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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 35 - Témoignages du 17 octobre 2017


OTTAWA, le mardi 17 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 17 h 30, afin de poursuivre son étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bon après-midi, mesdames et messieurs. Bon après-midi, chers collègues. Je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec, et je préside le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.

Aujourd’hui, le comité continuera son étude sur les effets potentiels du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Nous recevons aujourd’hui avec grand plaisir, du Bureau du vérificateur général du Canada, Mme Julie Gelfand, commissaire à l’environnement et au développement durable. Elle est accompagnée de Mme Kimberley Leach, directrice principale, ainsi que de M. Andrew Hayes, directeur principal.

Bienvenus à tous.

Avant de commencer, j’aimerais que mes collègues se présentent en commençant à ma droite.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

Le président : Merci, chers collègues.

Madame Gelfand, je vous invite à nous livrer votre témoignage en vous rappelant que moins il sera long, plus les sénateurs pourront vous poser des questions. Croyez-moi, les sénateurs sont avides de vous poser des questions.

Permettez-moi avant de commencer de vous présenter Mme Claudette Tardif, sénatrice de l’Alberta et membre du comité.

La sénatrice Tardif : Bonjour.

Julie Gelfand, commissaire à l’environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités aujourd’hui à prendre part à votre étude très importante concernant les impacts des changements climatiques sur l’agriculture. Comme vous l’avez déjà dit, je suis accompagnée de Kimberley Leach et Andrew Hayes qui sont les deux directeurs principaux de mon équipe.

Mes rapports de l’automne 2017, qui ont été présentés au Parlement il y a deux semaines, portent sur trois secteurs pour lesquels le gouvernement s’efforce de lutter contre les changements climatiques : la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’adaptation aux impacts des changements climatiques et la promotion du développement des technologies d’énergie propre.

Mon rapport du printemps de 2016 sur l’atténuation des effets du temps violent pourrait aussi vous intéresser. Bien qu’aucun des rapports ne porte expressément sur l’agriculture ou sur les forêts, certains éléments dans les rapports pourraient se révéler utiles pour l’étude de votre comité.

Ces audits montrent qu’en matière de mesures liées aux changements climatiques, il reste au Canada beaucoup de travail à faire pour atteindre les cibles qu’il s’est fixées.

[Traduction]

Dans le cadre de notre premier audit, nous avons examiné si Environnement et Changement climatique Canada avait mené les efforts visant à honorer les engagements pris par le Canada en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le Canada a manqué toutes ses cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre depuis 1992 — c’est-à-dire depuis 25 ans —, et il n’est pas non plus en voie d’atteindre la cible de 2020. Notre audit a établi que le gouvernement fédéral se concentre maintenant sur une nouvelle cible, qui place la barre plus haut et qui doit être atteinte en 2030. Cela revient à retarder encore davantage l’échéance pour atteindre la cible de réduction des émissions.

En décembre dernier, le gouvernement a publié son nouveau plan en matière de changements climatiques, soit le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Environnement et Changement climatique a fait des progrès en ce qui concerne la collaboration avec les territoires et les provinces pour élaborer ce nouveau plan en vue d’atteindre la cible de 2030, mais ce plan n’en reste pas moins le dernier d’une série de plans qui ont vu le jour depuis 1992 et qui n’ont pas été mis en œuvre efficacement.

Environnement et Changement climatique Canada a déjà établi que, si toutes les mesures de réduction prévues dans le cadre pancanadien sont mises en œuvre dans les délais prévus, les émissions baisseront, mais il faudra quand même des mesures additionnelles — au-delà de ce qui est déjà prévu dans le cadre pancanadien — pour atteindre la cible de 2030.

Dans notre deuxième audit, nous avons examiné les efforts du gouvernement pour s’adapter aux impacts des changements climatiques. Nous avons examiné 19 organisations fédérales — notamment Ressources naturelles Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada — pour vérifier si elles avaient défini les risques liés aux changements climatiques pour leurs activités et activités, et si elles avaient pris des mesures pour y répondre.

Nous avons constaté qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada faisait partie des neuf ministères et organismes qui n’avaient pas entièrement évalué les risques liés aux changements climatiques dans leurs secteurs de responsabilité. Cela signifie que le ministère n’a pas fourni d’information précise sur les conséquences possibles des changements climatiques, la probabilité de leur survenance ou leur ampleur. Il a cependant pris des mesures pour contrer certains impacts des changements climatiques, qui sont décrits dans ses documents de gestion des risques organisationnels. Ainsi, Agriculture et Agroalimentaire Canada a déterminé que les changements climatiques étaient un facteur aggravant des crises causées par des catastrophes naturelles, comme les sécheresses et les orages violents.

Afin de contrer le risque de sécheresse et les pertes qui en résultent, le ministère a examiné l’aide financière qu’il verse aux agriculteurs dans le cadre de ses programmes de gestion des risques de l’entreprise, pour veiller à offrir un appui adéquat aux producteurs agricoles qui font face à de telles crises.

Nous avons recommandé dans notre rapport qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada recense, évalue, classe par ordre de priorité et traite les risques liés aux changements climatiques dans ses secteurs de responsabilité. Le ministère a accepté notre recommandation, et sa réponse figure dans le rapport.

[Français]

Nous avons par ailleurs constaté que le ministère Ressources naturelles Canada faisait partie des cinq ministères et organismes qui avaient mené des évaluations approfondies des risques liés aux changements climatiques dans leur secteur de responsabilité et intégré l’adaptation à leurs programmes et activités. Les évaluations de Ressources naturelles Canada décrivaient les plus importants risques liés aux changements climatiques et cernaient les secteurs de programmes les plus susceptibles d’être touchés.

En 2010, une évaluation ministérielle a permis d’identifier 14 risques qui menaçaient les divers secteurs du mandat du ministère Ressources naturelles Canada, notamment les forêts, les mines et le secteur énergétique. Parmi les risques élevés, il y avait l’accroissement de l’intensité et de la fréquence des feux de forêt et des inondations, l’accroissement du nombre d’espèces envahissantes, l’élévation du niveau de la mer et le dégel du pergélisol. Ces risques pourraient avoir un impact sur la viabilité de divers projets de mise en valeur des ressources, notamment leur accessibilité et leur distribution.

Nous avons aussi constaté que le ministère Ressources naturelles Canada avait fait des progrès pour contrer les risques liés aux changements climatiques et avait joué un rôle déterminant pour favoriser l’adaptation aux changements climatiques. Par exemple, sa plateforme d’adaptation aux changements climatiques a apparemment été une tribune canadienne très utile pour regrouper les professionnels du domaine en vue de discuter des difficultés rencontrées et d’échanger des connaissances.

Cependant, nous avons constaté que même si Environnement et Changement climatique Canada avait élaboré un cadre stratégique fédéral sur l’adaptation en 2011, le ministère n’avait rien fait pour le mettre en œuvre. Il n’a pas non plus fourni aux autres organisations fédérales des conseils et outils adéquats pour pouvoir cerner leurs risques liés aux changements climatiques.

De nombreux ministères ont un tableau incomplet des risques qui les menacent. Le gouvernement fédéral, pour sa part, n’a pas le portrait complet des risques liés aux changements climatiques qui pèsent sur lui. Pour que le Canada puisse s’adapter à un climat changeant, il faut qu’Environnement et Changement climatique Canada exerce un leadership plus fort et il faut aussi que les différents ministères fassent davantage preuve d’initiative.

[Traduction]

Notre troisième audit a porté sur trois fonds qui appuient le développement de projets de démonstration de technologies d’énergie propre. Ces technologies constituent un des moyens qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production et de l’utilisation de l’énergie. Je suis très heureuse d’annoncer que les trois fonds que nous avons examinés fonctionnent généralement bien.

Bien que l’agriculture soit l’un des secteurs dans lesquels Technologies du développement durable Canada appuie des projets, nous avons axé notre audit sur les secteurs plus directement liés aux avantages prévus de la lutte contre les changements climatiques. Ces secteurs sont l’exploration et la production d’énergie, l’utilisation de l’énergie, la production d’électricité et les transports.

Toutefois, pour votre information, il est indiqué sur le site web de Technologies du développement durable Canada que son Fonds de technologies du développement durable finance des projets d’énergie propre comme les technologies mises au service des grands parcs d’engraissement de bovins et de porcs qui utilisent le purin pour produire de l’énergie, ainsi que les technologies qui produisent de l’éthanol, de l’électricité et des sous-produits de fertilisants au moyen du bioraffinage de matières premières comme le grain ou la betterave à sucre.

Enfin, dans notre rapport du printemps 2016 sur l’atténuation des effets du temps violent, nous avons constaté que l’information destinée à prédire l’intensité, la durée et la fréquence des précipitations, appelées les courbes IDF, n’avait pas été produite de manière continue depuis 2006. Nous avons aussi constaté que la moitié des cartes délimitant les plaines inondables au Canada n’avaient pas été mises à jour depuis 1996.

[Français]

En conclusion, monsieur le président, j’ajouterais que les comités parlementaires comme le vôtre sont bien placés pour aider le gouvernement à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter aux changements climatiques. Je tiens à féliciter votre comité pour l’étude qu’il a entreprise et je vous remercie encore de nous avoir invités à y participer. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie, madame Gelfand. Avant de donner la parole aux sénateurs, j’aimerais faire une observation. Vous savez fort bien que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts est le comité le plus important, car s’il n’y a pas d’agriculture, il n’y a pas de nourriture et nous ne dépenserons plus d’énergie nulle part.

Mme Gelfand : Nous n’en aurons pas nous-mêmes.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Merci de votre exposé.

Je ne sais pas si j’ai compris ne serait-ce que la moitié de ce que vous avez dit. Je n’ai pas un esprit scientifique. Si je regarde mes notes ici, je vois qu’en 2009, les émissions totales de gaz à effet de serre s’élevaient à 689 millions de tonnes, comparativement à 722 millions de tonnes en 2015. Il est donc évident que nous accusons un retard important. Sommes-nous maintenant sur la bonne voie? L’avons-nous jamais été?

Je sais que vous avez laissé entendre que le leadership dans ce dossier laisse à désirer. Sommes-nous maintenant sur la bonne piste? Êtes-vous convaincue que nous nous attaquons à ce problème comme il se doit?

Mme Gelfand : C’est une question vraiment intéressante. Laissez-moi vous dire ce que nous savons. Nous savons que le Canada s’est déjà fixé plusieurs cibles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous savons aussi qu’aucune de ces cibles n’a été atteinte. Le Canada n’a atteint aucun de ses objectifs. Sa plus récente cible, qu’il était censé atteindre en deux ans et quelques mois, est aujourd’hui passée sous silence, d’autant plus qu’il retarde l’échéance de 10 ans. Voilà qui complique la tâche. La nouvelle cible se chiffre à environ 530 mégatonnes. Comme vous le dites, nous en sommes à 720 mégatonnes et, il y a 25 ans, nous avions commencé à 600 mégatonnes. Par conséquent, nos émissions n’ont cessé d’augmenter, alors que les cibles ont fluctué, mais le nouvel objectif pour 2030 est assez bas. Il est donc encore plus difficile de l’atteindre.

Le sénateur Doyle : Puisque la réduction visée est assez faible, nous serions peut-être en mesure d’y arriver. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Gelfand : Je ne dis pas cela. Je dis que nous n’avons atteint aucune des cibles fixées.

Par ailleurs, nous avons produit plusieurs plans dans le passé. Vous savez à quel point les vérificateurs sont pointilleux. On peut dire qu’il y a eu entre 5 et 11 différents plans au cours des 25 dernières années pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elles sont à la hausse, et non pas à la baisse; pourtant, aucun de ces plans n’a été adéquatement mis en œuvre.

Nous avons maintenant un nouveau plan, mais ce n’est rien de plus, car il n’a pas été mis en application. Kim dira qu’il y a probablement un autre plan. En fait, il y a eu deux plans : celui-ci et peut-être un autre, que vous jugerez sans doute bon. La raison pour laquelle il s’agit d’un bon plan, c’est que les provinces et les territoires y participent, à l’exception du Manitoba et de la Saskatchewan. Mais c’est la première fois que le gouvernement fédéral a mobilisé les provinces pour qu’elles se mettent d’accord et travaillent ensemble.

Le gouvernement fédéral et les provinces ont beaucoup travaillé dans ce domaine. Ils ont élaboré des rôles et des responsabilités. Ils ont créé une charte. C’est le mieux qu’ils puissent faire en matière d’organisation et de planification. Ce que nous attendons maintenant, c’est qu’ils concrétisent le tout.

Pour être juste à leur égard, il faut reconnaître qu’ils ont rendu public le plan en décembre 2016; il ne s’est donc même pas écoulé un an. Nous effectuerons un autre audit afin de vérifier la mise en œuvre du cadre pancanadien, mais à ce stade-ci, je ne saurais vous dire s’il y a de quoi être optimiste ou pessimiste. Je peux simplement vous dire que nos émissions ont augmenté, qu’elles continueront d’augmenter et que nous avons manqué toutes nos cibles. De nombreux plans ont déjà vu le jour. Nous en avons maintenant un nouveau.

Le sénateur Ogilvie : J’aimerais savoir — et peut-être mes collègues aussi — comment vous avez obtenu les chiffres, c’est-à-dire comment vous avez déterminé que les émissions du Canada s’élèvent à X centaines de millions de tonnes ou peu importe. Le Canada est un vaste pays, dont la superficie est la deuxième en importance au monde. Comment les émissions sont-elles mesurées, et jusqu’à quel point sommes-nous convaincus de savoir combien de carbone est rejeté dans l’atmosphère d’un bout à l’autre de notre vaste pays?

Mme Gelfand : C’est une question très technique. Environnement et Changement climatique Canada serait le mieux placé pour y répondre. Ce sont ses scientifiques qui compilent les données sur les émissions. Je sais que Kim s’est déjà penchée sur la question des émissions et sur leur degré de fiabilité. Si je me souviens bien, nous devrions faire assez confiance aux chiffres. Sont-ils parfaits à 100 p. 100? Il faudrait poser la question aux scientifiques d’Environnement et Changement climatique Canada.

Le sénateur Ogilvie : Il est impossible que les chiffres soient exacts à 100 p. 100 parce qu’il n’y a aucun moyen de couvrir tout le pays et de mesurer toutes les émissions de dioxyde de carbone sur ce vaste territoire. Selon moi, une des choses qu’un vérificateur général voudrait connaître, c’est le bien-fondé des estimations sur lesquelles nous nous appuierons pour tirer des conclusions très importantes à l’avenir et l’exactitude de ces chiffres. Ce ne sont là que des estimations sous une forme ou une autre. Il s’agit donc de savoir à quel point nous faisons confiance au bien-fondé des estimations.

Mme Gelfand : Permettez-moi de poser la question à Kim. Andrew, je ne sais pas si vous voulez également intervenir.

Kimberley Leach, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci de la question.

Environnement et Changement climatique Canada est chargé de l’estimation des émissions au Canada. Il le fait conformément aux lignes directrices qui sont établies par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC, qui rassemble des centaines de scientifiques et d’experts pour énoncer les règles en la matière, et ce, depuis 1992.

Le GIEC a approfondi son expertise au fil des ans. Environnement et Changement climatique Canada publie chaque année, en avril, le Rapport d’inventaire national, qui mesure les émissions. Le dernier rapport mesure les émissions jusqu’en 2015. Nous avons déjà examiné les méthodes utilisées à cet égard — par « nous », j’entends le Bureau du vérificateur général du Canada — et nous avons effectué une analyse comparative de ce travail pour voir comment il se compare à ce qui se fait à l’échelle internationale. Nous avons obtenu d’assez bons résultats.

Vous avez tout à fait raison. Il est question de facteurs d’émissions, d’hypothèses et de modélisation. Personne ne se promène avec un appareil pour mesurer les émissions de chaque tuyau d’échappement. Toutefois, je dirais que ces hypothèses sont très crédibles partout dans le monde.

Le sénateur Ogilvie : Merci beaucoup.

Je n’irai pas plus loin. En tant que scientifique, je sais que les modèles prêtent flanc à une grande marge d’interprétation. Le fait qu’ils soient utilisés depuis longtemps ne me rassure guère, même si je présume que nos modèles sont identiques à ceux adoptés dans d’autres pays et qu’il serait donc tout à fait raisonnable d’obtenir des résultats comparables. Je vous remercie.

Le sénateur Oh : Merci, madame la commissaire.

Voici ma question pour vous. Je m’intéresse particulièrement aux leçons utiles que nous pouvons tirer des approches internationales en matière de lutte contre les changements climatiques, approches qui sont présentées dans votre rapport. Quelles sont les mesures concrètes qui sont prises par la communauté internationale et qui s’avèrent les plus utiles pour le Canada, dans le contexte de la politique Ciel bleu, de l’accord sur la qualité de l’air et de tout le reste? Nous sommes en retard. Nous nous démenons pour aller de l’avant. Qu’en est-il du reste du monde et du reste du pays? Que se passe-t-il?

Mme Gelfand : Le Canada n’atteint pas ses cibles, alors que d’autres pays y arrivent. Nos émissions continuent d’augmenter, mais nous savons, d’après les rapports des Nations Unies, que d’autres pays atteignent leurs cibles et certains même les dépassent; nous ne sommes donc pas en bonne compagnie. Certains pays s’en tirent mieux que d’autres. Nous mettons toujours l’accent sur le Canada et sur ce qui s’impose dans notre pays. Ma sphère de compétence est essentiellement le Canada.

Le sénateur Oh : Que répondriez-vous à la question que je vous ai posée sur les approches internationales et les mesures concrètes qui sont prises par la communauté internationale et qui s’avèrent les plus utiles pour le Canada?

Mme Gelfand : Nous avons tenu compte de l’évaluation des risques et, dans notre chapitre sur l’adaptation, nous avons examiné ce que les autres pays faisaient en matière d’adaptation. Par exemple, nous avons constaté qu’au Royaume-Uni, en Finlande et en Allemagne — pour ne nommer que ceux-là —, l’adaptation aux changements climatiques est en fait prévue dans la loi. Ainsi, il y a une loi qui oblige les gouvernements à définir tous leurs risques liés aux changements climatiques ou à mettre en œuvre un plan d’action au regard de ces risques.

C’est pourquoi certains pays sont en avance sur nous : ils évaluent les risques liés aux changements climatiques, les classent par ordre de priorité et mettent au point un plan d’adaptation pour ensuite le rendre public. Voilà ce qui se passe à l’échelle internationale, alors qu’au Canada, nous nous en tenons pour l’instant à un cadre stratégique. Environnement et Changement climatique Canada a produit ce cadre, sans toutefois offrir les outils nécessaires aux autres ministères pour leur permettre de passer à l’action, si bien qu’ils n’ont pas tous fait ce qui s’imposait. En fait, nous avons constaté que seulement 5 des 19 ministères avaient effectué une bonne évaluation des risques pour l’adaptation aux changements climatiques. Entre-temps, dans d’autres pays, il s’agit d’une loi. Les gouvernements sont tenus de cerner les impacts et les risques, de les classer par ordre de priorité, d’élaborer un plan d’adaptation et d’en rendre compte à la population.

Le sénateur Oh : Au Canada, nous ne faisons pas beaucoup de production manufacturière. Notre population se chiffre à 36 millions seulement, et il n’y a pas beaucoup d’activités de fabrication. Nous nous sommes débarrassés de toutes les centrales électriques alimentées au charbon et, pourtant, nous tirons toujours de l’arrière.

Mme Gelfand : Je ne peux pas expliquer pourquoi il en est ainsi. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a aucune loi qui oblige le gouvernement du Canada à évaluer ses risques liés aux changements climatiques. Dans notre rapport, nous parlons de 66 milliards de dollars d’actifs et, au plus haut niveau, le gouvernement du Canada n’est pas au courant des risques qui pèsent sur ces actifs et sur l’exécution des programmes.

Nous savons que les effets des changements climatiques se font déjà sentir. Nous assistons à des tempêtes de plus en plus intenses, à des inondations, à des feux de forêt de plus en plus violents et à la montée du niveau des océans. Ces impacts se manifestent déjà et le gouvernement, aux plus hauts échelons, n’est pas à l’affût des risques qui menacent ses actifs et l’exécution des programmes, contrairement aux gouvernements d’autres pays.

[Français]

La sénatrice Tardif : Je vous souhaite la bienvenue, madame la commissaire. Vous avez indiqué qu’Environnement et Changement climatique Canada n’avait pas mis de l’avant un plan pour la mise en oeuvre du cadre stratégique d’adaptation qui avait été élaboré en 2011. Ont-ils un plan pour faire le suivi des provinces et des territoires qui font maintenant partie du cadre pancanadien afin d’atteindre les cibles de 2030?

Mme Gelfand : Nous n’avons pas encore passé en audit. Pour répondre à votre question, je peux vous dire qu’ils travaillent beaucoup mieux avec les provinces et les territoires. Ils travaillent beaucoup mieux avec les autres ministères fédéraux pour essayer d’atteindre les nouvelles cibles, mais comme nous n’avons pas encore passé en audit la mise en œuvre du Cadre pancanadien, je ne peux pas vous dire exactement où ils en sont rendus. On peut vous dire qu’il y a un nouveau plan. Il est meilleur que d’autres plans parce que les provinces et les territoires en font partie. Ils ont établi des rôles et des responsabilités à l’intérieur du gouvernement fédéral. Ils ont une charte des responsabilités. Alors, la planification se fait beaucoup mieux que dans le passé, mais on n’a pas encore réalisé la mise en oeuvre en audit.

Le sénateur Dagenais : Ma première question est plus générale. Compte tenu des engagements connus de l’actuel gouvernement en matière de lutte aux changements climatiques, pouvez-vous nous dire si les mesures mises en place font que ce sont des cibles réalisables avec les ressources et les cadres financiers que l’on connaît? Je vous vois sourire. Je crois que vous avez déjà une réponse.

Mme Gelfand : Environnement et Changement climatique Canada a déjà indiqué publiquement que même s’il mettait en œuvre tout ce qui est dans le Cadre pancanadien, il y aura encore un écart. Cela demandera encore plus de mesures que ce qui est inclus dans le plan.

Le sénateur Dagenais : Allez-vous faire un rapport plus tard en disant que les cibles ont été ratées?

Mme Gelfand : Il faut leur donner un peu de temps pour qu’ils mettent en œuvre le plan. On leur donne un an, deux ans ou trois ans. Ensuite, on fera un audit sur la mise en œuvre du Cadre pancanadien, incluant le prix sur le carbone qui fait partie de ce plan et on étudiera toutes les mesures. Effectivement, il y aura un audit en termes de la mise en œuvre du plan.

Le sénateur Dagenais : Prenons l’hypothèse que certains pays atteindront leurs cibles et que le Canada, lui, en sera incapable. Est-ce parce que ces cibles n’étaient pas réalisables ou parce que les gouvernements n’ont pas pris les moyens pour l’atteindre?

Mme Gelfand : Je vous dirais que c’est la deuxième partie de votre question. Ils ont développé des plans, mais ils ne les ont jamais vraiment mis en œuvre. Des mesures ont presque été mises en place. Elles ont été retirées. Alors, on n’a pas mis en œuvre les plans qui ont été développés et cela date de 25 ans.

Le sénateur Dagenais : C’est une très bonne réponse, madame Gelfand. Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Merci, madame la commissaire. Je tente de comprendre ce que vous vérifiez exactement. Vous parlez fréquemment de la question de savoir si les ministères ont mis en place des plans qui respectent le cadre élaboré par le gouvernement fédéral et s’ils ont donné suite à leurs plans. Vérifiez-vous en fait le contenu du plan, c’est-à-dire l’efficacité des mesures? Comprenez-vous où je veux en venir en ce moment? Un ministère pourrait disposer d’un plan et suivre ce plan, mais le plan pourrait être déplorable ou ne rien accomplir. Donc, comment en arrivez-vous à la question de savoir si un plan fonctionne en réalité?

Je vais vous donner un exemple simple dont nous discutons en ce moment, c’est-à-dire la taxe sur le carbone. Disons que la taxe sur le carbone fait partie du plan. Je sais qu’elle n’a pas encore été mise en œuvre et que son élaboration est toujours en cours. Dans le cadre de vos vérifications, examinez-vous si la taxe sur le carbone serait un moyen efficace d’atteindre les objectifs que nous avons établis, ou vous contentez-vous de dire : « Il y a un plan, et ils le mettent en œuvre. Alors, ils obtiennent une note de A+ »?

Mme Gelfand : Tout dépend de la vérification. Au cours de certaines vérifications, nous analysons l’efficacité du plan. C’est l’un des « E » dont nous parlons au cours de la vérification, à savoir l’économie, l’efficacité, l’efficience et l’environnement. L’efficacité des plans est assurément un aspect que nous pouvons examiner et vérifier. Mais nous ne le faisons pas chaque fois.

En ce qui concerne le Cadre pancanadien, nous ne l’avons pas encore vérifié. Cela surviendra une fois qu’un peu de temps se sera écoulé.

Dans le cas de l’adaptation, nous avons examiné si les ministères suivaient le cadre sur l’adaptation qui exige une évaluation complète des risques liés à l’exécution de la totalité de leur mandat et à la prestation de tous leurs programmes. Cinq ministères ont donc étudié le changement climatique et se sont interrogés sur l’incidence qu’il a sur leurs biens, sur leur mandat et sur tout ce qu’ils font. Ils examinent le changement climatique en fonction de l’ensemble de leur ministère.

Puis trois autres ministères, qui comprennent les ministères de l’Agriculture et de la Défense nationale ainsi qu’un troisième ministère, ont déclaré que le changement climatique représentait un risque qui aura une incidence sur une partie de leur mandat. Par conséquent, ils ont déterminé qu’ils pourraient prendre des mesures à cet égard. Toutefois, nous ne leur avons pas accordé une note de passage, parce qu’ils n’ont pas examiné tous les aspects. Le cadre sur l’adaptation, c’est-à-dire le document en question, stipule que chaque ministère est censé examiner la totalité de son mandat, la prestation de ces services et l’incidence du changement climatique sur tous ces éléments. Comme ces ministères ne l’ont pas fait, ils ont échoué la vérification.

Alors, pour répondre à votre question, je confirme que nous examinons parfois l’efficacité du plan. Dans le cas présent, nous avons examiné l’évaluation des risques, et nous avons déterminé essentiellement si leur effort d’évaluation des risques était satisfaisant ou non. Cette réponse vous aide-t-elle?

Le sénateur Woo : Oui, elle est très utile.

[Français]

La sénatrice Gagné : J’ai parcouru votre rapport. Bravo! Il est très facile à lire et à comprendre.

Ce que j’ai entendu de votre présentation, c’est que, oui, il existe des plans. Ils ont été élaborés, mais ils n’ont pas été mis en œuvre. J’entends aussi que le Canada n’évalue pas bien ses risques et ne respecte pas ses cibles. Par contre, vous avez mentionné que, depuis quelques années, on a réussi à engager les gouvernements provinciaux et territoriaux dans ce processus de mise en œuvre et à établir des mesures pour réduire les gaz à effet de serre.

Ma question est la suivante : selon vous, quel est le gage de succès? Comment réussira-t-on à élaborer des plans qui nous permettront d’atteindre nos cibles? Est-ce un processus qui inclura la participation des gouvernements provinciaux? Est-ce un cadre réglementaire plus rigoureux? Est-ce une loi? J’aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.

Mme Gelfand : Malheureusement, c’est une question de politique. Je ne peux pas vous donner mon opinion à ce chapitre. Je peux toutefois vous dire que le gouvernement a indiqué qu’il voulait faire une chose, et moi, je ferai un audit pour voir s’ils ont atteint cet objectif.

On a quand même donné notre opinion sur le nouveau Cadre pancanadien en affirmant que c’était une bonne chose d’avoir impliqué les provinces. Pour atteindre nos cibles de réduction de gaz à effet de serre, on devra faire appel à toute la collectivité. On a tous un rôle à jouer et une responsabilité à assumer. Le gouvernement ne peut pas le faire tout seul. Travailler avec les provinces, à notre avis, était une bonne décision.

Si le gouvernement décide qu’il veut une loi pour atteindre la cible, c’est à lui d’en prendre la décision. C’est vraiment à lui de mettre en œuvre les plans. Comme je l’ai dit, même s’il mettait en œuvre tout ce qui est dans le Cadre pancanadien, il restera un écart et d’autres mesures s’imposeront.

La question que vous me posez en est vraiment une de politique et, à titre de vérificateur, je ne peux pas y répondre. C’est le travail des parlementaires.

La sénatrice Gagné : Je comprends. Je vais tenter de vous poser la question d’une autre façon. Ai-je bien compris que les pays qui ont une loi réussissent mieux à atteindre leurs cibles par la mise en œuvre de plans intégrés?

Mme Gelfand : Je vais dire, en gros, non. Ce dont je parlais, en termes des autres pays, c’était pour l’adaptation aux changements climatiques. Les pays dont je parlais ont des lois sur l’adaptation. Il est prévu dans leurs lois qu’ils doivent connaître les risques, élaborer des plans et les mettre en œuvre, et rendre des comptes au public. Ces pays sont plus prêts à s’adapter aux impacts.

La sénatrice Gagné : Cela pourrait-il être avantageux pour le Canada aussi?

Mme Gelfand : Ce sont les parlementaires qui devront en décider.

La sénatrice Petitclerc : On a répondu à plusieurs de mes questions.

Vous avez mentionné que ces plans étaient soit inadéquats ou mal appliqués. Ce qui revient beaucoup, c’est le fait que les provinces sont maintenant plus engagées.

Il ne peut y avoir qu’un seul facteur qui fasse en sorte que les résultats n’ont pas été obtenus. Je serais curieuse de connaître les autres facteurs ou faiblesses que vous avez constatés et qui font qu’on ne réussit pas. D’où vient cet objectif de 2030, qui est très ambitieux et semble un peu irréaliste? Comment expliquer tout ce phénomène?

Mme Gelfand : Il est très difficile pour moi de vous dire pourquoi le gouvernement fédéral, qui développe un plan pour atteindre un objectif, ne le met pas en œuvre. Ce n’est pas une question à laquelle je peux répondre. Il élabore des plans, les uns après les autres, et on ne les voit pas être mis en application. Je ne peux pas dire pourquoi il en est ainsi. Ce serait une question à poser soit au ministre ou au département visé. Je ne sais pas où est le blocage.

Pour répondre à votre deuxième question, les cibles sont déterminées par le gouvernement. Lors des réunions internationales, devant les Nations Unies, le gouvernement fixe des cibles à atteindre en disant : voici la partie à laquelle Canada contribuera. Il est vrai que le prochain objectif, celui de Paris, qui est d’atteindre une cible de 523 mégatonnes d’ici 2030, a un écart de presque 200 000 mégatonnes, ce qui est considérable. Le Cadre pancanadien arrive à 30 000 ou 40 000 mégatonnes près, mais il faut que tout soit mis en œuvre dans les délais prévus, que tout soit à jour et que les budgets soient respectés pour atteindre cette cible. A-t-on la volonté politique nécessaire? Ce sont des questions auxquelles je ne peux pas répondre.

Le sénateur Pratte : J’essaie de rapprocher la discussion le plus possible de notre mandat, qui est d’étudier l’impact des changements climatiques sur les secteurs agricole et forestier. Je me demande ce que vous avez trouvé sur Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ma question fait, en quelque sorte, suite à celle du sénateur Woo. J’essaie de comprendre l’importance de ce que vous avez trouvé pour le secteur agricole canadien. Je vous pose la question un peu bêtement, à savoir ce que cela change exactement? À la lecture de ce que vous avez trouvé, ce n’est pas comme si le ministère n’était pas conscient de l’importance des changements climatiques. Il semble en être assez conscient, car il a identifié un certain nombre de risques. Ce n’est peut-être pas aussi complet que ce que vous voulez. J’essaie de comprendre exactement ce que vous leur reprochez, et ce que cela change pour le secteur agricole et les changements climatiques.

Mme Gelfand : Concernant la deuxième partie, c’est difficile pour moi d’y répondre. Nous avons regardé si les ministères avaient suivi la politique et le cadre stratégique. Dans le cadre stratégique, il est écrit que chaque ministère doit déterminer tous les risques associés aux changements climatiques et qui concernent leur mandat et la livraison de leurs programmes. Cinq ministères ont bien fait l’évaluation des risques. Trois l’ont fait de façon acceptable, dont Agriculture et Agroalimentaire Canada. Par contre, comme ils n’ont pas suivi le cadre stratégique, ils n’ont pas tenu compte de l’impact des changements climatiques sur la totalité de leurs programmes. C’est pour cette raison qu’ils sont dans la colonne de ceux qui n’ont pas réussi le test.

Le sénateur Pratte : Ils ne l’ont pas fait de façon suffisamment systématique?

Mme Gelfand : Ils ne l’ont pas fait pour tous leurs programmes. Ils ont dit qu’ils savent que les changements climatiques auront un impact important ici et qu’ils feront quelque chose. Un peu comme le ministère de la Défense nationale qui disait qu’il y aurait un problème dans le Nord et qu’il devra trouver une solution. Toutefois, ils n’ont pas regardé tout leur équipement, toutes leurs bases et toute l’infrastructure pour déterminer les risques que font peser les changements climatiques sur l’ensemble de leurs programmes, et non pas seulement sur un programme ici ou là.

Le sénateur Pratte : Selon ce que je comprends, ils se sont engagés à le faire, dans la réponse à votre rapport.

Mme Gelfand : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : En ce qui concerne l’incidence économique, qui est le quatrième « E » dont vous avez parlé, si notre industrie agricole n’atteint pas ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre, devra-t-elle en payer le prix, par exemple par une réduction de sa production ou une augmentation de ses coûts de production?

Deuxièmement, avez-vous étudié le potentiel de séquestration du carbone qu’aurait un programme de reboisement massif? Cela nous aiderait-il à atteindre nos objectifs globaux en matière de réduction des gaz à effet de serre?

Mme Gelfand : En fait, je ne peux pas répondre à la première question, car ce n’est pas un aspect que nous avons examiné. Par conséquent, je ne peux pas vous dire en quoi ce prix consistera. Nous n’avons pas vérifié cette question.

Deuxièmement, l’utilisation des forêts et des sols est calculée à l’échelle des Nations Unies. Son utilisation à l’échelle nationale est donc très discutable. Comment peut-on mesurer le stock de carbone piégé par les arbres? Qu’arrivera-t-il si ces arbres sont coupés ou brûlés? La question de savoir si les forêts sont des puits de carbone ou des sources de gaz à effet de serre est une question technique. Nous avons demandé à Ressources naturelles Canada et à Environnement Canada comment ils gèrent cet enjeu. Nous avons découvert qu’ils étudient cette question en ce moment, mais qu’ils sont encore en train de déterminer comment ils géreront le secteur forestier canadien à cet égard. Pour le moment, nous nous sommes contentés de dire qu’ils examinaient la question.

Les arbres captent manifestement le carbone, mais ils ne vivent pas éternellement. Ils tombent, meurent et se régénèrent, ils brûlent ou nous les utilisons dans des bâtiments. Nous nous en servons pour ériger des structures. Par conséquent, la question des forêts est un enjeu très complexe sur le plan technique. Si vous avez eu du mal à comprendre mon exposé, j’ai, en revanche, du mal à comprendre la question des forêts et de l’utilisation des sols. C’est vraiment technique.

[Français]

La sénatrice Tardif : Notre comité revient d’une mission d’étude en Nouvelle-Écosse qui portait sur les effets des changements climatiques sur les secteurs agricole et forestier.

Plusieurs des témoins nous ont indiqué, lors de nos audiences publiques et lors de nos visites sur le terrain, qu’il n’y avait pas suffisamment de recherches et d’investissement dans les nouvelles technologies afin de leur fournir les données nécessaires.

Croyez-vous que les ministères ont investi suffisamment dans la recherche et dans les nouvelles technologies pour les aider à évaluer les risques dans toute cette question des changements climatiques?

Mme Gelfand : Nous n’avons pas fait d’audit là-dessus, mais nous pouvons vous en parler. Ressources naturelles Canada a développé une plateforme d’adaptation. Il tient une réunion tous les deux ans, je crois, dans laquelle il réunit tous les scientifiques pour parler de l’adaptation aux changements climatiques. Cela dépend des ministères aussi. Par exemple, Pêches et Océans Canada a développé une trentaine d’outils, plusieurs projets de recherche pour leur secteur, en termes d’adaptation aux changements climatiques. Alors cela dépend du ministère et du secteur.

Transports Canada a fait beaucoup de travail de recherche sur l’impact des changements climatiques sur l’industrie ferroviaire et l’industrie marine. Si vos fonctionnaires vous disent que les gens en agriculture n’ont pas fait assez de travail, je crois que c’est parce qu’ils n’ont pas vraiment examiné tous les impacts des changements climatiques sur tous leurs programmes, car le mandat d’Agriculture et Agroalimentaire Canada porte aussi sur la science. Je crois donc que c’est complémentaire comme information.

Pour ce qui est des nouvelles technologies, notre audit a porté sur les nouvelles technologies énergétiques propres. Nous n’avons pas vraiment regardé toutes les nouvelles technologies que le gouvernement fédéral essaie de promouvoir.

Ce que nous avons constaté, par contre, parmi les trois fonds que nous avons examinés, dont deux sont gérés par Ressources naturelles Canada et un par Développement durable et technologie Canada, c’est qu’ils sont très bien gérés. On peut suivre les projets. Ils mènent de bons projets. Ils respectent les budgets. Comme vérificateur, avec tout ce qu’on examine, ce n’est pas souvent qu’on peut dire que le travail est bien fait. Ce n’est pas parfait à 100 p. 100, mais presque. J’aime le dire, car cela fait du bien.

J’ai confiance, et les Canadiens le devraient aussi, en ce que l’argent qu’on dépense pour développer de nouvelles technologies dans le cadre des trois fonds que nous avons examinés est bien utilisé.

Je ne peux pas répondre entièrement à votre question parce qu’on n’a pas fait d’audit, mais je trouve que c’est assez complémentaire.

Le président : J’ai quelques questions pour vous, madame Gelfand. À titre de vérificatrice, j’ai bien confiance en vous, mais cela n’est pas le cas pour tous les vérificateurs du gouvernement.

On étudie en ce moment l’influence de la taxe sur le carbone sur l’agriculture. Les agriculteurs qui viennent témoigner en arrivent presque tous à la même conclusion que la sénatrice Tardif. J’ai bien écouté votre réponse, et c’est bien correct.

Les agriculteurs eux-mêmes font de la recherche. Je vais vous donner un exemple. Vous le savez peut-être, il ne se fait presque plus de labour au Canada, parce que cela crée des émanations de carbone. Cela provient de la recherche universitaire.

Beaucoup de recherche se fait dans les universités canadiennes dans le domaine agricole. D’ailleurs, nous recevons régulièrement les résultats de ces recherches. Les chercheurs ont des informations positives à transmettre aux agriculteurs. Les agriculteurs sont avides de nouvelles méthodes, encore faut-il leur transmettre, parce que, pendant qu’ils plantent leurs patates, ils n’ont pas le temps de penser à une technologie pour les 25 prochaines années. Ils ont besoin que quelqu’un leur montre ces nouvelles technologies.

Si vous aviez des recommandations précises à faire concernant l’impact de la taxe sur le carbone pour les agriculteurs, quelles seraient-elles? Vous pourriez les transmettre au greffier. Il est important de savoir ce que vous en pensez pour établir des comparaisons avec les témoignages qu’on entend et la recherche qui est menée.

Mme Gelfand : Malheureusement, on n’a pas fait d’audit sur le prix du carbone et sur la façon dont ce sera appliqué au Canada. C’est une annonce qui a été faite dans le cadre du Cadre pancanadien. Il n’a pas été mis en œuvre jusqu’à présent. On ne peut pas vous dire pour le moment l’impact du prix sur le carbone.

Le président : On s’entend que personne ne peut fixer le prix en ce moment. Quel sera l’impact de la recherche sur le carbone en matière d’agriculture? Qu’est-ce que les agriculteurs pourront faire pour émettre moins de carbone au cours des prochaines années? Avez-vous une idée? Pouvez-vous nous faire des recommandations? Notre comité est avide de vos recommandations.

Mme Gelfand : Je vous encouragerais à inviter Environnement et Changement climatique Canada et les chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada pour répondre à vos questions. Ce sont eux qui mettront en place le prix sur le carbone. Donc, c’est sans doute eux qui ont les analyses concernant les impacts sur les différents secteurs. Malheureusement, je n’ai pas cette information.

Le président : Ils sont dans la liste des témoins à venir. J’espère qu’ils ne nous répondront pas : vous auriez dû poser cette question à Mme Gelfand.

C’est bien beau une taxe sur le carbone. La communauté européenne en a une. Que fait-on avec l’argent? Personne ne peut nous donner des comptes et on se retrouve avec des ponts, des routes, des écoles, des bibliothèques. Cela ne change rien sur le carbone. À l’heure actuelle, au Canada, il y a le Québec qui investit dans la recherche pour réduire les émissions de carbone. L’Ontario abonde dans le même sens. La Colombie-Britannique a un projet d’envergure pour modifier le sien. Ce n’est pas à point partout.

Quand je regarde les Européens, je regarde l’Accord de Paris, je dis bravo. Vous êtes sûrement allée à Paris. Vous marchez 10 minutes dans la rue et vous êtes intoxiqué avec les émissions de carbone. Cela n’a rien changé à Bruxelles ni ailleurs. C’est beau les grands principes. Les agriculteurs sont les premiers à dire qu’ils sont prêts à faire un effort, mais ils veulent savoir comment s’y prendre. Ce sont des gens comme vous qui peuvent les guider. Notre rapport dira aux agriculteurs : voici l’état de la situation, les avenues pour en arriver à une agriculture rentable qui émet moins de carbone.

Le sénateur Dagenais : Trouvez-vous que les ministères gaspillent des budgets dans des actions qui ne sont pas nécessaires?

Mme Gelfand : C’est une question très large. Ce n’est vraiment pas une question à laquelle je peux répondre. Elle est trop large.

Le sénateur Dagenais : Vous pourrez me l’écrire et me l’envoyer plus tard.

Mme Gelfand : Je ne crois pas qu’on ait examiné cette question. On a regardé si on était en mesure d’atteindre nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre, si on a mis en oeuvre le cadre stratégique sur l’adaptation, si on fait de bons investissements dans les nouvelles technologies énergétiques propres Oui, je peux affirmer qu’on fait de bons investissements par l’entremise de ces fonds. Votre question est trop vague. Je ne peux pas y répondre.

La sénatrice Gagné : Je suis consciente que le vérificateur général du Canada, M. Ferguson, fait aussi des audits en matière de changements climatiques et environnementaux. Je me souviens avoir lu un article ou un petit résumé d’un rapport révélant qu’on n’avait pas nécessairement accès à l’information, à toutes les données financières pour être en mesure de savoir si l’argent était investi au bon endroit.

Quel est son rôle, quel est votre rôle et comment travaillez-vous ensemble?

Mme Gelfand : Vous parlez d’un audit très spécifique sur les subventions aux carburants fossiles. Cet audit a commencé chez nous. M. Ferguson et moi avons décidé que c’est lui qui le déposerait cette fois-ci parce qu’ils ont eu des problèmes avec l’accès à l’information. Comme le ministère des Finances ne voulait pas nous donner accès à l’information, c’est une question beaucoup plus large que l’environnement et même le sujet. C’est une question d’accès qui est fondamentale pour tous les vérificateurs généraux partout dans le monde. En principe, ils doivent toujours avoir accès à l’information. Donc, c’était avec l’un de mes audits qu’on n’avait pas obtenu l’information. Cela va au-delà de moi, cela affecte notre bureau, ainsi que les vérificateurs généraux au Canada et à l’échelle internationale. C’est donc M. Ferguson qui l’a déposé. Habituellement, lorsqu’il s’agit de l’environnement et du développement durable, c’est toujours moi qui les dépose. Toutes les vérifications dans ces domaines relèvent de la commissaire.

Maintenant, vous avez entendu parler de l’agenda 2030 avec les 17 objectifs globaux. Je suis la commissaire du développement durable et ces objectifs de développement durable auront un impact sur l’ensemble du bureau. M. Ferguson fera sans doute aussi des audits dans le domaine du développement durable. D’ailleurs, il en a probablement déjà fait.

Cela répond à votre question?

La sénatrice Gagné : Oui.

Le président : Madame Gelfand, et vos partenaires, je vous remercie. Vous avez pu constater l’intérêt que portent les sénateurs pour ce domaine. Notre comité continuera d’assurer votre présence au gouvernement. Les agriculteurs ont hâte d’obtenir des informations sur les façons d’améliorer leur production.

Je vous remercie.

(La séance est levée.)

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