortes de détails. Si vous aviez à choisir l'un ou l'autre des aspects, je dirais qu'il faudrait commencer par régler la question du poulet de réforme.

Le sénateur Oh : Certes, car vous n'êtes pas le premier groupe à nous parler des préoccupations à cet égard.

Monsieur le président, je pense que nous venons de commander un pâté au poulet de réforme.

Le sénateur Mercer : Nous avons mangé du pâté au poulet au dîner.

Le sénateur Oh : Avez-vous un commentaire?

Mme Acker : Si le président le permet, j'aimerais parler davantage de la question du poulet de réforme et des importations, si cela vous convient à ce moment-ci. Le sujet porte à confusion. J'œuvre dans cette industrie depuis maintenant 10 ans et je sais qu'il faut beaucoup de temps pour saisir certains de ces aspects et les expliquer de façon logique.

L'une des choses qu'il faut savoir par rapport à l'importation de poulet de réforme, c'est que l'importation de ce produit est tout à fait légale au Canada. Ce qui est illégal, c'est d'importer du poulet sous l'appellation de « poulet de réforme » pour éviter de payer un droit à l'importation. Voilà la préoccupation. Comme je l'ai indiqué, vous avez déjà étudié la question. Je tiens seulement à répéter qu'il ne s'agit pas d'éliminer le poulet de réforme du marché, parce que c'est un produit qui a sa place.

Le véritable problème est l'importation de poulet sous l'appellation de « poulet de réforme ». Des mesures ont été cernées. Il est important de veiller à leur mise en œuvre afin d'éliminer ce genre de pratique et ainsi protéger le fruit du travail acharné des producteurs que je représente et qui me permettent de gagner ma vie. Cela leur permettra aussi de maximiser la production et la valeur qu'ils obtiennent sur le marché. Merci de m'avoir accordé le temps d'en dire plus à ce sujet.

Le sénateur Mercer : Supposons que demain, nous pouvons commencer à mettre en œuvre les règles telles qu'elles sont rédigées. Je pense, Shelly, que si la première cargaison de volailles de réforme qui traverse la frontière fait l'objet d'une analyse d'ADN et qu'il s'avère que ce sont des poulets, alors elle ne pourra pas passer à la frontière et nous ne pouvons pas présumer que l'importateur canadien soit mis au courant. Oui, nous savons que certaines personnes l'apprendront, mais il n'y aura aucune répercussion à moins que l'incident devienne une question d'intérêt public. Je soupçonne que c'est plus sur le plan de la production que de la vente au détail. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je présume que les produits qui entrent au pays illégalement finissent à la transformation plutôt que dans un emballage à l'épicerie que je vais acheter pour faire un barbecue. Je pense que j'ai raison ici.

Quelqu'un doit payer. Si vous renvoyez un chargement de « volaille de réforme » à n'importe quel poste frontalier au pays, il n'y aura aucune incidence à moins que tout le monde en soit informé. Lorsque tous les intervenants savent qu'une entreprise X a mal agi, alors la question politique entre en ligne de compte, car même si ce n'est pas un enjeu politique, c'est vraiment un enjeu politique. Si l'entreprise X est un employeur important dans une communauté Y, on se retrouve avec un énorme enjeu politique, peu importe le gouvernement qui est au pouvoir à ce moment-là.

Je ne suis pas en train de dire qu'il ne vaut pas la peine de consacrer des fonds ou de courir le risque. Je dis simplement que nous devons tous savoir ce que nous faisons. Je suis tout à fait d'accord pour dire que les règles existent pour protéger les aviculteurs et les producteurs canadiens, et je pense que nous devrions mettre en œuvre les règles. Lorsque nous le faisons, nous devons le dire haut et fort pour que tout le monde sache de ne pas agir ainsi à l'avenir.

M. Harvie : Nous avons discuté avec quelques-uns des exportateurs ou des importateurs aux États-Unis qui expédient de la volaille au Canada de façon légitime. Ils sont très préoccupés par ce problème. C'est un endroit où il est très avantageux d'expédier de la viande de volaille de façon légitime, car il y a une demande au Canada et le prix est beaucoup plus élevé qu'aux États-Unis. Ils aimeraient que ce problème soit réglé également. De l'autre côté de la frontière, les intervenants qui expédient leurs produits de façon légitime aimeraient que ce problème soit réglé.

Je ne connais pas toutes les règles, alors je ne vais pas faire de déclaration en ayant peu de faits. On m'a dit que si l'on vous prend à essayer de faire entrer des importations de façon frauduleuse au Canada, vous pouvez perdre votre permis d'importation au Canada. Je ne suis pas certain si c'est le cas si quelqu'un se fait prendre à essayer de frauder ou pas.

Le sénateur Mercer : Cela n'a pas d'importance si vous perdez votre licence ou non. Si votre nom figure à la une du Globe and Mail, c'est pire que de perdre votre licence, car tous ceux qui veulent faire des affaires avec vous lisent la une du Globe and Mail. Je pense que c'est ce dont il est question ici. On s'écarte de notre étude, mais je pense vraiment que quelqu'un doit présenter un plan. Quelqu'un doit rencontrer le ministre du Revenu qui est responsable de l'Agence des services frontaliers du Canada et de la mise en œuvre des restrictions à l'importation et, bien entendu, rencontrer le ministre MacAulay pour en discuter d'un point de vue agricole.

C'est le moment opportun en ce moment puisque le Partenariat transpacifique fait l'objet de discussions. Là encore, d'un point de vue politique, c'est une assez bonne distraction. Je dirais que nous allons recevoir des critiques en ce qui concerne le PTP, mais si nous allons de l'avant avec ce partenariat, nous recevrons toutes sortes de louanges. Nous gagnons à accepter quelques critiques, mais je ne brigue plus les suffrages alors cela n'a pas d'importance.

Le président : C'est une bonne suggestion.

[Français]

J'aurais une petite recommandation à faire aux producteurs de l'Ontario et du Québec en ce qui concerne le poulet. Vous savez, il y a beaucoup de restaurants qui servent du poulet, comme les établissements de restauration rapide et les rôtisseurs spécialisés dans le poulet. Je leur ai suggéré que, s'ils n'affichaient pas l'étiquette « poulet canadien », ce serait mauvais pour eux, et qu'ils pourraient indiquer « Nous ne servons que du poulet canadien », comme le font les Rôtisseries St-Hubert, qui prennent tout leur poulet au Québec. Si le fait d'accoler l'étiquette aux restaurants vous occasionne du travail, ou si vous vous faites jeter dehors à coup de baguette, comme vos associations de producteurs ont toutes des sites Internet, inscrivez-y le nom des restaurateurs et des épiciers qui vendent du poulet canadien. Au bout d'un certain temps, lorsque les autres restaurateurs verront qu'ils ne figurent pas à la liste, cela les inquiétera et ils viendront peut-être cogner à votre porte.

Ce serait une façon de combattre l'arrivée du poulet de réforme. Dans le domaine des établissements de restauration rapide, ne nous comptons pas d'histoires, car on n'y trouve pas de poulet frais canadien qui provient du Nouveau- Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse. Il n'y a uniquement que du poulet de réforme, mort au large et pêché à la rive, comme on le dit sur la côte Nord du Québec. Donc, la façon de combattre l'arrivée de ce poulet, c'est au moyen d'armes semblables. Sur vos sites Internet, indiquez les restaurateurs et les épiciers qui vendent votre poulet, et je vous assure que cela donnera des résultats, peut-être pas immédiatement mais, au bout d'un an ou d'un an et demi, vous constaterez des résultats importants, parce que les consommateurs consultent de plus en plus les sites Internet.

[Traduction]

Merci beaucoup de vos exposés. Il est très important que notre comité fasse bien la distinction entre les producteurs du Nouveau-Brunswick et ceux de la Nouvelle-Écosse.

Le deuxième groupe de témoins que nous accueillons cet après-midi est composé des personnes suivantes : M. Brad McCallum, directeur exécutif, de Pork Nova Scotia; Tim Seeber, directeur exécutif, et Scott Dingwell, vice-président, de Prince Edward Island Hog Commodity Marketing Board; et April Sexsmith, directrice générale, et George MacLeod, président, de Producteurs d'œufs du Nouveau-Brunswick.

Bienvenue, mesdames et messieurs. Nous allons commencer avec M. McCallum.

Brad McCallum, directeur exécutif, Pork Nova Scotia : Merci, sénateur Maltais, et merci de m'avoir invité à comparaître devant votre comité au nom de Pork Nova Scotia. Je suis Brad McCallum, directeur exécutif de l'Agri- Commodity Management Association. Nous gérons cinq groupements de production agricole différents en Nouvelle- Écosse. Pork Nova Scotia en est un, et j'en suis le directeur exécutif. Je vous ai fourni à l'avance mes notes d'allocution, alors je vais les parcourir assez rapidement pour gagner du temps.

Pork Nova Scotia est l'office de commercialisation responsable des porcs et des porcelets sevrés ainsi que des porcs à l'engraissement, en Nouvelle-Écosse. Nous relevons de la National Products Act et avons par conséquent un mandat très différent de ce qu'il serait si nous étions une organisation de producteurs dont le principal objectif serait de faire du lobbying.

L'industrie du porc en Nouvelle-Écosse a connu une baisse dramatique au cours des 15 dernières années, en particulier depuis le début des années 2000. Nous avons vu notre production fléchir de près de 90 p. 100. Au plus fort de notre production, vers 2006, nous produisions environ 220 000 porcs de marché. L'année passée, en 2015, nous en étions à 9 000. Cependant, il y a un bon côté, et c'est que nous produisons des porcelets sevrés. Nous en avons produit environ 55 000 au cours de l'année en vue de les acheminer vers le centre du Canada comme porcs à l'engraissement pour en faire de la viande.

La baisse de production coïncide dans une grande mesure avec notre perte ou incapacité de traiter et de commercialiser les porcs de marché dans notre province. Nous avons perdu deux abattoirs d'inspection fédérale pendant cette période, et nous avons perdu près de 140 de nos producteurs. Ceci étant dit, les choses semblent se stabiliser depuis quatre ans et notre industrie recherche des occasions sur lesquelles nous pouvons nous concentrer à l'échelle provinciale, régionale, nationale et internationale. L'une des grandes difficultés que nous rencontrons, à l'instar de nos autres amis qui produisent de la viande rouge, comme le bœuf et l'agneau — mais pas tant l'agneau — c'est que la consommation de porc a diminué de façon dramatique à partir du milieu et de la fin des années 1990. Elle est en baisse d'environ 30 p. 100. En 2014, le consommateur canadien mangeait seulement environ neuf kilogrammes de porc par année. C'est une des difficultés que nous avons aussi.

Je vais revenir à l'abattage et au processus. Nous comptons beaucoup sur les marchés à l'extérieur de notre province pour la commercialisation de notre viande. La majorité de nos animaux, probablement 90 à 95 p. 100, sont expédiés au Québec pour être transformés par l'une des plus importantes installations d'abattage et de transformation qui s'y trouve. Les 10 p. 100 restants que nous produisons et que nous commercialisons dans la province sont vendus directement par le producteur au consommateur, que ce soit dans des marchés fermiers, dans les commerces de détail des agriculteurs ou dans de petites épiceries.

En ce qui concerne l'accès aux marchés, ce n'est pas une chose à laquelle nous nous attachons constamment, car nous sommes une très petite région productrice de porc du pays. Cependant, en tant qu'industrie nationale, nous pouvons faire beaucoup de choses pour accéder aux marchés. Les deux accords les plus récents, l'accord du PTP et l'AECG, offrent des occasions à l'échelle nationale. Compte tenu de notre cycle de production particulier, ici dans les Maritimes, nous estimons qu'il y a des possibilités que nous pourrions aussi saisir.

L'une des choses que notre industrie a mises en œuvre au cours des deux dernières années, à compter de 2014, c'est la traçabilité obligatoire garantie. Nous croyons que c'est un facteur clé permettant aux consommateurs d'avoir la certitude que notre produit est sûr et que nous pouvons suivre la trace de l'animal de sa naissance à son abattage. Nous collaborons aussi.

Nous nous concentrons beaucoup sur l'environnement réglementaire. C'est un problème particulier, en Nouvelle- Écosse. Je ne sais pas ce qu'il en est dans le reste du Canada, mais en particulier pour la capacité d'amener les bêtes au marché, nous estimons qu'en matière d'inspection de la viande, il y a en réalité trois niveaux. Au premier niveau, il y a l'inspection fédérale, qui nous permet de vendre notre produit dans d'autres provinces et à l'étranger. Au deuxième niveau, c'est l'inspection provinciale, qui nous permet de vendre nos bêtes dans notre province. Le troisième niveau est en fait ce qui est le plus préoccupant. De la viande non inspectée est écoulée surtout sur les marchés locaux. Nous estimons qu'il faut vraiment unifier le système d'inspection de la viande. En ce moment, de nombreux producteurs situés à 15 kilomètres d'une frontière provinciale sont désavantagés, car ils peuvent vendre d'un côté du pont, mais pas de l'autre côté. Cela leur nuit énormément. Nous recevons beaucoup de demandes, en particulier de Terre-Neuve, où ils voudraient que nous vendions nos produits. Parce que nous n'avons pas accès à un abattoir fédéral, tout ce que nous pouvons leur vendre, ce sont des animaux vivants.

La dernière chose dont je vais vous parler avant de terminer, c'est de la santé porcine et de la biosécurité. C'est manifestement quelque chose que l'industrie porcine canadienne prend très au sérieux. Le porc fait l'objet d'un élevage très intensif et, par conséquent, est plus vulnérable à la maladie et aux éclosions. Nous travaillons très fort. Il reste en Nouvelle-Écosse un petit noyau de quelque 10 producteurs commerciaux. Nous participons tous au protocole de biosécurité national et à l'autre programme de salubrité des aliments à la ferme. Nous estimons que nous formons une industrie de petite taille, mais stable, sinon en croissance. Nous pensons qu'il y a de nombreuses possibilités dans notre province et dans notre région, et qu'il y a aussi des possibilités à l'échelle nationale et internationale, si nous pouvons travailler ensemble.

Le président : Merci beaucoup, monsieur McCallum.

Scott Dingwell, vice-président, Prince Edward Island Hog Commodity Marketing Board : Monsieur le président, mon nom est Scott Dingwell et je représente Hometown Pork. Je suis un producteur de porcs de Mount Stewart, à l'Île-du- Prince-Édouard, et je suis le secrétaire du conseil d'administration du P.E.I. Hog Commodity Marketing Board. J'aimerais commencer par remercier les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui, pour discuter de l'étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Savez-vous que l'industrie porcine canadienne dépend beaucoup des exportations? Plus de 60 p. 100 des porcs élevés au Canada quittent le pays vivants ou sous la forme de produits du porc. L'accès aux marchés est essentiel pour notre industrie, et ce n'est que grâce à la coopération du gouvernement et de l'industrie que nous réussissons à maintenir nos marchés, mais aussi à créer de nouveaux débouchés au moyen des récents accords commerciaux. Ceci étant dit, il est impératif que les gouvernements ratifient ces accords. Ils sont essentiels à notre succès. Nous dépendons peut-être plus que n'importe qui d'autre au monde des marchés de l'exportation.

La compétitivité de l'industrie porcine canadienne sur les marchés internationaux est étroitement liée à la capacité de nos outils de gestion des risques de l'entreprise de fonctionner pour chaque secteur. Depuis des années, l'industrie porcine ne bénéficie pas du programme Agri-stabilité et n'a jamais été capable de participer aux programmes d'assurance-production auxquels la plupart des autres industries ont accès. C'est un problème fondamental pour notre industrie.

Avec les programmes de Cultivons l'avenir 2 qui se termineront en 2018, à la fin du cadre quinquennal, les gouvernements fédéral et provincial doivent travailler à améliorer les programmes et à explorer des approches novatrices à la gestion des risques. Les producteurs ont besoin d'une variété d'outils comme l'assurance contre la mortalité des animaux et les opérations de couverture afin de trouver les meilleures options pour leurs exploitations.

L'accès au crédit est aussi devenu un énorme problème dans notre industrie, en raison des difficultés que l'industrie porcine a connues pendant plusieurs années successives. À l'Île-du-Prince-Édouard et ailleurs au pays, le remboursement des prêts pour difficultés économiques graves de 2008 et 2009 dans le cadre du Programme de paiements anticipés a causé l'effondrement de nombre d'exploitations en raison des conséquences très négatives que cela a eu sur les flux de trésorerie.

Les bâtiments vieillissent, et il faut un réinvestissement important pour en maintenir l'efficacité. L'un des facteurs clés, à l'échelle nationale, est notre infrastructure et notre capacité de produire. Nous en sommes à un point de renouvellement naturel et, franchement, l'accès au capital fait entrave à cela.

Même si le secteur de l'élevage a connu une nette baisse dans le Canada atlantique, au cours des 10 dernières années, il joue toujours un rôle important et demeure un élément de l'agriculture dans la région. Il pourrait jouer un bien plus grand rôle, avec toutes les bonnes pièces en place. Les éleveurs de porcs de l'Île-du-Prince-Édouard et les autres éleveurs de porcs des Maritimes sont très préoccupés par la perte d'accès à un abattoir fédéral dans notre région, comme nos amis de la Nouvelle-Écosse l'ont dit tout à l'heure. Cela a une incidence sur notre capacité d'accéder économiquement aux marchés. L'état de santé du cheptel canadien est un point fort de notre industrie. En raison de la taille du cheptel à l'Île-du-Prince-Édouard et de la biosécurité naturelle des fermes, nous avons ce qu'il faut pour produire des porcs à valeur ajoutée pour les marchés haut de gamme des États-Unis et d'ailleurs. Mais, je le répète, la perte d'infrastructure et l'incapacité d'obtenir du capital pour faire de l'expansion font entrave à cela. C'est une préoccupation majeure pour l'ensemble de la chaîne de valeur.

Je termine en vous remerciant de nous avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Dingwell.

George MacLeod, président, Producteurs d'œufs du Nouveau-Brunswick : Bonjour. Je m'appelle George MacLeod et je suis un producteur d'œufs et je représente la cinquième génération à la ferme New Meadow, une ferme qui se trouve à Tower Hill, au Nouveau-Brunswick, en périphérie de St. Stephen. Je suis en ce moment président de Producteurs d'œufs du Nouveau-Brunswick.

Producteurs d'œufs du Nouveau-Brunswick a été créé en 1970 et représente 16 familles agricoles et producteurs d'œufs du Nouveau-Brunswick. La production d'œufs du Nouveau-Brunswick représente 2 p. 100 de la production canadienne, ce qui fait du quota d'œufs de la province le plus faible au pays. La province compte annuellement quelque 492 000 poules. En tant que producteurs, nous produisons plus de 12 millions de douzaines d'œufs par année, et les ventes à la ferme se sont situées récemment aux environs de 22 millions de dollars.

J'aimerais saisir cette occasion pour vous remercier de nous avoir invités, April et moi, à participer à votre étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Certains d'entre vous se demandent peut-être comment les œufs, qui sont soumis à la gestion de l'offre, peuvent se situer à l'intérieur du programme commercial du gouvernement tel qu'il est formulé dans des documents comme le Plan d'action sur les marchés mondiaux. Nous croyons que la gestion de l'offre, une solide politique axée sur le marché intérieur, nous permet de produire pour les Canadiens des œufs qui sont parmi les meilleurs au monde sur le plan de la fraîcheur et de la qualité. Ce faisant, nous assurons la stabilité ici alors que les industries agricoles qui ont un meilleur potentiel d'exportation exploitent les occasions qui se présentent sur les marchés étrangers. La force et la stabilité de la gestion de l'offre peut nous aider à titre de producteurs d'œufs à composer avec les inévitables hauts et bas du contexte du commerce mondial, comme la volatilité mondiale des prix des produits agricoles, la possibilité de recul des marchés d'exportation et la difficulté que les agriculteurs hors de la gestion de l'offre ont à maintenir leurs exploitations à flot.

De plus, dans le cas des œufs, un produit périssable dont le potentiel de transport ou d'entreposage est limité, il est essentiel qu'ils soient produits et consommés à l'échelle locale. La gestion de l'offre a permis aux producteurs d'œufs de réinvestir dans leurs propres activités agricoles, dans les soins aux animaux de calibre mondial et dans les programmes de salubrité des aliments à la ferme. Travaillant ensemble dans le cadre d'une association commune, les producteurs d'œufs investissent en recherche-développement dans des disciplines comme la nutrition humaine et animale, la politique publique, le bien-être des animaux, l'économie, l'environnement et la durabilité des systèmes alimentaires. Ils font également profiter des pays étrangers de leurs connaissances et de leur savoir-faire, et contribuent à lutter contre la malnutrition et à la faim dans les pays en développement.

Au Canada, il y a en aval une chaîne d'approvisionnement dynamique composée de classificateurs d'œufs, de transformateurs d'œufs, de producteurs d'aliments et de détaillants, qui créent tous de la valeur, des emplois et des retombées économiques au pays. En outre, un nombre croissant de jeunes Canadiens se bâtissent une carrière gratifiante dans la production d'œufs en raison de la stabilité et des occasions qui sont le résultat du système de gestion de l'offre. Il y a maintenant un producteur d'œufs de cinquième génération sur notre ferme familiale, à Tower Hill. Ces tendances et ces réalisations s'observent dans une industrie qui affiche une croissance de 21 p. 100 depuis sept ans. Nous avons aussi des plans plus audacieux pour assurer notre croissance au pays, en misant sur la croissance de la population ethnique et sur la vague des tendances mondiales en faveur d'aliments sains, complets et riches en éléments nutritifs et en protéines produits localement.

Selon le rapport de 2013 du Conference Board du Canada intitulé Canada's Growing Appetite for Local Food :

L'intérêt croissant à l'égard des aliments locaux au Canada découle des préoccupations relatives à la qualité des aliments, à la santé et à la nutrition, à la salubrité des aliments, aux économies et aux agriculteurs locaux, et à l'environnement.

Les systèmes d'approvisionnement en aliments locaux ont une incidence économique considérable au Canada. Les producteurs d'œufs canadiens permettent aux consommateurs d'avoir accès toute l'année à des œufs canadiens frais de catégorie A de qualité supérieure, sécuritaires et produits localement, et ce, à des prix raisonnables et stables. Soyons clairs au sujet du prix. Le prix payé au producteur tient compte du coût indépendant en fonction de formules de production qui permettent le remboursement des coûts au producteur et est relativement stable au fil des ans. Ce sont toutefois les détaillants qui fixent les prix que paieront les consommateurs en magasin. La preuve, c'est que le prix des œufs payé au producteur a diminué de 9 p. 100 la douzaine à la fin de janvier dernier, mais aucune diminution proportionnelle ne s'est fait sentir chez les détaillants. Il n'en demeure pas moins que les œufs demeurent l'aliment riche en protéines le moins cher sur le marché. Une douzaine d'œufs permet de nourrir bien des bouches ou de préparer plusieurs repas, et ce, à un prix moins élevé que celui d'un café au lait.

Nous nous réjouissons sincèrement que le Canada ait conclu avec succès de nombreux accords de libre-échange, tout en maintenant la gestion de l'offre. Les objectifs des industries assujetties à la gestion de l'offre et de celles tournées vers l'exportation ne sont pas mutuellement exclusifs, comme l'a montré le Partenariat transpacifique conclu récemment. Nous sommes sensibles à l'occasion que ce partenariat offre au Canada et à l'ensemble de l'économie.

Cela étant dit, cet accord a eu des répercussions sur l'industrie ovocole canadienne. Le Canada devra importer un total de 19 millions de douzaines d'œufs supplémentaires par année quand l'accord aura été ratifié et sera entré en vigueur. Pour mettre les choses en contexte, c'est presque autant que ce que nous sommes déjà obligés d'importer en vertu des règles commerciales actuelles. Cela signifie que les Canadiens achèteront plus de produits importés qu'ils ne le voudraient. Les producteurs d'œufs persistent toutefois à croire que la résilience et la croissance de leur industrie amoindriront les effets de cette disposition. L'indemnisation que prévoit le PTP met fin en bonne partie à l'incertitude à laquelle nous sommes confrontés depuis des années. L'industrie peut maintenant continuer de planifier la production au pays et de combler les besoins croissants des Canadiens, puisqu'elle connaît le volume d'œufs importés aux termes de l'accord commercial. Nous resterons toutefois continuellement vigilants en surveillant les répercussions de cet accord au cours de la période de mise en œuvre.

Nous comprenons que pour obtenir quelque chose dans un domaine, il faut faire des concessions ailleurs. Quand nous examinons l'accord dans son ensemble, l'accès accordé aux œufs, la disposition d'indemnisation et la croissance de l'industrie, nous continuons d'appuyer l'accord, dans la mesure où un résultat approprié est obtenu sur le plan de l'indemnisation, bien entendu. Nous continuons donc de travailler avec le gouvernement et d'étudier les divers programmes d'indemnisation s'adressant aux secteurs assujettis à la gestion de l'offre annoncés relativement à l'accord commercial.

À mesure que progressera le programme de commerce international du gouvernement, l'industrie ovocole canadienne continuera de renforcer ses assises au pays. Avant tout, nous conserverons l'approbation sociale et la confiance des consommateurs. Nous continuerons d'investir dans nos fermes et dans la recherche, et établirons de meilleures pratiques sur les plans du logement et de la production. Nous continuerons de remettre des dons à des causes importantes et permettrons à d'autres de profiter de notre succès en offrant notre savoir, notre expertise et nos produits là où on en a besoin. Nous pensons que le gouvernement apprécie la contribution que notre stabilité au pays apporte au secteur agricole dans son ensemble, y compris à ceux qui souhaitent élargir leurs marchés d'exportation. La gestion de l'offre est comme un investissement de premier ordre au moment où le gouvernement cherche des occasions supplémentaires dans le cadre d'un accord commercial. Monsieur le président, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur MacLeod, de cet exposé.

Sénateur Mercer, vice-président du comité.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, merci d'être ici. Je vous suis reconnaissant de comparaître. L'ironie ne m'a pas échappé. C'est comme si nous parlions de jambon et d'œufs ici cet après-midi. J'en ai l'eau à la bouche. Je pense que c'est déjà l'heure de déjeuner.

Nous avons quelques problèmes. Parlons du porc un instant. Nous continuons d'avoir un problème à cet égard. S'il est une chose qui préoccupe les producteurs de l'Île-du-Prince-Édouard et des Maritimes, c'est le fait qu'il n'y a plus d'abattoir agréé par le gouvernement fédéral dans la région. C'est un problème frustrant qui nous hante depuis des années. Est-ce que quelqu'un a une solution à proposer à cet égard?

Notre étude porte sur le commerce international. Nous savons que le porc en particulier est un produit d'exportation. Si nous souhaitons optimiser les avantages que nous tirerons des accords commerciaux, nous devons être prêts à exporter. Nous devons donc être prêts à produire. Nous savons que les producteurs de porcs ou les agriculteurs en général dans le Canada atlantique sont de bons producteurs. Ils savent ce qu'ils font, mais s'ils ne disposent pas d'infrastructures pour les soutenir, comme un abattoir agréé par le gouvernement fédéral, dans le cas présent, ils se trouvent désavantagés. Est-ce que quelqu'un a une idée pour résoudre ce problème?

Tim Seeber, directeur exécutif, Prince Edward Island Hog Commodity Marketing Board : Il y a un autre problème qui va de pair avec l'absence d'abattoir, et je commencerai peut-être par en parler brièvement. Si une maladie fait irruption au pays, nous ne sommes pas en mesure de régionaliser notre production ou d'isoler la région touchée par une maladie afin de pouvoir continuer d'exporter à partir d'autres régions du Canada.

Au cours des deux dernières années, le Canada a également été aux prises avec le problème d'éclosion de DEP. L'Île- du-Prince-Édouard a été épargnée, mais comme nous n'avions aucun contrôle sur les abattoirs du Canada atlantique, nous ne pouvions plus envoyer de porcs au Québec non plus. Ils n'y étaient plus les bienvenus. Nous avons dû les envoyer en Ontario, ce qui a posé des problèmes associés à la manipulation sans cruauté et à la détresse chez les producteurs.

Pour en arriver à votre point, il y a des discussions au sujet d'un abattoir. Je pense que trois provinces des Maritimes sont très favorables à l'idée. À une époque, tout le monde voulait un abattoir dans sa cour. Nous sommes parfaitement conscients que le nombre de porcs ne le justifie plus, mais nous avons suffisamment de porcs pour approvisionner un abattoir de moindre taille centralisé pour les trois provinces des Maritimes. Nous avons tenté de proposer le projet à quelques occasions, mais nous nous sommes fait répondre qu'aucun fonds du gouvernement fédéral n'était disponible et que les provinces n'étaient pas disposées à investir dans le projet.

Selon nous — et peut-être que Brad souhaite formuler un commentaire également —, il serait tout à fait acceptable pour l'industrie que le gouvernement fédéral offre une forme d'aide pour faciliter la construction d'un abattoir agréé dans la région située entre Amherst et Truro, à Moncton ou ailleurs. Je pense que les gouvernements provinciaux seraient très réceptifs au projet, mais vous n'êtes pas sans savoir qu'ils n'ont pas la solidité financière pour agir seuls pour l'instant.

Brad, peut-être voudriez-vous ajouter quelque chose, puisque la Nouvelle-Écosse s'est davantage investie dans cette discussion au cours des 12 ou 18 derniers mois parce que deux personnes semblaient préoccupées dans ce dossier.

Le sénateur Mercer : Brad.

M. McCallum : Merci, sénateur Mercer.

Nous devons mettre l'accent sur la coordination et la collaboration au sein de l'industrie. Il est vrai que nos trois provinces sont toutes petites et ont une production limitée. Pour nous, la clé de l'avenir consiste à tenter d'accéder aux marchés ensemble pour concrétiser les occasions qui s'y offrent.

Nous avons effectivement rencontré notre gouvernement provincial. Le processus d'évaluation de la faisabilité du projet d'abattoir s'est probablement étiré sur 24 mois. Comme Tim l'a souligné, nous n'avons pas besoin de plusieurs installations. Nous en avons besoin d'une qui puisse gérer, transformer et mettre en marché les porcs que nous pouvons produire. Compte tenu de la production actuelle de porcs de marché et de porcelets sevrés des Maritimes, il faudrait probablement investir 12 ou 14 millions de dollars pour construire une installation ayant l'ampleur et la taille pour être, selon nous, viable. Elle traiterait environ 750 à 1 000 porcs par semaine, ce qui est tout à fait faisable compte tenu de la production actuelle. Un des facteurs qui nous limitent, c'est qu'il faut réussir à faire atteindre à nos porcelets le poids ou la taille nécessaires pour être mis en marché.

Pour en revenir à l'abattoir, nous avons rencontré les producteurs de porcs de la Nouvelle-Écosse le 8 décembre 2015. L'un d'eux a très clairement indiqué que peu importe l'endroit où on pourrait édifier un abattoir inspecté par le gouvernement fédéral dans les Maritimes, ce serait encore plus près que l'abattoir le plus proche au Québec. Nous pourrions le construire à Meat Cove, à Cap-Breton, à Edmundston, à Yarmouth ou à Montague, et ce serait préférable à la situation actuelle. C'est, en grande partie, à cause de la question de la manipulation sans cruauté.

Nous constatons, avec les détaillants et particulièrement avec certaines chaînes d'alimentation rapide, que les consommateurs souhaitent savoir où et comment leurs aliments sont produits. C'est ce qu'on appelle l'acceptabilité sociale, évoquée plus tôt par M. MacLeod. Pour ce qui est de construire un abattoir agréé par le gouvernement fédéral ici, dans les Maritimes, il est vrai qu'un investissement de 14 ou de 16 millions de dollars est une somme coquette, mais pas au point d'être hors de portée.

Le sénateur Mercer : Vous avez indiqué que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient apporter leur soutien. Le gouvernement actuel de la Nouvelle-Écosse a fait savoir que de façon générale, il n'avait pas l'intention d'accorder des subventions ou des prêts à l'industrie.

Il me semble que le Conseil des premiers ministres des Maritimes est un endroit où vous pourriez trouver trois premiers ministres, qui sont tous du même parti politique pour la première fois depuis longtemps. Cela ne devrait avoir aucune incidence de toute façon, mais au moins, ils se connaissent tous, ce qui devrait être utile.

Il me semble que nous devons trouver un moyen de réunir les parties prenantes afin de discuter de la question, car nous pourrions respecter les délais de production et permettre aux animaux d'atteindre la taille souhaitable pour l'abattage. À partir du moment où l'on décide de commencer à construire une installation, les gens commencent à produire des porcs.

Est-ce qu'un des trois premiers ministres vous a incités à mettre cette question au programme du Conseil des premiers ministres des Maritimes?

M. Dingwell : Oui, nous en avons parlé.

Ma propre entreprise a un accord d'approvisionnement avec le marché américain afin de lui expédier chaque semaine 1 000 porcs élevés sans antibiotique et traités selon des normes supérieures de manipulation sans cruauté. Ce marché attache notamment de l'importance au temps de transport vers l'abattoir. À l'heure actuelle, nous pouvons envoyer nos porcs au Québec tout en satisfaisant à cette norme, mais nous y parvenons de justesse et en respectant le strict minimum. Nous avons établi des marchés qui veulent des porcs de marché pour lesquels nous devons avoir accès à des abattoirs agréés par le gouvernement fédéral pour qu'ils soient acceptables aux fins d'exportation. C'est le moment propice pour donner suite à ce projet et pour continuer faire progresser le dossier, parce que les marchés établis sont prêts à payer un supplément et un prix garanti pour un nombre total de porcs abattus. Il serait également fort avisé de construire l'usine selon des normes de production correspondant à celles du PTP et de l'accord conclu avec l'Union européenne. Nous bénéficions d'une occasion unique dans notre région, grâce à l'image pastorale ou à la valeur touristique de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard. À l'échelle internationale, un grand nombre de consommateurs ont idée de ce dont une petite ferme devrait avoir l'air, et sincèrement, mesdames et messieurs, c'est ce que l'on trouve dans les Maritimes. L'image d'un champ ou d'un port de petite taille est celle que les consommateurs souhaitent associer à leurs aliments. Quand j'amène des détaillants partenaires dans ma région, ils y voient exactement l'image qu'ils veulent transmettre à leurs consommateurs, qui paient un supplément important pour nos produits, en raison de leur qualité et de l'endroit où nous nous trouvons.

Je pense qu'il est temps d'établir des modèles évolutifs. Nous ne construirons pas d'usine de traitement des viandes qui produit 100 000 porcs par semaine et qui concurrencera celles de Cargill, de Tyson et même de Maple Leaf, mais nous pouvons édifier des usines évolutives d'une taille appropriée pour notre région afin d'approvisionner les marchés existants. Cela nécessitera une participation et un partenariat à de multiples niveaux entre le gouvernement fédéral, les provinces et l'industrie. Je pense que ces partenaires sont là, mais un coup de pouce pourrait s'avérer nécessaire, de votre part, par exemple.

Le sénateur Mercer : Je vous pose la question suivante, car je n'en connais certainement pas la réponse. L'usine pourrait-elle traiter d'autres espèces que le porc? La production de bœufs est très limitée également dans le Canada atlantique, mais les producteurs doivent eux aussi envoyer leurs animaux au Québec et en Ontario aux fins d'abattage et de transformation. Serait-il économiquement et financièrement rentable de combiner toutes ces activités dans une seule usine, qui traiterait d'autres animaux que du porc?

M. Seeber : C'est une bonne question. Si nous avions conservé toutes les usines qui ont fermé, nous aurions pu les fusionner en une installation traitant plusieurs espèces. Le problème, à l'heure actuelle, c'est que nous ne pouvons pas utiliser de refroidisseurs, de chaînes d'abattage et d'entrepôts communs. Ce que nous pouvons faire, c'est tirer parti de la chaîne d'approvisionnement, de la filière de commercialisation, des infrastructures de traitement des eaux usées et de toute installation pouvant être incorporée. C'est une excellente idée de construire deux installations très proches l'une de l'autre, car on peut alors optimiser la gestion également.

Le problème avec l'usine de transformation de bœuf, c'est qu'on y cherche à approvisionner le marché halal; la viande ne pourrait donc pas avoir été exposée à la viande de porc. C'est toutefois un écueil que l'on peut contourner. Juste à côté de l'usine de transformation de bœuf se trouve une usine de transformation de pommes de terre vide, qui attend un propriétaire. L'Île-du-Prince-Édouard risque actuellement de perdre son usine de transformation du bœuf juste parce que les gouvernements provinciaux n'agissent plus ensemble dans ce dossier et que le gouvernement de l'Île- du-Prince-Édouard assume seul toutes les pertes de l'usine.

S'il existait une forme d'accord commun entre les gouvernements fédéral et provinciaux, nous pourrions assurer l'intégration dans l'installation existante, mais les chaînes, le traitement et des refroidisseurs devraient être séparés. De plus, la transformation plus poussée constitue un aspect important de la rentabilité, et c'est une capacité qui nous fait défaut à l'heure actuelle.

Le sénateur Mercer : Aucune des vieilles usines n'est récupérable, n'est-ce pas? Elles se sont toutes détériorées, car elles sont à l'abandon depuis trop longtemps.

M. Seeber : Nous ne pourrions pas les utiliser actuellement.

Le sénateur Mercer : Brad, vous vouliez intervenir.

M. McCallum : Oui. Pour revenir un peu en arrière, nous avons longuement discuté avec notre gouvernement provincial, principalement à l'échelon ministériel, au sujet de l'investissement dans ce genre d'installation. Nous devons également admettre que, comme vous l'avez souligné, nous pouvons avoir un plan d'affaires et du financement en place aujourd'hui, mais l'abattage ne pourra probablement pas commencer avant trois ou quatre ans. Il importe aussi d'appuyer les autres composantes provinciales des infrastructures dans le cadre de la construction de notre usine agréée par le gouvernement fédéral.

Nous avons notamment discuté avec notre ministre du fait que l'appui ne doit pas nécessairement prendre la forme d'une subvention ou d'une contribution directe du gouvernement. Ce sont des conditions de financement préférentielles dont nous avons besoin. Dans notre province, une institution provinciale s'occupe du financement des activités agricoles et de transformation. Il y a une occasion de ce côté.

Si nous pouvions donner suite à ce que Tim a dit au sujet de l'usine de transformation de plusieurs espèces, il y a, tout près de mon bureau, l'abattoir de Northumberland, qui est passé de l'agrément provincial à l'agrément fédéral. Nous avons communiqué avec cette usine à maintes reprises en lui indiquant qu'il suffirait d'ajouter que quelques pièces d'équipement à l'infrastructure en place pour faire de l'installation une usine de transformation de porc tout à fait adéquate. Le problème vient encore de la séparation des installations de refroidissement et d'entreposage. Cette coopérative commercialise de l'agneau et non du porc. Quelques occasions se présentent dans certaines usines agréées par le gouvernement fédéral des Maritimes, mais la situation devient très complexe quand on veut transformer plusieurs espèces.

Le sénateur Mercer : J'ai encore d'autres questions, mais je veux également entendre mes collègues. Je vais donc m'abstenir et j'y reviendrai plus tard.

Le sénateur Oh : Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements intéressants. Combien cela coûte-t-il d'investir dans une usine de transformation?

M. McCallum : L'étude de faisabilité que nous avons commandée à un groupe de professeurs de la Saint Mary's University de Halifax concernait une usine pouvant traiter de 750 à 1 000 porcs par semaine et ayant une capacité de transformation plus poussée permettant de fumer la viande et de fabriquer de la saucisse. L'investissement en capital initial serait d'environ 14 à 16 millions de dollars, sans compter les coûts d'exploitation.

Le sénateur Oh : Pouvez-vous garantir que vous avez 750 à 1 000 porcs par semaine? Est-ce là la consommation normale des trois provinces?

M. McCallum : J'ignore quelle serait exactement la consommation des trois provinces. Je sais que ce serait bien plus que 750 à 1 000 porcs par semaine. Nous ne produisons que 6 p. 100 environ du porc en Nouvelle-Écosse que les Néo- Écossais consomment; je présume que la situation serait fort similaire à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau- Brunswick.

Pour répondre à votre question, qui visait à savoir si nous pourrions expédier ce nombre de porcs à l'usine, oui, nous le pourrions. Ce serait très facile. En Nouvelle-Écosse, nous en sommes déjà à 250 porcs juste pour notre propre production de porcs de marché. Il y a encore environ 55 000 porcelets sevrés que nous exportons en Ontario et au Québec aux fins de finition.

Le sénateur Oh : Les chiffres que vous avez donnés sont très prudents. Vous pouvez atteindre l'objectif sans problème.

M. McCallum : Oui, en effet.

Le sénateur Oh : Vous éprouvez quelques problèmes avec les facilités de crédit. Que proposez-vous? Comment le gouvernement peut-il vous aider à cet égard?

M. Dingwell : Vous parlez probablement de l'accès au crédit aux fins de réinvestissement et de construction. Je pense que nous avons certainement besoin de Financement agricole Canada. Même si je comprends qu'il s'agit d'une société d'État indépendante, il faut que quelqu'un montre la voie. Nos banques à charte traditionnelles ont coutume de regarder derrière, là où était l'industrie, au lieu de voir où elle s'en va. Avec votre permission, je vais vous raconter une courte histoire.

Quand j'étais un jeune producteur de porcs, j'ai assisté à une réunion de l'industrie, au cours de laquelle une grande banque à charte nous a incités à construire des étables. L'élevage de porcs était alors florissant. Un vieil agriculteur se tenant à l'arrière de la salle m'a pris à part et m'a dit : « Jeune homme, quand les banques veulent vous donner de l'argent, déguerpissez. Quand vous ne pouvez obtenir d'argent, suppliez, empruntez et volez, car le meilleur s'en vient. » C'est un des conseils les plus judicieux que j'aie jamais reçus. Sincèrement, c'est dans cette situation que nous nous trouvons actuellement. Les banques à charte ont, selon leurs propres termes, fermé leur bourse au secteur du porc. Elles ont connu des marges négatives depuis sept ans et encaissé des pertes s'élevant à plusieurs millions de dollars dans l'industrie du porc à cause de l'offre excédentaire et de facteurs indépendants de notre volonté.

Si les exploitations porcines ont cessé la production dans les Maritimes et dans le reste du Canada, ce n'est pas par manque de qualité, de compétence ou d'aptitude. C'est parce que les prix qui ont cours à l'échelle mondiale sont inférieurs au coût de production. Mais à dire vrai, le marché s'est rétabli au point où le potentiel de rentabilité est maintenant considérable. L'année dernière a été excellente et l'année précédente a été bonne. Je pense que les affaires iront bien dans les prochaines années.

Il est temps de supplier, d'emprunter et de voler. Nos partenaires fédéraux pourraient avoir une occasion d'agir et de montrer la voie en déliant les cordons de la bourse pour le secteur du porc. Il y a là un rôle à jouer en prenant l'initiative de réinvestir dans l'industrie. Une grande partie de l'industrie canadienne — et c'est certainement le cas du complexe industriel des Maritimes — en est maintenant rendue au point où elle doit effectuer certains remplacements, et elle devra avoir accès au capital.

Le sénateur Oh : Qu'en est-il de la pénurie de main-d'œuvre? Ce problème sévit-il dans l'industrie porcine des trois provinces?

M. Dingwell : Il peut s'avérer difficile de trouver des travailleurs locaux, mais nous avons accès à une main-d'œuvre composée d'immigrants permanents dans le domaine de l'agriculture, dans le cadre d'un programme que je vous encouragerais à continuer. Nous avons actuellement accès à une main-d'œuvre hautement qualifiée et à des travailleurs immigrants. Corrigez-moi si je fais erreur, mais je pense que cela fonctionne quand il y a une demande de citoyenneté à temps plein. C'est une réussite. Je sais qu'on recourt de plus en plus à ce programme à l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a de la main-d'œuvre disponible.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Mockler : Juste pour donner suite à la question du sénateur Oh, le Programme des travailleurs étrangers temporaires s'applique ou s'est appliqué dans vos deux industries. Quels effets a-t-il? Pouvez-vous nous donner des chiffres? De quel pourcentage avez-vous besoin ou avez-vous eu besoin au cours des deux dernières années, disons? Nous comprenons que cela dépend des produits ou de l'industrie concernés, qu'il s'agisse de pommes, de chou-fleur ou d'autre chose.

M. Seeber : Je pense que les effets ne se sont pas autant fait sentir dans l'industrie porcine que dans celles des pommes de terre et de la cueillette de fruits. Les industries saisonnières ont réellement eu un problème à cet égard, mais l'industrie porcine a, en bonne partie, réussi à passer au travers, peut-être en raison de l'effondrement de l'industrie dans le Canada atlantique. Les gens sans emploi sont capables de se trouver du travail. Ce n'est pas comme s'il y avait trop d'exploitations qui cherchent de la main-d'œuvre.

Le sénateur Mockler : L'industrie ovocole éprouve-t-elle de la difficulté à trouver des travailleurs?

M. MacLeod : Non, pas pour les travailleurs dans l'industrie ovocole dans le Canada atlantique.

Le sénateur Mockler : Voilà qui m'amène à un sujet à propos duquel j'ai déjà interrogé des témoins, c'est-à-dire le Mexique et les trois partenaires. Comment en sont nos relations commerciales avec le Mexique? Nous nous intéressons au PTP et à l'AECG. Il y a environ 90 millions de personnes qui vivent au sud de notre frontière ou au Mexique. À l'heure actuelle, quelles répercussions se font sentir dans votre industrie?

M. MacLeod : Comme l'industrie ovocole n'exporte pas, le seul impact vient du prix des œufs que nous devons importer des États-Unis. Le Mexique est un très grand partenaire commercial des États-Unis, d'où il importe énormément d'œufs. Si les œufs sont en demande au Mexique, cela fait augmenter le prix des œufs que nous devons importer au Canada en vertu des règlements en vigueur. Quand le PTP sera ratifié, le niveau d'importation sera encore plus élevé.

M. Seeber : En ce qui concerne le porc, le Mexique n'est pas un de nos grands marchés d'exportation, pas si on le compare à certains grands pays avec lesquels nous faisons affaire. Le Mexique effectue quelques achats de moindre importance, mais rien qui ait une incidence quelconque.

Le sénateur Mockler : Parlez-vous pour la région de l'Atlantique ou pour le Canada?

M. Seeber : Pour l'ensemble du Canada.

Le sénateur Mockler : Pour l'ensemble du Canada.

M. Seeber : Comme nous n'avons pas d'abattoir agréé par le gouvernement fédéral, nous n'exportons rien.

Le sénateur Mockler : Je dis « l'ensemble du Canada », car nous avons visité, dans d'autres régions du pays, des infrastructures qui préparent des coupes de choix destinées à des marchés de créneau, où il est possible de faire de jolis profits.

M. Seeber : C'est vrai. Si on revient à l'idée de construire un abattoir ici, dans le Canada atlantique, on viserait un marché de créneau. On ferait de l'abattage pour un créneau, car ce ne sont pas les économies d'échelle qui permettraient d'être rentable sur un marché de produits de base.

On nous a demandé combien de porcs nous pourrions envoyer à cette usine. Le chiffre de 750 à 1 000 porcs représenterait probablement environ la moitié ou moins des porcs de finition que le Canada atlantique met en marché. Un grand nombre de producteurs ne sont pas prêts à modifier leurs pratiques pour satisfaire aux exigences du marché spécialisé évoqué par Scott plus tôt. Ils continueraient d'approvisionner les marchés de produits de base au Québec.

Vous ne convaincrez pas tout le monde à 100 p. 100, mais un grand nombre de petits producteurs veulent continuer de produire des porcs et sont prêts à en envoyer à un marché spécialisé. C'est de genre de producteurs qui approvisionneraient l'usine.

Le sénateur Mockler : Je vais faire ma dernière observation et poser ma dernière question. Si on construit cet abattoir dans le Canada atlantique, comment encouragera-t-on l'accroissement de la production et/ou la conquête de marchés de créneau? Obtiendrions-nous un rendement de notre investissement?

M. Dingwell : Oui. Le temps de transport vers l'abattoir est primordial pour le marché dont j'ai parlé, avec lequel nous avons conclu un contrat pour lui fournir 1 000 porcs par semaine. L'un des points dont il faut se préoccuper sur le plan du soin des animaux, c'est le temps de transport vers l'abattoir. Ce serait une responsabilité de premier plan.

Le marché dont j'ai parlé est complètement indépendant du marché des produits de base. Dans l'industrie porcine, on parle du prix de Chicago ou du prix de l'Ontario, c'est-à-dire du prix qui monte ou qui descend. C'est le prix qui nous a permis d'engranger des profits importants et, plus souvent, d'essuyer de lourdes pertes. Je déteste dire « marché de créneau », car ce marché est bien plus petit qu'un créneau. C'est un marché spécialisé bien établi. Il existe et affiche un taux de croissance de 20 p. 100 depuis le temps où je l'observe directement, soit depuis au moins 15 ans. Il achète 1 000 porcs par semaine et, à dire vrai, si nous en trouvons de 2 000 à 3 000 par semaine, ce n'est pas un problème.

La demande sur le marché peut appuyer ce genre d'initiative. Ce qui est crucial, c'est la volonté des producteurs qui ne veulent pas produire de porcs selon cette norme. Ils ont la possibilité d'approvisionner le marché direct. À l'heure actuelle, les producteurs de Nouvelle-Écosse peuvent avoir des marchés au Nouveau-Brunswick, mais s'ils n'ont pas accès à un abattoir agréé par le gouvernement fédéral, ils ne peuvent les approvisionner. J'ai reçu d'innombrables appels de Terre-Neuve me demandant si je peux envoyer du porc, ce à quoi je réponds que je n'ai pas accès à un abattoir agréé par le gouvernement fédéral. Ces marchés pourraient prendre de l'expansion, se développer et être encouragés avec l'accès à un abattoir agréé par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Mockler : Si nous ciblons les marchés de créneau ou, pour reprendre le terme que vous utilisez, les marchés spécialisés, cela encouragerait la production dans le Canada atlantique. Avez-vous déjà réalisé une étude de faisabilité?

Quand notre comité s'est rendu à Toronto et a visité les installations de Maple Leaf, nous avons souligné l'importance d'un abattoir agréé par le gouvernement fédéral dans le Canada atlantique. Avez-vous effectué une étude de faisabilité au cours des cinq dernières années pour porter ce besoin à l'attention des gouvernements afin qu'ils puissent prendre des décisions à ce sujet?

M. Dingwell : En ce qui concerne directement une installation agréée par le gouvernement fédéral?

Le sénateur Mockler : Oui.

M. Dingwell : Mais certainement. J'ai d'ailleurs évoqué l'étude très récente que nous avons commandée en 2014. C'est le document que nous utilisons quand nous parlons des occasions de construire ce genre d'installation à notre gouvernement provincial.

En fait, Pork Nova Scotia tient sa réunion générale annuelle demain, et tout l'après-midi, nous discuterons du développement des marchés et de l'industrie et du lien qui existe avec un abattoir inspecté par le gouvernement fédéral. Nous avons engagé un ingénieur d'usine et un consultant en marketing. À l'heure actuelle, l'industrie est notre principale préoccupation.

Le sénateur Mockler : Contrairement à mon partenaire, le sénateur Mercer, je m'abstiendrai de formuler des commentaires sur ce que vous devriez faire. Je vous laisserai le soin de décider demain.

Quand vous voyez la manière dont Walmart et Costco vendent tout un éventail de produits alimentaires, est-ce que l'image de marque de la production locale, des produits locaux, du Canada atlantique ou du Canada aide de quelconque façon?

M. McCallum : Peut-être répondrai-je du point de vue de l'industrie du bœuf, pour laquelle je travaille également.

Costco est un des plus importants acheteurs de bœuf du pays, et travaille très fort et très diligemment avec Canada Beef Inc., notre organisation de marketing nationale. Tout le monde a une définition différente du mot « local ». Pour certain, cela fait référence au gars qui fait pousser quelques carottes au bout de la rue, alors que pour d'autres, l'échelle locale se situe dans un rayon de 50 ou de 100 kilomètres. Pour les détaillants, le produit local doit pouvoir être livré à leur entrepôt 24 heures après avoir été transformé ou cueilli.

Nous préférons ne pas utiliser le mot « local », car il est de nature à semer la confusion. Certaines chaînes de restauration rapide délaissent maintenant ce mot pour parler davantage de l'acceptabilité sociale, de l'élevage sans antibiotiques, des produits qui ne sont pas employés et de l'élevage en liberté. Jamie Oliver et Sobeys constituent un excellent exemple avec leurs produits Blue Goose. Tout tourne autour de la manipulation sans cruauté et du soin des animaux quand ils sont vivants. Oui, l'aspect local est important, mais tout le monde a une définition différente à cet égard.

Le sénateur Mockler : Si vous définissez ce mot comme vous venez de l'expliquer, cela vous confère-t-il un avantage supérieur auprès des consommateurs?

M. McCallum : Tout dépend vraiment de qui il s'agit et de la manière dont on examine la question. En 2008 ou 2009, j'ai participé à une initiative d'envergure avec des chercheurs australiens, qui n'ont pas tardé à faire remarquer que la provenance n'est pas vraiment un attribut des aliments. Elle a une incidence sur le goût, mais au final, le mode d'élevage ou de culture importe plus que la provenance. L'aspect local est plutôt un facteur émotionnel qu'un attribut de l'aliment comme tel.

Le sénateur Mockler : Voilà une observation judicieuse.

Le président : Monsieur McCallum, pourriez-vous nous envoyer votre étude?

M. McCallum : Bien sûr. Je l'enverrai directement à M. Pittman.

Le président : Merci.

[Français]

Monsieur MacLeod, combien produisons-nous de douzaines d'œufs au Canada? Pouvez-vous me donner une estimation?

[Traduction]

M. MacLeod : Il y a environ 2,5 millions de poules au Canada actuellement. Selon nos coûts de production, que nous calculons tous les cinq ans, chaque poule produit 25 douzaines et demie d'œufs. Avec QuickMath, nous pourrions faire le total.

[Français]

Le président : Qu'est-ce que vous faites avec le poulet de réforme? Lorsqu'une poule a dépassé son cycle de pondaison, qu'est-ce que vous en faites?

[Traduction]

M. MacLeod : Il existe divers marchés dans la région centrale du Canada, où on effectue de la surtransformation afin de produire des viandes à sandwich et ce genre de choses. Dans le Canada atlantique, l'industrie du vison prend une très grande partie de nos volailles de réforme, que les éleveurs utilisent pour nourrir les visons. Elles n'ont aucune valeur pour les producteurs d'œufs, mais dans la plupart des cas, l'industrie du vison les prendra sans qu'il en coûte quoi que ce soit aux producteurs d'œufs.

[Français]

Le président : Je m'excuse. Est-ce qu'il y a une usine d'abattage de vieilles poules pour la région de l'Atlantique? Non?

[Traduction]

M. MacLeod : Oui, il y en a une au Nouveau-Brunswick, dans la région d'Edmundston, tout près de la frontière du Québec. L'an dernier, on y a ajouté des installations pour traiter la volaille de réforme à l'occasion.

[Français]

Le président : Il y a quelques années, le comité, sous la présidence du sénateur Mockler, avait parcouru le Nouveau- Brunswick, la Nouvelle-Écosse et même Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avions eu la chance de visiter une ferme de production d'œufs en Nouvelle-Écosse qui étaient exploitée par trois générations d'éleveurs. C'était une ferme tout à fait exceptionnelle. En termes de propreté et de qualité, c'était vraiment la ferme idéale. S'il fallait enseigner, dans une université ou un collège, comment tenir une ferme au Canada, je crois qu'il faudrait faire appel à ces gens-là, au grand-père, au père et au petit-fils, et bien sûr à la maman, qui s'occupe des finances. Il s'agissait d'une ferme optimalisée qui produisait sa propre énergie électrique et qui en vendait les surplus à Nova Scotia Energy. De plus, en face, c'était son frère qui produisait les grains pour les poules. Donc, c'était une ferme complémentaire tout à fait exceptionnelle.

Ce modèle-là, à mon avis, c'est le modèle de l'avenir pour les fermes de poules pondeuses. Est-ce que, dans votre association, il y a une section qui s'occupe de la relève en matière de producteurs d'œufs? Cela existe-t-il ou vous fiez- vous au marché ou à la famille? Est-ce qu'il y a une section qui peut favoriser le transfert des fermes? Je sais que, dans votre cas, il s'agit de la troisième ou de la quatrième génération, mais est-ce que votre association mène des activités d'exploration pour s'assurer que les fermes seront transférées au sein de la même famille?

[Traduction]

M. MacLeod : Merci de me poser cette question. Au cours des deux dernières années, nous avons instauré au pays un programme de jeunes agriculteurs canadiens qui s'adresse aux jeunes éleveurs de poulets, auquel toutes les associations provinciales participent. Il s'agit d'un programme de deux ans comprenant quatre segments par année. Les jeunes producteurs d'œufs du Canada se réunissent dans les diverses régions. Nous leur prodiguons des conseils et leur transmettons des connaissances sur les rouages du système de gestion de l'approvisionnement en œufs et sur les avantages qu'il leur offre. Au pays, nous parrainons une personne par province. Dans la plupart des cas, les associations provinciales profitent de l'occasion pour parrainer une personne supplémentaire. Chaque année, c'est un total de 22 jeunes agriculteurs qui participent à ce programme, qui dure deux ans. Ils lui trouvent une grande utilité, et ils nous l'ont tous fait savoir. Ils encouragent l'autre génération ou leurs frères et sœurs à y participer également.

Le président : Merci beaucoup, monsieur MacLeod. J'espère que ce programme continuera longtemps.

Le sénateur Mercer : J'étais là à réfléchir aux problèmes dont nous discutons à propos des occasions d'augmenter la production. On prévoit qu'en 2050, le monde comptera neuf milliards d'habitants. Il y a une certaine ironie à discuter ici de l'incapacité de construire une usine qui pourrait transformer chaque année des dizaines de milliers de porcs qui pourraient nourrir autant de gens. Quelque part, dans le monde, quelqu'un se tord les mains en se demandant comment on pourra nourrir neuf milliards de personnes en 2050. Il y a une certaine ironie dans tout cela. La situation me semble curieuse.

Je veux revenir à M. MacLeod, parce qu'il a soulevé quelque chose qui nous a frappés, Kevin et moi. Pourquoi la volaille de réforme que vous envoyez aux visonnières n'a-t-elle aucune valeur pour le producteur?

M. MacLeod : Parce qu'en plus de transporter l'oiseau et de le transformer en aliments pour animaux, s'ils devaient nous payer l'oiseau, ce ne serait pas commercialement viable pour eux.

La présidente : C'est une façon pratique de vous débarrasser de votre volaille de réforme.

M. MacLeod : Oui. Notre seule autre option serait de l'envoyer dans le nord du Nouveau-Brunswick ou en Ontario, car ce sont les deux seules autres installations. Dans la plupart des cas, si nous essayons de faire cela une fois qu'ils ont transformé les oiseaux, ils vont nous envoyer une facture pour le coût de la transformation.

April Sexsmith, directrice générale, Producteurs d'œufs du Nouveau-Brunswick : Les choses ont aussi beaucoup changé en 20 ans. Quand j'ai fait mon entrée dans ce secteur, il y a 25 ans, les gens nous appelaient et nous demandaient quand arriverait le prochain élevage parce qu'ils avaient de l'espace pour l'abattage et qu'ils voulaient fonctionner au maximum de leur capacité. Nous avons perdu l'espace au fur et à mesure de la croissance du côté de la viande de poulet, ce qui a vraiment fait baisser la valeur de notre viande.

Le sénateur Mercer : Mais c'est une façon pratique et efficace de vous débarrasser de la volaille de réforme.

M. MacLeod : En effet. Notre seule autre solution est le compost.

Le sénateur Mercer : C'est intéressant.

Vous avez mentionné le FAC, mais curieusement, personne n'a encore parlé de l'APECA au cours des derniers jours. Pour la première fois depuis très longtemps, l'APECA n'a pas un ministre à elle seule, mais relève plutôt du ministre Bains, que je connais. C'est un très chic type. Je n'arrive pas à me souvenir du dernier ministre fédéral de l'Agriculture originaire du Canada atlantique. Il a aussi été agriculteur, alors il comprend le secteur.

Nous devrions miser sur la présence du ministre MacAulay là et essayer de voir s'il y a un moyen de le faire. La réputation de l'APECA est inégale. Je vais être aussi généreux que possible. Il pourrait s'agir d'une source de financement, non pas sous forme de subvention, mais plutôt de prêt. Le problème, c'est de trouver la personne courageuse ou le groupe courageux qui veut se lancer dans la construction d'un abattoir et qui en voit la rentabilité. Compte tenu des deux accords commerciaux que nous envisageons en ce moment, il me semble que nous devrions pouvoir mieux justifier cela sur le plan économique, de manière à revenir dans ce domaine, à nous occuper de notre offre nationale et à revenir sur le marché de l'exportation. Il y a un marché à l'étranger pour le porc de bonne qualité, et nous ne produisons que cela, du porc de bonne qualité.

Vous avez parlé d'une usine dans l'Ouest qui a eu des problèmes. Nous n'avons aucun autre endroit pour produire des choses. Comme je l'ai souligné hier, nous ne parlons pas dans notre pays de salubrité des aliments et de notre capacité de nous nourrir nous-mêmes. Nous pensons que nous pouvons nous nourrir nous-mêmes, mais nous savons que nous ne pouvons pas en ce moment nous fournir en légumes frais par exemple, 12 mois par année à cause de notre environnement. Nous pourrions le faire avec de la créativité, et quand il y aura 9 milliards de personnes sur la Terre, nous serons obligés d'être créatifs. Nous ne pouvons attendre 2049 pour nous préparer à 2050. Il faut que la planification commence en 2016.

J'ai tellement de questions que je ne sais pas par où commencer. Vous êtes obligés de faire appel aux abattoirs provinciaux pour l'abattage des porcs parce qu'il n'y a rien d'autre. Avons-nous parlé de former les inspecteurs provinciaux pour qu'ils puissent faire en même temps des inspections fédérales? Si nous ne pouvons trouver les 15 millions de dollars qu'il faut pour la construction d'un abattoir autonome qui transformerait des dizaines de milliers de porcs, pourrions-nous au moins envisager d'adapter certaines de nos installations provinciales en donnant de la formation aux inspecteurs provinciaux et en apportant, naturellement, des ajustements mineurs aux installations d'abattage provinciales? Je ne voulais pas vous poser une question facile.

M. McCallum : Ce n'est pas une question très difficile pour moi, car l'une des choses que j'ai mentionnées est notre abattoir d'agneaux qui a fait l'objet du projet fédéral sur l'hygiène des viandes au cours des quelques dernières années et qui est passé de l'inspection provinciale à l'inspection fédérale. Le problème n'est pas lié aux inspecteurs. C'est que les normes d'inspection des viandes de l'ACIA sont très normatives en ce sens que vous ne pouvez avoir un drain de 6 pouces qui se trouve à 4,2 pieds du mur et qui comporte une pente de 6,3 degrés, par exemple.

Le sénateur Mercer : Bien sûr. N'avons-nous pas tous cela?

M. McCallum : Oui. Ce n'est pas tant le processus d'inspection comme tel, que les exigences matérielles du bâtiment où l'abattage se fait. D'après mes discussions avec les gens qui ont été soumis au projet fédéral sur l'hygiène des viandes à Northumberland, nombreux sont ceux qui trouvent qu'il aurait mieux valu reprendre du commencement que de modifier leurs installations existantes.

Nous avions une autre installation en Nouvelle-Écosse, lancée entre-temps. C'était une usine d'abattage d'espèces variées au début. Ils ont rapidement cédé parce qu'ils ont constaté qu'il est bien plus difficile de rénover que de reconstruire.

Le sénateur Mercer : La réponse est peut-être de modifier la réglementation.

M. McCallum : D'après ce que je comprends, des changements sont à prévoir dans la réglementation fédérale visant l'inspection des viandes en ce sens qu'elle sera axée sur les résultats plutôt que sur la prescription, ce qui signifie que votre façon de gérer le débit ou les déchets importera davantage que la façon de les amener là.

Le sénateur Mercer : Je suis désolé de ne pas avoir soulevé cela hier avec d'autres personnes. J'encourage tout le monde à s'assurer d'obtenir la collaboration du ministre MacAulay. Vous allez avoir votre rencontre annuelle demain. Je ne sais pas qui sera présent, mais j'espère que le ministre MacAulay sera sur votre liste d'invités. Je crois qu'il est très important de l'intéresser à cette question. Nous avons un ministre qui est un agriculteur de l'Atlantique. Il comprend les problèmes des petites exploitations agricoles, et cetera. Je ne dis pas qu'il sera capable de résoudre nos problèmes. C'est un bon gars. Il ne fait pas des miracles, mais il ne pourra pas nous aider si nous ne lui parlons pas et si nous ne présentons pas le problème.

En ce qui concerne ce dont nous parlons, l'autre problème, c'est les marchés et les emplois que nous manquons dans le Canada atlantique. Nous pouvons produire beaucoup de porc, dans le Canada atlantique, mais c'est inutile si nous n'avons pas de moyen de les abattre et de les exporter. L'exportation est facile. Nous avons deux ports. Il y a Halifax et l'autre petit port, ici, au Nouveau-Brunswick, mais c'est à Halifax que nous voulons aller. On me paie pour dire cela, soit dit en passant. Sur ma carte d'affaires, il est écrit que je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Il est important que nous essayions de tirer le maximum de bienfaits. Ce n'est pas un problème que nous pourrons régler demain. C'est un problème à long terme qui requiert un plan à long terme.

M. McCallum : Bien des éléments que les marchés d'exportation recherchent, en particulier quand nous parlons de l'Union européenne et de certains pays des Caraïbes, sont déjà incorporés dans nos pratiques de production. Nous parlons dans bien des cas de produits sans antibiotiques et sans hormones. C'est ce que nous faisons. Nous n'avons pas 60 000 unités de porc comme au Québec et dans l'Ouest. Nous sommes relativement spécialisés, sur le plan de nos pratiques de production, et cela représente une occasion.

En ce qui concerne la géographie, nous sommes le port le plus près du marché européen. Nous nous trouvons sur les principales routes de navigation à destination de l'Amérique centrale et de la côte est des États-Unis. Nous sommes le dernier port d'escale avant l'Europe. Cela nous offre d'énormes possibilités. Nous devons atteindre un petit nombre seulement de ces petits marchés de spécialité que Scott a mentionnés sur la côte est américaine ou dans l'Union européenne pour produire un effet important sur nos collectivités rurales dans les Maritimes.

Le sénateur Mercer : Je vous rappelle que le Port de Halifax est aussi plus près.

M. McCallum : Sans glace.

Le sénateur Mercer : C'est vrai, mais il est aussi plus près des marchés de l'Inde et du sud de la Chine. Maintenant que j'ai résolu tous les problèmes en vous les transmettant, je vous remercie, messieurs.

M. McCallum : Merci beaucoup, sénateur Mercer.

La présidente : Monsieur Dingwell, avez-vous quelque chose à dire?

M. Dingwell : À propos de votre question sur l'APECA, nous avons constaté au fil du temps que l'APECA n'intervient pas au niveau de production primaire. Elle serait à n'en pas douter un excellent partenaire pour la transformation, à l'usine, et pour l'exportation et le marketing. Cela pourrait aussi être un enjeu pour le nouveau ministre, alors qu'il se penchera sur le développement économique régional et envisagera encore l'agriculture primaire en raison de l'accès critique.

Vous aviez raison. Quand j'ai mentionné le FAC, j'aurais dû parler de l'APECA aussi, car on pourrait soutenir que le développement à l'appui de la production primaire ne sert qu'à faire avancer l'exportation et le développement de produits de valeur supérieure.

Le sénateur Mercer : Vous ne vendez pas pour la production primaire.

M. Dingwell : C'est en plein cela.

Le sénateur Mercer : Vous vendez pour l'exportation.

M. Dingwell : Nous exportons un produit de grande valeur.

La présidente : Merci beaucoup, madame Sexsmith, messieurs MacLeod, McCallum, Dingwell et Seeber, de vos très intéressants exposés. Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts est ravi d'être venu vous rencontrer dans les Maritimes. Nous allons déposer notre rapport final en juin. Bonne chance dans la réalisation de vos projets.

(La séance est levée.)

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